Notes
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[1]
Dans les dernières décennies, la finance de marché s'est développée grâce à des innovations (options et swaps) incorporant des leviers financiers équivalant pour les emprunteurs finaux à ceux que procure la monnaie bancaire. Les intermédiaires qui fournissent ces leviers financiers en prenant le risque de crédit sont des hedge funds, des fonds d'investissement et des brokers dealers (départements de banques d'affaires) qui forment une nébuleuse appelée shadow banking. L'expansion du shadow banking a amplifié les leviers d'endettement, et donc accru le momentum des cycles financiers.
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[2]
Depuis le milieu des années 1990, la zone euro offre un exemple de telles distorsions sur les prix d'actifs immobiliers et les salaires, liées à une politique monétaire unique sans coordination des politiques économiques entre les Etats.
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[3]
On peut ainsi considérer que le taux nominal du marché monétaire incorpore une option qui garantit le plancher zéro quand le taux naturel devient négatif. Pour plus d'explications sur ce point, voir Panorama du Cepii n˚ 2016, février 2016.
1On observe depuis quelque temps des situations insolites dans la finance : des taux d'intérêt nominaux négatifs pour les réserves déposées à la banque centrale. Autrement dit, les banques commerciales payent pour détenir des réserves libres plutôt que de les prêter. Cette situation a d'abord concerné certains marchés monétaires, comme au Danemark ou en Suisse, puis s'est étendue à la zone euro et au Japon. Plus étrange encore en apparence, les taux négatifs ou nuls se répandent sur la courbe des taux jusqu'à des échéances pouvant atteindre dix ans.
2 Ces situations sont couramment considérées comme des anomalies, parce que toute économie monétaire est contrainte par la barrière du taux nominal zéro. Elucider ces anomalies implique de répondre à un certain nombre de questions. Tout d'abord, qu'est-ce que la barrière du taux zéro (zero lower bound) ? En quoi est-elle une propriété fondamentale de la monnaie ? Qu'est-ce qui pousse les banques centrales à abaisser à tel point leurs taux directeurs ? Comment se fait-il que l'on puisse observer des chiffres négatifs et compatibles avec la barrière du taux zéro ? Pourquoi l'anomalie des taux négatifs peut-elle s'étendre à des échéances plus ou moins lointaines ? Plus généralement, le niveau extrêmement bas des taux d'intérêt renvoie à des interrogations fondamentales sur l'avenir du régime de croissance qui a accompagné le développement de la sphère financière.
3 Les taux d'intérêt négatifs apparaissent, avec l'expansion des bilans des banques centrales, comme une nouvelle étape dans la recherche d'instruments monétaires destinés à conjurer les deux maux qui minent les économies développées depuis la grande crise financière de 2008 : demande anémique et menace de déflation.
4Toutefois, depuis l'automne 2014, des doutes se font jour sur leur efficacité. Des problèmes plus profonds semblent entraver les pays développés. La situation de l'économie mondiale est de plus en plus inquiétante. L'investissement reste atone tandis que les risques d'instabilité financière sont accentués par le retour de la fragilité bancaire et de la volatilité des marchés. Les problèmes profonds des pays développés sont identifiés comme les signes d'une ère de stagnation séculaire où le rendement du capital et les gains de productivité sont très faibles. Ces problèmes se situent au-delà des leviers d'action de la politique monétaire : malgré les efforts faits, le taux d'intérêt, autrement dit le coût du capital, reste trop élevé par rapport à la baisse du rendement du capital. D'où le désappointement des marchés financiers et de nombre d'observateurs.
5Cette situation a une origine politique : les gouvernements se sont défaussés sur les banques centrales depuis trop longtemps. Leur immobilisme face au manque d'investissement et à l'insuffisance de la demande a entretenu l'impact négatif de la crise financière sur l'économie réelle. Les efforts remarquables des banques centrales pour éviter la déflation ont commencé à entraîner des effets pervers. Le poids de l'endettement continue à progresser inexorablement dans l'économie mondiale et les liquidités abondantes créées par les banques centrales l'aggravent. La concomitance des politiques d'achat d'actifs financiers et de l'instauration de taux négatifs sur les réserves bancaires a poussé les taux obligataires à devenir négatifs sur un bon quart des encours mondiaux de dette publique. En découle une détérioration sournoise des situations financières pour les banques et les investisseurs institutionnels sur leurs passifs garantis. En conséquence, l'aversion pour le risque se conjugue aux anticipations pessimistes de disparition de l'inflation et étouffe les projets d'investissement risqués et de long terme.
