Notes
-
[1]
Cf. sur ce point, P. Auvret, « Écrits et propos racistes », J-Classeur Communication, fasc. n° 3150, éd. du Juris-Classeur, Litec, 2002, spéc. § 5, qui cite chronologiquement les lois du 25 mars 1822, du 9 septembre 1835 et du 18 août 1848.
-
[2]
Du nom du Garde des Sceaux alors en place. D. P. 1939, IV, p. 351.
-
[3]
Cf. article 32, loi du 29 juillet 1881, en sa rédaction originaire.
-
[4]
Cf. article 33, loi du 29 juillet 1881, en sa rédaction originaire.
-
[5]
Pour des raisons évidentes de non compatibilité avec le régime de Vichy.
-
[6]
V. sur ce point, not. J. Foulon-Piganiol, « Réflexions sur la diffamation raciale », D. 1970, chron. XXIX, pp. 133 s.
-
[7]
V. à ce sujet not. E. Dreyer, Droit de l’information, éd. Litec, 2002, spéc. p. 89, n° 177.
-
[8]
Sur ces difficultés, cf. not. J. Foulon-Piganiol, chron. préc. spéc. p. 135.
-
[9]
Lutte qui, s’autorisant notamment des principes consacrés dans les textes internationaux (cf. la Déclaration universelle des droits de l’homme, du 10 décembre 1948, qui, en son article 2, consacre l’égalité des droits et la dignité de tous les membres de la famille humaine « sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, […], de religion, d’opinion […], et d’origine » ; add. l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, du 4 novembre 1950, dispose que « la jouissance des droits et libertés reconnus par la présente convention doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur […] la race, la couleur, la langue, la religion, […], l’origine nationale […] l’appartenance à une minorité nationale […] ») a pu, par ailleurs, être renforcée par l’effet de la loi n° 54-1190 du 29 novembre 1954, portant notamment modification de l’article 2 de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949, relative aux publications destinées à la jeunesse et qui prohibe « les publications […] présentant sous un jour favorable […] tous actes […] de nature à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques. »
-
[10]
V. sur ce point J. Foulon-Piganiol, « Nouvelles réflexions sur la diffamation raciale », D. 1970, chron. XXXV, pp. 163 s.
-
[11]
Sur les conséquences liées à la ratification, par la France, de la Convention internationale en date du 21 décembre 1965, v. not. Ch. Korman, « Le délit de diffusion d’idées racistes », JCP 1989, éd. G., I, n° 3404.
-
[12]
Cf. loi n° 72-546 du 1er juillet 1972, dite loi Pleven, JO du 2 juillet 1972, pp. 6803 s. ; add. J. Foulon-Piganiol, « La lutte contre le racisme », D. 1972, chron. XL, pp. 261 s. ; A. Decocq, in Rev. sc. crim., 1973, pp. 145 s.
-
[13]
En effet, certaines dispositions de la loi du 1er juillet 1972 ont entraîné d’une part, la création de nouvelles infractions pénales de droit commun (cf. not. l’article 6 de la loi qui a institué l’ancien art. 187-1 C. pén. (auj. art. 432-7 nouv. C. pén.) relatif à la discrimination commise not. par une personne dépositaire de l’autorité publique ; cf. l’article 7 de la loi qui a inséré l’ancien art. 416 C. pén. (auj. art. 225-2 nouv. C. pén.) relatif not. au refus discriminatoire d’un bien ou d’un service ainsi qu’au refus discriminatoire d’embauche), d’autre part, l’instauration de nouvelles règles processuelles (cf. l’article 8 de la loi qui, en insérant un nouvel art. 2-1 au C. proc. pén., autorise les associations agréées, sous la seule condition qu’un délai de cinq ans se soit écoulé à compter de la déclaration, à se constituer partie civile).
-
[14]
Cf. art. 3 et art. 4 de la loi du 1er juillet 1972 portant respectivement modification des articles 32 al. 2 et 33 al. 3 de la loi du 29 juillet 1881.
-
[15]
Cf. art. 3 et 4 de la loi du 1er juillet 1972 préc.
-
[16]
Cf. art. 1er de la loi du 1er juillet 1972 portant insertion d’un nouvel article 24 al. 6 dans la loi du 29 juillet 1881.
-
[17]
Cf. art. 5, I de la loi du 1er juillet 1972 portant modification de l’article 48, 6° de la loi du 29 juillet 1881. Ce qui n’exclut pas, par ailleurs, que la poursuite puisse être exercée sur plainte de la personne diffamée ou injuriée.
-
[18]
Cf. art. 5, II de la loi du 1er juillet 1972 portant insertion d’un nouvel article 48-1 dans la loi du 29 juillet 1881.
-
[19]
Loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, JO du 14 juillet 1990, pp. 8333 ; add. E. Derieux, « Répression du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie », commentaire in Légipresse 1990, n° 75, IV, pp. 56 s.
-
[20]
Cf. art. 7 de la loi du 13 juillet 1990 portant insertion d’un nouvel article 13-1 dans la loi du 29 juillet 1881, qui vise expressément l’hypothèse « d’imputations susceptibles de porter atteinte à leur honneur ou à leur réputation à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », ce qui exclut donc le délit d’injure raciale ainsi que celui de provocation à la discrimination raciale du champ d’application de ce droit de réponse spécial.
-
[21]
V. not. Ch. Korman, « Le délit de diffusion d’idées racistes », chron. préc. ; add. du même auteur, « La situation française en matière de législation antiraciste », in Légipresse 1998, n° 156, II, pp. 130 s. ; E. Derieux, « Lutte contre le racisme », in Légipresse 1996, n° 135, II, pp. 121 s.
-
[22]
V. encore Ch. Korman, comm. sous Paris, 9 décembre 1992, in Légipresse 1993, n° 103, III, pp. 94 s.
-
[23]
Cf. note 1- pour l’absence de diffamation raciale : Cass. crim. 5 mars 2002, in Légipresse 2002, n° 193, III, pp. 119 s. ; TGI Paris, 12 juillet 2002, in Légipresse 2002, n° 195, I, p. 116 ; Civ. 2e, 26 avril 2001, in Légipresse 2001, n° 183, I, p. 92 ; 2- pour l’absence de délit d’injure raciale : Cass. crim. 12 septembre 2000, in Légipresse 2000, n° 177, III, pp. 214 s. ; TGI Paris, 26 janvier 1998, in Légipresse 1998, n° 152, I, p. 71 ; 3- pour l’absence de délit de provocation à la haine : TGI Paris, 12 juillet 2002, in Légipresse 2002, n° 195, I, p. 124 ; TGI Paris, 8 novembre 2000, in Légipresse 2001, n° 178, I, p. 11.
-
[24]
Cf. G. Barbier, Code expliqué de la presse, 2e éd. Marchal et Billard, Paris, vol. 1, spéc. n° 243 : en matière de presse, « c’est la publication qui fait le délit ».
-
[25]
V. not. sur ce point B. Ader, « Évolution de la notion de publication : de la presse écrite à Internet », in Légipresse 1999, n° 165, II, pp. 123 s.
-
[26]
En cela que c’est cet article 23, tel qu’il résulte des modifications opérées par la loi du 1er juillet 1972 (art. 2) et par celle du 13 décembre 1985, JO du 14 décembre 1985, pp. 14535 (art. 18-1), qui dresse la liste des différents actes de publication susceptible d’entraîner la qualification d’infractions de presse.
-
[27]
À défaut de publicité, l’infraction ne saurait être constituée au regard des dispositions de la loi de 1881 et doit alors conduire le juge à une requalification des faits. V. sur ce point note TGI Paris, 24 novembre 2000, in Légipresse 2001, n° 183, I, p. 92 (à propos de la requalification en provocation non publique à la discrimination raciale).
-
[28]
Cf. TGI Paris, 26 mars 2002, in Légipresse 2002, n° 192, I, p. 77. La solution est, par ailleurs, classiquement retenue pour l’ensemble des autres délits de la loi de 1881 : v. note pour la diffamation TGI Paris, 30 avril 1997, Gaz. Pal. 1997, 2, somm., p. 393, note C. Rojinsky ou bien encore TI Puteaux, 28 septembre 1999, in Légipresse 2000, n° 168, III, p. 19, obs. Ch. Bigot.
-
[29]
Cf. Cass. crim., 5 mars 2002, in Légipresse 2002, n° 193, III, p. 119 ; add. not. dans le même sens TGI Paris, 17 juillet 2002, in Légipresse 2002, n° 195, I, p. 116 (à propos de la diffamation raciale et de la provocation à la discrimination raciale) ; TGI Paris, 8 novembre 2000, in Légipresse 2001, n° 178, I, p. 11 (à propos de l’injure raciale et de la provocation à la discrimination raciale) ; v. aussi TGI Paris, 9 septembre 1999, in Légipresse 2000, n° 170, I, p. 35 ; TGI Paris, 2 décembre 1999, in Légipresse 2000, n° 170, I, p. 36.
-
[30]
V. note Cass. crim., 5 mars 2002, préc. ; Cass. crim., 12 septembre 2000, in Légipresse 2000, n° 177, III, p. 214 ; Cass. crim., 28 avril 1998 (2e espèce), in Légipresse 1998, n° 156, III, p. 148 ; Cass. crim., 21 octobre 1997, in Légipresse 1998, n° 156, I, p. 134 ; Cass. crim., 21 mai 1996, in Légipresse 1997, n° 140, III, p. 35 ; Cass. crim., 2 mars 1993, in Légipresse 1994, n° 110, III, p. 44 ; Cass. crim., 8 octobre 1991, in Légipresse 1992, n° 92, I, p. 71 ; Cass. crim., 20 février 1990, in Légipresse 1991, n° 81, I, p. 43 ; Cass. crim., 30 janvier 1990, Gaz. Pal. 1990, 2, somm., p. 535 ; Cass. crim., 21 mars 1989, in Légipresse 1989, n° 64, I, p. 54 ; Cass. crim., 6 mai 1986, Bull. crim., n° 153.
-
[31]
En revanche, le parallèle s’arrête là : en effet, contrairement à ce qui est admis en matière de diffamation classique envers les particuliers, la diffamation raciale n’autorise pas l’exceptio veritatis, ce qui implique qu’il est interdit de rapporter la preuve de la vérité d’une diffamation raciale : v. à ce sujet note Paris, 28 septembre 1995, in Légipresse 1996, n° 129, III, p. 19 ; TGI Paris, 4 juillet 1994, in Légipresse 1994, n° 114, I, p. 96 ; Cass. crim., 4 novembre 1972, Bull. crim., n° 236.
