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Article de revue

Des acteurs non-étatiques à l’épreuve du transnationalisme : les militants ouvriers hongrois au temps de la Double monarchie

Pages 11 à 20

Notes

  • [1]
    Cette expression désigne la Hongrie historique, antérieure à l’invasion ottomane de 1526. Cette entité comprend le royaume de Hongrie stricto sensu, le royaume de Croatie-Slavonie et la Transylvanie. Ses frontières correspondent aux possessions du roi Étienne Ier (ca. 975-1038) qui fonda le royaume autour de 1000.
  • [2]
    Sur la genèse du compromis, et de manière générale l’histoire politique et institutionnelle de la Hongrie : Jean Béranger, l’Empire austro-hongrois 1815-1918, Paris, Armand Colin, 2011 ; Miklos Molnar, Histoire de la Hongrie, Paris, Perrin, 2004 ; Charles Kecskeméti, La Hongrie des Habsbourg. Tome II. De 1790 à 1914, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011.
  • [3]
    Gérard Noiriel, « Une histoire sociale du politique est-elle possible ? » dans Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 24, p. 81-96. [www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1989_num_24_1_2188] (consulté le 2 avril 2020).
  • [4]
    Entre autres Szeged, une grande ville du Sud, Temesvár (l’actuelle Timisoara en Roumanie), et la région autour de Békéscsaba, proche de la Roumanie. Ce territoire rural et pauvre est surnommé Viharsarok, le coin des tempêtes, tant il est l’objet d’une lutte violente dans les années 1897-1898 entre la gendarmerie et les paysans sans terre que les socialistes venus de Budapest essaient de gagner à leur cause.
  • [5]
    Ruth Mayer, Diaspora. Eine kritische Begriffsbestimmung, Bielefeld, Transcript Verlag, 2005 p. 17-18 cité dans Landry Charrier, Karine Rance, Friederike Spitzl-Dupic (dir.), Circulations et Réseaux transnationaux en Europe XVIIIe-XXe siècle acteurs, pratiques, modèles, Bern ; Berlin ; Bruxelles, P. Lang, 2013., p. VIII.
  • [6]
    Robert Paris et Claudie Weill, « Pèlerins et missionnaires : les militants itinérants », Matériaux pour l’histoire de notre temps, N° 84, 2006, p. 12-17. [https://www.cairn.info/revue-materiaux-pour-l-histoire-de-notretemps-2006-4-page-12.htm] (consulté le 4 avril 2020).
  • [7]
    István Szonda, Céh, ipartestület, szövetkezet : társadalmi és munkaszervezési változások azendrődilábbelikészítő iparban [Corporation, syndicat d'industrie, coopérative : changements sociaux et d'organisation du travail dans l'industrie de la cordonnerie d'Endrőd], Debrecen, Magyar néprajzi könyvtár, 2009, [http://www.tajhazendrod.hu/kiadvanyok_elemei/Szonda_I_Ceh_ipartest.pdf] (consulté le 30 mars 2020).
  • [8]
    Il s’agit de la série en 9 tomes des Tanúságtevők [Témoignages]. Pour la période étudiée, se référer à : Katalin Petrák (dir.), Tanúságtevők : Visszaemlékezések a magyarországi munkásmozgalom történetéből 1868-1918 [Témoignages : Souvenirs sur l’histoire du mouvement ouvrier de Hongrie 1868-1918], 2 tomes, Budapest, Kossuth Könyvkiadó, 1974-1976.
  • [9]
    Pour un historique des différents quartiers de Budapest, voir Catherine Horel, Histoire de Budapest, Paris, Fayard, 1999. Óbuda, la ville historique romaine, Buda la ville royale et Pest la cité industrielle s’unissent en 1873 pour former Budapest.
  • [10]
    Sur le conflit entre les partisans de Ferdinand Lassalle (1825-1864) et les disciples de Karl Marx (1818-1883), sur la genèse de la Ire Internationale en 1864 et les oppositions entre marxistes et anarchistes, on trouve une excellente synthèse dans la contribution d’Emmanuel Jousse, « Le socialisme sans frontière. Les internationalismes ouvriers de 1864 à 1914 » dans Éric Anneau, Jacques-Olivier Boudon, Olivier Dard (dir.), Histoire des internationales Europe, XIXe-XXe siècles, Nouveau monde éditions, 2017.
  • [11]
    Az Áltálanos Munkásegylet [L’Association ouvrière générale].
  • [12]
    « Halottaink ! » [« Nos morts ! »], Munkás-Heti-Krónika [Chronique ouvrière hebdomadaire], 3 novembre 1878.
  • [13]
    “Protokoll des Internationalen Arbeiter-Congresses” [sic] dans Tibor Erenyi (dir.), A Magyar munkásmozgalom történetének válogatott dokumentai [Documents choisis de l’histoire du mouvement ouvrier hongrois], tome I : A magyar munkásmozgalom kialakulása [La constitution du mouvement ouvrier hongrois], 1848-1890, Budapest, Kossuth Könyvkiadó, 1951, p. 565.
  • [14]
    Ibid., p. 565.
  • [15]
    Sur les origines du MSzDP, l’ouvrage de référence est : Lajos Varga (dir.), A magyar szociáldemokrácia kézikönyve [Manuel de la social-démocratie hongroise], Budapest, Napvilág Kiadó, 1999, p. 36-39. Les considérations qui suivent en sont inspirées.
  • [16]
    Tibor Erenyi (dir.), A Magyar munkásmozgalom történetének válogatott dokumentai, op. cit., p. 567 (cf. note 13).
  • [17]
    Lajos Varga (dir.), A magyar szociáldemokrácia kézikönyve, op. cit., p. 317-318 (cf. note 14).
  • [18]
    Archives de l’Institut d’Histoire Politique (P.T.I.), Budapest, VI. 747, Souvenirs de Sándor Propper (version dactylographiée), 1890-1952.
  • [19]
    Lajos Varga, Garami Ernő : politikai életrajz [Ernő Garami : biographie politique], Budapest, Napvilág Kiadó, 1996.
  • [20]
    P.T.I., VI/800/2, Biographie manuscrite d’Ernő Garami par Tibor Ernő Garami [son fils], sans date [ca.1950], p. 14.
  • [21]
    Claudie Weill, « Les femmes étrangères dans le socialisme international : destins croisés de Flora Tristan, Anna Kuliscoff et Rosa Luxemburg » dans Marie-Claire Hoock-Demarle (dir.), Femmes, Nations, Europe, Paris, Presses de l’Université de Paris VII-Denis Diderot, 1995, p. 196-221.
  • [22]
    Michelle Perrot, « Sortir » dans Le chemin des femmes, Paris, Robert Laffont, p. 770.
  • [23]
    Mariska Gárdos, Szállj Gondolat… [Laisse les idées s’envoler…], Budapest, Szépirodalmi Könyvkiadó, 1962, p. 215-241.
  • [24]
    Thomas Lindenberger, Diane Meur, « Politique de rue et action de classe à Berlin avant la Première Guerre mondiale » dans Genèses, n° 12, 1993, p. 49.
  • [25]
    La présentation qui est faite ici du 1er mai 1890 à Budapest s’inspire largement de l’ouvrage suivant : János Jemnitz, Május elseje születése [Naissance du 1er Mai], Budapest, Kossuth Könyvkiadó, 1986, p. 71-73.
  • [26]
    « A munkások » [« Les ouvriers »], PestiHírlap, 2 mai 1890.
  • [27]
    Gábor Gyáni, « Fővárosi zavargások a dualizmus évtizedeiben » [« Émeutes à Budapest durant les années du dualisme »] dans László Á. Varga (dir.), Rendi társadalom; polgári társadalom 3. Társadalmi konfliktusok [Société féodale, société bourgeoise, Vol. 3 : les conflits sociaux], Salgótarján, Archives du comitat de Nograd, 1991, p. 345-355.
  • [28]
    Signalons en particulier l’article de Zsigmond Kunfi, l’un des penseurs du MSzDP : Zsigmond Kunfi, « A tömegek beszéde » [Les paroles des foules], Szocializmus, 1911-1912, n° 8, p. 327-346.
  • [29]
    Gustave Le Bon, Psychologie des foules, Paris, Presses universitaires de France, 1988 (1re édition : 1895), p. 147-153.
  • [30]
    C’est la thèse qui sous-tend un des livres écrits sur le « Jeudi rouge sang » : László Remete, Barikádok Budapest utcáin 1912 [Barricades dans les rues de Budapest, 1912], Budapest, Kossuth Könyvkiadó, 1972.
  • [31]
    Dezső Faragó, « A magyarországi vasutas-munkásmozgalom » [« Le mouvement ouvrier des cheminots de hongrie »] » dans Katalin Petrák (dir.), Tanúságtevők, op. cit., t.2, p. 118-119 (cf. note 8).
  • [32]
    Gyula Justh (1850-1917), juriste et homme politique, président du Parlement en 1905 suite à la victoire du parti de l’indépendance, il mène ensuite l’opposition parlementaire une fois le Parti libéral revenu au pouvoir.
  • [33]
    On trouve des notations sur le lien dans les social-démocraties centre européennes entre conquête du pouvoir politique et pacification sociale dans la thèse (publiée) de Gabriel-Louis Jaray : Gabriel-Louis Jaray, Le socialisme à l’étranger, Paris, Alcan, 1909.
  • [34]
    Gyula Virizlay (dir.), A magyarországi szakszervezeti mozgalom dokumentai 1899-1911 [Documents du mouvement syndical de Hongrie 1899-1911], Budapest, Népszava Lap és KönyvKiadó, 1988, p. 261.
  • [35]
    Emmanuel Jousse, « Le socialisme sans frontière », op. cit., p. 75 (cf. note 10).
  • [36]
    Ibid., p. 75.
  • [37]
    VÖRÖS (Károly), « A világ város utján 1896-1918 » in SPIRA (György), VÖRÖS (Károly) (dir) : A márciusiforradalomtól az őszirózsás forradalomig. Budapest története IV [De la révolution de mars à la révolution desŒillets. Histoire de Budapest IV], Akadémia Kiadó, Budapest 1987, p. 683. [https://library.hungaricana.hu/hu/view/BFLV_BPT_04/?pg=688&layout=s] (consulté le 31 mai 2020).
  • [38]
    Voir le livre de Paul Pasteur à ce sujet : Paul Pasteur, Pratiques politiques et militantes de la social-démocratie autrichienne 1888-1934, Paris, Belin, 2003.
  • [39]
English version

