Notes
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[1]
En fait, elle l’a ratifiée le 31 décembre 1973 et elle a été publiée par un décret du 3 mai 1974 alors que M. Poher assurait l’intérim de la Présidence de la République après le décès de Georges Pompidou.
-
[2]
CEDH Bozano c/ France.
-
[3]
Par exemple, deux arrêts essentiels SundayTime c/ RU du 26 avril 1973 (A. 30) ou Handyside c/ RU du 7 décembre 1976 (A. 24).
-
[4]
« La loi de 1881, Loi du XXIe siècle », Actes du colloque de l’association Presse-Liberté du 30 juin 2000, p. 10.
-
[5]
CEDH, 21 janvier 1999, Roire et Fressoz c/ France, Gazette du Palais, 25-27 juillet 1999, p. 18, Rev. sc. crim., 1999, p. 630.
-
[6]
JO débats du 18 juillet 1880, p. 8291.
-
[7]
Carbonnier, « Le silence et la gloire », D. 1951, chronique p. 2 8.
-
[8]
Rappelons à ce sujet que les intérêts à protéger varient légèrement selon la nature des droits qui ne sont pas indérogeables, qu’il s’agisse de la protection de la vie privée, prévue à l’article 8, de la liberté de pensée, de conscience et de religion de l’article 9 ou de la liberté de réunion et d’association de l’article 11.
-
[9]
CEDH, Ekin c/ France du 17 juillet 2001, Légipresse 185-III, p. 169, note Emmanuel Derieux, D. 2002, p. 2770, obs. Th. Massis.
-
[10]
JO du débat du 25 janvier 1881, p. 52.
-
[11]
CE, 17 décembre 1958, D. 1858, p. 175, concl. Braibant.
-
[12]
Cass. crim., 6 mai 1959, Bull. crim. n° 233.
-
[13]
AJDA 1998, p. 374, note M.-F. Verdier, Jur. class. Communication, fasc 2150 n° 18 à 27, Emmanuel Dreyer.
-
[14]
Les requérants avaient également soulevé tant devant le Conseil d’État que devant la Cour européenne l’incompatibilité combinée avec l’article 14 de la CEDH qui interdit toute discrimination fondée notamment sur l’origine nationale ou l’appartenance à une minorité nationale. Mais la Cour n’a pas estimé nécessaire d’examiner ce moyen.
-
[15]
Cass. crim., 22 juin 1999, Légipresse n° 165-III, p. 138 ; Cass., 2e civ., 28 septembre 2000 ; Cass., 2e civ., 28 septembre 2000, B. civ. II n° 136 ; TGI Paris, 20 juin 1990, Légipresse 1991.I.7 ; 21 novembre 1995, Légipresse 1996.I.39 ; 18 décembre 1996. Légipresse 97. I 36 ; 18 février 1997, Légipresse 97.I.54 ; 18 février 1998. Légipresse 98 I.88.
-
[16]
Bull. crim.1998 n° 267 ; Dr. pen. 1999 n° 20, obs. Véron.
-
[17]
TGI Paris, 25 avril 2001, Légipresse n° 182-III, p. 103, commentaire M.-N. Louvet.
-
[18]
CEDH, 25 juin 2002, Colombani et autres c/ France, Légipresse n° 195-III, p. 159, note Henri Leclerc ; D. 2002, p. 2767, obs. J.-Y. Dupeux ; D. 2992, p. 2571, obs. J.-F. Renucci
-
[19]
CEDH, 24 avril 1990, Kruslin et Hévig c/ France, constatant la non conformité à l’article 8 de la Convention de la législation française sur les écoutes téléphoniques, puis Cass. crim., 15 mai 1990 ; Bull. crim. n° 113 résistant en validant la même écoute téléphonique que celle sur laquelle avait statué la CEDH ; et enfin loi du 10 juillet 1991 organisant et réglementant le système judiciaire et administratif des écoutes téléphoniques en France.
-
[20]
Cour d’appel Paris, 3 juillet 2001.
-
[21]
CEDH, 17 octobre 2000, Du Roy et Malaurie c/ France, Légipresse n° 177-III, p. 195, obs. Marc-Noël Louvet ; Petites Affiches, 18 avril 2001, note E. Derieux.
-
[22]
Cass. crim., 19 mars 1996, Bull. crim. n° 117.
-
[23]
L’article 11 protège le secret de l’instruction mais le problème de sa violation qui expose aux sanctions du délit de violation du secret professionnel concerne ceux qui concourent à l’instruction. Celui de la publication des informations pose, lui, la question du recel des informations ou des documents que nous évoquerons plus loin. Quant à l’article 91, il permet d’obtenir des dommages-intérêts en cas de plainte avec constitution de partie civile abusive.
-
[24]
Cass. crim., 14 juin 2000, Bull. crim. n° 223.
-
[25]
Cass. crim, 16 janvier 2001, Bull. crim. n° 10 et Légipresse n° 181-III, p. 80, note Emmanuel Derieux.
-
[26]
Cour d’appel Paris, 31 octobre 2001, Légipresse n° 189-III, p. 31, note Emmanuel Derieux.
-
[27]
Voir jurisprudence précédemment citée.
-
[28]
C’est-à-dire pas seulement aux exigences de la liberté d’expression mais également à celles du procès équitable et à celles de la légalité des incriminations. Cass. crim., 20 février 2001, D. 2001, p. 3001, D. 2002, p. 1793, note B. Lamy.
-
[29]
TGI Paris, 10 septembre 1996, Légipresse n° 138-III, p. 7 note, E. Derieux ; D. 1997, somm., p. 91, obs. T. Hassler.
-
[30]
Cour d’appel Paris, 18 septembre 1997, Gazette du Palais 1997.2, p. 697 ; D. 1998, somm., p. 82, obs. J.-Y. Dupeux.
-
[31]
Cass. crim., 4 septembre 2001, BC n° 170 ; Légipresse 2001 n° 186-III, p. 183, note B. Ader ; Rev. sc. crim. 2002, p. 125, obs. Francillon.
-
[32]
TGI Paris, 15 décembre 1998, Légiprese n° 158-III, p. 16, note E. Derieux ; CA Paris, 29 juin 2000, Légipresse n° 176-III, p. 174 ; Cass. crim., 16 janvier 1996, BC 1996 n° 204 ; Conseil d’État, 2 juin 1999, Rec. Lebon, p. 160.
-
[33]
Cour d’appel de Paris, 23 mai 2002, D. 2003 somm., p. 174, obs. Bertrand de Lamy.
-
[34]
Jean Paul Doucet, « La Convention européenne et la jurisprudence pénale française », Rev. sc. crim., p. 177.
-
[35]
JO Débats, séance du 15 février 1881, JO, p. 248.
-
[36]
J. Robert, « Propos sur la liberté de la presse », D. 1964, chr. p. 194.
-
[37]
Cass. crim., 13 juillet 1960, Bull. crim. n° 375.
-
[38]
Cass. crim., 31 mai 1975, D. 1965 p. 645.
-
[39]
Lingens c/ Autriche du 8 juillet 1986 A n° 103.
-
[40]
Schwabe c/ Autriche du 28 août 1992 A n° 242 B.
-
[41]
Cass. crim, 16 mai 1954, Bull. crim. n° 111 ; CA Paris, 18 mai 1988, D. 1990, p. 35 ; Cass.
-
[42]
Cass. crim., 28 avril 1950, Bull. crim. n° 137.
-
[43]
TC Lille, 4 février 1959, JCP 1959, IV, p. 131.
-
[44]
Cass. crim., 7 nov. 1963, Bull. crim. n° 314.
-
[45]
TGI Toulouse, 22 juin 2002, D. 2002, p. 2972, note C. Lienhart.
-
[46]
Un arrêt assez récent de la Cour de Paris tente d’expliquer en parlant de « désordre, de panique, d’émotion collective et de désarroi », Droit pénal 1998, n° 63.
-
[47]
CEDH 26 avril 1995 Prager c/ Autriche A 313.
-
[48]
Ce texte mentionne encore les “actes d’accusation” disparus de la procédure pénale depuis bientôt cinquante ans.
-
[49]
Cass. crim., 22 juin 1999, Bull. crim. n° 146 ; Rev. sc. crim., 2001, p. 178
-
[50]
Cour d’appel Paris (11e ch.), 16 juin 1999, D. 2000, p. 167, com. Ch. Bigot ; Cass. crim., 19 juin 2001, Bull. crim. n° 149 ; Rev. sc. crim. 2002, p. 119, obs. J. Francillon.
-
[51]
Rappelons le tout de même « La presse et la librairie sont libres ».
-
[52]
Weber c/ Suisse, 22 mai 1990, A. 177.
-
[53]
Cass. crim., 19 juin 2001, Bull. crim. n° 149.
-
[54]
Quoi qu’il ne semble pas qu’on se soit interrogé lorsqu’une jeune fille et sa mère cherchèrent à établir post mortem une filiation avec le chanteur Yves Montand.
-
[55]
Emmanuel Dreyer, Droit de l’information, n° 227.
-
[56]
Séance du 25 janvier 1881, JO débats, p. 57 et s.
-
[57]
Cass. crim, 14 juin 1995, Bull. crim. n° 217.
-
[58]
Jersild c/ Danemark, 23 septembre 1994, A n° 298, RTDH 1999, p. 375, note Cohen-Jonathan et Gazette du Palais, 1995 2 697.
-
[59]
Cass. crim., 23 février 1993, Bull. crim. n° 86.
-
[60]
Cass. crim., 20 décembre 1995, Bull. crim. n° 424.
-
[61]
Lehideux et Isorni c/ France, 23 septembre 1998, Rev. trim des droits de l’homme 1999, p. 367 ; Rev. sc. crim. 1999, p. 151 ; D. 1999, p. 223.
-
[62]
Kruslin C/ France (précité).
-
[63]
Rapport de M. Lisbonne, séance du 18 juillet 1880, JO p. 8307.
-
[64]
Lingens c/ Autriche, 8 juillet 1986, A n° 103.
-
[65]
Cas. ch. mixte, 24 novembre 2000, Bull. civ. n° 4 ; voir aussi cour d’appel Paris, 20 septembre 2001, D. 2002, p. 2300.
-
[66]
Note Mimin sous Cass. crim, 27 octobre 1938, D. 1939-I, p. 77.
-
[67]
CEDH, 2 mai 2000, Bergens Tidende c/ Norvège, Légipresse n° 176-III, p. 174.
-
[68]
CEDH, 26 avril 1995, Prager c/ Autriche, A. 313.
-
[69]
Cass. crim, 9 juillet 1980, Bull. crim. n° 219 ; 11 juin 1981, Bull. crim. n° 195.
-
[70]
Castells c/ Espagne, 23 avril 1992, A. n° 236.
-
[71]
Barford c/ Danemark, 22 février 1989, A. n° 149.
-
[72]
Thorgeir Thorgeirson c/ Islande du 25 juin 1992 A n° 239.
