Notes
-
[*]
Seul le thème du droit de la presse a pu être évoqué à l’occasion de ce forum, de sorte que la discussion n’a pas porté sur les aspects de droit d’auteur qui avaient été initialement envisagés.
-
[1]
COM/2003/0427 final. Voir en annexe, différents extraits du texte.
-
[2]
Convention de Bruxelles de 1968, plusieurs fois modifiée, dont la version consolidée a été publiée au JOCE C 27 du 26.1.1998, p. 1.
-
[3]
Pour le texte de la convention entrée en vigueur le 1er avril 1991 et telle que modifiée par les différentes conventions d’adhésion, les déclarations et les protocoles annexés, voir la version consolidée publiée au JOCE n° C 27 du 26.1.1998, p. 34.
-
[4]
Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, JOCE n° L 12 du 16.1.2001, p. 1, remplaçant la Convention de Bruxelles qui reste cependant en vigueur pour les relations entre le Danemark et les autres États membres. Livre vert sur la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles en instrument communautaire ainsi que sur sa modernisation, COM(2002) 654 final.
-
[5]
Une littérature abondante a été consacrée au thème de la communautarisation du droit international privé. Voir en dernier lieu avec les nombreuses références citées, M.-N. Jobard-Bachellier et J.-S. Bergé, « L’acquis et l’avenir communautaire du droit international privé des conflits de lois », in La réception du droit communautaire en droit privé des États membres, éd. Bruylant 2003.
-
[6]
Nous faisons référence ici à la célèbre affaire Farah Diba (Civ. 1re, 13 avril 1988, RCDIP 1988, 546, note P. Bourel ; Clunet 1988, 752 note B. Edelman). Pour une étude comparée d’ensemble, voir dernièrement avec les nombreuses références citées, M. Decker, Aspects internes et internationaux de la protection de la vie privée en droit français, allemand et anglais, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, Marseille 2002.
-
[7]
Pour une analyse des différentes solutions retenues par le droit positif en matière de délits complexes, voir B. Ancel et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 4e éd. Dalloz, spéc. pp. 173 et 174.
-
[8]
Sur ce mécanisme en général, voir notamment : P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé, 7e éd. Montchrestien, n° 199 s.
-
[9]
Il aurait pu d’ailleurs en être autrement si la solution initialement posée par l’avant-projet de proposition de règlement avait été retenue (Sur cet avant-projet, voir : http://europa.eu.int/comm/ dgs/justice_home/unit). Il avait été envisagé en effet d’appliquer aux délits de presse la loi du pays de résidence habituelle de la victime. Cette solution aurait véritablement tranché avec notre droit positif français. Perdant clairement de sa neutralité, cette règle de conflit aurait délibérément favorisé la victime, plus à même de connaître son droit national que celui d’un pays tiers. Mais cette solution n’a pas été retenue. Sur cet avant-projet, voir l’analyse critique proposée par C. Nourissat et E. Treppoz, Quelques observations sur l’avant-projet de proposition de règlement du Conseil sur la loi applicable aux obligations non contractuelles “Rome II”, Clunet 2003, p. 7.
-
[10]
Laquelle au demeurant s’oriente semble-t-il vers une application distributive des lois nationales dans le cas fréquent d’une pluralité de lieux de réalisation du dommage. Bien que rendu dans le domaine très spécifique du droit d’auteur, un arrêt récent a été invoqué au soutien de cette analyse : voir Civ. 1re 5 mars 2002, Gaz. Pal. 2003, n° 50 à 51, p. 33 ; JCP 2002 II 10082, note H. Muir Watt ; D. 2002, 2998 note N. Bouche ; D. 2003, 58 note M. Josselin-Gall ; JCP E 2003, 278, obs. H.-J. Lucas. Voir également sur ce thème, la proposition formulée par M. Decker, op. cit., spéc. p. 325.
-
[11]
Il s’agira du for du défendeur ou for du fait générateur du dommage ou du lieu de réalisation de celui-ci avec dans ce dernier cas une compétence limitée à la réparation du préjudice subi sur ce seul territoire. Pour une présentation d’ensemble des solutions, voir H. Gaudement-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe, 3e éd. LGDJ, § 209 et s.
-
[12]
Pour une présentation synthétique des décisions rendues en ce domaine par la Cour de Strasbourg, voir F. Sudre, Droit international et européen des droits de l’homme, 5e éd. PUF, spéc. § 162 et s.