1La Hongrie connaît après 1860 l’émergence d’un mouvement ouvrier qui évolue dans un espace dépassant à la fois ses propres frontières, mais également celles de l’empire des Habsbourg, auquel elle est rattachée suivant des modalités en pleine transformation. À la période néo-absolutiste des années 1849-1859, qui voit le pays gouverné comme une province militaire de l’Empire, succède une ère plus libérale qui aboutit au Compromis de 1867. Celui-ci se traduit par la renaissance du royaume de Hongrie dans les frontières des « Pays de la Couronne de Saint-Étienne [1] », une entité territoriale pleinement autonome, dotée de son Parlement élu au suffrage censitaire masculin, de son gouvernement, de son armée, la Honvéd, et ne partageant avec l’Empire que la gestion du ministère des Finances, de la Guerre, et des Affaires étrangères [2].

2Cette nouvelle entité politique va exister durant cinquante et un ans. Son histoire est, il faut bien le dire, trop souvent réduite aux relations avec Vienne et à la question des nationalités. Il s’agit ici de l’aborder dans une optique d’histoire sociale du politique [3], qui redonne vie aux luttes sociales du mouvement ouvrier naissant, d’un mouvement ouvrier congénitalement transnational. Budapest et quelques autres villes et régions du pays [4] connaissent des manifestations, des grèves, voire des émeutes entre 1905 et 1912. Leurs protagonistes appartiennent au Parti social-démocrate hongrois (MSzDP). Ce sont en majorité des petits artisans ou des ouvriers d’ateliers, des employés, parfois des intellectuels bohèmes, souvent d’origine allemande et/ou juive, ayant passé un temps à l’étranger où ils se sont frottés aux idées socialistes. Malgré la diversité des parcours et des conditions, l’expression « militant ouvrier » est ici utilisée dans une acception politique, c’est-à-dire toute personne engagée dans des organisations prônant la défense des intérêts de la classe ouvrière. Comme dans la langue allemande, le hongrois ne distingue pas l’ouvrier du travailleur (Munkás).

