LEGICOM 2004/2 N° 31

Couverture de LEGI_031

Article de revue

Le nouveau code des marchés publics et la propriété intellectuelle

Pages 19 à 33

Notes

  • [1]
    Cf. JOUE, du 30 avril 2004.
  • [2]
    Cf. interview de Joachim Wuermeling achatpublic.com, 2 février 2004.
  • [3]
    CE, Ass., 5 mars 2003, UNSPIC, n° 233372.
  • [4]
    Cf. JO, du 25 juin 2004.
  • [5]
    Cf. circulaire du 7 janvier 2004, www.minefi.gouv.fr.
  • [6]
    Cf. circulaire du 28 août 2001.
  • [7]
    Décret n° 2001-210 du 7 mars 2001, JO du 8 mars 2001.
  • [8]
    Procédure d’infraction instruite par la Commission européenne, Bruxelles, 17 octobre 2002.
  • [9]
    CE, 10 novembre 1999, M. Arvrillier c/ SIEPARG, req. n° 165510B ; CE, 14 janvier 1987, Préfet de la Meuse c/ Syndicat de pays de Stenay-Montmédy, n° 58557.
  • [10]
    CE, 3 mars 2004, Sté Mak System req. n° 258272.
  • [11]
    Cf. CAC/DGA/2000, titre V, et clausier Direction générale de l’armement, « Propriété intellectuelle », version mars 2003, www.xiarm.com.
  • [12]
    Cf. Contrôle général des armées, note n° 12/DEF/CGA/G relative aux clauses de propriété intellectuelle des logiciels applicables aux marchés de la Délégation générale pour l’armement, BOC/PP-n° 12 mars 1994.
  • [13]
    Voir en annexe tableaux comparatifs des 3 options du chapitre IV du CCAG – Prestations intellectuelles.
  • [14]
    On notera pour mémoire que l’option C du CCAG – Prestations intellectuelles est strictement identique au chapitre VII du CCAG – Marchés industriels, « Marchés industriels comportant une part d’études ».
  • [15]
    Instruction d’application du CCAG – Prestations intellectuelles du 26 décembre 1978.
  • [16]
    Voir sur ce point le commentaire de l’Agence judiciaire dans « L’administration et le droit du logiciel », n° 21, Dossiers juridiques de l’Agence judiciaire du Trésor.
  • [17]
    Article L 111-1 du CPI.
  • [18]
    Cf. JO du 22 juin 2004.
  • [19]
    Cf. JOCE du 17 février 2000.
  • [20]
    Cf. JOCE du 22 juin 2001.
  • [21]
    Cf. projet de loi présenté en conseil des ministres le 12 novembre 2003 et avis du CSPLA du 20 décembre 2001, www.culture.gouv.fr/cspla.
  • [22]
    Cf. ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, JO du 19 juin 2004.
  • [23]
    V. Jean-Luc Piotraut, « Les droits de propriété littéraire et artistique à l’épreuve des juridictions administratives », RDIP et du même auteur, « Le juge administratif et les droits de propriété intellectuelle », RFDA, janv.-fév. 1997.
  • [24]
    Cf. Corinne Labbouz, « Les marchés publics et la propriété intellectuelle », Légipresse n° 185-II, octobre 2001, p. 124.
  • [25]
    Article L 551-1 du code de justice administrative.

1 SOUS L’INFLUENCE DU DROIT EUROPÉEN, le nouveau code des marchés publics (CMP), récemment entré en vigueur, a introduit de nouvelles règles de mise en concurrence des entreprises qui, par leur souplesse, risquent d’engendrer des contentieux en matière de propriété intellectuelle.

2 Depuis quelques années, les administrations confient à des entreprises de nombreux marchés publics d’études, de services informatiques ou de fabrications industrielles qui génèrent des droits de propriété intellectuelle.

3 Parmi les marchés de prestations intellectuelles qui ont pour objet la conception d’œuvres de l’esprit formalisées et originales au sens de l’article L 112-2 du code de propriété intellectuelle (CPI), on peut en particulier citer les marchés publics de communication portant notamment sur la conception et la réalisation de campagnes publicitaires, le développement de sites Internet, la création de chartes graphiques ou de logos-types, la conception de CD-Roms ou encore la réalisation d’œuvres audiovisuelles.

4 Il apparaît donc nécessaire, alors que ces nouvelles dispositions réglementaires entrent en vigueur, d’attirer l’attention des acheteurs publics sur les différents régimes de propriété intellectuelle, afin de garantir l’égalité des candidats et prévenir les litiges qui pourraient survenir à l’occasion de l’attribution de tels marchés.

5 Dans un premier temps, nous analyserons les procédures de passation des marchés publics qui peuvent plus particulièrement générer des atteintes au droit de la propriété intellectuelle (I), puis nous formulerons quelques recommandations pour une utilisation optimale et sécurisée de ces nouvelles dispositions dans le strict respect du CPI (II).

I - LE NOUVEAU CMP ET LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

A. Des procédures de passation rénovées qui autorisent plus largement la négociation et le dialogue avec les entreprises

6 La réglementation des marchés publics repose historiquement sur des principes de concurrence et de transparence qui consacrent depuis toujours l’appel d’offres et font des procédures négociées l’exception. Le CMP, dans sa rédaction antérieure au décret du 7 janvier 2004, contenait déjà, en marge des procédures de mise en concurrence traditionnelles, des dispositions susceptibles d’entraîner des atteintes au droit de la propriété intellectuelle. À ce titre, on peut citer l’ancienne procédure d’appel d’offres sur performances, celle des marchés d’études de définition et, dans une moindre mesure, certains marchés de maîtrise d’œuvre.