-
[73]
Cass. crim., 17 décembre 1991, Bull. crim. n° 481 ; Rev. sc. crim. 1993.88 ; 23 février 2000, Droit pénal 2000 n° 85.
-
[74]
Emmanuel Dreyer, Droit de l’information, Litec n° 339 à 342.
-
[75]
CEDH, 7 octobre 1988, Salabiaku c/ France, A. 141.
-
[76]
Rapport de M. Lisbonne, séance du 18 juillet 1881, JO débats p. 8304.
-
[77]
Cass. crim., 8 avril 1895, D. 1895- I, p. 360.
-
[78]
Cass. civ., 5 février 1992, BC II n° 44 ; D. 1992-J, p. 442 ; 22 juin 1994 BC II n° 164 ; 19 février 1997 BC II n° 174 ; JCP 1997 II 22900 et surtout l’étude exhaustive de Monsieur le Conseiller Guerder, doyen de la deuxième chambre au Rapport de la Cour de cassation 1999, L’évolution récente de la jurisprudence civile en matière de presse.
-
[79]
L’audition de témoins à l’audience en dehors des règles de l’enquête civile est particulièrement audacieuse.
-
[80]
Il énonce le droit à un recours effectif lorsqu’un droit a été violé.
-
[81]
« Le silence et la gloire », D. 1951. Chronique p. 28.
-
[82]
Cass. Ass. Plen., 12 juillet 2000, Bull. Ass. Plen. 2000 n° 8 ; D. 2000 somm., p. 463 Légipresse n° 175-III, p. 153, conclusions Premier avocat général Joinet.
-
[83]
Voir TGI Paris, 16 novembre 2000, D. 2000 somm., p. 2766 note Massis.
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[84]
Cass. crim, 11 mars 1977, Bull. crim. n° 96, le déclarant compatible avec l’article 10.
-
[85]
Que le tribunal de Paris (17e chambre) a dit ne pas pouvoir appliquer aux organes de presse en raison des dépositions de l’article 10 ; Légipresse n° 184-III p. 148.
-
[86]
On se souvient de l’interdiction de l’hebdomadaire Hara-Kiri Hebdo pour un titre humoristique provocateur rapprochant le drame de l’incendie d’un dancing ayant fait des centaines de morts et le décès du général de Gaulle en vertu des dispositions de l’article 14 qui – comment ne pas penser à l’article 14 de la loi de 1881 ? – permet d’interdire l’exposition des publications dont il estime qu’elles représentent un danger pour la jeunesse
-
[87]
Voir TGI Paris (31e chambre) du 16 mars 2001 déclarant la poursuite compatible avec l’article 10, Légipresse 2001-III, p. 151.
1 Il a fallu du temps pour que notre vieux pays de droit écrit où la loi, « expression de la volonté générale », domine de sa puissance tout le champ juridique, accepte cette idée que des principes fondamentaux sont susceptibles de s’imposer au-dessus d’elle, voire contre elle. Bien que la Convention européenne des droits de l’homme soit entrée en vigueur en 1953, la France ne la ratifia qu’en 1974 [1], non sans formuler d’importantes réserves et, jalouse de ses prérogatives, supportant mal que d’autres puissent juger du comportement de la “patrie des droits de l’homme”, n’accepta le recours individuel devant la Cour de Strasbourg que le 2 octobre 1981. Et ce n’est qu’en 1986 qu’intervint la première condamnation de la France [2].
2 Depuis vingt-huit ans, la Convention est devenue partie intégrante de l’ordre juridique interne français. Peu à peu, la référence à ses dispositions s’est introduite dans la plupart des domaines de notre droit. Cette référence aujourd’hui obligée s’impose évidemment en vertu des dispositions de l’article 55 de la Constitution, puisque, traité ratifié, elle a une valeur supérieure à celle des lois. De surcroît, indépendamment du contrôle des décisions administratives ou juridictionnelles, la vérification de la conformité de la loi à la Convention, qui se fait tant par les juridictions françaises que par la Cour européenne des droits de l’homme, pallie l’absence de recours individuel sur la conformité de la loi aux principes fondamentaux inscrits aussi dans l’ordre juridique français par le préambule de la Constitution, qu’il s’agisse de la Déclaration de 1789, des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » ou des « principes nécessaires à notre temps » énoncés par le préambule de la Constitution de 1946.
I - LA LOI ET LES PRINCIPES
3 Dans le domaine de la liberté d’expression, la Cour européenne des droits de l’homme, interprétant et appliquant l’article 10 de la Convention, a fait une œuvre tout à fait remarquable qui avait commencé bien avant que la France ne ratifie la Convention [3]. Longtemps, les juridictions françaises ont été réservées, estimant que le système de protection de la liberté et la répression de ses abus organisés par la loi du 29 juillet 1881 et par la jurisprudence très subtile et affirmée, par exemple en matière de bonne foi du diffamateur, ne nécessitaient pas que l’on fît appel aux principes européens. Les choses ont bien évolué depuis et l’article 10 de la Convention s’est installé dans nos arrêts. À tel point que récemment le Procureur général près la Cour de cassation, Jean-François Burgelin, constatait, de façon un peu provocante, que « l’article 10 de la Convention se substitue progressivement à la loi française de 1881 qui n’a plus qu’un caractère subsidiaire » et faisait observer dans un colloque qu’il était bien inutile de réformer la loi de 1881 puisque cette réforme se ferait « sans intervention parlementaire, par le simple jeu de l’introduction de la jurisprudence strasbourgeoise dans notre droit positif » puisque « la liberté de la presse appartient désormais à l’Europe » [4].
4 Entrerions-nous alors en ce domaine dans un étrange système de common law, laissant subsister un texte de loi obsolète, gardé pieusement comme une relique à côté d’un droit prétorien en permanente évolution, attendant les oracles venus de Strasbourg et se contentant soit de les appliquer soit de les devancer ? Certes, la Cour européenne considère que la loi doit s’entendre comme comprenant, non seulement son texte écrit, mais également son interprétation jurisprudentielle. Mais la loi, dit la Cour elle-même, a besoin de prévisibilité et d’accessibilité. Elle doit être lisible et on comprendrait mal qu’elle existe contre le texte écrit. Celui qui use de sa liberté de “parler”, dont le préambule de la Déclaration universelle faisait une des plus hautes aspirations de l’homme, a besoin de connaître les limites qui déterminent les abus qu’il pourrait commettre.
5 Il n’y a pas si longtemps, la Cour européenne des droits de l’homme faisait observer que la loi du 29 juillet 1881 contenait « des dispositions équivalentes à celles de l’article 10 de la Convention » [5]. Quoi d’étonnant d’ailleurs à cet hommage puisque cette loi, bien que totalement organisée autour de la définition des délits de presse et des modalités de leur répression, fut conçue comme une loi de liberté. Son rapporteur au nom de la Commission des lois, M. Lisbonne, rappelait à la Chambre des députés, que la liberté avait été proclamée dans l’article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Monsieur Lisbonne précisait les intentions du législateur qui n’avait fait « qu’appliquer cette Déclaration ». « Nous ne proclamons pas cette liberté, nous faisons mieux, nous la réalisons. » [6] La loi est donc née pour que les principes affirmés soient concrètement mis en œuvre par la jeune Troisième République. Une telle loi était celle dont les constituants révolutionnaires voulaient qu’elle permette seule de déterminer les abus susceptibles de permettre une répression. Elle avait pour objectif de créer ce « système juridique clos » dont parle le doyen Carbonnier [7], qui contiendrait tout à la fois l’affirmation des principes, les modalités de protection de la liberté, la détermination des abus qu’il convient de réprimer et que peuvent commettre tous ceux qui s’expriment à destination du public quel que soit leur mode de communication, et les règles de procédure. La loi avait été faite à la lumière des principes, mais les principes ne se laissent pas facilement enfermer. Ils existent toujours au-dessus de la loi. Toutefois, s’ils éclairaient le juge qui a charge d’appliquer cette loi, ils ne lui permettaient pas de la contredire jusqu’à ce que, entrant dans le droit positif avec la ratification de la Convention, ces mêmes principes modernisés et concrétisés, aient le pouvoir de faire éclater les insuffisances, les archaïsmes que le législateur, soit par négligence soit par crainte révérencielle, laisse traîner dans le texte.
6 La définition du droit naturel à la “libre communication des pensées et des opinions”, contenue dans l’article 11 de la Déclaration sur lequel s’est appuyé le législateur de 1881, est bien proche de la définition objective de la “liberté d’expression” énoncée par le texte moderne de l’article 10 de la Convention, notamment par l’instauration de limites que seule la loi peut fixer en déterminant les abus répréhensibles. Le texte conventionnel y ajoute, comme l’avait fait avant lui l’article 19 de la Déclaration universelle, le droit de recevoir ou de communiquer des informations mais, lui aussi, prévoit dans son deuxième alinéa que des conditions, restrictions et sanctions peuvent être imposées, à la condition qu’elles soient « prévues par la loi ». Cependant, la loi ne peut limiter la liberté sous n’importe quel prétexte. Il faut qu’elle protège l’un des intérêts limitativement énumérés, et de surcroît, ces mesures restrictives ne sont admises que si elles « constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique ». C’est là tout simplement une façon plus exhaustive et plus objective de définir les abus dont parlait le texte révolutionnaire. Dans son travail d’approfondissement et d’analyse du texte, la Cour européenne va faire une œuvre de grande ampleur. D’abord pour définir ce qu’est une loi, dans l’affaire Sunday Time, et pour vérifier que cette loi protège bien un des intérêts énumérés à l’article 10 [8]. Mais c’est en s’attachant à la notion de nécessité dans une société démocratique de la condition, sanction ou restriction, que la Cour va construire sa jurisprudence. Dans l’arrêt Handisyde, elle précisera ce qu’elle ne cessera, par la suite, de répéter à longueur d’arrêts, que « son rôle de surveillance commande à la Cour de prêter une extrême attention aux principes propres à une société démocratique. La liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une pareille société, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. » Les travaux parlementaires préparatoires au vote de la loi de 1881 montrent que ce fut aussi le souci constant du législateur français qui donnait une force concrète aux principes. Et dans le même arrêt, cette autre indication, en forme de maxime, que la Cour par la suite reprend avec gourmandise dans chacun de ses arrêts : « La liberté d’expression vaut non seulement pour les informations, les idées accueillies avec ferveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société démocratique. »
7 La Cour va être amenée non seulement à s’intéresser à l’application de la loi par les juridictions françaises, mais aussi aux dispositions de la loi elle-même, et c’est ainsi qu’à trois reprises récemment, elle va déclarer que la législation sur la presse française n’est pas conforme aux prescriptions de l’article 10 de la Convention.