3La définition du transnationalisme proposée par la chercheuse allemande en Cultural Studies Ruth Mayer, à savoir « des formes de vie, des terrains d’expérience et des modèles d’identification qui ne peuvent être appréhendés à l’aune de leur seul contexte national [5] » semble particulièrement bien s’appliquer à leurs parcours et allers-retours entre la monarchie danubienne et les pays environnants. Leurs destinées sont transimpériales parfois, s’étendant jusqu’aux confins de l’Empire, voire transeuropéennes, quand elles les mènent jusqu’à la Suisse, la France ou la Grande-Bretagne.

4Cette étude va tenter d’éclaircir comment les différents espaces sont investis par les militants des origines, puis par les « pèlerins » et les « missionnaires [6] » qui se multiplient à la suite de la création du Parti social-démocrate hongrois (MSzDP) en 1890. Ces deux qualificatifs sont repris à Robert Paris et Claudie Weill, qui les utilisent pour distinguer deux types de militants internationalistes : Les « pèlerins » qui partent à l’étranger dans l’espoir de rejoindre un milieu militant plus nombreux, mieux organisé que dans leur pays d’origine, et d’établir un contact avec des personnalités légendaires. L’analogie religieuse n’est pas fortuite bien sûr, avec souvent l’Allemagne comme nouvelle Jérusalem, et Marx, Engels, puis Liebknecht ou Bebel comme figures divines. Les « missionnaires », qui émigrent pour prêcher la bonne parole, souvent mais pas nécessairement uniquement dans leurs communautés installées à l’étranger.

5Nous verrons également comment ils ont acclimaté à la Hongrie de nouveaux objets politiques comme la manifestation de masse, ainsi que de nouvelles formes de régulation des relations de travail, comme les conventions collectives. L’encadrement du travailleur dans la totalité de sa vie sociale est un idéal importé également de l’Autriche voisine et de l’Allemagne.

6Après avoir donné quelques exemples de destins individuels « transnationaux », en relation a priori paradoxale avec le processus de renationalisation en cours dans la monarchie danubienne durant tout le xixe siècle, nous examinerons ensuite la création du MSzDP, ainsi que ses effets sur la nouvelle génération de pèlerins lancée sur les routes militantes par-delà les frontières. Seront enfin mis en lumière les objets politiques et sociaux nouveaux qui en sont issus, comme l’action politique dans l’espace public, la revendication du suffrage universel, les conventions collectives et l’aspiration à des formes de vie organisées.

Les aventuriers des origines ou comment rencontrer le socialisme sur les routes du compagnonnage

7La société hongroise du milieu du xixe siècle est encore largement une société d’ordres où la position sociale est déterminée par la naissance. Les classes laborieuses de la capitale sont insérées dans le système des corporations qui régit la destinée des ouvriers d’ateliers. Les apprentis une fois devenus compagnons accomplissent généralement un tour d’Europe de deux ans au cours duquel ils sont recrutés au gré de leurs pérégrinations [7]. Nous avons une connaissance assez claire des processus de politisation des ouvriers hongrois grâce aux récits de vie extraits des archives publiés à partir de 1974 [8]. Nous avons retenu deux destins, ceux de Léo Frankel et d’Antal Ihrlinger.

Léo Frankel (1844-1896) ou le militant transnational par excellence

8Léo Frankel est relativement bien connu du public français pour sa participation à la Commune de Paris. Né à Óbuda-Újlak [9] – vieux quartier peuplé d’artisans au Nord-Ouest de la capitale – dans une famille de la bourgeoisie germanophone, il devient apprenti orfèvre puis part en Allemagne du sud en 1861 pour son tour de compagnonnage. C’est là qu’il se frotte pour la première fois aux milieux socialistes lassalliens [10]. Il séjourne ensuite en Suisse, y travaille comme journaliste, puis s’installe à Paris à partir de 1867 comme bijoutier. Grâce à son entregent et à sa polyglossie, il s’insère progressivement dans les réseaux transeuropéens de la Ire Internationale dont il devient le représentant de la section allemande. Quand éclate la Commune, il devient un des membres de sa Commission exécutive, chargé du commerce et des échanges. Parvenant à échapper aux Versaillais, il se réfugie à Londres où il est pris en charge par Marx. Séjournant alternativement en Italie, en Suisse, en Allemagne, en Autriche, au gré des expulsions commandées par des polices européennes elles-mêmes en voie de transnationalisation, dans la mesure où elles s’informent de plus en plus mutuellement des arrivées des militants politiques sur leurs territoires respectifs, il finit par retourner en Hongrie en mars 1876 et se consacre désormais au combat politique dans son pays. Son objectif est d’inscrire la lutte politique à l’échelle de l’Empire et de créer un parti ouvrier unique sans considération de nationalité. Ses tentatives en ce sens s’avèrent vaines, tant l’affirmation nationale hongroise s’avère indispensable à prendre en compte pour quiconque souhaite proposer un récit émancipateur dans cet État-nation en devenir qu’est la Hongrie de cette époque. Avoir quelque chance de pénétrer le champ politique institué ne peut passer que par l’alliance avec les groupes les plus patriotes et indépendantistes.

