Notes
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[1]
Sur les contrats du commerce électronique, on pourra se reporter à Vivant (M.), Les contrats du commerce électronique, Litec, 1999.
-
[2]
Voir Huet (J.), “Commerce électronique, Loi applicable et règlement des litiges, Propositions des grandes entreprises (GBDe)”, JCP 1999, n° 40, Aperçu rapide.
-
[3]
Voir “Commerce électronique : Le BEUC satisfait du projet de règlement sur les tribunaux compétents”, Europolitique, n° 2423, 10 juillet 1999, p. 6. Ou encore sur la position des consommateurs : “Commerce électronique : Industrie versus consommateurs”, Europolitique, n° 2450, 11 novembre 1999, p. 1.
-
[4]
Arrêt Mercator Press : Cass. civ. 1, 25 mars 1980, RCDIP 1980, 576, note Batiffol, JDI 1980, 650, note Kahn.
-
[5]
Ainsi Cass. civ. 17 décembre 1985, RCDIP 1986, 537, note Gaudemet-Tallon, D. 1986, IR 265, obs. Audit ; 25 novembre 1986, RCDIP 1987, 396, note Gaudemet-Tallon.
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[6]
Gaudemet-Tallon (H.), La prorogation volontaire de juridiction en droit international privé, Dalloz, 1965, p. 186.
-
[7]
« Afin de promouvoir les intérêts des consommateurs et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs... »
-
[8]
JOCE C 23, 28 janvier 1999, p. 1.
-
[9]
“Contrats conclus par les consommateurs : « 1.. Le présent article s’applique aux contrats ayant pour objet la fourniture d’objets mobiliers corporels ou de services à une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ainsi qu’aux contrats destinés au financement d’une telle fourniture. 2. Nonobstant les dispositions de l’article 3, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle : — si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat, ou — si le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans ce pays, ou — si le contrat est une vente de marchandises et que le consommateur se soit rendu de ce pays dans un pays étranger et y ait passé commande, à la condition que le voyage ait été organisé par le vendeur dans le but d’inciter le consommateur à conclure une vente. 3. Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, s’ils sont intervenus dans les circonstances décrites au paragraphe 2 du présent article. 4. Le présent article ne s’applique pas : a) au contrat de transport ; b) au contrat de fourniture de services lorsque les services dus au consommateur doivent être fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle. 5. Nonobstant les dispositions du paragraphe 4, le présent article s’applique au contrat offrant pour un prix global des prestations combinées de transport et de logement. ».
-
[10]
Voir, par exemple, là-dessus Huet (J.), “Aspects juridiques du commerce électronique : approche internationale”, Petites affiches 26 septembre 1997, n° 116, p. 6 ; Vivant (M.), et Stanc (C.) et alii, Lamy Informatique et Réseaux, éd. de 1999, n° 2578.
-
[11]
Une proposition peut être spécialement faite via l’internet. Une publicité peut l’être aussi, dès lors tout particulièrement qu’il est recouru à la technique du “push” (et non plus du “pull”), ce qui supposera bien sûr preuve, mais preuve qui peut être administrée par la démonstration qu’un “cooky” a été déposé dans l’ordinateur du cyberconsommateur. Quand la publicité est seulement “ciblée” sur un pays (et non point adressée spécifiquement à l’internaute), les choses sont moins bien assurées et l’on comprend que les deux thèses puissent être soutenues : publicité “faite” dans le pays (ce qui, de notre point vue, est assez pertinent) ou non.
-
[12]
Une lecture comme celle faite dans le Rapport Giuliano et Lagarde sur la convention (JOCE C 282, 31 oct. 1980, spéc. n° 133), reprise par la suite par le professeur Lagarde dans sa présentation du nouveau droit issu de la convention, quand il écrit : « Peu importe où le contrat a été juridiquement conclu, du moment que c’est dans le pays de sa résidence habituelle que le consommateur a signé les papiers qui lui étaient présentés ou a envoyé sa commande au fournisseur » Lagarde (P.), “Le nouveau droit international privé des contrats après l’entrée en vigueur de la convention de Rome du 19 juin 1980”, RCDIP 1980, 288, spéc. n° 38), pousserait plutôt à une réponse positive. Il ne s’agit plus de signature de papier mais on peut raisonner en termes de signature électronique. Il ne s’agit plus d’un envoi physique de commande, mais il s’agit bien toujours d’envoi d’une commande.
-
[13]
Comme le fit, par exemple, la loi suisse du 18 décembre 1987 imposant en toutes circonstances le jeu de la loi de la résidence habituelle du consommateur.
-
[14]
Lagarde (P.), art. précité, spéc. n° 35.
-
[15]
« Article 13 En matière de contrat conclu par une personne pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ci-après dénommée “le consommateur”, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5 paragraphe 5 : 1. lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels ; 2. lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets ; 3. pour tout autre contrat ayant pour objet une fourniture de services ou d’objets mobiliers corporels si : (a) la conclusion du contrat a été précédée dans l’État du domicile du consommateur d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et que (b) le consommateur a accompli dans cet État les actes nécessaires à la conclusion de ce contrat. Lorsque le cocontractant du consommateur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État contractant, mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État contractant, il est considéré pour les contestations relatives à leur exploitation comme ayant son domicile sur le territoire de cet État. La présente section ne s’applique pas au contrat de transport. Article 14 : L’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les tribunaux de l’État contractant sur le territoire duquel est domicilié cette partie, soit devant les tribunaux de l’État contractant sur le territoire duquel est domicilié le consommateur. L’action intentée contre le consommateur par l’autre partie au contrat ne peut être portée que devant les tribunaux de l’État contractant sur le territoire duquel est domicilié le consommateur. Ces dispositions ne portent pas atteinte au droit d’introduire une demande reconventionnelle devant le tribunal saisi d’une demande originaire conformément à la présente section.”
