Notes
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[1]
Rapport fait au nom de la commission du travail chargée d’examiner la proposition de loi de M. Henri Guernut et plusieurs de ses collègues relative au statut professionnel des journalistes par M. Brachard, J.O. Chambre des députés, sess. Ord., séance du 22 janvier 1935, annexe n° 4516, p. 108.
-
[2]
Ibid., p. 98
-
[3]
Ibid., p. 98
-
[4]
Op. cit., p. 100
-
[5]
Ce qui suppose une activité intellectuelle de suivi de l’actualité, comme l’a relevé la jurisprudence : sur ce point : Derieux Emmanuel, Granchet Agnès, Droit des médias, 5e éd., LGDJ, 2008, p. 370 et s.
-
[6]
Vistel Jacques, « Qu’est-ce qu’un journaliste », rapport de mission au Secrétaire d’État à la Communication sur le cadre juridique de la profession de journaliste, Sjti, 1993, p. 36-38
-
[7]
D. 1936, IVe partie, p. 56-59, loi reproduite avec un commentaire de Marcel Lachaze.
-
[8]
Soc., 11 juillet 2006, Éditions Larivière c/ de Nauw, Légipresse n° 236, nov. 2006 : le fait de ne pas déclarer que le journalisme est son activité principale sur des fiches de renseignement à destination de l’employeur n’a pas été considéré comme une exécution de mauvaise foi du contrat au sens de l’article L. 120-4 du Code du travail ou 1134 du Code civil.
-
[9]
Article 10 de la loi du 27 janvier 1987 modifiée : « II. - Lorsque le revenu tiré de leur activité n’excède pas 15 p. 100 du plafond annuel de la sécurité sociale au 1er juillet de l’année en cours, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale visés au I ne sont affiliés aux régimes d’assurance maladie-maternité et d’assurance vieillesse des travailleurs non salariés que s’ils le demandent. III. - Lorsque le revenu tiré de leur activité reste inférieur à 25 p. 100 du plafond mentionné au II, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale visés au II bénéficient d’un abattement de 50 p. 100 pris en charge par l’État sur leurs cotisations d’assurance maladie-maternité et d’assurance vieillesse. »
-
[10]
Les règles déontologiques étant le plus souvent la déclinaison des règles posées par la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse.
-
[11]
Si la ligne rédactionnelle de la publication de presse a un rapport distancié avec la règle déontologique, l’effectivité de celle-ci dans l’entreprise sera ectoplasmique.
-
[12]
Rapport fait au nom de la commission du travail chargée d’examiner la proposition de loi de M. Henri Guernut et plusieurs de ses collègues relative au statut professionnel des journalistes par M. Brachard, J.O. Chambre des députés, sess. Ord., séance du 22 janvier 1935, annexe n° 4516, p. 98.
1 Le 22 janvier 1935, dans son rapport à la Chambre des députés fait au nom de la Commission du travail, le député Émile Brachard – ancien journaliste et membre du Syndicat national des journalistes qui s’était créé après la Première Guerre mondiale, en 1918 – indiquait ceci : « Il va de soi que personne ne songe ni à entourer le journaliste d’une impénétrable muraille ni à enfermer les journalistes dans un registre qui, tenu par le pouvoir comme en Italie, aurait, quoi que l’on fit, les apparences d’un instrument de police.
2 Nous professons que le journal, étant un agent d’éducation populaire, doit être ouvert à quiconque a une idée, une critique à exprimer.
3 Mais nous pensons aussi que le journal en lui-même, dans ses rubriques et dans sa formation technique, est une œuvre quotidienne qui ne doit être confiée qu’aux mains expérimentées des professionnels.
4 Et parce qu’il est indispensable que ces professionnels puissent se faire reconnaître et se reconnaissent entre eux, nous nous proposons de créer un signe visible de reconnaissance qui sera la carte d’identité. Signe d’autant plus utile que le journal étant un domaine ouvert à tout venant, il doit être permis aux professionnels authentiques de se prémunir contre la présence non seulement des amateurs et des intrus de tout ordre, mais aussi des indignes et de leur refuser la confraternité, de ne pas tolérer qu’ils se recommandent impunément d’une profession qui n’est pas la leur. » [1]
5 Finalement, ce qui distingue le professionnel du citoyen, c’est la carte. D’ailleurs, lorsqu’on se rend au Palais de justice, on nous le rappelle immédiatement, puisque si vous avez la carte, magistrat ou avocat, vous passez directement. Si vous n’avez pas la carte, vous avez le droit d’aller à la Sainte-Chapelle, vous attendez un quart d’heure et vous arrivez en retard. L’important, c’est la carte ! De fait, seule une profession a renoncé à la carte, par l’entremise de Marthe Richard, le 11 avril 1946…
I. UNE CARTE POUR LE SALARIAT
6 Qui sont les journalistes professionnels ? Selon Émile Brachard, on entend par journaliste professionnel, je le cite : « Les travailleurs réguliers de la rédaction » [2]. Et il précise : « Le journaliste n’est pas un écrivain qui, travaillant chez lui au gré de son inspiration, est maître du moment où il portera le produit de son travail à l’éditeur qui le publiera. C’est un salarié, attaché à son journal par un contrat de louage de service, astreint à une besogne déterminée, souvent à des heures de travail dont le nombre est stipulé, chargé de responsabilités précises » [3].