-
[32]
V. note TGI Paris, 26 mars 2002, in Légipresse 2002, n° 192, I, p. 77 (relève de la diffamation raciale, le message présentant la communauté juive comme « manipulant des masses, volant des terres, vivant de l’argent du porno, de la drogue ou de l’escroquerie ») ; Paris, 16 décembre 1998, in Légipresse 1999, n° 159, I, p. 23 (à propos de l’expression « Shoah business », suggérant l’idée d’une falsification historique délibérée dans le but d’en retirer des profits politiques et financiers et qui constitue le délit de diffamation raciale) ; Cass. crim., 8 octobre 1991, in Légipresse 1990, n° 92, I, p. 71 (est constitutif de diffamation raciale l’exposé des thèses révisionnistes contestant que pendant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement allemand ait exterminé six millions de juifs).
-
[33]
V. not. TGI Paris, 12 juillet 2002, in Légipresse 2002, n° 195, I, p. 116 ; add. Civ. 2e, 26 avril 2001, in Légipresse 2001, n° 183, I, p. 92 (absence d’allégation de faits précis imputés à un groupe religieux) ; Cass. crim., 28 avril 1998, in Légipresse 1998, n° 156, III, p. 149 (absence d’allégation de faits précis à propos d’un article assimilant la communauté chrétienne à une secte abominable) ; TGI Paris, 9 septembre 1999, in Légipresse 2000, n° 170, I, p. 35 (absence de diffamation envers un groupe de personnes à propos d’un article dénonçant les agissements de certains membres de l’association des témoins de Jéhovah) ; TGI Paris, 2 décembre 1999, in Légipresse 2000, n° 170, I, p. 36 (à propos d’un article présentant une personne comme étant favorable à la présence musulmane dans une France multiconfessionnelle et à l’implantation des mosquées).
-
[34]
Le cas échéant, à défaut d’imputation ou d’allégation de tout fait précis, il conviendra, par exemple, de se fonder sur le délit d’injure raciale.
-
[35]
Cf. TGI Paris, 12 juillet 2002, préc. (en l’espèce, toutes les déclarations incriminées ne faisaient que révéler des critiques et des réactions envers la politique ou le comportement de l’État d’Israël à l’égard du peuple palestinien, dans le cadre du conflit qui les oppose) ; add. not. dans le même sens Paris, 30 janvier 1991, in Légipresse 1992, n° 90, I, p. 39 ; TGI Paris, 26 février 1992, in Légipresse 1992, n° 96, I, p. 127.
-
[36]
Il est classiquement admis, en effet, que le délit de diffamation absorbe celui de l’injure. V. sur ce point note Ch. Debbasch, H. Isar, X. Agostinelli, Droit de la Communication, Dalloz, 1re éd., 2002, spéc. p. 618, n° 1093 et la jurisprudence citée.
-
[37]
V. note sur ce point, Ch. Korman, « Le délit de diffusion d’idées racistes », chron. préc. ; add. E. Derieux, « Lutte contre le racisme », chron. préc. (à propos des déclarations de J.-M. Le Pen sur « l’inégalité des races »).
-
[38]
Cf. not. TGI Paris, 12 juillet 2002, préc. (à propos de la diffusion radiophonique de commentaires émanant d’auditeurs dans le cadre d’une série d’émissions consacrées à des reportages sur la bande de Gaza et en Israël) ; v. sur cette affaire également le site internet de Reporters sans frontières (http://www.rsf.fr) ainsi que celui d’Action Critique Médias (http://acrimed.org) où l’on apprend notamment que le même journaliste fait encore l’objet de nouvelles poursuites pour avoir diffusé à l’antenne les propos de Hans Munch, dernier médecin nazi à Auschwitz.
-
[39]
Cf. art. 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881.
-
[40]
Pour une première illustration, v. not. Cass. crim., 12 septembre 2000, in Légipresse 2000, n° 177, III, p. 214 : à propos de l’emploi de termes tels que « traîtres à la patrie » insérés dans un article relatif à la communauté des harkis et pour lesquels le délit d’injure raciale n’a pas été retenu au motif que les propos incriminés « fustigeaient les Français musulmans, non à raison de leur appartenance religieuse ou ethnique, mais à raison de leur choix politique au moment de la guerre d’Algérie » (cassation sans renvoi de Montpellier 16 décembre 1998).
-
[41]
V. note TGI Paris, 8 novembre 2000, in Légipresse 2001, n° 178, I, p. 11 (à propos de la diffusion d’un tract dénonçant les « irréguliers », les « clandestins sans papiers » ainsi que les « délinquants, dealers, marginaux » qui, pour constituer une critique violente de la politique d’immigration, ne relève pas, en l’absence de toute mise en cause d’une communauté en raison de son origine ou de sa religion, du délit d’injure raciale) ; TGI Paris, 26 janvier 1998, in Légipresse 1998, n° 152, I, p. 71 (à propos des paroles d’une chanson qui, bien que s’inspirant d’un courant antimilitariste et antinationaliste, ne recèlent pas pour autant une intention délibérée de nuire et une portée injurieuse à l’égard des Français).
-
[42]
V. note Paris, 10 novembre 2000, in Légipresse 2001, n° 178, I, p. 11 (à propos de l’expression « tant va Lévy au four […] qu’à la fin il se brûle », prononcée par un magistrat et qui, par l’association des trois mots qu’elle induit, évoque le génocide dont a été victime la communauté juive sous le régime nazi) ; TGI Paris, 10 décembre 1998, in Légipresse 1999, n° 163, I, p. 84 (à propos de l’emploi des termes « métèques », « noirs mal blanchis » ou bien encore « couleuvres » et qui apparaissent injurieux à l’égard des différentes communautés visées) ; Paris, 8 octobre 1997, in Légipresse 1998, n° 157, I, p. 151 (sur le fait de qualifier un individu d’origine africaine, de « gros zébu fou »).
-
[43]
L’on sait, en effet, combien est délicate à cerner la frontière qui sépare la diffamation de l’injure.
-
[44]
Cf. Cass. crim., 12 septembre 2000, préc. En l’espèce, les juges du fond avaient admis que le plaignant, qui s’était porté partie civile, justifiait, en tant que fils de harki, pouvoir se reconnaître comme légitimement offensé. Le moyen soulevé en cassation par la défense, tendant à faire prévaloir que le plaignant n’était pas personnellement visé n’a pas été retenu par la Haute juridiction.
-
[45]
Là où le législateur a entendu distinguer, n’y a-t-il pas lieu raisonnablement à opérer la distinction ?
-
[46]
Par analogie, rien n’interdit, a priori, de penser que la même solution puisse être étendue au délit de diffamation raciale…
-
[47]
Cf. Introduction supra.
-
[48]
V. not. TGI Paris, (17e ch. corr.), 12 juillet 2002, préc.
-
[49]
Cf. not. Cass. crim, 21 mai 1996, Bull. crim., n° 210
-
[50]
V. not. TGI Paris, 12 juillet 2002, in Légipresse 2002, n° 195, I, p. 124 ; add. TGI Paris, 13 septembre 2000, in Légipresse 2000, n° 177, I, p. 156.
-
[51]
Cf. Cass. crim., 13 novembre 2001, in Légipresse 2002, n° 189, III, p. 24 ; add. dans le même sens TGI Paris, 15 juin 200, in Légipresse 2000, n° 175, I, p. 123 (à propos de la publication d’un texte constituant une exhortation au rejet de la population se réclamant de la religion islamique) ; Paris, 16 décembre 1998, in Légipresse 1999, n° 159, I, p. 24 (à propos d’un article imputant, entre autre, à la communauté juive de constituer une minorité concentrée dans certains domaines) ; TGI Paris, 20 janvier 1998, in Légipresse 1998, n° 154, I, p. 105 (à propos d’un article désignant l’ensemble de la communauté musulmane comme responsable des massacres commis en Algérie et annonçant qu’ils seront bientôt commis en France) ; Cass. crim., 4 novembre 1997, in Légipresse 1998, n° 156, I, p. 134 (à propos d’une chanson parodique invitant à « casser du noir ») ; Cass. crim., 21 mai 1996, in Légipresse 1997, n° 140, III, p. 35 (à propos d’un article relatant différents faits divers mettant en cause des personnes originaires de différentes communautés et de nature à susciter chez le lecteur des réactions de rejet, voire de haine et de violence) ; Paris, 5 avril 1995, in Légipresse 1995, n° 125, I, p. 89 (à propos d’un dessin révélant un antagonisme racial et suscitant une insatisfaction de nature à entretenir un sentiment de rejet et de haine à l’égard des femmes et des hommes de race noire).
-
[52]
Cf. Cass. crim., 14 mai 2002, in Légipresse 2002, n° 196, I, p. 140.
-
[53]
Et de fait, au plus la provocation apparaîtra-t-elle indirecte, au plus la légitimité du débat sera-t-elle revendiquée.
-
[54]
V. en ce sens not. Cass. crim., 13 novembre 2001, préc. ; add. Cass. crim., 13 mars 1989, in Légipresse 1989, n° 67, I, p. 79 ; add. dans le même sens Cass. crim., 14 mai 2002, préc.
-
[55]
Voire, dans certains cas, sur la plainte déposée par l’autorité dont la victime elle-même relève.
-
[56]
Ce qui opère donc un retour au principe posé à l’art. 47 de la loi de 1881 et dispense ainsi le ministère public du dépôt d’une plainte préalable de la victime pour pouvoir initier la poursuite.
-
[57]
Encore que s’agissant de ce droit d’action reconnu à ces associations, il importe d’opérer une distinction selon que l’infraction aura été commise ou non envers des personnes considérées individuellement. En effet, si dans la négative, l’association peut librement exercer les droits reconnus à la partie civile, en revanche, dans l’affirmative, elle doit justifier avoir reçu l’accord des personnes mises en cause (cf. art. 48-1, al., 2 loi de 1881).
-
[58]
Cf. not. Paris, 10 juillet 1991, in Légipresse 1992, n° 89, I, p. 26 (à propos de l’irrecevabilité de l’action civile d’une association en l’absence d’accord préalable des personnes désignées dans l’article litigieux).
-
[59]
Sauf à retenir l’hypothèse de modification des statuts. Sur ce point cf. note Nath. Mallet-Poujol, « L’action judiciaire des associations en droit des médias », in Légipresse 2002, n° 193, II, pp. 95 s.