7 Avant de développer les procédures de passation introduites par cette nouvelle réforme du CMP, il nous paraît utile de rappeler, en premier lieu, quelques considérations plus générales propres aux marchés d’études. Les marchés de prestations intellectuelles ont toujours suscité la méfiance des autorités de contrôle des marchés publics, qu’il s’agisse des commissions spécialisées des marchés de l’État, du contrôle financier ou du contrôle de légalité pour les collectivités locales. Ainsi, au fil des réformes, on a progressivement réduit les possibilités de conclure des marchés d’études au terme d’une procédure négociée et surtout sans mise en concurrence préalable. Cette volonté des pouvoirs publics d’encadrer davantage les marchés d’études s’explique par plusieurs raisons : un nombre limité de cabinets spécialisés, le manque d’indépendance de certains bureaux d’études, la constitution de monopoles de fait au terme de l’attribution répétée de marchés de prestations intellectuelles, la contribution des marchés d’études au financement des partis politiques…

8 Cependant, si la volonté des pouvoirs publics d’imposer davantage de concurrence et de transparence dans les procédures de marchés publics apparaît parfaitement légitime, elle ne doit certainement pas avoir pour conséquence d’exposer les administrations à des contentieux de propriété intellectuelle.

9 Le nouveau CMP comporte quatre procédures, souvent employées dans les marchés d’études ou les projets complexes, qui nous paraissent induire tout particulièrement des risques d’atteinte au droit de la propriété intellectuelle.

1. Le dialogue compétitif

10 Dans le CMP issu du décret du 7 janvier 2004, le dialogue compétitif, forme rénovée de l’appel d’offres sur performances, est une procédure à part entière distincte de l’appel d’offres restreint.

11 La France anticipe ainsi la transposition de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004  [1] qui introduit la procédure de dialogue compétitif pour la passation des marchés publics de fournitures, de services et de travaux.

12 Cette procédure, qui vise à favoriser l’innovation dans les marchés publics, se caractérise par le fait que l’administration ne rédige plus un cahier des charges traditionnel dans lequel elle prescrit toutes les spécifications techniques et les moyens à mettre en œuvre, mais exprime dans un programme fonctionnel détaillé ses besoins, les résultats et les performances recherchés. Après sélection des candidatures, les entreprises retenues sont invitées à participer à un dialogue afin de proposer librement la ou les solutions techniques, les procédés et la méthodologie de leur choix qui leur paraissent les plus appropriés pour parvenir aux résultats spécifiés.

13 À la différence d’un appel d’offres traditionnel, le cahier des charges n’est donc pas finalisé dès le lancement de la consultation, et la personne responsable du marché peut discuter avec les candidats de tous les aspects du marché. Le dialogue compétitif peut aussi se dérouler en phases successives afin d’écarter au fur et à mesure des discussions, les solutions qui ne répondraient pas ou très imparfaitement aux besoins de l’administration, à condition toutefois que les candidats en aient été préalablement informés.

14 On constate que l’alinéa 3 de l’ancien article 69 du code des marchés qui précisait utilement que « les procédés et les prix proposés par les candidats ne pouvaient être divulgués au cours de la discussion » ne figure plus dans la nouvelle rédaction du code, s’agissant de la nouvelle procédure de dialogue compétitif. L’article 68 nouveau du CMP indique désormais simplement que « la personne responsable des marchés ne peut révéler aux autres candidats des solutions proposées ou des informations confidentielles communiquées par un candidat dans le cadre de la discussion sans l’accord de celui-ci ». Cette disposition, qui figure dans les mêmes termes dans la directive 2004/18/CE, doit en principe assurer aux candidats, outre l’égalité de traitement, le respect des dispositions du CPI qui exigent le consentement de l’auteur tant en matière de divulgation que de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle d’une œuvre de l’esprit.

15 Pour mémoire, on rappellera qu’avant 2001, le CMP comportait une autre mention essentielle pour prévenir les risques d’atteintes au droit de la propriété intellectuelle précédemment évoqués. Les articles 99 et 303 de l’ancien CMP disposaient expressément que « la combinaison des offres en vue d’en confier l’exécution était proscrite ». Forts de cette précision réglementaire, de nombreux services juridiques avaient réussi à dissuader les tentatives de panachage des solutions protégées, notamment en matière d’intégration de logiciels pour la réalisation de systèmes d’information complexes. Il est particulièrement important de recommander aux services d’observer la plus grande discrétion quant aux solutions, méthodes ou procédés qui seront révélés par chaque candidat lors des auditions.

16 En pratique, on constate déjà que l’administration, qui comprend mal cette disposition, est fréquemment tentée de faire converger les solutions proposées sans même avoir conscience qu’en enfreignant cet alinéa, elle commet des actes de contrefaçon susceptibles d’entraîner des poursuites pénales indépendamment de toute action intentée par des concurrents pour suspendre la procédure de passation du marché.

17 Ainsi il n’est pas rare que les services estiment qu’à ce stade de la procédure, les candidats ne formulent que de simples idées qui, selon l’adage bien connu, sont de libre parcours ! Bien qu’à ce jour on ne dispose encore que de peu de retours d’expérience, on remarque à la lecture des règlements de consultation que les prestations à remettre en début de dialogue doivent déjà être formalisées, notamment la description des solutions préconisées, surtout si l’administration organise le dialogue en phases successives.

18 On rappellera que lors de l’adoption de la nouvelle directive marchés publics, plusieurs députés européens avaient émis des critiques sur la procédure de dialogue compétitif, redoutant de la part des pouvoirs adjudicateurs le développement du « cherry picking »  [2]. Le texte finalement adopté n’a pas repris les amendements de plusieurs parlementaires qui souhaitaient ne pas autoriser l’administration à poursuivre la discussion sans que le cahier des charges définitif ne soit arrêté et qui voulaient imposer que le dialogue soit mené séparément avec chaque participant et uniquement sur la base de la proposition de celui-ci.