6Tout se passe comme si nos sociétés étaient devenues incapables d'inventer leur futur. Cela nous oriente vers une analyse plus profonde du taux d'intérêt comme "valeur du temps", face à ces grandes questions que sont le vieillissement, la montée des inégalités, la soutenabilité et le financement des investissements nécessaires pour surmonter les externalités environnementales.
L'action des banques centrales
7Depuis la faillite de la banque Lehman Brothers en septembre 2008, les grandes banques centrales des économies développées ont poursuivi des politiques monétaires dites non conventionnelles. En temps normal, la politique monétaire est mise en oeuvre via la fixation d'un taux d'intérêt nominal auquel les banques se refinancent. La banque centrale maîtrise ainsi les taux d'intérêt à très court terme sur les marchés sans avoir à modifier la taille de son bilan. Le niveau du taux d'intérêt directeur est décidé périodiquement par le comité de politique monétaire et les refinancements accordés sont à court, voire à très court terme. Les taux des échéances les plus lointaines se déterminent librement sur les marchés financiers, en fonction des anticipations d'évolution des facteurs économiques fondamentaux, eux-mêmes influencés par la politique monétaire.
8L'adoption des politiques monétaires non conventionnelles a répondu à deux sortes de préoccupations : d'abord, parer à un dysfonctionnement dans le mécanisme de transmission de la politique monétaire, particulièrement dans un contexte de dégradation avérée ou potentielle d'une partie significative du système bancaire, afin d'éviter un blocage du marché interbancaire ; ensuite, surmonter la limite à zéro des taux d'intérêt dans un environnement de faible croissance et d'inflation très basse où, si un choc de demande négatif devait intervenir, la politique monétaire conventionnelle n'aurait plus, compte tenu de taux d'intérêt déjà très faibles, de marges de manoeuvre pour s'opposer à l'enclenchement d'une spirale déflationniste.
9Comme l'écrit l'économiste historien Barry Eichengreen [2015], la crise appelait une réponse de politique monétaire hors du commun et c'est ce que les grandes banques centrales ont livré à l'histoire. Pour autant, les circonstances de la crise financière initiée en 2007-2008 ont suscité des interrogations très profondes quant au fonctionnement des économies contemporaines.
La notion centrale du taux d'intérêt naturel et sa neutralité
10Toutes les économies sont monétaires. Les économies modernes sont à monnaie endogène : la monnaie y est créée par le système bancaire en contrepartie du crédit, ainsi que par le shadow banking dans les économies à finance développée et libéralisée [1]. En monnaie endogène, l'offre et la demande de monnaie interagissent. La demande "réelle" de monnaie n'est pas stable, car elle dépend à la fois des changements dans la croissance (non seulement en ce qui concerne ses fluctuations cycliques, mais aussi les ruptures de ses "modes") et de la dynamique financière. En effet, la dynamique financière, qui a une puissance autonome, déforme l'équilibre épargne-investissement, donc le rythme et la structure de la croissance. Les cycles financiers de grande amplitude et de longue périodicité qui sous-tendent les cycles économiques sont maintenant reconnus. Aussi les banques centrales ont-elles abandonné le contrôle direct de la quantité de monnaie pour réguler l'équilibre épargne-investissement à l'aide d'un taux d'intérêt pivot : le taux d'intérêt dit "naturel".
11Ce dernier reflète le taux de rendement anticipé sur les biens de capital nouvellement produits. Il est postulé neutre dans un régime de croissance régulière, lorsque l'investissement projeté à ce taux de rendement marginal est égal à l'épargne désirée par l'ensemble des agents économiques. C'est le taux pour lequel l'équilibre entre épargne et investissement correspond à l'utilisation optimale des ressources productives, autrement dit, au plein-emploi. Il s'agit d'un équilibre de moyen terme, et non de court terme, correspondant à l'horizon de la politique monétaire. Il s'ensuit que l'autorité monétaire devrait fixer son taux d'intérêt directeur (taux nominal) à un niveau égal au taux naturel si elle recherche la stabilité des prix (c'est-à-dire si elle souhaite que l'inflation soit nulle). Plus généralement, on peut définir le taux naturel nominal comme le taux naturel réel augmenté de l'anticipation d'inflation à long terme des marchés financiers. En temps "normal", les anticipations d'inflation sont alignées sur la cible d'inflation de la banque centrale. Le taux naturel nominal neutre est alors égal au taux réel neutre, plus la cible d'inflation de la banque centrale.
Une difficulté pour les banques centrales : le taux d'intérêt "neutre" est inconnu
12Un taux de marché inférieur au taux neutre crée un déséquilibre. Il favorise l'expansion excessive du crédit et accélère l'inflation : il y a surchauffe, c'est-à-dire une activité économique qui entraîne un degré d'utilisation des capacités de production supérieur au degré optimal. La surchauffe est censée créer l'amorce d'un dérapage inflationniste. A l'inverse, un taux de marché supérieur au taux neutre engendre une insuffisance du côté de l'offre de crédit, et donc un niveau d'activité économique trop faible pour maintenir le taux d'emploi optimal. Le chômage augmente parce que les capacités de production sont sous-employées. Si ce déséquilibre se prolonge, il peut provoquer une récession.
