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Article de revue

Trois acteurs privés de la diplomatie du Land de Bavière au Togo, 1977-1990 : l’Association Bavaro-Togolaise et les Fondations Hanns-Seidel et Eyadéma

Pages 51 à 58

Notes

  • [1]
    Terminologie inventée par Klaus Otto Nass. Cf. Nass, « Die Nebenaussenpolitik der Bundesländer », Europa-Archiv, vol. 21, 1986, p. 619-628.
  • [2]
    Bayerisches Hauptstaatsarchiv, Nachlass Jaumann 189 ; voir aussi ibid., Nachlass Otto Schedl 283, « Außenhandel Bayerns mit der Republik Togo in Mio DM », du 6 février 1976.
  • [3]
    Richard-Molard a bien étudié les aspects évoqués. On peut aussi consulter Gabriel Teïva Richard-Molard, Die Rechtsgrundlagen des grenzüberschreitenden Kooperationsrechts zwischen Gebietskörperschaften, Münster, LIT Verlag, 2017, p. 109-124.
  • [4]
    « Chacun des partenaires de la coalition [au pouvoir] a droit à sa propre politique étrangère, le CSU aussi donc ! », déclarait Strauß à un journaliste du magazine Die Zeit en juin 1983. Cf. « Unser Mann in Togo », Die Zeit, n° 24, 10 juin 1983, p. 01.
  • [5]
    Sur la base d’un certain « Artikel 24, Absatz 1 lit. a GG ». Voir G. R. Richard-Molard, Die Rechtsgrundlagen des grenzüberschreitenden Kooperationsrechts zwischen Gebietskörperschaften, op. cit., p. 123 (cf. note 3).
  • [6]
    Les 3 et 4 mai 1962, une certaine « Ministerpräsidenten-Beschluß », une résolution des ministres-présidents, régulant la coopération entre la fédération (Bund) et les Länder dans le domaine de la politique ouest-allemande d’« aide au développement », fut prise. Cf. PA AA, Bestand 321, Zwischenarchiv 127 610, « ‘’Auswärtige Beziehungen’’ von Bundesländern », p. 02. Par celle-ci, les Länder reconnaissaient la fédération (Bund) comme « décideur » (Träger) en la matière et s’engageaient à coordonner (abstimmen) avec elle leurs « activités d’aide au développement ».
  • [7]
    Cf. Hubertus Büschel, Hilfe zur Selbsthilfe. Deutsche Entwicklungsarbeit in Afrika 1960–1975, Francfort, Campus, 2014. En Allemagne de l’Est, il eut la même tendance et les actions du gouvernement prosoviétique se plaçaient sous le signe de la « solidarité internationale » (Internationale Solidarität).
  • [8]
    Le cas de Jordi Pujol en Catalogne en est un bel exemple.
  • [9]
    Nous reprenons le narratif officiel, sans toutefois le discuter, vu le cadre imparti à la présente analyse. Il sera procédé de même pour les acteurs.
  • [10]
    Ce dernier point est notre propre ajout. Évidemment qu’il ne figurait pas dans les raisons fournies officiellement, lesquelles méritent d’ailleurs d’être prises avec prudence ! Le terme est utilisé ici pour décrire l’action extérieure de la Bavière conduite par Strauß, laquelle devrait lui donner la carrure de ministre des affaires étrangères qu’il a rêvé toute sa vie d’être. Mais dans le cas du Togo, il faut ajouter la recherche de partenaires économiques pour l’industrie bavaroise en boom alors. Autrement dit, la diplomatie devait faire la publicité pour le « made in Bavaria ».
  • [11]
    Elle fut initiée en 1955 par le secrétaire d’État ouest-allemand Walter Hallstein dans le cadre du conflit interallemand. D’après elle, la RFA jugeait toute reconnaissance de la RDA par un État tiers — excepté l’URSS — comme un « acte peu amical ». Il semble qu’elle prévoyait, en contrepartie, une récompense financière aux pays du « Tiers-monde ».
  • [12]
    Cf. Entre autres études : Evgeny Roshchin, Friendship among nations. History of a concept (Manchester: Manchester University Press, 2017); Yves Viltard, « Que faire de la rhétorique de l’amitié en Relations Internationales ? », Raisons politiques, vol. 1, n° 33, 2009, p. 127-147.
  • [13]
    Ce n’est qu’en janvier 1982 que sa « filiale » togolaise fut inaugurée à Kpalimé, ce qui, dans la forme, ressemble plus à un semblant d’ouverture aux Togolais. Sinon, les membres de tous les organes, à savoir le conseil d’administration, l’assemblée générale, les différentes commissions (santé, relations publiques) et les délégués (de régions et communes) furent des Bavarois.
  • [14]
    Voir entre autres exemples, la lettre signée d’un secrétaire d’État au titre du ministère de l’économie et des transports bavarois en faveur de la « société en commandite « Etschel & Meyer », Hof/Bavière », le 18 avril 1979. ACSP, Archives de l’ABT, Carton « F. Die Bayerisch-Togoische Gesellschaft », p. 826. Cf. Aussi la lettre de recommandation de Strauß « pour servir et valoir ce que de droit auprès des autorités publiques togolaises » délivrée à une société dérivée du groupe de firmes ci-dessus cité, notamment à la firme « E + M. Forages S.A.R.L » pour soutenir son dossier de candidature à un appel d’offres au Togo. Ibid., p. 1473. La demande de rédaction de la lettre fut introduite à la chancellerie bavaroise par Sepp Prentl. Ibid., p. 1469.
  • [15]
    La Nouvelle Marche, n° 619, 12 décembre 1981, p. 04.
  • [16]