19 Parmi les “dérives” que l’on peut craindre, on peut citer la volonté de finaliser le cahier des charges en assemblant les propositions de plusieurs candidats et d’obtenir ainsi plusieurs offres établies sur une base commune, ou encore la révélation d’informations confidentielles à certains candidats pour leur permettre d’améliorer leur proposition, voire l’arrêt de la procédure aux seules fins de relancer un nouvel appel d’offres dont le nouveau cahier des charges établi, cette fois sous le timbre de l’administration, présentera probablement d’étranges similitudes avec les offres précédemment remises !

20 Pour ces différentes raisons, il apparaît que la procédure de dialogue compétitif, si elle ne s’accompagne pas d’actions d’information de l’administration, ne peut qu’inquiéter les spécialistes du droit de la propriété intellectuelle.

21 Si la procédure de dialogue compétitif reste, dans son ensemble, assez semblable à celle de l’ancien appel d’offres sur performances, elle comporte une différence notable qui peut encore accroître le risque contentieux. En effet, les auditions et les discussions avec les candidats sont désormais conduites par la personne responsable du marché et non plus par la commission d’appel d’offres élargie. Cette absence de collégialité inquiète tout autant les élus que les professionnels de l’achat public qui craignent d’être injustement soupçonnés de favoritisme.

22 La procédure de dialogue compétitif paraît ouvrir la voie à de réels risques de manquements au droit de la propriété littéraire et artistique, notamment en matière de marchés de communication publicitaire, de créations graphiques ou de marchés de services informatiques. Toutefois si elle séduit par sa souplesse, elle ne paraît pas encore rencontrer un grand développement notamment dans le secteur local.

23 Dans ce contexte, on peut également craindre que certaines entreprises décident de ne pas participer à certaines procédures de dialogue compétitif, considérant que les risques de concurrence déloyale, de rupture de l’égalité entre les candidats ou d’atteinte au droit de la propriété intellectuelle sont désormais trop importants.

24 On rappellera que l’Union nationale des services publics industriels et commerciaux  [3] dans son recours en annulation de certaines dispositions du décret du 7 mars 2001, contestait déjà les dispositions du 3e alinéa de l’article 68. Le Conseil d’État a rejeté cette demande en rappelant que « les dispositions de l’article 68 ne sauraient avoir pour effet d’affranchir la personne responsable du marché du respect du secret des affaires, de la propriété intellectuelle et de l’égalité des candidats ».

25 Afin de rassurer les compétiteurs lors des procédures de dialogue compétitif, il serait souhaitable d’indiquer dans le règlement de la consultation que l’administration s’interdira toute communication non autorisée et d’inviter les candidats à faire connaître les éléments de leur proposition qu’ils estiment confidentiels et dont ils veulent conserver l’exclusivité. L’arrêté du 10 juin 2004  [4], qui fixe les mentions devant figurer dans le règlement de consultation, précise à l’article 2.5 qu’en cas de dialogue compétitif organisé en phases successives, les modalités de mise en œuvre de cette possibilité doivent être indiquées aux candidats.

26 Le ministère de l’Économie ne semble pas redouter ces dérives puisque la nouvelle circulaire d’application du CMP récemment publiée  [5] ne met pas particulièrement en garde les acheteurs publics sur le nécessaire respect du CPI, à la différence de la précédente instruction  [6].

2. Les procédures adaptées

27 En dessous des seuils européens, soit 150000 € HT pour l’État et 230000 € HT pour les collectivités territoriales pour les marchés de fournitures ou de services, et 5900000 € HT pour les travaux, les marchés sont désormais passés selon une procédure adaptée.

28 Bien que soumis à des formalités de publicité et de mise en concurrence, les marchés passés en procédure adaptée permettent à l’administration de négocier librement avec les candidats. De même que pour le dialogue compétitif, c’est la personne responsable du marché qui mène les négociations. Il conviendra donc, pour prévenir toute contestation, de ne pas révéler à certains candidats des éléments protégés ou des procédés couverts par des droits de propriété intellectuelle, même si l’article 28 du code, qui décrit cette nouvelle procédure, ne le prévoit pas expressément.

29 Il semble toutefois qu’en procédure adaptée, le risque d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle soit plus limité dans la mesure où, l’administration doit avoir en principe rédigé un cahier des charges complet avant d’engager les négociations. On peut simplement rappeler que si des variantes sont proposées par certains candidats, il ne faut pas lors de la négociation les communiquer à d’autres concurrents pour les faire chiffrer dans le seul but de réduire les coûts de certaines propositions. En effet, des candidats qui n’auraient pas eu à supporter les frais de recherche et développement pour la mise au point de solutions originales ou innovantes bénéficieraient alors injustement d’informations privilégiées.

3. Les marchés de définition

30 L’administration passe régulièrement des marchés de prestations intellectuelles pour faire réaliser des études industrielles, scientifiques, technologiques ou socio-économiques. Pour minimiser les risques financiers et prévenir les études sans aboutissement, elle peut recourir au marché de définition. Cette procédure, pourtant bien adaptée aux marchés d’études, conduit quelquefois à des atteintes au CPI.

31 Au terme de l’article 73  [7] du CMP, la personne publique peut recourir aux marchés de définition lorsqu’elle n’est pas en mesure de préciser les buts et performances à atteindre par le marché. Avant toute mise en concurrence, l’administration devra décider si elle passe un ou plusieurs marchés de définition simultanément. Ce choix essentiel induit des conséquences sur les clauses de propriété intellectuelle du marché de définition et conditionne ensuite la procédure de passation du marché de réalisation.

32 Si la collectivité ne passe qu’un seul marché, elle devra mettre en concurrence les entreprises pour l’exécution des prestations faisant suite à l’étude de définition. Dans ce cas, le marché de définition devra impérativement prévoir la cession du droit de reproduction au profit de l’administration, car la plupart du temps, l’étude préalable servira de base au cahier des charges de la consultation ultérieure. De plus, si la solution contient des éléments protégés ou des procédés confidentiels, il conviendra de s’assurer que le titulaire du marché de définition accepte de les porter à la connaissance de tiers. En cas d’attribution simultanée de plusieurs marchés de définition, le marché de réalisation pourra, par dérogation aux règles de publicité et de mise en concurrence, être confié à l’auteur de la solution retenue sans nouvelle compétition.