-
[16]
Voir supra.
-
[17]
JOCE C 59, 5 mars 1979, n° 158.
-
[18]
Précité.
-
[19]
Il est vrai qu’ici les parties ont un peu plus de liberté, puisque la convention ouvre la porte à des dérogations. L’article 15 pose en effet, quoi qu’en une forme négative : « Il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions : 1. postérieures à la naissance du différend ou 2. qui permettent au consommateur de saisir d’autres tribunaux que ceux indiqués à la présent section ou 3. qui passées entre le consommateur et son cocontractant ayant, au moment de la conclusion du contrat, leur domicile ou leur résidence habituelle dans un même État contractant, attribuent compétence aux tribunaux de cet État sauf si la loi de celui-ci interdit de telles conventions ». Mais, lecture du texte faite, force est de constater que l’hypothèse visée à l’article 15.3 est de portée limitée et de faible intérêt et que celle visée à l’article 15.2 tend à donner une plus grande marge de manœuvre au consommateur. C’est donc surtout à l’article 15.1 qu’il faut s’arrêter pour constater qu’il permet aux parties de déroger aux dispositions conventionnelles, mais par un accord postérieur à la naissance du différend. C’est dire que, par hypothèse même, on ne peut tabler là-dessus pour s’assurer que tel ou tel juge sera dit compétent, en dehors des prévisions de la convention.
-
[20]
Cf. par exemple, la présentation des règles retenues par les conventions de Bruxelles et Lugano en matière d’assurances et de contrats conclus par les consommateurs, par le Professeur Gaudemet-Tallon qui les décrit comme des « règles de compétence protectrices d’une partie faible » (Gaudemet-Tallon (H.), Les conventions de Bruxelles et de Lugano, LGDJ, 2e éd., 1996, p. 177).
-
[21]
Rubrique : “Droit applicable et compétence juridictionnelle”.
-
[22]
Nous la reprendrons à notre compte.
-
[23]
Notons ici brièvement que l’article 3.1 de la proposition de directive sur le commerce électronique n’a pas le sens qu’on lui voit parfois prêter (qui serait l’affirmation de la compétence de la seule loi du prestataire). Quand il dit : « chaque État membre veille à ce que les services de la société de l’information fournis par un prestataire établi sur son territoire respectent les dispositions nationales applicables dans cet État membre relevant du domaine coordonné de la présente directive », il est clair que, disposant sur le “statut” des acteurs, il ne pose rien quant à la loi applicable aux contrats.
-
[24]
En l’occurrence Yahoo ! Europe.
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[25]
Voir http://europa.eu.int.
-
[26]
“E-commerce... requires specific rules based on the “country of origin” principle”.
-
[27]
Voir supra.
-
[28]
« Effective consumer protection, ICC believes, cannot be achieved by applying traditional consumer protection concepts. » « Electronic commerce will not be viable if transactions were potentially subject to each set of laws in the jurisdiction of every potential consumer laws that vary greatly from one jurisdiction to another and may even be inconsistent. »
-
[29]
Sur la position des associations de consommateurs, voir supra.
-
[30]
Internet et les réseaux numériques, La documentation française 1998, p. 75 sqq.
-
[31]
“Contribution du MEDEF au Document d’orientation du Gouvernement relatif à l’adaptation du cadre législatif de la Société de l’information”, de décembre 1999.
-
[32]
Éditions de Bercy, spéc. p. 108.
-
[33]
Document précité, p. 28.
-
[34]
Ibid.
-
[35]
Table ronde sur le commerce électronique à paraître au JCP éd. Entreprise.
-
[36]
Voir supra.
-
[37]
Commission des communautés, Doc. COM (1999) 348 final, 14 juillet 1999.
-
[38]
Voir supra.
-
[39]
Rapport du Conseil d’État, précité.
-
[40]
Ce qui, soit dit en passant, n’interdit donc pas des réserves.
-
[41]
Où l’on peut lire sous l’intitulé : “Dispositions contraignantes” : « 1. Le consommateur ne peut renoncer aux droits qui lui sont conférés en vertu de la transposition en droit national de la présente directive. 2. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que le consommateur ne soit pas privé de la protection accordée par la présente directive du fait du choix du droit d’un pays tiers comme droit applicable au contrat, lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire d’un ou de plusieurs des États membres. »
-
[42]
Point universellement. Soyons réaliste.
-
[43]
Comme on peut le lire dans un document, confidentiel, que nous avons eu entre les mains, issu d’un important groupement d’entreprises.
-
[44]
Voir supra.