-
[60]
V. not. Civ. 1re, 14 novembre 2000, in Légipresse 2001, n° 178, I, p. 11 (à propos de l’action d’une association en vue de la défense des sentiments religieux) ; Cass. crim., 16 avril 1991, in Légipresse 1992, n° 88, I, p. 11 (à propos de l’absence textuelle de toute condition tenant à l’unicité de l’objet statutaire d’une association) ; Cass. crim., 16 avril 1991, in Légipresse 1992, n° 91, I, p. 57 (à propos de la modification des statuts d’une association) ; Paris, 21 novembre 1990, in Légipresse 1991, n° 86, I, p. 116 (à propos de la correspondance entre les statuts d’une association et l’intérêt à agir à l’occasion d’une infraction à caractère racial).
-
[61]
V. not. sur ce point TGI Paris, 5 février 1992, in Légipresse 1992, n° 89, III, p. 28. Voir également l’article de B. Ader, p. 56.
-
[62]
Sur les conditions d’exercice de ce même droit de réponse, v. note TGI Paris, 29 mars 2000, in Légipresse 2000, n° 172, I, p. 77 ; add. TGI Paris, 5 février 1992, in Légipresse 1992, n° 89, III, p. 28.
-
[63]
Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, JO du 16 juin 2000, pp. 9038 s.
-
[64]
Il en est ainsi de la répression du délit de diffamation envers les particuliers (art. 32 al. 1er, loi de 1881) ou de celle du délit d’injure envers les particuliers lorsqu’elle n’a pas été précédée de provocation (art. 33 al. 2, loi de 1881).
-
[65]
Cf. art. 90, V, 3° de la loi du 15 juin 2000, préc.
-
[66]
Pour preuve, l’article 63 al. 1er de la loi du 29 juillet 1881, tel que résultant de la loi du 1er juillet 1972 (art. 10) retient que l’aggravation des peines résultant de la récidive n’est applicable que pour ce qui concerne les seuls délits de diffamation, d’injure et de provocation à la discrimination raciales.
-
[67]
Loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992, JO du 17 décembre 1992.
-
[68]
Cf. art. 32 al. 3, 1° (diffamation raciale), art. 33 al. 4, 1° (injure raciale), art. 24 al. 7, 2° (provocation à la discrimination) qui renvoient expressément à l’art. 131-35 nouv. C. pén.
-
[69]
Conformément aux dispositions de droit commun telles qu’énumérées aux 2° et 3° de l’art. 131-26 nouv. C. pén.
-
[70]
Cf. note E. Derieux, « Lutte contre le racisme », chron. préc. ; add. Ch. Korman, « La situation française en matière de législation antiraciste », chron. préc.
-
[71]
Cela avait déjà été le cas en 1972 : c’est dire combien le consensus général est réel autour de la lutte contre le racisme et la xénophobie.
-
[72]
Devant les députés, M. Pierre Lellouche (UMP) a, en effet, exposé que sa proposition de loi était volontairement limitée et que les modifications, telles que l’allongement du délai de prescription pour les infractions à caractère raciste ou xénophobe commises par voies de presse ainsi que l’aggravation des peines encourues feront l’objet d’un projet de loi distinct.
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[73]
Cf. not. TGI Paris, 19 novembre 1996, in Légipresse 1997, n° 139, I, p. 24 ; Paris, 31 janvier 1995, in Légipresse 1995, n° 123, I, p. 69 (pour une décision de non-lieu) ; TGI Paris, 31 mai 1991, in Légipresse 1991, n° 82, III, p. 65 ; Cass. crim., 11 octobre 1990, in Légipresse 1991, n° 84, III, p. 97 ; Paris, 20 septembre 1990, in Légipresse 1991, n° 80, I, p. 31 ; TGI Paris, 18 décembre 1989, in Légipresse 1990, n° 72, III, p. 61, obs. E Derieux.
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[74]
V. en ce sens not. C. Rojinsky, « L’autonomie inachevée du droit de la presse », in Légipresse 2002, n° 193, III, pp. 85 s. qui, au tout début de son étude, souligne à propos de la loi de 1881 que : « Si ce texte prévoit des règles spécifiques quant aux procédures et aux infractions au droit de la presse, ce n’est donc pas pour protéger la liberté d’expression mais la liberté de publication. Ces règles ont été voulues très contraignantes afin de limiter leur utilisation, et de préserver la liberté de la presse nouvellement proclamée. »
1 Initialement absente du texte originaire de la loi du 29 juillet 1881, la lutte contre les écrits racistes n’est apparue, en termes de véritable préoccupation législative, que bien plus tard. Sans doute, dès avant l’entrée en vigueur de la loi sur la liberté de la presse, certains textes épars faisaient-ils, directement ou indirectement, référence à diverses incriminations destinées à sanctionner la circulation d’informations de nature raciste ou discriminatoire [1], mais ces différentes infractions ne devaient pas être reprises dans la loi de 1881 et de fait, la lutte contre les délits de presse à connotation raciste ou xénophobe a-t-elle pu paraître, un temps, reléguée au second plan.
2 Ce n’est qu’à la veille du second conflit mondial, principalement pour faire face au danger inhérent au développement de la propagande nazie, qu’ont pu être introduites dans le corpus de la loi de 1881, par le biais du décret-loi Marchandeau du 21 avril 1939 [2], les infractions spécifiques de diffamation [3] et d’injure [4] susceptibles d’être commises « envers un groupe de personnes appartenant, par leur origine, à une race ou une religion déterminée lorsqu’elles auront eu pour but d’exciter à la haine entre les citoyens ou habitants ». Un temps mises au banc de la République [5], ces deux incriminations spéciales allaient toutefois, postérieurement à leur rétablissement, rapidement révéler leurs imperfections intrinsèques [6].
3 En effet, outre le fait qu’un individu envisagé ut singuli ne pouvait se prévaloir de ces dispositions qui ne visaient à sanctionner que les seules atteintes diffamatoires ou injurieuses dirigées contre un groupe de personnes, le législateur de 1939, sans doute dans la crainte de porter trop systématiquement atteinte à la liberté de la presse, avait-il pris soin, par ailleurs, de subordonner l’incrimination de l’une comme l’autre de ces deux infractions de presse à la preuve d’un élément constitutif supplémentaire : la responsabilité pénale de l’auteur du délit ne pouvait-elle être utilement recherchée que s’il était établi que celui-ci avait agi dans le but précis d’exciter à la haine. En d’autres termes, à travers les notions spécifiques de diffamation et d’injure raciales, le texte de 1939 consacrait, plus ou moins explicitement, le délit, autrement plus spécial, de provocation à la haine raciale [7].
4 Face aux difficultés inhérentes à l’établissement de la preuve d’une telle intention [8], envisagée comme élément nécessaire à la reconnaissance du caractère punissable de l’acte, cette exigence textuelle ne pouvait dès lors que rendre moins opérante la mise en œuvre de la poursuite sur le fondement spécial de la diffamation ou de l’injure raciale. Dès lors, compte tenu des imperfections de lege lata et dans le souci d’organiser une lutte plus efficace contre les propos racistes [9], il a pu progressivement sembler plus opportun d’envisager une réforme du cadre législatif alors en vigueur.
5 C’est ainsi qu’à la suite de différentes propositions de loi [10] et dans le sillage de la ratification, par la France, le 10 novembre 1971, de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale [11], a pu intervenir, à l’unanimité entre les deux chambres, le vote de la loi du 1er juillet 1972, relative à la lutte contre le racisme [12]. Dans un souci évident de simplification et de clarification, le nouveau texte a, entre autre [13], expressément apporté deux innovations majeures au dispositif antérieur : tout d’abord, il a instauré une judicieuse distinction entre, d’une part, les délits de diffamation et d’injure raciales et, d’autre part, celui de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, à raison de l’origine, de l’ethnie, de la race ou de la religion ; ensuite, il a organisé en la matière un droit d’action spécifique reconnu au ministère public et, sous certaines conditions, aux associations se proposant, statutairement, de combattre le racisme.
6 S’agissant, en premier lieu, de chacun des délits de diffamation, d’injure et de provocation, la loi du 1er juillet 1972 est venue étendre le droit d’agir des personnes susceptibles d’être concernées puisque désormais, en sus d’un « groupe de personnes » tel que visé par le texte initial de 1939 et maintenu dans le nouveau texte, toute personne physique, prise à titre individuel, est également recevable à agir [14]. Par ailleurs, et toujours dans le même souci de simplification, le nouveau texte a expurgé la diffamation et l’injure raciales de toute exigence tenant, en tant qu’élément constitutif du délit, à la preuve d’un but d’excitation à la haine [15]. Cette suppression s’avérait particulièrement salutaire qui, du moins en théorie, devait rendre plus facile la poursuite pénale de ces deux infractions de presse. Elle s’expliquait aussi par le fait que la provocation à la discrimination raciale était, en même temps, érigée en un délit autonome et distinct des deux infractions précédentes [16].
7 S’agissant en dernier lieu de l’exercice de la poursuite pénale, outre le fait que désormais, la procédure pouvait être engagée d’office par le ministère public [17], l’innovation essentielle de la loi de 1972 a porté sur la reconnaissance de la possibilité, accordée aux associations spécialisées dans la lutte contre le racisme, d’exercer les droits reconnus à la partie civile, tant pour ce qui concerne le délit de provocation à la discrimination et à la haine raciale que pour ceux de diffamation et d’injure raciales [18]. Par suite, le rôle réservé à ces mêmes associations a été étendu par l’effet de la loi du 13 juillet 1990 [19] qui, notamment, leur a accordé, ici encore sous certaines conditions, la faculté d’exercer un droit de réponse spécifique, en lieu et place d’une personne ou d’un groupe de personnes victime d’un délit de diffamation raciale [20].
8 Sans doute, le dispositif législatif antiraciste, tel qu’issu de cette longue évolution textuelle, a-t-il pu susciter parfois quelques critiques ou regrets, il est vrai le plus souvent justifiés et partant, certaines modifications ont-elles pu être évoquées [21]. Parce qu’inséré dans le corps même de la loi du 29 juillet 1881, ce dispositif de lutte contre les écrits racistes peut sembler par trop contraignant [22] qui, parfois, laissera certaines situations à l’abri de toute poursuite pénale [23]. Mais il ne faut pas oublier non plus que l’esprit même de la loi de 1881 a été celui d’imposer volontairement, ab initio, des règles spécifiques, tant pour ce qui concerne la qualification des infractions que pour la procédure, afin de préserver, autant que faire se peut, la liberté de la presse. C’est donc dans le souci récurent du maintien d’un perpétuel équilibre entre cette même liberté et le respect des droits fondamentaux de la personne que s’articulent, d’une part, les conditions de chacune des trois infractions spéciales (I), d’autre part, les règles tenant à la poursuite pénale et à la répression de ces mêmes délits (II).
I - LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DES INFRACTIONS À CARACTÈRE RACISTE
9 Pour être caractérisée, chacune des trois infractions de presse que sont la diffamation, l’injure et la provocation à la discrimination raciales requiert la présence cumulative de deux éléments communs préalables (A) auxquels vient, par la suite, se rajouter un troisième élément qui confère alors à chaque délit sa propre spécificité (B).
A. Les éléments communs
1. L’acte de publication
10 En tant que délits de presse, et selon la formule célèbre empruntée à Barbier [24], les trois infractions de diffamation, d’injure et de provocation à la discrimination raciales reposent sur un élément matériel nécessaire, à savoir un acte de publication. S’il n’existe pas de définition légale précise de la notion de publication [25], c’est, en réalité, vers l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, relatif à la provocation aux crimes et aux délits et auquel renvoient expressément les articles 24 alinéa 6 (provocation à la discrimination raciale), 32 alinéa 2 (diffamation raciale) et 33 alinéa 3 (injure raciale) qu’il importe de se référer [26]. La réalisation d’un acte matériel de publication est donc, en tout premier lieu, nécessaire qui, par ailleurs, suffit aussi à révéler l’intention coupable de son auteur [27].
11 L’acte de publication doit, ici, être entendu dans son acception la plus large, ce qui permet de couvrir les supports les plus modernes de communication tels que notamment l’internet. À cet effet, il a ainsi été retenu que « l’internaute qui diffuse, sans réserve ni nuance, des messages présentant les membres de la communauté juive comme responsables de la situation en Palestine et appelle à les “tabasser”, se rend coupable de provocation à la discrimination, la haine et la violence à l’égard d’un groupe de personnes » [28].
2. La connotation raciale ou raciste de l’écrit
12 Le second élément commun à ces trois infractions est, bien évidemment, la connotation raciale ou raciste de l’écrit litigieux. En effet, en second lieu, le législateur fait expressément reposer chacune d’entre elles sur la mise en cause « d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine, ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». À défaut, la qualification de l’un comme de l’autre des trois délits spécifiques ne pourra être retenue et de fait, si une responsabilité doit être encourue c’est, le cas échéant, sur le fondement d’autres dispositions de la loi du 29 juillet 1881, voire sur celui du droit commun, qu’elle devra être recherchée.
13 C’est ainsi que, récemment, à propos de la diffusion d’un article indiquant notamment « qu’un groupe ethnique, la nation serbe, a pu commettre pendant dix ans une politique de discrimination, puis d’expulsion assortie d’élimination physique, sans être jugée » , il a pu être retenu que si le délit de diffamation raciale présuppose, pour être caractérisé, la volonté de stigmatiser le comportement des individus membres d’une nation, tel n’est pas le cas lorsque « l’article incriminé visait, en réalité, l’action des représentants politiques d’un État et non chaque individu en tant que membre d’une nation » [29]. Sans doute cette dernière solution s’autorise-t-elle de la spécificité des éléments constitutifs du délit. Pour autant, elle n’est pas à l’abri de toute critique. En effet, l’emploi de termes choisis tels que « nation serbe » ou « politique de discrimination » peut faire référence, de manière plus ou moins lointaine, aux agissements imputables à certains représentants politiques serbes. Mais, à notre sens, il n’en demeure pas moins que les propos diffusés, en l’espèce, sont aussi de nature à rejaillir, par absorption, sur chaque membre de la nation serbe. De fait, au-delà de la question tenant à la spécialité des éléments constitutifs des infractions pénales, l’on pourrait parfois espérer davantage de rigueur. Même si l’on sait, par ailleurs, que la présence de cet élément constitutif commun qui préside à la réalité de l’infraction est une question de droit qui tombe sous le nécessaire contrôle de la Cour de cassation qui, à l’occasion des litiges, se réserve traditionnellement le soin d’apprécier non seulement la portée, mais également l’interprétation des écrits incriminés [30].
B. Les éléments spécifiques
1. La diffamation raciale
14 Au-delà de ce qui précède, pour être constitué, le délit de diffamation raciale requiert, en sus, un dernier élément spécifique. En effet, conformément à l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881, relatif à la diffamation envers les particuliers, la mise en cause d’une personne ou d’un groupe de personne à raison de son origine, de son appartenance ou de sa non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, doit consister en « l’allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération » [31].
15 Schématiquement, si l’on s’en tient au droit positif, deux tendances peuvent être, en la matière, dégagées : la première, qui tombe sous le sens, révèle que toute imputation d’un fait précis envers une personne ou un groupe de personnes qui est fondée sur des considérations d’origine ou de nature raciale, ethnique ou religieuse est susceptible de relever du délit de diffamation raciale [32]. En revanche, la seconde indique que, dès lors qu’il apparaît que le message incriminé, aussi répréhensible qu’il puisse être, ne fait que simplement refléter l’expression de l’opinion personnelle de son auteur, voire ne vise aucune personne ou groupe de personnes, la poursuite ne peut alors s’exercer sur le terrain de la diffamation raciale [33]. C’est dire combien peut parfois s’avérer délicate la marge de manœuvre dévolue au juge. En effet, soit le message litigieux révélera l’imputation d’un fait précis, envers une personne ou un groupe de personnes, à raison de l’origine ou bien encore de la race et dans ce cas, le délit sera constitué. Soit, l’un des deux éléments constitutifs vient à faire défaut et ce sera sur un autre fondement qu’il appartiendra alors de rechercher, le cas échéant, la responsabilité pénale de l’auteur du message [34].
16 Ainsi, classiquement, est-il retenu que « la diffamation spécifique de l’article 32 alinéa 2 suppose que les propos poursuivis imputent à un groupe de personnes, à raison de son origine, son ethnie, sa nation, race ou religion, en l’espèce la communauté juive, un fait précis attentatoire à l’honneur ou à la considération. Il s’ensuit que le délit n’est pas caractérisé lorsque ces propos ne visent pas un groupe de personnes tel que défini à l’article 32 alinéa 2 ou expriment, non pas l’allégation d’un fait précis, mais une opinion personnelle de leur auteur qui, si elle s’avère répréhensible, doit alors être poursuivie sur le fondement d’autres dispositions de la loi du 29 juillet 1881. » [35] Cette solution, pour classique qu’elle soit, implique notamment qu’en l’absence d’imputation de tout fait précis, un message litigieux à caractère racial ou xénophobe pourra, plus généralement, relever de l’injure raciale. Dans ce cas, à défaut de demande initiale précise, en ce sens, de la (ou des) partie (s) poursuivante (s), c’est au juge qu’il appartiendra de redonner aux faits poursuivis leur exacte qualification. Sauf à envisager qu’un seul et même message comporte tout à la fois des propos diffamatoires et injurieux, auquel cas, par analogie avec ce qui est retenu en droit commun de la diffamation et de l’injure et en application du principe d’indivisibilité entre les deux infractions, le juge retiendra la qualification de diffamation [36].
17 Encore que parfois, même en présence d’une allégation précise, il sera bien difficile de faire la juste part des choses entre ce qui pourra relever de la diffamation et ce qui ne fera que traduire l’expression d’une opinion personnelle propre à l’auteur de l’écrit. Parce qu’il importe de préserver la liberté d’expression, dans ce dernier cas, en effet, généralement, le juge considère qu’il n’a pas à prononcer de sanction. Le but est louable, la solution, dans certains (rares) cas d’espèce, peut-être moins. Surtout lorsque sous le couvert de diffusion d’idées personnelles, ce que l’auteur du message vise c’est bel et bien, en réalité, à encourager la haine ou la discrimination raciale [37]. Mais à l’inverse, il est vrai aussi, qu’il convient de ne pas généraliser. Et c’est bien là, en définitive, tout le travail du juge qui consiste à éviter toute systématisation [38]. Autrement dit, il n’appartient pas aux tribunaux d’arbitrer ce qui, a priori, ne fait que relever d’un débat d’opinion et ce, quelle que soit la virulence de la critique utilisée… Ici encore, l’appréciation du caractère diffamatoire du contenu du message litigieux est laissée au pouvoir souverain des juges du fond, sous le contrôle de la Cour de cassation.
2. L’injure raciale
18 Construit à l’identique de l’infraction classique d’injure envers les particuliers [39], le délit d’injure raciale présuppose également, pour être constitué, la mise en cause d’une personne ou d’un groupe de personne à raison de l’origine, ou de l’appartenance ou la non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, à travers l’emploi d’une « expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». L’absence de toute référence à un fait précis peut, il est vrai, sembler ici, de nature à permettre, de manière extensive, la reconnaissance du caractère racial d’une injure dès l’instant où un article de presse contient une expression outrageante ou méprisante à connotation raciale ou xénophobe. C’est pourquoi, toujours dans le même souci, précédemment évoqué, d’éviter de trop porter atteinte à la liberté de la presse, cette dernière appréciation, tout comme celle tenant à la réalité des autres éléments constitutifs, est rigoureusement contrôlée par la Cour de cassation [40]. Ceci explique que dans certains cas, même en présence de propos particulièrement grossiers, l’injure raciale pourra ne pas être retenue [41], alors que dans d’autres, sans que puisse être utilement invoqué le caractère polémique ou critique du message, elle sera caractérisée [42].
19 Sans pour cela perdre de vue le nécessaire équilibre qu’il importe de préserver, en pratique, entre la liberté d’expression et les droits fondamentaux de la personne, il n’est pas inutile, sur le plan de l’orthodoxie juridique, de revenir sur ces différences de traitement judiciaire. En effet, a priori, si le législateur a entendu associer dans un même texte, les deux infractions de diffamation et d’injure raciales, c’est nécessairement pour permettre la poursuite pénale sur le fondement du second délit, lorsque le premier ne peut être retenu pour défaut d’imputation d’un fait précis. Or, ici encore, au-delà du débat tenant à la qualification de l’infraction [43], alors que le message apparaîtra particulièrement virulent ou méprisant, la réalité de l’infraction pourra encore se révéler sacrifiée sur l’autel – bien subjectif et partant, extrêmement relatif – de la polémique, de la critique ou du débat d’idées. C’est bien là le signe, malgré tout, que tout ne rentre pas parfaitement dans le cadre (législatif ou judiciaire ?) de la lutte française contre les écrits à connotation raciale ou xénophobe.