33 En pratique, lorsqu’un marché de définition visant à réaliser une étude amont ou de faisabilité a été confié à une société, on constate la plupart du temps que l’administration n’a pas pris le soin de prévoir contractuellement la cession des droits patrimoniaux d’auteur, surtout si le marché initial, comme c’était souvent le cas avant la réforme du CMP, a été passé sans formalités préalables.

34 Il n’est pas rare que la collectivité publique organise ensuite un appel d’offres dont le cahier des charges est pour une large part constitué par l’étude de définition, à laquelle les ingénieurs de l’administration apportent souvent des modifications.

35 Ainsi, pour respecter les principes de mise en concurrence du CMP, cette administration aura procédé à une reproduction illicite et porté atteinte au droit moral de l’auteur ! Ce schéma peut paraître caricatural : il n’est pourtant pas rare, l’administration ne soupçonnant même pas avoir commis une infraction.

4. Certains marchés de maîtrise d’œuvre

36 Dans sa version de 2001, l’article 74 IV du CMP, admettait une exception au principe de concurrence lorsque l’administration souhaitait passer un marché de maîtrise d’œuvre et indiquait que « pour l’extension d’un ouvrage existant, lorsque l’unité architecturale, technique ou paysagère le justifie, le marché de maîtrise d’œuvre peut être attribué sans mise en concurrence à la personne qui a été titulaire du marché initial de maîtrise d’œuvre de cet ouvrage ».

37 Cette disposition contestée par la Commission européenne  [8] au motif que ce cas de marché négocié sans concurrence ne figurait pas expressément dans la directive services 92/50 du 18 juin 1992, n’a pas été reprise dans la nouvelle rédaction de l’article 74 issue du décret du 7 janvier 2004.

38 On ne peut que s’étonner de cette suppression dans le nouveau CMP, alors même que cette exception à la mise en concurrence trouve son fondement dans les articles L 112-2 12e, L 122-4 du CPI qui consacrent le droit moral de l’architecte, maintes fois rappelé par la jurisprudence. Par ailleurs, le manuel d’application du CMP n’aborde que très peu les procédures de maîtrise d’œuvre et n’évoque pas davantage le droit au respect de l’œuvre architecturale ou le droit de repentir de l’architecte dans le cadre de la modification ou de l’extension d’ouvrages existants. On peut toutefois signaler que la suppression de cet alinéa ne posera en principe pas de difficultés aux acheteurs publics avertis en matière de propriété intellectuelle dans la mesure où, comme nous le verrons ensuite, il est toujours possible de se fonder sur l’article 35 III, 4e alinéa pour ne pas procéder à une mise en concurrence pour l’attribution du marché de maîtrise d’œuvre à l’architecte ayant conçu l’ouvrage. La France avait d’ailleurs fait valoir cet argument dans sa réponse adressée à la Commission en juillet 2002.

B. Des exceptions réglementaires au principe de mise en concurrence qui trouvent leur fondement dans les régimes de propriété intellectuelle

39 Après avoir étudié les procédures de passation des marchés qui, dans le CMP, peuvent induire des infractions au CPI, il convient de rappeler que la réglementation des marchés publics autorise trois exceptions au principe de mise en concurrence du fait de l’existence de droits exclusifs.

1. Les marchés attribués à un seul prestataire

40 Le nouveau CMP reprend à l’article 35 III 4e alinéa la possibilité de passer des marchés négociés sans concurrence lorsque « les marchés ne peuvent être confiés qu’à un prestataire déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité ». Dès lors qu’elle est en mesure de démontrer que son besoin ne peut être satisfait que par l’emploi d’un matériel ou d’une technique couverte par des droits de propriété intellectuelle, l’administration est autorisée à contracter directement avec le titulaire de ces droits. Le juge administratif a souvent rappelé que cette procédure d’exception restait réservée aux cas où seule la solution ou le procédé protégé permettait d’atteindre le résultat recherché, et que la production par le titulaire d’un titre de propriété industrielle ne constituait pas en soi un motif suffisant  [9].

2. L’attribution d’un nouveau marché à l’issue d’études de définition

41 Le nouveau CMP maintient également la possibilité de passer un marché sans concurrence à l’auteur de la solution retenue, si le marché fait suite à plusieurs marchés de définition conclus à l’issue d’une seule procédure et exécutés simultanément. Dans cette hypothèse, le marché sera passé en application de l’article 73 ou de l’article 74 III, pour des prestations de maîtrise d’œuvre.

42 Dans ce cas, la concurrence ayant joué initialement au stade de l’attribution des marchés de définition pour autant que l’avis d’appel public à la concurrence initial l’ait expressément prévu  [10], on admet que l’administration qui souhaite poursuivre la mise en œuvre d’une des solutions ne puisse passer le marché ultérieur qu’à celui qui est l’auteur du projet.

43 Ces exceptions au principe général de mise en concurrence, auquel demeure subordonnée la passation des marchés publics, illustrent bien que la réglementation des marchés publics ne peut s’écarter des exigences du code de la propriété intellectuelle dont on rappellera de surcroît qu’il est pour l’essentiel constitué de dispositions législatives.

44 En dépit de l’existence de ces exceptions parfaitement réglementaires, on constate souvent que des services juridiques maîtrisant pourtant parfaitement le CMP hésitent encore à les mettre en œuvre. Cette réticence tient sans doute aux observations répétées et parfois totalement injustifiées des autorités chargées du contrôle des marchés publics pour lesquelles, bien souvent, le code de la propriété intellectuelle ne vaut pas argument.

45 De plus, la pénalisation récente des marchés publics, la crainte de se voir accuser de favoritisme et plus généralement l’attention soutenue portée aux marchés publics par les corps de contrôle semblent dissuader les acheteurs publics d’employer ces trois cas de marché négocié sans concurrence.

