LEGICOM 2013/3 N° 51

Couverture de LEGI_051

Article de revue

Le livre numérique, objet d'exception(s)

Pages 37 à 47

Notes

  • [1]
    Par mimétisme peut-être avec le monde analogique où les deux éléments sont indissociables.
  • [2]
    La formulation retenue semble démontrer que la définition posée ne prétend pas définir de façon générale et définitive le livre numérique mais plutôt préciser à quelles conditions celui-ci est soumis au prix unique : « La présente loi s’applique au livre numérique lorsqu’il est une œuvre de l’esprit créée par un ou plusieurs auteurs et qu’il est à la fois commercialisé sous sa forme numérique et publié sous forme imprimée ou qu’il est, par son contenu et sa composition, susceptible d’être imprimé, à l’exception des éléments accessoires propres à l’édition numérique » (Loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, art. 1er. C’est nous qui soulignons en italiques ; v. également les précisions apportées par le décret n° 2011-1499 du 10 novembre 2011).
  • [3]
    Vocabulaire de l’édition et du livre (liste de termes, expressions et définitions adoptés), JORF n° 0081 du 4 avril 2012, p. 6130.
  • [4]
    Ibid. Sur cette distinction, v. S. Carrié, « Le livre numérique : un “OCNI” (Objet culturel non identifié) », CCE, oct. 2005, Études n° 36 spéc. p. 22.
  • [5]
    Le livre numérique répond alors aux caractéristiques de l’œuvre multimédia : J.-M. Bruguière et V. Fauchoux, « Le livre numérique. Quel statut juridique ? », RLDI 2011/73, n° 2439, spéc. p. 90, envisagent ainsi l’application du régime distributif défini par la jurisprudence en matière de jeux vidéo. Rappr. E. Derieux, « Le livre à l’ère numérique. Questions juridiques sans réponses », RLDI 2010/60, n° 1997 spéc. p. 90 : « Les citations et notes de bas de pages actuelles seront-elles remplacées par des liens hypertextes, renvoyant à d’autres œuvres ? Tant dans leur dimension morale que patrimoniale, les droits des auteurs de ces œuvres devront, au moment de leur exploitation tout au moins, être pleinement respectés. L’écrit, œuvre individuelle, constituant un livre, devient ainsi une œuvre multimédia (composite ou de collaboration) ».
  • [6]
    Pour un panorama et un historique des formats en matière de livre numérique, v. A. Jacquesson, « Du livre enchaîné aux DRM » , bbf 2011, t. 56, n° 3, p. 36 et s. spéc. p. 38-39.
  • [7]
    Ce dernier, qui s’est imposé comme le standard du livre numérique depuis qu’il a été choisi comme tel par l’IDPF (International Digital Publishing Forum), a pour particularité de présenter une grande souplesse d’adaptation du texte à l’appareil de lecture. En cela il diffère fondamentalement du PDF. Alors que le format PDF propose une représentation graphique d’une page, le format ePub, pour sa part, interprète un document hiérarchisé, plus exactement un dossier comprenant séparément les différents éléments du livre (texte, images, règles de style, métadonnées…) que la machine va se charger d’assembler dans le bon ordre.
  • [8]
    Ainsi l’exception d’information par voie de presse de l’article L. 122-5 9°, par exemple, est-elle expressément limitée aux œuvres d’art graphique, plastique ou architecturale.
  • [9]
    On conçoit ainsi difficilement une « revue de presse » d’œuvres musicales ou architecturales…
  • [10]
    Pour une étude récente du régime (exception et rémunération) de la copie privée en droit français, v. A. Lucas, « Les dits et les non-dits de la copie privée » , Propr. intell. avr. 2012, n° 43, p. 232 et s.
  • [11]
    Loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001, art. 15.
  • [12]
    Trib. corr. Paris, 24 janv. 1984, Gaz. Pal. 1984, 1, 240, note J.-P. Marchi.
  • [13]
    Il est vrai que la question n’a pas été tranchée en jurisprudence et reste largement débattue en doctrine. En faveur d’un caractère supplétif v. not. C. Alleaume, « La contractualisation des exceptions, La situation en France », Propr. intell. 2007, n° 25, p. 436 et s. En faveur d’un caractère impératif v. not. J. Passa, « Caractère impératif ou supplétif des exceptions au droit d’auteur ? », RLDI n° 94 suppl. n° 3138, p. 13 et s. ; ainsi que nos travaux : Les exceptions à usage public en droit d’auteur, LexisNexis coll. IRPI, t. 41, 2012, p. 360 et s.
  • [14]
    C. Caron, Droit d’auteur et droits voisins, LexisNexis, 3e éd., 2013, p. 362 : « Peut-être conviendra-t-il de se demander si seules les œuvres exclusivement logicielles sont concernées ou si, au contraire, il convient de considérer que des œuvres partiellement logicielles sont exclues de l’exception. »
  • [15]
    Pour une étude des possibilités offertes en matière de handicap visuel : L. Maumet, « Livre numérique : l’expertise des publics déficients visuels », bbf 2011, t. 56, n° 5, p. 11 et s.
  • [16]
    C. Meyer-Lereculeur, ministère de la Culture et de la Communication, Inspection générale des Affaires culturelles, rapport n° 2013-12, Exception « handicap » au droit d’auteur et développement de l’offre de publications accessibles à l’ère numérique, avril 2013, disponible en ligne sur le site du ministère de la Culture.
  • [17]
    Décret n° 2008-1391 du 19 déc. 2008 relatif à la mise en œuvre de l’exception au droit d’auteur, aux droits voisins et au droit des producteurs de bases de données en faveur de personnes atteintes d’un handicap, JORF, 24 déc. 2008, p. 19948.
  • [18]
    Par exemple en format braille, ou en très gros caractères, ou encore format d’édition adaptée pour l’écoute en synthèse vocale.
  • [19]
    Désignée comme organisme dépositaire des fichiers numériques d’œuvres imprimées par le décret n° 2009-131 du 6 février 2009, JORF, n° 0033 du 8 févr. 2009 p. 2231.
  • [20]
    https://exceptionhandicap.bnf.fr/platon-web/
  • [21]
    Qui définit le « standard ouvert » comme « tout protocole de communication, d’interconnexion ou d’échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d’accès ni de mise en œuvre ».
  • [22]
    Particulièrement adéquats pour adapter les livres en format Daisy (Digital accessible information System), ce dernier étant spécialement conçu pour faciliter la lecture par les personnes souffrant de déficientes visuelles : www.daisy.org
  • [23]
    Consistant à scanner le document puis à faire intervenir un logiciel de reconnaissance de caractères.
  • [24]
    C. Meyer-Lereculeur, rapport précit., p. XV, proposition n° 1.
  • [25]
    « Rentrée littéraire en Daisy » : des livres numériques disponibles aussi pour les lecteurs aveugles ou malvoyants, Communiqué de presse du Syndicat national de l’édition, Paris, 16 sept. 2013, disponible sur le site du SNE, www.sne.fr
  • [26]
    Sur lesquelles, v. not. S. Von Lewinski, Travaux de l’OMPI sur les exceptions et limitations notamment en faveur des déficients visuels, RIDA, n° 225, juill. 2010, p. 52 et s., et déjà J. Sullivan, Étude sur les limitations et exceptions au droit d’auteur établies en faveur des déficients visuels, établie dans le cadre de l’OMPI, SCCR/15/7, 20 févr. 2007.
  • [27]
    Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées, adopté par la conférence diplomatique, Marrakech, 17-28 juin 2013, texte disponible sur le site de l’OMPI : www.wipo.int/edocs/mdocs/diplconf/fr/ vip_dc/vip_dc_8.pdf
  • [28]
    Article 5, Échange transfrontière d’exemplaires en format accessible.
  • [29]
    Droits d’auteur : Michel Barnier se félicite de l’accord sur l’amélioration de l’accès aux livres pour les personnes malvoyantes, Communiqué de presse, Commission Européenne, IP/13/624, 27 juin 2013.