Antal Ihrlinger (1842-1890) et le retour au « national »

9Né à Sopron à la frontière autrichienne, ce fils d’imprimeur allemand effectue son apprentissage à Vienne où il entre en contact avec les idées socialistes. Il participe à la révolution polonaise de 1863, puis rentre à Pest où il devient membre de l’association des imprimeurs. Il fonde en 1868 une association d’entraide ouvrière [11], décalque de son homologue viennoise créée l’année précédente. À l’initiative du premier journal ouvrier hongrois (Munkás Heti Kronika), Ihrlinger vise à capitaliser sur l’enthousiasme national post-1867, sur la magyarisation de plus en plus forte du pays, pour enraciner le mouvement ouvrier. Dans un article de novembre 1878 [12], son journal rend hommage aux « martyrs » morts en prison, dont il fait des héritiers des guerres d’indépendance de 1848-1849. En vérité, la grande majorité du mouvement ouvrier hongrois estime que le socialisme n’est que la réalisation des idées les plus progressistes de la Révolution de 1848 : suffrage universel, limitation du temps de travail et interdiction du travail des enfants, reconnaissance du solidarisme ouvrier (mutuelles, caisses de retraite, accidents de travail), mais aussi État-nation hongrois le plus indépendant possible de l’Autriche. Ihrlinger participe en 1880 à la création d’un parti ouvrier, le Magyarorsági Általános Munkáspárt [Parti ouvrier général], qui reprend ces idées. Il est parfaitement légal, sa seule limitation étant l’interdiction d’user du qualificatif de socialiste ou de social-démocrate. Une minorité de militants « Marxistes-Frankeliens » refuse de s’y associer (mais non Frankel lui-même) estimant que l’horizon du socialisme est une société sans classe et sans nationalités, quitte à s’accommoder de l’Empire à l’échelle duquel selon eux la lutte politique doit être menée.

10Ce clivage, qu’il faut nuancer dans l’expérience militante des acteurs, entre patriotes et internationalistes, traverse le mouvement ouvrier hongrois dès les origines.

Parti hongrois, militants transnationaux

11C’est sous l’impulsion d’Engels qu’un congrès réunit à Paris en juillet 1889 une vingtaine de partis et d’organisations ouvrières afin de coordonner leur action. Le parti ouvrier hongrois envoie deux délégués, dont Ihrlinger, qui se fait sévèrement tancer pour son opportunisme par les représentants du parti autrichien fondé à Hainfeld le 1er janvier 1889 au point qu’il doit faire son autocritique : « Pendant longtemps le parti ouvrier hongrois était à la traîne du parti radical bourgeois [i.e l’aile gauche du parti de l’Indépendance [13]] », et faire allégeance au socialisme allemand : « Le prolétariat hongrois lutte coude à coude avec le prolétariat allemand [14]. » Sur instruction de l’Internationale, ce sont les dirigeants du parti autrichien, Victor Adler et Julius Popp, qui imposent l’équipe de direction au parti hongrois en cours de constitution, plus pour des raisons idéologiques (« lutte contre le chauvinisme hongrois ») que dans une perspective de domination impériale [15].

12Dès lors, le MSzDP, fondé les 27 et 28 décembre 1890 à Budapest est clairement un parti à vocation transnationale : « Le parti des ouvriers sociaux-démocrates de la Hongrie est un parti internationaliste, qui ne reconnaît pas les privilèges des […] nations [16]. » Engels avait du reste envoyé trois semaines auparavant un mot d’encouragement où on trouve la phrase suivante : « Une des conditions propice au parti hongrois [en construction] est qu’il est internationaliste dès l’origine : c’est l’union de Hongrois, d’Allemands, de Roumains, de Serbes et de Slovaques [17]. » Dans les faits, le parti donne la prééminence à l’élément hongrois, sans qu’on puisse réellement parler d’oppression des autres minorités en son sein. Une indifférence légèrement méprisante y règne néanmoins, comme en atteste le tapissier et syndicaliste Sándor Propper qui a laissé un témoignage particulièrement riche sur cette époque [18]. Les dirigeants du MSzDP s’accommodent finalement plutôt bien du modèle de l’État‐nation, quitte à s’arranger également fort bien de l’Empereur François-Joseph dont ils espèrent qu’il finira par concéder le suffrage universel.

13Quant aux pèlerins des origines, à l’internationalisme naïf, aux réseaux militants fondés par les solidarités professionnelles par-delà les frontières, ils sont remplacés par des « voyageurs de parti », plus organisés dans leurs pérégrinations, plus conscients d’appartenir à une communauté militante qui s’étend à toute l’Europe (et potentiellement au monde entier).

Ernő Garami ou le tropisme allemand

14Ernő Garami (1876-1935 [19]), rédacteur en chef du Népszava [Voix du peuple] – le quotidien social-démocrate – de 1905 à 1918 est le fils du patron d’un grand bar de Budapest. Il devient apprenti du téléphone suite à la mort de son père. Sur son lieu de travail, il entre en contact avec les idées socialistes par l’intermédiaire d’un ouvrier allemand plus âgé qui lui prête des brochures politiques. Il écrit dès l’âge de 18 ans des articles pour le Népszava, puis entreprend un voyage à la fois professionnel et politique à Berlin en 1895 où il va finalement rester trois ans et rencontrer Kautsky et Wilhem Liebknecht. Les deux Allemands vont commander à Garami un article sur le socialisme hongrois où il insiste sur la filiation avec la révolution hongroise de 1848. Ce séjour en Allemagne sera raconté ensuite par son fils comme une forme de « baptême politique [20] », une forme d’adoubement qui permet à son père de faire carrière rapidement dans le parti et sa presse. Les relations interindividuelles demeurent au retour à Budapest, les deux dirigeants sociaux-démocrates lui envoyant des articles qu’il se charge de traduire. Garami fait du quotidien social-démocrate un organe où chaque jour s’élabore une histoire militante transnationale, à travers certes des écrits théoriques d’origine allemande, mais aussi des traductions d’auteurs russes (le jeune Gorki) ou français (Zola).