II - DES MARCHÉS PUBLICS QUI RESPECTENT LE CPI

A. Une plus grande attention portée aux dispositifs contractuels

46 Le CMP traite pour l’essentiel des règles de passation et de gestion des marchés publics et ne consacre que peu d’articles à la rédaction des marchés. Seuls les articles 11 à 13 du nouveau code évoquent le cadre contractuel des marchés publics. Les marchés publics sont constitués de cahiers des charges dont les pièces particulières, principalement le CCAP (cahier des clauses administratives particulières), sont encore largement inspirés par les CCAG (cahiers des clauses administratives générales) auxquels l’administration peut sous certaines conditions déroger.

47 Ces CCAG qui datent de la fin des années 1970 n’ont toujours pas fait l’objet de mises à jour récentes. Bien que depuis 2001, le code des marchés n’impose plus que la personne publique y fasse systématiquement référence, on constate en pratique que les administrations continuent dans leur grande majorité de les contractualiser.

48 Pour mémoire, on rappellera qu’il existe quatre CCAG : le CCAG – Travaux pour les opérations immobilières, le CCAG – Fournitures et services courants pour les produits « cataloguables », le CCAG – Prestations intellectuelles pour les marchés d’études et enfin le CCAG – Marchés industriels pour les fabrications industrielles spécifiques.

49 Les régimes de propriété intellectuelle ne sont abordés que dans le chapitre IV du CCAG – Prestations intellectuelles et dans le chapitre VII du CCAG – Marchés industriels pour les marchés industriels comportant une part d’études. Le CCAG – Fournitures et services courants n’y fait allusion que de manière résiduelle à propos des concessions de progiciels.

50 Les marchés publics d’études font pratiquement toujours référence au CCAG – Prestations intellectuelles et beaucoup d’administrations pensent en l’appliquant avoir obtenu des droits étendus en matière de propriété intellectuelle, en contrepartie du paiement des prestations, ce qui est loin d’être le cas.

51 Depuis quelques années, on observe que les services “marchés” de l’administration sont plus attentifs aux régimes de propriété intellectuelle et commencent à apporter des dérogations ou des adaptations au CCAG – Prestations intellectuelles. Le ministère de la Défense, et notamment les services de la DGA, s’est engagé depuis longtemps dans cette voie en rédigeant des clauses types de propriété intellectuelle qui aménagent les options du CCAG – Prestations intellectuelles et du chapitre VII du CCAG – Marchés industriels  [11][12], et en créant des services spécialisés en droit de la propriété intellectuelle chargés de conseiller les rédacteurs de marchés.

52 Pour bien comprendre, il est indispensable d’analyser le chapitre IV du CCAG – Prestations intellectuelles et les régimes d’options (A, B et C) qu’il comporte  [13]. La rédaction du CCAG – Prestations intellectuelles date de 1978, époque où le droit de la propriété intellectuelle n’était pas encore codifié. C’est donc dans le contexte législatif de la loi de 1957 sur les droits d’auteurs, de la loi de 1909 sur les dessins et modèles et des lois de 1968 et 1978 sur les brevets qu’il faut se replacer.

53 Le CCAG – Prestations intellectuelles traite dans son chapitre IV, non pas de la propriété intellectuelle, mais de l’utilisation des résultats de l’étude, ce qui est sensiblement différent. Ce chapitre organise de manière différenciée les droits d’usage des parties sur les résultats de l’étude née du marché public.

54 Schématiquement, l’option A confère à l’administration des droits plus importants qu’au titulaire. L’option B, dont on rappellera qu’elle s’applique dans le silence du marché, prévoit un partage des droits entre les parties. Enfin l’option C  [14], accorde au titulaire de plus larges droits, notamment la libre commercialisation des résultats issus du marché, tout en réservant mais en les encadrant les usages consentis à l’administration.

55 En raison de sa complexité, le CCAG – Prestations intellectuelles est assorti de commentaires et fait même l’objet d’une instruction d’application méconnue qui rappelle utilement que « l’utilisation des résultats doit être possible pour l’administration, mais qu’il convient de respecter les droits du titulaire en matière de propriété intellectuelle ou industrielle »  [15].

56 Ainsi, il est recommandé à l’administration de se référer à l’option A pour « les marchés ne comportant pas de clauses de propriété industrielle », à l’option B dans « les cas où la méthodologie du titulaire présente un caractère suffisamment original pour demeurer la propriété du titulaire », à l’option C « pour les marchés à vocation industrielle ».

57 Il convient d’insister sur le fait que, quelle que soit l’option choisie, le CCAG – Prestations intellectuelles ne confère pas la propriété des études à la personne publique du seul fait de l’existence du marché et de son financement par l’administration : seule une mention expresse dans le CCAP peut en disposer autrement compte tenu de la hiérarchie des pièces contractuelles en marchés publics. En conséquence, si l’administration entend devenir cessionnaire des droits patrimoniaux d’auteurs afin d’exploiter les résultats de l’étude, elle devra aménager l’option choisie du CCAG – Prestations intellectuelles, dès le lancement de la consultation si le marché est passé en appel d’offres, ou en accord avec le titulaire s’il s’agit d’un marché négocié.

58 Pour mieux comprendre la relative imprécision des options du chapitre IV « Utilisation des résultats de l’étude » et plus spécialement de l’option A, il convient de rappeler que la rédaction du CCAG – Prestations intellectuelles remonte à 1978. À cette époque, l’administration n’entendait pas, la plupart du temps, exploiter commercialement les créations qu’elle finançait et utilisait principalement pour ses besoins les résultats des marchés d’études. Aujourd’hui, nombreuses sont les collectivités publiques qui souhaitent pour des raisons budgétaires dégager de nouvelles ressources, notamment par le développement d’activités marchandes. Ainsi, la création ou la transformation d’établissements publics administratifs (EPA) en établissements industriels et commerciaux (EPIC), ont permis le développement récent d’offres commerciales portant sur des services ou des produits issus de marchés publics et non destinés à l’origine à de tels usages.

