Couverture de LECO_075

Article de revue

Un diagnostic erroné sur la mort de la social-démocratie

Réponses à un article de Guillaume Duval

Pages 104 à 112

Notes

  • [1]
    L'écart entre la rémunération moyenne des dirigeants et celle des salariés est ainsi de 104 en France, 206 au Canada, 354 aux Etats-Unis. Rappelons qu'Henry Ford considérait dans les années 1930 que l'échelle des salaires au sein d'une entreprise ne devait pas être supérieure à 40.
  • [2]
    "Entre 2010 et 2015, les inégalités de patrimoine se réduisent légèrement", par Aline Ferrante, David Guillas et Rosalinda Solotareff, Insee première n˚ 1621, novembre 2016.
  • [3]
    En 2012, selon la Dares du ministère du Travail, près de 9 millions de salariés du secteur privé ont perçu un complément de rémunération de 2 270 euros en moyenne au titre de la participation, de l'intéressement ou de l'épargne salariale.
  • [4]
    Voir sur le site de la Direction de l'information légale et administrative, www.dila.premier-ministre.gouv.fr
  • [5]
    Selon le Programme de qualité et d'efficience "Financement" du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de 2011.
English version

1L'avenir dira si la social-démocratie est morte. Elle est indéniablement en crise profonde. Les symptômes en sont connus : importants reculs électoraux, voire quasi-disparition du champ politique dans certains pays, baisse considérable du nombre d'adhérents et atonie militante, absence de projet et perte d'identité politique... Cette crise de la social-démocratie a des effets différents sur la structuration du champ politique suivant les pays, profitant la plupart du temps à l'extrême droite, mais faisant aussi émerger de nouvelles forces de gauche. Pour Guillaume Duval, les raisons de cette crise tiennent à l'effacement des frontières entre salariés et capitalistes et aux divisions au sein du salariat : "La grande masse des salariés a échappé progressivement à la condition de prolétaire [...]. Les frontières entre "salariés" et "capitalistes" sont devenues poreuses [...]. Une part importante des salariés a épousé en partie la logique capitaliste [...], ils se sont mis aussi à vivre en partie de leurs rentes." Ainsi, "une part essentielle des conflits de répartition se joue désormais entre les différents groupes de salariés : les vrais prolétaires, ceux qui vivent dans la précarité, sans pouvoir accumuler de patrimoine, n'ont pas les mêmes intérêts que les fonctionnaires ou les cadres des grands groupes, dont les emplois sont mieux protégés et les rémunérations permettent d'accumuler de l'épargne". Conclusion sans appel, "les structures traditionnelles du mouvement ouvrier [...] perdent logiquement leur capacité à agréger l'ensemble des salariés autour du coeur de leur clientèle, qui a été pour l'essentiel constituée par l'élite du salariat. [...] C'est la fracture croissante au sein du salariat lui-même qui explique la profonde crise des organisations issues du mouvement ouvrier".

2Cette thèse, pour cohérente qu'elle soit, pèche par de nombreux aspects. En particulier, elle n'a pas de pouvoir explicatif pour ce qui s'est passé en Grèce : on ne peut pas expliquer l'effondrement du Pasok par le fait que les salariés grecs se seraient mis à vivre en partie de leurs rentes. Elle n'explique pas non plus la montée de partis de la gauche radicale comme Podemos en Espagne, qui remettent en cause la financiarisation, alors que si les salariés vivaient, même en partie, de leurs rentes, ils devraient y être favorables. Au-delà, c'est l'analyse globale de Guillaume Duval qu'il faut remettre en cause.

L'oubli de la périodisation du capitalisme

3Tout d'abord, Guillaume Duval n'analyse pas les conséquences des transformations du capitalisme et notamment le passage du capitalisme "fordiste" au capitalisme néolibéral financiarisé. Or ce changement du régime d'accumulation est décisif. La sortie de la condition de prolétaire, "des personnes vivant au jour le jour, gagnant juste de quoi assurer leur survie et celle de leur famille", s'est faite pour l'essentiel au sortir de la Seconde Guerre mondiale avec l'instauration d'un Etat social dans le cadre du capitalisme fordiste. Se mettent alors progressivement en place dans les grands pays capitalistes développés des systèmes inédits de protection sociale dont l'objectif explicite est le bien-être (welfare) de la population. Grâce à ces institutions, la généralisation du salariat s'est accompagnée d'une sortie progressive (et limitée) de la pauvreté avec un minimum de sécurité dans l'existence.