1 LE DÉVELOPPEMENT du commerce électronique “B to C”, passe, à l’évidence, par une sécurisation du consommateur sans laquelle la confiance des différents acteurs ne saurait s’établir. Mais, contre un discours ambiant convenu, l’honnêteté oblige à dire que cette confiance n’est que faiblement au rendez-vous. Le consommateur craint de ne rien trouver derrière la vitrine qui l’a séduit. Le professionnel craint pour son paiement. Les deux, à dire vrai, s’interrogent sur celui-ci...
2 La réponse est, à n’en pas douter, d’abord technique. C’est à travers la mise en place de procédés fiables d’identification, d’authentification, par le recours au chiffrement que cette sécurité, recherchée, pourra être effectivement offerte. Il n’est pas légitime que le droit soit une entrave à ce mouvement et il est heureux que, de fait, il le soit de moins en moins.
3 Mais, plus positivement, la sécurité, sous certains de ses aspects, peut et doit procéder du droit. Il en est ainsi de la question, qui pourrait paraître “technique” ou “académique” si elle n’était l’objet d’âpres débats de la part des intéressés, de la désignation de la loi applicable au contrat unissant “cybercommerçant” et “cyberconsommateur” comme de celle de la désignation du juge compétent en pareil cas [1].
4 Les débats sont âpres. Ils le sont d’autant plus que la crispation sur des positions convenues et/ou des idées reçues est ici fréquente. Les “grandes entreprises” (du moins dans un raccourci commode) défendent au sein du “Global Business Dialogue” l’idée que seule la loi du professionnel devrait avoir à jouer, de même que seul devrait être dit compétent “son” juge [2]. Les associations de consommateurs, on ne saurait s’en étonner, défendent la position contraire [3]. On évoque, selon les cas, l’unité du droit ou la spécificité du commerce électronique, et, bien sûr, des déterminismes contraires...
5 Une réflexion libre n’en est que plus opportune. Elle doit s’appuyer, nous semble-t-il, sur quelques rappels nécessaires et quelques observations réalistes. Chacun sait que la règle est en matière contractuelle la liberté (I) mais, si l’on sait aussi que cette liberté est “bridée”, encore faut-il observer en quels termes (II). En termes plus prospectifs, il convient de se demander précisément, une fois ces bases indiquées, s’il faut, ou non, “débrider” cette liberté (III).
I – Un principe de liberté
6 La règle est la liberté
7 Et cette liberté est, d’abord, celle de choisir la loi applicable au contrat. La conception objectiviste de l’élection de la loi pertinente pour régler une relation contractuelle, défendue avec talent par H. Batiffol, et consacrée en 1980 par la Cour de cassation française [4] a vécu. La convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, qui constitue désormais le droit commun des États membres de l’Union européenne, pose clairement en son article 1er : « le contrat est régi par la loi choisie par les parties ». Et, s’appuyant sur les dispositions subséquentes qui permettent aux parties de faire ce choix pour tout ou partie du contrat, de procéder au “dépeçage” du contrat (désignation simultanée de plusieurs lois), de revenir sur un choix fait, tous les commentateurs sont d’accord pour dire que la désignation de la loi est au pouvoir des parties.
8 Mais la liberté est aussi la règle en matière de désignation du juge appelé à intervenir. La Cour de cassation française a expressément admis la prorogation internationale de compétence [5] et le fait que le litige soit international paraît bien suffire à justifier qu’il puisse y avoir prorogation de compétence au point qu’on a pu dire : « la prorogation de juridiction n’est soumise à aucune condition de fond positive » [6]. La lecture de l’article 17, extrêmement libéral, de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, relative à la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (concernant les pays membres de l’Union européenne), comme celle de l’article 17, parallèle, de la convention de Lugano du 16 septembre 1988 ayant même objet (mais concernant les pays membres de l’Union européenne et les pays membres de l’AELE), articles relatifs aux élections de for, ne peut que conforter ce sentiment.
9 Tout n’est pas possible, pourtant...
II – Une liberté bridée
10 Si le principe est bien un principe de liberté, les conventions de Rome d’une part, de Bruxelles et Lugano d’autre part, ne laissent pas, toutefois, les contractants entièrement libres. Dans le contexte du droit contemporain très soucieux de consumérisme, cela ne doit pas surprendre, bien au contraire. S’agissant de l’Europe communautaire, cela l’est d’autant moins que le traité de Maastricht a posé que la Communauté a notamment pour fin : « d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs » (art. 129 A) et l’on trouve aujourd’hui cet objectif à l’article 153 du traité de Rome tel qu’issu de la révision d’Amsterdam [7]. Le Conseil, dans sa Résolution du 19 janvier 1999 sur la dimension consumériste de la Société de l’information, a même, quant à lui, souligné que la protection des consommateurs méritait une protection particulière dans le cadre de celle-ci [8].
11 Il est clair que ces textes ne peuvent être perdus de vue dans le débat présent.
Une liberté bridée s’agissant de la loi applicable
12 Il s’agit ici des dispositions de l’article 5 de la convention de Rome qui pose, à certaines conditions, que l’élection d’une loi donnée ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle [9].
