Notes
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[1]
Lavialle (C.), « Du domaine public comme fiction juridique », JCP, éd. G, 1994, I, n° 3766.
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[2]
Article L. 1 du Code du patrimoine.
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[3]
La loi a ainsi pu établir un domaine public maritime naturel (Ordonnance de Colbert sur la Marine de 1681, la loi du 28 novembre 1963), un domaine public routier (actuellement consacré dans le Code de la voirie routière).
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[4]
Le terme de domaine public sera entendu tout au long de cette contribution dans le sens que lui donnent les administrativistes, c’est à dire comme une ensemble de biens soumis à la domanialité publique et non le sens que retenu par les spécialistes de la propriété intellectuelle comme le statut juridique de créations intellectuelles lorsque les droits patrimoniaux sont épuisés.
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[5]
Il est en effet difficile de défendre le caractère naturel des biens du domaine public comme celui des biens culturels dès lors qu’il s’agit de catégories juridiques créées et que du point de vue juridique cette appartenance ne peut résulter que d’un acte de volonté prenant la forme d’un classement et/ou d’une affectation.
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[6]
Delvolve (P.), « La protection des biens culturels en droit public français », Rev. int. dr. comp. 1986, p. 270.
-
[7]
La loi du 9 décembre 1905 séparant les Églises et l’État, modifiée par la loi du 13 avril 1908, règle la propriété des édifices du cultes construits ou acquis avant 1905 par des personnes publiques et non revendiqués par des associations cultuelles.
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[8]
Art. L. 410-1 du Code du Patrimoine (C. Pat.) « Est considéré comme musée, au sens de la présente loi, toute collection permanente composée de biens dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public et est organisée en vue de la connaissance, de l’éducation et du plaisir du public »
-
[9]
Article L. 451-5 du C. Pat : « Les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique font partie de leur domaine public et sont, à ce titre, inaliénables ».
-
[10]
En vertu de la lecture combinée des articles L. 622-13 et L. 622-14 du C. Pat.
-
[11]
Cass. Civ. 2 avril 1963, Montagne contre Réunion des Musées de France, AJDA 1963, p. 486. A propos d’une étude de Seurat, la Cour de cassation indique que « les biens des établissements publics font partie de domaine public dès lors que, leur conservation et présentation au public sont l’objet même du service public ».
-
[12]
CE 10 juin 1921, Commune de Monségur, Leb. p. 573.
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[13]
CE Ass. 11 mai 1959, Dauphin, Leb. p. 294 « l’allée des Alyscamps, qui appartient à la ville d’Arles, est affectée à un service public de caractère culturel et touristique, et qu’elle a fait l’objet d’aménagement spéciaux en vue de cet usage, qu’ainsi cette allée a été incorporée au domaine public communal ».
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[14]
Pour un panorama sur la question : Hourquebie (F.), « Le domaine public mobilier », RDP n° 3-2005, p. 635-663.
-
[15]
Cass. Civ. 2 avril 1963, préc. ; TA de Paris 9 avril 2004, AJDA 2004, p. 1709. Ce dernier jugement est rendu à propos d’un fragment de la colonne Vendôme, démolie en 1871, et que des particuliers avaient pensé pouvoir s’approprier.
-
[16]
Poli (J.F.), La protection des biens culturels meubles, LGDJ, Bibliothèque de droit de l’urbanisme et de l’environnement, 1996, p. 271- 292
-
[17]
Cass. Civ. 2 avril 1963, préc ;
-
[18]
Bastien (H.), « A quoi sert le domaine public mobilier ? L’exemple des biens culturels », AJDA 1993, p. 675 et s ; Hourquebie (F.), « Le domaine public mobilier », RDP n° 3-2005, p. 635-663.
-
[19]
En ce bornant à recenser les biens protégés par le code du patrimoine, les collections des musées de France, les archives historiques, les objets mobiliers classés au titre des monuments historiques.
-
[20]
Le Conseil constitutionnel a refusé de voir explicitement dans l’inaliénabilité de certains biens un principe constitutionnel ouvrant ainsi au législateur la possibilité d’aménager dans certaines limites le régime des biens. Cons. Const., 21 juillet 1994 - Décision n° 94-346 DC, Loi complétant le code du domaine de l’état et relative à la constitution de droits réels sur le domaine public ; Cons. Const., 23 juillet 1996 - Décision n° 96-380 DC, Loi relative à l’entreprise nationale France Télécom. Cependant, les biens qui relevaient du domaine public parce qu’affectés à un service public ne pourront être déclassés par le législateur que si ce dernier a prévu des mécanismes permettant de préserver l’affectation de ces biens au service public par lequel ils sont utilisés.
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[21]
Ce n’est que de façon exceptionnelle que de tels édifices pourront perdre leur affectation au culte en application de la loi du 9 décembre 1905 (article 13) et être retirés aux associations cultuelles qui en ont la jouissance. Cet article vise six cas de figures : pas de célébration pendant six mois (sauf cas de force majeure) ; dissolution de l’association cultuelle bénéficiaire, mise en cause de l’édifice pour insuffisance d’entretien, détournement de destination de l’édifice, méconnaissance des prescriptions légales relatives à la législation sur les monuments historiques, des obligations en matière de dette, d’emprunts de réparations, de frais d’assurance ou de charges. Il prévoit que la désaffectation ou l’affectation à une autre association cultuelle se proposant l’exercice du même culte sera prononcée par décret en Conseil d’État (ou depuis un décret du 17 mars 1970 par arrêté préfectoral dont la légalité douteuse, les compétences en droit ne se déléguant pas sauf texte l’autorisant).