II - FIN D'UNE SURVIVANCE DE LA CENSURE : LA NON-CONFORMITÉ DE L'ARTICLE 14 À LA CONVENTION
8 L’arrêt Ekin du 17 juillet 2001 [9] est relatif à la non-conformité des dispositions de l’article 14 de la loi de 1881. Il met un terme, définitif espérons-le, à une disposition qui avait donné lieu à de nombreuses controverses. Ce texte qui rencontra une forte opposition en 1881 [10] et qui fut modifié à la veille de la Deuxième Guerre mondiale par un décret du 6 mai 1939, permet au ministre de l’Intérieur d’interdire « la circulation, la distribution, ou la mise en vente en France des journaux ou écrits, périodiques ou non, rédigés en langue étrangère » mais également « les journaux et écrits en provenance étrangère rédigés en langue française, imprimés à l’étranger ou en France ». Les sanctions prévues en cas d’infraction sont lourdes. Et la loi du 15 juin 2000, supprimant la plupart des peines d’emprisonnement encourues en matière de droit de la presse, a maintenu celle d’un an qui menace ceux qui, malgré l’interdiction, ont mis en vente, distribué ou repris la publication des écrits interdits. Dans tous les cas, et par une mesure d’exception à ce qui fut un des apports majeurs de la loi de 1881, la saisie administrative des écrits ou de leurs reproductions est autorisée. Les ministres de l’Intérieur ont fait usage de ce texte pour toutes sortes de motifs et même si le contrôle du Conseil d’État s’est avéré parfois exigeant, l’absence d’une procédure administrative d’urgence rendait peu réparatrice l’annulation de l’entorse majeure faite à la liberté d’expression par l’interdiction de diffusion. Mais surtout, le Conseil d’État avait singulièrement limité son propre pouvoir, en jugeant que l’appréciation à laquelle le ministre se livre du danger que représentent pour l’ordre public les ouvrages interdits n’était pas susceptible d’être discutée par la juridiction administrative [11]. La chambre criminelle, allant dans le même sens, avait estimé que celui qui était poursuivi pour infraction à l’interdiction ne pouvait demander au juge pénal de contrôler cette appréciation par voie d’exception [12].
9 L’arrêt de la Cour européenne est à première vue curieux puisque les requérants avaient obtenu satisfaction sur le fond devant les juridictions françaises. Le Conseil d’État avait en effet annulé le 9 juillet 1997 [13] un arrêté du ministre de l’Intérieur en date du 28 avril 1988 qui interdisait, sur le fondement des dispositions de l’article 14, un livre intitulé Euskadi en guerre. Le ministre avait motivé sa décision par le fait que « la mise en circulation d’un livre qui encourage le séparatisme et justifie le recours à l’action violente est de nature à causer des dangers pour l’ordre public ». Or le Conseil d’État était revenu sur sa jurisprudence antérieure lui interdisant de discuter l’appréciation du danger pour l’ordre public que représentait la publication interdite, et avait estimé que le contenu de la publication n’avait pas, au regard du danger qu’il était susceptible de présenter pour l’ordre public, « un caractère de nature à justifier légalement la gravité de l’atteinte à la liberté de la presse constituée par la mesure litigieuse ». Ce faisant, la Haute juridiction se conformait à l’esprit de la jurisprudence européenne sur la nécessité démocratique de la restriction autorisée. Mais, alors que l’incompatibilité de l’article 14 de la loi de 1881 avec les dispositions de l’article 10 de la CEDH [14] avait été expressément soulevée, le Conseil d’État avait rejeté ce moyen au motif que, justement par son arrêt, il se donnait les moyens de contrôler le pouvoir donné au ministre qui dès lors n’était plus incompatible avec la Convention. Ainsi, la Haute juridiction pensait, tout en épargnant le texte de la loi, mettre le droit français en conformité avec la vision de la Cour européenne qui intègre la jurisprudence dans la loi. Mais c’était oublier que la Cour européenne exige, pour que soient respectés les caractères de prévisibilité et d’accessibilité à la loi exigés par la Convention, que la jurisprudence soit constante, claire et précise, ce qui n’était évidemment pas le cas. En un mot, la Cour a estimé qu’une hirondelle ne faisait pas le printemps.
10 Les requérants justifiaient leur recours – apparemment inutile puisque la restriction à la liberté d’expression avait déjà été sanctionnée par les juridictions internes – par le fait que l’article 14 subsistant dans le droit positif faisait peser une menace permanente sur leur droit à la liberté d’expression, d’autant plus que leur expérience de la procédure de huit ans qu’ils avaient dû mener montrait l’insuffisance du contrôle a posteriori sans possibilité de sursis, et le préjudice incontestable causé par la décision d’interdiction que son annulation n’avait pas suffi à réparer. La Cour européenne dira sur ce point que le contrôle juridictionnel ne réunit pas des garanties suffisantes pour éviter les abus.
11 Sur le fond, elle estime que si le texte de l’article 10 n’interdit pas en tant que telles des restrictions préalables à la publication, celles-ci présentent un caractère si dangereux, particulièrement dans le domaine du droit de la presse qui diffuse des informations périssables s’opposant à tout retard à la publication, qu’il convient de les soumettre à un examen particulièrement rigoureux. Elle constate que le texte de l’article 14 « semble heurter de front le libellé même de l’article 10 de la Convention selon lequel les droits qui y sont reconnus valent sans considération de frontière », et que le monde d’aujourd’hui n’est pas celui de la veille de la Deuxième Guerre mondiale. Bien entendu, comme l’avait fait le Conseil d’État, elle constate qu’en l’espèce, l’arrêté du ministre de l’Intérieur ne correspond ni au besoin social impérieux ni à la proportion au but poursuivi qu’exige la nécessité démocratique de la restriction. Elle aurait pu s’arrêter là, mais elle tient à condamner les dispositions de la loi française : « L’ingérence que constitue l’article 14 de la loi de 1881 modifiée ne peut être considérée comme nécessaire dans une société démocratique. »
12 Voilà qui est clair et radical. Il appartient désormais au législateur français de faire disparaître de la loi cette disposition archaïque et contraire aux principes fondamentaux, ou tout au moins au ministre de l’Intérieur de ne plus l’utiliser. Si le législateur s’obstinait à ne pas vouloir réformer et si le ministre continuait, même avec les meilleures raisons, à utiliser ce texte, une suspension de l’exécution serait aujourd’hui possible en référé devant le Conseil d’État depuis la loi du 30 juin 2000.
III - LA NON-CONFORMITÉ DU DÉLIT D'OFFENSE ENVERS CHEF D'ÉTAT ÉTRANGER : L'ARTICLE 36
13 L’article 36 de la loi réprime « l’offense commise publiquement envers les chefs d’État étrangers, le chef d’un gouvernement étranger ou le ministre des Affaires étrangères d’un gouvernement étranger ». Il est loin d’être tombé en désuétude, comme le délit un peu similaire d’offense au Président de la République dont les trois derniers chefs de l’État n’ont pas voulu que l’on fasse usage pour les protéger. Plusieurs poursuites ont été récemment conduites sur son fondement [15]. L’offense n’entre pas dans le cadre précis des délits d’injure et de diffamation définis à l’article 29 qui, lorsqu’ils sont invoqués, ouvrent la voie à des moyens de défense spécifiques. Elle peut être une diffamation mais il n’est pas possible de rapporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires ; elle peut être une injure mais aussi une simple critique prétendument outrageante touchant l’homme public comme l’homme privé. Ainsi, la Cour de cassation, le 20 octobre 1998 [16] considérait comme offense la simple suspicion de la sincérité de la volonté d’un chef d’État de lutter contre le trafic de drogue dans son pays. La frontière entre l’impertinence qu’il conviendrait de tolérer et l’atteinte à la « délicatesse des sentiments » qui vaudrait condamnation laisse un champ incertain largement ouvert à la susceptibilité de ces responsables étrangers, aux comportements parfois fort critiquables, qui portent plainte.
14 Alors que les juridictions françaises, notamment la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris (chambre de la presse) [17], commençaient à contester la conformité de ce délit avec les prescriptions de la Convention, la chambre criminelle, imperturbablement, rejetait ce moyen. La Cour européenne va de façon particulièrement claire, le 22 juin 2002, déclarer l’article 36 lui-même incompatible avec l’article 10 de la Convention [18]. Elle retient l’impossibilité de faire valoir l’exceptio veritatis comme moyen de défense, ce qui constitue « une mesure excessive pour protéger la réputation et les droits d’une personne, quand bien même il s’agit d’un chef d’État ou de gouvernement ». C’est le principe même du délit qu’elle met en cause, en ce qu’il confère aux chefs d’État un statut « exorbitant du droit commun » et les soustrait à la critique en raison de leur fonction, alors que les délits d’injure et de diffamation suffiraient à fixer les bornes de la liberté d’expression et du droit de critique à leur égard. Et la Cour condamne cette raison diplomatique qui fait de la justice un instrument de la raison d’État, au nom de laquelle le gouvernement français a tenté de justifier l’existence de cette infraction. Elle conclut son raisonnement de façon explicite en exprimant avec force que « le délit d’offense tend à porter atteinte à la liberté d’expression et ne répond à aucun besoin social impérieux susceptible de justifier cette restriction ».
15 C’est bien le texte législatif lui-même qui est mis en cause, et la loi devrait donc être modifiée par suppression du délit prévu à l’article 36. On ne sait encore si la Cour de cassation se pliera ou si, en Cour souveraine, comme elle le fit lors des arrêts Kruslin et Hevig sur la légalité des écoutes téléphoniques, elle résistera pour obliger le législateur à réformer la loi [19]. En tout cas, la 11e chambre de la cour d’appel de Paris a résisté [20] par un arrêt rendu quelques jours après celui de la Cour européenne dans le cadre d’une autre poursuite. En désespoir de cause et pour sauver le texte législatif français, elle a procédé comme l’avait fait le Conseil d’État en matière d’interdiction de publication étrangère prévue à l’article 14. Pour démontrer que le texte n’est pas contraire aux dispositions de l’article 10, elle a fait application des principes généraux tels qu’ils résultent de la jurisprudence européenne, en acceptant de fait, pour constater l’absence de mauvaise foi, un fait justificatif équivalent à l’exceptio veritatis. On ne sait encore ce que va en dire la chambre criminelle qui a été saisie, mais il est bien peu probable que la Cour européenne se satisfasse de cet artifice brillant… et efficace puisqu’il permet de renvoyer les chefs étrangers à leurs turpitudes sans commettre le sacrilège de reléguer au rebut une disposition de notre monument législatif du 29 juillet 1881.