59 Dans ce nouveau contexte, les dispositions du CCAG – Prestations intellectuelles paraissent plus que jamais inadaptées et susceptibles d’engendrer des litiges avec les titulaires de marchés de prestations intellectuelles.

60 Une lecture attentive du CCAG – Prestations intellectuelles montre que celui-ci emprunte à plusieurs reprises certains termes du CPI sans toujours en respecter les exigences. Ainsi, l’option A prévoit :

61

  • que l’administration peut « librement » utiliser les résultats, même partiels des prestations (art 20.1) ;
  • que l’administration a le droit de reproduire les prestations et qu’elle peut communiquer à des tiers les résultats de toute nature provenant de l’exécution du marché (art 20.2) ;
  • qu’elle peut publier les résultats des prestations sous réserve de mentionner le titulaire (art 20.3).

62 On ne peut pour autant considérer que cette formulation satisfait à l’article L 131-3 du CPI, alors même que ni le droit de représentation de l’œuvre, ni le domaine d’exploitation des droits “cédés” ne sont mentionnés dans le CCAG – Prestations intellectuelles, ou encore admettre que l’administration puisse modifier l’œuvre sans le consentement du titulaire en violation des articles L 122-4 et L 122-7 du CPI  [16].

63 De surcroît, l’option A comme l’option B interdisent au titulaire tout usage commercial des prestations sans l’accord de l’administration. On peine à admettre qu’un contrat de louage d’ouvrage qui ne prévoit pas expressément la cession des droits patrimoniaux au profit du client public puisse priver l’auteur de toute exploitation de son œuvre  [17].

64 Plus généralement, on constate que les évolutions successives majeures du droit de la propriété littéraire et artistique sont restées ignorées du CCAG – Prestations intellectuelles, dont notamment l’ensemble des dispositions du livre II du CPI sur les droits voisins du droit d’auteur, les modifications substantielles apportées par la loi du 10 mai 1994 sur les conditions particulières de la protection des logiciels par le droit d’auteur ou encore les effets de la loi du 1er juillet 1998 portant transposition de la directive européenne sur le régime spécifique de protection des bases de données.

65 Le décalage risque encore de s’accentuer avec l’entrée en vigueur récente de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004  [18] dite loi LCEN qui transpose la directive 2000/31 du 8 juin 2000  [19]. En effet, les collectivités publiques passent des marchés avec des prestataires de service pour la création, la mise à jour et l’hébergement de leurs sites Internet ou encore la réalisation de portails qui permettent la vente en ligne de prestations marchandes (boutiques de musées, offices du tourisme, manifestations culturelles…). Il conviendra donc dans le cadre de la loi de gérer contractuellement le partage de responsabilités entre les différents intervenants, éditeur de contenu, vendeur, hébergeur, fournisseur d’accès…

66 De même, après l’adoption de la loi transposant la directive 2001/29 du 22 mai 2001  [20] sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information, les cahiers des charges rédigés par l’administration ne pourront méconnaître les modifications du CPI consécutives à la transposition de la directive, notamment en cas de marchés d’études donnant lieu à des œuvres de collaboration créées par des titulaires de marchés publics et des agents publics ou pour des actes de copies techniques des œuvres destinées à faciliter l’accès à l’Internet ou encore pour l’utilisation de mesures techniques de reproduction et d’identification des œuvres  [21].

67 On constate en pratique que ces évolutions récentes et importantes du droit européen restent encore largement méconnues des praticiens de l’achat public alors que dans un avenir proche, ils devront nécessairement adapter leurs dispositifs contractuels et déroger de nouveau à certaines dispositions du CCAG – Prestations intellectuelles.

68 Enfin, le développement prochain des contrats de partenariats publics/privés désormais autorisés par l’ordonnance du 17 juin 2004  [22] sera certainement susceptible d’engendrer des risques nouveaux d’atteinte au droit de la propriété intellectuelle en raison de la très grande similitude existant entre la procédure de passation des contrats de partenariats définie aux articles 7 et 14 et la procédure de dialogue compétitif.

69 De plus, la complexité des projets justifiant le recours à cette procédure conduira certainement les entreprises à proposer des solutions techniques originales et des montages contractuels innovants susceptibles de générer des droits de propriété intellectuelle.

70 Peu d’actions contentieuses ont été engagées à l’encontre de l’administration en matière de propriété intellectuelle. La quasi-absence de jurisprudence ne signifie pas pour autant que la passation et l’exécution des marchés publics de prestations intellectuelles ne donnent pas lieu à des revendications des auteurs quant au respect de leurs droits par les collectivités publiques.

71 Selon nous, plusieurs éléments expliquent cette situation.

72 En premier lieu, les titulaires de commandes publiques portent peu leurs litiges devant les juges et les réclamations se règlent la plupart du temps à l’amiable. En effet, si l’administration se montre parfois imprudente et manque au respect du droit de la propriété intellectuelle, elle reconnaît volontiers ses erreurs et accepte souvent de se conformer à ses obligations lorsqu’elle y est invitée par le titulaire.

73 Ainsi, de nombreux praticiens reconnaissent en privé avoir instruit des litiges et les avoir réglés à l’amiable ou par protocole transactionnel afin d’éviter toute publicité. Les cas de contestation les plus fréquents portent principalement sur trois points : l’utilisation illicite de logiciels, les atteintes au droit moral de l’auteur en matière de créations graphiques ou publicitaires, la remise à des tiers d’œuvres protégées à des fins d’exploitation.

74 Enfin, l’attraction du contentieux de la propriété littéraire et artistique devant les juridictions administratives dissuade d’éventuels requérants qui estiment que le juge administratif est moins protecteur des intérêts des auteurs que le juge judiciaire. À ce propos, on se reportera aux très intéressantes études de J.-L. Piotraut sur le droit de la propriété intellectuelle et les juridictions administratives  [23].