20 Un effort de clarification serait, à tout le moins, utile qui, sans mettre à mal pour autant la liberté de la presse, tendrait à faciliter la reconnaissance judiciaire de l’infraction, voire à empêcher de se réfugier derrière le (trop facile) paravent du débat d’idées ou de la polémique. Car enfin, objectivement, le fait de présenter les membres de la communauté harkie comme étant des « traîtres à la patrie » constitue bien, avant toute chose, une expression outrageante et, à ce titre, relève sans conteste de l’injure. Or, dès lors que ces propos sont motivés à raison du « choix politique » opéré par les membres de cette même communauté pendant la guerre d’Algérie, l’injure raciale ne peut être retenue. Textuellement, la solution s’impose. Mais pour autant, l’injure demeure et dès lors que cette injure ne vise aucune personne particulière, elle ne pourra être poursuivie sur le fondement de l’injure classique commise envers les particuliers. Sans doute, en l’espèce, la chambre criminelle a-t-elle pu retenir que « dès lors que l’injure formulée de manière générale vise une pluralité de personnes formant un groupe restreint, chaque membre de ce groupe, atteint par l’injure, dispose d’un droit individuel à demander réparation du préjudice qui lui a été causé » [44]. Mais elle se plaçait là, avant de reconnaître ensuite que l’infraction n’était pas constituée sur le seul terrain du délit d’injure raciale qui distingue pourtant expressément entre une personne ou un groupe de personnes [45]. De fait, si l’on s’en tient à ce seul cas précis, et s’agissant avant tout de faire sanctionner pénalement l’auteur d’un texte injurieux, l’on pourra alors douter de l’opportunité, voire de la spécialité, du délit d’injure raciale [46]. Si l’on retient que le défaut, judiciairement constaté, de caractère racial n’enlève en rien à la réalité de l’injure, l’on reste en présence d’un délit de presse qui, au regard de la loi de 1881, ne peut donc faire l’objet d’aucune poursuite pénale…
3. La provocation à la discrimination raciale
21 Création originale de la loi de 1972 [47], la provocation à la discrimination raciale a été érigée en infraction distincte des deux précédentes. Cela se justifiait, notamment, par le fait de permettre la poursuite d’un message dénué de tout caractère diffamatoire ou injurieux, mais qui, en revanche, était susceptible de révéler des incitations à la discrimination raciale ou xénophobe. Par ailleurs, il n’est pas rare, aujourd’hui, qu’un propos diffamatoire ou injurieux emporte en lui-même, et ce de manière consubstantielle, une certaine incitation ou provocation à la haine raciale. C’est la raison pour laquelle, fréquemment en pratique, les poursuites sont initialisées sur le double fondement de diffamation (ou d’injure) et de provocation à la discrimination raciale [48]. De fait, si l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 fait expressément référence à la notion de provocation directe, en revanche, l’article 24 alinéa 6 incrimine, sans distinction aucune, la seule « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence » à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de l’origine, de l’appartenance ou de la non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion. De fait, pour que le délit soit constitué, il importe que le contenu du message litigieux révèle nécessairement l’intention, par son auteur, d’inciter, de manière directe ou indirecte, à des sentiments, voire à des actes, discriminatoires, racistes ou xénophobes [49]. C’est avant tout la présence d’un appel, et ce quelle que soit la forme d’expression utilisée, à la discrimination raciale qui permet ainsi de caractériser l’infraction. À défaut, en effet, elle ne sera pas constituée [50].
22 Les exemples ne manquent pas, en droit positif, qui révèlent la multiplicité des différentes formes que peut revêtir une incitation à la discrimination raciale. Ainsi, récemment, la Cour de cassation a-t-elle retenu que la diffusion d’un tract « présentant les immigrés sous un jour exclusivement nuisibles, en les rendant responsables de l’insécurité, du chômage et de l’accroissement de la charge fiscale, […] instille dans l’esprit du lecteur, la conviction que la sécurité passe par le rejet des immigrés et que l’inquiétude et la peur, liées à leur présence en France, cesseront à leur départ » était constitutive du délit de provocation à la discrimination raciale [51]. De la même manière, la chambre criminelle a pu retenir qu’un article qui invite les habitants d’une ville « à rester maîtres chez eux en éradiquant la ghettoïsation des extra-Européens » qui prospèrent « grâce à la manne de la discrimination positive et profitent de la désertion des commerces pour les reprendre nécessairement à bon compte » caractérisait le délit de provocation à la haine à l’égard d’un groupe de personnes d’origine extra-européenne et de religion musulmane [52].
23 Ces deux dernières illustrations révèlent parfaitement toute l’ampleur du travail d’appréciation auquel doit se livrer le juge pour décider que le délit est effectivement constitué ou pas. En effet, dans la seconde décision, il ne fait aucun doute que l’emploi du participe « éradiquant », évoque directement un appel à une action de force à l’encontre du groupe de personnes visées. De fait, le délit n’en sera que davantage caractérisé. En revanche, plus subtile, parce qu’indirecte, apparaît la provocation retenue dans la première décision. L’auteur de l’article incriminé n’appelle pas positivement à un acte quelconque de violence. Il ne se limite, en réalité, qu’à installer, au sens littéral et matériel du terme, un sentiment de rejet et d’exclusion relativement à un groupe déterminé d’individus. Le résultat recherché étant le même, l’on peut comprendre que le législateur n’ait pas entendu distinguer quant aux sanctions susceptibles d’être retenues dans un cas comme dans l’autre. Pour autant, le traitement pénal à l’identique de cette infraction, qu’elle soit directe ou indirecte, débouche alors sur un paradoxe qui, le plus souvent, conduira l’auteur indélicat, quitte à être poursuivi et sanctionné, à afficher plus expressément, dans son propos, une provocation directe à la discrimination raciale.
24 Il est vrai, en même temps, que la préférence pour l’emploi d’un style indirect est révélatrice, chez certains, d’une naïve tendance à espérer se placer à l’abri de toute poursuite. Aussi, bien souvent, pour tenter d’échapper à toute condamnation pénale, l’auteur du message incriminé peut-il être tenté d’invoquer que le contenu des propos publiés ne dépasse pas les limites d’un débat légitime qui relève de la liberté d’expression [53] et qui, partant, est de nature à autoriser tout citoyen à exprimer une opinion sur de tels sujets d’ordre politique. Mais sur ce point encore, la réponse de la Cour de cassation est parfaitement claire qui, à l’occasion, ne manque pas de rappeler expressément que l’infraction spéciale de provocation à la discrimination raciale est compatible avec l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme qui protège le droit à la liberté d’expression et que par conséquent, les restrictions légalement prévues à l’exercice de ce droit par l’article 24 alinéa 6 de la loi de 1881 « constituent des mesures nécessaires à la défense de l’ordre et à la protection de la réputation des droits d’autrui et de la morale » [54].
II - LA POURSUITE PÉNALE ET LA RÉPRESSION DES DÉLITS
25 La poursuite pénale de chacune des trois infractions repose, à tout le moins pour ce qui concerne l’engagement de la poursuite, sur un régime assez particulier (A). En revanche, s’agissant de la répression et des peines applicables, le dispositif ne soulève, a priori et sauf à revenir sur quelque sanction complémentaire, guère de difficultés (B).
A. Le régime de la poursuite pénale
1. Un régime complexe
26 Par principe, conformément à l’article 47 de la loi de 1881, la poursuite des délits de presse a lieu d’office et à la requête du ministère public. Mais par dérogation, l’article 48 de la loi vient aussitôt dresser la liste de certaines infractions pour lesquelles le déclenchement de la poursuite repose sur le dépôt préalable d’une plainte de la victime [55]. Parmi ces infractions, l’article 48, 6° vise expressément les cas d’injure et de diffamation envers les particuliers. Or s’agissant de la diffamation et de l’injure raciales, notamment lorsqu’elles sont commises envers une personne prise ut singuli, et qui dès lors, s’agissant d’un particulier, devraient normalement obéir à la même règle, le même texte, par dérogation à la précédente dérogation [56], prévoit que la poursuite peut être exercée d’office par le ministère public. Encore que, in fine, l’article 48, 8°, alinéa 2, prévoit, pour ces deux mêmes infractions, que la poursuite peut être exercée à la requête de la partie lésée, c’est-à-dire sur plainte de la victime elle-même. Enfin, suite aux modifications opérées par les lois du 1er juillet 1972 et du 13 juillet 1990, et conformément à l’article 48-1 de la loi de 1881, la poursuite pénale peut également être engagée sur plainte, avec constitution de partie civile, déposée par toute association régulièrement déclarée, depuis au moins cinq ans à la date des faits et qui se propose, par ses statuts, de combattre le racisme ou d’assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse [57].
27 S’agissant du délit de provocation à la discrimination raciale, l’on parvient, mais avec un raisonnement inverse, quasiment au même résultat, avec, il est vrai, une différence notable. En effet, dans le silence de l’article 48 qui ne range pas l’infraction dans la liste de celles dont la poursuite incombe, par dérogation, à la victime ou à l’autorité dont elle peut relever, c’est donc, conformément à l’article 47, au ministère public, d’office et à sa requête, qu’il incombe d’enclencher la procédure. Par ailleurs, conformément au renvoi à l’infraction de provocation à la discrimination, expressément opéré par l’article 48-1, al. 1er, toute association a, dans les mêmes conditions que celles précédemment évoquées, la possibilité d’exercer les droits reconnus à la partie civile [58]. En revanche, lorsque la provocation à la discrimination raciale concerne une personne prise individuellement, celle-ci n’est pas habilitée à engager l’action publique. En effet, l’article 48, 8°, alinéa 2 ne prévoit pas, contrairement aux deux infractions précédentes, que l’action peut être exercée à la requête de la partie lésée au cas de provocation à la discrimination raciale. L’initiative de l’action publique lui étant refusée, sa marge de manœuvre se résume alors en une double possibilité : soit rejoindre l’instance engagée par voie d’intervention, soit initier l’action civile distinctement de l’action publique.
2. Le contrôle de la recevabilité de l’action exercée par une association
28 Les deux premières conditions, légalement posées à l’article 48-1, tenant à la réalité d’une déclaration régulière et à une ancienneté d’au moins cinq ans, peuvent faire l’objet d’une simple vérification et partant, ne sont pas de nature à soulever de difficultés [59]. En revanche, la question de la conformité des statuts à la lutte contre le racisme ou à l’assistance des victimes de discrimination raciale peut être un argument, quelquefois soulevé par l’auteur du message incriminé, qui oblige alors le juge à en apprécier la réalité [60].