  • [30]
    Directive n° 2001/29, art. 5.3 b) : « Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations aux droits prévus aux articles 2 et 3 dans les cas suivants : […] b) lorsqu’il s’agit d’utilisations au bénéfice de personnes affectées d’un handicap qui sont directement liées au handicap en question et sont de nature non commerciale, dans la mesure requise par ledit handicap » .
  • [31]
    Article 4.4.
  • [32]
    Ce qui ne serait d’ailleurs pas nécessairement en opposition avec les souhaits des personnes handicapées elles-mêmes. V. « Union mondiale des aveugles, Comment certaines exceptions au droit d’auteur pourraient favoriser l’accès équitable des aveugles et des malvoyants à l’information et leur pleine intégration dans la société », Bull. dr. auteur, juin 2003, (http://portal.unesco. org/) : « Les exceptions dont nous avons besoin s’appliqueraient à des activités à but non lucratif qui, de ce fait, ne menaceraient ni les intérêts légitimes des titulaires de droits ni l’“exploitation normale” des œuvres. Quand une version vraiment accessible d’une œuvre est disponible aux mêmes conditions que ses autres versions, nous sommes contents de l’acheter ou de l’emprunter, comme tout le monde ».
  • [33]
    F. Stasse, Rapport au ministre de la Culture et de la Communication sur l’accès aux œuvres numériques conservées par les bibliothèques publiques, avril 2005, disponible en ligne, www. ladocumentationfrancaise.fr
  • [34]
    F. Stasse, précit. p. 15. Rappr. S. Carrié, « Les bibliothèques à l’heure du numérique », CCE, 2006, chron. 15, spéc. p. 15.
  • [35]
    Pour illustrer ce problème très spécifique au format numérique, la Commission européenne relate un cas particulièrement instructif : « Pour marquer le 900e anniversaire du Domesday Book en 1985, une nouvelle édition multimédia a été compilée. En 2002, il n’était presque plus possible de lire le disque car les ordinateurs capables d’interpréter son format étaient devenus rares. Pour le préserver, il a fallu développer un système capable d’accéder au disque en utilisant des techniques d’émulation. Paradoxalement, alors qu’il y avait des difficultés pour accéder à sa version numérique de 1985, le Domesday Book original, vieux de 900 ans, pouvait encore être consulté » (Comm. CE, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, i2010 : bibliothèques numériques, COM (2005) 465 final, 30 sept. 2005, disponible en ligne, http://eur-lex.europa.eu, p. 9)
  • [36]
    Pour plus d’information sur ces débats, v. notre article : « Retour sur l’exception pédagogique après la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République », Légipresse, n° 309, oct. 2013.
  • [37]
    En ce sens, A. Lebois, « Les exceptions à des fins de recherche et d’enseignement, la consécration ? », RLDI, suppl. 2007/25, n° 840, spéc. p. 20.
  • [38]
    En effet, une œuvre de l’écrit scannée ou ressaisie sous forme numérique par un enseignant revêtira certes une forme numérique au stade de son exploitation mais elle n’aura pas été à proprement parler « réalisée pour » une édition numérique de l’écrit.
  • [39]
    Il est vrai que l’exception est antérieure de deux ans à l’arrivée timide des premières liseuses en France, en 2008 ; de quatre ans à celle des tablettes de type iPad, en 2010.
  • [40]
    Loi n° 2013-595 du 8 juil. 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, art. 77, JORF, n° 0157 du 9 juil. 2013 p. 11379.
  • [41]
    L’édition en perspective, Rapport d’activité du Syndicat national de l’édition, 2012-2013, not. p. 23 (disponible en ligne : www.sne.fr).
  • [42]
    Projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, Étude d’impact, p. 40 ; Y. Durand, Rapport fait au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, n° 767, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 févr. 2013, t. 1, p. 548 ; F. Cartron, Rapport fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, n° 568, enregistré à la Présidence du Sénat le 14 mai 2013, p. 29.
  • [43]
    Y. Durand, Rapport précit., t. 1, p. 548.
  • [44]
    P. Lescure, Rapport de la mission « Acte II de l’exception culturelle » contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique, mai 2013, t. 1, fiche C-10, p. 439.
  • [45]
    A. Jacquesson, « Du livre enchaîné aux DRM », bbf 2011, t. 56, n° 3, p. 36 et s. Le paysage est cependant morcelé, certaines maisons d’édition faisant un argument commercial du fait de n’avoir pas recours aux DRM.
  • [46]
    Sur ce régime, v. T. Maillard, La réception des mesures techniques de protection et d’information en droit français, thèse Paris-Sud, 2009.
  • [47]
    Ce qui correspond (souvent) à leur finalité (C. Caron, Droit d’auteur et droits voisins, LexisNexis, 3e éd., 2013, p. 335).
  • [48]
    La finalité de l’emprunt figure par exemple fréquemment au nombre des conditions posées par le législateur à l’exercice des exceptions. Or, comment la mesure technique protégeant un livre numérique pourrait-elle apprécier la finalité d’une extraction destinée à une citation, par exemple ?
  • [49]
    S. Dusollier, « L’introuvable interface entre exceptions au droit d’auteur et mesures techniques de protection », CCE, . 2006, étude 29.
  • [50]
    On peine à trouver la cohérence qui aurait guidé le législateur dans le choix des exceptions garanties (A. Lucas, H.-J. Lucas et A. Lucas-Schloetter, Traité de la propriété littéraire et artistique, LexisNexis, 4e éd., 2012, p. 803, relèvent que le choix des exceptions garanties « n’obéit à aucune logique apparente »).
  • [51]
    P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUF, 8e éd., 2012, p. 353.
  • [52]
    A. Latreille, « Conditions de régulation et périmètre des exceptions », RLDI, 2013/94 suppl., n° 3137, spéc. p. 12 : « Trop complexe ou trop subtil, assorti d’innombrables tempéraments, engoncé dans une logique de droit de la consommation et parasité par de très nombreuses notions voisines, on comprend aisément son insuccès ».
  • [53]
    En vertu de la procédure prévue par l’article L. 331-36 al. 2 du CPI.
  • [54]
    V. Game, « Le dépôt légal des œuvres numériques », in Le nouveau droit d’auteur au lendemain de la loi du 1er août 2006, dossier, D. 2006, p. 2191 et s.
  • [55]
    J.-M. Bruguière et V. Fauchoux, art. précit., p. 87.
  • [56]
    C. Meyer-Lereculeur, rapport précit., p. XV proposition n° 2.
  • [57]
    M. Dreyer, déjà, avait attiré l’attention sur les risques que présentaient les mesures techniques de protection pour le dépôt légal (E. Dreyer, « Brèves observations sur le projet de réforme du dépôt légal », Légipresse, n° 223, juil./août 2005, I, p. 113 et s. spéc. p. 114).
  • [58]
    Avis n° 2013-1 de l’Hadopi du 30 janv. 2013 relatif à l’exception de dépôt légal : www.hadopi.fr/actualites/actualites/avis-de-l-hadopi-suite-la-saisine-de-la-bnf
  • [59]
    Illustration de ce droit souple, récemment mis en lumière par le Conseil d’État (Conseil d’État, Étude annuelle 2013 : le droit souple, La Documentation française, 2013).
  • [60]
    Accompagnée d’une consultation publique, dont les termes peuvent être consultés sur le site de l’Hadopi : www.hadopi.fr/sites/default/files/ page/pdf/Avis_BnF.pdf
  • [61]
    Avis n° 2013-1, précit., p. 5-6.
  • [62]
    On peine cependant à comprendre quelle forme pourrait prendre ce « délai d’adaptation » : s’agirait-il d’une période durant laquelle les nouvelles modalités de dépôt légal ne seraient pas obligatoires ?