- La première observation, que l’on ne manque jamais de faire d’ailleurs, est que cet article 5 suppose des conditions de mise en œuvre dont la transposition au cas de l’internet et du commerce électronique est malaisée [10]. Si l’on prend l’exemple du premier cas envisagé par le texte qui vise la situation où : « la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays [de résidence du consommateur] d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité [et où] le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat ». On laissera même de côté la question de savoir quand il y a proposition ou publicité selon les prévisions du texte [11]. Reste à savoir si on peut dire qu’en pianotant sur son clavier, le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat ; la frappe du clavier, le “clic” ou le “double clic” peuvent-ils être analysés comme de tels actes ? L’hésitation est permise [12].
- Mais, dans la perspective qui est la nôtre, il est bien plus intéressant de noter que l’option faite ne consiste pas à imposer d’autorité la loi du consommateur [13], mais bien de réserver le jeu des “dispositions impératives” de cette loi lorsque, “après une comparaison concrète” [14], elles se révéleraient plus favorables au consommateur. Rien de mécanique dans la construction conventionnelle. Mais un souci de réalisme.
Une liberté bridée s’agissant du juge compétent
14 S’agissant de la compétence juridictionnelle, les conventions de Bruxelles et de Lugano suivent, d’ailleurs, une démarche qui n’est pas sans évoquer celle de la convention de Rome. Des dispositions particulières aux contrats conclus par les consommateurs sont posées par les articles 13 et suivants des deux conventions.
15 S’agissant de certains contrats à tempérament, mais aussi de tous les contrats ayant pour objet une fourniture de services ou d’objets mobiliers corporels, l’action du consommateur peut ainsi être portée, à son choix, devant les tribunaux de l’État sur le territoire duquel est domicilié son contractant ou devant les tribunaux de l’État sur le territoire duquel il est, lui, domicilié. Alors que la réciproque n’est pas vraie puisque le professionnel ne peut normalement assigner le consommateur que chez lui [15]. La règle jouant à des conditions qui sont les mêmes que celles posées à l’article 5. 2, premier tiret, de la convention de Rome, cela justifie qu’on peut reprendre ici ce qui a été dit plus haut à son propos [16]. Il est significatif, à cet égard, que le Rapport Schlosser sur la convention de Bruxelles révisée [17] fasse des actes nécessaires à la conclusion (du) contrat la même analyse que le Rapport Giuliano et Lagarde relatif à la convention de Rome [18]. On pourra donc redire que le texte conventionnel peut donc fort bien être conduit à jouer, mais que demeure une regrettable incertitude [19].
16 Au final, le plus notable est peut-être là : en leurs formes présentes, les textes européens ne confèrent pas cette sécurité juridique que tout sujet de droit est fondé à attendre et sans quoi un commerce, électronique ou non, ne saurait réellement se développer. Mais le débat présent est plus radical. Si la liberté des contractants est bridée, comme nous l’avons dit et rappelé, certains viennent poser la question de savoir si elle ne devrait pas... être débridée.
III – Une liberté débridée ?
17 Faut-il ou non, pour la raison que nous basculons dans le cybermonde, rejeter les vieilles solutions, en l’occurrence posées comme protectrices du consommateur réputé faible [20] ?
18 Un organisme comme l’OCDE propose, avec sagesse, dans ses “Lignes directrices régissant la protection des consommateurs dans le contexte du commerce électronique”, adoptées en 1999, de rechercher le meilleur équilibre des intérêts en présence :
19 « En examinant s’il convient de modifier le cadre existant, les gouvernements devraient s’efforcer de faire en sorte qu’il soit équitable pour les consommateurs et les entreprises, qu’il facilite le commerce électronique, qu’il conduise à assurer aux consommateurs un niveau de protection au moins équivalent à celui que procurent d’autres formes de commerce, et qu’il donne aux consommateurs un accès effectif à des voies de règlement de litiges et de recours justes et rapides, sans charge ni coût indu » [21].
20 Certes, aussi raisonnable qu’en soit l’idée [22], ce n’est pas s’avancer beaucoup et l’observation ne mériterait pas qu’on s’y attarde longuement si l’OCDE n’ajoutait pas que le cadre juridique aménagé devait assurer aux consommateurs un niveau de protection au moins équivalent à celui que procurent d’autres formes de commerce. Autrement dit, si aménagement des normes, il devait y avoir, ce ne pourrait être, selon ces principes, dans le sens d’une régression de la protection [23].
21 Mais c’est loin d’être la position adoptée par certains acteurs du net. Le très médiatique Yahoo [24], lors de la grande audition publique organisée par la Commission européenne à Bruxelles, les 4 et 5 novembre 1999, sur la compétence judiciaire et la loi applicable en matière de commerce électronique [25], a, par exemple, déclaré que le commerce électronique requérait des règles spécifiques, appelant ainsi le jeu de la loi du pays d’origine [26]. Nous avons déjà signalé les positions adoptées dans le cadre du “Global Business Dialogue” [27]. Et la Chambre de commerce internationale, dans une “Briefing Note”, du 3 novembre 1999, n’a pas adopté une autre attitude : récusant les schémas classiques du droit de la consommation, elle juge que le jeu de la loi du consommateur, porteur d’éclatement, n’est pas acceptable [28]. L’argument majeur est lâché : accepter le jeu éventuel d’une telle loi, ce serait accepter le jeu de lois multiples, éventuellement contradictoires et souvent très légitimement ignorées par le professionnel, ce serait, en d’autres termes, créer une situation “ingérable”. Tout cela pouvant être repris mutatis mutandis pour la désignation du juge qui serait celui du consommateur. L’argument est sérieux et fort.