Mariska Gárdos, le transeuropéen comme destin d’une femme militante

15Mariska Gárdos (1885-1973), est une des personnalités majeures du féminisme social-démocrate hongrois du début du xxe siècle. Elle naît dans un milieu militant, organise des meetings et crée un syndicat d’ouvrières à vingt ans, avant de devenir correspondante du Népszava à Paris. Or la Hongrie de cette époque assigne un rôle très inférieur aux femmes, y compris dans le milieu des militants ouvriers. Dès lors, « Le voyage, le séjour à l'étranger [leur] permettent d'accéder au statut d’être humain à part entière [21]. » C’est le « voyage action » décrit par Michelle Perrot où les rencontres, les meetings sont plus « importants que les paysages [22] ». Paris est la ville de toutes les libertés pour cette jeune femme autodidacte, qui suit des cours en Sorbonne, visite les musées, se rend au théâtre et à l’opéra, va écouter Jaurès à la Bourse du travail. Elle participe également à des meetings féministes où elle côtoie pour la première fois de sa vie des femmes d’origine bourgeoise [23] venues assister à un meeting de la suffragette Madeleine Pelletier. Suite à cette expérience parisienne, elle devient une touriste politique allant mener des conférences jusqu’aux États-Unis, et relaye dans la revue des ouvrières, Nőmunkas, les conquêtes étrangères en matière de suffrage universel féminin (Californie en 1911, Norvège en 1913).

16Avec Gárdos, on est au cœur du paradoxe qui traverse généralement le parcours des militantes socialistes de cette époque : les « vagabondages transnationaux » constituent pour elles des formes de libération individuelle, mais en même temps, les éloignent du « national » où se jouent les jeux de pouvoir au sein des partis (masculins).

17Les militants ouvriers hongrois ont construit leurs identités politiques par des transferts d’expérience liés essentiellement à leurs allers-retours migratoires. Ils ont par ailleurs rapporté au pays des objets politiques et sociaux nouveaux.

L’importation d’objets politiques et sociaux nouveaux

La « politique de rue »

18Les historiens Thomas Lindenberger et Diane Meur ont défini la politique de rue comme « la défense populaire d'intérêts et de besoins collectifs dans l’espace public [24] ». Elle apparaît en Hongrie lors de la Révolution de 1848, effraie la dynastie impériale, au point de ne réapparaître qu’après la signature du compromis de 1867.

19Les premières tentatives de manifestation politique organisée sont des défilés de soutien à la Commune de Paris et à son héros hongrois, Léo Frankel. Elles sont réprimées avec une grande énergie par l’État, qui s’inquiète de voir tout un petit peuple de boutiquiers, d’artisans, et d’ouvriers des premières manufactures se répandre dans le centre-ville en plein réaménagement. L’État hongrois de la deuxième partie du xixe siècle reste très nettement dans les mains de quelques grandes familles aristocratiques, qui se réunissent dans des clubs appelés Casino. La création de partis politiques ouvriers ne pose plus de problème légal à partir de 1880, par contre leur structure et leur mode de fonctionnement sont censés se calquer sur celle des autres partis existants, à savoir la réunion d’une poignée de notables échangeant leurs idées à travers une presse dédiée. Les meetings sont tolérés, mais uniquement dans des espaces fermés, en présence d’un commissaire de police qui prend bonne note de tous les propos échangés.

20C’est pourquoi l’organisation d’un défilé dans les rues de Budapest le 1er mai 1890 par le Magyaországi Általános Munkáspárt est un véritable événement [25]. Il a été déclaré au Préfet de police, qui a donné son accord. Il répond aux mots d’ordre de la IIe Internationale, qui, lors de sa réunion fondatrice a décidé d’appeler chaque année à cette date à un défilé international des travailleurs dans chaque pays en faveur de la journée de huit heures. Ce jour-là, entre 40 000 et 60 000 personnes se réunissent de manière disciplinée dans les rues de Budapest à l’appel de différentes organisations. On y voit des banderoles, des slogans similaires à ceux observés dans d’autres pays, et des groupes de vingt‐cinq personnes défilant sagement. On compte deux membres du parti pour dix membres ouvriers rassemblés par usine et par branche professionnelle. Les hommes ont revêtu leurs costumes du dimanche et les femmes leurs plus belles robes. De nombreux militants autrichiens y participent, en raison de l’interdiction du défilé à Vienne. L’opinion publique est stupéfaite par l’événement, et même la presse pro gouvernementale doit en reconnaître son côté pacifique [26]. Si le défilé est interdit l’année suivante, suite à la création du MSzDP dont la dimension internationaliste revendiquée inquiète le pouvoir, il est de nouveau autorisé l’année suivante et devient un événement régulier, où la classe ouvrière hongroise se représentant comme un maillon d’une communauté transnationale sans frontières s’empare de l’espace public l’espace d’un jour.

21Cette occupation nouvelle de l’espace public prend parfois des formes moins pacifiques, qui se traduisent par des violences ouvrières, voire des émeutes.

22L’émeute ouvrière est une figure qui s’impose dans la Hongrie du début du xxe siècle parfois en soutien de la manifestation organisée. Les travaux de l’historien hongrois Gábor Gyáni [27] montrent des similitudes frappantes avec l’Allemagne, à la fois chronologiques (paroxysme de la violence de rue entre 1907 et 1912) et dans les modes d’action. Dans les deux pays, il s’agit d’opposer à l’occupation de l’espace par ceux d’en haut (les nobles, les policiers, l’armée) une réappropriation par ceux d’en bas. Ainsi, lors de la manifestation massive organisée le 23 mai 1912 à Budapest en faveur du suffrage universel (masculin), les chroniqueurs insistent sur l’irruption en plein centre-ville et jusqu’au Parlement des masses populaires [28], ainsi que sur son caractère émeutier. L’évènement restera dans l’histoire comme le « Jeudi rouge sang » (Vervörös Csütörtök).

23Pour autant, l’émeute n’est ni l’expression de la violence atavique des foules, comme l’estime le psychosociologue Gustave Le Bon – dont les thèses sont très populaires dans toute l’Europe en cette époque d’irruption des masses dans l’espace public [29] – ni de la colère spontanée du peuple contre la répression policière [30]. Gyáni reprend à son compte les thèses de l’historien britannique Charles Tilly en estimant que le recours à la violence est une stratégie réfléchie dont l’objectif est de forcer la communauté politique instituée à entendre les revendications de ceux qui en sont exclus et souhaiteraient y entrer.