    Il semble que c’est sur le modèle de construction du « Centre Bavaro-Togolais » (CBT-ABT) de Lomé que sera mis en place le réseau d’écoles d’enseignement professionnalisant au Togo. Les CRETEFP (Centres Régionaux d’Enseignement Technique et de Formation Professionnelle) disséminés sur le territoire togolais ont été inspirés du centre de l’ABT à Lomé. Cf. Edem Komlanvi Defly, « La coopération socioculturelle entre l’Allemagne et le Togo : 1960-1993 », mémoire de Maîtrise sous la direction de Koffi Sossou, Université de Lomé, 2008, p. 85. Le projet de construction d’un centre de formation professionnelle conçu sur le modèle allemand au Togo fut au début une initiative du gouvernement bavarois, porté alors par le ministère de l’économie et des transports, sous l’égide d’Alfred Bayer. Cet État s’engageait à accompagner le projet une dizaine d’années durant. Cf. PA AA, B 34, ZW 141 036 ; voir aussi ibid., B 34, ZW 127 610 ; BArch B 213/32 611. L’ABT fut chargée de sa gestion sur le terrain. Cf. ACSP, Archives de l’ABT, Carton « F. Die Bayerisch-Togoische Gesellschaft », op. cit., p. 877-878 (cf. note 14). Des sources indiquent que la Fondation Hanns-Seidel prit la relève de l’entretien du centre plus tard, notamment après la mort de Strauß en fin des années 1980.
  • [17]
    Voir le compte rendu de la première réunion élargie du conseil d’administration de la société. Il y fut question entre autres, pour les fins de la propagande pour le tourisme au Togo, de filmer certains anciens soldats de la force de police impériale allemande en train de faire des éloges du rôle de leurs anciens maîtres allemands, surtout des « personnalités bavaroises ». Des journalistes tels que Franz Schönhuber (Bayerisches Fernsehen), Löwenthal et Mönkmaier de la ZDF avaient promis des actions de publicité en ce sens. ACSP, Archives de l’ABT, Carton « F. Die Bayerisch-Togoische Gesellschaft », op. cit., p. 560 et 561 (cf. note 14).
  • [18]
    Les décisions de scission du parti sœur CDU (Union Chrétienne-Démocrate) prises par le directoire du CSU lors d’un congrès du parti tenu au centre de formation de la Fondation Hanns-Seidel à Wildbad Kreuth en novembre 1976. Celles-ci consolidèrent la réorientation des activités de la fondation, entamée un an plus tôt. Désormais, elle devrait mener des travaux dans le domaine de la politique de développement, indépendamment du CDU. Ce dernier parti, faut-il remarquer, disposait d’une fondation plus « grande », la Fondation Konrad Adenauer.
  • [19]
    Sous le titre « Gesellschaftspolitische Arbeit der politischen Stiftungen in Togo. Hanns-Seidel-Stiftung in Togo. « Eyadema-Stiftung » (1977—1979) » les fonds n° 115604 des archives politiques de l’Auswärtiges Amt, lesquels contiennent des correspondances et rapports du BMZ et de l’ambassade de la RFA à Lomé, renseignent longuement sur le processus de décision de financement de ce projet qui n’était pas du tout du goût de nombre de ressorts du BMZ. Cf. PA AA, B 34, ZW 115 604. Au vu des grandes attentes nourries par Gnassingbé Eyadéma un échec du projet conduirait au refroidissement des relations germano-togolaises, lesquelles étaient généralement bonnes jusqu’alors. Voir : ACSP, Dossier « HSS 1-7 », HSS - V - IBZ (1 Togo 1977).
  • [20]
    « Le chef de l’État termine demain son séjour en Bavière. Les Fondations Hanns-Seidel et Eyadéma ont signé mercredi à Nuremberg un contrat de mariage », dans TOGO PRESSE, n° 4608, 23 septembre 1977, p. 01 et 03.
  • [21]
    Cf. Fondation Eyadéma (éd.), Les cent ans des relations germano-togolaises. Le souvenir de l’Allemagne au Togo. Hundert Jahre deutsch-togolesische Beziehungen. Erinnerungen an Deutschland, 1984, p. 06.
  • [22]
    Ibid.
  • [23]
    La Fondation Friedrich Naumann — s’investissant d’antan dans la formation syndicale — et la Fondation Friedrich Ebert.
  • [24]
    Cf. Bericht Werner Loibl vom 30. November 1978, dans ACSP, Dossier « HSS 1-7 », HSS - V - IBZ (Togo), p. 01.
  • [25]
    Eva-Maria Wiese, « Kurzzusammenfassung des Togoprojektes der Hanns-Seidel-Stiftung », dans ibid., p. 02.
  • [26]
    À ses débuts, l’un des objectifs de la FE était de former des agents de l’administration togolaise à Wildbad Kreuth, en Bavière. Mais face au délabrement de l’ENA togolaise, fondée plus tôt en début des années 1960, la FE dut lancer ce projet, lequel sera financé par des fonds fédéraux ouest-allemands. Ils permirent effectivement de reconstruire l’école, de la doter de l’équipement et du personnel adéquats. En fin octobre 1980, l’école renoua avec les activités scolaires et formait en Cycle I, Cycle II et Cycle III respectivement des agents moyens, des cadres moyens supérieurs et des cadres supérieurs de l’administration togolaise. L’offre de formation couvre les domaines tels que l’administration publique, l’administration économique et financière, l’administration judiciaire et enfin l’administration dans le domaine de la magistrature et du parquet. Le projet noua des partenariats avec d’autres écoles de la sous-région ouest-africaine (du Niger notamment) et européenne telle que l’IIAP Paris et des écoles formant en administration en RFA (Speyer, Sigmaringen, Kehl et des écoles d’administration de Munich). En somme, le projet fit de l’ENA du Togo une école moderne et jeta les bases de ce qu’elle est de nos jours.
  • [27]
    Au début des activités de la FE au Togo régnait une certaine méfiance entre les acteurs ouest-allemands sur-place. Mais déjà à partir de 1978, la situation s’améliora. Voir ACSP, Dossier « HSS 1-7 », HSS - V - IBZ, op. cit. (cf. note 24).
  • [28]
    Cf. Article : « Unser Mann in Togo », Die Zeit, n° 24, 10 juin 1983, op. cit. (cf. note 4).
English version