4Loin d'avoir épousé la logique capitaliste, comme l'affirme Guillaume Duval, les salariés ont été insérés dans des institutions en rupture avec elle. Que l'on pense à la sécurité sociale ou aux services publics. Certes, les divisions au sein du salariat n'ont pas disparu, mais la logique d'extension des droits a permis à l'époque d'en relativiser la portée. Si, dans le cas de la France - c'est moins vrai dans d'autres pays, en particulier dans les pays scandinaves -, les structures traditionnelles du mouvement ouvrier s'organisaient essentiellement dans les grandes entreprises et la fonction publique (ce qu'il appelle "l'élite du salariat"), l'ensemble des salariés profitait des avancées obtenues. Il est donc faux d'affirmer que la sortie de la prolétarisation s'est accompagnée d'une division accrue du salariat et de l'effacement de la frontière entre capitalistes et salariés. Bien au contraire, ce que certains ont appelé le "compromis fordiste" est le fruit de luttes sociales d'ampleur dont l'acmé a été en Europe l'année 1968 et celles qui l'ont suivie. Le conflit de répartition, contrairement à ce qu'affirme Guillaume Duval, n'opposait pas les salariés entre eux. Ces derniers avaient réussi à imposer un partage des gains de productivité entre le capital et le travail, favorisé pour cela par leur forte croissance (environ 5 % par an).

5Cette situation change avec la crise du capitalisme fordiste. Le déploiement du capitalisme néolibéral financiarisé, sur fond de défaites ouvrières importantes, s'accompagne de la globalisation du capital à partir du début des années 1980. Les entreprises sont aujourd'hui guidées par une logique financière visant à maximiser "la création de valeur pour l'actionnaire". Cette financiarisation touche aussi les PME qui, pour la plupart, sont prises dans une chaîne de sous-traitance et soumises aux exigences de leur donneur d'ordre. Le bilan de ces trente dernières années est éloquent. Le chômage et la précarité ont grandi alors que la part des salaires dans la valeur ajoutée baissait de 5 à 8 points selon que l'on prend comme référence 1972 ou 1982. De plus, l'investissement productif a progressé très modérément, alors qu'explosaient les placements financiers, les exportations de capitaux, les rachats d'actions et la part des dividendes dans le PIB. L'emploi est devenu, dans ce cadre, une simple variable d'ajustement.

6L'avènement du capitalisme néolibéral aurait-il permis que "les frontières entre "salariés" et "capitalistes" [soient] devenues poreuses" et que les premiers se soient mis à vivre en partie de leurs rentes ? La situation des salariés les mieux rémunérés, appartenant au centile ou au décile supérieur, n'est pas comparable à celle des autres 90 %, et le clivage s'est creusé. Dans son livre Le capital au XXIe siècle (Le Seuil, 2013), Thomas Piketty documente la forte hausse des salaires des cadres dirigeants des grandes entreprises depuis la fin des années 1990 dans les pays développés. Ainsi, en France, la part du 1 % des plus hautes rémunérations, qui représentait moins de 6 % de la masse salariale au début des années 2000, atteint presque 8 % au début des années 2010 [1]... La baisse de la part salariale dans la valeur ajoutée s'est accompagnée d'une hausse des inégalités dans la distribution des salaires.

7Ces inégalités croissantes de rémunération ont renforcé les inégalités de patrimoine, qui sont encore plus marquées. Selon l'Insee [2], début 2015 en France, "les 10 % de ménages les mieux dotés concentrent 47 % de la masse de patrimoine brut de l'ensemble des ménages [...]. Les 5 % les mieux dotés en patrimoine en disposent à eux seuls de 33 % et les 1 % en rassemblent 16 %". La moitié des ménages a un patrimoine net inférieur à 114 000 euros. De plus, pour l'énorme majorité des ménages, le patrimoine est principalement constitué (pour 75 % de son montant) par la propriété de leur résidence principale. Enfin, les compléments de rémunération délivrés par les entreprises ne permettent en aucun cas de considérer les salariés comme des rentiers [3].