24Ainsi, la préparation de la manifestation du 9 octobre 1908 en faveur du suffrage universel donne lieu à une minutieuse préparation de la logistique à vocation insurrectionnelle avec un budget consacré par le parti en amont à l’achat clandestin de pistolets et de cannes en fer destinées à blesser les chevaux des hussards [31]. Une commission d’organisation des manifestations, structure clandestine au sein du MSzDP, est créée, qui confie à un syndicaliste cheminot, Dezső Faragó, la tâche de se procurer cent revolvers et leurs cartouches, ce qui n’est pas une mince affaire, eu égard au faible nombre d’armureries dans la Budapest de l’époque. Une fois obtenues auprès d’un petit patron sympathisant, ces armes sont distribuées aux militants du syndicat des métallurgistes, particulièrement combatif.

La revendication du suffrage universel masculin et de la démocratie comme fondements d’une Nation hongroise moderne.

25Les militants ouvriers hongrois sont des marxistes rigoureux. Agissant dans le cadre d’un régime encore « semi-féodal » ils n’ont de cesse de revendiquer la démocratie par la mise en place du suffrage universel. Leurs campagnes militantes se calquent étroitement sur celles de leurs homologues autrichiens ou allemands. L’influence française, fort présente déjà en 1848 (adoption de la cocarde tricolore) se fait également sentir par l’adoption de la devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». C’est la Marseillaise souvent qui remplace l’Internationale, interdite par la police. Chez certains socialistes, dont le sentiment patriotique se double d’une hostilité à l’Autriche, la France, centralisatrice, républicaine et radicalisante peut également apparaître comme une future alliée et somme toute comme un idéal politique, ce qui explique leurs réserves par rapport au modèle d’autonomie national et culturel prôné par l’austro-marxisme. Ce dernier est regardé avec méfiance, eu égard à la sujétion sociale que les petites noblesses conservatrices et indépendantistes sont supposées entretenir au sein des classes dominées par le biais de la langue.

26La revendication du suffrage universel égal et secret circule à partir de 1910 en direction des cénacles radicaux. Elle est également relayée au Parlement par les indépendantistes de gauche de Gyula Justh [32]. S’il englobe en théorie également les femmes, le pragmatisme de cet accord de circonstance relègue la question à un avenir lointain.

27Les sociaux-démocrates, néanmoins, ne parviennent pas à leurs fins. Ils obtiennent plus facilement gain de cause en matière de relations sociales et d’organisation de la vie quotidienne.

Les « accords de travail transimpériaux » et « les formes de vie » organisées

28Les syndicats hongrois, qui sont dans leur quasi-totalité des émanations du MSzDP, décident à partir de 1905, de signer des accords d’entreprise garantissant un minimum salarial, une limitation de la durée de travail, des jours de congé, et une tolérance en ce qui concerne la représentation du personnel. Ils parviennent généralement à leurs fins en particulier dans les entreprises de meunerie, particulièrement importantes à l’époque. Or cette date coïncide avec des campagnes massives en faveur du suffrage universel, également en Autriche et en Allemagne. Il s’agit là d’une stratégie commune aux social-démocraties des deux Empires centraux visant à réduire la tension sociale au niveau de l’atelier, afin de la porter à son acmé au niveau de la rue. Les Autrichiens obtiennent d’ailleurs gain de cause avec l’obtention du suffrage universel masculin pour les élections au Parlement en 1907 [33].

29Des réunions communes réunissent des représentants syndicaux hongrois et autrichiens pour préciser les revendications sur le temps de travail, les salaires, ainsi que la reconnaissance des délégués du personnel. L’une d’entre elles se tient [34] à Budapest le 7 janvier 1906 réunissant les délégués viennois et budapestois de l’usine Hoffherr et Schrantz, une des principales entreprises de construction de machines de l’Empire. Le délégué autrichien, Domes, souligne les différences de salaire entre Vienne et Budapest, et les revendications que doivent porter les camarades hongrois en faveur d’un salaire minimum égal à celui des ouvriers viennois de l’entreprise : Si celle-ci est bien régie par une convention collective d’empire, la filiale hongroise a le droit d’appliquer sa propre grille de salaire. Comme le rappelle l’historien spécialiste du socialisme Emmanuel Jousse, l’internationalisme du mouvement ouvrier est conçu justement pour « prévenir les compétitions entre travailleurs d’une même industrie [35] » et donc a fortiori d’une même entreprise. Tant il est vrai en effet [qu’] « Avant d’être celle des organisations et des théories, l’histoire de l’Internationale ouvrière [est] celle des circulations humaines, des mobilités géographiques et des transferts d’expériences [36]. » Certaines pratiques discursives contribuent à tisser un espace de référence commun entre militants transnationalisés, alors même que la polysémie des termes peut induire une compréhension très variée de certains slogans : on en veut pour preuve la notion de « grève générale », qui, utilisée par les militants français, charrie tout un univers de sens lié au syndicalisme direct et à la prise du pouvoir immédiat par les travailleurs, alors que pour les sociaux-démocrates hongrois Az általános strájk signifie simplement la grève de tous les travailleurs, sous-entendu pour demander le suffrage universel.

30Les sociaux-démocrates hongrois, du reste, ont pour objectif d’insérer les travailleurs dans un ordre social pacifié orchestré par le parti, les syndicats, les associations, et insérant chaque aspect de la vie humaine (le travail, le loisir à travers les bibliothèques, les chorales et les maisons ouvrières, le logement également) dans des formes de vie communautaires à l’instar de ces contre-sociétés émergentes en Allemagne ou en Autriche. Le logement, par exemple, est considéré à l’instar de l’usine comme un terrain de lutte et ce d’autant plus que les patrons d’usine en sont souvent les propriétaires. Des grèves de loyers sont organisées régulièrement autour de 1910 afin d’obtenir des délais de paiement et des limitations des hausses voire des baisses de loyer. Les revendications portent également sur la désignation d’un représentant des locataires auprès des propriétaires, et on a cet exemple étonnant en 1910 d’une grève des métallurgistes qui se révèle payante suite à une menace de grève générale des loyers [37].