-
[13]
On songe à deux exemples susceptibles d’avoir une incidence directe ou indirecte dans le domaine du droit de la communication. Le premier touche à l’activité de télédiffusion et le second concerne le commerce électronique. Voir en particulier la directive 89/552/CEE relative à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle récemment modifiée par la directive 97/36/CE (JOCE, n° L 202 du 30/07/1997) : « Art. 2.1. Chaque État membre veille à ce que toutes les émissions de radiodiffusion télévisuelle transmises par des organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de sa compétence respectent les règles du droit applicable aux émissions destinées au public dans cet État membre […] ; Article 2 bis. 1. Les États membres assurent la liberté de réception et n’entravent pas la retransmission sur leur territoire d’émissions télévisées en provenance d’autres États membres pour des raisons qui relèvent des domaines coordonnés par la présente directive […] ; ainsi que la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique (JOCE n° L 178 du 17 juillet 2000) : « Art. 3.1. Chaque État membre veille à ce que les services de la société de l’information fournis par un prestataire établi sur son territoire respectent les dispositions nationales applicables dans cet État membre relevant du domaine coordonné. 2. Les État membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre. […] »
-
[14]
Préc., v. supra § I. A.
-
[15]
On relèvera cependant l’existence d’une exception. La faculté offerte aux parties aux litiges de choisir le droit qui leur est applicable postérieurement à la réalisation du dommage n’est pas ouverte en cas de contentieux portant sur un droit de propriété intellectuelle (art. 10). Cette exclusion peut surprendre dans la mesure où les droits de propriété intellectuelle n’appartiennent pas dans leur totalité à la catégorie des droits indisponibles pour lesquels il n’existe traditionnellement aucune liberté de choix.
-
[16]
L’avant-projet et les résultats de la consultation sont disponibles sur http://europa.eu.int/comm/dgs/justice_home/unit
-
[17]
In « L’actualité du conflit de lois sur le droit d’auteur : bataille au pays des fantômes », Gaz. Pal. 25 et 26 juin 2003, n° 176 à 177, p. 8.
-
[18]
Si la propriété intellectuelle n’a pas été purement et simplement exclue du champ d’application de la proposition de règlement, c’est probablement que l’analyse que nous menons ici pour le droit d’auteur ne vaut pas nécessairement pour tous les droits de propriété intellectuelle, en particulier quand il s’agit de titres unitaires communautaires (voir art. 8§2 de la proposition). De plus, on peut penser que la Commission n’a pas voulu manquer cette occasion de permettre à la Communauté d’étendre son champ de compétence dans le règlement des conflits de lois intéressant ces matières.
-
[19]
Il n’est pas permis ici de revenir sur l’ensemble des solutions applicables en droit d’auteur international positif. Voir notamment pour un exposé complet des solutions, avec les nombreuses références citées : A. et H.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, 2e éd. Litec ; comparer notre analyse in Lamy Droit des médias et de la communication, spéc. Études 154 à 160, sept. 2003.
1 LES ORGANISATEURS DE CE FORUM ont fait preuve d’ouverture d’esprit dans l’énoncé des différents thèmes susceptibles d’attirer notre attention toute une journée. À s’en tenir au seul programme de cette fin d’après-midi, sont ainsi mises en avant pas moins de deux questions principales :
- celle très générale d’un droit de la communication confronté à une Europe aux prises avec un double mouvement de construction et de résistance ;
- celle plus ciblée – mais tout de même assez vaste – d’une internationalisation ou délocalisation des litiges ou procès dans les domaines de la presse et du droit d’auteur.
3 Fort heureusement, la voie est clairement tracée par nos hôtes qui nous invitent à puiser les réponses à ces deux grandes interrogations dans une seule et même source de réglementation : le fameux “Projet Rome II”. Derrière cette formulation raccourcie, aux allures expertes, se cache la toute récente Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations non contractuelles [1], qui a été présentée par les services de la Commission européenne le 22 juillet dernier.
4 Ce projet de texte communautaire dérivé est le signal de départ d’une discussion institutionnelle qui puise sa source dans des travaux anciens et qui s’inscrit dans un mouvement contemporain plus vaste de communautarisation du droit international privé.
5 Ainsi que le rappelle la proposition de règlement dans son exposé des motifs, l’idée d’une unification des règles nationales de conflit de lois dans le domaine des obligations non contractuelles (délits, quasi-délits et quasi-contrats) remonte à la fin des années 1960, c’est-à-dire au moment même où l’importante Convention de Bruxelles sur la compétence et la reconnaissance des décisions en matière civile et commerciale [2] était adoptée par six États membres de la Communauté économique européenne d’alors. Comprises en droit international privé comme le pendant des règles de compétence juridictionnelle internationale (que l’on appelle traditionnellement les règles de conflit de juridictions), les règles de conflits de lois ont également fait l’objet d’une réflexion, spécialement dans le domaine du droit des obligations. Celle-ci a débouché en 1980 sur l’élaboration de la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dite “Rome I” [3]), laquelle, comme le signale son titre, ne s’intéresse qu’à la désignation de la lex contractus, l’unification des règles conflictuelles en matière délictuelle (et quasi contractuelle) ayant été jugé prématurée.