-
[22]
CE 10 juin 1921, Commune de Monségur, Leb. p. 573. Dans cette affaire, un bénitier dans une Église appartenant au domaine public communal, s’était détaché de son socle et avait blessé un enfant. Le Conseil d’État déclare la commune responsable du préjudice subi, du fait de l’absence de travaux publics nécessaires à l’entretien de l’édifice. Les usagers de ce domaine public immobilier artificiel bénéficient d’un régime de responsabilité sans faute à prouver. En cas de dommage, il reviendra à l’administration de prouver qu’elle a correctement entretenu l’ouvrage public.
-
[23]
Ainsi, à propos des collections des musées de France, le code du patrimoine vient rappeler cette invitation dans son article L. 441-2 « Les musées de France ont pour missions permanentes de : a) Conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections ». De même les archives publiques sont l’objet de procédures spécifiques de conservation (notamment art. L. 212-2, Art. L. 212-16, Art. 212-10 du C. Pat.). Une même obligation pèse sur la personne publique propriétaire des biens meubles classés. L’article L. 622-9 du C. Pat. indique que les personnes publiques « sont tenues d’assurer la garde et la conservation des objets classés (…) dont ils sont propriétaires ».
-
[24]
AJDA septembre 2000 N° spécial, Culture et service public.
-
[25]
A titre d’illustration, il est possible de reprendre l’exemple cité par Hervé Bastien (préc. p. 677) de l’hôpital de Melun, qui pour acquérir un scanner, avait mis en vente deux tableaux flamands du XVIIe siècle dont il était propriétaire. N’ayant jamais été affectées à l’usage du public ou d’un service public, elles relevaient du domaine privé de l’établissement et était donc aliénables. C’est le seul classement au titre des monuments historiques qui est venu limiter les possibilités de cession (Clochemerle pour deux chefs d’œuvres, Le Figaro, 28 décembre 1992).
-
[26]
Cette limite n’est toutefois pas applicable dès lors que la loi elle-même a classé le bien dans le domaine public indépendamment de toute idée d’affectation.
-
[27]
Préc. p. 488.
-
[28]
Cette « rigidité excessive » est également soulignée par Hervé Bastien (article précité, p. 679)
-
[29]
Art. L. 111-1 et s du C. Pat. fixant le régime de circulation des biens culturels.
-
[30]
Art. L. 451- 3 du C. Pat.
-
[31]
Art. L. 451-3 du C. Pat.
-
[32]
Si des interrogations ont pu naître sur les possibilités de transfert de biens du domaine public entre personnes publiques (Douence (M.), « L’inaliénabilité du domaine public, De la nécessité de revoir la règle de l’indisponibilité des dépendances domaniales entre personnes publiques », AJDA 2006, p. 238-246), la question des biens culturels qui n’est pas abordée par l’auteur, est réglée dans un sens positif).
-
[33]
Bastien (H.), préc. p. 675.
-
[34]
Section I : Des destructions, dégradations et détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes
Article 322-1 ; La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende, sauf s’il n’en est résulté qu’un dommage léger. (…)
Article 322-2 ; L’infraction définie au premier alinéa de l’article 322-1 est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende et celle définie au deuxième alinéa du même article de 7500 euros d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général, lorsque le bien détruit, dégradé ou détérioré est : (...)
3º Un immeuble ou un objet mobilier classé ou inscrit, une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement, un terrain contenant des vestiges archéologiques ou un objet conservé ou déposé dans un musée de France ou dans les musées, bibliothèques ou archives appartenant à une personne publique, chargée d’un service public ou reconnue d’utilité publique ;
4º Un objet présenté lors d’une exposition à caractère historique, culturel ou scientifique, organisée par une personne publique, chargée d’un service public ou reconnue d’utilité publique -
[35]
Duguit (L.), Traité de droit constitutionnel, tome III, de Boccard, 1923.
-
[36]
CE 17 février 1932, Commune de Barran, D. 1933, III, p. 49 Note Capitant (R.).
-
[37]
Art. L. 451-10 du C. Pat.
-
[38]
Mais on la trouve aussi développée pour d’autres catégories de biens affectés à des services publics. La loi du 20 avril 2005 transforme le statut juridique d’Aéroports de Paris (ADP), d’établissement public il devient société anonyme perdant ainsi toute possibilité de disposer d’un domaine public. Cependant le législateur a pris soin de maintenir l’affectation légale des édifices confiés au nouveau gestionnaire. Cette technique avait déjà été utilisée lors de la transformation en société anonyme de France télécom par la loi du 26 juillet 1996. Fatome (E.), « Le régime juridique des biens affectés à un service public », AJDA 2006, p. 178- 183.
1 La domanialité publique, entendue comme le régime juridique spécifique appliqué à certains biens [1], et le droit des biens culturels comportent indéniablement des caractéristiques communes. D’abord parce qu’ils tendent tous deux à établir des modes dérogatoires d’exercice de la propriété destinés à conserver, à protéger certains biens. En effet, l’une des caractéristiques essentielles des biens culturels peut être trouvée dans leur intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique particulier [2], qui conduit à les considérer comme des composantes du patrimoine culturel. Dans une perspective comparable, la domanialité publique vise à protéger certaines propriétés publiques perçues comme spécifiques [3].