3. Le régime préventif
29 En amont de la mise en œuvre de la poursuite pénale, la loi de 1881 organise, à travers l’exercice du droit de réponse, un régime préventif. Initialement, et parce que de portée générale, seul le droit de réponse de l’article 13 de la loi de 1881 pouvait être invoqué par les personnes mises en cause à l’occasion de la publication de messages à connotation raciale ou raciste. Par suite, la loi du 13 juillet 1990, tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, a introduit un nouvel article 13-1 qui autorise les associations, sous réserve de respecter les conditions de l’article 48-1, à exercer le droit de réponse lorsque « une personne ou un groupe de personnes auront […] fait l’objet d’imputations susceptibles de porter atteinte à leur honneur ou à leur réputation, à raison de leur origine, ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Présenté autrement, cela revient à dire que l’exercice de ce droit de réponse “interposé” est expressément réservé au seul délit de diffamation raciale [61]. L’on ne peut, ici, que regretter que le législateur ait entendu exclure l’injure et la provocation à la discrimination raciales du champ d’application de ce droit de réponse spécial.
30 Pour autant, l’exercice de ce droit de réponse demeure particulièrement contrôlé : d’une part, lorsque la diffamation raciale concerne des personnes considérées individuellement, l’association devra justifier qu’elle a reçu leur accord préalable, d’autre part, tout droit de réponse exercé par une association éteint, par le seul fait de sa publication, le droit de réponse des autres associations. Ceci s’explique notamment par le fait que la règle de l’article 13-1, dérogatoire au caractère éminemment personnel du droit de réponse et qui est d’interprétation stricte, ne saurait avoir pour effet de permettre aux associations de s’immiscer indûment dans l’exercice de la liberté d’expression [62].
B. La répression des infractions
1. Les sanctions pénales
31 Aux termes des articles 32 alinéa 2 et 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881, les délits de diffamation et d’injure raciales sont respectivement punis d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende, ou de l’une de ces deux peines et d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 22 500 euros d’amende. Il est à noter ici, que contrairement à certaines autres infractions de presse, pour lesquelles la loi du 15 juin 2000 [63] a fait disparaître la peine d’emprisonnement [64], les deux peines d’emprisonnement et d’amende ont expressément été reconduites (seule la formulation de l’article 33 alinéa 3 de la loi a été modifiée) [65]. Ce maintien n’est pas innocent qui tend à souligner toute l’importance particulière que le législateur entend attacher à la sévérité de la répression de ces deux infractions [66]. Il se retrouve d’ailleurs, en termes identiques, pour ce qui concerne l’infraction de provocation à la discrimination raciale qui, aux termes de l’article 24 alinéa 6 de la loi de 1881, est réprimée par un an d’emprisonnement et/ou 45000 euros d’amende.
2. Les sanctions complémentaires communes
32 Par ailleurs, en application de la réforme opérée par la loi du 13 juillet 1990 et celle du 16 décembre 1992 [67], au cas de condamnation prononcée pour l’une quelconque des trois infractions à caractère racial, le tribunal est habilité à ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée et ce, selon les conditions de droit commun [68].
3. La sanction complémentaire spéciale
33 Enfin, s’agissant du seul délit de provocation à la discrimination raciale, l’article 24 alinéa 7, 1° de la loi du 29 juillet prévoit la possibilité d’édicter à titre de peine complémentaire, et ce pour une durée de cinq ans au plus, la privation du droit à l’éligibilité ainsi que celle du droit d’exercer une fonction juridictionnelle [69]. Pour autant, cette peine complémentaire n’est pas applicable lorsque la responsabilité de l’auteur de l’infraction est retenue sur le fondement de l’article 42 et de l’article 43 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881, c’est-à-dire en application des règles qui organisent la responsabilité dite “en cascade”.
34 Comme nous l’indiquions au début de la présente étude, il a fallu longtemps pour que la préoccupation législative relative à la lutte contre les délits de presse à connotation raciale et xénophobe atteigne la dimension légale que nous lui connaissons. Pour autant, trente ans après l’entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 1972, certaines interrogations demeurent. Celles-là même qui, en leur temps, sous la plume d’une doctrine autorisée, traduisaient déjà, un sentiment d’imperfection et d’insuffisance [70].
35 Sans doute, le dispositif légal de la lutte antiraciste, tel qu’il ressort des dispositions de la loi de 1881, peut-il paraître encore inadapté face à certains comportements de presse racistes qui demeurent impunis, parce qu’à l’abri de toute poursuite pénale possible. Sans doute aussi, et ceci est la conséquence logique de ce qui précède, peut-il alors sembler nécessaire de dénoncer tant la rigueur des textes et la trop grande précision des éléments qualificatifs de chacune des trois infractions que la trop grande technicité, voire complexité, des différentes règles qui participent à la mise en œuvre de la poursuite pénale. Encore qu’à notre sens, cette argumentation, pour parfaitement pertinente qu’elle soit, dépasse largement le cadre des seules infractions de presse à connotation raciale et concerne tout autant, bon nombre d’autres délits incriminés par la loi de 1881. Sans doute enfin, et en cela la boucle est bouclée, peut-il s’avérer opportun, voire urgent, de proposer une modification législative. A priori, cela n’est pas encore inscrit à l’ordre du jour parlementaire immédiat. En effet, au mois de décembre dernier, les députés ont voté, une fois encore à l’unanimité [71], une proposition de loi déposée par Pierre Lellouche, visant à aggraver le quantum des peines applicables en présence de certains actes racistes ou xénophobes. Pour autant, cette même proposition ne prévoit aucune modification de l’arsenal juridique existant en matière de diffamation, d’injure ou de provocation à la discrimination raciale [72]. L’occasion eût pourtant été idéale pour réaliser la modification des textes espérée.
36 Il est vrai que les exemples ne manquent pas, en jurisprudence, qui ne peuvent que conforter la justesse d’une telle argumentation [73] et bien souvent, l’on recueille ainsi des jugements ou des arrêts qui, pour être parfaitement conformes aux exigences de la loi, n’en demeurent pas moins “regrettables” sur le plan de la réalité sociale.
37 Pour autant, le dispositif français de lutte contre les délits de presse à caractère racial a, non seulement, le mérite d’exister mais encore, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 1972, il ne manque pas, si l’on s’en tient au nombre conséquent de décisions rendues en la matière depuis trente ans, d’être fréquemment utilisé. Alors, certes, dans ce flot prétorien particulièrement pléthorique, il arrive que certains comportements de presse échappent à toute sanction pénale. Le tribut peut sembler lourd à payer qui, pourtant, ne fait qu’illustrer, une fois encore, combien doit être permanente la recherche de l’équilibre entre liberté d’expression et protection des droits de la personne. La précision des textes de la loi de 1881 n’est, en réalité, que le résultat d’une volonté, avouée dès l’origine : préserver la liberté de la presse [74]. Dès lors, au-delà des constats et des propositions, c’est bien la question tenant au maintien de ce même équilibre, par définition tout aussi relatif et instable, qui doit, en tout état de cause, demeurer prioritaire…
38 X. A.
Notes
-
[1]
Cf. sur ce point, P. Auvret, « Écrits et propos racistes », J-Classeur Communication, fasc. n° 3150, éd. du Juris-Classeur, Litec, 2002, spéc. § 5, qui cite chronologiquement les lois du 25 mars 1822, du 9 septembre 1835 et du 18 août 1848.
-
[2]
Du nom du Garde des Sceaux alors en place. D. P. 1939, IV, p. 351.
-
[3]
Cf. article 32, loi du 29 juillet 1881, en sa rédaction originaire.
-
[4]
Cf. article 33, loi du 29 juillet 1881, en sa rédaction originaire.
-
[5]
Pour des raisons évidentes de non compatibilité avec le régime de Vichy.
-
[6]
V. sur ce point, not. J. Foulon-Piganiol, « Réflexions sur la diffamation raciale », D. 1970, chron. XXIX, pp. 133 s.
-
[7]
V. à ce sujet not. E. Dreyer, Droit de l’information, éd. Litec, 2002, spéc. p. 89, n° 177.
-
[8]
Sur ces difficultés, cf. not. J. Foulon-Piganiol, chron. préc. spéc. p. 135.
-
[9]
Lutte qui, s’autorisant notamment des principes consacrés dans les textes internationaux (cf. la Déclaration universelle des droits de l’homme, du 10 décembre 1948, qui, en son article 2, consacre l’égalité des droits et la dignité de tous les membres de la famille humaine « sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, […], de religion, d’opinion […], et d’origine » ; add. l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, du 4 novembre 1950, dispose que « la jouissance des droits et libertés reconnus par la présente convention doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur […] la race, la couleur, la langue, la religion, […], l’origine nationale […] l’appartenance à une minorité nationale […] ») a pu, par ailleurs, être renforcée par l’effet de la loi n° 54-1190 du 29 novembre 1954, portant notamment modification de l’article 2 de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949, relative aux publications destinées à la jeunesse et qui prohibe « les publications […] présentant sous un jour favorable […] tous actes […] de nature à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques. »
-
[10]
V. sur ce point J. Foulon-Piganiol, « Nouvelles réflexions sur la diffamation raciale », D. 1970, chron. XXXV, pp. 163 s.
-
[11]
Sur les conséquences liées à la ratification, par la France, de la Convention internationale en date du 21 décembre 1965, v. not. Ch. Korman, « Le délit de diffusion d’idées racistes », JCP 1989, éd. G., I, n° 3404.
-
[12]
Cf. loi n° 72-546 du 1er juillet 1972, dite loi Pleven, JO du 2 juillet 1972, pp. 6803 s. ; add. J. Foulon-Piganiol, « La lutte contre le racisme », D. 1972, chron. XL, pp. 261 s. ; A. Decocq, in Rev. sc. crim., 1973, pp. 145 s.
-
[13]
En effet, certaines dispositions de la loi du 1er juillet 1972 ont entraîné d’une part, la création de nouvelles infractions pénales de droit commun (cf. not. l’article 6 de la loi qui a institué l’ancien art. 187-1 C. pén. (auj. art. 432-7 nouv. C. pén.) relatif à la discrimination commise not. par une personne dépositaire de l’autorité publique ; cf. l’article 7 de la loi qui a inséré l’ancien art. 416 C. pén. (auj. art. 225-2 nouv. C. pén.) relatif not. au refus discriminatoire d’un bien ou d’un service ainsi qu’au refus discriminatoire d’embauche), d’autre part, l’instauration de nouvelles règles processuelles (cf. l’article 8 de la loi qui, en insérant un nouvel art. 2-1 au C. proc. pén., autorise les associations agréées, sous la seule condition qu’un délai de cinq ans se soit écoulé à compter de la déclaration, à se constituer partie civile).
-
[14]
Cf. art. 3 et art. 4 de la loi du 1er juillet 1972 portant respectivement modification des articles 32 al. 2 et 33 al. 3 de la loi du 29 juillet 1881.
-
[15]
Cf. art. 3 et 4 de la loi du 1er juillet 1972 préc.