6 C’est cette occasion manquée que le projet Rome II tente, presque trente-cinq ans plus tard, de réparer. Pour ce faire, il s’appuie sur un élan de communautarisation du droit international privé qui a pris une tournure accélérée depuis les modifications apportées par le traité d’Amsterdam de 1999 au traité CE. Après que les conventions existantes (Bruxelles et Rome I, préc.) ont été ou sont sur le point d’être potentiellement transformées en règlement communautaire [4], c’est au tour de la loi applicable aux obligations non contractuelles de faire l’objet d’un projet de texte communautaire.
7 Les modifications induites par un tel mouvement de communautarisation sont importantes. Par exemple, la perspective d’un “reformatage” (c’est l’expression consacrée) de la Convention de Rome I en règlement communautaire emporte des conséquences qui vont bien au-delà du simple rhabillage formel d’un texte. Un pas supplémentaire est franchi qui implique un abandon plus grand encore de la compétence des États membres à définir leurs propres règles de droit international privé. Il ne faut donc pas s’étonner si, dans ce contexte nécessairement tendu de choix politique, le processus de communautarisation fait l’objet de débats parfois mouvementés. Tout comme les autres projets en instance, la proposition de règlement Rome II sera certainement très discutée. Ainsi que le rappelle à propos l’intitulé de ce forum, l’Europe est en construction qui, comme telle, suscite l’exercice de forces contradictoires. La communautarisation du droit international privé ne saurait y échapper à un titre quelconque.
8 Mais tel n’est pas ici notre propos [5]. Laissant de côté ces considérations hautement générales, il nous faut, sans plus tarder, fouler le terrain d’étude qui nous a été aménagé.
9 La question posée par les organisateurs de cette manifestation est la suivante : quelles réponses le projet Rome II est à même d’apporter face à un phénomène « d’internationalisation croissante des litiges », lequel se traduirait en particulier par « une délocalisation des procès de presse et de droit d’auteur ». Même s’il n’est pas certain que le terme de “délocalisation” soit toujours approprié, puisqu’au fond c’est surtout de “plurilocalisation” dont il s’agit ici, nous comprenons la question comme une invitation à rechercher si le projet de règlement communautaire est à même de solutionner les difficultés résultant d’une internationalisation croissante des échanges, spécialement à l’intérieur de l’espace européen, où les supports de communication sont amenés à circuler de plus en plus rapidement et facilement.
10 De prime abord, à se situer sur un plan très général, la réponse semble assez simple à apporter. Le projet Rome II ambitionne ni plus ni moins d’offrir aux États membres une seule et même règle de conflit de lois en matière délictuelle (et en matière quasi contractuelle, laquelle ne nous concerne pas ici). Là où, encore aujourd’hui, chaque État membre dispose de son propre système de droit international privé (sous réserve des quelques conventions internationales applicables en ce domaine, spécialement des conventions de La Haye), de sorte que la loi appliquée peut varier d’une juridiction étatique à l’autre, le projet Rome II tente d’apporter une solution uniforme à même de tendre vers plus de sécurité juridique. Ainsi, quel que soit le juge saisi à l’intérieur de l’espace européen, ce dernier serait tenu d’appliquer en vertu du texte de Rome II, une seule et même règle de conflit de lois désignant peu ou prou la même loi applicable. Du choix de la juridiction saisie, ne dépendrait plus (ou le moins possible) la détermination du droit applicable. On peut donc voir dans ce projet, une réponse au moins partielle aux craintes suscitées par ce que l’on appelle traditionnellement le forum shopping. Le plaideur ne pourrait plus choisir son juge en considération des solutions matérielles qu’il serait amené à retenir, compte tenu de sa propre règle de conflit de lois. La règle conflictuelle étant la même pour tous les juges européens, le risque d’une “délocalisation” du procès s’en trouverait amoindri, tout au moins à l’intérieur de l’espace européen. Mais naturellement, on ne peut se satisfaire d’une réponse aussi générale. Outre le fait même que la portée réellement unificatrice du projet Rome II peut être discutée, compte tenu notamment de son domaine matériel et géographique d’application limité, il nous faut aller plus avant dans l’examen des solutions concrètes qu’il propose. Pour cela nous nous limiterons aux deux champs d’étude qui nous ont été assignés par les organisateurs de cette manifestation : les procès en matière de presse (I) et ceux qui touchent au droit d’auteur (II).
