Notes
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[1]
V. Olivier (F.) et Barbry (E.), Le droit du Multimédia, Coll. Que Sais-je ? PUF, 1996.
-
[2]
V. Agnola (Michel), Multimédia, Les Aides au financement, Ed. Dixit et Ruchon (Dominique), Guide pratique des aides françaises et européennes au multimédia, , Ed. Art 3000.
-
[3]
Ce fut récemment le cas de “Multimédia Investissement” (2MI), du Programme MÉDIA II de l’Union européenne.
1 LES MESURES de soutien au multimédia sont très diverses [1]. Cette diversité est telle qu’il est difficile de se repérer dans le dédale d’aides, de subventions et autres avances remboursables qu’elles soient d’origine nationale, communautaire ou internationale.
2 Si les grands éditeurs ont su parfois, pour y avoir affecté du personnel à temps plein, trop souvent encore par un jeu de relations, “retrouver leur petits”, les structures de taille modeste (c’est-à-dire la plupart d’entre elles) de développement ou de production qui veulent se lancer dans l’aventure du multimédia connaîtront un véritable parcours du combattant. Les puristes parleront de “chemin de croix”. Ils devront d’abord identifier l’aide qui correspond le mieux à leur type d’entreprise, tenter de comprendre, de remplir, puis de remettre le dossier exigé par les commissions chargées de faire un choix entre les différents projets qui leur sont soumis.
3 Il faudra ensuite attendre (longtemps) la décision d’attribution ou non de l’aide et, plus encore, le versement de l’aide elle-même.
4 Déterminer l’aide la mieux adaptée est un premier obstacle difficile à surmonter car l’éventail est large. Pour éviter de fréquentes désillusions, les postulants se doivent de bien situer leur projet : s’agit-il d’un travail de recherche plastique ? Développent-ils un produit d’édition destiné à être commercialisé ? Ce produit contient-il des innovations ? Quelle est la phase d’avancement du projet ? L’écriture est-elle ou non achevée ?
5 De l’auteur qui souhaite recevoir une aide à l’écriture au libraire qui envisage de développer un “rayon multimédia” en passant par l’éditeur qui souhaite transposer son CD-ROM existant pour un marché étranger chacun devra s’adresser à l’organisme ou à la personne compétente.
6 Nombreuses sont les origines des mécanismes d’aides : nationales, communautaires ou internationales, nombreuses sont également leurs formules possibles : avance remboursable, subvention, prêt à taux réduit, coproduction... Là encore un choix judicieux devra être opéré.
7 Il n’est pas dans notre propos de reprendre en détail la liste des différents programmes de soutien proposés et ce, pour deux raisons, essentielles : la première étant que nous ne saurions prétendre ici pouvoir mener une étude exhaustive des nombreux mécanismes proposés [2] ; la seconde relève de la volatilité de l’information liée à l’apparition et à la disparition parfois soudaine de certains programmes [3].
8 L’étude des mécanismes d’aides dans une vision plus générale prend tout son sens lorsque, s’attachant à analyser les démarches d’identification (A), la remise des dossiers de candidature (B) et les critères de sélection (C), c’est-à-dire à analyser leurs principes directeurs ou leurs conditions de mise en œuvre, elle permet de juger globalement de leur efficacité.
A/ UNE IDENTIFICATION MALAISÉE
9 Il existe en France et en Europe un vaste réseau d’organismes de soutien au multimédia. Cette grande variété peut être très déroutante. La frontière est floue entre les programmes dédiés aux développements de technologies, systèmes et services multimédias, et ceux dont l’objet est plus précisément de promouvoir un marché des contenus multimédias.
10 Ces dispositifs peuvent ne concerner que la phase de montage d’un projet, l’ensemble des coûts de production, l’aide à l’écriture et au développement, l’aide à la diffusion ou bien, en ce qui concerne certains programmes européens, l’aide peut se résumer à une “simple” traduction d’un programme dans une langue de la Communauté.