7 La caractéristique de ce professionnalisme est donc le lien salarial qui, d’ailleurs, est la pierre angulaire du Code du travail.
8 Le paradoxe de tout cela, que ce soit en droit du travail ou en droit de la Sécurité sociale, réside en ce que tout est fondé sur le lien de subordination, qui lui-même, n’est défini nulle part puisque le droit prétorien s’en rapporte, pour l’établir, à un faisceau d’indices. Les milliers de pages du droit social et le formalisme du Code du travail reposent ainsi sur une notion aux contours flous.
9 Pourquoi donc bâtir en 1935 ce statut du journaliste ? Parce que la réflexion que nous menons aujourd’hui avait d’ores et déjà eu lieu dans les années 1920, et, plus précisément en 1926. Cette année-là, est réalisée une enquête du Bureau International du Travail sur les conditions de travail des journalistes et un second rapport d’enquête, en 1930, concluait : « L’établissement d’un statut professionnel est indispensable à la sauvegarde des intérêts des journalistes. » [4]. Un constat s’impose ici : nous ne sommes plus dans le souci de garantir une déontologie ou, pour reprendre les termes de M. Brachard, de délivrer une éducation populaire saine, mais bien plutôt dans la sauvegarde des intérêts professionnels des journalistes.
II. UNE VOLONTÉ DE DÉFINIR STRICTEMENT LA NOTION DE JOURNALISTE PROFESSIONNEL
10 À partir de là, il va falloir définir ce qu’est un journaliste. La loi du 29 mars 1935 va le faire. À ce titre, il convient de rappeler que ce texte législatif est intervenu sur le constat d’une carence du droit conventionnel dans la branche, ce alors même que la loi de 1919 avait incité à l’émergence d’un droit négocié entre partenaires sociaux dans un souci de récompense (après l’épreuve commune de la guerre de 14-18), de paix sociale et de sape des idées bolcheviques de lutte des classes.
11 L’idée du législateur était de permettre aux partenaires sociaux de faire leurs propres lois au regard des spécificités de leur profession dont ils étaient les plus à même de juger. Le seul problème est que dans le secteur de la presse cela n’a pas fonctionné, l’édiction d’un statut professionnel n’aboutissant pas, et le rapport Brachard est un véritable réquisitoire contre l’attentisme du patronat de presse, qui est dénoncé d’autant plus ouvertement que les rapporteurs sont d’anciens journalistes et des membres du Syndicat des journalistes.
12 Par conséquent, le législateur intervient du fait de la carence des partenaires sociaux et vote cette loi du 29 mars 1935 sur le statut des journalistes, que l’on retrouve désormais aux articles L. 761.1 et suivants du Code du travail qui deviendront, à compter du 1er mai 2008, les articles L. 7111.1 et suivants du Code du travail.
A. La définition du professionnel journaliste
13 Aujourd’hui, une définition du journaliste est donc donnée par la loi : le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, ou dans une ou plusieurs agences de presse, et qui en tire le principal de ses ressources. C’est déjà un mieux par rapport au lien de subordination, qui lui, n’est défini nulle part. Cependant, il manque dans cette définition les sociétés audiovisuelles qui ont néanmoins été rattrapées par la loi. En effet, une loi spéciale est intervenue et assimile les sociétés de diffusion à des entreprises de presse. On retrouve désormais cette définition dans l’article L. 7111.5 du Code du travail, puisqu’il nous dit : « Les journalistes exerçant leur profession dans une ou plusieurs entreprises de communication publiques par voie électronique ont la qualité de journalistes professionnels. »
14 On règle donc bien la question de la définition du journaliste professionnel mais on en arrive au constat de la tautologie : on est journaliste professionnel à partir du moment où on exerce la profession de journaliste [5]. On est donc revenu à la case départ même si l’on a désormais cinq critères légaux. Ainsi, il faut avoir une occupation principale, régulière et rétribuée, ce sont les trois premiers.