I - LES RÉPONSES APPORTÉES EN DROIT DE LA PRESSE
11 Par procès de presse, on entendra de manière générale ici tous les litiges qui ont pour objet une atteinte portée aux droits de la personnalité entendus au sens large (vie privée, diffamation, droit à l’image, etc.). À ce titre, le projet Rome II consacre des développements importants, parfois spécifiques, au règlement des conflits de lois en matière de presse (A), développements qui appellent plusieurs lectures (B).
A. Énoncé des solutions
12 L’architecture des solutions formulées par la proposition de règlement en matière de procès de presse est la suivante.
1. De manière générale, et pour s’en tenir à l’essentiel :
13 Le texte se veut d’application ouverte, c’est-à-dire que la loi désignée par le règlement s’applique même si cette loi n’est pas celle d’un État membre (art. 2).
14 Les atteintes à la personnalité sont, sous réserve des règles particulières (voir infra), soumises à la règle générale énoncée par la proposition de règlement (art. 3), aux termes de laquelle la loi normalement applicable est :
- la loi du lieu de réalisation du dommage (entendu ici comme le lieu de diffusion commerciale du support de presse, voir exposé des motifs), à moins que,
- la victime et la personne poursuivie n’aient leur résidence dans un même pays, auquel cas la loi de ce pays s’applique, sous réserve néanmoins de ce que
- la situation ne présente de liens manifestement plus étroits avec un autre État, auquel cas c’est in fine la loi de cet autre État qui s’applique.
16 Les parties ont toujours la possibilité de choisir postérieurement à la survenance de leur différend une loi autre dans les conditions définies par la proposition de règlement (art. 10).
17 L’application des lois de police étrangères et du for est expressément envisagée (art. 12) de même que le jeu de l’exception d’ordre public (art. 22).
18 Enfin le texte réserve le respect potentiel d’autres dispositions communautaires (art. 23) de même qu’il n’entend pas affecter les conventions internationales existantes (art. 25).
2. De manière spécifique au procès de presse :
19 La proposition de règlement consacre un article (art. 6) spécifique à ce qu’elle désigne « Atteinte à la vie privée et aux droits de la personnalité ».
20 Deux tempéraments sont apportés au dispositif général décrit ci-dessus :
- la loi applicable est celle du for lorsque l’application de la loi désignée par l’article 3 serait contraire aux principes fondamentaux du for en matière de liberté d’expression et d’information.
- la loi applicable au droit de réponse ou aux mesures équivalentes est celle du pays où l’organisme de radiodiffusion ou l’éditeur de journaux a sa résidence habituelle (au sens défini par l’art. 19).
B. Lecture des solutions
22 L’énoncé des solutions au conflit de lois retenues par le projet Rome II appelle deux types de lecture. De manière à comprendre comment ces solutions entendent offrir une réponse à l’internationalisation croissante des litiges en matière de presse, il importe de développer successivement une analyse générale de droit international privé et une analyse plus spécifique de droit communautaire.
1. Lecture générale de droit international privé
23 À s’en tenir à des considérations générales de droit international privé, les solutions retenues par la proposition de règlement ne sont fondamentalement pas différentes de celles dégagées par notre droit positif actuel.
24 La soumission des atteintes aux droits de la personnalité à la lex loci delicti est une chose acquise depuis près de quinze ans dans notre jurisprudence nationale [6]. Cette loi correspond à celle du lieu de réalisation du dommage, la solution demeurant relativement incertaine en cas d’éclatement géographique du délit (fait (s) générateur (s) et lieu (x) de réalisation du dommage) [7]. De même, notre droit positif offre dans une certaine mesure la possibilité aux parties à un litige de nature délictuelle de choisir le droit applicable au terme de ce que l’on appelle l’accord procédural (art. 12 al. 3 NCPC). Il fait naturellement une place aux dispositions impératives du for – fussent-elles consacrées à la protection des libertés fondamentales – par le jeu notamment de l’exception d’ordre public [8].
25 La proposition de règlement ne dit rien de très différent. En écartant l’application de principe de la loi du lieu de résidence habituelle de la victime [9] ou du lieu du fait générateur du dommage (lequel, en matière de presse, coïncide souvent, il faut bien le dire, avec celui du lieu de réalisation du dommage) et en prévoyant la compétence ordinaire de la loi du lieu de réalisation du dommage, entendue d’après l’exposé des motifs comme la loi du lieu de diffusion commerciale du support de presse, elle est conforme à notre jurisprudence nationale [10].
