Notes
-
[1]
Pierre Brocheux, Daniel Hémery, Indochine, la colonisation ambigüe, 1858-1954, Paris, La Découverte, 2007 ; Emmanuelle Saada, Les enfants de la colonie. Les métis de l’Empire français entre sujétion et citoyenneté, Paris, La Découverte, coll. « L’espace de l’Histoire », 2007 ; Hoai Huong Aubert-Nguyen, Michel Espagne, Le Vietnam, une histoire de transferts culturels, Paris, Demopolis, 2015 ; Trinh Van Thao, L’école française en Indochine, Paris, Karthala, 2001 ; Pascale Bezançon, Une colonisation éducatrice ? L’expérience indochinoise (1860-1945), Paris, l’Harmattan, 2002 ; David Chandler, A history of Cambodia, Westview Press, Fourth Ed., 2008 ; Grant Evans, Laos, Culture and Society, Chiang Mai, Silkworm Books, 1999.
-
[2]
Agathe Larcher-Goscha, « Du football au Vietnam (1905-1949) : colonialisme, culture sportive et sociabilités en jeux », Outre-Mers, t. 97, n° 364-365, 2009, p. 61-89 ; Pierre Singaravélou & Julien Sorez, L’empire des sports. Une histoire de la mondialisation culturelle, Paris, Belin, 2010.
-
[3]
Archives nationales d’outre-mer (ci-après CAOM), Aix-en-Provence, 3 slotfom/138 : documentation réunie par le directeur de la Sûreté générale à Hanoi (1909-1932).
-
[4]
Bibliothèque nationale du Vietnam (ci-après BnV), Hanoi, « L’œuvre de la France en Indochine », L’Écho annamite, 4-5, 1920.
-
[5]
BnV, Hanoi, « En vue de la prochaine arrivée de la Commission d’enquête », La Patrie annamite, 12 septembre 1936.
-
[6]
BnV, « Tennis », Le Courrier. L’Opinion de Saigon, 14 février 1914, p. 2.
-
[7]
BnV, « La coupe Vacuum Oil Company », Le Courrier. L’Opinion de Saigon, 3 janvier 1908, p. 1.
-
[8]
Alfred Wahl, Les archives du football. Sport et société en France (1880-1980), Paris, Gallimard, 1989, p. 42.
-
[9]
Les Britanniques sont « une classe de loisir» : les sports servent à distraire les expatriés, à maintenir un sentiment d’appartenance loin de chez eux afin de retrouver des racines communes. Voir Sébastien Darbon, Diffusion des sports et impérialisme anglo-saxon, de l’histoire événementielle à l’anthropologie, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2008, p. 99.
-
[10]
Bibliothèque nationale de France (ci-après BnF), Paris, Annuaire général de l’Indochine, 1914, p. 449.
-
[11]
Centre des archives n° 2, Hô-Chi-Minh-Ville, IB24/213 : société sportive hindoue, 1914.
-
[12]
BnV, Hanoi, « Les sports. Football-association », Le Courrier. L’Opinion de Saigon, avril 1914, p. 5.
-
[13]
BnV, Hanoi, « Sport », Le Courrier de Haiphong, 13 octobre 1923, p. 2.
-
[14]
L’essentiel n’était pas de battre les Français, mais de faire aussi bien qu’eux, nous confie Pierre Brocheux lors d’un entretien en 2012.
-
[15]
Allen Guttmann, Games and Empire, Columbia, 1994.
-
[16]
BnV, Hanoi, « Apprenez la boxe », L'Écho annamite, 4 avril 1927.
-
[17]
Bibliothèque municipale de Dinan, Albert Oriol, « Le sport au Vietnam », Indochine Sud-Est Asiatique, n° 10, 1952, p. 60-63.
-
[18]
Le football serait apparu dans une capitale en Indochine, exactement comme en Inde où les premiers matchs se sont déroulés à Calcutta mais beaucoup plus précocement ici, dès 1868 ; voir Sébastien Darbon, Diffusion des sports… op. cit., p. 182.
-
[19]
Ceci démontre qu’il y a des sportifs parmi les coloniaux européens à Saigon ; Agathe Larcher-Goscha dans son excellent article omet de les signaler, « Du football au Vietnam (1905-1949) », Outre-Mers, t. 97, n° 364-365, 2009, p. 64.
-
[20]
BnF, « À la table des grands de la terre », L’Écho annamite, mars 1924, p. 1.
-
[21]
BnV, Hanoi, « Les sports. Football », Le Courrier de Saigon, 26 mars 1925 : les Anglais gagnent et font l’admiration de la foule grâce à leur homogénéité, leur tactique, leur intelligence, leur vitesse.
-
[22]
Stefan Huebner, Pan-Asian Sports and the Emergence of Modern Asia, 1913-1974, Singapour, NUS Press, 2018, p. 100-101.
-
[23]
BnV, Hanoi, « Le coin des sports. Football », Le Courrier saïgonnais, 27 janvier 1928, l’équipe du navire anglais Carlisle bat « Saigon sportif ».
-
[24]
BnV, Hanoi, « Chronique sportive. Football », L’Écho annamite, 25 mars 1925, p. 2. Étoile de Giadinh contre l’équipage du « Durban ».
-
[25]
BnV, Hanoi, « Réception de l’Étoile de Giadinh à bord du Teuxer », L’Écho annamite, 15 avril 1925, p. 4. Compte-rendu de la fête, une trentaine de joueurs annamites sont reçus sur le bateau.
-
[26]
BnV, Hanoi, « Bientôt un champion international indochinois ? », L’Écho annamite, 21 mars 1925, p. 1 Ce journal le présente comme le meilleur car il a battu les Anglais, les Français et les Annamites.
-
[27]
CAOM, Aix-en-Provence, « L’équipe de Hong Kong attendu à Saigon », Hanoi-soir, 12 avril 1940, p. 4 : une équipe de tennis de Hong-Kong vient à Hanoi avec deux Chinois et trois Anglais, invités par la fédération de lawn tennis du Tonkin.
-
[28]
BnV, Hanoi, « Boxe annamite contre boxe anglaise », L’Écho annamite, mars 1925, p. 2.