1 Si de manière générale cette réalité nouvelle qu’est le livre numérique interroge et passionne les juristes, toutes les questions ne semblent pas susciter un intérêt équivalent. L’application au livre numérique des exceptions au droit d’auteur a été assez peu étudiée par la doctrine, à la différence des aspects fiscaux et contractuels qui sont au cœur d’une actualité plus fournie.

2 Afin d’appréhender la place des exceptions en matière de livre numérique, il convient d’abord de circonscrire l’objet d’étude. La terminologie est fluctuante. Dans le langage courant, l’expression « livre numérique » ou « livre électronique » peut désigner indistinctement le support (c’est-à-dire l’outil) de lecture, et l’œuvre lue par ce moyen  [1]. Si une définition du livre numérique a été adoptée par la loi du 26 mai 2011  [2], nous retiendrons l’acception large du terme, figurant au Journal Officiel, selon laquelle un livre numérique est un ouvrage édité et diffusé sous forme numérique, destiné à être lu sur un écran dédié à cet effet ou non  [3]. Il peut s’agir aussi bien d’un livre numérisé à partir d’une édition papier que d’un ouvrage composé directement sous forme numérique  [4]. Ainsi appréhendé, le livre numérique a pour vocation d’offrir une expérience enrichie par l’intertextualité qui permet notamment un parcours non linéaire, joignant au contenu écrit de la musique, des images, des vidéos…  [5]

3 La « forme numérique » susvisée est elle-même multiple. En effet tout fichier numérique est structuré dans un format, c’est-à-dire une organisation définie de stockage de l’information ; cela n’est pas sans incidence, nous le verrons, en matière d’exceptions au droit d’auteur. Les formats ouverts s’opposent aux formats propriétaires et fermés, souvent couplés avec des mesures techniques de protection empêchant la lecture de l’œuvre depuis d’autres appareils que celui du fournisseur  [6]. Les formats ouverts les plus répandus sont le PDF (pour « portable document format ») et l’ePub (acronyme de « electronic publication »)  [7] mais d’autres types de formats existent : ainsi un livre numérique ne perdra-t-il pas cette qualité du fait qu’il soit au format texte brut (.txt), ou mis en forme (.rtf, .doc).

4 Comment les exceptions au droit d’auteur s’appliquent-elles à cette réalité nouvelle ? De façon assez classique en réalité. L’article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) ayant une vocation générale, les exceptions qui y sont énumérées visent toutes les œuvres sans distinction de genre ou de format – sauf en présence d’une précision législative expresse  [8] ou lorsque la solution découle de la nature même de l’exception  [9]. En principe les exceptions applicables au livre numérique sont donc les mêmes que celles applicables au livre imprimé, et plus largement aux autres catégories d’œuvres. Les mesures techniques de protection sont néanmoins susceptibles de porter atteinte à l’effectivité de ces exceptions. Nous étudierons donc successivement la mise en œuvre des exceptions en l’absence de mesure technique (I) puis en présence de mesures techniques (II).

I – LA MISE EN ŒUVRE DES EXCEPTIONS EN L’ABSENCE DE MESURE TECHNIQUE

5 Dans cette hypothèse, la plupart des exceptions s’appliquent de façon assez naturelle : nous les passerons en revue assez rapidement (A) ; d’autres, qui instituent des régimes propres au livre numérique ou font surgir des questions particulières, méritent que l’on s’y attarde un peu (B).

A - L’application naturelle de la plupart des exceptions

6 En l’absence de mesure technique empêchant d’accéder au texte ou d’effectuer différents actes d’extraction, de copie et d’impression, un certain nombre d’exceptions s’appliqueront assez naturellement au livre numérique, aux mêmes conditions ou presque qu’au livre papier. C’est d’abord le cas de l’exception de copie privée  [10], pour autant que les conditions posées par l’article L. 122-5 2° soient réunies, à savoir que la copie soit effectuée à partir d’une source licite, réservée à l’usage personnel du copiste et destinée à une utilisation non collective. L’acquéreur a par exemple la possibilité d’effectuer des copies privées du livre numérique par le biais d’une duplication du fichier afin de consulter celui-ci à partir de ses différents appareils de lecture, de son ordinateur de travail ou de son ordinateur portable. La rémunération pour copie privée s’applique depuis la loi du 17 juin 2001 aux supports d’enregistrement numériques  [11]. L’exception de représentation dans le cercle de famille (art. L. 122-5 1°) peut être illustrée en matière de livre numérique par une lecture à haute voix, dans un cercle restreint « de personnes, parents ou amis très proches, qui sont unies de façon habituelle par des liens familiaux ou d’intimité »  [12]. À cet égard, doit être dénoncée la pratique de certains éditeurs qui prétendent interdire, via leurs conditions d’utilisation, la lecture à haute voix des livres numériques qu’ils proposent au format ePub. En effet, une telle lecture peut correspondre à une exception, si elle est effectuée dans un cercle de famille mais aussi lorsque, communiquant l’œuvre au public, elle n’a pour but que d’en effectuer une courte citation. La reconnaissance d’un caractère impératif aux exceptions devrait permettre, au moins en droit français, de faire annuler une clause de ce type  [13].

7 La courte citation (art. L. 122-5 3° a)) d’un e-book pourra s’effectuer par la ressaisie du texte cité ou par le biais d’un copier-coller, que permet le format numérique. S’agissant de la parodie, du pastiche et de la caricature de l’article L. 122-5 4°, ils impliqueront que le parodiste propose une version transformative et humoristique de l’œuvre littéraire éditée sous forme numérique, qui corresponde aux « lois du genre ». Là encore, le format numérique ne semble poser aucune difficulté spécifique en l’absence de mesure technique qui empêcherait l’accès à l’œuvre.

8 Mentionnons enfin l’article L. 122-5 6°, qui exclut des droits exclusifs de l’auteur « la reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu’elle est une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique et qu’elle a pour unique objet de permettre l’utilisation licite de l’œuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d’un réseau faisant appel à un intermédiaire ». S’agissant du livre numérique, cette exception devrait permettre certains actes comme la reproduction du livre en mémoire cache, afin d’en permettre l’affichage sur l’écran. Précisons toutefois que sont expressément exclus du champ d’application de l’exception les logiciels et les bases de données, ce qui pose la question de l’effectivité d’une telle disposition à l’égard du livre numérique enrichi, qui comporte nécessairement en tant qu’œuvre multimédia une dimension logicielle  [14].

B - Les régimes spécifiques et questions particulières à certaines exceptions

9 Pour certaines exceptions, la nature numérique du livre aura une résonance particulière et justifiera l’existence d’un régime spécifique. Il en va ainsi de l’exception pour les personnes handicapées (CPI, art. L. 122-5 7°) (1), de celle en faveur des bibliothèques, musées et services d’archives (CPI, art. L. 122-5 8°) (2), et jusqu’à une date récente de l’exception en faveur de l’enseignement et de la recherche (CPI, art. L. 122-5 3° e)) (3).

1 - L’exception pour les personnes handicapées

10 En droit français, cette exception permet la reproduction et la représentation d’œuvres protégées, effectuées par des personnes morales et établissements publics précisément définis et bénéficiant d’un agrément, à des fins non lucratives et en vue d’une consultation purement personnelle des œuvres par des personnes souffrant d’un handicap.