31Or, si un système d’encadrement collectif de l’ouvrier, dans son travail, dans son logement, dans ses loisirs, commence à être mis en œuvre dans la capitale de l’Empire [38], on n’en trouve encore qu’une esquisse à Budapest, et encore dans certains quartiers comme Angyalföld dans le nord de Pest. Des « hommes de confiance [39] » (Bizalmiférfi), décalques de leurs homologues autrichiens, sont chargés de rester en contact avec les adhérents syndicaux, de distribuer la presse, de s’occuper des questions de logement parfois, voire de faire des propositions à la municipalité en matière de construction de nouveaux ponts ou d’encadrement des prix du petit commerce.

32Le franchissement des frontières est une forme obligée dans la construction d’un destin pour les militants et les militantes ouvriers hongrois. C’est, au temps des pionniers, à la fois continuer une longue tradition de formation professionnelle, et en même temps rencontrer sur sa route l’idéologie politique nouvelle qu’est le socialisme. Le retour au pays signifie parfois une inflexion dans des destins tout tracés par une société d’ordres et un engagement dans des expériences collectives nouvelles (les meetings, les manifestations de rue, voire les émeutes), et en même temps un désir de reconnaissance de la part des classes dirigeantes. C’est ce que le militant ouvrier transnationalisé a acquis à l’étranger : des outils pour exiger de devenir un citoyen hongrois à part entière, et un travailleur inséré dans une organisation du travail et un réseau de sociabilité qui lui assurent une vie stable.


