Notes
-
[1]
J.-P. Mongin et G. Herbéra, Denys l'Aréopagite et le nom de Dieu, Éditions les petits Platon, 2012.
-
[2]
S. Freud (1901), La psychopathologie de la vie quotidienne, Gallimard, 1977, p. 412.
-
[3]
S. Freud (1925), Sigmund Freud présenté par lui même, Gallimard, 1984.
-
[4]
S. Freud (1910), « Sur le sens opposé des mots originaires », L'inquiétante étrangeté, Gallimard, 1985, p. 51. Ici Freud cite L'interprétation des rêves, 1900, chapitre VI.
-
[5]
S. Freud (1912-1913), Totem et tabou, Gallimard, 1993, p. 52.
-
[6]
S. Freud (1916-1917), Conférences d'introduction à la psychanalyse, Gallimard, 1999, p. 220.
-
[7]
S. Freud, La naissance de la psychanalyse, Puf, 1956.
-
[8]
S. Freud (1923), « Le moi et le ça », in Essais de psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, 1981, p. 251.
-
[9]
S. Freud (1916-1917), Conférences d'introduction à la psychanalyse, VIIe Conférence, Gallimard, 1999, p. 156.
-
[10]
G. Bergounioux, Le moyen de parler, Verdier, 2004, p. 22.
-
[11]
Deutéronome, 6, 4 : « Écoute, Israël : Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé. »
-
[12]
S. Freud, L'homme Moïse et la religion monothéiste, Gallimard, 1986, p. 84.
-
[13]
P. Borgeaud, Aux origines de l'histoire des religions, Seuil, « La librairie du XXe siècle », 2004.
-
[14]
Cette remarque est cependant relative. Elle vaudrait surtout pour l'état du Sud, donc pour Juda, relativement isolé des influences des autres peuples. Dans le Nord, en Israël, au contraire, l'interdit de représentation apparaît comme beaucoup plus relatif. La proximité de la Phénicie pourrait être une des raisons de la concurrence de Yahvé avec le Baal.
-
[15]
« Ehyéh asher ehyéh » : un jeu de mot, en hébreu, opère avec Yahvé.
-
[16]
D. Sibony, Les trois monothéismes, Point Seuil, 1997, remarque p. 133.
-
[17]
Dieu se nomme également en utilisant un certain nombre de périphrases ou certaines modalités attributives comme EL dans Eloah ou encore Elohim (un pluriel de majesté), dans Isra-ël qui fut le nom attribué par Dieu à Jacob après son combat avec l'ange. Ou encore dans El Shaddaï, littéralement « les seins », symboles de la puissance maternelle : « Je suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob comme Dieu Puissant (El Shaddaï), mais sous mon nom le Seigneur Yahvé je me suis fait connaître d'eux » (Exode, 6). Ou encore Shabbaoth, le dieu des armées... Le nom Yavhé lui-même est peut-être probablement un déplacement du nom sumérien de la déesse de lune : Iahu.
-
[18]
Le lien dieu-père-fille est l'objet du refoulement du judaïsme naissant au bénéfice de l'avenir du lien dieu-père-fils : la ligature d'Abraham. Il en va tout autrement dans le christianisme : le lien dieu-père-fille est promu alors que le lien dieu-père-fils connaît une issue tragique : Jésus meurt sur la croix, abandonné par son père.
-
[19]
La tradition veut que cette traduction fut effectuée par soixante-douze sages, un chiffre censé représenter six sages pour chacune des douze tribus, chacun traduisant séparément la Torah. Au moment de réunir et de confronter l'ensemble des textes traduits, les soixante-douze traductions auraient été exactement superposables et identiques.
-
[20]
Voir H. Normand, « Le transfert en héritage », in Grandeur et solitude du moi, Libres cahiers pour la psychanalyse, n ° 24, Éditions In Press, automne 2011.
-
[21]
H. Normand, « Actualité du Tout-puissant » in Penser/rêver, n° 15, Éditions de l'Olivier, printemps 2009.
-
[22]
R. Brague, « Le Coran : sortir du cercle », Critique, n° 671, avril 2003.
-
[23]
A.-L. de Prémarre, Les fondations de l'islam, Seuil, 2002.