11 La diversité des mécanismes se retrouve également dans les techniques mises en place et dans les moyens attribués à chaque soutien financier. Cette diversité est renforcée par le nombre de dispositifs de soutien qui peuvent prendre la forme d’une subvention, d’avance remboursable, d’un prêt à taux réduit ou encore d’une coproduction.
12 Il existe enfin autant d’entités allocatrices d’aides que d’aides elles-mêmes : municipalité, région, ministère, autant de directions générales des communautés européennes, de nombreuses organisations internationales.
13 Le prétendant devra donc, dans un premier temps, analyser son besoin en analysant son produit. Il s’agira d’identifier le champ d’application du mécanisme d’aide et le type d’aide à souscrire.
1. Champ d’application du mécanisme d’aide
14 À chaque mécanisme d’aide, son champ d’application. Il n’existe en effet quasiment pas de plan d’aide polyvalent.
15 Les programmes sont variés et visent par exemple l’industrie des programmes multimédias (fonds d’aide à l’édition multimédia du CNC), le contenu multimédia on line (Info 2000), le multimédia éducatif, l’industrie des programmes audiovisuels, la formation professionnelle ou encore la valorisation du patrimoine culturel.
16 Il peut encore s’agir de traiter d’art et culture, d’éducation et de formation, de produits et services de loisirs et divertissements, de services aux entreprises, administrations et universités, de santé, tourisme...
17 Le projet du “candidat” devra correspondre parfaitement à l’un des programmes proposés pour qu’il ait une chance d’être soutenu.
18 Lorsque les aides ne se distinguent pas par le sujet traité, elles se différencient en fonction de l’étape du processus créatif au cours de laquelle elles interviendront. L’aide pourra intervenir en phase de développement ou en phase de réalisation.
19 La phase de développement pourra tout aussi bien porter sur le contenu créatif du produit que sur un aspect technique innovant lié au produit. Ainsi, l’Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) ou le ministère des Poste et Télécommunications qui a ouvert un guichet sur les autoroutes de l’information, traitent principalement des domaines de l’innovation technique des produits et services multimédias.
20 Toujours en phase de développement, il pourra s’agir d’aides aux créateurs et aux contenus. Il en est ainsi de nombreux programmes qui peu ou prou peuvent participer à ce soutien. Ils se trouveront plus facilement en région, auprès des directions artistiques des ministères concernés ou encore autour des société d’auteurs. Il existe également plusieurs initiatives privées qui se proposent d’accueillir et d’encadrer des créateurs pour les aider à finaliser leurs projets, comme l’association Art 3000.
21 Mais la grande majorité des aides et l’on peut assurément s’en plaindre, est attribuée en phase de réalisation, de production ou de distribution du produit ou du service lui-même.
2. Les différents mécanismes d’aide
22 Celui qui sollicite l’attribution d’une aide, devra prendre en compte les mécanismes mis en place et qui peuvent prendre des formes diverses : subventions, mécénat, parrainage, avances remboursables, prêts sans intérêt, coproductions... Les conséquences économiques et juridiques de ces différents mécanismes ne sont bien évidemment pas les mêmes.
23 En réalité seule la subvention est une aide véritable. Si, pour en bénéficier, le demandeur doit justifier de son besoin, en revanche, il n’aura généralement pas besoin de démontrer au préalable la rentabilité de son produit ou de sa création. La sélection est toutefois sévère, la subvention étant par nature une “perte sèche” pour l’établissement payeur, les sommes ainsi consacrées sont réduites et attribuées de manière rigoureuse.
24 La technique du mécénat n’est pas très fréquente en matière de multimédia. Il est vrai que la qualification juridique du mécénat est limitative et que les intérêts que le mécène pourra “retirer” de son soutien sont réduits.
25 Trop souvent d’ailleurs, les entreprises confondent mécénat et parrainage. Le parrainage participe de l’acte de communication ou de publicité de l’entreprise. Ainsi le “parrain” ne bénéficiera d’aucune déduction fiscale. En revanche, en contrepartie de son soutien, il pourra imposer un certain nombre de contraintes à la personne soutenue.