13Si le taux réel neutre était connu de la banque centrale, l'ajustement monétaire pour accommoder la demande du secteur privé en liquidité serait fort simple. Il lui suffirait de guider le taux réel du marché monétaire pour le faire converger vers le taux réel neutre. Mais il n'en est rien. En fait, les hypothèses de croissance équilibrée sur lesquelles repose le taux neutre ne correspondent pas à la réalité des économies soumises au cycle financier. Celles-ci sont des systèmes continuellement en transformation. Nos économies font tout autant l'objet de déséquilibres conjoncturels autour d'une croissance tendancielle régulière que de "déséquilibres persistants". En effet, dans une économie capitaliste, l'accroissement des capacités de production dépend de l'investissement productif. Et l'investissement est guidé par les anticipations de long terme des entrepreneurs, leurs "esprits animaux", selon Keynes. Ceux-ci sont hautement volatils, car ils résultent de l'interaction entre le rendement anticipé des projets d'investissement et le coût du capital, lui-même dépendant des taux d'intérêt futurs de marché. Aussi, des "déséquilibres persistants" ont de fortes chances d'émerger dès lors que la production, la consommation et l'emploi changent de structure au cours du temps. Parmi ces grands déséquilibres figure l'interaction étroite entre les mouvements des grandeurs monétaires et les changements de prix relatifs [2]. Ces distorsions induites sur les prix relatifs (en particulier les prix d'actifs) sont amplifiées par l'irruption d'un niveau butoir sur les taux d'intérêt et par l'injection de quantités considérables de liquidité dans le système financier.
La baisse du taux d'intérêt naturel
14Un ensemble de facteurs peut expliquer la baisse du taux naturel nominal dans nos économies. Certains sont des variables réelles :
- la diminution de la population en âge de travailler ou des taux d'activité ;
- le ralentissement du rythme de progrès technique réduisant les gains de productivité ;
- l'érosion tendancielle de la demande, par exemple sous l'effet d'une modération du salaire réel par rapport à la productivité, ou encore d'un accroissement massif des inégalités ;
- D'autres sont de l'ordre de la dynamique financière :
- la baisse tendancielle de l'inflation lorsque les anticipations de long terme ne sont plus ancrées sur la cible annoncée par la banque centrale ;
- l'augmentation de l'aversion pour le risque créant un surcroît d'épargne de précaution qui rechigne à s'investir.
16Tous ces facteurs ont joué leur rôle dans la période qui a conduit à la grande récession post-2008. Les facteurs démographiques, technologiques et sociaux ont induit une lente érosion de la rentabilité marginale du capital productif. Quant aux facteurs financiers, ils ont été prépondérants depuis le déclenchement de la crise financière. Le taux naturel s'est littéralement effondré en 2008. Le graphique page suivante montre une estimation, a posteriori, de celui-ci pour les Etats-Unis. Il serait devenu négatif ou, au mieux, nul depuis 2012. Des estimations analogues mais non encore publiées, menées à la Banque de France sur la zone euro, feraient état d'un taux naturel devenu négatif pour la zone euro à partir de 2012.
17Les répercussions de la crise financière systémique ont été immédiatement drastiques pour les banques et d'autres intermédiaires financiers. Les banques centrales ont dû injecter des liquidités en levant toutes les conditions auxquelles elles les accordent aux banques dans les circonstances normales, et les fournir au coût le plus faible possible. Les banques centrales anglo-saxonnes ont mis leur taux directeur au voisinage de zéro dès la fin de l'année 2008.
18Nous mentionnions plus haut l'existence de grands cycles financiers sous-jacents aux cycles économiques : en 2008, leur retournement a coïncidé fort malheureusement avec une montée brutale de l'aversion pour le risque, provoquant une diminution de l'investissement productif et un excès d'épargne qui ont fait baisser le taux naturel (les économistes convergent vers un ordre de grandeur de 2 % de baisse au paroxysme de la crise, puis la poursuite d'un glissement vers le bas).
L’effondrement du taux d’intérêt naturel depuis 2008
L’effondrement du taux d’intérêt naturel depuis 2008
19 La Banque centrale européenne (BCE) a eu plus d'inertie dans son mouvement d'assouplissement monétaire non conventionnel que ses homologues anglo-saxonnes. Cette inertie, jointe à des politiques budgétaires restrictives, a aggravé l'attentisme des acteurs privés et, partant, le marasme de la demande : la zone euro s'est enfoncée dans la stagnation.