1Vers la fin des années 1970, la Bavière, sous l’instigation de son ministre-président, Franz Josef Strauß, se lançait dans une action extérieure, indépendamment de la « grande » politique étrangère du gouvernement fédéral allemand. Souvent réduit à ce qui est connu dans l’histoire comme la Nebenaußenpolitik[1] (politique étrangère parallèle) de Strauß, cette action prendra la forme d’une diplomatie informelle, au vu des constellations politiques ouest-allemandes d’antan. En Afrique, le Togo sera la première destination où la culture associative et celle des fondations politiques, très présentes dans le paysage sociopolitique allemand, furent exportées. Quels sont les mobiles réels de l’initiation d’une diplomatie bavaroise active dans le monde et particulièrement au Togo ? Quels en étaient les acteurs et quels domaines investissaient-ils ? Pourquoi cet intérêt de la Bavière pour le Togo, alors que les interactions d’ordre économique entre les deux États en 1975 s’élevaient en termes d’importation (du Togo) à 3,1 millions de DM contre 4,8 millions de DM d’exportation, soit une participation aux échanges commerciaux de la RFA avec le Togo à raison respectivement d’environ 5,8 % et 13 [2] % ? Enfin, comment envisager le terme « diplomatie des collectivités territoriales » dans le contexte allemand ?