-
[29]
BnV, Hanoi, « Chronique sportive. Boxe », L’Écho annamite, 8 avril 1927, p. 4, boxe par Tellier le 15 avril qui va produire Kid Thomas, « champion du muscle annamite », opposé à Nam, de Cholon.
-
[30]
BnV, Hanoi, « Boxe annamite contre boxe anglaise », L’Écho annamite, avril 1925, p. 1.
-
[31]
BnV, Hanoi, « Les sports à Saigon », La Tribune indigène, 18 septembre 1919.
-
[32]
BnV, Hanoi, « Golf club de Saigon », Saigon sport, 3 juin 1927, p. 7.
-
[33]
BnV, Hanoi, « Après Bangkok », Saigon sport, 14 octobre 1927, p. 4.
-
[34]
BnV, Hanoi, « Sports. Rugby », Le Courrier saïgonnais, 16 janvier 1928, p. 2.
-
[35]
BnV, Hanoi, « La semaine sportive. Rugby », Saigon sport, 12 janvier 1928, p. 7.
-
[36]
BnV, Hanoi, Saigon sport, 30 décembre 1927, p. 7. Publicité de Nguyen Van Tran, propriétaire de la Nouvelle Maison de Teinture au 96 Bd Bonnard à Saigon qui vend les raquettes Spalding Gold Metal.
-
[37]
BnV, Hanoi, « Grands Magasins Réunis », Indosport, 13 avril 1933, p. 8 : publicité pour des ballons anglais.
-
[38]
BnV, Hanoi, « Haiphong sport-Radium », Bac Ky The Thao, 11 novembre 1930, p. 10.
-
[39]
Les Britanniques en France au xixe siècle sont surtout des commerçants et des étudiants qui ne sont pas motivés par l’idée d’enrôler des Français, mais par la passion de faire du sport entre sujets britanniques.
-
[40]
Sébastien Darbon, Diffusion des sports… op. cit., p. 102.
-
[41]
Ibid.
-
[42]
Centre culturel français, Rangoon, Alleyne Ireland, The province of Burma, Cambridge, The University Press, 1907, p. 283.
-
[43]
Bibliothèque de l’Institut français de Yangon, Alleyne Ireland, The province of Burma, p. 276.
-
[44]
Patrick Clastres et Paul Dietschy, Sport, culture et société en France du xixe siècle à nos jours, Paris, Hachette, 2006, p. 48-49 : « il se laisse persuader que le sport des Public Schools est la pierre angulaire de l’Empire britannique ».
-
[45]
Alleyne Ireland, The Province of Burma… op. cit., p. 277.
-
[46]
BnV, Hanoi, « Lược kháo về tình-hình thể thao trong thế giơi » Bac-Ky-Thê-Thao, 9 décembre 1930, p. 1-2.
-
[47]
Ce mouvement est crée au Royaume-Uni par Baden-Powell en 1907 où il rencontre un grand succès ; les Français le découvrent dans les années 1911-1913 et sont séduits par les activités de plein air. Des militaires y voient aussi la possibilité de moderniser la préparation de leurs hommes. Trois groupes coexistent en 1914 : le premier est laïc, les Éclaireurs de France ; le second est protestant, les Éclaireurs unionistes ; le dernier s’intitule les Éclaireurs français. Il n’y a pas d’éclaireurs catholiques avant 1921. Voir Nicolas Bancel et Jean-Marc Gayman, Du guerrier à l’athlète, éléments d’histoire des pratiques corporelles, Paris, PUF, 2002, p. 214-217.
-
[48]
Daniel Denis, « Une pédagogie du simulacre : l’invention du scoutisme (1900-1912) », Agora débats/jeunesses, 11, 1998, p. 7-18.
-
[49]
Hoang Dao Thuy, « Notes sur le scoutisme vietnamien », Xua Va Nay, n° 27, 1996, p. 12-14.
-
[50]
Christina Wu, « La jeunesse en mouvement. Scouts et guides en Malaisie britannique, 1910-1966) », thèse soutenue en 2015 à l’université de Louvain-la-Neuve.
-
[51]
BnV, Hanoi, « Après le voyage du Commissaire national Lefèvre », La Patrie annamite, 16 mai 1936, p. 4.
-
[52]
BnV, Hanoi, « Après le voyage du Commissaire national Lefèvre », La Patrie annamite, 16 mai 1936, p. 4. Le GGI répond au vœu n° 34 du Grand conseil lors de la session en 1934. Les 13 élus annamites au Grand conseil, dont Tran Van Kha, demandent une aide publique pour le scoutisme.
-
[53]
Pierre Brocheux, « La constitution du scoutisme indochinois », témoignage de Hoang Dao Thuy, dans Nicolas Bancel, Daniel Denis, Youssef Fates, De l’Indochine à l’Algérie. La jeunesse en mouvement des deux côtés du miroir colonial, 1940-1962, Paris, la Découverte, 2003, p. 54.
-
[54]
Nicolas Bancel, « Scoutisme catholique contre scoutisme laïc ? Les activités physiques dans le développement comparé de deux mouvements de jeunesse en AOF (1947-1960) », dans Driss Abbassi (dir), « Le sport dans l’empire français : un instrument de domination ? », Outre Mers, t. 96, n° 364-365, 2e semestre 2009, p. 155.
-
[55]
BnV, Hanoi, « Une équipe chinoise va venir à Saigon », Le Courrier saïgonnais, 11 août 1930.
-
[56]
BnV, Hanoi, « Victoire de Tanan », La Tribune indigène, 1er avril 1919.
-
[57]
Stephan Huebner, Pan-Asian Sports and the Emergence of Modern Asia, 1913-1974, Singapour, NUS Press, 2018, p. 78-79.
1Cette question a de quoi surprendre car chacun sait que ce territoire a été conquis par les Français entre 1858 et 1893. C’est donc tout à fait normalement qu’une administration française est présente de la Cochinchine au Laos, encadre les colons venus de métropole, assiste à l’émergence d’activités industrielles et commerciales en lien avec celles de Paris, Lyon et Marseille et installe un embryon de réseau scolaire. Les entrepreneurs et les enseignants sont très majoritairement français et sont accompagnés de ressortissants d’autres communautés européennes ou chinoises. Nous pourrions donc en conclure de façon classique que l’Indochine est bel et bien une colonie française.