20Par la suite, c'est un régime autoentretenu de croissance basse qui s'est installé, sous la menace du surplomb d'endettement. Ce surplomb reste aujourd'hui en suspens, car la baisse de l'activité économique et le reflux induit de l'inflation empêchent sa résorption. En effet, si une augmentation de l'endettement à partir d'un niveau d'endettement faible est une force d'impulsion à la croissance, trop d'endettement lui est néfaste.
La barrière du taux nominal zéro
21On saisit le piège dans lequel se trouve la politique monétaire. Quiconque disposant de titres financiers à court terme sans risque de crédit (par exemple, des bons du Trésor) a toujours l'option de les convertir en cash sans coût et sans limite. Or le cash, en tant que liquidité absolue et détenue anonymement, ne porte pas d'intérêt.
22La détermination du taux directeur de la banque centrale pour de très faibles valeurs du taux naturel devient binaire : le taux directeur est soit égal au taux naturel nominal tant que celui-ci est positif, soit égal à zéro lorsque le taux naturel devient négatif, donc virtuel [3].
23Lorsque le taux court est bloqué par la barrière, le taux nominal est alors trop haut par rapport au taux naturel que la banque centrale devrait fixer pour ramener l'économie vers la production potentielle. L'économie tombe dans une "trappe à liquidité". La banque centrale perd la capacité de transmettre ses impulsions à l'économie à partir du taux court. Elle doit alors inventer d'autres moyens d'action. Elle cherche à agir sur les taux longs en influençant les taux courts anticipés. Elle le fait en s'engageant fermement à conserver le taux à court terme à zéro tant que ne seront pas atteintes certaines conditions d'emploi et d'inflation qu'elle énonce. C'est la politique de guidage des taux d'intérêt futurs (forward guidance). Si cet engagement est crédible, la composante anticipation des taux longs restera basse. La forward guidance permet aussi de réduire la volatilité des taux courts futurs qui est incorporée dans le prix du risque. Elle abaisse donc l'ensemble de la courbe des taux (voir graphique ci-dessous).
24 La montée du prix du risque reflète aussi la détérioration de la liquidité des actifs que les investisseurs financiers détiennent (liée au risque d'une forte perte de valeur si le besoin de liquider les actifs apparaît). La banque centrale va donc faire des achats ciblés d'actifs longs pour mettre hors du stress de marché l'actif qui est le pivot des marchés financiers, c'est-à-dire les obligations d'Etat de différentes échéances, et ainsi aplatir la pente de la courbe des taux et, donc, compléter la forward guidance par le contrôle de la prime de terme. Le cumul de ces instruments peut faire pivoter la courbe des taux jusqu'à l'horizontale, entraînant des taux voisins de zéro sur une large gamme d'échéances.
Comment expliquer les taux nominaux négatifs sur les marchés ?
25Certains taux nominaux observés sur les marchés peuvent être négatifs, et ce, pour plusieurs raisons. Une première raison découle des coûts de transaction associés à la détention du cash : commission, assurance, transport, risque de vol, etc. Les taux nominaux pour les comptes de dépôt en monnaie scripturale seraient donc négatifs, à la hauteur des coûts de transaction du cash. Cela permet, notamment, d'appliquer des taux négatifs sur les réserves des banques commerciales à la banque centrale, sans qu'ils soient considérés comme une taxe sur les dépôts.
La politique de « forward guidance »
La politique de « forward guidance »
26 Une autre raison s'applique à des taux de marché négatifs sur des titres de dettes, comme cela se produit en Suisse ou au Danemark, c'est-à-dire dans des petits pays très ouverts aux flux internationaux de capitaux et dont les monnaies sont susceptibles de s'apprécier suffisamment pour surcompenser la pénalité de déposer dans le pays. Le taux de rendement espéré pour les non-résidents déposant dans la monnaie nationale est égal au taux d'intérêt auquel s'ajoute l'anticipation d'appréciation du change, le rendement total anticipé demeurant positif. C'est par ce mécanisme d'appréciation anticipée de la monnaie locale que le taux d'intérêt directeur local peut être négatif (car égal au taux d'intérêt monétaire en monnaie étrangère, moins l'anticipation d'appréciation du change).