26 Bien sûr, elle aménage deux règles qui n’existent pas en tant que telles dans notre droit positif : celle énoncée à l’art. 3.2 qui envisage l’hypothèse où la victime et la personne poursuivie résident dans un même État ; celle spécifique posée en matière de droit de réponse par l’art. 6.2. Mais en dehors de ces deux cas, sur lesquels nous reviendrons peut-être, nous avons peine à voir une véritable rupture entre ce projet de texte communautaire et notre droit international privé positif français des délits de presse.
27 Ce statu quo est certainement un peu regrettable. On aurait pu espérer une règle de conflit plus travaillée, capable d’offrir des solutions plus tranchées, spécialement dans l’hypothèse, fréquente en matière de presse (notamment électronique), d’une plurilocalisation du dommage. Tel n’est pas le cas en l’état de la proposition, du moins si l’on fait abstraction du contexte communautaire qui entoure cette proposition de règlement.
2. Lecture spécifique de droit communautaire
28 Cette première lecture mérite d’être complétée, parfois bousculée, par une approche plus communautaire de la proposition de règlement.
29 Pour commencer, il faut bien comprendre que la perspective de l’adoption du règlement Rome II est en soi un bouleversement pour l’internationaliste privatiste français. Habitué, assez souvent encore, à un droit savant, œuvre d’une Cour de cassation plutôt à l’écoute des suggestions de la doctrine, il voit son univers se transformer totalement. La règle devient écrite. Elle subit plus directement encore des influences venues d’autres traditions juridiques que la nôtre. Surtout son interprétation uniforme relève dorénavant de la compétence des juges de Luxembourg.
30 Mais il y a plus. De par sa nature communautaire, le texte s’insère dans un système juridique propre, distinct du système juridique national. Or seule une mise en relation du texte et du contexte dans lequel il s’insère est à même d’offrir une vue complète de la proposition de règlement. Sans qu’il soit possible ici de traiter la question sous tous ses aspects, nous en donnerons trois illustrations.
- D’abord, la proposition de règlement s’inscrit dans le voisinage des règles de compétence unifiées par la fameuse Convention de Bruxelles, devenue Règlement de Bruxelles I. S’il n’existe pas de lien direct entre les règles de compétence juridictionnelle et les règles de compétence législative, de sorte que la désignation du juge compétent [11] est indépendante de celle de la loi applicable, il faut bien admettre que le projet Rome II vient compléter en droit des conflits de lois, le dispositif existant en matière délictuelle sur le terrain des conflits de juridictions. Ainsi le phénomène d’internationalisation des litiges est appréhendé dans sa globalité à l’intérieur de l’espace européen, tant par les règles de compétence et d’exécution des jugements (les plus importantes à vrai dire) que par les règles conflictuelles. On pourrait bien sûr se laisser aller à rêver d’un système analogue à l’échelle mondiale. Mais cette perspective, on le sait, n’est pas d’actualité.
- Ensuite, le texte de la proposition de règlement renvoie indirectement aux diverses sources européennes de protection des libertés fondamentales. En précisant en son article 6.1 que le juge saisi peut évincer la lex causae au profit de la loi du for, dès lors que son application porterait atteinte aux principes fondamentaux de liberté d’expression et d’information chers au juge saisi, le projet Rome II s’insère dans un appareil de normes, si ce n’est totalement uniforme, du moins commun aux différents pays européens. On songe, bien entendu, à la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales [12] et la Charte des droits fondamentaux de l’UE. On aurait donc tort de voir dans ce dispositif, l’expression traditionnelle d’une exception strictement nationale d’ordre public. Le droit européen des libertés fondamentales a manifestement un rôle à jouer aux côtés de la règle communautaire de droit international privé.