2 Ensuite parce que les biens relevant de chacune de ces deux catégories y sont intégrés par une manifestation de volonté, il n’y a pas de domaine public [4] ou de biens culturels par nature, mais en fonction d’une appréciation contingente et relative conduisant à les incorporer dans cette catégorie au regard de l’intérêt social qu’ils présentent [5].
3 Le législateur, conscient de la particularité de certains biens, a pu opérer lui-même leur classement dans le domaine public. Pour cela deux possibilités s’offrent à lui : soit identifier lui-même les biens qui vont relever du régime de la domanialité publique, ne laissant à l’administration que la tâche d’appliquer les prescriptions législatives, soit créer une catégorie de bien au contenu indéterminé conduisant l’administration à opérer un classement après avoir identifié, elle-même, les biens présentant un intérêt particulier.
4 A titre d’illustration de la première catégorie, mêlant le cultuel et le culturel [6], il est possible de signaler le régime de certains édifices du culte [7] ainsi que les biens meubles les garnissant. Si certaines églises ou cathédrales relèvent du domaine public, eu égard originairement à leur fonction cultuelle, elles constituent aussi dans la majorité des cas des biens culturels.
5 En ce qui concerne la seconde hypothèse, le code du patrimoine rassemble aujourd’hui un certain nombre de règles destinées à identifier les biens relevant plus ou moins directement du domaine public culturel. Ainsi, la loi du 4 janvier 2002 (aujourd’hui codifiée dans le Code du patrimoine) classe-t-elle les collections des musées de France [8] appartenant à des personnes publiques dans le domaine public [9] ou encore les objets mobiliers appartenant à l’État et classés comme des monuments historiques [10].
6 Au-delà de ce domaine public par détermination de la loi, la jurisprudence a été amenée à classer certains biens culturels dans le domaine public. Les caractéristiques que doivent revêtir les biens pour bénéficier du régime de la domanialité publique sont fondées sur deux conditions cumulatives : la propriété publique du bien et l’affectation à l’utilité publique.
7 Un bien ne peut appartenir au domaine public que s’il est la propriété exclusive d’une personne publique (État, collectivité territoriale ou établissement public). L’affectation à l’utilité publique, seconde condition jurisprudentielle de la domanialité publique, peut prendre deux formes. Il peut s’agir soit d’une affectation à un service public [11] soit d’une affectation à l’usage direct du public [12]. Dans les deux cas, pour éviter une hypertrophie du domaine public, le juge administratif a ajouté une condition supplémentaire tenant à l’aménagement spécial du bien destiné à concrétiser l’affectation.
8 Si cette dernière condition est recherchée avec plus ou moins de rigueur par le juge en présence d’un bien immobilier [13], elle est plus problématique en présence d’un bien meuble. On voit mal, en effet, en quoi pourrait consister l’aménagement spécial d’une œuvre d’art, d’une tapisserie, d’un tableau ou encore d’une sculpture.
9 Pendant longtemps la doctrine [14] a d’ailleurs pu douter de l’existence d’un domaine public mobilier, aujourd’hui la question est tranchée dans un sens positif par la loi, comme par la jurisprudence [15], et fait l’objet d’études doctrinales substantielles [16].
10 Cependant la consistance de ce domaine public mobilier reste incertaine, y seront intégrés essentiellement les biens culturels appartenant à des personnes publiques, souvent par la volonté du législateur. Cette incorporation au domaine public pourra aussi résulter, en application des principes jurisprudentiels, soit du fait que le bien mobilier constitue l’objet même du service public [17], soit du fait qu’il est indispensable au fonctionnement du service public [18].
11 L’utilisation d’une même technique de classement peut être constatée à propos des biens culturels. Ne constituant pas une catégorie définissable a priori, c’est un classement qui conduit les autorités publiques à identifier les biens culturels. C’est ainsi suivant cette technique que seront déterminés les monuments historiques immobiliers ou mobiliers classés, les archives, ou encore les collections des musées de France.
12 Enfin les deux régimes juridiques peuvent être rapprochés, parce que la domanialité publique englobe certains biens, considérés comme culturels, les protections ainsi conférées tendant à se superposer ou à se confondre.
13 En dépit de ces multiples rapprochements, deux éléments tendent à distinguer les deux catégories. D’abord si les biens du domaine public sont très majoritairement des biens immobiliers par nature ou par destination, les biens culturels sont tantôt des biens meubles [19], tantôt des biens immeubles.
14 Quantitativement, on peut même considérer que la première catégorie l’emporte sur la seconde.
15 Ensuite parce que bon nombre de biens culturels relèvent de la propriété privée et échappent donc à toute appréhension par la domanialité publique.
16 Ainsi, on ne peut manquer de souligner les similitudes des préoccupations justifiant dans les deux cas l’existence d’un droit de propriété dérogatoire au regard du droit commun. La domanialité publique comme le régime des biens culturels correspondent à une logique de conservation et de préservation.
17 Dès lors, il paraît intéressant de s’interroger sur l’articulation et sur les rapports existant entre les deux régimes s’appliquant à des catégories de biens qui ne se recouvrent que très partiellement. Ainsi, s’il s’avère que la domanialité publique peut se concevoir comme une technique de protection de certains biens culturels (I), c’est surtout sous l’angle de modèle, de source d’inspiration du régime des biens culturels que la domanialité doit être aujourd’hui analysée (II).