27 Plus intrigante est l'acceptation de détenir des instruments financiers rapportant des rendements négatifs dans des pays où les monnaies peuvent se déprécier. Il faut pour cela bien comprendre ce que représente la liquidité ultime émise par la banque centrale dans un contexte d'incertitude résultant des répercussions d'une crise financière systémique. Il s'agit de situations où les banques rechignent à se faire crédit et donc n'alimentent pas correctement le marché monétaire. L'évaluation des risques spécifiques des actifs est incertaine au point que les investisseurs s'en défient. Seules les banques centrales peuvent éviter une paralysie totale de la finance en décidant d'acheter potentiellement sans limite les titres qui sont les pivots des marchés financiers. La liquidité ultime est émise par la banque centrale, et les titres qu'elle décide d'acheter en grande quantité sont les réceptacles de cette liquidité. Grâce aux achats de la banque centrale, la valeur de ces titres augmente et leur taux d'intérêt baisse. La polarisation sur ces titres exprime donc le prix de la sécurité dans les cas d'aversion extrême pour le risque. Le taux d'intérêt sur titres (analogue à la liquidité) est donc égal au taux de marché en situation normale auquel est soustraite une "prime de sécurité". Si cette prime est élevée parce que l'incertitude est extrême, le taux d'intérêt peut être négatif.
28Les taux négatifs peuvent se propager au-delà du court terme. En effet, lorsque l'inflation est anticipée durablement basse, les taux courts futurs anticipés ont une probabilité non négligeable de devenir négatifs.
29Or on a vu que la forward guidance de la banque centrale aplatit la courbe des taux. Comme la banque centrale vise à abaisser toute la courbe des taux par ses achats massifs d'actifs publics longs, elle peut entraîner une large gamme de taux d'intérêt vers des taux négatifs.
30 Ces évolutions peuvent être accentuées par la régulation prudentielle. Car des contraintes prudentielles durcies sur les banques et les assurances favorisent la détention de titres bien notés, notamment ceux acquis par la banque centrale, accentuant ainsi la polarisation avec les autres types d'actifs. C'est ainsi que l'aggravation des inquiétudes sur l'état de l'économie mondiale au début de 2016 a élargi énormément la gamme des titres portant des taux d'intérêt négatifs jusqu'à huit ans d'échéance. L'estimation du Fonds monétaire international (FMI) est qu'en février 2016, une valeur de 5,5 trillions de dollars d'obligations dans le monde portait des taux négatifs. En Europe, c'est la moitié des obligations publiques qui étaient dans ce cas. Corrélativement, la vente de détresse des titres risqués sous l'aiguillon de la hausse de l'aversion au risque (fire sale) a fait plonger les Bourses et les matières premières.
Impact des taux négatifs sur la rentabilité du secteur financier
31Des actes du quotidien les plus anodins aux transactions financières les plus complexes, une valeur positive du temps est ancrée dans nos pratiques. En principe, la patience est récompensée. Au contraire, il est d'usage que l'impatience ait un coût : l'immédiateté (de la consommation, par exemple) se traduit par un coût positif dès lors qu'elle prive d'un flux de revenus futurs.
32Des taux d'intérêt nominaux négatifs sont donc une expression très subversive de la valeur du temps. C'est une forme extrême du besoin de sécurité qui met la liquidité, donc le choix de ne pas prendre d'engagement sur l'avenir, au-dessus de toute autre décision. Mais un environnement de taux d'intérêt extrêmement bas accompagnés d'une liquidité mondiale ample est une gageure pour de nombreux acteurs économiques habitués à évoluer dans un monde "à l'endroit", où l'immédiateté - ou l'impatience - est pénalisée, alors qu'au contraire, la patience est financièrement récompensée.
33 Les entités financières sont mécaniquement touchées par le renversement de ce paradigme. Les banques doivent complètement redéfinir leur gestion actif-passif, car la faiblesse du rendement de leurs actifs à revenu fixe - y compris leurs portefeuilles de prêts - rogne leurs marges d'intérêt. Les investisseurs institutionnels subissent aussi une forte pression sur les rendements et sont tentés par des stratégies d'allocation d'actifs de plus en plus risquées pour honorer les garanties accordées aux épargnants sur leurs engagements contractuels. D'ailleurs, des stratégies d'investissement jusqu'alors "standard" peuvent de facto cesser d'être viables. Les investisseurs du secteur officiel, comme les banques centrales ou encore les fonds souverains, subissent aussi ce retournement de paradigme et font donc face à de nouvelles contraintes.
34Le renversement en cours du paradigme exerce en particulier une pression forte sur la profitabilité des actifs financiers à rendement fixe (fixed income). Mais toutes les classes d'investissement sont touchées (telles que les actions, les titres hybrides émis par les entreprises, ou l'immobilier). En 2015, les investisseurs avaient encore du mal à accepter cette nouvelle réalité et à s'y adapter. Mais l'heure tourne, et les déséquilibres s'accumulent, déclenchant le regain d'inquiétude du début de l'année 2016.