75 Bien qu’encore peu nombreuses, quelques jurisprudences témoignent cependant du manque de respect par l’administration des droits de propriété intellectuelle  [24].

B. Une concurrence sincère et loyale lors de la passation des marchés

76 À l’heure où la transparence et la concurrence gouvernent plus que jamais les marchés publics, les collectivités publiques doivent veiller à ne pas contourner le droit de la propriété intellectuelle lors de la passation des marchés publics. La réforme du CMP, par les souplesses qu’elle introduit dans les procédures, risque encore d’accroître, si l’on y prend garde, les litiges de propriété intellectuelle.

77 Désormais, les administrations devront bien mesurer les risquent qu’elles encourent lorsqu’elles organisent des appels d’offres ou des procédures de dialogue compétitif dans lesquels certains candidats, déjà titulaires de droits d’auteurs antérieurs, sont de fait assurés de remporter la compétition.

78 On rappellera que l’administration doit systématiquement, avant tout nouvel appel à la concurrence, rechercher les antériorités contractuelles issues d’études préalables ou des marchés antérieurs portant sur des créations originales dont les droits patrimoniaux n’ont pas été cédés à la personne publique.

79 En effet, les services oublient encore trop souvent que les articles A27, B27 et C27 du CCAG – Prestations intellectuelles prévoient que « la personne publique garantit le titulaire contre les revendications des tiers concernant les droits de propriété littéraire, artistique ou industrielle, les procédés ou les méthodes dont elle lui impose l’emploi ».

80 Ainsi, les dossiers de consultation des entreprises (DCE) comportant des éléments couverts par des droits de propriété intellectuelle, tels que des plans, des modèles conceptuels de données ou des codes sources de logiciels, devront avoir fait l’objet de recherches précises quant à la titularité de droits d’auteur préexistants et aux clauses des contrats initiaux autorisant à l’administration à utiliser les résultats des études préalables.

81 À trop vouloir éviter les marchés négociés, l’administration s’expose à des contentieux tels que le référé pré-contractuel  [25] qui permet à toute entreprise qui s’estime lésée d’obtenir l’arrêt d’une procédure de marchés publics en cas de rupture de l’égalité entre les candidats.

82 Pour qu’elle puisse renouveler ses partenaires et accéder en permanence aux techniques les plus innovantes, l’administration doit prévoir la cession des droits patrimoniaux d’auteur à son profit dès la conclusion du premier contrat, même si cette politique conduit dans un premier temps à augmenter le coût des prestations. Pour cela, le marché devra préciser la nature des droits cédés et indiquer le domaine d’exploitation des droits cédés quant à son étendue et sa destination, quant au lieu et quant à la durée, afin de respecter les formes prescrites par l’article L 131-3 du CPI.

83 Après cette nouvelle réforme du CMP, il apparaît plus que jamais indispensable d’entamer la refonte des CCAG ou à défaut de préparer en concertation avec les professionnels, des marchés ou des clauses types dans des domaines tels que les marchés de nouvelles technologies, de communication publicitaires, les marchés de création d’œuvres multimédias ou de réalisation audiovisuelle, pour ne citer que les secteurs où les acheteurs publics sont à l’évidence particulièrement démunis aujourd’hui.

84 C. L.

LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET LE CCAG/PI

PROPRIETÉ
LITTÉRAIRE
ET ARTISTIQUE
• Garanties contre les revendications des tiers (A-27, B-27, C-27).
• Droits de publication, de paternité (A-20.3/21.3, B-20.5/21.3, C-20.6/21.3).
• Droits de reproduction (A-20.2/21 total, B-20.1/ 20.2/20.3/21.1 limité mais protégé B-25, C-20.1/ 20.2/20.3/20.4/21 libre pour le titulaire, limité et protégé pour l’administration C-25).
BREVETS • Dépôt des brevets en France (B-23, C-23).
• Déclaration par le titulaire à la personne publique (période pré-contractuelle : 2 mois après notification, période contractuelle : 1 mois après dépôt).
• Le titulaire pourvoit à l’entretien des brevets. Information de l’administration en cas de cessation.
• L’administration peut inviter le titulaire à prendre des brevets et s’il ne le fait pas, les déposer elle-même.
• Certificats d’addition - brevets complémentaires ou certificats d’utilité (B-26, C-20.4/26).
LICENCES • La personne publique a droit, pour l’usage défini au marché, à une licence d’exploitation (avec sous-licence possible) des brevets nés du marché (B-24, C-24). Cette licence est gratuite pour les brevets déposés pendant la période contractuelle. Cette obligation cesse deux ans après la déclaration (prolongation 1 an) si l’administration n’indique pas au titulaire son intention d’utiliser la licence.
• Au maximum 4 ans après le dépôt du brevet, si le titulaire n’exploite pas le brevet, la concession de licence à la personne publique s’étend à tous usages.
• Le titulaire, dans les cas C-23.2.4 a droit à une licence d’exploitation non exclusive.
DESSINS
ET MODÈLES
• Les droits d’usage, de communication et de publication s’appliquent aux dessins et modèles (B-26, C-26).
• Extension du droit de reproduire (C-20.4).
CONNAISSANCES
ACQUISES,
MÉTHODES,
SAVOIR-FAIRE
Le marché ne confère pas par son seul fait la propriété à la personne publique des inventions créées, mises au point ou utilisées à l’occasion du marché, ni celle des méthodes et du savoir-faire. Cependant, le titulaire doit les communiquer à la personne publique sur sa demande (A-22, B-22, C-22).
figure im1

LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET LE CCAG/PI

CCAG/PI - DROITS DE LA PERSONNE PUBLIQUE (ARTICLE 20)