22 Ce ne sont pourtant pas uniquement les consommateurs qui défendent un point de vue contraire [29]. S’il est assez compréhensible que le Conseil d’État affirme qu’il faut faire jouer les dispositions des conventions internationales protectrices des consommateurs “en adaptant et assouplissant le dispositif prévu” (point qui mérite d’être relevé) [30], il est plus surprenant, eu égard aux positions ci-dessus rappelées, de voir le MEDEF, après avoir dit son attachement au principe [...] de la liberté de choix par les parties, accepter sans faux-semblant le jeu de la loi du consommateur [31]. Il est vrai que l’organisation patronale, suivant une distinction déjà faite dans le second rapport Lorentz sur “La nouvelle donne du commerce électronique” de mars 1999 [32], s’attache spécialement aux consommateurs européens, jugeant nécessaire de permettre aux consommateurs de se prévaloir en matière contractuelle de l’application de dispositions d’intérêt général les protégeant dans l’État de leur résidence pour tous les domaines non harmonisés au niveau communautaire les concernant [33]. Il y a là, certainement, une piste ouverte à la réflexion des Européens. Comme il convient, aussi, d’être attentif à l’observation du MEDEF selon laquelle il faut assurer la confiance des consommateurs [34].
23 C’est donc qu’il y a raison et raison...
Une option de raison ?
24 S’il y a raison et raison, est-il une raison... plus raisonnable ? Et peut-être tout simplement une option de raison qui ne soit pas la raison (les bonnes raisons) de l’un ou de l’autre ? Comme dans les phobies, l’important est peut-être d’en rechercher la source. Pourquoi donc une telle crispation des acteurs de ce commerce électronique (potentiel) ou du moins de certains d’entre eux ? La réponse est simple. Le consommateur a peur d’être sacrifié. Le professionnel a peur d’être placé dans une situation qui lui échappe totalement.
25 Mais, contre le sentiment premier que chacun peut avoir, cette double peur est-elle bien justifiée ? Certes, refuser le jeu de la loi du consommateur ne peut que créer chez lui un sentiment d’insécurité et, partant, un mouvement de recul. Mais, est-il vrai, en symétrique, que le possible jeu de cette loi soit source d’insécurité pour le cybercommerçant ? Formellement oui, sans doute. Mais force est d’admettre que ce risque n’est qu’un risque marginal, peu de consommateurs étant prêts à se lancer dans un litige transfrontière lourd et coûteux pour eux. Qui plus est, ces litiges marginaux pourraient être très certainement réglés à l’amiable pour beaucoup d’entre eux, parce que précisément marginaux. L’envoi remplaçant celui jugé défectueux par le consommateur ou le chèque apaisant ses récriminations, pratiques que connaissent bien les professionnels de la vente par correspondance, feraient à faible coût l’économie d’un tel contentieux. Hors débats publics, ce point de vue est, en tout cas, exprimé par un certain nombre d’opérateurs. Et il paraît effectivement raisonnable. Si on ajoute que, pour un commerçant en ligne, annoncer qu’il est prêt à se soumettre aux dispositions protectrices de la loi du consommateur ne peut qu’avoir un fort effet d’image positif, il semble bien qu’entre risque marginal et effet d’image positif, la balance penche clairement en faveur de l’acceptation du jeu de la loi du consommateur, pour autant que nécessaire, bien sûr (car il n’est pas question de prétendre en faire une application de principe) et ce, donc, dans l’intérêt même du professionnel, lequel, bien compris, rejoint celui du consommateur.
26 Plus radicalement, on peut même se demander avec notre collègue Ferrier [35], si s’arrêter à la loi d’origine n’ouvrirait pas la voie à toutes les manipulations, pour ne pas dire toutes les fraudes, avec cette conséquence paradoxale que cela signe la mort d’un commerce électronique auquel se refuserait tout consommateur : qui serait, nous dit-il, prêt à passer commande aux antipodes, référence faite à une loi X ignorée de tous ou peut-être connue pour, de propos délibéré, ne donner aucune garantie ?
27 La même appréciation en termes de balance d’avantages et de désavantages peut évidemment être faite à propos de la compétence juridictionnelle. D’autant que ce n’est pas être cynique, mais seulement réaliste, que de noter que la décision étrangère devra faire l’objet d’une instance en exequatur qui sera de nature à filtrer les décisions jugées inadmissibles du point de vue du droit national.
Une démarche de raison
28 Écarter le jeu de la loi du pays du consommateur comme l’intervention du juge de ce pays nous paraît donc une fausse bonne idée. Mais ne pas les écarter ne signifie pas qu’ils doivent à tout coup intervenir.
29 S’agissant de la loi applicable, la convention de Rome, du moins à suivre son esprit et à ne pas s’attacher aux caricatures qu’on a pu en donner, offre la juste marche à suivre : il ne s’agit pas de faire jouer une loi parce que proclamée protectrice, il s’agit de la faire jouer dans la mesure où elle organise une véritable protection légitime.