Date de mise en ligne : 12/11/2020

https://doi.org/10.3917/lcsi.025.0011

Notes

  • [1]
    Cette expression désigne la Hongrie historique, antérieure à l’invasion ottomane de 1526. Cette entité comprend le royaume de Hongrie stricto sensu, le royaume de Croatie-Slavonie et la Transylvanie. Ses frontières correspondent aux possessions du roi Étienne Ier (ca. 975-1038) qui fonda le royaume autour de 1000.
  • [2]
    Sur la genèse du compromis, et de manière générale l’histoire politique et institutionnelle de la Hongrie : Jean Béranger, l’Empire austro-hongrois 1815-1918, Paris, Armand Colin, 2011 ; Miklos Molnar, Histoire de la Hongrie, Paris, Perrin, 2004 ; Charles Kecskeméti, La Hongrie des Habsbourg. Tome II. De 1790 à 1914, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011.
  • [3]
    Gérard Noiriel, « Une histoire sociale du politique est-elle possible ? » dans Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 24, p. 81-96. [www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1989_num_24_1_2188] (consulté le 2 avril 2020).
  • [4]
    Entre autres Szeged, une grande ville du Sud, Temesvár (l’actuelle Timisoara en Roumanie), et la région autour de Békéscsaba, proche de la Roumanie. Ce territoire rural et pauvre est surnommé Viharsarok, le coin des tempêtes, tant il est l’objet d’une lutte violente dans les années 1897-1898 entre la gendarmerie et les paysans sans terre que les socialistes venus de Budapest essaient de gagner à leur cause.
  • [5]
    Ruth Mayer, Diaspora. Eine kritische Begriffsbestimmung, Bielefeld, Transcript Verlag, 2005 p. 17-18 cité dans Landry Charrier, Karine Rance, Friederike Spitzl-Dupic (dir.), Circulations et Réseaux transnationaux en Europe XVIIIe-XXe siècle acteurs, pratiques, modèles, Bern ; Berlin ; Bruxelles, P. Lang, 2013., p. VIII.
  • [6]
    Robert Paris et Claudie Weill, « Pèlerins et missionnaires : les militants itinérants », Matériaux pour l’histoire de notre temps, N° 84, 2006, p. 12-17. [https://www.cairn.info/revue-materiaux-pour-l-histoire-de-notretemps-2006-4-page-12.htm] (consulté le 4 avril 2020).
  • [7]
    István Szonda, Céh, ipartestület, szövetkezet : társadalmi és munkaszervezési változások azendrődilábbelikészítő iparban [Corporation, syndicat d'industrie, coopérative : changements sociaux et d'organisation du travail dans l'industrie de la cordonnerie d'Endrőd], Debrecen, Magyar néprajzi könyvtár, 2009, [http://www.tajhazendrod.hu/kiadvanyok_elemei/Szonda_I_Ceh_ipartest.pdf] (consulté le 30 mars 2020).
  • [8]
    Il s’agit de la série en 9 tomes des Tanúságtevők [Témoignages]. Pour la période étudiée, se référer à : Katalin Petrák (dir.), Tanúságtevők : Visszaemlékezések a magyarországi munkásmozgalom történetéből 1868-1918 [Témoignages : Souvenirs sur l’histoire du mouvement ouvrier de Hongrie 1868-1918], 2 tomes, Budapest, Kossuth Könyvkiadó, 1974-1976.
  • [9]
    Pour un historique des différents quartiers de Budapest, voir Catherine Horel, Histoire de Budapest, Paris, Fayard, 1999. Óbuda, la ville historique romaine, Buda la ville royale et Pest la cité industrielle s’unissent en 1873 pour former Budapest.
  • [10]
    Sur le conflit entre les partisans de Ferdinand Lassalle (1825-1864) et les disciples de Karl Marx (1818-1883), sur la genèse de la Ire Internationale en 1864 et les oppositions entre marxistes et anarchistes, on trouve une excellente synthèse dans la contribution d’Emmanuel Jousse, « Le socialisme sans frontière. Les internationalismes ouvriers de 1864 à 1914 » dans Éric Anneau, Jacques-Olivier Boudon, Olivier Dard (dir.), Histoire des internationales Europe, XIXe-XXe siècles, Nouveau monde éditions, 2017.
  • [11]
    Az Áltálanos Munkásegylet [L’Association ouvrière générale].
  • [12]
    « Halottaink ! » [« Nos morts ! »], Munkás-Heti-Krónika [Chronique ouvrière hebdomadaire], 3 novembre 1878.
  • [13]
    “Protokoll des Internationalen Arbeiter-Congresses” [sic] dans Tibor Erenyi (dir.), A Magyar munkásmozgalom történetének válogatott dokumentai [Documents choisis de l’histoire du mouvement ouvrier hongrois], tome I : A magyar munkásmozgalom kialakulása [La constitution du mouvement ouvrier hongrois], 1848-1890, Budapest, Kossuth Könyvkiadó, 1951, p. 565.
  • [14]
    Ibid., p. 565.
  • [15]
    Sur les origines du MSzDP, l’ouvrage de référence est : Lajos Varga (dir.), A magyar szociáldemokrácia kézikönyve [Manuel de la social-démocratie hongroise], Budapest, Napvilág Kiadó, 1999, p. 36-39. Les considérations qui suivent en sont inspirées.
  • [16]
    Tibor Erenyi (dir.), A Magyar munkásmozgalom történetének válogatott dokumentai, op. cit., p. 567 (cf. note 13).
  • [17]
    Lajos Varga (dir.), A magyar szociáldemokrácia kézikönyve, op. cit., p. 317-318 (cf. note 14).
  • [18]
    Archives de l’Institut d’Histoire Politique (P.T.I.), Budapest, VI. 747, Souvenirs de Sándor Propper (version dactylographiée), 1890-1952.
  • [19]
    Lajos Varga, Garami Ernő : politikai életrajz [Ernő Garami : biographie politique], Budapest, Napvilág Kiadó, 1996.
  • [20]
    P.T.I., VI/800/2, Biographie manuscrite d’Ernő Garami par Tibor Ernő Garami [son fils], sans date [ca.1950], p. 14.
  • [21]
    Claudie Weill, « Les femmes étrangères dans le socialisme international : destins croisés de Flora Tristan, Anna Kuliscoff et Rosa Luxemburg » dans Marie-Claire Hoock-Demarle (dir.), Femmes, Nations, Europe, Paris, Presses de l’Université de Paris VII-Denis Diderot, 1995, p. 196-221.
  • [22]
    Michelle Perrot, « Sortir » dans Le chemin des femmes, Paris, Robert Laffont, p. 770.
  • [23]
    Mariska Gárdos, Szállj Gondolat… [Laisse les idées s’envoler…], Budapest, Szépirodalmi Könyvkiadó, 1962, p. 215-241.
  • [24]
    Thomas Lindenberger, Diane Meur, « Politique de rue et action de classe à Berlin avant la Première Guerre mondiale » dans Genèses, n° 12, 1993, p. 49.
  • [25]
    La présentation qui est faite ici du 1er mai 1890 à Budapest s’inspire largement de l’ouvrage suivant : János Jemnitz, Május elseje születése [Naissance du 1er Mai], Budapest, Kossuth Könyvkiadó, 1986, p. 71-73.
  • [26]
    « A munkások » [« Les ouvriers »], PestiHírlap, 2 mai 1890.
  • [27]
    Gábor Gyáni, « Fővárosi zavargások a dualizmus évtizedeiben » [« Émeutes à Budapest durant les années du dualisme »] dans László Á. Varga (dir.), Rendi társadalom; polgári társadalom 3. Társadalmi konfliktusok [Société féodale, société bourgeoise, Vol. 3 : les conflits sociaux], Salgótarján, Archives du comitat de Nograd, 1991, p. 345-355.
  • [28]
    Signalons en particulier l’article de Zsigmond Kunfi, l’un des penseurs du MSzDP : Zsigmond Kunfi, « A tömegek beszéde » [Les paroles des foules], Szocializmus, 1911-1912, n° 8, p. 327-346.
  • [29]
    Gustave Le Bon, Psychologie des foules, Paris, Presses universitaires de France, 1988 (1re édition : 1895), p. 147-153.
  • [30]
    C’est la thèse qui sous-tend un des livres écrits sur le « Jeudi rouge sang » : László Remete, Barikádok Budapest utcáin 1912 [Barricades dans les rues de Budapest, 1912], Budapest, Kossuth Könyvkiadó, 1972.
  • [31]
    Dezső Faragó, « A magyarországi vasutas-munkásmozgalom » [« Le mouvement ouvrier des cheminots de hongrie »] » dans Katalin Petrák (dir.), Tanúságtevők, op. cit., t.2, p. 118-119 (cf. note 8).
  • [32]
    Gyula Justh (1850-1917), juriste et homme politique, président du Parlement en 1905 suite à la victoire du parti de l’indépendance, il mène ensuite l’opposition parlementaire une fois le Parti libéral revenu au pouvoir.
  • [33]
    On trouve des notations sur le lien dans les social-démocraties centre européennes entre conquête du pouvoir politique et pacification sociale dans la thèse (publiée) de Gabriel-Louis Jaray : Gabriel-Louis Jaray, Le socialisme à l’étranger, Paris, Alcan, 1909.
  • [34]
    Gyula Virizlay (dir.), A magyarországi szakszervezeti mozgalom dokumentai 1899-1911 [Documents du mouvement syndical de Hongrie 1899-1911], Budapest, Népszava Lap és KönyvKiadó, 1988, p. 261.
  • [35]
    Emmanuel Jousse, « Le socialisme sans frontière », op. cit., p. 75 (cf. note 10).
  • [36]
    Ibid., p. 75.
  • [37]
    VÖRÖS (Károly), « A világ város utján 1896-1918 » in SPIRA (György), VÖRÖS (Károly) (dir) : A márciusiforradalomtól az őszirózsás forradalomig. Budapest története IV [De la révolution de mars à la révolution desŒillets. Histoire de Budapest IV], Akadémia Kiadó, Budapest 1987, p. 683. [https://library.hungaricana.hu/hu/view/BFLV_BPT_04/?pg=688&layout=s] (consulté le 31 mai 2020).
  • [38]
    Voir le livre de Paul Pasteur à ce sujet : Paul Pasteur, Pratiques politiques et militantes de la social-démocratie autrichienne 1888-1934, Paris, Belin, 2003.
  • [39]

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