2Pourtant, si nous posons notre regard sur les activités sportives, nous y voyons surtout le football, le tennis et le golf. Au regard de cet unique critère culturel, l’Indochine semble être une possession britannique dénuée de sports d’origine française.
3Si de nombreuses études ont déjà porté sur l’acculturation de l’Indochine par la métropole, comme les travaux de Pierre Brocheux et Daniel Hémery, de David G. Marr, Trinh Van Thao et Pascale Bezançon [1], rares sont ceux qui mettent en évidence à la fois une surreprésentation des activités sportives britanniques [2] et des concurrences entre empires pour diffuser leur culture dans la sphère coloniale française. Or plusieurs années de recherches dans les archives du Vietnam, du Cambodge et du Laos nous permettent d’entrevoir la complexité et la richesse des interactions entre empires, ce qui a abouti à faire de l’Indochine une colonie atypique. Ce territoire s’est retrouvé à la convergence de plusieurs influences, européennes, américaines et asiatiques qui ont longtemps coexisté et fait de l’Indochine une mosaïque de sports très originale. Nous nous proposons ici d’identifier les vecteurs de diffusion d’une culture britannique ; puis d’étudier les acteurs locaux et internationaux qui ont servi de relai dans la diffusion des sports ; de montrer enfin comment les élites autochtones ont été façonnées par des principes éducatifs britanniques.
Des Indochinois attirés par l’Union Jack
4Le modèle politique britannique
5Depuis la conquête par la France et la création de la Fédération indochinoise en 1887, les élites autochtones cherchent une voie pour sortir leur pays de cette colonisation. En Asie, deux pays servent de modèles et attirent des jeunes Indochinois : le Japon de l’ère Meiji, la Chine de Sun Yat Sen.
6Deux pays d’Europe sont aussi des modèles pour les Indochinois : la France après 1908 et la Grande-Bretagne, très présente en Asie. Des étudiants indochinois se rendent dans ces pays pour y apprendre les techniques industrielles afin de transformer l’économie ; ils observent et comparent les systèmes politiques : ce qui les intéresse en Grande-Bretagne n’est pas tant la monarchie que le parlementarisme. Plusieurs hommes politiques indochinois des années 1920 sont ainsi convaincus de la supériorité du système parlementaire sur la monarchie du Vietnam et travaillent à l’installation d’un tel système politique au Vietnam.
Imiter Gandhi, l’une des voies possibles vers l’indépendance
7Des journaux annamites [3] relatent les faits et gestes du leader du Parti du Congrès et regrettent que la France ne gère pas ses colonies comme la Grande-Bretagne le faisait au début des années 1920 [4]. Certains Annamites, élus au Conseil colonial de Cochinchine, essaient d’orienter leurs compatriotes et la France vers la création d’un statut de dominion pour l’Indochine. C’est l’un des thèmes majeurs au début des années 1920 à Saigon. Nous retrouvons cette demande en 1936 car la situation institutionnelle de l’Indochine est bloquée selon Tao Him Kai un journaliste annamite [5].
8La Grande-Bretagne joue le rôle de modèle pour certains hommes politiques indochinois qui la comparent à la France. Il y a une part de réalité dans cette analyse et une part de fantasme car l’Inde n’obtient pas le statut de dominion et les discussions vers l’autonomie et l’indépendance s’enlisent entre Londres et le Parti du Congrès. Néanmoins, la Grande-Bretagne sert de paramètre et sa gestion coloniale permet de revendiquer une autre politique de la part de la France.
L’apparition d’une société de loisirs
9Les élites indochinoises sont influencées sur le plan culturel car elles vivent au contact des coloniaux dont les Britanniques. Ces derniers sont très présents en Asie et viennent en Indochine le plus souvent pour affaire ; ils s’installent parfois plusieurs années et importent aussi leur mode de vie, dont les sports.
Le processus de « sportivisation »
10Des membres des élites indochinoises découvrent ce mode de vie particulier grâce aux résidents britanniques, tels le consul à Saigon et les représentants des maisons de commerce et des banques (HSBC). Ils sont membres des clubs de sport réservés aux élites coloniales comme le Cercle Sportif de Hanoi (CSH) ou le Cercle Sportif de Saigon (CSS) comme Steel-Boyce [6], représentant local de la Vacuum Oil Company qui offre une coupe [7] pour un match de football. Le CSS est presque un club britannique avec de nombreux joueurs qui pourraient presque à eux seuls composer un onze en football [8] : nous avons retrouvé les noms de ces promoteurs du football [9] comme Carlisle, Haggart, Kropff, Lions, Lindner, Stiell, Bayceet Proch [10]. Ce sont aussi des joueurs britanniques qui s’inscrivent au tournoi de tennis de Saigon en 1914.
11Nous devons aussi signaler le rôle non négligeable d’autres vecteurs des sports tels que des sujets de l’Empire britannique des Indiens [11] à Saigon et Hanoi qui créent des sociétés de football avant 1914. Par ailleurs, Saigon et Haiphong sont visités chaque année par des vaisseaux de la Royal Navy [12] et des bateaux de la marine de commerce [13] ; leur séjour est l’occasion de rencontres sportives très attendues par les locaux. Puis des militaires et coloniaux de Birmanie et des Straits Settlements (Établissements des Détroits, Malacca ou Singapour) sont invités pour des matchs de football ou de rugby. Enfin, des Jeux olympiques d’Asie sont organisés et les sportifs d’Indochine peuvent concourir contre les champions des pays limitrophes, souvent membres de l’Empire britannique.
12La participation de l’Indochine et surtout des Indochinois à ces Jeux est une revendication forte du mouvement « Jeune Annam », issu de la bourgeoisie de Saigon au début des années 1920. Ces élites indochinoises s’inspirent du darwinisme social et du struggle for life pour inciter la population à faire des exercices physiques et du sport afin de se renforcer musculairement et faire partie des nations dominantes comme la Grande-Bretagne.