11 Plus que toute autre sans doute, cette exception place le livre numérique au cœur du débat. Le numérique offre des possibilités nouvelles d’adaptation des textes aux personnes souffrant d’un handicap  [15] : il permet, par exemple, à une personne handicapée moteur de bénéficier d’outils de lecture simplifiés, à l’instar d’un livre électronique avec commande vocale ; il offre également des possibilités nouvelles de lecture d’un contenu écrit par synthèse vocale. Le numérique permet surtout de produire plus aisément et plus rapidement ces documents adaptés. Globalement, le numérique contribue ainsi à l’objectif poursuivi par le législateur de proposer aux personnes en situation de handicap une offre de lecture la plus proche possible de celle offerte au grand public. Dans cette optique, il est intéressant de signaler que l’inspection générale des affaires culturelles du ministère de la Culture et de la Communication s’est vu confier à l’automne 2012 une mission sur la mise en œuvre et l’impact de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes handicapées dans le champ de l’édition adaptée. Le rapport, rédigé par Mme Meyer-Lereculeur, compte 22 propositions dont se dégage une tendance nette en faveur d’un assouplissement des conditions de l’exception actuelle  [16] : parmi ces propositions, certaines ont directement trait à la question des formats de l’édition numérique.

12 Le régime de l’exception créée par la loi du 1er août 2006 repose sur un double niveau d’agrément  [17]. Le premier permet aux associations agréées de reproduire une œuvre sans autorisation ni rémunération, afin de concevoir notamment une édition adaptée au public souffrant de handicap  [18]. C’est l’agrément « simple » ou agrément de niveau 1. S’agissant du livre, les organismes pourront réaliser cette édition adaptée soit à partir du livre papier, soit à partir du livre numérique. On imagine sans peine que la reproduction et la confection des œuvres adaptées seront plus rapides et aisées à partir du fichier numérique qu’à partir de l’œuvre imprimée.

13 C’est ici qu’intervient le second type d’agrément. Il permet aux associations d’obtenir l’accès aux fichiers numériques ayant servi à l’édition d’œuvres imprimées dont la date de dépôt légal est inférieure à 10 ans et postérieure au 4 août 2006. C’est l’agrément pour l’obtention des fichiers numériques ou agrément de niveau 2. Ce second volet de l’exception, absent du texte européen, est géré par la Bibliothèque nationale de France (BnF)  [19]via un service extranet dédié baptisé Platon (Plateforme sécurisée de transfert des ouvrages numériques)  [20]. Cette transmission des fichiers est particulièrement encadrée en vue d’éviter leur dissémination au-delà des destinataires naturels de l’exception, principale crainte des éditeurs. En pratique, la BnF récupère les fichiers des éditeurs et a l’obligation de les mettre à la disposition des organismes agréés dans un « format ouvert » au sens de l’article 4 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique  [21]. Les organismes agréés sont tenus de détruire les fichiers une fois effectué le travail de réalisation des supports adaptés. La BnF conserve en revanche les fichiers déposés par les éditeurs sur la plateforme Platon sans limitation de temps.

14 Les deux principaux formats de fichiers utilisés en matière de livre numérique, l’ePub et le PDF, répondent tous deux à la définition précitée du format ouvert. Légalement, la BnF s’acquitte donc de ses obligations en mettant à disposition les fichiers dans l’un ou l’autre de ces formats. Mais en pratique, le PDF est largement surreprésenté (80 % des fichiers). Cette habitude est dénoncée par les associations de personnes handicapées, qui ont fait valoir que contrairement aux formats dérivés du standard XML  [22], dont fait partie l’ePub, le format PDF n’est pas « adaptatif » et ne présente par conséquent qu’un intérêt limité par rapport aux méthodes traditionnelles d’océrisation  [23]. Les associations ont vu leur revendication sur ce point relayée par le rapport précité de l’Inspection générale des affaires culturelles, qui estime que la généralisation de la fourniture aux organismes agréés des fichiers en format XML permettrait de porter à 70000 le nombre de titres adaptés chaque année – soit la production annuelle grand public –, et de produire plus rapidement des livres scolaires. En outre le dépôt automatique des fichiers XML des périodiques devrait permettre aux personnes handicapées d’y avoir accès – l’exception handicap n’ayant tout simplement pas été mise en œuvre pour la presse jusqu’à présent. Le rapport suggère donc une modification de l’article L. 122-5 7° où serait remplacée la référence aux « standards ouverts » par une référence aux « standards ouverts et adaptatifs définis par l’autorité administrative »  [24]. Les derniers développements laissent entendre que ces doléances ont été entendues et prises en compte spontanément par les éditeurs : ces derniers et le Syndicat national de l’édition (SNE) ont ainsi décidé de rendre leurs titres de la rentrée littéraire 2013 accessibles aux personnes handicapées visuelles à travers une offre proposée au format numérique Daisy, grâce à l’association Braillenet et dans le cadre de la plateforme Platon  [25]. Ce type d’offre de la part des éditeurs, s’il se confirme, semble être de nature à rendre caduques les options coercitives préconisées dans le rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles.

15 Signalons enfin qu’après plusieurs années de réflexion et d’âpres négociations  [26], un Traité a été signé à Marrakech le 27 juin 2013, sous l’égide de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), en faveur des aveugles, malvoyants et autres personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés  [27]. Si des exceptions nationales existent déjà dans de nombreux États, le Traité a vocation à généraliser de telles dispositions. Surtout il contraindra les États signataires à prévoir que si un exemplaire en format accessible est réalisé en vertu d’une limitation ou d’une exception ou par l’effet de la loi, cet exemplaire en format accessible pourra être distribué ou mis à la disposition d’une personne bénéficiaire ou d’une entité autorisée dans un autre pays, sous réserve du respect du triple test  [28]. Le Traité permet également l’importation d’exemplaires en format accessible. Cette disposition devrait permettre un gain de temps précieux s’agissant des ouvrages rédigés dans une langue commune à plusieurs États membres, en évitant aux associations locales de devoir procéder chacune de leur côté à un travail d’adaptation des fichiers. La question de ces échanges internationaux est même apparue si importante aux yeux des négociateurs qu’il est prévu une coopération des parties contractantes visant à les faciliter. Le Traité entrera en vigueur une fois que vingt États membres l’auront ratifié. L’Union européenne pourra devenir partie au Traité, dont l’adoption a d’ailleurs été saluée par la Commission européenne par la voix du commissaire Michel Barnier  [29]. Il sera intéressant de voir comment ces dispositions pourront être intégrées dans une réforme à venir de la directive du 22 mai 2001, l’article 5.3 b) de cette directive étant pour l’heure rédigé dans des termes qui ne semblent pas susceptibles d’inclure les échanges transfrontaliers  [30].

16 Il est intéressant de constater que le Traité laisse ouverte la possibilité aux parties contractantes de prévoir que le bénéfice de l’exception ou de la limitation est réservé « aux œuvres qui ne peuvent pas être obtenues dans le format accessible considéré dans le commerce à des conditions raisonnables pour les personnes bénéficiaires sur le marché », moyennant une déclaration déposée auprès du directeur général de l’OMPI au moment de l’adhésion ou de la ratification  [31]. Cette possibilité avait été défendue essentiellement par l’Union européenne et ses États membres, afin de préserver le modèle économique des éditeurs qui feraient l’effort de proposer une offre commerciale sur des supports adaptés à des prix raisonnables  [32]. En effet, au-delà de la contrainte éventuelle issue de la loi, les perspectives en termes d’accès des publics handicapés aux œuvres pourraient également provenir d’initiatives des ayants droit, si ceux-ci choisissaient de proposer via les circuits commerciaux – éventuellement sur le même support que celui proposé aux valides – des formats accessibles ou adaptables aux personnes souffrant d’un handicap. Les techniques numériques, et le contexte de généralisation de la production de livres numériques par les éditeurs, semblent offrir de telles perspectives. Dans ces conditions, il sera intéressant de voir si la France, dont l’exception en sa rédaction actuelle est totalement imperméable à l’existence d’une éventuelle offre commerciale, transposera à terme la solution offerte par l’article 4.4 du Traité dans sa législation.