15 Ensuite, il faut exercer ses fonctions dans une entreprise de presse, une agence de presse, une entreprise de communication publique par voie électronique, c’est le quatrième critère. Ceci pose le problème des sociétés de production audiovisuelle intervenant pour les sociétés de diffusion audiovisuelle. Cette lacune avait d’ores et déjà été identifiée par le rapport Vistel [6] : les sociétés de production audiovisuelle, ne pourront pas employer des journalistes dès lors qu’elles ne sont pas dans la liste, et la seule solution est de s’inscrire comme agence de presse. Or, si elles s’inscrivent comme agence de presse, à ce moment-là elles ont un code APE qui ne leur permet plus d’employer des intermittents du spectacle dont elles ont pourtant besoin pour réaliser leurs reportages. Cela suppose alors un petit montage qui permet de régler la question mais avec des solutions qui sont paradoxales, et qui vont s’amplifier puisque, désormais, il y a une convention collective des sociétés de production audiovisuelle qu’il va falloir articuler avec les conventions collectives des agences de presse, négociées par la Fédération française des agences de presse.
16 Enfin, dernier critère, tirer le principal de ses ressources du journalisme. La loi du 4 juillet 1974, dite Loi Cressard, qui est venue rappeler la présomption de contrat de travail pour les journalistes rémunérés à la pige, est venue modifier la loi du 29 mars 1935 : celle-ci visait « le principal des ressources nécessaires à son existence » [7]. Les termes « nécessaires à son existence » ont disparu en 1974. Demeure désormais comme seul critère objectif le principal des ressources. Ceci signifie que seule la déclaration fiscale du journaliste peut permettre de savoir s’il conserve la qualité de journaliste lorsqu’il se livre à d’autres activités professionnelles. On pense notamment à l’organisation de colloques ou autres manifestations, dénommés usuellement « ménages » dans la profession. Ce principal de rémunération doit être apprécié, selon la doctrine, au regard des seules activités professionnelles, à l’exclusion des revenus extraprofessionnels. Une telle analyse apparaît fondée puisque l’article L. 761- 2, et désormais, L. 7111-3 du Code du travail vise une « activité […] rétribuée ».
17 Demeure la question, si l’on ne retient que cette catégorie de revenus d’activité, de savoir si l’on prend en considération les revenus versés par les Assedic ? L’article R. 761-14 du Code du travail permet certes à l’ancien journaliste, ayant plus de 2 ans d’ancienneté, de se voir attribuer une carte provisoire, mais il demeure silencieux sur le statut applicable aux collaborations et rémunérations ne représentant pas le principal des ressources.
B. Les autres professionnels : l’auteur et le correspondant local de presse
18 L’auteur et le correspondant local de presse sont les deux autres professions intellectuelles susceptibles d’intervenir au sein de la rédaction, le terme de professionnel étant employé au sens fiscal, en ce que la rémunération perçue est soumise à impôts. Ces collaborateurs sont évoqués à l’article 6 alinéa 2 de la convention collective nationale de travail des journalistes professionnels. Et la convention de préciser immédiatement en son alinéa 3 qu’« en aucun cas, ces personnalités ne devront tenir un emploi salarié qui pourrait être assuré par un journaliste professionnel ».
19 On retrouve également cet auteur évoqué dans la note sur le régime social des collaborateurs de la rédaction rémunérés à la pige qui accompagne le texte de la convention collective nationale de travail des journalistes professionnels. L’auteur sera non salarié et sa rémunération soumise aux cotisations du régime des artistes auteurs tel que géré par l’Agessa ou la Maison des Artistes, ce qui n’exclut d’ailleurs pas une éventuelle requalification, à l’initiative du salarié [8].
20 De même, seront non salariés les correspondants locaux de presse tels que définis par l’article 10 de la loi du 27 janvier 1987 dernièrement modifiée par la loi du 27 janvier 1993 : « Le correspondant local de la presse régionale ou départementale contribue, selon le déroulement de l’actualité, à la collecte de toute information de proximité relative à une zone géographique déterminée ou à une activité sociale particulière pour le compte d’une entreprise éditrice.
21 Cette contribution consiste en l’apport d’informations soumises, avant une éventuelle publication, à la vérification ou à la mise en forme préalable par un journaliste professionnel. Le correspondant local de la presse régionale et départementale est un travailleur indépendant et ne relève pas au titre de cette activité du 16° de l’article L. 311-3 du Code de la Sécurité sociale ni de l’article L. 761-2 du Code du travail ».