8Loin donc d'avoir conduit à l'effacement des frontières entre capitalistes et salariés, comme l'affirme Guillaume Duval, l'avènement du capitalisme néolibéral a entraîné au contraire une concentration du patrimoine entre les mains d'une petite minorité et provoqué une inégalité croissante des revenus. Pour l'énorme majorité des salariés, vivre, même partiellement, de ses rentes reste inaccessible.

9Pour nourrir sa thèse, Guillaume Duval prend l'exemple des pays où la retraite par capitalisation s'étant imposée, les cotisations retraites des salariés sont placées par les fonds de pension dans des produits d'épargne. L'exemple des Etats-Unis permet de nous éclairer sur ce qu'il en est. Contrairement à ce que l'on croit généralement, la pension de base des retraités états-uniens est constituée par une retraite par répartition, régime public géré au niveau fédéral, et seule une minorité d'entre eux, moins de 30 %, bénéficie de prestations - très incertaines - des fonds de pension. De plus, c'est une petite minorité de cette minorité qui concentre l'essentiel des prestations versées par ces fonds. Pour l'énorme majorité des retraités états-uniens, vivre de ses rentes relève aussi d'une perspective inatteignable.

Conflits de répartition

10Pour autant, Guillaume Duval a raison d'indiquer que les conflits de répartition se jouent aujourd'hui aussi entre différentes catégories de salariés. Mais contrairement à ce qu'il affirme, ce n'est pas dû au fait qu'"une part importante des salariés a épousé la logique capitaliste" mais au fait qu'il devient difficile d'intervenir sur la formation des revenus primaires et d'imposer une politique de redistribution fiscale, au vu des rapports de force sociaux et politiques. Les évolutions du mode de financement de la protection sociale l'illustrent particulièrement.

11Les entreprises ont bénéficié depuis le début des années 1990 d'allégements de cotisations sociales, notamment sur les bas salaires, qui se sont amplifiés au fil des ans pour atteindre plus de 33,1 milliards d'euros en 2013 [4]. Cette perte de recettes pour la sécurité sociale a été, pour l'essentiel, compensée par l'Etat. Il s'agit là d'un transfert, par le biais de la fiscalité, du financement de la protection sociale des entreprises vers les ménages. S'y ajoute le financement d'une part importante de l'assurance maladie (36 %) par la cotisation sociale généralisée (CSG), celle-ci étant générée à près de 90 % par les salaires et les retraites. Le double mouvement d'exonération de cotisations sociales sur les bas salaires et de montée en puissance de la CSG a abouti à une baisse de près de 17 points de la contribution des entreprises au financement du régime général de la sécurité sociale entre 1982 et 2009 [5]. Les mesures prises par le gouvernement Hollande vont dans le même sens, avec de nouveaux allégements de cotisations sociales et la suppression des cotisations familiales versées par les employeurs, compensés par une augmentation de la TVA et une réduction des dépenses publiques.

12Le rapport capital-travail oublié, il ne reste donc qu'une répartition des efforts au sein du salariat pour financer les dépenses de solidarité. Loin donc d'être le produit d'une évolution objective, cette situation est le résultat de politiques parfaitement conscientes qui visent à baisser toujours plus le coût du travail, alors même que les revenus distribués par les entreprises se situent à un niveau historiquement haut.

13Guillaume Duval fait des contradictions accrues au sein du salariat la racine de la crise de la social-démocratie. Il existe pourtant des solutions visant à réduire les fractures qu'il analyse. Par exemple, pour lutter contre la tendance à accumuler une épargne, dont il fait la raison essentielle de la participation des salariés à la logique capitaliste, il aurait pu défendre le renforcement de la retraite par répartition. On sait que l'incertitude sur l'avenir des retraites est une des causes de la progression de l'épargne. On pourrait tenir le même raisonnement concernant la question de la santé, de la dépendance et, pour lutter contre la précarité, préconiser l'extension de l'indemnisation du chômage aux nouveaux emplois sans protection. Or loin de mettre en avant des solutions permettant d'unifier le salariat, il propose au contraire d'aggraver encore ces divisions. Ainsi, nous dit-il, il faut "avoir le courage de prendre des mesures susceptibles d'améliorer la situation des plus défavorisés, même si elle dégrade du même coup celle de l'élite des salariés", constituée, selon lui, de ceux qui ont "échappé progressivement à la condition de prolétaire". Rassurons-le, les classes dirigeantes ont eu le courage qu'il préconise depuis quelques décennies ! Faire financer les prestations fournies aux catégories plus pauvres par celles et ceux qui le sont moins est une constante des politiques néolibérales. Au-delà du fait qu'une fois de plus le rapport capital-travail est passé sous silence, on voit mal comment la social-démocratie pourrait fonder un projet d'avenir sur une telle perspective. En effet, d'après son analyse même, cette "élite" du salariat forme encore la base de la social-démocratie. Sa proposition revient donc à demander à la social-démocratie de scier la branche, déjà bien vermoulue, sur laquelle elle est assise.