2 - L’exception bibliothèques, musées et archives

17 L’exception figurant à l’article L. 122-5 8° du CPI autorise, sans l’autorisation de l’auteur, « la reproduction d’une œuvre et sa représentation effectuées à des fins de conservation ou destinées à préserver les conditions de sa consultation à des fins de recherche ou d’études privées par des particuliers, dans les locaux de l’établissement et sur des terminaux dédiés par des bibliothèques accessibles au public, par des musées ou par des services d’archives, sous réserve que ceux-ci ne recherchent aucun avantage économique ou commercial ».

18 Le rapport de M. François Stasse sur l’accès aux œuvres numériques conservées par les bibliothèques publiques, rendu en avril 2005  [33], fut l’un des principaux détonateurs de l’insertion de cette exception en droit français. L’auteur du rapport prenait l’exemple d’un produit en bon état de fonctionnement qui voit son usage interrompu prématurément par un changement unilatéral de ses conditions d’utilisation, lié par exemple à l’abandon de tel ou tel format par l’éditeur. Cette situation lui paraissait justifier la création d’une exception : il ne paraîtrait pas acceptable en effet, au regard de l’économie des deniers publics, « que des œuvres numérisées, achetées par des bibliothèques, ne puissent plus être lues et deviennent donc indisponibles du seul fait de l’abandon par les industriels d’un format de lecture au profit d’un nouveau »  [34]. Ce phénomène est particulièrement prégnant dans l’univers numérique où l’évolution technologique oblige à la conversion régulière des fichiers sur des supports ou dans des formats nouveaux. Le livre numérique, dont nous avons vu qu’il est intimement lié à un format, est particulièrement concerné  [35]. L’exception de l’article L. 122-5 8° a pour vocation d’éviter cet écueil.

3 - L’exception pédagogique

19 L’exception pédagogique a été introduite à l’article L. 122-5 3° e) par la loi du 1er août 2006, afin de permettre la reproduction et la représentation d’œuvres à des finalités exclusives d’enseignement et de recherche. Le numérique étant un vecteur éducatif majeur, la question du livre numérique est évidemment au cœur de l’exception. Elle a fait l’objet d’une actualité très récente – le régime applicable aux livres numériques ayant évolué à cent quatre-vingts degrés en juillet 2013.

20 Dans la rédaction initiale du texte, étaient exclues du champ d’application de l’exception les « œuvres réalisées pour une édition numérique de l’écrit » (ORENE). Si la doctrine s’est beaucoup interrogée sur le sens de cette expression sibylline  [36], il semble aujourd’hui acquis qu’elle avait vocation à désigner les écrits spécifiquement publiés sur un médium numérique de type cédérom ou livre numérique  [37]. Outre qu’elle semble accréditée par un argument de texte  [38], il semble que la commission paritaire du législateur de 2006 avait intégré cette exclusion afin de préserver le secteur alors naissant et jugé fragile de l’édition numérique  [39].

21 La loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a réintégré les ORENE dans le champ de l’exception  [40], malgré la mobilisation des éditeurs contre cette mesure  [41]. Sachant que les auteurs du projet de loi ont retenu l’acception stricte du terme que nous venons d’évoquer (écrits spécifiquement publiés sur un médium numérique)  [42], la réintégration des ORENE dans le champ de l’exception peut être approuvée tant au plan des principes qu’en opportunité. D’une part, sauf cas impératif, il n’est pas de bonne politique de légiférer en considération d’un certain état de la technique. Le droit d’auteur a fait la preuve jusqu’ici d’une élasticité suffisante pour s’adapter à ces nouveaux formats. D’autre part, depuis 2006, l’édition numérique a largement pris son envol. À terme, toutes les œuvres de l’écrit ont certainement vocation à être éditées au format numérique, si bien que maintenir cette dérogation aurait conduit à vider très vite de sa substance l’exception pédagogique  [43]. Concrètement, la modification législative « dispensera les enseignants de l’obligation de scanner les extraits d’œuvres écrites dès lors qu’ils souhaitent les exploiter sur un support numérique, notamment sur les tableaux interactifs »  [44]. Précisons par ailleurs qu’une catégorie d’ORENE reste exclue de l’exception : il s’agit des manuels pédagogiques numériques, en leur qualité d’« œuvres conçues à des fins pédagogiques » (OCFP).

II – L’EFFECTIVITÉ DE L’EXCEPTION CONTRARIÉE PAR LA PRÉSENCE DE MESURES TECHNIQUES

22 Si la mise en œuvre de la plupart des exceptions semble s’effectuer sans trop de difficultés en l’absence de mesures techniques, qu’en est-il lorsque certains actes nécessaires à l’exercice d’une exception, comme la copie ou l’impression, voire l’accès même à l’œuvre, se retrouvent neutralisés techniquement ? Ces mesures techniques, dans leur version la plus radicale, permettent de « verrouiller » l’accès à une œuvre, mais sont également capables de définir des limites aux usages, en restreignant le nombre de copies ou en empêchant l’impression, afin de faire en sorte que l’usage de l’œuvre soit bien conforme au contrat de licence. La question est sensible car, là où les industriels d’autres secteurs – la musique en particulier – tendent à délaisser les mesures techniques pour explorer d’autres options, les éditeurs de livres numériques continuent d’y avoir recours  [45].

23 Dans la lignée des Traités OMPI et de la directive de l’Union européenne, le droit français a offert une protection juridique à ces mesures techniques de protection et d’information  [46]. Le législateur a prévu que les titulaires de droits qui recourent aux mesures techniques peuvent leur assigner pour objectif de limiter le nombre de copies  [47]. Le problème est qu’en l’état actuel de la technique, ces mesures s’avèrent encore « aveugles », incapables de distinguer selon la finalité poursuivie par la personne qui réalise l’acte d’exploitation. Elles sont dès lors susceptibles de contrarier un acte parfaitement légitime, car effectué par exemple en vertu d’une exception légale  [48]. La question est dès lors la suivante : comment garantir en même temps la protection de l’ayant droit qui appose une mesure technique, d’une part, et celle du bénéficiaire de l’exception, d’autre part ? Sur délégation partielle du législateur de l’Union européenne, le législateur français a prévu une procédure par laquelle la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) est chargée, au titre de sa mission de régulation et de veille dans les domaines des mesures techniques, d’assurer cette « introuvable interface »  [49] entre les mesures techniques et un certain nombre d’exceptions énumérées à l’article L. 331-31 al. 2. Il s’agit de l’exception de copie privée (art. L. 122-5 2°), de l’exception à des fins d’enseignement et de recherche (art. L. 122-5 3° e)), de l’exception en faveur des personnes handicapées (art. L. 122-5 7°), de l’exception en faveur des bibliothèques, musées et services d’archives (art. L. 122-5 8°), de l’exception pour les actes accomplis aux fins d’une procédure ou à des fins de sécurité publique (art. L. 331-4), enfin de l’exception permettant le bon exercice du dépôt légal (art. L. 132-4 du Code du patrimoine)  [50].