Les bulles de prix d'actifs
35La question des bulles prend une dimension toute particulière dans l'environnement actuel. Cette fois-ci, ce sont les politiques monétaires elles-mêmes qui, mécaniquement, nourrissent des bulles. Les taux bas induisent une élévation des risques dans de nombreux marchés financiers, car dans un tel environnement, l'épargne cherche le rendement.
36 Voici tout le paradoxe de la situation actuelle : les politiques monétaires engendrent des bulles qu'il sera difficile d'éliminer par une simple remontée des taux directeurs sans générer de l'instabilité financière. Ce n'est d'ailleurs certainement pas un hasard si l'élaboration d'instruments dits "macroprudentiels" fait l'objet d'un tel effort de développement : il faut trouver un substitut aux instruments usuels pour retrouver des valorisations soutenables sans générer de krachs boursiers et obligataires.
Rendements négatifs et stagnation séculaire
37Combien de temps la faiblesse des rendements nominaux et réels va-t-elle durer ? Dans un scénario bénin, l'économie européenne reprendrait lentement un chemin de croissance et, avec elle, les taux d'intérêt se normaliseraient à moyen terme. Aux Etats-Unis, on a pu croire que cette dynamique était en marche après six ans de reprise, certes modeste. Toutefois, s'agit-il d'une évolution de long terme ou d'un sommet de cycle, sachant que la reprise américaine dure depuis plus de six ans et qu'aucune phase d'expansion n'a jamais duré plus de huit ans dans ce pays ? Dans un scénario de stagnation séculaire, en revanche, cette situation pourrait perdurer de nombreuses années. En effet, si la politique monétaire conduite par les grandes banques centrales a largement contribué à la baisse des taux d'intérêt suite à la Grande Récession, des lames de fond de natures démographique, écologique et sociale en sont des causes beaucoup plus pérennes. Un troisième scénario de forte remontée des taux à un horizon lointain ne peut pas être exclu non plus. Mais il suppose le déclenchement d'une vague d'investissements créant les bases d'un nouveau régime de croissance à long terme, donc une extinction du régime de financiarisation des économies et l'essor d'un régime de développement soutenable. Un tel scénario n'est pas concevable sans un changement radical des politiques économiques.
38Pour orienter ces politiques, il importe d'abord de comprendre que les raisons profondes pour lesquelles le rendement du capital baisse renvoient à des changements dans la structure de nos sociétés.
Taux d'intérêt et démographie
39Rappelons que selon les séries historiques établies par Angus Maddison, les pays dits "avancés" n'ont jamais connu une croissance tendancielle par tête (moyenne glissante sur dix ans) supérieure à 2 %, hormis dans la reconstruction post-1945 suivie des Trente Glorieuses, c'est-à-dire à l'ère du dividende démographique. Actuellement, tous les pays dits "développés" ont une croissance par tête tendancielle entre 0,5 % et 1 % par an. Une faible croissance tendancielle n'est compatible qu'avec un rendement marginal du capital et, donc, un taux d'intérêt naturel bas.
40 Le vieillissement démographique agit directement sur la croissance potentielle par la baisse du taux de participation, à moins que cette baisse ne soit compensée par une augmentation massive du taux de participation des femmes. Une étude de l'OCDE a calculé qu'une convergence progressive des taux d'activité hommes-femmes sur vingt ans élèverait le taux de croissance annuel moyen de 0,4 % en France, 0,5 % en Allemagne, 0,6 % en Espagne et 1 % en Italie. Les femmes détiennent donc une des clés qui permettraient au taux d'intérêt réel de long terme de remonter. Mais leur plus forte participation au marché du travail suppose une évolution profonde des mentalités, encore assez inhibées sur ce sujet, qui va au-delà de "simples" politiques structurelles [Valla, 2015].
41 Le facteur démographique semble jouer un rôle prépondérant dans la longue baisse du taux d'intérêt réel dans les pays de l'OCDE depuis le début des années 1980. Celle-ci est bien corrélée avec l'augmentation du poids des prime savers (population de 35 à 69 ans) dans la population totale. Car, avec la transition démographique, le nombre plus important des prime savers élève le taux d'épargne global, tandis que la réduction du poids des jeunes adultes (25-34 ans) freine la capacité d'endettement des ménages.