IV - LA PUBLICATION D'INFORMATIONS RELATIVES À DES CONSTITUTIONS DE PARTIE CIVILE : L'ARTICLE 2 DE LA LOI DU 2 JUILLET 1931
16 Examinant les relations de la loi de 1881 avec la Convention européenne, on ne peut évidemment passer sous silence une autre décision de la Cour de Strasbourg déclarant incompatible une disposition législative du droit de la presse avec l’article 10, à savoir l’article 2 de la loi du 2 juillet 1931 interdisant de publier avant décision judiciaire toute information relative à des constitutions de partie civile [21], et dont on peut d’ailleurs se demander pourquoi le législateur n’a jamais jugé utile de l’intégrer à la loi de 1881. Il n’était guère contestable que cette disposition prévue par la loi poursuivait des objectifs énoncés au 2e alinéa de l’article 10, celui de protection des droits et de la réputation d’autrui et celui de garantie de l’autorité et de l’indépendance du pouvoir judiciaire. La chambre criminelle de la Cour de cassation, saisie de sa compatibilité avec la Convention, avait très fermement rejeté le moyen [22]. La loi de 1931, constate la Cour, « ne concerne que les procédures pénales ouvertes sur plainte avec constitution de partie civile à l’exclusion de celles ouvertes sur réquisitions du parquet ou sur plainte simple. Or une telle différence de traitement du droit à l’information ne semble fondée sur aucune raison objective, alors qu’elle entrave de manière totale le droit pour la presse d’informer le public sur des sujets qui, bien que concernant une procédure pénale avec constitution de partie civile, peuvent être d’intérêt public. » Et la Cour note aussi « que d’autres mécanismes protecteurs des droits des personnes mises en cause – tels les articles 9-1 du code civil et les articles 11 et 91 du code de procédure pénale [23] – rendent non nécessaire l’interdiction absolue prévue par la loi de 1931 ». Ce n’est donc pas seulement l’application de cet article de loi qui est mise en cause, mais l’article lui-même.
17 La chambre criminelle s’est inclinée. Pourtant, confirmant sa jurisprudence de 1996, elle avait, quatre mois avant l’arrêt de Strasbourg, le 14 juin 2000 [24], affirmé que la nécessité de l’article 2 de la loi du 2 juillet 1931, au sens des dispositions conventionnelles, ne saurait être contestée « aux seuls motifs que des comportements similaires échapperaient à la répression ou que d’autres qualifications pénales pourraient, le cas échéant, être appliquées au comportement incriminé ». Mais, dès le 16 janvier 2001 [25], elle renverse sa jurisprudence et juge que « l’article 2 de la loi du 2 juillet 1931, par l’interdiction générale et absolue qu’il édicte, instaure une restriction à la liberté d’expression qui n’est pas nécessaire à la protection des intérêts légitimes énumérés à l’article 10.2 de la Convention ; qu’étant incompatible avec ces dispositions conventionnelles, il ne saurait servir de base à une condamnation pénale ». C’était là la première fois qu’elle déclarait inapplicable un texte de loi au nom de l’article 10. Certes l’invite de la Cour européenne était forte, et ce n’était pas un article de la loi de 1881, mais le Rubicon était franchi. Notons que la 11e chambre de la cour de Paris, comme elle le fera plus tard en matière du délit d’offense envers chef d’État étranger, a résisté. Mais il serait maintenant surprenant que la chambre criminelle ou la Cour de Strasbourg changent de position [26].
V - LA CHAMBRE CRIMINELLE CONTRE LA LOI : L'ARTICLE 38 ALINÉA 3 ET LES ARTICLES 11 ET 12 DE LA LOI DU 13 JUILLET 1977 SUR LES SONDAGES ÉLECTORAUX
18 Aussi bien les juridictions de l’ordre administratif que les juridictions de l’ordre judiciaire répugnent manifestement à écarter un texte de loi au motif qu’il serait contraire à une disposition de la Convention. Comme l’a fait le Conseil d’État concernant l’article 14 pour les interdictions de publications étrangères, ou la cour d’appel de Paris pour l’offense à chef d’État étranger [27], elles préfèrent contourner l’obstacle, faire évoluer leur jurisprudence pour tenter de sauver le texte contesté.
19 Après s’être attaquée à la loi de 1931, c’est une autre disposition très peu utilisée de la loi française que la Cour EDH va refuser d’appliquer sans même, cette fois-ci, y avoir été invitée. Moins d’un mois après sa décision sur l’article 2 de la loi de 1931, enhardie, elle touche enfin à la loi de 1881 pour déclarer non conformes aux articles 6 et 10 de la Convention l’article 38 alinéa 3 de la loi [28]. Ce texte confus réprimait la publication par tous moyens de photographies, gravures, dessins, portraits ayant pour objet la reproduction de tout ou partie des “circonstances” d’un certain nombre de crimes et délits. Les poursuites intentées par le parquet de Paris, à la suite de la publication d’images dures de victimes blessées et choquées lors de l’attentat terroriste perpétré dans le RER le 25 juillet 1995, avaient soulevé un tollé. La 17e chambre du tribunal de Paris avait, le 19 septembre 1996, déclaré que la généralité du texte le rendait incompatible avec la Convention [29]. Puis la 11e chambre de la cour, le 18 septembre 1997, avait confirmé ce jugement [30], faisant observer comme à regret qu’il lui était impossible, par l’interprétation judiciaire, de pallier les carences de la loi écrite. Mais la Cour jouait la montre ; elle voulait que le législateur intervienne, ce qu’il fit dans la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d’innocence, supprimant l’article 38 alinéa 3 et lui substituant un article 35 quater réprimant désormais « la reproduction des circonstances d’un crime ou d’un délit lorsque cette reproduction porte gravement atteinte à la dignité d’une victime ». Ce texte de circonstance n’est guère satisfaisant non plus, mais il a permis à la chambre criminelle, trois ans et demi après l’arrêt qui lui était soumis, pour la première fois sans que la Cour européenne ne l’ait devancée, de déclarer incompatible avec la Convention et donc inapplicable un texte… qui n’existait plus. C’est quelque mois après, le 4 septembre 2001, qu’elle déclare incompatible avec l’article 10 un texte qui ne figure pas dans la loi de 1881 mais qui concerne également la liberté de la presse et les interdictions de publication : il s’agissait des articles 1, 11 et 12 de la loi du 13 juillet 1977 restreignant la publication des sondages électoraux [31]. La 17e chambre du tribunal avait statué en ce sens, mais la 11e chambre de la cour de Paris, toujours aussi allergique à la Convention, s’appuyant sur les décisions antérieures de la chambre criminelle et du Conseil d’État, avait déclaré ces dispositions conformes [32]. La juridiction suprême constate dans son arrêt que la restriction édictée par la loi de 1977 « n’est pas nécessaire à la protection des intérêts légitimes énumérés par l’article 10-2 de la Convention ; qu’étant incompatibles avec ces dispositions conventionnelles, ils ne sauraient servir de fondement à une condamnation pénale ». Il est vrai qu’il était délicat de justifier, comme l’avait fait la cour de Paris, cette interdiction de publication des sondages par le fait que la mesure était destinée à préserver le libre choix des électeurs, ce qui relevait, selon elle, de la protection des droits d’autrui au sens de l’article 10.2.
20 La 11e chambre de la cour d’appel de Paris vient de rendre un arrêt qui tire des conséquences extrêmes de la décision d’inconventionnalité de la loi de 1977 sur les sondages d’opinion en matière électorale rendue par la Cour de cassation [33]. Le législateur, au vu de la décision de la chambre criminelle, avait, par une loi du 19 février 2002, ramené le délai d’interdiction de publication des sondages à la veille du jour du scrutin, espérant ainsi échapper à la critique. La Cour avait à apprécier une publication antérieure à cette nouvelle loi mais qui justement avait été faite la veille du scrutin. Elle ne s’interroge pas sur la conventionnalité de la disposition résultant de la modification de la loi mais estime qu’il s’agit d’une loi postérieure à la date de l’infraction et qu’il s’agit non d’un adoucissement de la loi pénale antérieure mais, du fait de la décision de la chambre criminelle, d’une loi nouvelle qui, permettant une répression qui n’était plus possible doit être considérée comme plus sévère et ne peut donc être utilisée pour des faits antérieurs à sa promulgation. Pourtant, la loi écrite ancienne, même si elle était inapplicable, n’a cessé d’exister qu’au moment de la nouvelle loi, Ainsi, selon la cour de Paris, la décision d’inconventionnalité entraînerait de plein droit la caducité de la loi. Le juge, par sa décision, ne se contenterait pas de constater qu’il ne peut appliquer la disposition non conforme lors d’une poursuite engagée sur son fondement, mais annulerait la loi pour l’avenir. N’est-ce pas là une immixtion du pouvoir judiciaire dans le pouvoir législatif ? Il n’empêche qu’un problème essentiel est posé par cet arrêt audacieux : celui du maintien formel dans la législation de dispositions dont soit la Cour européenne, soit une des juridictions suprêmes internes ont constaté qu’elles étaient contraires aux exigences de la Convention.
VI - POURRAIT-ON OFFENSER IMPUNÉMENT LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE OU DIVULGUER DE FAUSSES NOUVELLES ? LES ARTICLES 26 ET 27
21 Le long chemin commencé en 1974 a enfin progressé de façon décisive. En ce domaine comme en d’autres, la loi, expression de la volonté générale, n’est plus souveraine et reste soumise aux principes fondamentaux reconnus. On peut bien constater que si certains ont pu affirmer que « dans la hiérarchie des normes juridiques, la Convention se situe à un niveau intermédiaire entre la Constitution et la loi » [34], elle est plus efficace que la Constitution du fait du système de contrôle que les États signataires ont collectivement accepté, et de son applicabilité directe par le juge français. En plus d’un siècle, la loi de 1881 n’a cessé au gré des circonstances d’être modifiée, tordue parfois, comme lors des “lois scélérates” de 1893 votées par un Parlement apeuré pour combattre les menées anarchistes. Dans les périodes troublées ou lors d’événements qui secouaient l’opinion publique, les gouvernants ont eu trop souvent tendance à croire que c’est en réduisant la liberté de la presse que l’on résout une difficulté sociale. Il n’est qu’à lire aujourd’hui le texte de l’article 24 pour constater qu’il n’y reste plus un mot du texte d’origine et qu’il est composé de bribes, d’alinéas disparates, provenant de neuf lois.
22 Le plus souvent ces lois ont créé des délits nouveaux. On peut se demander aujourd’hui si certaines infractions prévues par ces lois de circonstances, ou d’autres totalement archaïques, parfois presque tombées en désuétude mais qu’un Parquet ingénieux, ou un plaignant acharné, peut toujours tenter de ressusciter, ne subiront pas, lorsqu’ils seront concrètement soumis à l’examen de leur conformité avec la Convention, le sort de l’article 14, de l’article 38 alinéa 3, ou de l’article 36.
23 Prenons par exemple l’article 26 sur l’offense au Président de la République, dont les éléments constitutifs sont forts proches de ceux de l’article 36 sur l’offense à chef d’État étranger auquel, nous venons de le voir, la juridiction européenne a fait un sort. Délit vague, survivance du crime de lèse-majesté, dont le projet de la loi de 1881 prévoyait même qu’il fût étendu aux outrages au Sénat et à la Chambre des députés, il provoqua des débats passionnés sur la survivance d’une telle infraction pour laquelle, sous la législation précédente, avait été condamné Gambetta, à la suite de sa célèbre apostrophe à Mac-Mahon lui enjoignant de « se soumettre ou se démettre » lorsque les élections auraient eu lieu. Le jeune Clemenceau, qui y était vigoureusement opposé, fut particulièrement brillant : « La liberté, loin d’être un danger, est la condition même de l’exercice de la souveraineté populaire qui n’a que faire de la protection précaire que vous lui accordez et qui n’a besoin pour se défendre que de la liberté. » [35] Ces débats ne sont pas clos, et depuis la Constitution de 1958, ils se sont amplifiés en raison du rôle politique accru du Président de la République [36]. La chambre criminelle n’a pas bronché [37], estimant que la modification des pouvoirs du Président de la République ne pouvait avoir de conséquence sur l’incrimination. La jurisprudence est même allée très loin en considérant que la critique de sa politique était constitutive du délit parce qu’elle rejaillissait sur sa personne [38].