13En effet, la Grande Guerre et les Jeux interalliés en 1919 ont démontré la supériorité physique des Anglo-Saxons, ce qui n’a pas échappé aux Indochinois les plus occidentalisés. Des hommes politiques, des médecins, des industriels français et autochtones incitent les populations urbaines d’Indochine à faire du sport pour des raisons hygiéniques et économiques. L’idée de compétition, indissociable de la définition de ces sports, se diffuse aussi parmi les premiers athlètes indochinois. Certains découvrent même qu’ils peuvent battre les Français [14], à l’instar de ce qui se passait dans les Indes britanniques avant 1914 [15]. Mais parfois, la pratique d’un sport s’éloigne des critères de bienséance véhiculés par les promoteurs britanniques : face aux multiples agressions dont ils sont victimes, le conseiller colonial Nguyen Phan Long conseille aux Annamites d’apprendre la boxe anglaise pour se protéger des coloniaux [16].
« The British way of life »
14Ce style de vie particulier concerne peu d’Indochinois, certes, mais il existe et sert de modèle culturel qui attire de nombreux jeunes autochtones. Trois activités en particulier ont beaucoup de succès.
15Le football est le sport le plus pratiqué par des Indochinois. Des Britanniques seraient ainsi à l’origine du premier match de football [17] : en 1905 à Saigon [18], une rencontre est organisé entre les militaires britanniques du navire King Alfred et une équipe mixte saïgonnaise, composée de militaires du 12e Régiment d’infanterie de marine et de civils [19].
16La réception des équipes britanniques est un événement pour les équipes de Saigon qui jugent leur progrès en fonction des matchs contre ces équipes considérées comme les meilleures équipes. Les Indochinois déplorent le fait que, parfois, les sportifs britanniques sont accaparés par les équipes coloniales et qu’ils soient privés de matchs ou non sélectionnés. Par exemple, lors d’un match de football contre un équipage britannique en mars 1924, la sélection de la FCSA ne comporte aucun Indochinois, ce que le conseiller Nguyen Phan Long lui reproche aussitôt [20] : « [Nous sommes] toujours considérés comme des mineurs alors que l’Angleterre respecte mieux ses colonies ».
17Il n’y a pas d’Annamites non plus au repas officiel. Nguyen Phan Long tient absolument à ce que ses compatriotes ne soient pas cachés aux navires de passage, et ce pour plusieurs raisons : ce sont de bons joueurs ; Saigon ne peut pas être représentée uniquement par une minorité de footballeurs français ; les joueurs indochinois ont besoin de se confronter aux très bonnes équipes anglaises [21] pour progresser ; enfin, chaque match « international » avec des Indochinois leur procure une occasion de faire connaître leur pays. De plus, Nguyen Phan Long demande que des sportifs indochinois soient envoyés aux Jeux d’Asie : l’émulation autour des victoires aurait comme effet de renforcer le nationalisme des Indochinois ; il permettrait aussi de montrer aux Français que désormais l’Indochine s’est hissée au niveau physique des meilleures nations et qu’il est temps de penser à lui octroyer l’indépendance [22]. Mais pour cela, il faut obtenir l’accord politique des Français ainsi que des subsides : les Indochinois n’obtiennent ni l’un ni les autres et observent de très loin les joutes entre Asiatiques férus de sports occidentaux.
18Ces recommandations sont peu suivies d’effets, car les matchs de football contre des équipages britanniques concernent surtout les coloniaux français [23]. Face à cette situation qu’ils estiment déloyale, les clubs indochinois organisent eux-mêmes leurs matchs [24] et la 3e mi-temps [25] qui permet de créer des liens sportifs transnationaux, en court-circuitant les Français.
19Des équipes d’Indochine vont aussi jouer en Malaisie ou au Siam contre des équipes militaires britanniques. Bien sûr, des matchs retour sont organisés, devant un public indochinois qui se passionne pour le football.
20Ensuite, c’est le tennis qui attire surtout les élites indochinoises les plus aisées de Saigon et de Hanoi. C’est de leurs rangs que sont issus des champions comme Chiem [26], Chim et Giao qui se distinguent en Malaisie ; l’Indochine reçoit des joueurs en provenance de Hong Kong [27], de Singapour, qu’ils soient Chinois ou Britanniques. En revanche, en Annam, au Laos et au Cambodge, les sportifs locaux sont peu nombreux. Cette activité permet de découvrir les premières joueuses indochinoises qui sont bien sûr membres des élites, telles les filles de Bao Dai.
21Enfin, la boxe anglaise plait beaucoup aux jeunes Indochinois [28] et concurrence le Viet Vo Dao, la boxe annamite. Les managers embauchent ces jeunes boxeurs pour des combats adaptés à leur gabarit, contre des adversaires de même taille [29]. Lors d’un gala de boxe, ils ouvrent la soirée et attirent un public indochinois de plus en plus nombreux. Saigon est même le théâtre d’une tentative de combat entre un champion de boxe anglaise opposé à un champion de boxe annamite dans les années 1920 [30].
22Il est essentiel de signaler que tous les sports britanniques ne rencontrent pas le même intérêt. Par exemple, le golf ne concerne que très peu d’Indochinois ; il est pratiqué à Saigon [31], Hué et Dalat par des Britanniques, quelques Français et des Japonais. Lors des compétitions, les Britanniques sont souvent seuls à s’affronter [32]. Puis, dans les années 1930, des Indochinois s’adonnent à ce sport, le plus célèbre étant Bao Dai. Nous pouvons aussi indiquer la faible attirance des Indochinois vis-à-vis de l’aviron, alors que des clubs apparaissent à Saigon, Phnom Penh et Hué. Enfin, le rugby est le sport le moins développé parmi les Indochinois ; nous avons recensé moins de cinq joueurs indochinois parmi les équipes coloniales, composées de militaires et de civils [33], dont beaucoup sont Britanniques, entre 1908 et 1920. Pourtant, de nombreuses équipes britanniques, civiles et militaires, viennent de Siam ou de Singapour [34], jouer à Phnom Penh ou Saigon [35]. Ce n’est donc pas l’exemple qui manque, mais la violence de ce sport et le contact physique qui déplaisent aux jeunes indochinois.
Les indices culturels
23Nous avons remarqué que la pratique d’un sport britannique engendre une transformation physique de certains Indochinois. En effet, ils portent une tenue européenne, le costume, qui les différencie du reste de la population. Mais c’est sur les courts et les terrains que la transformation est la plus remarquable : ils évoluent en short pour certains, en pantalon long et chemisette blancs pour d’autres, comme s’ils étaient à Wembley ou Wimbledon. Le matériel spécifique, telles les raquettes Spalding [36] ou Tunmer, sont vendues à Saigon et Hanoi ; la Grande-Bretagne exporte aussi des bicyclettes ainsi que des ballons en Indochine [37].