Inégalités et équilibre "épargne-investissement"
42La baisse du taux d'intérêt naturel tient aussi au fait que les inégalités se répercutent sur les comportements d'emprunt et de prêt. On peut en rendre compte dans les modèles à générations imbriquées où les individus sont au cours de leur cycle de vie emprunteurs puis épargnants. Plus précisément, les individus parcourent trois phases dans leur vie du point de vue de l'équilibre épargne-investissement : ils empruntent lorsqu'ils sont jeunes, épargnent aux âges intermédiaires et donc prêtent aux jeunes, puis consomment leur patrimoine lorsqu'ils sont vieux. Comme le taux d'intérêt naturel dépend de l'offre relative d'épargne vis-à-vis de la demande d'emprunt, il est influencé par les transformations entre les générations qui modifient fortement l'équilibre épargne-investissement. Mais pour que le taux d'intérêt naturel puisse devenir négatif, il faut que le cycle de vie se combine avec des inégalités intragénérationnelles.
43 Considérons l'impact suivant des inégalités. Supposons que dans la génération jeune, plus d'individus sont contraints à des limites d'emprunt plus basses parce que leur richesse et celle de leur famille ne sont pas suffisantes en garantie de leurs emprunts. Dans la génération intermédiaire, moins d'individus aux revenus plus concentrés ont la capacité d'épargner. Seuls les ménages riches d'âge intermédiaire épargnent et fournissent des fonds à tous les emprunteurs. Leur capacité d'épargne s'accroît avec la concentration de la richesse. Mais la capacité d'emprunt se rétrécit chez les jeunes, parce que moins nombreux sont ceux qui ont des garanties suffisantes apportées par leurs parents. Dans ces conditions, les inégalités sociales auto-entretenues et donc transmises entre les générations exercent une pression à la baisse sur le taux d'intérêt naturel, lequel peut devenir négatif. Seule une politique de lutte contre les inégalités, combinée à la hausse des taux d'activité et d'emploi évoquée plus haut, peut alors faire remonter le rendement du capital.
Taux d'actualisation et soutenabilité
44Avec la prise en compte des inégalités ou du facteur démographique, le facteur écologique est un troisième grand pilier qui peut influencer le taux d'intérêt naturel à long terme. Supposons que la sévérité croissante des dégradations écologiques conduise les individus à prendre conscience que les services environnementaux font partie de leur bien-être. Par services environnementaux, on entend des choses simples comme la qualité de l'air, la préservation de niveaux de température compatibles avec la vie ou encore le bien-être fourni par la beauté des paysages. Or les services environnementaux sont loin d'être fortement substituables à la consommation. Et si l'on peut éventuellement concevoir que les sociétés humaines puissent survivre dans un monde où les beaux paysages auraient été décimés, l'air, l'eau, la température restent des facteurs intangibles.
45Quand une catégorie de capital essentielle à la vie humaine se détériore de plus en plus, avec un risque de catastrophe irréversible, le futur lui-même est menacé. Cela influe sur le taux d'actualisation des valeurs économiques futures (voir encadré pages 24-25). S'il existe une probabilité que les destructions de capital croissent d'une façon plus rapide que la valeur nette produite, le taux d'actualisation social tend vers moins un, de sorte que le facteur d'actualisation tend vers l'infini. C'est ce que Weitzman [Wagner et Weitzman, 2015] appelle le "théorème lugubre" (dismal theorem). Le changement climatique induit un risque systémique de même nature philosophique que celui d'une guerre nucléaire. Dans une crise climatique systémique, il est possible que des dommages globaux frappent toutes les classes d'actifs. Pas de refuge, pas de futur. C'est le message que le taux d'actualisation négatif fait passer à la communauté financière.
46Le théorème lugubre valide ainsi un principe de précaution généralisé pour les situations d'exposition à un risque potentiellement illimité. Parce qu'on ne peut pas déduire des connaissances scientifiques les points de bascule au-delà desquels des dommages incontrôlables se produiront, les individus sont projetés dans le domaine de l'incertitude subjective, où aucun mécanisme de marché ne peut induire de comportement rationnel. Seule l'action collective, guidée par une éthique forte, qui se soucie du bien-être des générations futures, peut produire les politiques appropriées.
47 Les décisions collectives présentent une sensibilité critique au taux d'actualisation postulé. On retrouve alors la controverse mise en évidence par le rapport Stern (voir encadré pages 24-25). Dans des économies ravagées par les cycles financiers de longue période, les marchés ne peuvent être la boussole permettant de définir le taux d'actualisation. Il faut le poser comme une variable politique. Seuls les pouvoirs publics sont capables de définir les conditions de rentabilité qui leur permettent de lancer des investissements de long terme. Pour que les rendements prospectifs autorisent ces investissements, il faut un taux d'actualisation très bas - nul ou légèrement négatif - couplé avec un prix du carbone élevé.