24 La loi française, conformément au texte européen, donne préséance aux titulaires de droits sur l’Hadopi dans la mise en œuvre de la garantie, les titulaires de droits étant invités à prendre « les dispositions utiles pour que [la] mise en œuvre [des mesures techniques] ne prive pas les bénéficiaires des exceptions visées au 2° de l’article L. 331-31 de leur bénéfice effectif. Ils s’efforcent de définir ces mesures en concertation avec les associations agréées de consommateurs et les autres parties intéressées ». Les notions de « dispositions utiles » et d’« exercice effectif » au sens de ce texte ne sont pas renseignées. L’article L. 331-31, dernier alinéa, prévoit qu’en dernier recours, la Haute Autorité détermine les modalités d’exercice des exceptions garanties, en tenant compte du type d’œuvre ou d’objet protégé, des modes de communication et des possibilités offertes par les techniques de protection. L’Hadopi opérera « par catégorie d’œuvres » et « pratiquement au cas par cas », par le biais de décisions qui ont valeur réglementaire  [51].

25 Le dispositif ainsi mis en place en droit français peine à convaincre  [52] ; il n’a d’ailleurs donné lieu pour l’heure à aucune saisine de l’autorité de régulation. Cette dernière a en revanche été saisie pour avis  [53] par la BnF, qui a souhaité recueillir l’avis de l’Hadopi relativement aux difficultés, actuelles ou futures, posées par les mesures techniques de protection dans la mise en œuvre de l’exception dont elle bénéficie pour assurer sa mission de dépôt légal.

26 Il convient dans un premier temps de revenir sur cette exception. Les modalités du dépôt légal, institution plusieurs fois centenaire destinée à ériger une mémoire du patrimoine culturel diffusé sur le territoire national, sont définies aux articles L. 131-2 et suivants du Code du patrimoine. Initialement limité aux livres imprimés, le dépôt légal a été progressivement étendu aux documents graphiques, photographiques, sonores, audiovisuels, multimédias, quel que soit leur procédé technique de production, d’édition ou de diffusion, dès lors qu’ils sont mis à la disposition d’un public. La loi du 1er août 2006, enfin, a mis en place le dépôt légal d’Internet  [54]. Le livre numérique est concerné par le dépôt légal, au titre des « documents multimédia » et de la « communication au public par voie électronique » (expression qui désigne le dépôt légal d’Internet). Si une version numérique du livre coexiste avec une version papier, deux dépôts devront être réalisés (un type de dépôt ne se substitue pas à l’autre). Le problème est que s’agissant d’Internet, la BnF réalise des collectes automatiques grâce à des robots dont la doctrine a relevé l’inefficacité  [55]. Le dépôt légal des livres numériques, dans ses modalités actuelles, s’avère donc assez lacunaire, ce qui explique peut-être que le récent rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles du ministère de la Culture ait proposé de « créer une obligation de dépôt légal des livres numériques auprès de la BnF (à l’article L. 131-2 du Code du patrimoine) »  [56]. Toujours est-il qu’afin de permettre le bon fonctionnement du dépôt légal, l’article L. 132-4 du Code du patrimoine dispose que l’auteur ne peut interdire aux organismes dépositaires, pour l’accomplissement de leur mission, ni la consultation des œuvres déposées par des chercheurs dûment accrédités, ni leur reproduction lorsque celle-ci s’avère nécessaire à la collecte, à la conservation et à la consultation de l’œuvre sur place. Il s’agit d’une véritable exception au droit d’auteur, dont l’application aux livres numériques sujets au dépôt légal ne devrait pas en principe poser de difficulté particulière.

27 Ce serait sans compter sur les difficultés liées à la présence éventuelle de mesures techniques  [57]. Certes, dans l’hypothèse où le document déposé est techniquement protégé, les articles R. 132-14, R. 132-22 et R. 132- 23-1 du Code du patrimoine prévoient que le déposant doit fournir « les mots de passe et, le cas échéant, les clés d’accès aux documents protégés ainsi que toutes les données techniques nécessaires à leur conservation et à leur consultation ». Mais la BnF a fait valoir dans sa saisine que ces outils s’avèrent insuffisants vis-à-vis des mesures qui empêchent ou limitent le nombre de reproductions (MTP reproduction) ainsi que des mesures qui limitent les possibilités d’installation sur les ordinateurs permettant la lecture du document (MTP installation).

28 La Haute Autorité a émis son avis le 30 janvier 2013  [58]. Si sa portée est entravée par son absence de valeur contraignante  [59] d’une part, et par sa limitation à la seule exception pour le dépôt légal d’autre part, cet avis n’en apporte pas moins des enseignements précieux quant à une potentielle réforme des modalités de dépôt légal des livres numérique, si l’autorité de régulation, dûment saisie en ce sens, venait à faire usage du pouvoir qu’elle tient de l’article L. 331-31 du CPI.

29 La Haute Autorité parvient à la conclusion qu’il serait préférable, pour garantir les finalités du dépôt légal institué par la loi et permettre la constitution des archives numériques de l’avenir, que les documents numériques conservés à la BnF ne comportent pas de mesures techniques de protection. D’autant qu’il résulte de l’instruction menée  [60] que la production d’exemplaires non protégés du document déposé est « toujours techniquement possible, y compris lorsque la protection a été conçue en même temps que le document lui-même et non ajoutée après son achèvement » . Une telle réforme reviendrait évidemment à apporter un changement à l’obligation de dépôt légal pour les documents numériques. Ne serait plus exigé en effet le simple dépôt de deux des exemplaires mis à disposition du public, mais la création et le dépôt d’un nouveau document – sans protections techniques – afin d’assurer un archivage public à long terme.

30 L’Hadopi prend le soin de préciser que, si une telle réforme devait être adoptée, il conviendrait de l’assortir de trois conditions  [61]. En premier lieu, le changement apporté à l’obligation de dépôt légal « devrait s’accompagner d’une réflexion sur le périmètre de cette obligation concernant les documents numériques dont serait ainsi exigée une version non protégée », notamment au regard du test des trois étapes. Si l’obligation nouvelle de dépôt légal d’un exemplaire dépourvu de mesures techniques ne semble pas susceptible de remettre en cause la qualification de l’exception comme « cas spécial », ni de porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre – au regard du faible nombre d’exemplaires déposés – « il faudrait veiller à ce que les charges imposées aux déposants ne leur causent pas un préjudice injustifié au regard des finalités poursuivies ». En deuxième lieu, il conviendrait de faire en sorte que l’obligation de dépôt légal des documents numériques s’avère aussi « légère » que possible, « de façon à ne pas porter préjudice à la création et à l’édition française ». Mais les trois propositions effectuées par l’Hadopi afin d’atteindre cet objectif sont surprenantes, en ceci qu’elles semblent revenir en partie sur le caractère coercitif et partant sur l’efficacité d’une éventuelle réforme du dépôt légal des documents numériques. Il est ainsi suggéré de laisser aux déposants un délai d’adaptation à la nouvelle réglementation  [62], de n’imposer le dépôt d’une version non protégée du document que passé un certain délai ou encore de ne procéder au dépôt d’une version non protégée qu’à la demande de la BnF… En troisième lieu, la réforme devrait accorder aux déposants, pour qui le dépôt d’une version non protégée est susceptible de représenter un risque important, certaines contreparties en termes de sécurité et d’accompagnement. Ces contreparties restent toutefois à définir, l’Hadopi ne fournissant pas réellement de pistes à ce sujet.