-
[24]
C. Luxenberg, Die syro-aramaïsche Lesart des Koran. Ein Beitrag zur Entschusselung des Koransprache (Lecture syro-araméenne du Coran. Contribution pour décoder la langue coranique), ouvrage non encore traduit en français, analysé par R. Brague dans Critique, op. cit.
1 DESTINÉ À DES LECTEURS ENFANTINS, UN OUVRAGE RÉCENT, Denys l'Aréopagite et le nom de Dieu [1], vient fort opportunément d'apparaître sur les tables des libraires. Cet ouvrage reprend plusieurs des innombrables questions qui se posaient au début de l'ère chrétienne : comment nommer ou renommer Dieu quand son fils unique, lui-même dieu, s'incarne pour partager la vie des hommes ? Ou : comment élaborer le rapport entre ce fils, logos de dieu et son père, Dieu ? Ou bien : comment le présenter aux Grecs ? Ou encore : quelle place accorder à ce fils pour l'insérer dans une perspective de salut, sinon en le reconnaissant engendré de toute éternité, non pas créé ? L'articulation entre le nom de Jésus, dieu révélé aux hommes dans la perspective chrétienne, et le dieu juif innommable, autrement dit la mise en place de la christologie, a occupé largement les premiers siècles du christianisme : ce fut un thème majeur pour les quatre premiers grands conciles cuméniques, depuis le concile de Nicée en 325 jusqu'au concile de Chalcédoine en 451.
2 Après que les deux premiers, Nicée et Constantinople 1, eurent tracé les grandes lignes de l'élaboration trinitaire, les suivants, Éphèse et Chalcédoine, ont eu à supporter les premières grandes controverses christologiques : le fils était-il dieu ? Et s'il est dieu, comment peut-il être homme ? Ce fut l'objet d'un véritable débat pour parvenir à définir à la fois Dieu comme principe inengendré, demeurant en cela fidèle à l'héritage juif, et définir dans le même temps la place et la nature du fils, consubstantiel à son père. Autant de querelles « byzantines » dont est issu le christianisme trinitaire : cette très longue aventure est aussi une aventure de nomination qui trouvera son aboutissement dans le symbole de Nicée, devenu le Credo chrétien.
3 Denys l'Aréopagite, ce personnage évoqué par ce petit ouvrage de Mongin est à vrai dire assez énigmatique : il est ainsi nommé pour avoir suivi l'enseignement de saint Paul sur l'aréopage d'Athènes, ainsi que le signalent les Actes des Apôtres, 17, 34. En fait, son nom condense au moins deux personnages, sinon trois : l'un aurait vécu dans la mouvance de saint Paul dont il aurait suivi l'enseignement au début du christianisme, et l'autre, probablement un moine syrien, aurait vécu au VIe siècle de notre ère, souvent confondu avec le premier évêque de Paris, saint Denis, décapité entre 250 et 270 sur le mont des Martyrs (Montmartre). Quoi qu'il en soit, Denys est un père de l'Église célébré par l'Église d'Orient comme étant celui qui a tenté de montrer comment les dieux du polythéisme grec peuvent trouver une place dans le christianisme naissant en autant de puissances célestes, tels les séraphins, les archanges, les anges ou autres esprits : l'ensemble du cosmos chrétien est ainsi accommodé pour rendre grâce au dieu unique.
4 Sa théologie essentiellement négative promeut fermement l'existence d'un au-delà du fils qui permet le maintien du dieu juif inatteignable et invisible. Elle s'étaye sur une autre thématique grecque reprise par saint Paul lui-même, celle du dieu inconnu : il existait en effet à Athènes un autel dédié à cette divinité caractérisée par sa négativité (Actes des Apôtres, 17, 23). Ainsi l'approche théologique qu'il propose permet pour une part de lier les deux théologies antérieures, grecque et juive, à la nouvelle approche chrétienne, l'inscrivant dans une forme de syncrétisme évolutif.