26 Dans le cadre de l’avance remboursable ou d’un prêt à taux réduit, le demandeur devra justifier du potentiel commercial de son produit ou, à tout le moins, de ses capacités financières à honorer les remboursements.
27 En matière d’avances remboursables, le remboursement peut être lié à la survenance d’un événement ou à la prise en compte d’un seuil de rentabilité du produit. Ainsi, bon nombres de mécanismes d’avances remboursables se transforment en subventions, les seuils fixés n’étant que rarement atteints.
28 Plus contraignants sont les mécanismes de coproduction ou de prises de participation. Le bénéficiaire de “l’aide” devra alors compter avec un partenaire particulièrement présent. Les “partenaires” auront alors un véritable “droit de regard” sur le produit ou le service développé. L’étendue de ce “droit de regard” dépendra du montant investi et des clauses contractuelles définies entre les parties.
29 Mais rappelons que, d’une manière générale, les sommes allouées ou investies ne couvrent pas la totalité des coûts engagés et qu’il est possible ou judicieux de combiner plusieurs aides.
B/ LES DOSSIERS DE CANDIDATURE : LE PARCOURS DU COMBATTANT
30 “Une paperasserie écrasante ! Trop de contraintes !” Ainsi sont les leitmotiv de ceux qui se sont lancés à la quête de l’aide inaccessible. Une fois l’organisme compétent identifié, le candidat devra constituer et remettre un dossier présentant l’objet de sa demande et les différentes caractéristiques de son produit, comme le scénario, la charte graphique, les plans de financement, etc.
31 Ces dossiers sont souvent complexes et exigent de sa part des connaissances artistiques, techniques, comptables, juridiques et commerciales. Comment peut-on exiger de la part des entités de taille modeste de réunir ces diverses compétences ou de s’offrir les services d’experts externes ?
32 C’est pourtant ce qui est imposé aux demandeurs puisqu’il leur faudra souvent :
- définir un parti pris artistique (fournir un scénario, des graphismes...) ;
- définir un environnement technique (multimédia de support ou de réseau, logiciels...) ;
- remettre un business plan détaillé ;
- un plan de retour sur investissement ;
- enfin des compétences juridiques pour analyser l’ensemble des contraintes, droits et obligations qui découleront de l’attribution éventuelle de l’aide.
34 Cela demande des investissements que seul le secteur de l’industrie et les institutions de recherche peuvent véritablement supporter. Les mécanismes étant complexes à mettre en œuvre il demande par ailleurs un temps certain. La mise au point d’un dossier de financement peut prendre plusieurs mois sans que le demandeur ait l’assurance que son dossier sera retenu.
35 Il est vrai que les exigences françaises quant aux éléments demandés pour constituer les dossiers sont souvent moins draconiennes que celles des organismes européens ou internationaux. Il peut parfois “suffire” d’une lettre de demande accompagnée d’une fiche projet, d’un devis résumé, d’un plan de financement, d’une fiche descriptive de la société, et d’une maquette du projet. Mais d’autres exigences suivront rapidement, après une première sélection.
36 À l’inverse, les organismes européens exigent souvent des chartes de communication complètes, le système de développement avec tous les détails, l’ensemble de l’organisation de la production et de la distribution... mais une fois le dossier constitué et déposé, il ne fera l’objet que de simples demandes de complément de détail.
C/ DES CRITÈRES DE SÉLECTION PEU TRANSPARENTS
37 Hors le cadre particulier de la subvention qui, il est vrai, privilégie la création plus que la rentabilité, les critères qui président au choix d’attribution de l’aide sont nombreux.
38 Il s’agit en plus du caractère créatif du produit ou du service de :
- lui reconnaître des qualités techniques et/ou scientifiques ;
- lui reconnaître un caractère innovant ;
- contrôler sa faisabilité ;
- s’assurer de la capacité (financière, structurelle, humaine...) du demandeur à mener à bien son projet ;
- analyser l’adéquation du projet avec les besoins de marché ;
- vérifier la rentabilité du produit ou du service...