14Remarquons pour finir que Guillaume Duval oublie un fait essentiel : les catégories du salariat les plus protégées, non seulement ne vivent pas de leurs rentes et n'épousent pas la logique capitaliste, mais subissent de plein fouet une remise en cause de leurs droits avec, pour les fonctionnaires, le détricotage progressif du statut de la fonction publique et, pour les salariés du privé, une attaque frontale contre le droit du travail.

La conversion au social-libéralisme et le déni du rapport capital-travail

15La social-démocratie visait historiquement à établir un compromis entre le travail et le capital, et à limiter l'emprise de ce dernier sur le monde du travail et sur la société. Le projet social-démocrate supposait donc un certain degré d'affrontement avec la logique capitaliste, avec comme objectif de borner l'activité du capital. D'où, par exemple, la promotion des services publics ou de la protection sociale, et plus globalement la mise en place de l'Etat social. La social-démocratie a donc été historiquement antilibérale, même si, in fine, elle accepte le capitalisme. Certes, la construction de l'Etat social a été favorisée par les caractéristiques du capitalisme de l'époque, un capitalisme peu globalisé dont l'assise était essentiellement nationale et donc contrôlable par la puissance publique. Mais la création de la sécurité sociale et des services publics n'était pas inscrite dans les gènes du capitalisme. Elle relève d'une décision politique.

16L'incapacité de la gauche sociale-démocrate, comme de la droite, à répondre à la crise du capitalisme fordiste conjuguée à l'épuisement du modèle soviétique entraîne l'apparition d'une vague néolibérale qui emporte avec elle la social-démocratie. Sa conversion dans les années 1980 au social-libéralisme change du tout au tout la situation. Ce dernier ne vise pas à bâtir un compromis entre le travail et le capital. Il s'agit au contraire pour lui d'accompagner, voire d'anticiper, les transformations du capitalisme globalisé. Les sociaux-libéraux partagent avec les néolibéraux un certain nombre d'idées fondamentales, comme la croyance en l'efficience des marchés financiers, la nécessité de baisser le coût du travail ou encore le poids toujours trop élevé des prélèvements obligatoires... D'où le fait qu'ils aient été, avec les partis de droite, les fossoyeurs de l'Etat social, les zélateurs de la déréglementation financière - c'est Pierre Bérégovoy qui en a été l'initiateur en France - et du libre-échange généralisé.

17L'attitude par rapport à l'Union européenne l'illustre parfaitement. Guillaume Duval reproche à la social-démocratie d'avoir été incapable de la réformer alors qu'en 2000, onze des quinze gouvernements de l'Union européenne étaient sociaux-démocrates. Mais comment aurait-elle pu le faire alors même qu'elle avait participé activement à la construction de l'Union avec la mise en place de l'Acte unique en 1986 et avec le traité de Maastricht en 1992 ? Rappelons qu'un des premiers actes de Lionel Jospin, devenu Premier ministre en 1997, a été de signer le traité d'Amsterdam qui entérinait les critères de Maastricht avec le pacte de stabilité, geste que copiera François Hollande en annonçant dès son élection la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) qu'il avait pourtant promis de renégocier. Les partis sociaux-démocrates ont été des acteurs décisifs dans l'adoption des traités européens qui visent à sortir les politiques économiques du débat démocratique et de la décision citoyenne, et à instaurer une gouvernance par les normes. Ils ont participé activement à l'étouffement financier de la Grèce suite à l'arrivée au gouvernement de Syriza.