24Ces sportifs locaux parlent un langage inconnu des autres indochinois, ce qui contribue, comme les vêtements, à les différencier de leurs compatriotes. Leur vocabulaire s’enrichit de nouvelles expressions telles que dribbler, shooter, goal pour les footballeurs et lob, smash, drive [38] pour les tennismen. Nous avons constaté que ces mots ne sont pas traduits dans la presse sportive annamite dans les années 1920-1930.
25Les influences sportives britanniques sont indéniables en Indochine ; les sports d’origine britannique sont beaucoup plus nombreux que ceux d’origine française : la pétanque ou la pelote basque attirent beaucoup moins les élites indochinoises. Les Britanniques sont un modèle inerte, au sens où ils n’ont pas la volonté de partager leurs loisirs avec les autochtones [39]. Ce qui n’empêche en rien le processus d’acculturation qui est multiple car les Britanniques sont nombreux en Indochine et visibles dans l’espace public grâce à leurs loisirs. Des membres des élites autochtones se laissent séduire par ces activités et constituent le premier public conquis par ces sports. Ensuite, ce sont des Annamites installés au Cambodge et au Laos qui créent leurs clubs de sport en imitant leurs compatriotes restés au Tonkin, en Annam et en Cochinchine. Ce second public en attire un troisième, car ils accueillent des Cambodgiens et des Laotiens dans leurs clubs de football et de tennis ; ils jouent parfois contre des Britanniques, des marins à Phnom Penh ou des militaires venant du Siam. Ce processus de diffusion des sports par les sujets britanniques arrive à son terme quand des Cambodgiens et des Laotiens fondent leurs clubs de sport.
La formation intellectuelle des élites
Le « modèle » scolaire britannique
26La France tente de former les élites locales « à la française » comme l’ont fait avant eux les Britanniques qui accueillent les fils des princes indiens dans leurs meilleures universités ; de retour au pays, ces jeunes hommes seraient devenus les meilleurs agents de la cause anglo-saxonne [40]. Les Britanniques ont réussi à pacifier leurs relations avec les élites princières en Inde en leur donnant la possibilité d’accéder aux pratiques d’exercices corporels de leurs élites coloniales ; ce faisant, les élites indigènes partagent des activités et ont moins de velléité de rébellion face à la Couronne [41]. Voici par exemple ce que note Alleyne Ireland en 1907 à propos de ce processus culturel et politique qui concerne l’éducation des fils de chefs et des nobles qui sont dans des collèges comme les Public Schools en Angleterre : ils y reçoivent
« la même éducation physique, morale et intellectuelle pour leurs futures responsabilités. Pour mieux les préparer il faut combiner les avantages du savoir occidental avec la loyauté et les traditions et usages de leurs familles ou États. L’intérêt de la classe des aristocrates se retrouve de façon universelle dans ce dispositif. Et la création du Corps des Cadets Impériaux va le maintenir. Le gouverneur général en Conseil restreint espère que les réformes en cours devraient déboucher sur un nouvel élan à la cause de l’enseignement chez les Indiens nobles » [42].
28En comparant Indochine et Birmanie, nous constatons le retard de la première face à la seconde, car en 1907, les Britanniques ont stipulé que l’éducation physique a sa place dans les écoles primaires et doit être universelle dans la mesure du possible [43]. La philosophie des Britanniques face aux activités physiques ou leurs stratégies fait que ce type d’activité est reconnu comme essentiel dans la formation scolaire, qui plus est dans l’empire colonial. Ces activités physiques n’étaient pas les seuls enseignements reçus par les élites coloniales britanniques, mais vues de France, elles semblaient expliquer le comportement conquérant des administrateurs anglo-saxons. Les fonctionnaires français travaillant en Angleterre ainsi que Pierre de Coubertin se renseignent beaucoup sur les pratiques sportives, espérant y découvrir l’un des secrets de la formation des élites britanniques [44]. Conséquemment, une décision est prise en 1911 par l’administration coloniale concernant l’école indochinoise : elle doit s’inspirer de l’exemple britannique et tenter de développer les sports dans les cours de récréation.
Les Indochinois s’inspirent aussi de la Grande-Bretagne
29Cette politique coloniale se combine avec une demande locale d’acculturation. Dès avant 1914, des lettrés font pression sur l’administration coloniale pour que leurs enfants aillent dans les meilleures écoles d’Indochine, les collèges et lycées français. Ces adultes sont directement attirés par la culture de l’occupant, condition sine qua non de leur promotion dans l’ordre colonial. À l’instar de ce qui se produit dans les Indes Britanniques, par exemple, où Alleyne Ireland remarque une croissance de l’enseignement secondaire local car la demande des parents pour leur donner une éducation anglaise est très forte [45].
30L’Angleterre fait figure de modèle pour Tâm-Trai car c’est une puissance mondiale qui a compris l’intérêt de développer l’éducation physique et les sports pour le peuple depuis le xixe siècle. Il cite Thomas Arnold et ses innovations pédagogiques pour expliquer comment cette nation est devenue aussi performante. De plus, ce journaliste indique quelles réformes scolaires ont été entreprises en Angleterre [46]. Ces informations sont-elles destinées à nourrir une réflexion nationaliste en donnant quasiment un modèle à suivre et surtout en dénonçant par contrecoup les carences de l’administration française qui ne se préoccupe que d’une élite et pas du peuple ? Cela n’est pas impossible, car une partie des élites annamites réfléchit beaucoup depuis 1918 sur les raisons de l’effacement du Vietnam et s’inspire des exemples anglo-saxons pour remédier à cette situation de faiblesse.
31Comme le modèle éducatif français ne semble pas satisfaisant, certains Indochinois regardent du côté des autres nations qui dominent le monde.
32D’autre part, Tâm-Trai se préoccupe de la formation des jeunes soldats britanniques qui participent entre 14 et 22 ans à des entrainements de cadets, ce qu’il appelle « les arts du combat ». Ce qui est totalement impossible à dupliquer en Indochine pour tous les jeunes, car la France ne forme que des tirailleurs et pas toute la population. Rappelons qu’il n’existe pas de société de tir indochinoise car l’administration coloniale interdit une activité qui pourrait se retourner contre elle. Donc les arts du combat ne concernent que très peu de jeunes indochinois, ce qui est un élément expliquant la faiblesse du pays face à la France.