5 ***
6 Pour le religieux, quelle que soit son appartenance, Dieu existe de toute éternité : il a créé l'homme et non pas l'inverse. Créateur de l'univers, il ne peut être question d'en contester ni l'existence, ni le nom qui la signifie. Tout autre est évidemment la position à laquelle nous convoque l'analyse quand elle nous invite « à transformer la métaphysique en métapsychologie » : pour celle-ci, le nom « dieu » est issu d'une longue évolution d'une tout autre nature que celle d'une révélation, mêlant déplacement et condensation. Issu de la longue histoire du rapport entre « la psychologie des foules et l'analyse du moi », l'histoire de ce nom est liée autant au développement du groupe qu'à celui de l'individu.
7<citation> Lorsque les hommes ont commencé à penser, ils ont été obligés de résoudre le mystère du monde extérieur de manière anthropomorphique en décomposant celui-ci en une multiplicité de personnalités faites à leur image [2]. </citation>
8 Si l'on suit Freud, les premiers dieux anthropomorphes du polythéisme sont nés au sein de l'univers groupal totémique, après que les fils ont tué le père primitif, un meurtre dont la mémoire s'inscrit dans l'instinct de l'individu. Issue d'une expérience collective, la mémoire de cet événement se rejoue dans chaque histoire individuelle, dès la naissance, aussitôt que le processus de vie commande l'échange entre la mère et l'enfant ; ainsi s'installe lentement chez l'enfant un ensemble représentatif complexe, celui des idéaux du moi, qui tôt ou tard sera déplacé et condensé dans les noms des dieux, puis dans celui de Dieu.
9 Inclus dans les processus primaires, ces prolégomènes du nom occupent pour chacun une place prééminente initiée par la répétition idéalisante de l'expérience individuelle de la satisfaction ; il faudra cependant attendre Totem et tabou pour que Freud en propose un contenu véritablement « religieux » tant pour la foule que pour l'individu, sous l'emprise d'une prématurité initiatrice de la toute première expérience mystique. Dès lors, « il ne manque plus grand-chose pour reconnaître dans le meurtre du père le noyau du totémisme et le point de départ de la construction de la religion [3] », autant dire l'acte de naissance de Dieu. Dans le quatrième chapitre de Totem et tabou, Freud démontre que « Dieu n'est au fond qu'un père élevé à un rang supérieur ».
10 Le processus primaire qui anime le rêve est la source du nom : « Les oppositions sont contractées en une unité ou représentées par un élément unique [4] » quand s'exerce « cette singulière tendance du travail du rêve à ne tenir aucun compte de la négation et à exprimer des choses opposées par le même moyen représentatif [5] ». Le traitement par le processus primaire et ses modalités particulières, telles que déplacement et condensation, sont autant d'éléments déterminants qui participent à la nomination de Dieu, qu'il s'agisse de celle du dieu monothéiste juif totalement dématérialisé ou de celle, plus tardive, de la trinité chrétienne.
11 ***
12 « Ce qu'opère en premier lieu le travail du rêve, c'est la condensation. Nous entendons par là le fait que le rêve manifeste a moins de contenu que le rêve latent, qu'il est donc une sorte de traduction abrégée de ce dernier [6] », écrit Freud dans la Xe Conférence avant d'ajouter quelques pages plus loin : « Ce qu'opère en deuxième lieu le travail du rêve est le déplacement. » Il en va de même pour le nom primaire de dieu qui procède des deux modalités de ce processus : ce nom s'inaugure de la représentation que les hommes créent pour distancier la problématique conflictualité originelle de leur accès à l'humanité.