18En période "normale", les gouvernements sociaux-démocrates essayent de pratiquer un aménagement social du néolibéralisme et cherchent à en atténuer un peu les conséquences sans le remettre en cause. En période de crise, ils appliquent sans hésiter des politiques d'austérité drastique et se convertissent au néolibéralisme pur et dur. Ce sont ainsi des partis sociaux-démocrates qui, après la crise financière de 2008, ont appliqué des politiques d'austérité d'une ampleur inouïe en Grèce, en Espagne et au Portugal, entraînant une régression sociale sans précédent... avant de laisser la place à la droite. L'espace politique de la social-démocratie s'est donc réduit progressivement, et ce d'autant plus qu'après avoir adopté les thèses néolibérales, ces partis se convertissent progressivement au discours sécuritaire et néoconservateur de la droite. On a pu ainsi voir en Allemagne des dirigeants du SPD critiquer Angela Merkel pour avoir accepté de recueillir les réfugiés et l'on se souvient des déclarations indignes de Manuel Valls sur le sujet. La social-démocratie n'a plus aucun projet politique qui lui soit propre. C'est ce qui est à la racine de sa crise.

19Cette situation nourrit en effet une crise larvée au sein des partis sociaux-démocrates. Des ruptures ne sont pas impossibles, comme le montrent le choix du PS portugais de s'allier avec la gauche radicale ou, en Espagne, le désaveu des dirigeants du PSOE qui avaient choisi le suicide politique plutôt qu'une alliance à gauche (leur décision de s'abstenir au moment du vote d'investiture du gouvernement de Mariano Rajoy (PP), à l'automne 2016, avait permis à ce dernier de former un gouvernement minoritaire). Le succès au Royaume-Uni de Jeremy Corbyn au sein du Parti travailliste et la forte poussée de ce dernier aux élections législatives de juin 2017 confirment que rien n'est figé. Or c'est le tandem Blair/Giddens qui a le premier théorisé la conversion au néolibéralisme. Que cette orientation soit rejetée là où elle est née est significatif de la situation actuelle.

Reconstruire des forces de contestation crédibles

20La social-démocratie peut-elle rebondir ? Cela suppose qu'elle ait un projet, avec les mesures concrètes correspondantes, permettant de peser sur le capital globalisé mais surtout d'accepter un affrontement avec lui et les forces politiques qui le soutiennent. Risquons une hypothèse basée sur un constat historique. Le seul moment dans l'histoire du capitalisme où les classes dominantes ont accepté de voir en partie leur domination remise en cause correspond à la période où l'existence même du capitalisme était contestée. Il importe peu de savoir si les forces qui portaient cette contestation - essentiellement les partis communistes et l'Union soviétique - étaient réellement révolutionnaires, ou si le modèle proposé était vraiment porteur d'émancipation. Il n'empêche qu'elles apparaissaient comme une alternative au capitalisme.

21C'est la puissance de ces mouvements de contestation radicale de l'ordre existant, et de l'imaginaire social qui l'a accompagnée, qui a obligé les classes dirigeantes à accepter, bon gré mal gré, le compromis des Trente Glorieuses, le plus souvent mis en oeuvre par la social-démocratie. Le paradoxe est donc le suivant : la social-démocratie n'a pu jouer historiquement le rôle qui a été le sien que parce qu'il a existé des forces de contestation du système assez crédibles pour pouvoir l'emporter. Une leçon pour l'avenir ?

Notes

  • [1]
    L'écart entre la rémunération moyenne des dirigeants et celle des salariés est ainsi de 104 en France, 206 au Canada, 354 aux Etats-Unis. Rappelons qu'Henry Ford considérait dans les années 1930 que l'échelle des salaires au sein d'une entreprise ne devait pas être supérieure à 40.
  • [2]
    "Entre 2010 et 2015, les inégalités de patrimoine se réduisent légèrement", par Aline Ferrante, David Guillas et Rosalinda Solotareff, Insee première n˚ 1621, novembre 2016.
  • [3]
    En 2012, selon la Dares du ministère du Travail, près de 9 millions de salariés du secteur privé ont perçu un complément de rémunération de 2 270 euros en moyenne au titre de la participation, de l'intéressement ou de l'épargne salariale.
  • [4]
    Voir sur le site de la Direction de l'information légale et administrative, www.dila.premier-ministre.gouv.fr
  • [5]
    Selon le Programme de qualité et d'efficience "Financement" du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de 2011.
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