33Mais le fait que cela soit cité dans un journal de sport, qui ne s’inspire pas de la France mais de la Grande-Bretagne, peut servir soit à informer, soit à susciter une réflexion approfondie sur la situation du Vietnam ; cela peut aider les lecteurs à situer le pays en le comparant aux nations dominantes et à créer les infrastructures qui vont permettre de modifier cette situation d’infériorité.
Le scoutisme, un puissant vecteur de transformation culturelle
34Les sports d’origine britannique se diffusent aussi grâce à une nouvelle structure apparue en Grande-Bretagne en 1907 puis en France en 1911 [47] : le scoutisme. Ce mouvement de jeunesse est le fruit des réflexions du colonel Baden-Powell lors de la guerre des Boers en 1899-1902. Les services secrets français viennent s’enquérir de cette invention qui participerait des atouts britanniques pour fabriquer un esprit impérial [48]. Ils ne sont pas seuls à s’intéresser à cette structure, car Hô Chi Minh lui-même aurait découvert le scoutisme lors d’un séjour en Angleterre [49].
35Les premières troupes apparaissent en 1916 et 1918 ; des Annamites sont membres des troupes à Saigon et Hanoi, mais ne les dirigent pas. Moins de dix ans après l’invention du scoutisme par Baden-Powell, les deux villes les plus cosmopolites d’Indochine sont concernées par cette structure pour la jeunesse. Le scoutisme doit produire des chefs, fidèles à leur patrie et toujours prompt à aider leur prochain.
36Dans les années 1930, le Parti communiste Indochinois tente d’infiltrer les troupes et meutes pour attirer la jeunesse vers la lutte pour l’indépendance. Ce qui inquiète le pouvoir colonial, qui réagit comme son homologue britannique en Malaisie : certains coloniaux considèrent que la tenue kaki des scouts les protège contre l’entreprise de séduction lancée par Moscou [50]. Ce mouvement de jeunesse apolitique aurait une vertu essentielle aux yeux des hauts fonctionnaires coloniaux : il est fidèle à la France et semble hermétique aux appels lancés depuis l’URSS. Le pouvoir colonial aide donc les scouts à se développer tout en les surveillant [51].
37Le développement du scoutisme est une nécessité pour certaines élites indochinoises [52] qui espèrent que les jeunes y trouveront des valeurs morales et une ligne de conduite qui font défaut dans les années 1930. Ta Quang Buu par exemple a fait ses études supérieures en Grande-Bretagne et enseigne au lycée de Hué. Il crée des troupes scoutes en Annam et participe à leur diffusion dans les autres territoires soumis aux Français. Ce sont les valeurs et les méthodes pédagogiques du scoutisme qui retiennent son attention car elles lui semblent indispensables pour donner aux jeunes Annamites les repères dont ils ont besoin. Face au déclin du confucianisme et à l’émergence de l’individualisme, le scoutisme donne un cadre et des valeurs indispensables pour forger une nouvelle élite. Ta Quang Buu et ses proches collaborateurs annamites envisagent le scoutisme comme un lieu de formation des futurs cadres dont aura besoin le Vietnam au moment de l’indépendance. Ce qui débouche sur la création d’un scoutisme indochinois, d’abord vers 1930 à Hanoi, Hué et Saigon. Les réflexions de Ta Quang Buu sont loin d’être isolées en Annam à cette époque, elles sont partagées par de nombreux membres des chambres consultatives qui observent le monde et cherchent un modèle pour sortir leur pays de sa dépendance coloniale.
38C’est à Hanoi que travaille Hoang Dao Thuy ; il est instituteur à l’école « Pierre Pasquier » après un passage décisif dans une école à Caobang en 1925. C’est là, au nord du Tonkin qu’il traduit en vietnamien une méthode de scoutisme parue dans la revue Temps nouveau [53] C’est dans les environs de Caobang qu’il aurait expérimenté les sorties « nature » avec ses élèves, identiques à celles des scouts britanniques depuis 1907, car Hoang Dao Thuy cherche de nouvelles méthodes pédagogiques.
« Affronter les dangers de la nature, se débrouiller, savoir faire preuve d’à-propos, constitue dans le scoutisme les moyens de former des ‘hommes de caractère et d’initiative’ qui doivent devenir à terme les piliers d’une nouvelle élite sociale grâce à leur sens des responsabilités et du devoir » [54].
40Ensuite, c’est au Cambodge et au Laos que des responsables autochtones développent ce mouvement de jeunesse en 1934. Des camps scouts sont organisés et fédèrent les meutes de toute l’Indochine. Il était même prévu que des chefs scouts indochinois aillent en Angleterre en 1939 pour un jamboree, mais la guerre en Europe met un terme à ce projet.
41Les citoyens et sujets britanniques sont très actifs en Indochine dans le domaine des sports. Leur style de vie attire autant les élites françaises que les élites indochinoises. Ces Britanniques ont joué involontairement le rôle de modèle, ce qui a provoqué le départ de certains jeunes Indochinois vers Londres pour y étudier ; ils y sont revenus pour diffuser ce qu’ils y ont appris.
42L’Indochine est une terre de brassage culturel ; bien qu’il soit officiellement français, ce territoire est largement ouvert à d’autres influences culturelles. Nous avons identifié ici les apports culturels les plus saillants, en provenance de Grande-Bretagne, mais nous aurions pu aussi parler des influences chinoises [55], japonaises, américaines (basket, volley, base-ball). Ces modèles étrangers comportent un volet sportif qui fait l’objet d’une forte propagande par les sociétés qui dominent le monde. Désirant modifier le rapport de force colonial, les élites indochinoises cherchent à adopter consciemment ou non l’un des traits culturels des élites coloniales. Le sport étant présenté par les enseignants occidentaux, puis par les compagnies commerciales et la presse, comme l’activité essentielle des « peuples forts » [56], il entre plus ou moins rapidement dans les pratiques culturelles de ceux qui vivent auprès des Britanniques et des Français en Indochine.