24 Il est évident qu’une telle définition heurte “de front” la jurisprudence de Strasbourg. Qu’on songe à la célèbre affaire Lingens [39]. Ce journaliste avait été condamné pour avoir sévèrement mis en cause le chancelier Kreisky et son rôle dans une brigade SS pendant la Seconde guerre mondiale. La Cour rappelle alors que « la liberté de la presse fournit à l’opinion publique l’un de ses meilleurs moyens de connaître et juger les idées et les attitudes des dirigeants », que « les limites de la critique admissible sont donc plus larges pour un homme politique que pour un simple particulier », que les exigences de la protection de la réputation d’un homme politique fût-il chef de l’État, « doivent être mises en balance avec la libre discussion des questions politiques ». Dans l’affaire Schwabe [40] concernant le président du gouvernement de Carinthie, elle dira que des condamnations même anciennes d’un homme politique peuvent être rappelées, « dans la mesure où elles peuvent entrer en ligne de compte pour apprécier son aptitude à exercer des fonctions politiques ». Certes, les présidents Giscard d’Estaing, Mitterrand et Chirac se sont engagés à ne plus recourir à ce texte et les parquets se sont conformés à leurs vœux, mais le sommeil d’une infraction n’est pas sa mort et elle peut ressurgir d’un jour à l’autre. Sauf tout de même que cette quasi-désuétude rend la loi encore plus imprévisible. En tout cas la dernière interprétation jurisprudentielle qui date de 1967 est suffisamment extensive pour qu’elle ne résiste sans doute pas à un examen par la Cour européenne.
25 Autre exemple d’une incrimination dont il serait bien douteux qu’elle résiste à un examen par la Cour européenne, celle du délit prévu à l’article 27 qui réprime la publication de fausses nouvelles, « lorsqu’elle aura troublé la paix publique ou aura été susceptible de la troubler ». Là encore, cette incrimination donna lieu lors du débat de la loi de 1881 à des échanges passionnés et, finalement, le législateur exigea que la paix publique ait été effectivement troublée. C’est le décret-loi du 30 octobre 1935 qui va permettre les poursuites lorsque la nouvelle sera simplement susceptible de troubler la paix publique. Certes, la jurisprudence a enserré le délit de façon assez étroite puisqu’il faut qu’il s’agisse d’une “nouvelle”, c’est-à-dire de la révélation d’un fait, ce qui exclut une information ancienne ou un commentaire, fût-il tendancieux ou malveillant, et que l’on doit établir que cette nouvelle a troublé la paix publique ou tout au moins qu’elle est de nature à le faire (ce qui laisse une trop grande marge d’appréciation subjective). Enfin, il appartient au ministère public de prouver la fausseté, et la mauvaise foi [41].
26 Mais la jurisprudence flotte au gré des circonstances. L’imprécision de la nouvelle a été, par exemple, considérée comme révélatrice de sa fausseté : ainsi en 1950, un journal a été condamné pour avoir dit qu’on avait « tiré sur la foule », alors qu’on avait tiré seulement des grenades lacrymogènes [42]. Pendant la Guerre d’Algérie, un jugement de Lille avait estimé que « la fausseté de la nouvelle résulte de l’absence de tout élément de fait contrôlable de nature à la rendre vraisemblable » [43], ce qui de fait, renverse la charge de la preuve de la fausseté ; ou encore cet arrêt de la chambre criminelle qui approuve la condamnation d’un hebdomadaire pour avoir relaté que des avions français décollaient de la base de Marrakech pour bombarder en Algérie [44]. Récemment, des poursuites ont été engagées à Toulouse à la suite de la révélation d’une rumeur publiée dans la presse après l’explosion de l’usine AZF [45].
27 Ce texte semble en contradiction avec les exigences de prévisibilité de loi compte tenu de la marge d’appréciation que laisse subsister la formule « troublé la paix publique ou aura été susceptible de la troubler » [46]. En raison des formulations particulièrement fortes de la Cour européenne sur la nécessité et le rôle éminent de la presse, son devoir d’informer sur toutes les questions d’intérêt général sans qu’une prudence excessive vienne la paralyser, allant jusqu’à « l’exagération et la provocation » [47], il est probable que l’infraction serait malmenée à Strasbourg.
VII - JUSTICE ET MÉDIAS : ARTICLE 38 ALINÉA 1 – SECRET DE L'INSTRUCTION : ARTICLES 39 ET 40
28 Dans le cadre des publications totalement interdites se pose le problème de l’article 38 alinéa 1 qui interdit la publication d’actes de procédure pénale avant qu’ils aient été lus à l’audience publique, lui aussi pratiquement tombé en désuétude bien qu’il se trouve au cœur de la polémique récurrente sur les relations de la justice et des médias et le non respect du secret de l’instruction [48]. Le Parquet de Paris ayant décidé de tenter une expérience à ce sujet, choisit une affaire assez banale de droit commun qui n’avait pas passionné les foules et dans laquelle étaient relatées les incertitudes d’une procédure de meurtre en cours d’instruction avec des citations brèves de quelques pièces du dossier. Il obtint une condamnation de principe (10000 francs d’amende avec sursis), et la chambre criminelle estima le texte conforme à l’article 10 [49]. La Cour européenne est saisie.
29 Il faut ici mentionner la condamnation de journalistes qui avaient publié dans un livre des informations appuyées sur la photocopie de quelques documents concernant l’instruction en cours dans l’affaire dite des “écoutes téléphoniques de l’Élysée” [50]. La loi de 1881 n’est pas directement en cause ici – si ce n’est bien entendu son article 1 [51] – puisque ce n’est pas l’article 38 qui a été invoqué mais le recel de violation du secret de l’instruction. Et ce malgré le vieil arrêt Sunday Time ou l’arrêt Weber de la Cour européenne [52], qui avaient déclaré non-conforme la condamnation de journalistes pour avoir diffusé des informations concernant une enquête ou une instruction en cours, et alors que la loi nationale imposait le secret, ou plus récemment encore l’arrêt Fressoz qui justifie la publication d’informations secrètes et même leur support « pour en asseoir la crédibilité » [53]. La Cour européenne est, là aussi, saisie.
30 L’article 39 qui interdit de rendre compte de certains procès est aussi pratiquement tombé en désuétude mais, comme toujours, une telle survivance formelle reste menaçante, telle une épée de Damoclès dont on oublie la présence, ce qui pose un véritable problème au niveau de la prévisibilité nécessaire de la loi, dont pratiquement aucune interprétation jurisprudentielle ne permet de connaître les limites. Si l’on peut comprendre que pour la protection de la vie privée on interdise de rendre compte des procès en matière de filiation ou de divorce qui généralement se déroulent à huis clos [54], il est peu conforme aux exigences, tant de l’article 6 que de l’article 10, qu’il soit interdit de rendre compte des procès en diffamation lorsque la preuve de la vérité des faits est interdite, lorsqu’elle concerne la vie privée, une infraction amnistiée ou vieille de plus de dix années. Le compte rendu des débats a lieu en règle générale avant la décision. Suffirait-il alors que ce moyen soit soulevé pour que le procès soit exclu de la publicité complète exigée par l’article 6 pour que le procès soit équitable ? Cette publicité comprend bien entendu la possibilité d’informer le public du compte rendu des débats. Ainsi, pour respecter l’article 39, les procès très médiatisés que fit Jean-Marie Le Pen avec des fortunes diverses lorsque des journaux écrivirent qu’il avait pratiqué la torture lorsqu’il était officier en Algérie, c’est-à-dire pour des faits à la fois amnistiés et vieux de plus dix ans, auraient dû se dérouler sous le seul regard du petit public admis dans les locaux en général bien exigus des audiences correctionnelles. Une telle mesure n’est certainement pas nécessaire dans une société démocratique. Elle est en tout cas certainement contraire aux dispositions de l’article 6 de la Convention.
31 Autre infraction obsolète et qui ne correspond guère aux exigences de notre temps : celle prévue à l’article 40 qui concerne les annonces publiques de souscriptions pour indemniser les amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des juridictions pénales. On peut, dit la très rare jurisprudence, vieille de plus de cinquante ans, annoncer la quête pour payer une amende contraventionnelle ou pour régler les frais nécessaires à un pourvoi. Et encore, il faudrait distinguer, selon les auteurs [55], l’annonce d’une souscription de l’information de son existence. Tout cela est d’un archaïsme un peu absurde. Pourrait-on parler ici, en extrapolant le sens que lui donne la Cour de Strasbourg, de qualité de la loi ?
32 Les autres interdictions, protégeant des personnes en raison de leur faiblesse ou de leurs fonctions, et qui ont été remodelées dans la loi du 15 juin 2000, posent sans doute moins de problèmes même si des questions peuvent être soulevées pour chacune d’elles.
VIII - PROVOCATIONS, APOLOGIES ET CONTESTATION : LES ARTICLES 23, 24 ET 24 BIS
33 Là aussi, il y eut bien des hésitations et des débats lors de la préparation et du vote de la loi en 1881, certains députés combattant le principe même de la répression [56]. Aux termes de l’article 23, les auteurs de provocation suivie d’effet à un crime, une tentative de crime ou un délit seront punis comme complices de l’auteur. Cette formulation n’est pas très rigoureuse et même contestable au niveau du droit pénal. Mais ce qui pose le plus sérieux problème, ce sont les délits de provocation directe non suivie d’effet à un certain nombre de crimes et de délits énumérés à l’article 24, les provocations indirectes et surtout les apologies, formellement écartées en 1881 et qui ne furent insérées dans la loi que par la loi “scélérate” du 12 décembre 1893, loi de circonstances votée dans la fièvre pour combattre les menées anarchistes. Et cette loi fut elle-même amendée ou complétée au fil des années par d’autres lois de circonstance. Là encore, les marges d’interprétation du juge sont extrêmement larges et les poursuites sont le plus souvent, elles aussi, des poursuites de circonstances où subsiste le danger d’incriminer le délit d’opinion. Le texte résisterait peut-être à un examen par la Cour européenne, mais son utilisation précise, à observer ce qu’elle a été dans le passé, ouvrirait certainement la voie à la critique.