Conclusion
48La glissade des Bourses mondiales et l'extension des rendements nominaux négatifs pointent dans une seule direction : selon les anticipations des marchés financiers, la récession mondiale est en route. Plus fondamentalement, l'instabilité financière de 2015, aggravée par la tourmente du début 2016, apporte des arguments supplémentaires à l'hypothèse majeure qui a été formulée dès 2013 : la stagnation séculaire, combinant une rentabilité marginale nette du capital très basse, voire négative, une anémie de l'investissement productif et des anticipations d'inflation atones, est l'horizon des économies sans reprise en main par le politique.
49Pour retrouver les chemins de la croissance, il faut engager la mutation du régime de croissance, source de nouveaux territoires de rentabilité, parce qu'ouvrant de nouveaux champs à la productivité et à l'amélioration conjointe des modes de vie des populations. La transformation de la finance doit être l'axe majeur d'un régime de croissance régénéré. Une finance compatible avec des investissements dont le rendement social est supérieur à la rentabilité privée implique un taux d'actualisation suffisamment faible, défini par la puissance publique et incorporé dans le calcul économique par une organisation financière favorisant l'investissement de long terme.
L'actualisation des valeurs économiques futures
Le facteur d'actualisation est donc le prix fictif retenu pour actualiser les coûts et avantages futurs. Il permet de calculer les rendements prospectifs des projets d'investissement. Le taux d'actualisation est une boussole pour se projeter dans le temps et faire des choix d'investissement productifs réels. Plus il est élevé, plus le facteur de dépréciation du futur est grand, plus les cash flows futurs anticipés sont faibles. Un taux d'actualisation élevé défavorise donc les investissements longs à réaliser avec des dépenses fixes importantes et aux retours sur investissement lointains.
L'analyse coûts-avantages traditionnelle s'inscrit dans une perspective utilitariste. Dans les modèles usuels de croissance optimale, l'utilité est exclusivement celle de la consommation privée et les individus sont supposés avoir des préférences homogènes, de sorte que le facteur d'actualisation a une définition simple : c'est la quantité de consommation à laquelle un agent économique est prêt à renoncer au présent pour obtenir une unité supplémentaire de consommation à l'avenir. Dans un univers de concurrence pure et parfaite, le taux d'actualisation, le taux de rendement marginal du capital et le taux d'intérêt naturel se confondent. Dans ce cadre théorique, le taux d'actualisation est estimé par le taux d'intérêt du marché des capitaux, ajusté par la prise en compte de l'aversion pour le risque des agents, et une mesure du risque proprement dit (l'incertitude étant supposée probabilisable).
La définition du taux d'actualisation renvoie à des problématiques très concrètes. L'une d'entre elles, majeure, concerne le réchauffement climatique. La controverse a pris de l'ampleur après la publication du rapport Stern sur le climat [2007]. Les économistes orthodoxes ont alors affirmé que le taux d'actualisation retenu par Stern était bien trop faible. Il fallait, selon eux, déduire le taux sans risque des indications données par les marchés financiers.
Le choix du taux d'actualisation a une importance critique pour les conclusions de Stern sur la nécessité d'agir vite et d'investir massivement pour atténuer le changement climatique. Nicholas Stern est revenu à son tour sur la controverse [2008] et a expliqué pourquoi faire référence aux taux de marché est totalement erroné pour des problématiques de long terme en univers incertain. Le problème fondamental auquel la société est confrontée n'est pas une analyse coûts-avantages le long d'un sentier de croissance donné de l'économie correspondant à la croissance optimale dans un équilibre général de marché. Il ne consiste pas à effectuer des arbitrages entre la consommation présente et future sur un sentier donné, mais à choisir, dans une situation d'incertitude radicale, entre des sentiers de croissance de la consommation extrêmement différents. C'est un taux qui a une valeur de nature éthique plus qu'économique, et qui renvoie à l'attitude de la société face à son avenir.
Bibliographie
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Notes
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[1]
Dans les dernières décennies, la finance de marché s'est développée grâce à des innovations (options et swaps) incorporant des leviers financiers équivalant pour les emprunteurs finaux à ceux que procure la monnaie bancaire. Les intermédiaires qui fournissent ces leviers financiers en prenant le risque de crédit sont des hedge funds, des fonds d'investissement et des brokers dealers (départements de banques d'affaires) qui forment une nébuleuse appelée shadow banking. L'expansion du shadow banking a amplifié les leviers d'endettement, et donc accru le momentum des cycles financiers.
-
[2]
Depuis le milieu des années 1990, la zone euro offre un exemple de telles distorsions sur les prix d'actifs immobiliers et les salaires, liées à une politique monétaire unique sans coordination des politiques économiques entre les Etats.
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[3]
On peut ainsi considérer que le taux nominal du marché monétaire incorpore une option qui garantit le plancher zéro quand le taux naturel devient négatif. Pour plus d'explications sur ce point, voir Panorama du Cepii n˚ 2016, février 2016.