30 Cela nous conduit à une double proposition.
• Distinguer relations extracommunautaires et intracommunautaires
31 Comme cela a pu être suggéré [36], il conviendrait d’abord de distinguer relations commerciales extracommunautaires et intracommunautaires. Pour les secondes, l’idée fondamentale qui supporte la construction européenne est celle de mutuelle confiance, de mutuelle reconnaissance. La convention de Bruxelles repose bien sur l’idée qu’une décision rendue à Madrid vaut une décision rendue à Copenhague.
32 — Et l’on peut ainsi difficilement, selon nous, soudainement casser ce schéma. En revanche, les discussions sur le Projet de Règlement du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale destiné à réformer cette convention de Bruxelles [37] peuvent être l’occasion d’une clarification des règles, source de meilleure sécurité juridique.
33 De fait, d’ailleurs, l’article 15, qui se substitue à l’article 13 que nous avons évoqué plus haut [38], et qui reste fidèle au principe selon lequel la juridiction nationale du consommateur peut avoir légitimement à intervenir, est réécrit dans le projet. Les dispositions sur la publicité préalable, sur les actes accomplis pour la passation du contrat... disparaissent et c’est le ciblage de l’opération qui désormais importe (lorsque le commerçant dirige ces activités vers cet État membre, ou vers plusieurs dont cet État membre). Ce qui n’est pas sans évoquer certaines approches officielles ou semi-officielles françaises [39]. Mais la disposition projetée reste trop floue et si, par exemple, le simple fait que le cyberconsommateur fût à même de se connecter à partir de chez lui devait suffire à considérer que l’activité commerciale était dirigée vers lui, ce serait poser une condition vide de sens. La voie empruntée est sans doute la bonne, mais l’ouvrage doit incontestablement encore être remis sur le métier.
34 — Pour ce qui est de la loi, la distinction préconisée entre relations extra et intracommunautaires peut, en revanche, conduire à une option plus entière, propre à séduire les entreprises ayant fait le choix le plus radical. Pour autant que le droit des États membres soit fortement harmonisé, rien n’empêche, en effet, que la compétence de la loi du pays d’origine soit reconnue, comme dans l’approche Télévision sans frontières [40]. L’équivalence jouera ici dans la substance même des lois et aucun des acteurs n’y perdra.
35 Jugerait-on le point de vue excessif ? Il reste possible, pour assurer aux consommateurs la protection attendue tout en offrant aux cybercommerçants un bon niveau de prévisibilité, de considérer que devraient seules pouvoir jouer, contre le choix d’une loi fait par les parties, les dispositions nationales protectrices qui seraient conformes à un standard reconnu. Cela signifiant que les normes posant des protections supplémentaires n’auraient pas dans cette option à jouer. Or, dans le contexte européen, ce standard paraît assez facile à trouver à travers toutes les normes posées par les grandes directives sur l’activité commerciale et en particulier celles sur la vente à distance, suivant d’ailleurs en cela l’esprit même de l’article 12 de ladite directive [41].
36 Mais l’idée est tout à fait “exportable” hors de l’Europe...
• Reconnaître des standards internationaux
37 Pour ce qui est de la question de la loi applicable, l’idée a, en effet, été mise en avant, dans certaines enceintes professionnelles, que l’important était que la loi retenue par les parties ne prive pas le consommateur de recours et qu’elle lui offre une “protection raisonnable”. Il s’agirait, non plus d’écarter la loi convenue, parce qu’elle priverait le consommateur de la protection que lui offrirait sa loi, mais de l’écarter seulement quand elle le priverait d’une protection adéquate... restant bien sûr à savoir ce qu’est une telle protection.
38 Or le recours à un standard internationalement reconnu [42] permettrait, dans le même esprit, mais par un cheminement différent, d’aboutir à un semblable résultat, pleinement légitime, dès lors qu’il s’agit de parvenir à une réelle protection du consommateur. Car l’important n’est pas tant de voir jouer la loi française, la loi suédoise ou la loi américaine que d’assurer cette protection quel qu’en soit le canal. La vraie difficulté, bien sûr, est de s’accorder, au plan international, sur ce que pourrait être ce standard. Il ne faut pas se leurrer. Mais, vu d’Europe, ce standard pourrait bien être dans l’attente de l’émergence d’une norme d’une autre ampleur... le standard européen précédemment évoqué. Seraient donc jugées toujours invocables par le consommateur, quel qu’il soit, où qu’il soit, et quelle que soit la loi désignée pour régir le contrat B to C, ces dispositions européennes de base.
Une solution équilibrée
39 Une heureuse réponse à la question de savoir si le consommateur doit pouvoir en appeler à sa loi comme à son juge ne saurait passer par des attitudes crispées de défense mal comprise des intérêts des uns et des autres. C’est peut-être faire preuve d’un optimisme excessif que de penser que, laisser les entreprises libres de leur choix devrait les pousser à se préoccuper spécialement de la protection du consommateur afin de se prémunir de toute action de sa part [43]. Mais le fait est que le choix, purement défensif ou pensé comme tel, est certainement le moins bon.
40 En accord avec les principes notamment européens [44], mais aussi en termes de stratégie d’entreprise justement pensée, la dimension consumériste doit raisonnablement être prise en compte dans le commerce électronique comme dans tout autre commerce. Mais là non plus sans rigidité. L’idée que, sur les réseaux comme ailleurs, le consommateur ne doit pas être désarmé, doit servir de guide. C’est là une exigence indispensable mais aussi suffisante. Ces quelques pages se sont efforcées de le montrer en ouvrant quelques pistes pour une solution d’harmonie. Qui est le nom du contrat de l’Antique Hellade.