34 La provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion, fut insérée dans l’article 24 par la loi du 1er juillet 1972 votée – la chose mérite d’être signalée – à l’unanimité. Malgré le caractère quelque peu confus de sa rédaction, elle est conforme à la Convention internationale sur toutes les formes de discrimination raciale et réprime des comportements qui contredisent par nature l’idéal démocratique, cette âme de la Convention européenne. La chambre criminelle a jugé à plusieurs reprises que ce texte était conforme à l’article 10 de la Convention, mais également à l’article 14 qui assure justement la jouissance des droits sans discrimination, ce texte constituant une mesure nécessaire dans une société démocratique à la protection de la morale et des droits d’autrui [57]. Certes la Cour européenne, dans l’affaire Jersild [58], a jugé que la condamnation d’un journaliste, qui avait fait un reportage à la télévision au cours duquel des “blousons verts” tenaient des propos d’une grande violence, injurieux et méprisants à l’égard des immigrés et de groupes ethniques résidant au Danemark, ne constituait pas une mesure nécessaire dans une société démocratique. Même si cet arrêt a été critiqué, il s’agissait seulement d’une appréciation sur la complicité retenue de ce journaliste, qui prétendait qu’il avait cru utile d’informer le public de ce qu’il existait des individus capables de tenir de tels propos, et l’arrêt précise « qu’il importe au plus haut point de lutter contre la discrimination raciale sous toutes ses formes et manifestations » et estime que les propos racistes eux-mêmes, qui avaient valu une condamnation de leurs auteurs, « ne bénéficiaient pas de la protection de l’article 10 ».
35 Le délit de contestation des crimes contre l’humanité, prévu à l’article 24 bis depuis la loi du 13 juillet 1990, a donné lieu à des critiques qui n’émanent pas seulement de ces falsificateurs de l’histoire qui cherchent à convaincre que l’élimination systématique et scientifique des juifs durant la Seconde guerre mondiale par les nazis serait une fable, voire une mystification, mais de certains défenseurs des droits de l’homme ou d’historiens qui considérent qu’on ne peut ainsi proclamer une vérité historique officielle. La chambre criminelle a estimé que cette loi n’était pas contraire aux exigences de l’article 10 puisqu’elle sanctionnait des comportements « contraires aux droits des individus et à l’ordre public » [59], ou qu’il s’agissait de mesures nécessaires dans une société démocratique à « la protection de la morale et des droits d’autrui » [60]. Quant à la Cour européenne, elle s’est exprimée à ce sujet dans un arrêt qui par ailleurs fut fort critiqué, et qui considérait que la condamnation pénale des auteurs de la publication d’un écrit destiné à réhabiliter la mémoire de Philippe Pétain était disproportionnée. La Cour néanmoins a tenu à dire que les faits évoqués dans l’écrit contesté échappent « à la catégorie des faits historiques clairement établis – tel l’Holocauste – dont la négation ou la révision se verrait soustraite par l’article 17 à la protection de l’article 10 » [61], l’article 17 stipulant qu’on ne peut se prévaloir d’un droit de la Convention pour accomplir un acte visant à la destruction des droits reconnus par la Convention.
IX - L'INJURE ET LA DIFFAMATION : LES ARTICLES 29 À 35
36 L’essentiel du contentieux de la presse est celui de l’injure et surtout de la diffamation. Les restrictions ou sanctions qui les concernent constituent évidemment des mesures nécessaires dans une société démocratique à la protection de la réputation et des droits d’autrui, et sont donc conformes dans leur principe aux exigences du deuxième alinéa de l’article 10, surtout à la lumière de la jurisprudence. Dans son arrêt Kruslin, la Cour européenne a rappelé qu’elle « a toujours entendu le terme “loi” dans son acception matérielle et non formelle » et que, même dans les pays de droit écrit, la jurisprudence joue traditionnellement un rôle considérable, « à telle enseigne que des branches entières du droit positif y résultent, dans une large mesure, des décisions des cours et tribunaux », concluant ainsi son analyse : « Dans un domaine couvert par le droit écrit, la “loi” est le texte en vigueur tel que les juridictions compétentes l’ont interprété en ayant égard, au besoin, à des données techniques nouvelles. » [62]. Cette motivation rendue en matière d’application de l’article 8, et qui concernait la législation française sur les écoutes téléphoniques, aurait tout aussi bien pu être utilisée à propos de l’article 10 dans le domaine de la diffamation et plus particulièrement celui de la bonne foi, à l’occasion duquel la jurisprudence française a créé un véritable droit prétorien d’interprétation de la loi de 1881, souvent proche des analyses faites à Strasbourg autour de l’article 10.
37 Le législateur de 1881, dans la démarche subtile et très moderne qui était la sienne, avait prévu un régime spécial lorsqu’étaient mis en cause des personnages publics. Tout d’abord, les diffamateurs d’institutions ou d’hommes publics, relevant des délits prévus aux articles 30 et 31, étaient justiciables de la Cour d’assises, bien que les peines dont ils étaient susceptibles d’être frappés fussent correctionnelles, et ce non par souci de sévérité mais parce que, lorsqu’il s’agit des délits « que la politique a plus ou moins occasionnés », il est bon que le pouvoir judiciaire se trouve placé « non seulement en dehors des mains du pouvoir exécutif mais en dehors des juges eux-mêmes, entre les mains du peuple » [63]. Surtout, le législateur permettait que soit alors soulevée l’exception de vérité qui n’existait pas pour les diffamations envers les particuliers, estimant que les turpitudes des corps constitués ou des citoyens chargés de fonctions publiques doivent pouvoir être dénoncées et prouvées. Comment ne pas faire le rapprochement avec les affirmations de principe de la Cour européenne jugeant que « les limites de la critique admissible sont donc plus larges pour un homme politique que pour un simple particulier » et que les exigences de la protection de la réputation d’un homme politique « doivent être mises en balance avec la libre discussion des questions politiques » [64].
38 Ce regard spécial, qui aurait pu être oublié puisque le régime de toutes les diffamations a été rapproché par l’ordonnance du 6 mai 1944, a été rappelé par la chambre mixte de la Cour de cassation jugeant récemment que « l’intention d’éclairer les électeurs sur le comportement d’un candidat est un fait justificatif de bonne foi, lorsque les imputations, exprimées dans le contexte d’un débat politique, concernent l’activité publique de la personne mise en cause » [65].
39 Faute de pouvoir se défendre en rapportant la preuve de la vérité, ceux qui furent accusés de diffamation envers les particuliers pendant les cinquante premières années d’application de la loi invoquèrent leur bonne foi, c’est-à-dire un fait justificatif qui ne signifie pas qu’ils n’avaient pas l’intention de nuire, ce qui serait absurde en la matière, mais que l’atteinte à la réputation d’autrui était justifiée par les exigences de la libre communication des informations, dirait-on en langage plus moderne, ou que la répression ne serait pas une mesure nécessaire dans une société démocratique à la protection d’un intérêt légitime, dirait la Cour européenne. C’est ainsi que, rappelant de façon exhaustive et synthétisant dans une note remarquable cinquante ans de jurisprudence en ce domaine, le Président Mimin faisait apparaître avec clarté en 1939 les critères jurisprudentiels qui gouvernent toujours la matière pour l’essentiel [66].
40 Il suffit de lire un arrêt récent de la Cour européenne relatif justement à la bonne foi du journaliste pour constater la grande proximité de la jurisprudence interne avec celle de Strasbourg [67]. Un journaliste norvégien avait été condamné pour diffamation d’un chirurgien plasticien sévèrement mis en cause par certaines de ses patientes dont les accusations avaient été publiées. La Cour écarte d’abord l’argument gouvernemental selon lequel il se serait agi de questions d’ordre privé pour faire valoir que l’article soulevait des questions « qui présentaient un intérêt direct pour le public local et national ». C’est ce que la jurisprudence française qualifie de critère de « légitimité du but poursuivi ». Puis la Cour utilise elle-même le terme de « bonne foi » des journalistes, précisant qu’il leur appartient « de fournir des informations exactes et dignes de crédit dans le respect de la déontologie journalistique » et d’examiner avec soin le sérieux des informations rapportées. Voilà donc pour la « vérification des sources » ou la « qualité de l’enquête ». Puis elle constate qu’il n’est pas établi que la manière dont le journal a rendu compte des récits des femmes qui se plaignaient des actes médicaux « démontre un manque d’équité ». Ne peut-on trouver là une notion proche de l’exigence de « prudence et mesure dans l’expression » des juridictions françaises ? Quoique sur ce point, Strasbourg voit les choses très largement, rappelant que « la liberté journalistique comprend aussi le recours possible à une certaine dose d’exagération, voire même de provocation » [68] alors que la chambre criminelle, qui semble avoir regretté une avancée qu’elle fit en ce domaine dans une affaire qui concernait le Syndicat de la magistrature, affirme que « c’est seulement dans le domaine de la polémique politique portant sur les opinions et les doctrines relatives au rôle et au fonctionnement des institutions fondamentales de l’État que le fait justificatif de la bonne foi n’est pas nécessairement subordonné à la prudence dans l’expression de la pensée » [69]. On peut dire que globalement, la loi et la jurisprudence française en la matière rejoignent les analyses faites par la Cour européenne, surtout depuis que la loi du 15 juin 2000 a supprimé les peines d’emprisonnement. C’est sans doute dans le domaine des infractions à l’égard des institutions publiques et des administrations prévues à l’article 30 qu’il serait nécessaire qu’une forte évolution jurisprudentielle française ait lieu. La Cour européenne a été amenée à dire que « les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard du gouvernement que d’un simple particulier ou même d’un homme politique » [70], ou à abandonner le but légitime de garantie de l’autorité et de l’indépendance du pouvoir judiciaire concernant un tribunal, tout en admettant l’atteinte à la réputation personnelle des magistrats [71], ou à estimer qu’une critique particulièrement vigoureuse de la police ne pouvait être répréhensible compte tenu du but et de l’effet recherché [72].
X - LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES DIRECTEURS DE PUBLICATION : L'ARTICLE 42
41 Il faut maintenant examiner les problèmes procéduraux. Le formalisme pointilleux voulu par les rédacteurs de la loi, tant à l’égard de celui qui engage des poursuites qu’à l’égard de celui qui est poursuivi, pose des problèmes évident d’archaïsme mais pas d’incompatibilité avec la Convention. Toutefois, il faut revenir sur deux questions qui prêtent à discussion : celle de la responsabilité du directeur de publication prévue à l’article 42 de la loi, et celle de l’application des formes de la loi de 1881 à la procédure civile.