2Sur la base de diverses sources – tant privées qu’officielles – et pour la plupart inédites, cette analyse tentera de donner des réponses à ces questions. Elle se concentrera particulièrement sur la place des fondations politiques (Hanns-Seidel et Eyadéma) dans la diplomatie de la Bavière et relèvera leur spécificité. L’Association Bavaro-Togolaise (ABT) sera également étudiée, laquelle investissait plutôt le champ socioculturel. En étudiant ces acteurs à l’aune de leurs pratiques sur le terrain togolais, l’objectif de notre propos est de montrer les ressorts du parcours bavarois au-delà du cadre européen, en faisant ressortir, en filigrane, les stratégies d’influence qui en découlent.

La diplomatie des collectivités territoriales dans le contexte allemand

3En République Fédérale d'Allemagne les différents Länder ont le statut de collectivités territoriales. Le cadre juridique organisant l’action extérieure de ces États semble, jusqu’à la réunification allemande en 1990, plus ou moins précis et défini par l’article 32 de la loi fondamentale allemande, la Grundgesetz. D’après cet article, en son alinéa 1er, l’entretien de relations aux pays étrangers relève de la compétence de la fédération. Ceci dit, à première vue, la conduite de la politique étrangère est la prérogative exclusive du gouvernement fédéral, même si la Grundgesetz ne le stipule pas expressément. Mais l’alinéa 02, vient relativiser le premier, ouvrant la voie à une possibilité aux Länder, pris individuellement, d’informer/consulter (anhören) la fédération, au cas où ils envisageraient d’engager des relations contractuelles avec des entités territoriales étrangères. L’alinéa 03 prévoit, en outre, que les Länder   dans le cas où ils sont compétents pour les législations ayant trait aux types de relations à contracter avec des États tiers – peuvent même, avec l’accord du gouvernement fédéral, nouer des relations auxdites entités. En clair, le primat de la politique étrangère revient au gouvernement fédéral, mais selon l’esprit de la Grundgesetz, fondamentalement, l’Außengewalt (pouvoir décisionnaire en matière de politique étrangère) est partagé entre la fédération et les Länder, en des cas précis [3]. Ceci a des implications juridiques. La notion de Zuständigkeitsvermutung (présomption de compétences) d’après l’article 30, reconnue aux Länder, entrerait en jeu, en cas de mauvaises interprétations desdites dispositions. Ainsi un politicien comme Strauß pouvait-il se permettre de dire que son parti, le CSU (Union Chrétienne Sociale), avait sa « politique étrangère [4] ». Mais alors, Strauß considérait-il le CSU comme un parti-État ? En soi, les déclarations de Strauß ravivent le flou entourant le cadre juridique organisant l’action extérieure des collectivités territoriales allemandes. Mais à bien y voir, elles constituent une « seconde mi-temps » des débats ayant conduit à la signature du traité de Lindau, le 14 novembre 1957, reconnaissant à la fédération la Vertragsabschlusskompetenz, la compétence exclusive de contracter des relations avec des entités extra-territoriales ouest-allemandes.

4La réunification entraînait des aménagements de la loi fondamentale allemande. Par la suite, l’intégration européenne amenait à repenser la législation sur l’action extérieure des Länder, lesquels cherchaient à avoir plus d’influence sur ce processus, de même que celui de décisions de l’UE. Ainsi pouvaient-ils désormais, au cas où leurs intérêts sont en jeu, impacter le processus de décisions dans le cadre du Bundesrat, le Conseil fédéral.

5Après la ratification du traité de Maastricht en 1992, certains Länder, à commencer par la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, suivis par la Bavière, s’engagèrent dans une coopération régionale avec des États voisins européens [5]. Mais bien avant, des Länder étaient déjà actifs au-delà du cadre européen : la Bavière au Togo et au Zaïre depuis les années 1970 et la Rhénanie-Palatinat au Rwanda depuis 1982. Si la Bavière s’engageait de façon informelle au Togo, alors que la Rhénanie-Palatinat réussissait à donner un fondement juridique à la coopération communale initiée aux communautés rwandaises, l’action extérieure de ceux-ci était généralement orientée par la politique étrangère fédérale ouest-allemande. La politique d’« aide au développement » à l’égard des pays du Tiers-monde était partie intégrante de celle-ci dès les années 1960 [6]. Vu le sentiment d’interdépendance globale naissant au cours de ces années-là, il fallait donc pour ces États contribuer à une forme de solidarité internationale. Orienté par le concept Hilfe zur Selbsthilfe[7] (auto-assistance) et encouragé par le BMZ (ministère de la coopération économique et du développement), cette forme d’engagement international intervenait dans un contexte marqué par la reprise économique des années 1960 en RFA, mieux connu sous le terme de Wirtschaftswunder (miracle économique).

6Pour ce qui concerne la Bavière, la diplomatie initiée par Strauß au Togo des années 1970 jusqu’à la fin des années 1980 fut informelle. Informelle, parce qu’elle ne reposait sur aucune convention, comme ce fut le cas de la Rhénanie-Palatinat. Et justement, en la matière, le parcours transnational bavarois fait figure d’œuvre pionnière. Il mit rapidement à mal les structures fédérales ouest-allemandes, n’ayant, jusqu’alors, pas connu ce genre d’engagement d’un Land dans l’espace extra-européen. Le cadre temporel imparti à l’étude n’est nullement choisi de manière arbitraire. Les interactions bavaro-togolaises prirent en effet à partir de 1977 une dimension très officielle et s’intensifièrent jusqu’en 1993, année de refroidissement des relations germano-togolaises en général. Même si elle était avant tout politique, et dans une certaine mesure économique aussi, cette diplomatie fut très active et variée. Les interactions qu’elle occasionna entre les deux États se placent dans la continuité des relations germano-togolaises, qualifiées souvent dans le monde diplomatique de « relations traditionnelles ».