I. LA DOMANIALITÉ PUBLIQUE COMME TECHNIQUE DE PROTECTION DES BIENS CULTURELS
18 L’objectif originaire de la domanialité publique a visé à conférer une protection particulière à des biens spécifiques. C’est ainsi tout naturellement que cette technique a pu être utilisée pour faire émerger un domaine public culturel.
19 La domanialité publique est source de protection, mais comporte aussi diverses lacunes et insuffisances dans la portée de celle-ci.
A. Un régime juridique protecteur du domaine public culturel
20 De la domanialité publique de certains biens culturels découle une protection particulière concrétisée par l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité des biens, mais aussi une protection de leur intégrité.
21 Deux principes sont au cœur du régime de la domanialité publique, celui de l’inaliénabilité et celui de l’imprescriptibilité. Tous deux protègent les biens du domaine public de l’appropriation privée. En vertu du premier, il est interdit aux personnes publiques propriétaires d’aliéner les biens de leur domaine public, d’en subir l’expropriation d’utilité publique, entendue comme une cession forcée de leur propriété, ou encore de consentir des démembrements de leur droit de propriété sur des dépendances domaniales en constituant des servitudes ou en reconnaissant l’existence de droits réels sur ceux-ci.
22 Cette protection conférée par le principe d’inaliénabilité n’est cependant pas absolue. Le principe, de valeur législative [20], peut faire l’objet d’exceptions définies par la loi. De plus, bien souvent il n’impose que des contraintes formelles et procédurales aux personnes publiques propriétaires qui ne pourront aliéner un bien de leur domaine public sans au préalable l’avoir incorporé dans leur domaine privé en déclassant et désaffectant le bien.
23 La question se pose en termes différents dans les rares cas où la collectivité propriétaire n’est pas maître de l’affectation décidée par le législateur lui-même qui peut imposer une procédure particulière à la sortie du domaine public.
24 En se limitant aux biens culturels, deux exemples suffiront à illustrer cette hypothèse. D’abord le statut des édifices du culte appartenant en 1905 à des personnes publiques et non revendiqués dans les délais fixés par la loi du 9 décembre 1905, qui relèvent avec les meubles les garnissant du domaine public de l’État (cathédrales) ou des communes (Églises). Ces biens sont affectés par la loi à l’exercice du culte, et ce n’est que de manière exceptionnelle qu’ils pourront être désaffectés [21].
25 Dans la même logique, le Code du patrimoine institue un mécanisme spécifique aux collections des Musées de France appartenant à des personnes publiques qui ne pourront sortir du domaine public que par une décision de déclassement émanant de l’autorité administrative après avis conforme, c’est-à-dire avec l’accord d’une commission scientifique instituée à cet effet (L. 451-5 CP).
26 Le principe d’imprescriptibilité quant à lui est souvent présenté comme le corollaire de l’inaliénabilité. Ce principe s’oppose à l’existence d’une prescription acquisitive qui aboutirait à priver une personne publique d’une dépendance de son domaine public.
27 L’application de ce principe comporte des modalités variables selon la nature du bien. En matière immobilière, il s’oppose à ce que l’occupation du bien fasse naître un droit quelconque au profit de l’occupant. En matière mobilière, il s’oppose à l’application de l’article 2279 du Code civil suivant lequel « en fait de meuble, possession vaut titre ».
28 Par ailleurs, ce principe d’imprescriptibilité comporte une implication particulière en terme de délais et de possibilités d’action. L’action en revendication ou l’action en responsabilité pour les dommages causés au domaine public sont imprescriptibles.
29 L’administration est également tenue d’assurer l’entretien et la conservation de son domaine public afin que ce dernier réponde au mieux à l’affectation donnée au bien. Cette obligation d’étendue variable est particulièrement perceptible à propos du domaine public immobilier artificiel au travers du régime des ouvrages publics. Le défaut d’entretien normal d’un ouvrage public, lorsqu’il provoque un dommage, ouvre à la victime un régime de responsabilité pour faute présumée de l’administration [22].
30 Pour les biens mobiliers du domaine public, la question se pose en termes différents dans la mesure où la théorie de défaut d’entretien normal, limitée aux ouvrages publics, donc aux ouvrages immobiliers, ne leur est pas applicable. On peut en revanche noter l’existence de textes spécifiques qui imposent une obligation d’entretien aux personnes publiques propriétaires [23].
B. Les insuffisances du régime juridique à l’égard de la protection des biens culturels
31 Si les implications de la domanialité publique des biens culturels permettent d’assurer une protection adaptée au but recherché, elles n’en comportent pas moins des insuffisances et des limites.
32 Une première série de limites apparaît au regard des critères de la domanialité publique elle-même. Pour qu’un bien soit protégé par ce régime, il doit appartenir à une personne publique, et être affecté à l’utilité publique.
33 La protection conférée par la domanialité publique trouve sa première limite par l’indispensable appartenance du bien à une personne publique, laissant ainsi sans protection des biens d’une nature et d’une consistance identiques mais appartenant à une personne privée. Or, figurent dans le patrimoine culturel un certain nombre de propriétés privées.
34 De même, la nécessaire appropriation du bien, même si elle peut être facilitée par des mécanismes fiscaux (dation en paiement, par exemple) n’en présente pas moins des contraintes en terme de coût d’acquisition en dehors de cette technique et génère également dans tous les cas des coûts induits en terme de conservation et de restauration qui pèsent sur les budgets publics.