- Enfin, on remarquera deux dispositions dans la proposition de règlement qui conduisent à soumettre les entreprises de communication (entendues au sens large) à la réglementation de leur lieu d’établissement, solution qui leur est plutôt favorable dans la mesure où cela leur évite d’avoir à connaître de droits étrangers, spécialement dans le contexte de leur activité transnationale. La première de ces dispositions est tirée de l’article 6.2 de la proposition de règlement au sujet de la loi applicable au droit de réponse. L’entreprise de presse se voit ainsi soumise à un seul et même régime en la matière sans que l’on puisse lui opposer une loi autre que celle de son pays d’établissement. La seconde s’évince de l’article 23.2, lequel renvoie de manière assez explicite à ce que l’on appelle en droit communautaire le principe du marché intérieur, formulé plus ou moins clairement dans plusieurs directives [13], principe selon lequel les acteurs économiques sont soumis au contrôle et au respect des autorités et lois de leur pays d’origine. Si la réglementation d’un autre pays entend leur être appliquée et si cette application constitue une entrave à la libre circulation, alors il convient de mettre en place ce que l’on appelle le test de compatibilité pour vérifier que la restriction est tolérée par le droit communautaire (existence d’un motif d’intérêt général et respect du principe de proportionnalité). Il se peut donc que ce type de mécanisme, spécifiquement communautaire, vienne perturber le jeu normal des règles de conflit de lois. Une place importante est ainsi faite à la loi de l’organe de presse ou du radiodiffuseur, place qui vient sans doute contrebalancer l’absence regrettée par les milieux intéressés d’une règle de conflit de lois totalement spécifique à leur activité.
32 Le projet Rome II ne doit pas être compris comme un texte isolé à l’image de ce que serait une convention internationale classique de droit international privé. Il s’insère dans un ensemble, lequel s’efforce d’offrir à l’échelle européenne une certaine prévisibilité et unité des solutions. Tout n’est pas parfait ni même réglé, bien sûr. Mais l’ensemble constitue un début de réponse tout à fait appréciable à l’internationalisation des litiges.
II - LES RÉPONSES APPORTÉES EN DROIT D'AUTEUR
33 Les réponses susceptibles d’être apportées par le projet Rome II à l’internationalisation des procès dans le domaine du droit d’auteur se présentent de manière très différente. Elles n’appelleront d’ailleurs pas de longs développements de notre part.
34 Contrairement au droit de la presse qui, sur les aspects de droit privé, ne fait pas l’objet d’une réglementation internationale et communautaire significative, le droit d’auteur connaît une sur-réglementation internationale et européenne. On peut donc être un peu surpris que la proposition de règlement y fasse, contre toute attente, référence (A), d’autant que la portée de la solution proposée demeure incertaine de notre point de vue (B).
A. Énoncé de la solution
35 Si l’on se limite au seul droit d’auteur (et droits voisins), en laissant de côté les droits de propriété industrielle (brevets, marques, dessins et modèles…), y compris ceux unifiés par la réglementation communautaire (marque communautaire, dessin et modèle communautaire…), la proposition de règlement consacre une disposition à ce qu’elle appelle la loi applicable à « l’obligation non contractuelle résultant d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle » (art. 8.1). Cette loi n’est autre que « celle du pays pour lequel la protection est revendiquée », formule qui ne surprend guère, puisqu’on la retrouve en des termes légèrement différents (mais qui n’impliquent pas foncièrement une différence de sens) dans la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (art. 5.2 : « loi du pays où la protection est demandée »).
36 En dehors de cette disposition spécifique, dérogatoire de la règle générale définie à l’art. 3 [14], vont trouver à s’appliquer au droit d’auteur, les règles précédemment mentionnées qui touchent au caractère ouvert de la règle de conflit, au jeu des lois de police et de l’exception d’ordre public ainsi qu’au respect des autres règles communautaires et des conventions internationales existantes [15].
37 Le fait même que le projet de règlement Rome II s’intéresse au droit d’auteur (et plus largement à la propriété intellectuelle) surprend. Rien dans l’avant-projet n’avait trait à cette matière et rien dans les suites données à la consultation menée par les services de la Commission ne semblait démentir cette première approche [16]. Du moins est-ce ce que nous avions considéré [17]. Il n’en a rien été, ce qu’il faut à présent tenter d’expliquer.
B. Lecture de la solution
38 Pour dire les choses de manière un peu abrupte, on peut estimer que l’art. 8 de la proposition de règlement n’a d’autre ambition que d’exclure purement et simplement le droit d’auteur de son champ d’application [18] !
39 En écartant le jeu de la règle de conflit traditionnellement définie pour les obligations non contractuelles – la lex loci delicti –, en s’alignant sur la principale solution retenue par Convention de Berne (préc.) – la lex loci protectionis –, tout en précisant que les conventions internationales existantes et les règles communautaires contraires continuent de s’appliquer (art. 23 et 25), la proposition de règlement n’apporte strictement rien de nouveau dans la résolution des conflits de lois sur le droit d’auteur.