Les pratiques diplomatiques bavaroises au Togo

7Entrevues à l’aune du narratif autour du mythe de la soi-disant « colonisation modèle » allemande au Togo, les relations germano-togolaises « sur pied d’égalité » feront rapidement l’impasse sur la période d’administration franco-britannique dans le pays. Inaugurale en la matière fut l’ouverture de l’ambassade de la RFA à Lomé, le 27 avril 1960, le jour même de l’accession à l’indépendance politique formelle du Togo ! Revenus par la grande porte, les diplomates ouest-allemands, de concert avec les dirigeants togolais, vont vite renouer avec la « tradition » susmentionnée. La diplomatie bavaroise évoluera subséquemment sur les traces de la « grande » diplomatie fédérale. En la matière, cette dernière accordait en effet au Togo, de 1960 jusque dans les années 1980, l’aide ouest-allemande la plus élevée par habitant au monde. De quoi donc développer et raffermir les liens interpersonnels entre les dirigeants des deux pays. À l’instar de Heinrich Lübke et Sylvanus Olympio, Strauß et Gnassingbé Eyadéma se lieront d‘« amitié », fondement de la diplomatie bavaroise au Togo. Mais concrètement pourquoi un engagement de la Bavière au Togo ? Quels en sont les motifs, les instruments et les acteurs ?

Une diplomatie entre géopolitique et « coopération » au développement

8Parmi les types de diplomatie de collectivités territoriales existantes, il y a celles qui sont intrinsèquement liées à la personne de leur initiateur respectif, très souvent des chefs de gouvernement [8]. Pour ce qui concerne cette analyse, la diplomatie de la Bavière doit sa naissance à Strauß. De ce point de vue, il lui imprima toute sa marque. Il n’est donc guère surprenant de voir l’intensité des interactions entre le Togo et la Bavière considérablement faiblir après le décès de ce dernier en octobre 1988. Officiellement [9], la diplomatie qu’il initia répondait à trois raisons principales : la lutte contre l’expansion communiste en Afrique, une prétendue « interdépendance mutuelle entre l’Europe et l’Afrique » et la recherche de partenaires politiques à travers le monde dans le cadre de la Nebenaußenpolitik[10] de Strauß.

9Tenant de la thèse selon laquelle, il existerait une « dépendance mutuelle » entre l’Europe et son « voisin immédiat », l’Afrique, l’action lancée par Strauß porte la marque de la « doctrine Hallstein [11] ». D’après l’idéologie straußienne la lutte contre l’influence communiste sur le continent devait s’accompagner d’une aide à son développement économique. Le Togo, pays où il venait souvent recadrer la politique de Bonn, devait servir de « clé d’accès à ce continent ». Il n’a jamais cessé de marteler depuis 1977 que la coopération entre le Togo et la RFA devait être un « modèle » pour une coopération entre l’Europe et l’Afrique. Car le Togo fut auparavant une « colonie modèle » de l’Allemagne impériale. Eyadéma Gnassingbé, son « ami », en avait fait une « Suisse d’Afrique ». Les deux symboles utilisés ici devraient, en réalité, renvoyer à l’idée de paix et de sécurité, deux topoi très présents dans les discours des acteurs. Ils sont de même chers aux défenseurs de l’idée d’une « amitié » dans les relations internationales [12]. Partisan de cette thèse, Strauß lançait souvent depuis Lomé des paroles devenues célèbres comme : « Un bon partenariat requiert de l’amitié ». Les “special relations” nouées au Togo se placent sous ce signe. On va s’intéresser aux trois acteurs mettant en œuvre la diplomatie informelle en question.

Le rôle des associations et fondations bavaroises

10Une analyse critique étant de nature à dépasser le cadre de cette contribution, le choix de décrire les pratiques des trois acteurs intègre une démarche visant à mettre en lumière comment celles-ci s’inscrivent dans une stratégie de prise d’influence indirecte de la Bavière au Togo.

L’Association Bavaro-Togolaise

11La création de l’ABT (Association Bavaro-Togolaise) intervint le 17 septembre 1977 à Munich lors d’une visite officielle d’Eyadéma en Bavière. Appelée « association d’amitié bavaro-togolaise », elle est, en réalité, un creuset rassemblant des personnalités politiques du CSU, des membres de gouvernement, de milieux économiques, des finances et banques bavaroises, etc. Bref, ce fut un creuset, composé presque uniquement de personnalités bavaroises, du moins jusqu’au début des années 1980 [13], s’étant donné comme objectif d’impacter le « développement » au Togo. Une fois mise sur pied, elle se dota d’un secrétaire général, en la personne du colonel Sepp Prentl, d’organes administratifs, et commença à mettre en application les objectifs qui lui sont assignés.

12Les domaines d’intervention de l’ABT sont variés. Ils couvrent l’économique, le social et le culturel et ses activités sont orientées par le concept d’auto-assistance. En ce qui concerne le domaine économique, elle joua auprès des gouvernements bavarois et togolais le rôle d’intermédiaire pour des entreprises de Bavière. Dans ce sens, elle faisait délivrer des lettres de recommandation aux entreprises désirant investir et s’installer au Togo, lettres conçues à l’intention des autorités togolaises [14]. Dans le domaine de la santé, l’ABT faisait convoyer des médicaments, des stations mobiles de traitement de dents majoritairement aux régions septentrionales du Togo. Par ailleurs, « Dans le domaine social, il vient d’être entrepris la fabrication de chaises roulantes au Togo, à partir de vielles bicyclettes [collectées en RFA] » vantait la propagande du quotidien national togolais, La Nouvelle Marche du 12 décembre 1981, avant de rajouter que : « Le but de cette opération est notamment d’aider à offrir aux handicapés des conditions de vies supportables : permettre la fréquentation d’école ou l’apprentissage d’un métier [15]. » Elle s’investissait également dans la construction de dispensaires, de puits pour certaines communautés, la création de centres de formation [16] et d’écoles.