40 À ces éléments communs, les mécanismes d’aides de la Communauté européenne ou des établissements internationaux imposeront :
- le caractère international du produit ou du service par son objet ou son marché ;
- la participation de partenaires de nationalités différentes ;
- la qualité du demandeur ou du secteur concerné (régions favorisées ou non, secteur en essor ou sinistré...).
42 Dans l’ensemble on peut regretter, outre le nombre des impératifs requis, la grande opacité des conditions d’attribution et l’omniprésence du critère de rentabilité du projet.
Analyse critique des programmes de soutien
43 On peut ainsi résumer les problèmes généraux rencontrés par les professionnels :
44 • Le premier problème réside dans la diversité des programmes de soutien mis à la disposition des professionnels qui ont du mal à identifier le programme le mieux adapté à leur projet, à leur besoin.
45 Il est donc impératif de bien les informer.
46 De manière générale, les professionnels souffrent de l’absence de guichet unique d’information. Plusieurs mécanismes peuvent être envisagés comme la désignation au niveau gouvernemental d’un “Monsieur Multimédia” ou “Monsieur Numérique” comme on a su le faire pour “l’An 2000”. ou plus simplement l’utilisation des moyens de communication modernes et répandus dans l’environnement informatique comme l’Internet.
47 • Le second problème réside dans la complexité des mécanismes d’attribution des aides et leur extrême opacité.
48 La recherche du programme adéquat tout comme la mise au point des dossiers de financement imposent des investissements importants... pour une solution incertaine.
49 Il s’agit là d’une bien curieuse manière d’aider au développement du multimédia que d’imposer des dépenses à ceux qui sollicitent une aide !
50 Il est indispensable de faciliter l’accès des entreprises aux mécanismes d’aide et d’alléger les procédures.
51 Bien curieux également ce système dont on dit qu’il doit favoriser le développement du multimédia et où le critère financier de la rentabilité est omniprésent. Chacun sait pourtant que le secteur du multimédia n’est pas rentable, que les entreprises qui investissement aujourd’hui dans le multimédia procèdent par voie prospective et risquent tout, aujourd’hui, pour être présentes sur le marché de demain.
52 Si la France, si l’Europe veulent se doter d’un secteur multimédia fort, elles doivent se donner les moyens de leurs ambitions : donner plus d’aides, plus souvent, plus simplement et plus rapidement. Effet symptomatique de la lourdeur des processus et des distorsions au sein même des programmes d’aide : le cas de Multimédia Investissement.
53 Succédant au Club d’Investissement Média (qui s’inscrivait dans le cadre du programme MÉDIA 1 des Communautés européennes), Multimédia Investissement (2MI) était chargé de “mettre en place un mécanisme de promotion et de développement des programmes multimédias européens”.
54 Ce fut là l’échec d’un des programmes les plus ambitieux.
55 Déçus sont sans nul doute les partenaires publics et privés autour desquels les opérations d’aide et de financement auraient pu être mises en place.
56 Déçus sont assurément les candidats qui, après avoir remis un dossier, ont dû attendre bien longtemps avant que ne soit constaté l’échec du programme.
57 Déçus sont les promoteurs de l’ambitieux programme 2MI.
58 Sans doute faut-il reprendre à notre propos le constat de ses membres : « Peut-être l’Europe n’est-elle pas encore mûre pour appréhender et soutenir la mise en place des moyens de financement les plus performants afin de construire une véritable industrie des nouveaux programmes malgré un retard qui risque d’hypothéquer notre avenir ? »
59 Et la France ?
Notes
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[1]
V. Olivier (F.) et Barbry (E.), Le droit du Multimédia, Coll. Que Sais-je ? PUF, 1996.
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[2]
V. Agnola (Michel), Multimédia, Les Aides au financement, Ed. Dixit et Ruchon (Dominique), Guide pratique des aides françaises et européennes au multimédia, , Ed. Art 3000.
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[3]
Ce fut récemment le cas de “Multimédia Investissement” (2MI), du Programme MÉDIA II de l’Union européenne.