Notes
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[1]
Sur les contrats du commerce électronique, on pourra se reporter à Vivant (M.), Les contrats du commerce électronique, Litec, 1999.
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[2]
Voir Huet (J.), “Commerce électronique, Loi applicable et règlement des litiges, Propositions des grandes entreprises (GBDe)”, JCP 1999, n° 40, Aperçu rapide.
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[3]
Voir “Commerce électronique : Le BEUC satisfait du projet de règlement sur les tribunaux compétents”, Europolitique, n° 2423, 10 juillet 1999, p. 6. Ou encore sur la position des consommateurs : “Commerce électronique : Industrie versus consommateurs”, Europolitique, n° 2450, 11 novembre 1999, p. 1.
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[4]
Arrêt Mercator Press : Cass. civ. 1, 25 mars 1980, RCDIP 1980, 576, note Batiffol, JDI 1980, 650, note Kahn.
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[5]
Ainsi Cass. civ. 17 décembre 1985, RCDIP 1986, 537, note Gaudemet-Tallon, D. 1986, IR 265, obs. Audit ; 25 novembre 1986, RCDIP 1987, 396, note Gaudemet-Tallon.
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[6]
Gaudemet-Tallon (H.), La prorogation volontaire de juridiction en droit international privé, Dalloz, 1965, p. 186.
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[7]
« Afin de promouvoir les intérêts des consommateurs et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs... »
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[8]
JOCE C 23, 28 janvier 1999, p. 1.
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[9]
“Contrats conclus par les consommateurs : « 1.. Le présent article s’applique aux contrats ayant pour objet la fourniture d’objets mobiliers corporels ou de services à une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ainsi qu’aux contrats destinés au financement d’une telle fourniture. 2. Nonobstant les dispositions de l’article 3, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle : — si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat, ou — si le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans ce pays, ou — si le contrat est une vente de marchandises et que le consommateur se soit rendu de ce pays dans un pays étranger et y ait passé commande, à la condition que le voyage ait été organisé par le vendeur dans le but d’inciter le consommateur à conclure une vente. 3. Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, s’ils sont intervenus dans les circonstances décrites au paragraphe 2 du présent article. 4. Le présent article ne s’applique pas : a) au contrat de transport ; b) au contrat de fourniture de services lorsque les services dus au consommateur doivent être fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle. 5. Nonobstant les dispositions du paragraphe 4, le présent article s’applique au contrat offrant pour un prix global des prestations combinées de transport et de logement. ».
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[10]
Voir, par exemple, là-dessus Huet (J.), “Aspects juridiques du commerce électronique : approche internationale”, Petites affiches 26 septembre 1997, n° 116, p. 6 ; Vivant (M.), et Stanc (C.) et alii, Lamy Informatique et Réseaux, éd. de 1999, n° 2578.
-
[11]
Une proposition peut être spécialement faite via l’internet. Une publicité peut l’être aussi, dès lors tout particulièrement qu’il est recouru à la technique du “push” (et non plus du “pull”), ce qui supposera bien sûr preuve, mais preuve qui peut être administrée par la démonstration qu’un “cooky” a été déposé dans l’ordinateur du cyberconsommateur. Quand la publicité est seulement “ciblée” sur un pays (et non point adressée spécifiquement à l’internaute), les choses sont moins bien assurées et l’on comprend que les deux thèses puissent être soutenues : publicité “faite” dans le pays (ce qui, de notre point vue, est assez pertinent) ou non.
-
[12]
Une lecture comme celle faite dans le Rapport Giuliano et Lagarde sur la convention (JOCE C 282, 31 oct. 1980, spéc. n° 133), reprise par la suite par le professeur Lagarde dans sa présentation du nouveau droit issu de la convention, quand il écrit : « Peu importe où le contrat a été juridiquement conclu, du moment que c’est dans le pays de sa résidence habituelle que le consommateur a signé les papiers qui lui étaient présentés ou a envoyé sa commande au fournisseur » Lagarde (P.), “Le nouveau droit international privé des contrats après l’entrée en vigueur de la convention de Rome du 19 juin 1980”, RCDIP 1980, 288, spéc. n° 38), pousserait plutôt à une réponse positive. Il ne s’agit plus de signature de papier mais on peut raisonner en termes de signature électronique. Il ne s’agit plus d’un envoi physique de commande, mais il s’agit bien toujours d’envoi d’une commande.
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[13]
Comme le fit, par exemple, la loi suisse du 18 décembre 1987 imposant en toutes circonstances le jeu de la loi de la résidence habituelle du consommateur.
-
[14]
Lagarde (P.), art. précité, spéc. n° 35.
