1 En 2003, nous avons consacré à M. David un colloque et un numéro spécial de la revue Spirale. Nous avons pu rassembler différents fragments d’une œuvre, d’une exceptionnelle richesse, multiple, rigoureuse, variée, qui releva de l’animation et de la coordination d’équipes pédopsychiatriques, du développement pointu des connaissances de l’enfant, d’engagements communautaires et sociaux, et surtout d’une clinique fine et pertinente. Pour M. David, ces divers aspects étaient tout naturellement reliés par des fils conducteurs inébranlables : l’attention et l’intérêt apportés à l’enfant et à ses parents, le respect de leur personne, la connaissance de l’enfant, la rigueur du soin et l’importance de l’approche en équipe. Etayé sur des références évidentes et profondes à la psychanalyse, sans lesquelles toute sa pratique n’aurait pas eu de signification, M. David procède à l’accueil de l’enfant et de sa famille, non pas exclusivement dans un lieu spécifique, mais là où ils se trouvaient. Et ce, dans le sens plein de l’expression.
2 A l’occasion de ce colloque, qui s’est déroulé à l’Université, lieu de formation et de rencontre avec les nouvelles générations, appelées à relever les défis proposés par l’actualité sociale et psychothérapeutique, nous nous sommes interrogés avec étonnement sur les raisons pour lesquelles, jusqu’à ces jours-là, l’œuvre de M. David n’avait pas été présentée dans son ensemble ? Ses ouvrages étaient certes connus et appréciés. Mais ils ne se réalisaient, n’acquéraient pas une réalité propre, ni dans les grands forums publics, ni dans des théorisations dogmatisantes, ni dans des instances institutionnelles corporatistes. Ils s’accomplissaient dans l’humilité et le quotidien d’une pratique vivante, traversée par une contradiction féconde d’être d’une part toute dévouée au secours d’âmes humaines pour lesquelles, en raison des expériences que lui avait réservé l’existence, M. David, d’autre part, ne cultivait pas d’illusions candides. L’accent porté aux inévitables conflits d’enfants accueillis en placement familial, après l’idylle des premiers temps, apporte une manifeste illustration à cette contradiction. C’est essentiellement sous cette forme personnelle, proche, vitale que l’œuvre de M. David s’est transmise, est restée, et reste, vivante dans chacun de nous. Le meilleur hommage que nous avons pu lui rendre alors fut de présenter et d’approfondir toute la pertinence, l’originalité et les perspectives d’avenir de sa démarche. Comment ne pas se référer à M. David lorsque partout en France et ailleurs, s’ouvrent et se développent des unités de soins spécialisées en périnatalité ? Alors que grâce aux progrès de la technologie de plus en plus d’enfants naissent prématurés et séjournent dans des services de néonatalogie, comment ne pas s’inspirer des pratiques qu’elle a suscité dans l’aide à l’établissement des tous premiers liens ? Comment ne pas avoir recours à son œuvre pour le suivi d’enfants en placement familial, quand surgissent des questionnements aussi épineux que ceux soulevés récemment par les travaux de M. Berger ?
3 Comment, dans ces milieux universitaires, ignorer l’importance de ses nombreuses recherches, dont en particulier celle, pionnière, menée en collaboration avec G. Appell sur la relation mère-enfant, où en utilisant l’observation directe et en veillant à ne rien modifier dans les conditions de vie de l’enfant, avec minutie et perspicacité, elles sont parvenues à montrer que, en accord avec la démarche clinique même, chaque interaction est unique, singulière, et co-créée par l’un et l’autre des protagonistes ? Comment ne pas reconnaître l’apport de M. David dans la sensibilisation aux possibilités et ressources de chaque bébé, lequel, tout en étant nécessairement engagé dans l’interaction avec l’adulte, existe tout seul aussi ? Enfin, comment ignorer ses infatigables efforts pour déployer dans des lieux comme des PMI les dispositifs indispensables à la prévention des troubles psychiques chez les tout petits ?
4 Tout au long du colloque, il nous est apparu que l’originalité de l’œuvre clinique de M. David consista à instaurer des espaces carrefour, où se rencontrent le psychique, l’éducatif, le médical et le social, ainsi que la recherche, la psychopathologie, et le thérapeutique, et où un collectif de professionnels soigne un collectif de personnes en difficulté. Seulement dans la création et la tenue rigoureuse de ces lieux composites peuvent se dérouler les suivis de ceux pour qui M. David a le plus œuvré, les tout jeunes enfants et ses proches.