OPTION A OPTION B OPTION C
Elle peut librement utiliser les résultats des prestations. Elle ne peut utiliser les résultats que pour les besoins précisés par le marché, pour elle-même ou pour les tiers désignés dans le marché. Elle ne peut utiliser les résultats que pour ses besoins propres et ceux des tiers désignés dans le marché.
Elle a le droit de reproduire, c’est-à-dire de fabriquer ou de faire fabriquer des objets matériels ou constructions conformes aux résultats. Pour la satisfaction de ces besoins, la personne publique et les tiers ont le droit de reproduire.
Mais ils sont tenus de consulter le titulaire, ou s’il n’a pas les capacités nécessaires, de l’informer de la communication des résultats de l’étude aux exécutants. Ceux-ci doivent considérer ces résultats comme confidentiels (cela ne constitue pas une divulgation au sens “brevets”). Ce droit ne porte pas sur les matériels qui n’ont pas été étudiés au titre du marché ou dont le titulaire a fait connaître qu’il n’en possédait pas le droit de libre disposition.
Elle peut communiquer les résultats à des tiers.
Le droit de reproduire s’étend aux outillages et équipements spéciaux créés dans le cadre du marché, aux rechanges et aux dérivés.
Le titulaire doit informer la personne publique des perfectionnements apportés au prototype dans les 10 ans suivant le marché.
La personne publique peut librement publier les résultats de l’étude, en mentionnant le titulaire, ou, si le marché prévoit que ce droit est différé, des informations générales sur la nature des résultats obtenus. Après l’en avoir informé, la personne publique peut publier, en mentionnant le titulaire, des informations générales, non utilisables sans recours au titulaire. Après l’en avoir informé, la personne publique peut publier, en mentionnant le titulaire, les résultats de l’étude, ou si le marché le prévoit que ce droit est différé, des informations générales sur la nature des résultats obtenus.
figure im2

CCAG/PI - DROITS DE LA PERSONNE PUBLIQUE (ARTICLE 20)

CCAG/PI - DROITS DU TITULAIRE (ARTICLE 21)

OPTION A OPTION B OPTION C
Le titulaire ne peut faire aucun usage commercial des résultats sans l’accord de la personne publique. Le titulaire peut librement utiliser les résultats sous réserve de payer les redevances prévues à l’article C.31.
Le titulaire ne peut communiquer les résultats à des tiers qu’avec l’autorisation de la personne publique. Le titulaire peut communiquer les résultats après en avoir informé la personne responsable et avoir réservé les droits de celle-ci.
Il ne peut publier les résultats qu’après l’accord de la personne publique, et sauf stipulation contraire, en mentionnant que l’étude a été financée par la personne publique. Il peut librement publier les résultats (sous réserve du respect du secret). Cette publication doit être différée si la personne publique désire que l’invention soit brevetée.
figure im3

CCAG/PI - DROITS DU TITULAIRE (ARTICLE 21)

Notes

  • [1]
    Cf. JOUE, du 30 avril 2004.
  • [2]
    Cf. interview de Joachim Wuermeling achatpublic.com, 2 février 2004.
  • [3]
    CE, Ass., 5 mars 2003, UNSPIC, n° 233372.
  • [4]
    Cf. JO, du 25 juin 2004.
  • [5]
    Cf. circulaire du 7 janvier 2004, www.minefi.gouv.fr.
  • [6]
    Cf. circulaire du 28 août 2001.
  • [7]
    Décret n° 2001-210 du 7 mars 2001, JO du 8 mars 2001.
  • [8]
    Procédure d’infraction instruite par la Commission européenne, Bruxelles, 17 octobre 2002.
  • [9]
    CE, 10 novembre 1999, M. Arvrillier c/ SIEPARG, req. n° 165510B ; CE, 14 janvier 1987, Préfet de la Meuse c/ Syndicat de pays de Stenay-Montmédy, n° 58557.
  • [10]
    CE, 3 mars 2004, Sté Mak System req. n° 258272.
  • [11]
    Cf. CAC/DGA/2000, titre V, et clausier Direction générale de l’armement, « Propriété intellectuelle », version mars 2003, www.xiarm.com.
  • [12]
    Cf. Contrôle général des armées, note n° 12/DEF/CGA/G relative aux clauses de propriété intellectuelle des logiciels applicables aux marchés de la Délégation générale pour l’armement, BOC/PP-n° 12 mars 1994.
  • [13]
    Voir en annexe tableaux comparatifs des 3 options du chapitre IV du CCAG – Prestations intellectuelles.
  • [14]
    On notera pour mémoire que l’option C du CCAG – Prestations intellectuelles est strictement identique au chapitre VII du CCAG – Marchés industriels, « Marchés industriels comportant une part d’études ».
  • [15]
    Instruction d’application du CCAG – Prestations intellectuelles du 26 décembre 1978.
  • [16]
    Voir sur ce point le commentaire de l’Agence judiciaire dans « L’administration et le droit du logiciel », n° 21, Dossiers juridiques de l’Agence judiciaire du Trésor.
  • [17]
    Article L 111-1 du CPI.
  • [18]
    Cf. JO du 22 juin 2004.
  • [19]
    Cf. JOCE du 17 février 2000.
  • [20]
    Cf. JOCE du 22 juin 2001.
  • [21]
    Cf. projet de loi présenté en conseil des ministres le 12 novembre 2003 et avis du CSPLA du 20 décembre 2001, www.culture.gouv.fr/cspla.
  • [22]
    Cf. ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, JO du 19 juin 2004.
  • [23]
    V. Jean-Luc Piotraut, « Les droits de propriété littéraire et artistique à l’épreuve des juridictions administratives », RDIP et du même auteur, « Le juge administratif et les droits de propriété intellectuelle », RFDA, janv.-fév. 1997.
  • [24]
    Cf. Corinne Labbouz, « Les marchés publics et la propriété intellectuelle », Légipresse n° 185-II, octobre 2001, p. 124.
  • [25]
    Article L 551-1 du code de justice administrative.
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