-
[15]
« Article 13 En matière de contrat conclu par une personne pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ci-après dénommée “le consommateur”, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5 paragraphe 5 : 1. lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels ; 2. lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets ; 3. pour tout autre contrat ayant pour objet une fourniture de services ou d’objets mobiliers corporels si : (a) la conclusion du contrat a été précédée dans l’État du domicile du consommateur d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et que (b) le consommateur a accompli dans cet État les actes nécessaires à la conclusion de ce contrat. Lorsque le cocontractant du consommateur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État contractant, mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État contractant, il est considéré pour les contestations relatives à leur exploitation comme ayant son domicile sur le territoire de cet État. La présente section ne s’applique pas au contrat de transport. Article 14 : L’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les tribunaux de l’État contractant sur le territoire duquel est domicilié cette partie, soit devant les tribunaux de l’État contractant sur le territoire duquel est domicilié le consommateur. L’action intentée contre le consommateur par l’autre partie au contrat ne peut être portée que devant les tribunaux de l’État contractant sur le territoire duquel est domicilié le consommateur. Ces dispositions ne portent pas atteinte au droit d’introduire une demande reconventionnelle devant le tribunal saisi d’une demande originaire conformément à la présente section.”
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[16]
Voir supra.
-
[17]
JOCE C 59, 5 mars 1979, n° 158.
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[18]
Précité.
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[19]
Il est vrai qu’ici les parties ont un peu plus de liberté, puisque la convention ouvre la porte à des dérogations. L’article 15 pose en effet, quoi qu’en une forme négative : « Il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions : 1. postérieures à la naissance du différend ou 2. qui permettent au consommateur de saisir d’autres tribunaux que ceux indiqués à la présent section ou 3. qui passées entre le consommateur et son cocontractant ayant, au moment de la conclusion du contrat, leur domicile ou leur résidence habituelle dans un même État contractant, attribuent compétence aux tribunaux de cet État sauf si la loi de celui-ci interdit de telles conventions ». Mais, lecture du texte faite, force est de constater que l’hypothèse visée à l’article 15.3 est de portée limitée et de faible intérêt et que celle visée à l’article 15.2 tend à donner une plus grande marge de manœuvre au consommateur. C’est donc surtout à l’article 15.1 qu’il faut s’arrêter pour constater qu’il permet aux parties de déroger aux dispositions conventionnelles, mais par un accord postérieur à la naissance du différend. C’est dire que, par hypothèse même, on ne peut tabler là-dessus pour s’assurer que tel ou tel juge sera dit compétent, en dehors des prévisions de la convention.
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[20]
Cf. par exemple, la présentation des règles retenues par les conventions de Bruxelles et Lugano en matière d’assurances et de contrats conclus par les consommateurs, par le Professeur Gaudemet-Tallon qui les décrit comme des « règles de compétence protectrices d’une partie faible » (Gaudemet-Tallon (H.), Les conventions de Bruxelles et de Lugano, LGDJ, 2e éd., 1996, p. 177).
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[21]
Rubrique : “Droit applicable et compétence juridictionnelle”.
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[22]
Nous la reprendrons à notre compte.
-
[23]
Notons ici brièvement que l’article 3.1 de la proposition de directive sur le commerce électronique n’a pas le sens qu’on lui voit parfois prêter (qui serait l’affirmation de la compétence de la seule loi du prestataire). Quand il dit : « chaque État membre veille à ce que les services de la société de l’information fournis par un prestataire établi sur son territoire respectent les dispositions nationales applicables dans cet État membre relevant du domaine coordonné de la présente directive », il est clair que, disposant sur le “statut” des acteurs, il ne pose rien quant à la loi applicable aux contrats.
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[24]
En l’occurrence Yahoo ! Europe.
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[25]
Voir http://europa.eu.int.
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[26]
“E-commerce... requires specific rules based on the “country of origin” principle”.
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[27]
Voir supra.
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[28]
« Effective consumer protection, ICC believes, cannot be achieved by applying traditional consumer protection concepts. » « Electronic commerce will not be viable if transactions were potentially subject to each set of laws in the jurisdiction of every potential consumer laws that vary greatly from one jurisdiction to another and may even be inconsistent. »
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[29]
Sur la position des associations de consommateurs, voir supra.
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[30]
Internet et les réseaux numériques, La documentation française 1998, p. 75 sqq.
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[31]
“Contribution du MEDEF au Document d’orientation du Gouvernement relatif à l’adaptation du cadre législatif de la Société de l’information”, de décembre 1999.
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[32]
Éditions de Bercy, spéc. p. 108.
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[33]
Document précité, p. 28.
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[34]
Ibid.
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[35]
Table ronde sur le commerce électronique à paraître au JCP éd. Entreprise.
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[36]
Voir supra.
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[37]
Commission des communautés, Doc. COM (1999) 348 final, 14 juillet 1999.
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[38]
Voir supra.
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[39]
Rapport du Conseil d’État, précité.
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[40]
Ce qui, soit dit en passant, n’interdit donc pas des réserves.
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[41]
Où l’on peut lire sous l’intitulé : “Dispositions contraignantes” : « 1. Le consommateur ne peut renoncer aux droits qui lui sont conférés en vertu de la transposition en droit national de la présente directive. 2. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que le consommateur ne soit pas privé de la protection accordée par la présente directive du fait du choix du droit d’un pays tiers comme droit applicable au contrat, lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire d’un ou de plusieurs des États membres. »
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[42]
Point universellement. Soyons réaliste.
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[43]
Comme on peut le lire dans un document, confidentiel, que nous avons eu entre les mains, issu d’un important groupement d’entreprises.
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[44]
Voir supra.