LEGICOM 2005/1 N° 33

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Article de revue

Les réformes de 1993 et 2000 et la jurisprudence de la Cour EDH

Pages 77 à 78

Notes

  • [1]
    En même temps qu’il réaffirmait les droits de la défense dans le déroulement du procès pénal depuis la garde à vue jusqu’à l’audience
  • [2]
    Elle me paraissait pourtant se superposer au droit traditionnel de la diffamation, lequel permet aux journalistes de se défendre en prouvant la vérité de ce qu’ils ont dit ou leur bonne foi.
  • [3]
    Garde des Sceaux, elle s’était émue de la publication des photos des victimes des attentats du RER, du guide de hautes montagnes menotté et du cadavre du Préfet Erignac.
  • [4]
    Sunday times c/ Royaume-Uni du 26 avril 1979.
  • [5]
    Principe réaffirmé notamment dans l’arrêt Weber c/ Suisse du 22 mai 1990.
  • [6]
    Arrêt Prager et Oberschlick c/ Autriche du 26 avril 1995.
  • [7]
    Arrêt Worm du 27 août 1997.
  • [8]
    Zih-mann c/ Suisse du 28 juin 1995 et Schoëpfer du 20 mai 1998.
« Il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante »
Montesquieu De l’esprit des lois

1 Faut-il à nouveau légiférer ? L’hypothèse d’une nouvelle modification législative se pose à trois niveaux :

2

  • Faut-il légiférer uniquement contre la presse ?
  • Y a-t-il lieu de réformer en profondeur le Code de procédure pénale, en abrogeant le principe du secret de l’instruction pour le limiter au seul secret de l’enquête ?
  • Faudrait-il faire disparaître purement et simplement l’instruction et… son juge ?

3 Evoquons les deux réformes majeures que sont les lois du 4 janvier 1993 et du 15 juin 2000 dite “loi Guigou”.

La loi de 1993

4 La loi de 1993 ne s’est pas attaquée au secret de l’instruction. Mais la jurisprudence ayant jusque-là rigoureusement écarté l’application de l’article 11 du code de procédure pénale aux journalistes, le législateur a souhaité  [1] que la défense des suspects et prévenus soit confortée hors de l’enceinte judiciaire c’est-à-dire auprès de l’opinion publique.

5 La notion de présomption d’innocence était une garantie du citoyen vis-à-vis de l’autorité policière et judiciaire, selon le principe fondamental instauré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Le législateur en 1993 a étendu cette garantie vis-à-vis de l’opinion publique, en faisant de la présomption d’innocence un droit subjectif de la personnalité. Il a considéré qu’il s’agissait là d’une garantie fondamentale : protéger les suspects contre des révélations publiques intempestives et prématurées. Car l’opinion publique peut se comporter vis-à-vis d’eux comme s’ils étaient coupables alors même qu’à l’issue du procès ils auront été jugés différemment. Le mécanisme de protection imaginé est double :

6

  • Préventif, en offrant, même en référé, la possibilité de faire publier un communiqué judiciaire dans le journal ayant porté atteinte à la présomption d’innocence. Ce communiqué avait pour vocation de rappeler aux lecteurs que non encore jugé, le mis en cause devait être considéré comme innocent ;
  • Curatif, en offrant à l’intéressé le droit de faire savoir dans les journaux qui avaient alors fait état des suspicions judiciaires pesant contre lui, qu’une décision constatant son innocence avait été rendue par l’autorité judiciaire (non-lieu, relaxe ou acquittement). Ainsi, dans des conditions de publicité identiques, l’opinion était informée de cette innocence.

7 Cette loi  [2] a eu un effet positif auprès de la presse qui est désormais moins affirmative des culpabilités. On ne voit plus dans les journaux des titres accrocheurs comme “le meurtrier…” ou “le violeur de… a été arrêté”. La Cour de cassation a vite précisé que ces nouvelles dispositions légales n’interdisaient pas aux journalistes de continuer de parler des affaires en cours.

La loi Guigou

8 Le dispositif de 1993 a été jugé insuffisant puisque le législateur a rédigé en 2000 la loi dite “Guigou”  [3].

9 Celle-ci est venue renforcer le droit des victimes et le principe de présomption d’innocence des mis en cause. Elle a créé de nouvelles mesures et en a précisé certaines appliquées à la presse, notamment l’action a posteriori introduite par la loi de 1993. Les mesures offertes (réouverture du droit d’agir en diffamation, du droit de réponse, droit de faire publier les ordonnances de non-lieu ou les arrêts de non-lieu par voie de communiqué judiciaire) sont, cependant, très peu utilisées par les intéressés.

Le droit européen

10 La Cour européenne, en application de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, a posé, depuis son arrêt de principe  [4], que les procédures judiciaires en cours ne peuvent être tenues secrètes des journalistes  [5].

11 La Cour EDH ne donne pas pour autant un blanc-seing total à la presse. Elle a considéré que la condamnation d’un journaliste pour diffamation contre un juge ne violait pas l’article 10 et ce même si la presse a un « rôle éminent dans un Etat de droit ». Il s’agissait en l’espèce de critiques sur l’intégrité personnelle et professionnelle de magistrats  [6]. De même la Cour EDH a dit qu’était compatible avec l’article 10 la condamnation d’un journaliste à une amende pour avoir publié un article « pouvant influencer une procédure pénale »[7]. Enfin, deux arrêts ont considéré comme légitime la condamnation d’un avocat qui avait publié des communiqués de presse pour critiquer des décisions de mise en détention provisoire, prises à l’encontre de son client  [8] : « La liberté d’expression vaut aussi pour les avocats qui ont le droit de se prononcer publiquement sur le fonctionnement de la justice, mais leurs critiques ne sauraient franchir certaines limites, ce qu’imposent l’autorité, l’impartialité des pouvoirs judiciaires ».


Date de mise en ligne : 24/03/2014

https://doi.org/10.3917/legi.033.0077

Notes

  • [1]
    En même temps qu’il réaffirmait les droits de la défense dans le déroulement du procès pénal depuis la garde à vue jusqu’à l’audience
  • [2]
    Elle me paraissait pourtant se superposer au droit traditionnel de la diffamation, lequel permet aux journalistes de se défendre en prouvant la vérité de ce qu’ils ont dit ou leur bonne foi.
  • [3]
    Garde des Sceaux, elle s’était émue de la publication des photos des victimes des attentats du RER, du guide de hautes montagnes menotté et du cadavre du Préfet Erignac.
  • [4]
    Sunday times c/ Royaume-Uni du 26 avril 1979.
  • [5]
    Principe réaffirmé notamment dans l’arrêt Weber c/ Suisse du 22 mai 1990.
  • [6]
    Arrêt Prager et Oberschlick c/ Autriche du 26 avril 1995.
  • [7]
    Arrêt Worm du 27 août 1997.
  • [8]
    Zih-mann c/ Suisse du 28 juin 1995 et Schoëpfer du 20 mai 1998.

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