13L’ABT se voulut également une plate-forme de contact pour l’établissement de jumelages entre villes togolaises et bavaroises, telles Kaufbeuren/Lama-Kara et Kempten/Kpalimé. Un autre champ d'action fut la promotion du tourisme au Togo. Conformément à la demande d’Eyadéma, qui, dans les années 1970, se rabattait sur le tourisme pour renverser la courbe de l’économie du pays qui pâtissait de la crise de ces années-là, la commission de relations publiques de l'ABT mena une « campagne publicitaire » devant permettre de redonner au Togo une certaine place dans l’actualité médiatique en RFA. Des affiches publicitaires dans ce sens furent conçues et éditées avec des agences de voyages. Dans le même temps, Togo Journal, l’organe de presse de l’association, faisait la promotion du tourisme au Togo à sa propre Une. Mais, devons-nous préciser, ladite publicité portait parfois la marque du passé impérial allemand au Togo, c’est-à-dire qu’elle procédait par de la manipulation, faisant appel à des sentiments patriotiques des Allemands [17]. À ce sujet, les chants de certains touristes ouest‐allemands à l’hôtel Tropicana – un des complexes hôteliers vantés par la publicité – sont un fait intéressant à évoquer. Certaines paroles de ces chants sont entre autres : « Hier sind wir wieder wer ! » (Ici, nous sommes de nouveau quelqu’un !).

14Enfin, l’ABT travailla étroitement avec les fondations politiques bavaroises au Togo.

La Fondation Hanns-Seidel

15 Dénommée d’après le Dr Hanns Seidel, ex-président du CSU et ministre-président de la Bavière (1957-1960), la Fondation fut créée en octobre 1967. Elle s’assigna pour objectif d’effectuer un travail de formation politique sur des bases démocratiques et de divulguer la pensée chrétienne sociale dans toutes les couches de la société. D’abord, ses activités se limitèrent à la Bavière. Toutefois, au vu des « Kreuther Beschlüsse [18] », la fondation prit, en fin d’année 1976, un autre tournant et s’engagea dans une expansion de ses activités au-delà du cadre allemand. Après un échec d’installation d’une filiale à Bangkok, ce sera au Togo que le premier projet d’expansion prendra forme en début octobre 1977.

16 Précisément, ce fut au cours dudit mois, qu’après moult tractations entre la fondation (HSS), l’ambassade de la RFA à Lomé, l’Auswärtiges Amt et le BMZ, que le financement fédéral pour le lancement du projet de la Fondation Eyadéma (FE), créée en début d’année 1977, fut alloué [19]. La réalisation du projet intervint effectivement après la « signature d'un contrat de mariage [20] » entre les deux entités, c’est-à-dire entre la HSS et la FE au cours d’une visite de Gnassingbé Eyadéma à Nuremberg le 21 septembre 1977. Pourquoi la fondation munichoise décida de la création d’une fondation spécifique au Togo ? Si elle choisit une expansion au-delà de la Bavière, alors pourquoi l’a-t-elle fait de manière déguisée pour ce qui concerne le Togo ? Dans un pamphlet édité par la FE à l’occasion de la célébration des « 100 ans des relations germano-togolaises » en 1984, Fritz Pirkl, président de la HSS avec rang de ministre bavarois, et acteur influent dans les réseaux diplomatiques bavarois actifs au Togo, écrivit en préface, entre autres :

17

« Une amitié personnelle de longue date entre le président de la République togolaise le Général Gnassingbé Eyadéma, et le Ministre-Président de l’État libre de Bavière, le Dr Franz Josef Strauß, ainsi qu’une large convergence de vues politiques des deux hommes d’État en matière de la politique africaine mondiale étaient à l’origine d’un souhait de renforcer la coopération surtout dans le domaine politique [21]. »

18De plus, Pirkl indique que « Du côté allemand, la Fondation Hanns-Seidel s’offrait comme un partenaire qui avait déjà commencé dès 1975 à prendre contact avec des institutions à l’étranger [22]. » Il nous semble qu’après les décisions de Kreuth, le CSU réajustait sa ligne politique et se voulut indépendante du CDU, du moins au Bundestag ; même sort dévolu à une institution affiliée à elle comme la HSS, laquelle s’émancipait aussi de sa « grande sœur », la Fondation Konrad Adenauer. Son implantation au Togo répondait dès lors à une nécessité : elle participait à la nouvelle action extérieure du parti initiée par Strauß et ainsi, elle devenait visible au plan international. Mais pour assurer sa fonction de représentation extérieure déguisée, le Togo n’était pas alors un pays dont le système politique était favorable à cette forme de prise d’influence externe : il était une dictature. L’option s’imposant de fait fut la création d’un prototype de la fondation mère, adaptée aux réalités togolaises, avec laquelle celle-ci garde un lien étroit. C’est la raison pour laquelle le travail de celle-ci au Togo consistait essentiellement en un accompagnement technique de la FE. Pour le reste, elle n’y animait que des conférences internationales.

La Fondation Eyadéma

19La Fondation Eyadéma — en réalité branche de la HSS au Togo — fut fondée le 3 mars 1977 à la « Maison du RPT » (actuel Palais des Congrès) à Lomé en présence de Franz Josef Strauß. Ce fut un « institut de sciences politiques et de formation d’adultes » dont les activités de l’ABT venaient en complément. Elle fut directement rattachée à la présidence togolaise, mais sa création fut la résultante d’un projet piloté entièrement par la HSS depuis Munich. Aussi fut-elle dirigée par des Bavarois. Comme l’a rappelé Fritz Pirkl, le gouvernement togolais faisait figure de « partenaire » du projet. Comment fut-elle organisée ? Quelles étaient ses missions ? Dans quelle mesure entrait-elle dans le cadre de la stratégie d’influence politique bavaroise au Togo ? A-t-elle pu réellement impacter le domaine de la formation politique et civique et contribuer à l’enracinement de la démocratie au Togo, pays dans lequel deux autres fondations [23] allemandes étaient déjà actives ? Comment furent perçues ses activités par les Togolais ?