22 Lesdits correspondants locaux de presse relèvent pour leur part du régime de sécurité sociale des travailleurs non salariés [9].
23 En conclusion de notre propos, c’est donc le salariat qui va venir distinguer le journaliste de l’auteur ou du correspondant local de presse. Le joug salarial caractérise donc la professionnalité journalistique. La conséquence de cela est que les non salariés ne seront pas soumis aux règles déontologiques visant les seuls journalistes professionnels (notamment l’article 5 de la convention collective nationale de travail des journalistes) et qu’ils ne bénéficieront pas non plus de la clause de conscience telle que prévue par l’article L. 761-7, désormais L. 7112-5 du Code du travail. Il en sera de même des différentes chartes et codes de déontologie qui verront leur application limitée aux seuls signataires en vertu de l’effet relatif des contrats.
24 La déontologie ne concerne donc légalement que les journalistes professionnels et non les auteurs amateurs. Et pour cette première catégorie, se pose encore la question de l’effectivité et de la sanction des règles déontologiques dès lors que l’auteur principal de l’infraction de presse [10] est le directeur de publication et que c’est lui qui, in fine, exerce le pouvoir disciplinaire dans l’entreprise de presse [11].
25 La liberté de la presse et son corollaire de responsabilité n’ont donc rien à attendre du statut professionnel. Un tel constat n’est pas nouveau puisque Émile Brachard relevait en 1935 : « le régime hitlérien a supprimé la liberté de la presse et celle du journaliste ; mais il n’a pas touché aux garanties matérielles visant l’exercice de la profession » [12].
26 F.G.
Notes
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[1]
Rapport fait au nom de la commission du travail chargée d’examiner la proposition de loi de M. Henri Guernut et plusieurs de ses collègues relative au statut professionnel des journalistes par M. Brachard, J.O. Chambre des députés, sess. Ord., séance du 22 janvier 1935, annexe n° 4516, p. 108.
-
[2]
Ibid., p. 98
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[3]
Ibid., p. 98
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[4]
Op. cit., p. 100
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[5]
Ce qui suppose une activité intellectuelle de suivi de l’actualité, comme l’a relevé la jurisprudence : sur ce point : Derieux Emmanuel, Granchet Agnès, Droit des médias, 5e éd., LGDJ, 2008, p. 370 et s.
-
[6]
Vistel Jacques, « Qu’est-ce qu’un journaliste », rapport de mission au Secrétaire d’État à la Communication sur le cadre juridique de la profession de journaliste, Sjti, 1993, p. 36-38
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[7]
D. 1936, IVe partie, p. 56-59, loi reproduite avec un commentaire de Marcel Lachaze.
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[8]
Soc., 11 juillet 2006, Éditions Larivière c/ de Nauw, Légipresse n° 236, nov. 2006 : le fait de ne pas déclarer que le journalisme est son activité principale sur des fiches de renseignement à destination de l’employeur n’a pas été considéré comme une exécution de mauvaise foi du contrat au sens de l’article L. 120-4 du Code du travail ou 1134 du Code civil.
-
[9]
Article 10 de la loi du 27 janvier 1987 modifiée : « II. - Lorsque le revenu tiré de leur activité n’excède pas 15 p. 100 du plafond annuel de la sécurité sociale au 1er juillet de l’année en cours, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale visés au I ne sont affiliés aux régimes d’assurance maladie-maternité et d’assurance vieillesse des travailleurs non salariés que s’ils le demandent. III. - Lorsque le revenu tiré de leur activité reste inférieur à 25 p. 100 du plafond mentionné au II, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale visés au II bénéficient d’un abattement de 50 p. 100 pris en charge par l’État sur leurs cotisations d’assurance maladie-maternité et d’assurance vieillesse. »
-
[10]
Les règles déontologiques étant le plus souvent la déclinaison des règles posées par la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse.
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[11]
Si la ligne rédactionnelle de la publication de presse a un rapport distancié avec la règle déontologique, l’effectivité de celle-ci dans l’entreprise sera ectoplasmique.
-
[12]
Rapport fait au nom de la commission du travail chargée d’examiner la proposition de loi de M. Henri Guernut et plusieurs de ses collègues relative au statut professionnel des journalistes par M. Brachard, J.O. Chambre des députés, sess. Ord., séance du 22 janvier 1935, annexe n° 4516, p. 98.