42 Le directeur de publication est passible, comme auteur principal, des peines qui constituent la répression des crimes et des délits commis par voie de presse. Tel est le principe cardinal sur lequel repose la responsabilité pénale, énoncée dès l’origine par l’article 42 la loi de 1881 avec la cascade de responsabilités. À plusieurs reprises, la chambre criminelle a déclaré ces dispositions compatibles avec l’article 10 [73]. On peut néanmoins s’interroger et même contester le principe de cette présomption de culpabilité. C’est ce que font de façon ferme plusieurs auteurs et notamment Emmanuel Dreyer qui, estimant que la loi du 29 juillet 1881 exprime sur ce point « un droit pénal extrêmement primitif », écrit que « la présomption de culpabilité instaurée dans le champ de l’article 10 de la Convention de façon irréfragable, à l’égard de tous les éditeurs ou directeurs de la publication ne satisfait nullement » aux exigences de la Cour européenne quant aux présomptions admissibles [74]. Cette fois, ce n’est pas seulement sur l’article 10 que la Cour européenne pourrait se poser des questions mais sur l’article 6-1 concernant l’exigence de procès équitable, ou l’article 6-2 relatif à la présomption d’innocence. Cependant, il faut relever que la Cour n’est pas totalement hostile aux présomptions de responsabilité pénale [75] sous certaines conditions. Il est vrai aussi que le principe de toute la législation sur la liberté de la presse repose sur le fait de publication qui détermine la responsabilité. Or qui peut être déclaré responsable de la publication ? À moins de renoncer à la qualification pénale ou d’instaurer en ce domaine la responsabilité pénale des personnes morales pour l’entreprise de presse ou d’édition, la délégation de pouvoirs n’est pas non plus très satisfaisante. Ne risquerait-on pas de créer dans les organes de presse une sorte de bouc émissaire chargé de porter les casiers judiciaires dont sont aujourd’hui affublés les directeurs de publication ?
XI - L'ACTION EN DOMMAGES-INTÉRÊTS ET LA PROCÉDURE CIVILE
43 Le législateur de 1881 avait rédigé une sorte de « code des crimes et délits commis par la voie de la presse et de la parole » comme le disait son rapporteur. Mais il avait hésité à constituer en délits spécifiques les abus de la liberté de la presse concernant les particuliers : « Nous nous sommes demandés si la diffamation telle qu’elle est définie par notre projet de loi doit encourir des peines correctionnelles, c’est-à-dire d’autres responsabilités que celles de l’article 1382 du code civil. » [76] Les poursuites étaient soumises à des formalités complexes telles les règles qui régissent encore aujourd’hui dans l’article 53 de la loi les formes de la citation pour protéger la liberté de la presse. Bien entendu, ce qui était alors l’article 3 du code d’instruction criminelle et qui est devenu l’article 4 du code de procédure pénale laissait aux victimes des abus la possibilité d’exercer l’action civile indépendamment de l’action publique devant les juridictions civiles, sauf en ce qui concerne les articles 30 et 31, justiciables alors de la cour d’assises. Personne n’avait imaginé que, s’agissant des poursuites devant les juridictions civiles, les formalités prévues pour les poursuites devant les juridictions pénales s’imposeraient indépendamment des règles du code de procédure civile. Pendant cent ans – et les rédacteurs de la loi n’y trouvèrent rien à redire – les deux systèmes de procédure marchèrent ensemble [77] : procédure prévue par la loi de 1881 et règles générales de la procédure pénale pour les affaires portées devant les juridictions pénales, et règles de la procédure civile pour les affaires portées devant les juridictions civiles. Certes, les délais de la prescription courte s’appliquaient, mais, en ce temps-là, les délais de prescription de toutes les actions civiles en réparation d’une faute susceptible de constituer une infraction se prescrivaient dans le même délai que l’infraction. Lorsque ce principe procédural général fut abrogé, il continua à recevoir application en matière de presse. Les règles de fond de la loi sur la liberté de la presse qui définissaient les infractions et les moyens de défense étaient appliquées par les juridictions civiles lorsqu’elles étaient saisies pour des faits qui constituaient des délits prévus par la loi.
44 Ce n’est qu’à partir de 1992 et dans les années qui ont suivi que de très nombreux arrêts de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ont de façon systématique appliqué les règles de procédure spécifiques de la loi de 1881 aux procédures civiles fondées sur des infractions prévues par la loi [78]. Ainsi, une procédure totalement prétorienne s’est mise en place, qui tente tant bien que mal d’adapter les règles de procédure de la loi et celles du code de procédure civile [79]. Cette jurisprudence peut apparaître comme protectrice de la liberté d’expression, mais les directeurs de publication ou les journalistes poursuivis qui ont été déchus du droit de rapporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires pour avoir appliqué une jurisprudence centenaire, pourraient légitimement se plaindre de cette privation d’un moyen de défense du fait d’une loi imprévisible. De même, ceux qui voulant demander réparation d’un préjudice que leur avait causé un abus de la liberté d’expression ont fait l’application de la procédure réglementaire appliquée depuis plus d’un siècle, et ont été déboutés, auraient sans doute été bien fondés à se plaindre, leur recours reposant alors sur les articles 6, 10 et surtout 13 [80] de la Convention. Certes aujourd’hui on ne peut plus dire que la loi en ce domaine soit imprévisible, mais ce que le juge a fait, le juge peut le défaire et demain des plaideurs pourront à nouveau se trouver surpris si, dans cette matière qui concerne évidemment une liberté publique, le législateur n’intervient pas pour fixer des règles précises de la procédure qui s’imposeront aux juges.
45 L’article 1382 du code civil aura aussi été appliqué pour réparer les abus de la liberté de la presse pendant cent ans, malgré de notables interrogations comme celle du doyen Carbonnier dans sa célèbre chronique datant aujourd’hui de plus de cinquante ans [81]. Il a été mis fin à ces pratiques par plusieurs arrêts de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation [82]. Même si celle-ci n’a pas invoqué dans ses motifs l’article 10, Monsieur l’avocat général Joinet en fait justement un élément fort de son argumentation. Le texte de l’article 1382 est trop vague, il « n’indique pas avec assez de clarté l’étendue et les modalités d’une ingérence de l’État dans l’un des droits garantis par la CEDH » et comporte « un risque d’arbitraire incompatible avec le critère de prévisibilité de l’article 10-2 ». Des soubresauts existent encore mais il semble que la Cour de cassation ait voulu, rendant plusieurs arrêts de sa formation la plus haute le même jour, donner une orientation particulièrement forte à la jurisprudence interne [83].
En conclusion
46 Nous venons de voir comment la loi du 29 juillet 1881, parfois si incertaine au regard des obligations imposées par l’article 10 tel qu’il a été interprété par la Cour européenne, devient aussi parfois le garant de sa bonne application. Au terme de cette étude, il convient de s’interroger sur la dispersion des textes en matière d’ingérence dans le droit de la liberté d’expression. Nous avons vu la loi de 1931 sur les constitutions de partie civile, celle de 1977 sur les sondages électoraux, mais comment ne pas s’interroger, à un moment où la Cour de cassation tente d’unifier les règles de procédure sur l’existence de textes disparates, soumis à des règles de fond et de procédure différentes. Certains relèvent entièrement du code civil comme l’atteinte à la vie privée de l’article 9 ou l’atteinte à la présomption d’innocence de l’article 9-1, d’autres du code pénal comme l’article 434-25 répriment le discrédit jeté sur un acte ou une décision juridictionnelle [84], l’interdiction de la conservation en mémoire d’informations nominatives (article 226- 19) [85], sans compter la législation spéciale sur les publications destinées à la jeunesse organisée par la loi du 16 juillet 1949 [86], diverses provocations, propagandes, présentation sous un jour favorable, au suicide (articles 223-13 et 223- 14), à la désobéissance (art. 413-3), à l’usage et au trafic de stupéfiant (L. 3421- 4 du code de la santé publique), l’interdiction de la publicité en faveur du tabac article L. 355-24 du code de la santé publique) [87] et bien d’autres encore. Pour chacune de ces incriminations une analyse pourrait être faite sur le caractère nécessaire dans une société démocratique qu’elle représente.
47 Notre législation n’est pas seulement trop souvent archaïque, elle est aussi disparate et incertaine. Ne serait-il pas temps de réfléchir à une grande loi moderne qui prendrait en compte l’éclairage de l’article 10 de la Convention comme le législateur de 1881 s’était inspiré de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme ? Voilà que nous frôlons le sacrilège. Le législateur d’aujourd’hui saurait-il être aussi sage que le fut celui de 1881, et faudrait-il alors poursuivre dans la voix d’une procédure cahotante en reléguant, sans y toucher et avec le respect qui lui est dû, une loi qui n’aurait plus guère de fonction normative ? Nous serions alors, Monsieur le procureur général Burgelin nous l’a prédit, entrés dans un système juridique nouveau où les juges ne seraient plus ces bouches de la loi dont parlait Montesquieu mais des faiseurs de normes déduites des principes fondamentaux.
48 H. L.
Notes
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[1]
En fait, elle l’a ratifiée le 31 décembre 1973 et elle a été publiée par un décret du 3 mai 1974 alors que M. Poher assurait l’intérim de la Présidence de la République après le décès de Georges Pompidou.
-
[2]
CEDH Bozano c/ France.
-
[3]
Par exemple, deux arrêts essentiels SundayTime c/ RU du 26 avril 1973 (A. 30) ou Handyside c/ RU du 7 décembre 1976 (A. 24).
-
[4]
« La loi de 1881, Loi du XXIe siècle », Actes du colloque de l’association Presse-Liberté du 30 juin 2000, p. 10.
-
[5]
CEDH, 21 janvier 1999, Roire et Fressoz c/ France, Gazette du Palais, 25-27 juillet 1999, p. 18, Rev. sc. crim., 1999, p. 630.
-
[6]
JO débats du 18 juillet 1880, p. 8291.
-
[7]
Carbonnier, « Le silence et la gloire », D. 1951, chronique p. 2 8.
-
[8]
Rappelons à ce sujet que les intérêts à protéger varient légèrement selon la nature des droits qui ne sont pas indérogeables, qu’il s’agisse de la protection de la vie privée, prévue à l’article 8, de la liberté de pensée, de conscience et de religion de l’article 9 ou de la liberté de réunion et d’association de l’article 11.
-
[9]
CEDH, Ekin c/ France du 17 juillet 2001, Légipresse 185-III, p. 169, note Emmanuel Derieux, D. 2002, p. 2770, obs. Th. Massis.
-
[10]
JO du débat du 25 janvier 1881, p. 52.
-
[11]
CE, 17 décembre 1958, D. 1858, p. 175, concl. Braibant.
-
[12]
Cass. crim., 6 mai 1959, Bull. crim. n° 233.
-
[13]
AJDA 1998, p. 374, note M.-F. Verdier, Jur. class. Communication, fasc 2150 n° 18 à 27, Emmanuel Dreyer.
-
[14]
Les requérants avaient également soulevé tant devant le Conseil d’État que devant la Cour européenne l’incompatibilité combinée avec l’article 14 de la CEDH qui interdit toute discrimination fondée notamment sur l’origine nationale ou l’appartenance à une minorité nationale. Mais la Cour n’a pas estimé nécessaire d’examiner ce moyen.