-
[16]
Cf. art. 1er de la loi du 1er juillet 1972 portant insertion d’un nouvel article 24 al. 6 dans la loi du 29 juillet 1881.
-
[17]
Cf. art. 5, I de la loi du 1er juillet 1972 portant modification de l’article 48, 6° de la loi du 29 juillet 1881. Ce qui n’exclut pas, par ailleurs, que la poursuite puisse être exercée sur plainte de la personne diffamée ou injuriée.
-
[18]
Cf. art. 5, II de la loi du 1er juillet 1972 portant insertion d’un nouvel article 48-1 dans la loi du 29 juillet 1881.
-
[19]
Loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, JO du 14 juillet 1990, pp. 8333 ; add. E. Derieux, « Répression du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie », commentaire in Légipresse 1990, n° 75, IV, pp. 56 s.
-
[20]
Cf. art. 7 de la loi du 13 juillet 1990 portant insertion d’un nouvel article 13-1 dans la loi du 29 juillet 1881, qui vise expressément l’hypothèse « d’imputations susceptibles de porter atteinte à leur honneur ou à leur réputation à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », ce qui exclut donc le délit d’injure raciale ainsi que celui de provocation à la discrimination raciale du champ d’application de ce droit de réponse spécial.
-
[21]
V. not. Ch. Korman, « Le délit de diffusion d’idées racistes », chron. préc. ; add. du même auteur, « La situation française en matière de législation antiraciste », in Légipresse 1998, n° 156, II, pp. 130 s. ; E. Derieux, « Lutte contre le racisme », in Légipresse 1996, n° 135, II, pp. 121 s.
-
[22]
V. encore Ch. Korman, comm. sous Paris, 9 décembre 1992, in Légipresse 1993, n° 103, III, pp. 94 s.
-
[23]
Cf. note 1- pour l’absence de diffamation raciale : Cass. crim. 5 mars 2002, in Légipresse 2002, n° 193, III, pp. 119 s. ; TGI Paris, 12 juillet 2002, in Légipresse 2002, n° 195, I, p. 116 ; Civ. 2e, 26 avril 2001, in Légipresse 2001, n° 183, I, p. 92 ; 2- pour l’absence de délit d’injure raciale : Cass. crim. 12 septembre 2000, in Légipresse 2000, n° 177, III, pp. 214 s. ; TGI Paris, 26 janvier 1998, in Légipresse 1998, n° 152, I, p. 71 ; 3- pour l’absence de délit de provocation à la haine : TGI Paris, 12 juillet 2002, in Légipresse 2002, n° 195, I, p. 124 ; TGI Paris, 8 novembre 2000, in Légipresse 2001, n° 178, I, p. 11.
-
[24]
Cf. G. Barbier, Code expliqué de la presse, 2e éd. Marchal et Billard, Paris, vol. 1, spéc. n° 243 : en matière de presse, « c’est la publication qui fait le délit ».
-
[25]
V. not. sur ce point B. Ader, « Évolution de la notion de publication : de la presse écrite à Internet », in Légipresse 1999, n° 165, II, pp. 123 s.
-
[26]
En cela que c’est cet article 23, tel qu’il résulte des modifications opérées par la loi du 1er juillet 1972 (art. 2) et par celle du 13 décembre 1985, JO du 14 décembre 1985, pp. 14535 (art. 18-1), qui dresse la liste des différents actes de publication susceptible d’entraîner la qualification d’infractions de presse.
-
[27]
À défaut de publicité, l’infraction ne saurait être constituée au regard des dispositions de la loi de 1881 et doit alors conduire le juge à une requalification des faits. V. sur ce point note TGI Paris, 24 novembre 2000, in Légipresse 2001, n° 183, I, p. 92 (à propos de la requalification en provocation non publique à la discrimination raciale).
-
[28]
Cf. TGI Paris, 26 mars 2002, in Légipresse 2002, n° 192, I, p. 77. La solution est, par ailleurs, classiquement retenue pour l’ensemble des autres délits de la loi de 1881 : v. note pour la diffamation TGI Paris, 30 avril 1997, Gaz. Pal. 1997, 2, somm., p. 393, note C. Rojinsky ou bien encore TI Puteaux, 28 septembre 1999, in Légipresse 2000, n° 168, III, p. 19, obs. Ch. Bigot.
-
[29]
Cf. Cass. crim., 5 mars 2002, in Légipresse 2002, n° 193, III, p. 119 ; add. not. dans le même sens TGI Paris, 17 juillet 2002, in Légipresse 2002, n° 195, I, p. 116 (à propos de la diffamation raciale et de la provocation à la discrimination raciale) ; TGI Paris, 8 novembre 2000, in Légipresse 2001, n° 178, I, p. 11 (à propos de l’injure raciale et de la provocation à la discrimination raciale) ; v. aussi TGI Paris, 9 septembre 1999, in Légipresse 2000, n° 170, I, p. 35 ; TGI Paris, 2 décembre 1999, in Légipresse 2000, n° 170, I, p. 36.
-
[30]
V. note Cass. crim., 5 mars 2002, préc. ; Cass. crim., 12 septembre 2000, in Légipresse 2000, n° 177, III, p. 214 ; Cass. crim., 28 avril 1998 (2e espèce), in Légipresse 1998, n° 156, III, p. 148 ; Cass. crim., 21 octobre 1997, in Légipresse 1998, n° 156, I, p. 134 ; Cass. crim., 21 mai 1996, in Légipresse 1997, n° 140, III, p. 35 ; Cass. crim., 2 mars 1993, in Légipresse 1994, n° 110, III, p. 44 ; Cass. crim., 8 octobre 1991, in Légipresse 1992, n° 92, I, p. 71 ; Cass. crim., 20 février 1990, in Légipresse 1991, n° 81, I, p. 43 ; Cass. crim., 30 janvier 1990, Gaz. Pal. 1990, 2, somm., p. 535 ; Cass. crim., 21 mars 1989, in Légipresse 1989, n° 64, I, p. 54 ; Cass. crim., 6 mai 1986, Bull. crim., n° 153.
-
[31]
En revanche, le parallèle s’arrête là : en effet, contrairement à ce qui est admis en matière de diffamation classique envers les particuliers, la diffamation raciale n’autorise pas l’exceptio veritatis, ce qui implique qu’il est interdit de rapporter la preuve de la vérité d’une diffamation raciale : v. à ce sujet note Paris, 28 septembre 1995, in Légipresse 1996, n° 129, III, p. 19 ; TGI Paris, 4 juillet 1994, in Légipresse 1994, n° 114, I, p. 96 ; Cass. crim., 4 novembre 1972, Bull. crim., n° 236.
-
[32]
V. note TGI Paris, 26 mars 2002, in Légipresse 2002, n° 192, I, p. 77 (relève de la diffamation raciale, le message présentant la communauté juive comme « manipulant des masses, volant des terres, vivant de l’argent du porno, de la drogue ou de l’escroquerie ») ; Paris, 16 décembre 1998, in Légipresse 1999, n° 159, I, p. 23 (à propos de l’expression « Shoah business », suggérant l’idée d’une falsification historique délibérée dans le but d’en retirer des profits politiques et financiers et qui constitue le délit de diffamation raciale) ; Cass. crim., 8 octobre 1991, in Légipresse 1990, n° 92, I, p. 71 (est constitutif de diffamation raciale l’exposé des thèses révisionnistes contestant que pendant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement allemand ait exterminé six millions de juifs).
-
[33]
V. not. TGI Paris, 12 juillet 2002, in Légipresse 2002, n° 195, I, p. 116 ; add. Civ. 2e, 26 avril 2001, in Légipresse 2001, n° 183, I, p. 92 (absence d’allégation de faits précis imputés à un groupe religieux) ; Cass. crim., 28 avril 1998, in Légipresse 1998, n° 156, III, p. 149 (absence d’allégation de faits précis à propos d’un article assimilant la communauté chrétienne à une secte abominable) ; TGI Paris, 9 septembre 1999, in Légipresse 2000, n° 170, I, p. 35 (absence de diffamation envers un groupe de personnes à propos d’un article dénonçant les agissements de certains membres de l’association des témoins de Jéhovah) ; TGI Paris, 2 décembre 1999, in Légipresse 2000, n° 170, I, p. 36 (à propos d’un article présentant une personne comme étant favorable à la présence musulmane dans une France multiconfessionnelle et à l’implantation des mosquées).
-
[34]
Le cas échéant, à défaut d’imputation ou d’allégation de tout fait précis, il conviendra, par exemple, de se fonder sur le délit d’injure raciale.
-
[35]
Cf. TGI Paris, 12 juillet 2002, préc. (en l’espèce, toutes les déclarations incriminées ne faisaient que révéler des critiques et des réactions envers la politique ou le comportement de l’État d’Israël à l’égard du peuple palestinien, dans le cadre du conflit qui les oppose) ; add. not. dans le même sens Paris, 30 janvier 1991, in Légipresse 1992, n° 90, I, p. 39 ; TGI Paris, 26 février 1992, in Légipresse 1992, n° 96, I, p. 127.
-
[36]
Il est classiquement admis, en effet, que le délit de diffamation absorbe celui de l’injure. V. sur ce point note Ch. Debbasch, H. Isar, X. Agostinelli, Droit de la Communication, Dalloz, 1re éd., 2002, spéc. p. 618, n° 1093 et la jurisprudence citée.
-
[37]
V. note sur ce point, Ch. Korman, « Le délit de diffusion d’idées racistes », chron. préc. ; add. E. Derieux, « Lutte contre le racisme », chron. préc. (à propos des déclarations de J.-M. Le Pen sur « l’inégalité des races »).
-
[38]
Cf. not. TGI Paris, 12 juillet 2002, préc. (à propos de la diffusion radiophonique de commentaires émanant d’auditeurs dans le cadre d’une série d’émissions consacrées à des reportages sur la bande de Gaza et en Israël) ; v. sur cette affaire également le site internet de Reporters sans frontières (http://www.rsf.fr) ainsi que celui d’Action Critique Médias (http://acrimed.org) où l’on apprend notamment que le même journaliste fait encore l’objet de nouvelles poursuites pour avoir diffusé à l’antenne les propos de Hans Munch, dernier médecin nazi à Auschwitz.
-
[39]
Cf. art. 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881.
-
[40]
Pour une première illustration, v. not. Cass. crim., 12 septembre 2000, in Légipresse 2000, n° 177, III, p. 214 : à propos de l’emploi de termes tels que « traîtres à la patrie » insérés dans un article relatif à la communauté des harkis et pour lesquels le délit d’injure raciale n’a pas été retenu au motif que les propos incriminés « fustigeaient les Français musulmans, non à raison de leur appartenance religieuse ou ethnique, mais à raison de leur choix politique au moment de la guerre d’Algérie » (cassation sans renvoi de Montpellier 16 décembre 1998).