40 En conséquence, continueront notamment [19] de devoir être appliquées :
- les règles dérogatoires définies par la Convention de Berne (art. 2.7, 7.8 et 14 ter) donnant notamment compétence à la loi du pays d’origine de l’œuvre, sous réserve bien entendu de leur compatibilité avec le droit communautaire ;
- surtout les règles conflictuelles spéciales aménagées par le droit communautaire dérivé en matière de radiodiffusion par satellite (directive (CE) n° 93/83 du Conseil, 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble, JOCE L248 du 6 oct. 1993, art. 1) et en matière de durée de protection des œuvres d’origine potentiellement étrangère (Directive (CE) n° 93/98 du Conseil, 29 octobre 1993, relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins, JOCE L290 du 24 nov. 1993, art. 7).
42 Tout se passe en définitive comme si le projet Rome II ne s’intéressait pas à la question de la loi applicable au droit d’auteur. Il faut donc retenir que ce texte n’entend apporter aucune solution spécifique, différente de celles qui existent d’ores et déjà et qui s’efforcent, peu ou prou, de prendre la mesure des risques liés à l’internationalisation des litiges.
43 Personnellement, on ne pourra que le regretter. Il y aurait tant à faire en ce domaine pour sortir d’une approche quasi féodale des conflits de lois, qui fait la part belle à l’application sur chaque territoire où la protection est demandée de la loi locale. Le droit communautaire a su pourtant, à travers différentes règles, rompre avec cette territorialité strictement entendue. Il a condamné, ne serait-ce qu’au travers de la règle de l’épuisement par exemple, une indépendance étatique du droit de propriété intellectuelle difficilement conciliable avec la construction d’espaces transnationaux de libre-échange. Il a montré également que la compétence de lois autres (loi du pays d’émission, loi du pays d’origine) était parfaitement envisageable. Il serait pour le moins profitable d’en tirer les leçons, y compris par le truchement de règles de conflit de lois nouvelles. Le projet “Rome II” pourrait être une occasion inespérée d’y parvenir. Souhaitons qu’une volonté politique se forme en ce sens.
44 J.-S.B.
Notes
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Seul le thème du droit de la presse a pu être évoqué à l’occasion de ce forum, de sorte que la discussion n’a pas porté sur les aspects de droit d’auteur qui avaient été initialement envisagés.
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COM/2003/0427 final. Voir en annexe, différents extraits du texte.
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Convention de Bruxelles de 1968, plusieurs fois modifiée, dont la version consolidée a été publiée au JOCE C 27 du 26.1.1998, p. 1.
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Pour le texte de la convention entrée en vigueur le 1er avril 1991 et telle que modifiée par les différentes conventions d’adhésion, les déclarations et les protocoles annexés, voir la version consolidée publiée au JOCE n° C 27 du 26.1.1998, p. 34.
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Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, JOCE n° L 12 du 16.1.2001, p. 1, remplaçant la Convention de Bruxelles qui reste cependant en vigueur pour les relations entre le Danemark et les autres États membres. Livre vert sur la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles en instrument communautaire ainsi que sur sa modernisation, COM(2002) 654 final.
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[5]
Une littérature abondante a été consacrée au thème de la communautarisation du droit international privé. Voir en dernier lieu avec les nombreuses références citées, M.-N. Jobard-Bachellier et J.-S. Bergé, « L’acquis et l’avenir communautaire du droit international privé des conflits de lois », in La réception du droit communautaire en droit privé des États membres, éd. Bruylant 2003.
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[6]
Nous faisons référence ici à la célèbre affaire Farah Diba (Civ. 1re, 13 avril 1988, RCDIP 1988, 546, note P. Bourel ; Clunet 1988, 752 note B. Edelman). Pour une étude comparée d’ensemble, voir dernièrement avec les nombreuses références citées, M. Decker, Aspects internes et internationaux de la protection de la vie privée en droit français, allemand et anglais, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, Marseille 2002.
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[7]
Pour une analyse des différentes solutions retenues par le droit positif en matière de délits complexes, voir B. Ancel et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 4e éd. Dalloz, spéc. pp. 173 et 174.
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[8]
Sur ce mécanisme en général, voir notamment : P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé, 7e éd. Montchrestien, n° 199 s.
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[9]
Il aurait pu d’ailleurs en être autrement si la solution initialement posée par l’avant-projet de proposition de règlement avait été retenue (Sur cet avant-projet, voir : http://europa.eu.int/comm/ dgs/justice_home/unit). Il avait été envisagé en effet d’appliquer aux délits de presse la loi du pays de résidence habituelle de la victime. Cette solution aurait véritablement tranché avec notre droit positif français. Perdant clairement de sa neutralité, cette règle de conflit aurait délibérément favorisé la victime, plus à même de connaître son droit national que celui d’un pays tiers. Mais cette solution n’a pas été retenue. Sur cet avant-projet, voir l’analyse critique proposée par C. Nourissat et E. Treppoz, Quelques observations sur l’avant-projet de proposition de règlement du Conseil sur la loi applicable aux obligations non contractuelles “Rome II”, Clunet 2003, p. 7.