43L’Indochine est donc au carrefour de multiples influences, occidentales et orientales, parmi lesquelles certaines pratiques culturelles britanniques semblent prépondérantes. Cela suffit-il à conclure par l’affirmative à la question posée en titre de cet article ? Si le drapeau tricolore flotte bien sur ce territoire, il faut admettre qu’une large partie de la culture occidentale des élites indochinoises provient de Grande-Bretagne. Pourtant, l’Indochine n’a jamais eu le loisir de participer aux jeux d’Asie pour rivaliser avec d’autres populations qui ont elles aussi copié le « modèle britannique » [57].
44L’Indochine n’a donc jamais été une colonie britannique et n’a jamais appartenu à l’empire informel de ce pays. Pourtant, elle figure dans sa zone d'influence culturelle grâce aux loisirs et au processus de construction des nouvelles élites.
Notes
-
[1]
Pierre Brocheux, Daniel Hémery, Indochine, la colonisation ambigüe, 1858-1954, Paris, La Découverte, 2007 ; Emmanuelle Saada, Les enfants de la colonie. Les métis de l’Empire français entre sujétion et citoyenneté, Paris, La Découverte, coll. « L’espace de l’Histoire », 2007 ; Hoai Huong Aubert-Nguyen, Michel Espagne, Le Vietnam, une histoire de transferts culturels, Paris, Demopolis, 2015 ; Trinh Van Thao, L’école française en Indochine, Paris, Karthala, 2001 ; Pascale Bezançon, Une colonisation éducatrice ? L’expérience indochinoise (1860-1945), Paris, l’Harmattan, 2002 ; David Chandler, A history of Cambodia, Westview Press, Fourth Ed., 2008 ; Grant Evans, Laos, Culture and Society, Chiang Mai, Silkworm Books, 1999.
-
[2]
Agathe Larcher-Goscha, « Du football au Vietnam (1905-1949) : colonialisme, culture sportive et sociabilités en jeux », Outre-Mers, t. 97, n° 364-365, 2009, p. 61-89 ; Pierre Singaravélou & Julien Sorez, L’empire des sports. Une histoire de la mondialisation culturelle, Paris, Belin, 2010.
-
[3]
Archives nationales d’outre-mer (ci-après CAOM), Aix-en-Provence, 3 slotfom/138 : documentation réunie par le directeur de la Sûreté générale à Hanoi (1909-1932).
-
[4]
Bibliothèque nationale du Vietnam (ci-après BnV), Hanoi, « L’œuvre de la France en Indochine », L’Écho annamite, 4-5, 1920.
-
[5]
BnV, Hanoi, « En vue de la prochaine arrivée de la Commission d’enquête », La Patrie annamite, 12 septembre 1936.
-
[6]
BnV, « Tennis », Le Courrier. L’Opinion de Saigon, 14 février 1914, p. 2.
-
[7]
BnV, « La coupe Vacuum Oil Company », Le Courrier. L’Opinion de Saigon, 3 janvier 1908, p. 1.
-
[8]
Alfred Wahl, Les archives du football. Sport et société en France (1880-1980), Paris, Gallimard, 1989, p. 42.
-
[9]
Les Britanniques sont « une classe de loisir» : les sports servent à distraire les expatriés, à maintenir un sentiment d’appartenance loin de chez eux afin de retrouver des racines communes. Voir Sébastien Darbon, Diffusion des sports et impérialisme anglo-saxon, de l’histoire événementielle à l’anthropologie, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2008, p. 99.
-
[10]
Bibliothèque nationale de France (ci-après BnF), Paris, Annuaire général de l’Indochine, 1914, p. 449.
-
[11]
Centre des archives n° 2, Hô-Chi-Minh-Ville, IB24/213 : société sportive hindoue, 1914.
-
[12]
BnV, Hanoi, « Les sports. Football-association », Le Courrier. L’Opinion de Saigon, avril 1914, p. 5.
-
[13]
BnV, Hanoi, « Sport », Le Courrier de Haiphong, 13 octobre 1923, p. 2.
-
[14]
L’essentiel n’était pas de battre les Français, mais de faire aussi bien qu’eux, nous confie Pierre Brocheux lors d’un entretien en 2012.
-
[15]
Allen Guttmann, Games and Empire, Columbia, 1994.
-
[16]
BnV, Hanoi, « Apprenez la boxe », L'Écho annamite, 4 avril 1927.
-
[17]
Bibliothèque municipale de Dinan, Albert Oriol, « Le sport au Vietnam », Indochine Sud-Est Asiatique, n° 10, 1952, p. 60-63.
-
[18]
Le football serait apparu dans une capitale en Indochine, exactement comme en Inde où les premiers matchs se sont déroulés à Calcutta mais beaucoup plus précocement ici, dès 1868 ; voir Sébastien Darbon, Diffusion des sports… op. cit., p. 182.
-
[19]
Ceci démontre qu’il y a des sportifs parmi les coloniaux européens à Saigon ; Agathe Larcher-Goscha dans son excellent article omet de les signaler, « Du football au Vietnam (1905-1949) », Outre-Mers, t. 97, n° 364-365, 2009, p. 64.
-
[20]
BnF, « À la table des grands de la terre », L’Écho annamite, mars 1924, p. 1.
-
[21]
BnV, Hanoi, « Les sports. Football », Le Courrier de Saigon, 26 mars 1925 : les Anglais gagnent et font l’admiration de la foule grâce à leur homogénéité, leur tactique, leur intelligence, leur vitesse.
-
[22]
Stefan Huebner, Pan-Asian Sports and the Emergence of Modern Asia, 1913-1974, Singapour, NUS Press, 2018, p. 100-101.
-
[23]
BnV, Hanoi, « Le coin des sports. Football », Le Courrier saïgonnais, 27 janvier 1928, l’équipe du navire anglais Carlisle bat « Saigon sportif ».
-
[24]
BnV, Hanoi, « Chronique sportive. Football », L’Écho annamite, 25 mars 1925, p. 2. Étoile de Giadinh contre l’équipage du « Durban ».
-
[25]
BnV, Hanoi, « Réception de l’Étoile de Giadinh à bord du Teuxer », L’Écho annamite, 15 avril 1925, p. 4. Compte-rendu de la fête, une trentaine de joueurs annamites sont reçus sur le bateau.