20Dans un rapport [24] d’un certain Werner Loibl, dépêché par la HSS au Togo en novembre 1978, très probablement pour y inspecter le bâtiment devant abriter le siège de la FE, furent soulignés, en des jugements sans doute superficiels, surtout les résultats apparemment positifs de la campagne de médiatisation faite par le régime de Lomé II en faveur de la fondation au Togo. Ayant officiellement entamé ses activités dans le pays le 1er octobre 1977, celle-ci avait pour mission principale l’appui à la formation politique et civique des adultes au Togo et ce, dans le sens de la « politique d’unité nationale » du président Eyadéma. À la longue, elle devait aussi assurer à la population togolaise des possibilités d’organisation autonome de formation continue, lit-on dans les archives de la fondation conservées à Munich [25]. Pour remplir ces missions, la fondation offrait une gamme variée de séminaires et de programmes principalement à l’intention des cadres du parti RPT (Rassemblement du Peuple Togolais), de la jeunesse de ce parti, la JRPT, et des organisations sociopolitiques affiliées au parti. L’autre public cible fut composé entre autres d’employés de la fonction publique, de directeurs de cabinets, de directeurs de différents ministères et de cadres du secteur social.

21En 1983, la FE a pu organiser 61 séminaires contre 52 en 1982. Seulement 13 séminaires furent tenus à Lomé. Elle procédait à la décentralisation de ses programmes et projetait la construction d’un siège annexe à Lama-Kara, localité d’origine d’Eyadéma. Sur la base de séminaires cantonaux tenus en Ewe dans quelques localités du sud Togo au cours de cette année, une poursuite de la décentralisation des programmes et la tenue de séminaires en langues locales dans toutes les préfectures furent considérées comme une priorité de la FE pour le compte de 1984. Par ailleurs, elle éditait des rapports de séminaires dans POLITOGO, un organe de presse qui servait, à part les reportages dans la presse et sur les médias togolais, à propager ses activités.

22Devenue une sorte d’aile marchante du RPT, le parti unique togolais d’antan, les activités de la FE ne se limitaient toutefois pas seulement à l’organisation de séminaires en partenariat avec différents ministères du Togo. Elles s’étendaient aussi à l’organisation de colloques internationaux en vue de la promotion du dialogue Nord-Sud ou encore de voyages d’information pour des journalistes togolais en Bavière. Le 1er décembre 1978 par exemple, le Dr Gernot Kattinger, directeur de la fondation, rapportait que sur invitation de la HSS une délégation de 15 journalistes togolais prenait son vol pour un séjour en Bavière.

23La fondation créée, connue de façon sommaire de bien des Togolais grâce à la campagne orchestrée par l’appareil de propagande de l’État togolais à la télé, aux posters et affiches en ville, ne reçut toutefois pas un accueil favorable d’une grande partie de la colonie allemande au Togo. Celle-ci fut parfois très critique à son égard. Malgré l’aversion de ces derniers, la fondation constitua une nouveauté dans la sous-région ouest-africaine et inspira la création d’instituts similaires dans certains pays du Conseil de l’Entente. En ce sens, le projet de réforme de l’École Nationale d’Administration [26] du Togo contribua à lui bâtir une bonne réputation. Le projet permit de redonner vie et de moderniser l’école.

24Les trois acteurs étudiés dans cette analyse, à savoir l’Association Bavaro-Togolaise, les Fondations Hanns-Seidel et Eyadéma constituaient des maillons essentiels de la diplomatie informelle du Land de Bavière au Togo. Comparativement aux autres fondations allemandes présentes alors dans ledit pays, la spécificité des deux fondations étudiées est d’avoir su s’adapter au régime de parti unique togolais — lequel était enclin à réduire l’influence de l’église (catholique) et fut très réfractaire à toute idée de démocratie — et tenter de constituer une formation politique sur des bases démocratiques et chrétiennes. Quant à l’ABT, elle a pu allier le social à l’économique et a énormément participé à l’importation de biens culturels bavarois au Togo, un aspect qui n’a pas été traité dans l’étude.

25Parallèlement aux milieux économiques bavarois, la place occupée par ces acteurs privés sur le paysage sociopolitique togolais dans la période étudiée (1977–1990) permet de cerner le degré d’activité de la diplomatie bavaroise sur le continent africain où elle engagea très rapidement des “special relations” avec le Togo. Initiée dans les années 1970 par Franz Josef Strauß dans le cadre de sa Nebenaußenpolitik, cette diplomatie engendrera des interactions intenses entre le Togo et la Bavière. Même si elles étaient de nature à mettre à rude épreuve les structures diplomatiques fédérales préexistantes, ces interactions furent jugées à tort par certains d’être de nature à concurrencer la diplomatie fédérale conduite par l’ambassade de la RFA à Lomé dont elle était plutôt complémentaire [27]. Complémentaire dans la mesure où, sous l’effet de la propagande intéressée mise en place par le régime d’Eyadéma, elles furent de tout temps confondues aux relations globales germano-togolaises par les Togolais. Ainsi, Strauß pouvait-il déclarer fièrement dans l’interview accordée au journaliste du magazine Die Zeit[28], cité plus haut : « Que je ne suis pas un néophyte [en politique étrangère], les contacts étroits que j’ai pu tisser pour l’État libre de la Bavière au Togo et qui profitent maintenant à la République fédérale [d’Allemagne] le démontrent. » Dans une moindre mesure, le rôle joué par les acteurs étudiés fit école. La création de l’« Association France-Togo » en 1979, dont les objectifs ne diffèrent guère de ceux de l’ABT, en témoigne. De plus, de nombreux indices amènent à penser que la diplomatie bavaroise au Togo, pays qu’elle appréhenda comme base d’expansion en Afrique, servit de modèle au « Graswurzelpartnerschaft » (partenariat au ras du sol) du Land de Rhénanie-Palatinat au Rwanda à partir de 1982. Mais l’on doit se garder de surestimer les pratiques des trois acteurs bavarois étudiés. Une analyse plus approfondie mériterait d’être faite sur les limites desdites pratiques — des pratiques entrant plutôt dans le cadre d’une stratégie d’influence déguisée. Car les politiques menées sous la bannière du concept d’auto-assistance ont toujours révélé un fossé entre les intentions exprimées par les acteurs et les réalités du terrain de leur application. En somme, il devrait s’agir de questionner la réelle portée du parcours transnational, c’est-à-dire de l’engagement (extra-allemand) de la Bavière en politique internationale, notamment au Togo. Fut-il tout à fait désintéressé ? La piste du néocolonialisme mériterait d’être explorée, à l’aune de l’idéologie africaine de Strauß.