31 B. G.


Date de mise en ligne : 22/03/2014.

https://doi.org/10.3917/legi.051.0037

Notes

  • [1]
    Par mimétisme peut-être avec le monde analogique où les deux éléments sont indissociables.
  • [2]
    La formulation retenue semble démontrer que la définition posée ne prétend pas définir de façon générale et définitive le livre numérique mais plutôt préciser à quelles conditions celui-ci est soumis au prix unique : « La présente loi s’applique au livre numérique lorsqu’il est une œuvre de l’esprit créée par un ou plusieurs auteurs et qu’il est à la fois commercialisé sous sa forme numérique et publié sous forme imprimée ou qu’il est, par son contenu et sa composition, susceptible d’être imprimé, à l’exception des éléments accessoires propres à l’édition numérique » (Loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, art. 1er. C’est nous qui soulignons en italiques ; v. également les précisions apportées par le décret n° 2011-1499 du 10 novembre 2011).
  • [3]
    Vocabulaire de l’édition et du livre (liste de termes, expressions et définitions adoptés), JORF n° 0081 du 4 avril 2012, p. 6130.
  • [4]
    Ibid. Sur cette distinction, v. S. Carrié, « Le livre numérique : un “OCNI” (Objet culturel non identifié) », CCE, oct. 2005, Études n° 36 spéc. p. 22.
  • [5]
    Le livre numérique répond alors aux caractéristiques de l’œuvre multimédia : J.-M. Bruguière et V. Fauchoux, « Le livre numérique. Quel statut juridique ? », RLDI 2011/73, n° 2439, spéc. p. 90, envisagent ainsi l’application du régime distributif défini par la jurisprudence en matière de jeux vidéo. Rappr. E. Derieux, « Le livre à l’ère numérique. Questions juridiques sans réponses », RLDI 2010/60, n° 1997 spéc. p. 90 : « Les citations et notes de bas de pages actuelles seront-elles remplacées par des liens hypertextes, renvoyant à d’autres œuvres ? Tant dans leur dimension morale que patrimoniale, les droits des auteurs de ces œuvres devront, au moment de leur exploitation tout au moins, être pleinement respectés. L’écrit, œuvre individuelle, constituant un livre, devient ainsi une œuvre multimédia (composite ou de collaboration) ».
  • [6]
    Pour un panorama et un historique des formats en matière de livre numérique, v. A. Jacquesson, « Du livre enchaîné aux DRM » , bbf 2011, t. 56, n° 3, p. 36 et s. spéc. p. 38-39.
  • [7]
    Ce dernier, qui s’est imposé comme le standard du livre numérique depuis qu’il a été choisi comme tel par l’IDPF (International Digital Publishing Forum), a pour particularité de présenter une grande souplesse d’adaptation du texte à l’appareil de lecture. En cela il diffère fondamentalement du PDF. Alors que le format PDF propose une représentation graphique d’une page, le format ePub, pour sa part, interprète un document hiérarchisé, plus exactement un dossier comprenant séparément les différents éléments du livre (texte, images, règles de style, métadonnées…) que la machine va se charger d’assembler dans le bon ordre.
  • [8]
    Ainsi l’exception d’information par voie de presse de l’article L. 122-5 9°, par exemple, est-elle expressément limitée aux œuvres d’art graphique, plastique ou architecturale.
  • [9]
    On conçoit ainsi difficilement une « revue de presse » d’œuvres musicales ou architecturales…
  • [10]
    Pour une étude récente du régime (exception et rémunération) de la copie privée en droit français, v. A. Lucas, « Les dits et les non-dits de la copie privée » , Propr. intell. avr. 2012, n° 43, p. 232 et s.
  • [11]
    Loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001, art. 15.
  • [12]
    Trib. corr. Paris, 24 janv. 1984, Gaz. Pal. 1984, 1, 240, note J.-P. Marchi.
  • [13]
    Il est vrai que la question n’a pas été tranchée en jurisprudence et reste largement débattue en doctrine. En faveur d’un caractère supplétif v. not. C. Alleaume, « La contractualisation des exceptions, La situation en France », Propr. intell. 2007, n° 25, p. 436 et s. En faveur d’un caractère impératif v. not. J. Passa, « Caractère impératif ou supplétif des exceptions au droit d’auteur ? », RLDI n° 94 suppl. n° 3138, p. 13 et s. ; ainsi que nos travaux : Les exceptions à usage public en droit d’auteur, LexisNexis coll. IRPI, t. 41, 2012, p. 360 et s.
  • [14]
    C. Caron, Droit d’auteur et droits voisins, LexisNexis, 3e éd., 2013, p. 362 : « Peut-être conviendra-t-il de se demander si seules les œuvres exclusivement logicielles sont concernées ou si, au contraire, il convient de considérer que des œuvres partiellement logicielles sont exclues de l’exception. »
  • [15]
    Pour une étude des possibilités offertes en matière de handicap visuel : L. Maumet, « Livre numérique : l’expertise des publics déficients visuels », bbf 2011, t. 56, n° 5, p. 11 et s.
  • [16]
    C. Meyer-Lereculeur, ministère de la Culture et de la Communication, Inspection générale des Affaires culturelles, rapport n° 2013-12, Exception « handicap » au droit d’auteur et développement de l’offre de publications accessibles à l’ère numérique, avril 2013, disponible en ligne sur le site du ministère de la Culture.
  • [17]
    Décret n° 2008-1391 du 19 déc. 2008 relatif à la mise en œuvre de l’exception au droit d’auteur, aux droits voisins et au droit des producteurs de bases de données en faveur de personnes atteintes d’un handicap, JORF, 24 déc. 2008, p. 19948.
  • [18]
    Par exemple en format braille, ou en très gros caractères, ou encore format d’édition adaptée pour l’écoute en synthèse vocale.
  • [19]
    Désignée comme organisme dépositaire des fichiers numériques d’œuvres imprimées par le décret n° 2009-131 du 6 février 2009, JORF, n° 0033 du 8 févr. 2009 p. 2231.
  • [20]
    https://exceptionhandicap.bnf.fr/platon-web/
  • [21]
    Qui définit le « standard ouvert » comme « tout protocole de communication, d’interconnexion ou d’échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d’accès ni de mise en œuvre ».
  • [22]
    Particulièrement adéquats pour adapter les livres en format Daisy (Digital accessible information System), ce dernier étant spécialement conçu pour faciliter la lecture par les personnes souffrant de déficientes visuelles : www.daisy.org
  • [23]
    Consistant à scanner le document puis à faire intervenir un logiciel de reconnaissance de caractères.
  • [24]
    C. Meyer-Lereculeur, rapport précit., p. XV, proposition n° 1.
  • [25]
    « Rentrée littéraire en Daisy » : des livres numériques disponibles aussi pour les lecteurs aveugles ou malvoyants, Communiqué de presse du Syndicat national de l’édition, Paris, 16 sept. 2013, disponible sur le site du SNE, www.sne.fr
  • [26]
    Sur lesquelles, v. not. S. Von Lewinski, Travaux de l’OMPI sur les exceptions et limitations notamment en faveur des déficients visuels, RIDA, n° 225, juill. 2010, p. 52 et s., et déjà J. Sullivan, Étude sur les limitations et exceptions au droit d’auteur établies en faveur des déficients visuels, établie dans le cadre de l’OMPI, SCCR/15/7, 20 févr. 2007.
  • [27]
    Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées, adopté par la conférence diplomatique, Marrakech, 17-28 juin 2013, texte disponible sur le site de l’OMPI : www.wipo.int/edocs/mdocs/diplconf/fr/ vip_dc/vip_dc_8.pdf
  • [28]
    Article 5, Échange transfrontière d’exemplaires en format accessible.
  • [29]
    Droits d’auteur : Michel Barnier se félicite de l’accord sur l’amélioration de l’accès aux livres pour les personnes malvoyantes, Communiqué de presse, Commission Européenne, IP/13/624, 27 juin 2013.