-
[15]
Cass. crim., 22 juin 1999, Légipresse n° 165-III, p. 138 ; Cass., 2e civ., 28 septembre 2000 ; Cass., 2e civ., 28 septembre 2000, B. civ. II n° 136 ; TGI Paris, 20 juin 1990, Légipresse 1991.I.7 ; 21 novembre 1995, Légipresse 1996.I.39 ; 18 décembre 1996. Légipresse 97. I 36 ; 18 février 1997, Légipresse 97.I.54 ; 18 février 1998. Légipresse 98 I.88.
-
[16]
Bull. crim.1998 n° 267 ; Dr. pen. 1999 n° 20, obs. Véron.
-
[17]
TGI Paris, 25 avril 2001, Légipresse n° 182-III, p. 103, commentaire M.-N. Louvet.
-
[18]
CEDH, 25 juin 2002, Colombani et autres c/ France, Légipresse n° 195-III, p. 159, note Henri Leclerc ; D. 2002, p. 2767, obs. J.-Y. Dupeux ; D. 2992, p. 2571, obs. J.-F. Renucci
-
[19]
CEDH, 24 avril 1990, Kruslin et Hévig c/ France, constatant la non conformité à l’article 8 de la Convention de la législation française sur les écoutes téléphoniques, puis Cass. crim., 15 mai 1990 ; Bull. crim. n° 113 résistant en validant la même écoute téléphonique que celle sur laquelle avait statué la CEDH ; et enfin loi du 10 juillet 1991 organisant et réglementant le système judiciaire et administratif des écoutes téléphoniques en France.
-
[20]
Cour d’appel Paris, 3 juillet 2001.
-
[21]
CEDH, 17 octobre 2000, Du Roy et Malaurie c/ France, Légipresse n° 177-III, p. 195, obs. Marc-Noël Louvet ; Petites Affiches, 18 avril 2001, note E. Derieux.
-
[22]
Cass. crim., 19 mars 1996, Bull. crim. n° 117.
-
[23]
L’article 11 protège le secret de l’instruction mais le problème de sa violation qui expose aux sanctions du délit de violation du secret professionnel concerne ceux qui concourent à l’instruction. Celui de la publication des informations pose, lui, la question du recel des informations ou des documents que nous évoquerons plus loin. Quant à l’article 91, il permet d’obtenir des dommages-intérêts en cas de plainte avec constitution de partie civile abusive.
-
[24]
Cass. crim., 14 juin 2000, Bull. crim. n° 223.
-
[25]
Cass. crim, 16 janvier 2001, Bull. crim. n° 10 et Légipresse n° 181-III, p. 80, note Emmanuel Derieux.
-
[26]
Cour d’appel Paris, 31 octobre 2001, Légipresse n° 189-III, p. 31, note Emmanuel Derieux.
-
[27]
Voir jurisprudence précédemment citée.
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[28]
C’est-à-dire pas seulement aux exigences de la liberté d’expression mais également à celles du procès équitable et à celles de la légalité des incriminations. Cass. crim., 20 février 2001, D. 2001, p. 3001, D. 2002, p. 1793, note B. Lamy.
-
[29]
TGI Paris, 10 septembre 1996, Légipresse n° 138-III, p. 7 note, E. Derieux ; D. 1997, somm., p. 91, obs. T. Hassler.
-
[30]
Cour d’appel Paris, 18 septembre 1997, Gazette du Palais 1997.2, p. 697 ; D. 1998, somm., p. 82, obs. J.-Y. Dupeux.
-
[31]
Cass. crim., 4 septembre 2001, BC n° 170 ; Légipresse 2001 n° 186-III, p. 183, note B. Ader ; Rev. sc. crim. 2002, p. 125, obs. Francillon.
-
[32]
TGI Paris, 15 décembre 1998, Légiprese n° 158-III, p. 16, note E. Derieux ; CA Paris, 29 juin 2000, Légipresse n° 176-III, p. 174 ; Cass. crim., 16 janvier 1996, BC 1996 n° 204 ; Conseil d’État, 2 juin 1999, Rec. Lebon, p. 160.
-
[33]
Cour d’appel de Paris, 23 mai 2002, D. 2003 somm., p. 174, obs. Bertrand de Lamy.
-
[34]
Jean Paul Doucet, « La Convention européenne et la jurisprudence pénale française », Rev. sc. crim., p. 177.
-
[35]
JO Débats, séance du 15 février 1881, JO, p. 248.
-
[36]
J. Robert, « Propos sur la liberté de la presse », D. 1964, chr. p. 194.
-
[37]
Cass. crim., 13 juillet 1960, Bull. crim. n° 375.
-
[38]
Cass. crim., 31 mai 1975, D. 1965 p. 645.
-
[39]
Lingens c/ Autriche du 8 juillet 1986 A n° 103.
-
[40]
Schwabe c/ Autriche du 28 août 1992 A n° 242 B.
-
[41]
Cass. crim, 16 mai 1954, Bull. crim. n° 111 ; CA Paris, 18 mai 1988, D. 1990, p. 35 ; Cass.
-
[42]
Cass. crim., 28 avril 1950, Bull. crim. n° 137.
-
[43]
TC Lille, 4 février 1959, JCP 1959, IV, p. 131.
-
[44]
Cass. crim., 7 nov. 1963, Bull. crim. n° 314.
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[45]
TGI Toulouse, 22 juin 2002, D. 2002, p. 2972, note C. Lienhart.
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[46]
Un arrêt assez récent de la Cour de Paris tente d’expliquer en parlant de « désordre, de panique, d’émotion collective et de désarroi », Droit pénal 1998, n° 63.
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[47]
CEDH 26 avril 1995 Prager c/ Autriche A 313.
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[48]
Ce texte mentionne encore les “actes d’accusation” disparus de la procédure pénale depuis bientôt cinquante ans.
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[49]
Cass. crim., 22 juin 1999, Bull. crim. n° 146 ; Rev. sc. crim., 2001, p. 178
-
[50]
Cour d’appel Paris (11e ch.), 16 juin 1999, D. 2000, p. 167, com. Ch. Bigot ; Cass. crim., 19 juin 2001, Bull. crim. n° 149 ; Rev. sc. crim. 2002, p. 119, obs. J. Francillon.
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[51]
Rappelons le tout de même « La presse et la librairie sont libres ».
-
[52]
Weber c/ Suisse, 22 mai 1990, A. 177.
-
[53]
Cass. crim., 19 juin 2001, Bull. crim. n° 149.
-
[54]
Quoi qu’il ne semble pas qu’on se soit interrogé lorsqu’une jeune fille et sa mère cherchèrent à établir post mortem une filiation avec le chanteur Yves Montand.
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[55]
Emmanuel Dreyer, Droit de l’information, n° 227.
-
[56]
Séance du 25 janvier 1881, JO débats, p. 57 et s.
-
[57]
Cass. crim, 14 juin 1995, Bull. crim. n° 217.
-
[58]
Jersild c/ Danemark, 23 septembre 1994, A n° 298, RTDH 1999, p. 375, note Cohen-Jonathan et Gazette du Palais, 1995 2 697.
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[59]
Cass. crim., 23 février 1993, Bull. crim. n° 86.
-
[60]
Cass. crim., 20 décembre 1995, Bull. crim. n° 424.
-
[61]
Lehideux et Isorni c/ France, 23 septembre 1998, Rev. trim des droits de l’homme 1999, p. 367 ; Rev. sc. crim. 1999, p. 151 ; D. 1999, p. 223.
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[62]
Kruslin C/ France (précité).
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[63]
Rapport de M. Lisbonne, séance du 18 juillet 1880, JO p. 8307.
-
[64]
Lingens c/ Autriche, 8 juillet 1986, A n° 103.
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[65]
Cas. ch. mixte, 24 novembre 2000, Bull. civ. n° 4 ; voir aussi cour d’appel Paris, 20 septembre 2001, D. 2002, p. 2300.
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[66]
Note Mimin sous Cass. crim, 27 octobre 1938, D. 1939-I, p. 77.
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[67]
CEDH, 2 mai 2000, Bergens Tidende c/ Norvège, Légipresse n° 176-III, p. 174.
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[68]
CEDH, 26 avril 1995, Prager c/ Autriche, A. 313.
-
[69]
Cass. crim, 9 juillet 1980, Bull. crim. n° 219 ; 11 juin 1981, Bull. crim. n° 195.
-
[70]
Castells c/ Espagne, 23 avril 1992, A. n° 236.
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[71]
Barford c/ Danemark, 22 février 1989, A. n° 149.
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[72]
Thorgeir Thorgeirson c/ Islande du 25 juin 1992 A n° 239.
-
[73]
Cass. crim., 17 décembre 1991, Bull. crim. n° 481 ; Rev. sc. crim. 1993.88 ; 23 février 2000, Droit pénal 2000 n° 85.
-
[74]
Emmanuel Dreyer, Droit de l’information, Litec n° 339 à 342.
-
[75]
CEDH, 7 octobre 1988, Salabiaku c/ France, A. 141.
-
[76]
Rapport de M. Lisbonne, séance du 18 juillet 1881, JO débats p. 8304.
-
[77]
Cass. crim., 8 avril 1895, D. 1895- I, p. 360.
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[78]
Cass. civ., 5 février 1992, BC II n° 44 ; D. 1992-J, p. 442 ; 22 juin 1994 BC II n° 164 ; 19 février 1997 BC II n° 174 ; JCP 1997 II 22900 et surtout l’étude exhaustive de Monsieur le Conseiller Guerder, doyen de la deuxième chambre au Rapport de la Cour de cassation 1999, L’évolution récente de la jurisprudence civile en matière de presse.
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[79]
L’audition de témoins à l’audience en dehors des règles de l’enquête civile est particulièrement audacieuse.
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[80]
Il énonce le droit à un recours effectif lorsqu’un droit a été violé.
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[81]
« Le silence et la gloire », D. 1951. Chronique p. 28.
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[82]
Cass. Ass. Plen., 12 juillet 2000, Bull. Ass. Plen. 2000 n° 8 ; D. 2000 somm., p. 463 Légipresse n° 175-III, p. 153, conclusions Premier avocat général Joinet.
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[83]
Voir TGI Paris, 16 novembre 2000, D. 2000 somm., p. 2766 note Massis.
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[84]
Cass. crim, 11 mars 1977, Bull. crim. n° 96, le déclarant compatible avec l’article 10.
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[85]
Que le tribunal de Paris (17e chambre) a dit ne pas pouvoir appliquer aux organes de presse en raison des dépositions de l’article 10 ; Légipresse n° 184-III p. 148.
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[86]
On se souvient de l’interdiction de l’hebdomadaire Hara-Kiri Hebdo pour un titre humoristique provocateur rapprochant le drame de l’incendie d’un dancing ayant fait des centaines de morts et le décès du général de Gaulle en vertu des dispositions de l’article 14 qui – comment ne pas penser à l’article 14 de la loi de 1881 ? – permet d’interdire l’exposition des publications dont il estime qu’elles représentent un danger pour la jeunesse
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[87]
Voir TGI Paris (31e chambre) du 16 mars 2001 déclarant la poursuite compatible avec l’article 10, Légipresse 2001-III, p. 151.