35 Ainsi les pouvoirs publics se trouvent placés dans leur politique de préservation face à une alternative : l’appropriation publique des biens culturels ou la réglementation des biens privés destinée à les protéger.
36 De même, l’application du second critère jurisprudentiel n’est pas sans soulever des difficultés. Le critère de l’affectation peut paraître inadapté.
37 En effet, dès lors que l’affectation du bien à un service public (en général, le service public culturel [24]) ou à l’usage direct du public est l’une des conditions de la domanialité publique, les biens culturels appartenant à des personnes publiques ne sont pas protégés du fait de leur intérêt propre (artistique, archéologique, esthétique, scientifique, technique ou historique) mais de leur affectation. Si celle-ci est absente [25] ou remise en cause, le bien cesse d’être protégé par la domanialité publique. Ainsi lorsque des biens culturels sont acquis et conservés par les personnes publiques sans être présentés au public ou affectés à l’usage direct du public, ils relèvent du domaine privé de la personne publique et deviennent de ce fait aliénables et prescriptibles [26].
38 La seconde série de critique adressée à la domanialité publique des biens culturels porte sur la rigidité de gestion qu’elle impose.
39 Hormis les cas où un texte spécifique organise les principes de gestion de ces biens, la seule appartenance d’un bien au domaine public est vecteur de contraintes et de lourdeurs en terme de procédures à mettre en œuvre pour assurer la circulation juridique et matérielle des biens. Ainsi comme le souligne Marie Cornu [27], les personnes publiques ne pourront aliéner un bien culturel relevant de leur domaine public, ceci alors même qu’une telle cession leur permettrait d’obtenir les fonds nécessaires à l’acquisition d’un bien d’un intérêt supérieur [28].
40 Par ailleurs, on peut douter de la pertinence d’une protection s’appliquant à tous les biens immobiliers comme mobiliers relevant du domaine public sans égard pour les particularités qu’ils présentent.
41 Si la théorie de la domanialité publique présente un bilan mitigé comme mécanisme, comme technique de protection, elle retrouve malgré tout un intérêt comme modèle de protection spécifique détaché de la propriété publique pour s’appliquer à l’ensemble des biens culturels, ou du moins à ceux présentant un intérêt particulier.
II. LA DOMANIALITÉ PUBLIQUE COMME MODÈLE DANS LA PROTECTION DES BIENS CULTURELS
42 Perçu comme rigide et inadapté à certains égards, le régime de la domanialité publique n’en est pas moins utilisé par les législations relatives à la protection du patrimoine culturel comme une source d’inspiration, dont l’application dépasse le champ de la domanialité publique et même celui de la propriété publique.
A. Des mécanismes protecteurs étendus au-delà de la domanialité publique
43 Ces mécanismes passent tout d’abord par une volonté de conservation de certains biens présentant un intérêt social particulier, indépendamment de la nature de la personne propriétaire, en encadrant voire en interdisant leur exportation [29].
44 Par ailleurs, l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité qui sont les caractéristiques majeures des dépendances du domaine public ne semblent plus aujourd’hui réservées à cette seule catégorie juridique.
45 Si le phénomène d’extension d’un régime protecteur des biens culturels quel qu’en soit la personne propriétaire est ancien, figurant déjà dans la loi de du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, il n’en connaît pas moins une certaine généralisation.
46 Ainsi, le principe d’imprescriptibilité fait l’objet d’une application très large, s’étendant au-delà de la domanialité publique. Il est appliqué indistinctement à l’ensemble des collections disposant du label Musée de France sans égard pour la personne du propriétaire [30] et, conséquence logique de ce principe, vient prévoir que les actions en nullité ou en revendication pourront toujours s’exercer [31]. C’est également à ce principe que sont soumis les archives qu’elles soient publiques (Art. L. 212-1 du C. Pat.) ou privées classées comme archives historiques (Art. L. 212-20 du C. Pat.), les immeubles classés au titre des monuments historiques (L. 621-17 du C. Pat.) ou enfin les objets mobiliers classés au titre des monuments historiques (Art. L. 622-13 du C. Pat.).
47 De même, les mécanismes d’aliénation des biens appréhendés par le Code du patrimoine font l’objet de procédures spécifiques quels qu’en soient les propriétaires. Si les textes sont muets sur la possibilité d’aliénation des archives publiques, la seule alternative à leur conservation paraît être leur destruction, ce qui pourrait conduire à penser qu’elles sont inaliénables. Les archives privées quant à elles sont aliénables mais leur propriétaire doit notifier au préalable à l’administration son intention d’aliéner (Art. L. 212-13 du C. Pat.). Par ailleurs en cas de vente publique, l’État dispose d’un droit de préemption sur les archives privées.
48 Suivant la même logique, les collections des musées de France, lorsqu’elles appartiennent à une personne publique, sont inaliénables et ne peuvent être cédées qu’après déclassement suivant une procédure particulière. Sont aussi parallèlement imposées des contraintes pour les collections privées disposant de ce label qui ne peuvent être cédées qu’à une personne publique ou à une personne privée s’engageant à maintenir l’affectation de la collection et seulement avec l’accord de l’autorité administrative. Des contraintes procédurales sont ainsi posées à l’aliénation des biens quels qu’en soient les propriétaires.
49 Les débats sur la portée exacte du principe d’inaliénabilité ont divisés la doctrine. René Capitant y voyait une garantie de l’affectation du bien à l’utilité publique.