-
[26]
BnV, Hanoi, « Bientôt un champion international indochinois ? », L’Écho annamite, 21 mars 1925, p. 1 Ce journal le présente comme le meilleur car il a battu les Anglais, les Français et les Annamites.
-
[27]
CAOM, Aix-en-Provence, « L’équipe de Hong Kong attendu à Saigon », Hanoi-soir, 12 avril 1940, p. 4 : une équipe de tennis de Hong-Kong vient à Hanoi avec deux Chinois et trois Anglais, invités par la fédération de lawn tennis du Tonkin.
-
[28]
BnV, Hanoi, « Boxe annamite contre boxe anglaise », L’Écho annamite, mars 1925, p. 2.
-
[29]
BnV, Hanoi, « Chronique sportive. Boxe », L’Écho annamite, 8 avril 1927, p. 4, boxe par Tellier le 15 avril qui va produire Kid Thomas, « champion du muscle annamite », opposé à Nam, de Cholon.
-
[30]
BnV, Hanoi, « Boxe annamite contre boxe anglaise », L’Écho annamite, avril 1925, p. 1.
-
[31]
BnV, Hanoi, « Les sports à Saigon », La Tribune indigène, 18 septembre 1919.
-
[32]
BnV, Hanoi, « Golf club de Saigon », Saigon sport, 3 juin 1927, p. 7.
-
[33]
BnV, Hanoi, « Après Bangkok », Saigon sport, 14 octobre 1927, p. 4.
-
[34]
BnV, Hanoi, « Sports. Rugby », Le Courrier saïgonnais, 16 janvier 1928, p. 2.
-
[35]
BnV, Hanoi, « La semaine sportive. Rugby », Saigon sport, 12 janvier 1928, p. 7.
-
[36]
BnV, Hanoi, Saigon sport, 30 décembre 1927, p. 7. Publicité de Nguyen Van Tran, propriétaire de la Nouvelle Maison de Teinture au 96 Bd Bonnard à Saigon qui vend les raquettes Spalding Gold Metal.
-
[37]
BnV, Hanoi, « Grands Magasins Réunis », Indosport, 13 avril 1933, p. 8 : publicité pour des ballons anglais.
-
[38]
BnV, Hanoi, « Haiphong sport-Radium », Bac Ky The Thao, 11 novembre 1930, p. 10.
-
[39]
Les Britanniques en France au xixe siècle sont surtout des commerçants et des étudiants qui ne sont pas motivés par l’idée d’enrôler des Français, mais par la passion de faire du sport entre sujets britanniques.
-
[40]
Sébastien Darbon, Diffusion des sports… op. cit., p. 102.
-
[41]
Ibid.
-
[42]
Centre culturel français, Rangoon, Alleyne Ireland, The province of Burma, Cambridge, The University Press, 1907, p. 283.
-
[43]
Bibliothèque de l’Institut français de Yangon, Alleyne Ireland, The province of Burma, p. 276.
-
[44]
Patrick Clastres et Paul Dietschy, Sport, culture et société en France du xixe siècle à nos jours, Paris, Hachette, 2006, p. 48-49 : « il se laisse persuader que le sport des Public Schools est la pierre angulaire de l’Empire britannique ».
-
[45]
Alleyne Ireland, The Province of Burma… op. cit., p. 277.
-
[46]
BnV, Hanoi, « Lược kháo về tình-hình thể thao trong thế giơi » Bac-Ky-Thê-Thao, 9 décembre 1930, p. 1-2.
-
[47]
Ce mouvement est crée au Royaume-Uni par Baden-Powell en 1907 où il rencontre un grand succès ; les Français le découvrent dans les années 1911-1913 et sont séduits par les activités de plein air. Des militaires y voient aussi la possibilité de moderniser la préparation de leurs hommes. Trois groupes coexistent en 1914 : le premier est laïc, les Éclaireurs de France ; le second est protestant, les Éclaireurs unionistes ; le dernier s’intitule les Éclaireurs français. Il n’y a pas d’éclaireurs catholiques avant 1921. Voir Nicolas Bancel et Jean-Marc Gayman, Du guerrier à l’athlète, éléments d’histoire des pratiques corporelles, Paris, PUF, 2002, p. 214-217.
-
[48]
Daniel Denis, « Une pédagogie du simulacre : l’invention du scoutisme (1900-1912) », Agora débats/jeunesses, 11, 1998, p. 7-18.
-
[49]
Hoang Dao Thuy, « Notes sur le scoutisme vietnamien », Xua Va Nay, n° 27, 1996, p. 12-14.
-
[50]
Christina Wu, « La jeunesse en mouvement. Scouts et guides en Malaisie britannique, 1910-1966) », thèse soutenue en 2015 à l’université de Louvain-la-Neuve.
-
[51]
BnV, Hanoi, « Après le voyage du Commissaire national Lefèvre », La Patrie annamite, 16 mai 1936, p. 4.
-
[52]
BnV, Hanoi, « Après le voyage du Commissaire national Lefèvre », La Patrie annamite, 16 mai 1936, p. 4. Le GGI répond au vœu n° 34 du Grand conseil lors de la session en 1934. Les 13 élus annamites au Grand conseil, dont Tran Van Kha, demandent une aide publique pour le scoutisme.
-
[53]
Pierre Brocheux, « La constitution du scoutisme indochinois », témoignage de Hoang Dao Thuy, dans Nicolas Bancel, Daniel Denis, Youssef Fates, De l’Indochine à l’Algérie. La jeunesse en mouvement des deux côtés du miroir colonial, 1940-1962, Paris, la Découverte, 2003, p. 54.
-
[54]
Nicolas Bancel, « Scoutisme catholique contre scoutisme laïc ? Les activités physiques dans le développement comparé de deux mouvements de jeunesse en AOF (1947-1960) », dans Driss Abbassi (dir), « Le sport dans l’empire français : un instrument de domination ? », Outre Mers, t. 96, n° 364-365, 2e semestre 2009, p. 155.
-
[55]
BnV, Hanoi, « Une équipe chinoise va venir à Saigon », Le Courrier saïgonnais, 11 août 1930.
-
[56]
BnV, Hanoi, « Victoire de Tanan », La Tribune indigène, 1er avril 1919.
-
[57]
Stephan Huebner, Pan-Asian Sports and the Emergence of Modern Asia, 1913-1974, Singapour, NUS Press, 2018, p. 78-79.