-
[41]
V. note TGI Paris, 8 novembre 2000, in Légipresse 2001, n° 178, I, p. 11 (à propos de la diffusion d’un tract dénonçant les « irréguliers », les « clandestins sans papiers » ainsi que les « délinquants, dealers, marginaux » qui, pour constituer une critique violente de la politique d’immigration, ne relève pas, en l’absence de toute mise en cause d’une communauté en raison de son origine ou de sa religion, du délit d’injure raciale) ; TGI Paris, 26 janvier 1998, in Légipresse 1998, n° 152, I, p. 71 (à propos des paroles d’une chanson qui, bien que s’inspirant d’un courant antimilitariste et antinationaliste, ne recèlent pas pour autant une intention délibérée de nuire et une portée injurieuse à l’égard des Français).
-
[42]
V. note Paris, 10 novembre 2000, in Légipresse 2001, n° 178, I, p. 11 (à propos de l’expression « tant va Lévy au four […] qu’à la fin il se brûle », prononcée par un magistrat et qui, par l’association des trois mots qu’elle induit, évoque le génocide dont a été victime la communauté juive sous le régime nazi) ; TGI Paris, 10 décembre 1998, in Légipresse 1999, n° 163, I, p. 84 (à propos de l’emploi des termes « métèques », « noirs mal blanchis » ou bien encore « couleuvres » et qui apparaissent injurieux à l’égard des différentes communautés visées) ; Paris, 8 octobre 1997, in Légipresse 1998, n° 157, I, p. 151 (sur le fait de qualifier un individu d’origine africaine, de « gros zébu fou »).
-
[43]
L’on sait, en effet, combien est délicate à cerner la frontière qui sépare la diffamation de l’injure.
-
[44]
Cf. Cass. crim., 12 septembre 2000, préc. En l’espèce, les juges du fond avaient admis que le plaignant, qui s’était porté partie civile, justifiait, en tant que fils de harki, pouvoir se reconnaître comme légitimement offensé. Le moyen soulevé en cassation par la défense, tendant à faire prévaloir que le plaignant n’était pas personnellement visé n’a pas été retenu par la Haute juridiction.
-
[45]
Là où le législateur a entendu distinguer, n’y a-t-il pas lieu raisonnablement à opérer la distinction ?
-
[46]
Par analogie, rien n’interdit, a priori, de penser que la même solution puisse être étendue au délit de diffamation raciale…
-
[47]
Cf. Introduction supra.
-
[48]
V. not. TGI Paris, (17e ch. corr.), 12 juillet 2002, préc.
-
[49]
Cf. not. Cass. crim, 21 mai 1996, Bull. crim., n° 210
-
[50]
V. not. TGI Paris, 12 juillet 2002, in Légipresse 2002, n° 195, I, p. 124 ; add. TGI Paris, 13 septembre 2000, in Légipresse 2000, n° 177, I, p. 156.
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[51]
Cf. Cass. crim., 13 novembre 2001, in Légipresse 2002, n° 189, III, p. 24 ; add. dans le même sens TGI Paris, 15 juin 200, in Légipresse 2000, n° 175, I, p. 123 (à propos de la publication d’un texte constituant une exhortation au rejet de la population se réclamant de la religion islamique) ; Paris, 16 décembre 1998, in Légipresse 1999, n° 159, I, p. 24 (à propos d’un article imputant, entre autre, à la communauté juive de constituer une minorité concentrée dans certains domaines) ; TGI Paris, 20 janvier 1998, in Légipresse 1998, n° 154, I, p. 105 (à propos d’un article désignant l’ensemble de la communauté musulmane comme responsable des massacres commis en Algérie et annonçant qu’ils seront bientôt commis en France) ; Cass. crim., 4 novembre 1997, in Légipresse 1998, n° 156, I, p. 134 (à propos d’une chanson parodique invitant à « casser du noir ») ; Cass. crim., 21 mai 1996, in Légipresse 1997, n° 140, III, p. 35 (à propos d’un article relatant différents faits divers mettant en cause des personnes originaires de différentes communautés et de nature à susciter chez le lecteur des réactions de rejet, voire de haine et de violence) ; Paris, 5 avril 1995, in Légipresse 1995, n° 125, I, p. 89 (à propos d’un dessin révélant un antagonisme racial et suscitant une insatisfaction de nature à entretenir un sentiment de rejet et de haine à l’égard des femmes et des hommes de race noire).
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[52]
Cf. Cass. crim., 14 mai 2002, in Légipresse 2002, n° 196, I, p. 140.
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[53]
Et de fait, au plus la provocation apparaîtra-t-elle indirecte, au plus la légitimité du débat sera-t-elle revendiquée.
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[54]
V. en ce sens not. Cass. crim., 13 novembre 2001, préc. ; add. Cass. crim., 13 mars 1989, in Légipresse 1989, n° 67, I, p. 79 ; add. dans le même sens Cass. crim., 14 mai 2002, préc.
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[55]
Voire, dans certains cas, sur la plainte déposée par l’autorité dont la victime elle-même relève.
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[56]
Ce qui opère donc un retour au principe posé à l’art. 47 de la loi de 1881 et dispense ainsi le ministère public du dépôt d’une plainte préalable de la victime pour pouvoir initier la poursuite.
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[57]
Encore que s’agissant de ce droit d’action reconnu à ces associations, il importe d’opérer une distinction selon que l’infraction aura été commise ou non envers des personnes considérées individuellement. En effet, si dans la négative, l’association peut librement exercer les droits reconnus à la partie civile, en revanche, dans l’affirmative, elle doit justifier avoir reçu l’accord des personnes mises en cause (cf. art. 48-1, al., 2 loi de 1881).
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[58]
Cf. not. Paris, 10 juillet 1991, in Légipresse 1992, n° 89, I, p. 26 (à propos de l’irrecevabilité de l’action civile d’une association en l’absence d’accord préalable des personnes désignées dans l’article litigieux).
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[59]
Sauf à retenir l’hypothèse de modification des statuts. Sur ce point cf. note Nath. Mallet-Poujol, « L’action judiciaire des associations en droit des médias », in Légipresse 2002, n° 193, II, pp. 95 s.
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[60]
V. not. Civ. 1re, 14 novembre 2000, in Légipresse 2001, n° 178, I, p. 11 (à propos de l’action d’une association en vue de la défense des sentiments religieux) ; Cass. crim., 16 avril 1991, in Légipresse 1992, n° 88, I, p. 11 (à propos de l’absence textuelle de toute condition tenant à l’unicité de l’objet statutaire d’une association) ; Cass. crim., 16 avril 1991, in Légipresse 1992, n° 91, I, p. 57 (à propos de la modification des statuts d’une association) ; Paris, 21 novembre 1990, in Légipresse 1991, n° 86, I, p. 116 (à propos de la correspondance entre les statuts d’une association et l’intérêt à agir à l’occasion d’une infraction à caractère racial).
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[61]
V. not. sur ce point TGI Paris, 5 février 1992, in Légipresse 1992, n° 89, III, p. 28. Voir également l’article de B. Ader, p. 56.
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[62]
Sur les conditions d’exercice de ce même droit de réponse, v. note TGI Paris, 29 mars 2000, in Légipresse 2000, n° 172, I, p. 77 ; add. TGI Paris, 5 février 1992, in Légipresse 1992, n° 89, III, p. 28.
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[63]
Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, JO du 16 juin 2000, pp. 9038 s.
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[64]
Il en est ainsi de la répression du délit de diffamation envers les particuliers (art. 32 al. 1er, loi de 1881) ou de celle du délit d’injure envers les particuliers lorsqu’elle n’a pas été précédée de provocation (art. 33 al. 2, loi de 1881).
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[65]
Cf. art. 90, V, 3° de la loi du 15 juin 2000, préc.
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[66]
Pour preuve, l’article 63 al. 1er de la loi du 29 juillet 1881, tel que résultant de la loi du 1er juillet 1972 (art. 10) retient que l’aggravation des peines résultant de la récidive n’est applicable que pour ce qui concerne les seuls délits de diffamation, d’injure et de provocation à la discrimination raciales.
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[67]
Loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992, JO du 17 décembre 1992.
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[68]
Cf. art. 32 al. 3, 1° (diffamation raciale), art. 33 al. 4, 1° (injure raciale), art. 24 al. 7, 2° (provocation à la discrimination) qui renvoient expressément à l’art. 131-35 nouv. C. pén.
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[69]
Conformément aux dispositions de droit commun telles qu’énumérées aux 2° et 3° de l’art. 131-26 nouv. C. pén.
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[70]
Cf. note E. Derieux, « Lutte contre le racisme », chron. préc. ; add. Ch. Korman, « La situation française en matière de législation antiraciste », chron. préc.
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[71]
Cela avait déjà été le cas en 1972 : c’est dire combien le consensus général est réel autour de la lutte contre le racisme et la xénophobie.
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[72]
Devant les députés, M. Pierre Lellouche (UMP) a, en effet, exposé que sa proposition de loi était volontairement limitée et que les modifications, telles que l’allongement du délai de prescription pour les infractions à caractère raciste ou xénophobe commises par voies de presse ainsi que l’aggravation des peines encourues feront l’objet d’un projet de loi distinct.
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[73]
Cf. not. TGI Paris, 19 novembre 1996, in Légipresse 1997, n° 139, I, p. 24 ; Paris, 31 janvier 1995, in Légipresse 1995, n° 123, I, p. 69 (pour une décision de non-lieu) ; TGI Paris, 31 mai 1991, in Légipresse 1991, n° 82, III, p. 65 ; Cass. crim., 11 octobre 1990, in Légipresse 1991, n° 84, III, p. 97 ; Paris, 20 septembre 1990, in Légipresse 1991, n° 80, I, p. 31 ; TGI Paris, 18 décembre 1989, in Légipresse 1990, n° 72, III, p. 61, obs. E Derieux.
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[74]
V. en ce sens not. C. Rojinsky, « L’autonomie inachevée du droit de la presse », in Légipresse 2002, n° 193, III, pp. 85 s. qui, au tout début de son étude, souligne à propos de la loi de 1881 que : « Si ce texte prévoit des règles spécifiques quant aux procédures et aux infractions au droit de la presse, ce n’est donc pas pour protéger la liberté d’expression mais la liberté de publication. Ces règles ont été voulues très contraignantes afin de limiter leur utilisation, et de préserver la liberté de la presse nouvellement proclamée. »