J’introduis rapidement la question, parce qu’elle
est connue de nos colloques depuis dix-huit ans.
Je crois que rares sont les fois où nous n’avons
pas parlé de la question de savoir si la loi de 1881
devait être maintenue, pénalisée, s’il fallait ou non
la modifier ! La question est récurrente, surtout ces
derniers temps, après les événements de janvier dernier. A-t-elle encore sa place ? C’est le thème central
de notre table ronde.
Georges Kiejman, lors de l’un de nos premiers
colloques, disait à cette table : « C’est la dernière vache sacrée de la République, on n’y touchera jamais. » Il avait alors expliqué en quoi
elle était totalement surannée, déplacée, que l’on
perdait souvent sur des questions de procédures
comme les myriamètres de distance, des délais de
comparution.
Pour autant, nous, les praticiens du droit de la
presse, qui connaissons bien la matière – magistrats du siège comme du parquet, avocats des
parties civiles comme des prévenus, demandeurs
ou défendeurs, éditeurs et journalistes – sommes
très attachés à cette loi. Elle a un mérite considérable : elle existe, elle est prévisible, elle comporte
des règles légales auxquelles s’ajoute tout un corpus jurisprudentiel. Le droit de la presse est, quoi
qu’on en pense, aussi prétorien. Tel que par
exemple le régime de la bonne foi du diffamateur
qui n’est pas posé par la loi de 1881.
Cette jurisprudence ressemble à force à un travail
d’orfèvre. Fort des arguments qu’on lui présente, le
juge place le curseur, au gré des cas…