  • [30]
    Directive n° 2001/29, art. 5.3 b) : « Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations aux droits prévus aux articles 2 et 3 dans les cas suivants : […] b) lorsqu’il s’agit d’utilisations au bénéfice de personnes affectées d’un handicap qui sont directement liées au handicap en question et sont de nature non commerciale, dans la mesure requise par ledit handicap » .
  • [31]
    Article 4.4.
  • [32]
    Ce qui ne serait d’ailleurs pas nécessairement en opposition avec les souhaits des personnes handicapées elles-mêmes. V. « Union mondiale des aveugles, Comment certaines exceptions au droit d’auteur pourraient favoriser l’accès équitable des aveugles et des malvoyants à l’information et leur pleine intégration dans la société », Bull. dr. auteur, juin 2003, (http://portal.unesco. org/) : « Les exceptions dont nous avons besoin s’appliqueraient à des activités à but non lucratif qui, de ce fait, ne menaceraient ni les intérêts légitimes des titulaires de droits ni l’“exploitation normale” des œuvres. Quand une version vraiment accessible d’une œuvre est disponible aux mêmes conditions que ses autres versions, nous sommes contents de l’acheter ou de l’emprunter, comme tout le monde ».
  • [33]
    F. Stasse, Rapport au ministre de la Culture et de la Communication sur l’accès aux œuvres numériques conservées par les bibliothèques publiques, avril 2005, disponible en ligne, www. ladocumentationfrancaise.fr
  • [34]
    F. Stasse, précit. p. 15. Rappr. S. Carrié, « Les bibliothèques à l’heure du numérique », CCE, 2006, chron. 15, spéc. p. 15.
  • [35]
    Pour illustrer ce problème très spécifique au format numérique, la Commission européenne relate un cas particulièrement instructif : « Pour marquer le 900e anniversaire du Domesday Book en 1985, une nouvelle édition multimédia a été compilée. En 2002, il n’était presque plus possible de lire le disque car les ordinateurs capables d’interpréter son format étaient devenus rares. Pour le préserver, il a fallu développer un système capable d’accéder au disque en utilisant des techniques d’émulation. Paradoxalement, alors qu’il y avait des difficultés pour accéder à sa version numérique de 1985, le Domesday Book original, vieux de 900 ans, pouvait encore être consulté » (Comm. CE, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, i2010 : bibliothèques numériques, COM (2005) 465 final, 30 sept. 2005, disponible en ligne, http://eur-lex.europa.eu, p. 9)
  • [36]
    Pour plus d’information sur ces débats, v. notre article : « Retour sur l’exception pédagogique après la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République », Légipresse, n° 309, oct. 2013.
  • [37]
    En ce sens, A. Lebois, « Les exceptions à des fins de recherche et d’enseignement, la consécration ? », RLDI, suppl. 2007/25, n° 840, spéc. p. 20.
  • [38]
    En effet, une œuvre de l’écrit scannée ou ressaisie sous forme numérique par un enseignant revêtira certes une forme numérique au stade de son exploitation mais elle n’aura pas été à proprement parler « réalisée pour » une édition numérique de l’écrit.
  • [39]
    Il est vrai que l’exception est antérieure de deux ans à l’arrivée timide des premières liseuses en France, en 2008 ; de quatre ans à celle des tablettes de type iPad, en 2010.
  • [40]
    Loi n° 2013-595 du 8 juil. 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, art. 77, JORF, n° 0157 du 9 juil. 2013 p. 11379.
  • [41]
    L’édition en perspective, Rapport d’activité du Syndicat national de l’édition, 2012-2013, not. p. 23 (disponible en ligne : www.sne.fr).
  • [42]
    Projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, Étude d’impact, p. 40 ; Y. Durand, Rapport fait au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, n° 767, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 févr. 2013, t. 1, p. 548 ; F. Cartron, Rapport fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, n° 568, enregistré à la Présidence du Sénat le 14 mai 2013, p. 29.
  • [43]
    Y. Durand, Rapport précit., t. 1, p. 548.
  • [44]
    P. Lescure, Rapport de la mission « Acte II de l’exception culturelle » contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique, mai 2013, t. 1, fiche C-10, p. 439.
  • [45]
    A. Jacquesson, « Du livre enchaîné aux DRM », bbf 2011, t. 56, n° 3, p. 36 et s. Le paysage est cependant morcelé, certaines maisons d’édition faisant un argument commercial du fait de n’avoir pas recours aux DRM.
  • [46]
    Sur ce régime, v. T. Maillard, La réception des mesures techniques de protection et d’information en droit français, thèse Paris-Sud, 2009.
  • [47]
    Ce qui correspond (souvent) à leur finalité (C. Caron, Droit d’auteur et droits voisins, LexisNexis, 3e éd., 2013, p. 335).
  • [48]
    La finalité de l’emprunt figure par exemple fréquemment au nombre des conditions posées par le législateur à l’exercice des exceptions. Or, comment la mesure technique protégeant un livre numérique pourrait-elle apprécier la finalité d’une extraction destinée à une citation, par exemple ?
  • [49]
    S. Dusollier, « L’introuvable interface entre exceptions au droit d’auteur et mesures techniques de protection », CCE, . 2006, étude 29.
  • [50]
    On peine à trouver la cohérence qui aurait guidé le législateur dans le choix des exceptions garanties (A. Lucas, H.-J. Lucas et A. Lucas-Schloetter, Traité de la propriété littéraire et artistique, LexisNexis, 4e éd., 2012, p. 803, relèvent que le choix des exceptions garanties « n’obéit à aucune logique apparente »).
  • [51]
    P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUF, 8e éd., 2012, p. 353.
  • [52]
    A. Latreille, « Conditions de régulation et périmètre des exceptions », RLDI, 2013/94 suppl., n° 3137, spéc. p. 12 : « Trop complexe ou trop subtil, assorti d’innombrables tempéraments, engoncé dans une logique de droit de la consommation et parasité par de très nombreuses notions voisines, on comprend aisément son insuccès ».
  • [53]
    En vertu de la procédure prévue par l’article L. 331-36 al. 2 du CPI.
  • [54]
    V. Game, « Le dépôt légal des œuvres numériques », in Le nouveau droit d’auteur au lendemain de la loi du 1er août 2006, dossier, D. 2006, p. 2191 et s.
  • [55]
    J.-M. Bruguière et V. Fauchoux, art. précit., p. 87.
  • [56]
    C. Meyer-Lereculeur, rapport précit., p. XV proposition n° 2.
  • [57]
    M. Dreyer, déjà, avait attiré l’attention sur les risques que présentaient les mesures techniques de protection pour le dépôt légal (E. Dreyer, « Brèves observations sur le projet de réforme du dépôt légal », Légipresse, n° 223, juil./août 2005, I, p. 113 et s. spéc. p. 114).
  • [58]
    Avis n° 2013-1 de l’Hadopi du 30 janv. 2013 relatif à l’exception de dépôt légal : www.hadopi.fr/actualites/actualites/avis-de-l-hadopi-suite-la-saisine-de-la-bnf
  • [59]
    Illustration de ce droit souple, récemment mis en lumière par le Conseil d’État (Conseil d’État, Étude annuelle 2013 : le droit souple, La Documentation française, 2013).
  • [60]
    Accompagnée d’une consultation publique, dont les termes peuvent être consultés sur le site de l’Hadopi : www.hadopi.fr/sites/default/files/ page/pdf/Avis_BnF.pdf
  • [61]
    Avis n° 2013-1, précit., p. 5-6.
  • [62]
    On peine cependant à comprendre quelle forme pourrait prendre ce « délai d’adaptation » : s’agirait-il d’une période durant laquelle les nouvelles modalités de dépôt légal ne seraient pas obligatoires ?
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