50 C’est aussi ce que l’on pourrait aujourd’hui déduire des dispositions du Code du patrimoine relatives aux Musées de France qui, si elles encadrent les mécanismes d’aliénation, se veulent avant tout garantes de l’affectation des biens en prévoyant par exemple qu’un transfert de propriété entre personnes publiques est possible dès lors que l’acquéreur s’engage à maintenir l’affectation du bien (Art. L. 451- 8). Ainsi, dans la mesure où le principe d’inaliénabilité n’a qu’une valeur législative, le Parlement a tout loisir de l’assortir de limites [32]. Les immeubles classés au titre des monuments historiques appartenant à des personnes privées sont librement aliénables (L. 621- 24 du C. Pat.) sous réserve pour le vendeur d’informer l’administration de l’aliénation et le nouveau propriétaire du classement. Ils peuvent cependant faire l’objet d’une expropriation dont l’utilité publique est consacrée par la loi (L. 621- 18 du C. Pat.). Quant aux biens meubles classés, s’ils peuvent faire l’objet d’une aliénation sous les mêmes réserves que celles précédemment énoncées, l’expropriation n’est pas possible à leur égard compte tenu de leur caractère mobilier. Cependant les contraintes liées à la conservation s’imposent aux propriétaires successifs.
51 Ainsi, comme le souligne Hervé Bastien, « il n’est pas nécessaire, en matière de biens culturels, de recourir à la domanialité publique pour bénéficier de ses deux principaux effets juridiques ; inaliénabilité, imprescriptibilité » [33]. Le Code pénal semble aussi développer la même logique unitaire en prévoyant des peines aggravées en cas d’atteinte à l’intégrité des biens culturels [34].
52 La conservation et protection matérielles des biens culturels donnent également lieu à des rapprochements.
53 Les collections des musées de France font l’objet de mécanismes de conservation particuliers notamment concernant le pouvoir attribué à l’administration de prendre les mesures pour remédier à une mise en péril (Art. 452-2 du C. Pat.).
54 De plus, les immeubles classés au titre des monuments historiques qu’ils soient publics ou privés ne peuvent être détruits ou déplacés, ni être l’objet d’un travail de restauration, ni de modification quelconque sans l’accord de l’autorité administrative (Art. L. 621-9 du C. Pat.), cette dernière aura également à suivre les modalités d’exécution des travaux, ou encore faire exécuter les travaux jugés indispensables à la conservation du bien (Art. L. 621-11 du C. Pat.) au besoin d’office et avec une participation financière égale à au moins 50 % du montant des travaux (Art. L. 621-12 du C. Pat.).
55 Cette tendance au rapprochement des régimes juridiques des biens culturels publics ou privés paraît devoir progressivement donner naissance à une catégorie de biens autonomes, relativement unitaire, dans laquelle la qualité de la personne propriétaire est placée au second plan.
B. La construction d’un régime juridique autonome et protecteur des biens culturels
56 Cette évolution s’inscrit dans un contexte plus large de remise en cause de la domanialité publique. La domanialité publique est aujourd’hui malmenée, elle fait l’objet de critiques renouvelées tant au regard de son existence que de sa nécessité.
57 Son existence est remise en cause par une partie de la doctrine qui replace sur le devant de la scène des théories apparues à partir du début du siècle dernier [35] et tendant à classer les biens, propriétés des personnes publiques, sur une échelle de la domanialité. La rigidité de la distinction duale entre domaine public et domaine privé n’aurait qu’une faible valeur explicative et ne résisterait pas à un examen plus fin des différentes catégories de biens publics. Les propriétés publiques obéiraient ainsi à des régimes variés comportant suffisamment de particularités pour altérer la distinction duale au profit d’une déclinaison de régimes juridiques. Prolongeant cette idée, on peut se demander si la distinction propriété publique et propriété privée appliquée à certaines catégories de biens, notamment les biens culturels, est réellement pertinente. La nécessité de la domanialité publique est également sujette à critique [36]. Là encore la théorie développée n’est pas nouvelle, elle vise à prendre acte de la diversité matérielle des biens protégés qui devraient l’être par des régimes particuliers plus adaptés aux buts poursuivis. La protection des biens culturels ne peut rester étrangère à ces débats et constitue au contraire un terrain d’étude privilégié. Les biens culturels sont spécifiques et le droit tend à les appréhender comme une catégorie particulière de biens. Semble ainsi émerger un régime propre aux biens culturels qui sans être totalement uniforme tend à transcender la distinction propriété publique/propriété privée.
58 Cette extension traduit une volonté d’unification des règles applicables à la protection de certains biens indépendamment de la personne du propriétaire. Ce changement de perspective est particulièrement perceptible dans le Code du patrimoine qui consacre à propos des collections des musées de France un régime dans lequel les règles communes dépassent largement les questions de la nature de la personne publique ou de l’affectation donnée aux biens. L’un des exemples frappants de ce rapprochement peut être trouvé dans la consécration du principe d’insaisissabilité qui s’applique à l’ensemble des propriétés publiques et que le code du patrimoine étend aux collections des musées de France appartenant à des personnes privées [37], contre lesquelles on ne pourra avoir recours au procédures d’exécution de droit commun. La nouvelle approche tend à protéger les biens au regard de leur nature même et de leur intérêt social et non plus au regard de la personne du propriétaire ou de l’affectation du bien. Est ainsi développée une approche à la fois plus large et plus efficace, qui met en valeur la spécificité des biens reconnus comme culturels.