Date de mise en ligne : 12/11/2020

https://doi.org/10.3917/lcsi.025.0051

Notes

  • [1]
    Terminologie inventée par Klaus Otto Nass. Cf. Nass, « Die Nebenaussenpolitik der Bundesländer », Europa-Archiv, vol. 21, 1986, p. 619-628.
  • [2]
    Bayerisches Hauptstaatsarchiv, Nachlass Jaumann 189 ; voir aussi ibid., Nachlass Otto Schedl 283, « Außenhandel Bayerns mit der Republik Togo in Mio DM », du 6 février 1976.
  • [3]
    Richard-Molard a bien étudié les aspects évoqués. On peut aussi consulter Gabriel Teïva Richard-Molard, Die Rechtsgrundlagen des grenzüberschreitenden Kooperationsrechts zwischen Gebietskörperschaften, Münster, LIT Verlag, 2017, p. 109-124.
  • [4]
    « Chacun des partenaires de la coalition [au pouvoir] a droit à sa propre politique étrangère, le CSU aussi donc ! », déclarait Strauß à un journaliste du magazine Die Zeit en juin 1983. Cf. « Unser Mann in Togo », Die Zeit, n° 24, 10 juin 1983, p. 01.
  • [5]
    Sur la base d’un certain « Artikel 24, Absatz 1 lit. a GG ». Voir G. R. Richard-Molard, Die Rechtsgrundlagen des grenzüberschreitenden Kooperationsrechts zwischen Gebietskörperschaften, op. cit., p. 123 (cf. note 3).
  • [6]
    Les 3 et 4 mai 1962, une certaine « Ministerpräsidenten-Beschluß », une résolution des ministres-présidents, régulant la coopération entre la fédération (Bund) et les Länder dans le domaine de la politique ouest-allemande d’« aide au développement », fut prise. Cf. PA AA, Bestand 321, Zwischenarchiv 127 610, « ‘’Auswärtige Beziehungen’’ von Bundesländern », p. 02. Par celle-ci, les Länder reconnaissaient la fédération (Bund) comme « décideur » (Träger) en la matière et s’engageaient à coordonner (abstimmen) avec elle leurs « activités d’aide au développement ».
  • [7]
    Cf. Hubertus Büschel, Hilfe zur Selbsthilfe. Deutsche Entwicklungsarbeit in Afrika 1960–1975, Francfort, Campus, 2014. En Allemagne de l’Est, il eut la même tendance et les actions du gouvernement prosoviétique se plaçaient sous le signe de la « solidarité internationale » (Internationale Solidarität).
  • [8]
    Le cas de Jordi Pujol en Catalogne en est un bel exemple.
  • [9]
    Nous reprenons le narratif officiel, sans toutefois le discuter, vu le cadre imparti à la présente analyse. Il sera procédé de même pour les acteurs.
  • [10]
    Ce dernier point est notre propre ajout. Évidemment qu’il ne figurait pas dans les raisons fournies officiellement, lesquelles méritent d’ailleurs d’être prises avec prudence ! Le terme est utilisé ici pour décrire l’action extérieure de la Bavière conduite par Strauß, laquelle devrait lui donner la carrure de ministre des affaires étrangères qu’il a rêvé toute sa vie d’être. Mais dans le cas du Togo, il faut ajouter la recherche de partenaires économiques pour l’industrie bavaroise en boom alors. Autrement dit, la diplomatie devait faire la publicité pour le « made in Bavaria ».
  • [11]
    Elle fut initiée en 1955 par le secrétaire d’État ouest-allemand Walter Hallstein dans le cadre du conflit interallemand. D’après elle, la RFA jugeait toute reconnaissance de la RDA par un État tiers — excepté l’URSS — comme un « acte peu amical ». Il semble qu’elle prévoyait, en contrepartie, une récompense financière aux pays du « Tiers-monde ».
  • [12]
    Cf. Entre autres études : Evgeny Roshchin, Friendship among nations. History of a concept (Manchester: Manchester University Press, 2017); Yves Viltard, « Que faire de la rhétorique de l’amitié en Relations Internationales ? », Raisons politiques, vol. 1, n° 33, 2009, p. 127-147.
  • [13]
    Ce n’est qu’en janvier 1982 que sa « filiale » togolaise fut inaugurée à Kpalimé, ce qui, dans la forme, ressemble plus à un semblant d’ouverture aux Togolais. Sinon, les membres de tous les organes, à savoir le conseil d’administration, l’assemblée générale, les différentes commissions (santé, relations publiques) et les délégués (de régions et communes) furent des Bavarois.
  • [14]
    Voir entre autres exemples, la lettre signée d’un secrétaire d’État au titre du ministère de l’économie et des transports bavarois en faveur de la « société en commandite « Etschel & Meyer », Hof/Bavière », le 18 avril 1979. ACSP, Archives de l’ABT, Carton « F. Die Bayerisch-Togoische Gesellschaft », p. 826. Cf. Aussi la lettre de recommandation de Strauß « pour servir et valoir ce que de droit auprès des autorités publiques togolaises » délivrée à une société dérivée du groupe de firmes ci-dessus cité, notamment à la firme « E + M. Forages S.A.R.L » pour soutenir son dossier de candidature à un appel d’offres au Togo. Ibid., p. 1473. La demande de rédaction de la lettre fut introduite à la chancellerie bavaroise par Sepp Prentl. Ibid., p. 1469.
  • [15]
    La Nouvelle Marche, n° 619, 12 décembre 1981, p. 04.
  • [16]
    Il semble que c’est sur le modèle de construction du « Centre Bavaro-Togolais » (CBT-ABT) de Lomé que sera mis en place le réseau d’écoles d’enseignement professionnalisant au Togo. Les CRETEFP (Centres Régionaux d’Enseignement Technique et de Formation Professionnelle) disséminés sur le territoire togolais ont été inspirés du centre de l’ABT à Lomé. Cf. Edem Komlanvi Defly, « La coopération socioculturelle entre l’Allemagne et le Togo : 1960-1993 », mémoire de Maîtrise sous la direction de Koffi Sossou, Université de Lomé, 2008, p. 85. Le projet de construction d’un centre de formation professionnelle conçu sur le modèle allemand au Togo fut au début une initiative du gouvernement bavarois, porté alors par le ministère de l’économie et des transports, sous l’égide d’Alfred Bayer. Cet État s’engageait à accompagner le projet une dizaine d’années durant. Cf. PA AA, B 34, ZW 141 036 ; voir aussi ibid., B 34, ZW 127 610 ; BArch B 213/32 611. L’ABT fut chargée de sa gestion sur le terrain. Cf. ACSP, Archives de l’ABT, Carton « F. Die Bayerisch-Togoische Gesellschaft », op. cit., p. 877-878 (cf. note 14). Des sources indiquent que la Fondation Hanns-Seidel prit la relève de l’entretien du centre plus tard, notamment après la mort de Strauß en fin des années 1980.
  • [17]
    Voir le compte rendu de la première réunion élargie du conseil d’administration de la société. Il y fut question entre autres, pour les fins de la propagande pour le tourisme au Togo, de filmer certains anciens soldats de la force de police impériale allemande en train de faire des éloges du rôle de leurs anciens maîtres allemands, surtout des « personnalités bavaroises ». Des journalistes tels que Franz Schönhuber (Bayerisches Fernsehen), Löwenthal et Mönkmaier de la ZDF avaient promis des actions de publicité en ce sens. ACSP, Archives de l’ABT, Carton « F. Die Bayerisch-Togoische Gesellschaft », op. cit., p. 560 et 561 (cf. note 14).
  • [18]
    Les décisions de scission du parti sœur CDU (Union Chrétienne-Démocrate) prises par le directoire du CSU lors d’un congrès du parti tenu au centre de formation de la Fondation Hanns-Seidel à Wildbad Kreuth en novembre 1976. Celles-ci consolidèrent la réorientation des activités de la fondation, entamée un an plus tôt. Désormais, elle devrait mener des travaux dans le domaine de la politique de développement, indépendamment du CDU. Ce dernier parti, faut-il remarquer, disposait d’une fondation plus « grande », la Fondation Konrad Adenauer.
  • [19]
    Sous le titre « Gesellschaftspolitische Arbeit der politischen Stiftungen in Togo. Hanns-Seidel-Stiftung in Togo. « Eyadema-Stiftung » (1977—1979) » les fonds n° 115604 des archives politiques de l’Auswärtiges Amt, lesquels contiennent des correspondances et rapports du BMZ et de l’ambassade de la RFA à Lomé, renseignent longuement sur le processus de décision de financement de ce projet qui n’était pas du tout du goût de nombre de ressorts du BMZ. Cf. PA AA, B 34, ZW 115 604. Au vu des grandes attentes nourries par Gnassingbé Eyadéma un échec du projet conduirait au refroidissement des relations germano-togolaises, lesquelles étaient généralement bonnes jusqu’alors. Voir : ACSP, Dossier « HSS 1-7 », HSS - V - IBZ (1 Togo 1977).
  • [20]
    « Le chef de l’État termine demain son séjour en Bavière. Les Fondations Hanns-Seidel et Eyadéma ont signé mercredi à Nuremberg un contrat de mariage », dans TOGO PRESSE, n° 4608, 23 septembre 1977, p. 01 et 03.
  • [21]
    Cf. Fondation Eyadéma (éd.), Les cent ans des relations germano-togolaises. Le souvenir de l’Allemagne au Togo. Hundert Jahre deutsch-togolesische Beziehungen. Erinnerungen an Deutschland, 1984, p. 06.
  • [22]
    Ibid.
  • [23]
    La Fondation Friedrich Naumann — s’investissant d’antan dans la formation syndicale — et la Fondation Friedrich Ebert.
  • [24]
    Cf. Bericht Werner Loibl vom 30. November 1978, dans ACSP, Dossier « HSS 1-7 », HSS - V - IBZ (Togo), p. 01.
  • [25]
    Eva-Maria Wiese, « Kurzzusammenfassung des Togoprojektes der Hanns-Seidel-Stiftung », dans ibid., p. 02.
  • [26]
    À ses débuts, l’un des objectifs de la FE était de former des agents de l’administration togolaise à Wildbad Kreuth, en Bavière. Mais face au délabrement de l’ENA togolaise, fondée plus tôt en début des années 1960, la FE dut lancer ce projet, lequel sera financé par des fonds fédéraux ouest-allemands. Ils permirent effectivement de reconstruire l’école, de la doter de l’équipement et du personnel adéquats. En fin octobre 1980, l’école renoua avec les activités scolaires et formait en Cycle I, Cycle II et Cycle III respectivement des agents moyens, des cadres moyens supérieurs et des cadres supérieurs de l’administration togolaise. L’offre de formation couvre les domaines tels que l’administration publique, l’administration économique et financière, l’administration judiciaire et enfin l’administration dans le domaine de la magistrature et du parquet. Le projet noua des partenariats avec d’autres écoles de la sous-région ouest-africaine (du Niger notamment) et européenne telle que l’IIAP Paris et des écoles formant en administration en RFA (Speyer, Sigmaringen, Kehl et des écoles d’administration de Munich). En somme, le projet fit de l’ENA du Togo une école moderne et jeta les bases de ce qu’elle est de nos jours.
  • [27]
    Au début des activités de la FE au Togo régnait une certaine méfiance entre les acteurs ouest-allemands sur-place. Mais déjà à partir de 1978, la situation s’améliora. Voir ACSP, Dossier « HSS 1-7 », HSS - V - IBZ, op. cit. (cf. note 24).
  • [28]
    Cf. Article : « Unser Mann in Togo », Die Zeit, n° 24, 10 juin 1983, op. cit. (cf. note 4).

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