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[10]
Laquelle au demeurant s’oriente semble-t-il vers une application distributive des lois nationales dans le cas fréquent d’une pluralité de lieux de réalisation du dommage. Bien que rendu dans le domaine très spécifique du droit d’auteur, un arrêt récent a été invoqué au soutien de cette analyse : voir Civ. 1re 5 mars 2002, Gaz. Pal. 2003, n° 50 à 51, p. 33 ; JCP 2002 II 10082, note H. Muir Watt ; D. 2002, 2998 note N. Bouche ; D. 2003, 58 note M. Josselin-Gall ; JCP E 2003, 278, obs. H.-J. Lucas. Voir également sur ce thème, la proposition formulée par M. Decker, op. cit., spéc. p. 325.
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[11]
Il s’agira du for du défendeur ou for du fait générateur du dommage ou du lieu de réalisation de celui-ci avec dans ce dernier cas une compétence limitée à la réparation du préjudice subi sur ce seul territoire. Pour une présentation d’ensemble des solutions, voir H. Gaudement-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe, 3e éd. LGDJ, § 209 et s.
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[12]
Pour une présentation synthétique des décisions rendues en ce domaine par la Cour de Strasbourg, voir F. Sudre, Droit international et européen des droits de l’homme, 5e éd. PUF, spéc. § 162 et s.
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[13]
On songe à deux exemples susceptibles d’avoir une incidence directe ou indirecte dans le domaine du droit de la communication. Le premier touche à l’activité de télédiffusion et le second concerne le commerce électronique. Voir en particulier la directive 89/552/CEE relative à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle récemment modifiée par la directive 97/36/CE (JOCE, n° L 202 du 30/07/1997) : « Art. 2.1. Chaque État membre veille à ce que toutes les émissions de radiodiffusion télévisuelle transmises par des organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de sa compétence respectent les règles du droit applicable aux émissions destinées au public dans cet État membre […] ; Article 2 bis. 1. Les États membres assurent la liberté de réception et n’entravent pas la retransmission sur leur territoire d’émissions télévisées en provenance d’autres États membres pour des raisons qui relèvent des domaines coordonnés par la présente directive […] ; ainsi que la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique (JOCE n° L 178 du 17 juillet 2000) : « Art. 3.1. Chaque État membre veille à ce que les services de la société de l’information fournis par un prestataire établi sur son territoire respectent les dispositions nationales applicables dans cet État membre relevant du domaine coordonné. 2. Les État membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre. […] »
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[14]
Préc., v. supra § I. A.
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[15]
On relèvera cependant l’existence d’une exception. La faculté offerte aux parties aux litiges de choisir le droit qui leur est applicable postérieurement à la réalisation du dommage n’est pas ouverte en cas de contentieux portant sur un droit de propriété intellectuelle (art. 10). Cette exclusion peut surprendre dans la mesure où les droits de propriété intellectuelle n’appartiennent pas dans leur totalité à la catégorie des droits indisponibles pour lesquels il n’existe traditionnellement aucune liberté de choix.
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[16]
L’avant-projet et les résultats de la consultation sont disponibles sur http://europa.eu.int/comm/dgs/justice_home/unit
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[17]
In « L’actualité du conflit de lois sur le droit d’auteur : bataille au pays des fantômes », Gaz. Pal. 25 et 26 juin 2003, n° 176 à 177, p. 8.
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[18]
Si la propriété intellectuelle n’a pas été purement et simplement exclue du champ d’application de la proposition de règlement, c’est probablement que l’analyse que nous menons ici pour le droit d’auteur ne vaut pas nécessairement pour tous les droits de propriété intellectuelle, en particulier quand il s’agit de titres unitaires communautaires (voir art. 8§2 de la proposition). De plus, on peut penser que la Commission n’a pas voulu manquer cette occasion de permettre à la Communauté d’étendre son champ de compétence dans le règlement des conflits de lois intéressant ces matières.
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[19]
Il n’est pas permis ici de revenir sur l’ensemble des solutions applicables en droit d’auteur international positif. Voir notamment pour un exposé complet des solutions, avec les nombreuses références citées : A. et H.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, 2e éd. Litec ; comparer notre analyse in Lamy Droit des médias et de la communication, spéc. Études 154 à 160, sept. 2003.