59 Il paraît ainsi légitime de s’interroger sur la pertinence de maintenir à propos des biens culturels la domanialité publique dès lors qu’une protection équivalente peut être trouvée dans l’établissement d’un régime plaçant au second plan tant la question de la propriété du bien que celle de son affectation. Une idée est ainsi largement remise en cause : la domanialité publique n’est plus le seul moyen de protéger des biens d’un intérêt public particulier [38], à ses côtés émergent des régimes spécifiques adaptés à des catégories particulières de biens.
60 F.B.
Notes
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[1]
Lavialle (C.), « Du domaine public comme fiction juridique », JCP, éd. G, 1994, I, n° 3766.
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[2]
Article L. 1 du Code du patrimoine.
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[3]
La loi a ainsi pu établir un domaine public maritime naturel (Ordonnance de Colbert sur la Marine de 1681, la loi du 28 novembre 1963), un domaine public routier (actuellement consacré dans le Code de la voirie routière).
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[4]
Le terme de domaine public sera entendu tout au long de cette contribution dans le sens que lui donnent les administrativistes, c’est à dire comme une ensemble de biens soumis à la domanialité publique et non le sens que retenu par les spécialistes de la propriété intellectuelle comme le statut juridique de créations intellectuelles lorsque les droits patrimoniaux sont épuisés.
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[5]
Il est en effet difficile de défendre le caractère naturel des biens du domaine public comme celui des biens culturels dès lors qu’il s’agit de catégories juridiques créées et que du point de vue juridique cette appartenance ne peut résulter que d’un acte de volonté prenant la forme d’un classement et/ou d’une affectation.
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[6]
Delvolve (P.), « La protection des biens culturels en droit public français », Rev. int. dr. comp. 1986, p. 270.
-
[7]
La loi du 9 décembre 1905 séparant les Églises et l’État, modifiée par la loi du 13 avril 1908, règle la propriété des édifices du cultes construits ou acquis avant 1905 par des personnes publiques et non revendiqués par des associations cultuelles.
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[8]
Art. L. 410-1 du Code du Patrimoine (C. Pat.) « Est considéré comme musée, au sens de la présente loi, toute collection permanente composée de biens dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public et est organisée en vue de la connaissance, de l’éducation et du plaisir du public »
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[9]
Article L. 451-5 du C. Pat : « Les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique font partie de leur domaine public et sont, à ce titre, inaliénables ».
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[10]
En vertu de la lecture combinée des articles L. 622-13 et L. 622-14 du C. Pat.
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[11]
Cass. Civ. 2 avril 1963, Montagne contre Réunion des Musées de France, AJDA 1963, p. 486. A propos d’une étude de Seurat, la Cour de cassation indique que « les biens des établissements publics font partie de domaine public dès lors que, leur conservation et présentation au public sont l’objet même du service public ».
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[12]
CE 10 juin 1921, Commune de Monségur, Leb. p. 573.
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[13]
CE Ass. 11 mai 1959, Dauphin, Leb. p. 294 « l’allée des Alyscamps, qui appartient à la ville d’Arles, est affectée à un service public de caractère culturel et touristique, et qu’elle a fait l’objet d’aménagement spéciaux en vue de cet usage, qu’ainsi cette allée a été incorporée au domaine public communal ».
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[14]
Pour un panorama sur la question : Hourquebie (F.), « Le domaine public mobilier », RDP n° 3-2005, p. 635-663.
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[15]
Cass. Civ. 2 avril 1963, préc. ; TA de Paris 9 avril 2004, AJDA 2004, p. 1709. Ce dernier jugement est rendu à propos d’un fragment de la colonne Vendôme, démolie en 1871, et que des particuliers avaient pensé pouvoir s’approprier.
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[16]
Poli (J.F.), La protection des biens culturels meubles, LGDJ, Bibliothèque de droit de l’urbanisme et de l’environnement, 1996, p. 271- 292
-
[17]
Cass. Civ. 2 avril 1963, préc ;
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[18]
Bastien (H.), « A quoi sert le domaine public mobilier ? L’exemple des biens culturels », AJDA 1993, p. 675 et s ; Hourquebie (F.), « Le domaine public mobilier », RDP n° 3-2005, p. 635-663.
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[19]
En ce bornant à recenser les biens protégés par le code du patrimoine, les collections des musées de France, les archives historiques, les objets mobiliers classés au titre des monuments historiques.
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[20]
Le Conseil constitutionnel a refusé de voir explicitement dans l’inaliénabilité de certains biens un principe constitutionnel ouvrant ainsi au législateur la possibilité d’aménager dans certaines limites le régime des biens. Cons. Const., 21 juillet 1994 - Décision n° 94-346 DC, Loi complétant le code du domaine de l’état et relative à la constitution de droits réels sur le domaine public ; Cons. Const., 23 juillet 1996 - Décision n° 96-380 DC, Loi relative à l’entreprise nationale France Télécom. Cependant, les biens qui relevaient du domaine public parce qu’affectés à un service public ne pourront être déclassés par le législateur que si ce dernier a prévu des mécanismes permettant de préserver l’affectation de ces biens au service public par lequel ils sont utilisés.
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[21]
Ce n’est que de façon exceptionnelle que de tels édifices pourront perdre leur affectation au culte en application de la loi du 9 décembre 1905 (article 13) et être retirés aux associations cultuelles qui en ont la jouissance. Cet article vise six cas de figures : pas de célébration pendant six mois (sauf cas de force majeure) ; dissolution de l’association cultuelle bénéficiaire, mise en cause de l’édifice pour insuffisance d’entretien, détournement de destination de l’édifice, méconnaissance des prescriptions légales relatives à la législation sur les monuments historiques, des obligations en matière de dette, d’emprunts de réparations, de frais d’assurance ou de charges. Il prévoit que la désaffectation ou l’affectation à une autre association cultuelle se proposant l’exercice du même culte sera prononcée par décret en Conseil d’État (ou depuis un décret du 17 mars 1970 par arrêté préfectoral dont la légalité douteuse, les compétences en droit ne se déléguant pas sauf texte l’autorisant).
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[22]
CE 10 juin 1921, Commune de Monségur, Leb. p. 573. Dans cette affaire, un bénitier dans une Église appartenant au domaine public communal, s’était détaché de son socle et avait blessé un enfant. Le Conseil d’État déclare la commune responsable du préjudice subi, du fait de l’absence de travaux publics nécessaires à l’entretien de l’édifice. Les usagers de ce domaine public immobilier artificiel bénéficient d’un régime de responsabilité sans faute à prouver. En cas de dommage, il reviendra à l’administration de prouver qu’elle a correctement entretenu l’ouvrage public.
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[23]
Ainsi, à propos des collections des musées de France, le code du patrimoine vient rappeler cette invitation dans son article L. 441-2 « Les musées de France ont pour missions permanentes de : a) Conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections ». De même les archives publiques sont l’objet de procédures spécifiques de conservation (notamment art. L. 212-2, Art. L. 212-16, Art. 212-10 du C. Pat.). Une même obligation pèse sur la personne publique propriétaire des biens meubles classés. L’article L. 622-9 du C. Pat. indique que les personnes publiques « sont tenues d’assurer la garde et la conservation des objets classés (…) dont ils sont propriétaires ».
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[24]
AJDA septembre 2000 N° spécial, Culture et service public.
-
[25]
A titre d’illustration, il est possible de reprendre l’exemple cité par Hervé Bastien (préc. p. 677) de l’hôpital de Melun, qui pour acquérir un scanner, avait mis en vente deux tableaux flamands du XVIIe siècle dont il était propriétaire. N’ayant jamais été affectées à l’usage du public ou d’un service public, elles relevaient du domaine privé de l’établissement et était donc aliénables. C’est le seul classement au titre des monuments historiques qui est venu limiter les possibilités de cession (Clochemerle pour deux chefs d’œuvres, Le Figaro, 28 décembre 1992).
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[26]
Cette limite n’est toutefois pas applicable dès lors que la loi elle-même a classé le bien dans le domaine public indépendamment de toute idée d’affectation.
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[27]
Préc. p. 488.
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[28]
Cette « rigidité excessive » est également soulignée par Hervé Bastien (article précité, p. 679)
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[29]
Art. L. 111-1 et s du C. Pat. fixant le régime de circulation des biens culturels.
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[30]
Art. L. 451- 3 du C. Pat.
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[31]
Art. L. 451-3 du C. Pat.
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[32]
Si des interrogations ont pu naître sur les possibilités de transfert de biens du domaine public entre personnes publiques (Douence (M.), « L’inaliénabilité du domaine public, De la nécessité de revoir la règle de l’indisponibilité des dépendances domaniales entre personnes publiques », AJDA 2006, p. 238-246), la question des biens culturels qui n’est pas abordée par l’auteur, est réglée dans un sens positif).
-
[33]
Bastien (H.), préc. p. 675.
-
[34]
Section I : Des destructions, dégradations et détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes
Article 322-1 ; La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende, sauf s’il n’en est résulté qu’un dommage léger. (…)
Article 322-2 ; L’infraction définie au premier alinéa de l’article 322-1 est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende et celle définie au deuxième alinéa du même article de 7500 euros d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général, lorsque le bien détruit, dégradé ou détérioré est : (...)
3º Un immeuble ou un objet mobilier classé ou inscrit, une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement, un terrain contenant des vestiges archéologiques ou un objet conservé ou déposé dans un musée de France ou dans les musées, bibliothèques ou archives appartenant à une personne publique, chargée d’un service public ou reconnue d’utilité publique ;
4º Un objet présenté lors d’une exposition à caractère historique, culturel ou scientifique, organisée par une personne publique, chargée d’un service public ou reconnue d’utilité publique -
[35]
Duguit (L.), Traité de droit constitutionnel, tome III, de Boccard, 1923.
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[36]
CE 17 février 1932, Commune de Barran, D. 1933, III, p. 49 Note Capitant (R.).
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[37]
Art. L. 451-10 du C. Pat.
-
[38]
Mais on la trouve aussi développée pour d’autres catégories de biens affectés à des services publics. La loi du 20 avril 2005 transforme le statut juridique d’Aéroports de Paris (ADP), d’établissement public il devient société anonyme perdant ainsi toute possibilité de disposer d’un domaine public. Cependant le législateur a pris soin de maintenir l’affectation légale des édifices confiés au nouveau gestionnaire. Cette technique avait déjà été utilisée lors de la transformation en société anonyme de France télécom par la loi du 26 juillet 1996. Fatome (E.), « Le régime juridique des biens affectés à un service public », AJDA 2006, p. 178- 183.