13 Freud, avant d'introduire les processus primaires dans le « Projet de psychologie scientifique », en soulignait déjà l'importance dans une lettre à Fliess du 6 décembre 1896, dans laquelle il en différenciait plusieurs supports :
14<citation> Je pars de l'hypothèse que notre mécanisme psychique s'est établi par un processus de stratification : les matériaux présents sous forme de traces mnémoniques se trouvent de temps en temps remaniés [...]. Diverses inscriptions sont séparées par rapport aux neurones qui les transportent [7]. </citation>
15 Les ébauches embryonnaires de la nomination Dieu se déplacent dans ces séries neuroniques ; elles participent de l'« identité de perception » en fonction de la tension instinctuelle du nourrisson quand il recherche l'objet capable de renouveler sa première expérience de satisfaction, puis s'enrichissent, selon l'hypothèse phylogénétique hardie que propose Freud dans « Le moi et le ça », du mécanisme de l'identification : « Le ça héréditaire héberge les restes des existences d'innombrables moi [8] », hypothèse que l'on retrouvera plus tardivement dans L'homme Moïse et la religion monothéiste :
16<citation> Les précipités historiques de ces temps primitifs étaient devenus un patrimoine héréditaire, quelque chose qui à chaque nouvelle génération eut seulement à être éveillé, non pas acquis. </citation>
17 L'identité de perception s'exerce dès lors entre « l'objet » inclus dans l'instinct oral du nourrisson saturé de mémoire meurtrière et « l'objet » inclus dans le sein maternel empli de ses vestiges infantiles, ces deux objets concernent la mobilisation du meurtre du père primitif.
18 Événement psychique concourant à la fondation du moi idéal, origine de la topique, l'identité de perception fonde les prémisses de la nomination divine. Corollaire de la perception par l'enfant de sa prématurité et de son impuissance, il n'est pas interdit de la considérer comme une première expérience mystique étayée sur la puissance maternelle tutélaire, salvatrice et satisfaisante. Dieu prend place dans cette logique du déplacement des noms quand, « disant un mot, nous avons depuis longtemps oublié de quelle image concrète il est issu et, de ce fait, nous ne le reconnaissons pas dans l'image qui lui est substituée [9] ». Plus tardivement, lorsque sera acquise la capacité dématérialisante de la pensée, les effets de l'expérience antérieure persisteront avec plus ou moins d'intensité et sous diverses formes auto-entretenues, tel par exemple le dialogue endophasique que sont la prière ou la méditation, expressions du « paradoxe d'un usage qui met l'accent sur "dire" alors que précisément rien n'est dit (à haute voix) bien qu'un discours soit entendu (mentalement) [10] ». Cette activité organise la prière solitaire en offrant la possibilité à l'impétrant de maintenir silencieusement ses appels enfantins, à la mère, au père, puis à Dieu.
19 ***
20 L'évolution progressive des noms des dieux conduit, du moins dans notre univers occidental, à celui de Yavhé, le dieu juif unique, en le privant de toute prononciation sensible : son acte identitaire est résumé dans cette proclamation du Deutéronome : « Shema Israël YHWH elohenou YHWH e'had [11] ». Sans entrer dans les dédales de l'histoire, les premières nominations du dieu Yahvé étaient liées au nom des dieux ethniques environnants. Au même titre qu'eux, il fut un dieu national, celui d'Israël et de Juda, au même titre que Marduk, le dieu des Assyriens ou que Baal, le dieu des Phéniciens. Dans le royaume du Nord, celui d'Israël, ce nom se trouvait lié, du fait de la proximité géographique, à l'univers sensible des dieux Baal phéniciens, et les rédacteurs du texte sacré nous montrent les régulières tentatives de dégagement de Yahvé face à ces dieux. Si ce fut particulièrement sensible quand survint la disparition de cet état du Nord à la fin du VIIIe siècle avant notre ère, ce le fut moins pour ce qui concerne le royaume du Sud, celui de Juda, quand survint l'exil en Mésopotamie au VIe siècle avant J.-C., lorsque le nom de Yahvé se trouvait mêlé à un Yahvé des montagnes. Il n'est d'ailleurs pas impensable que l'instauration d'un strict monothéisme soit liée à ces déportations à Babylone, considérées par les prophètes comme la punition de la monolâtrie ambiante, quand le culte accordé à Yahvé était certes privilégié, sans éliminer pour autant les cultes accordés aux autres dieux nationaux environnants.
21 Cette évolution vers un plus d'abstraction du nom de Dieu reproduisit également l'expérience égyptienne exemplaire quand le culte polythéiste d'Amon en Égypte, détrôné par celui monothéiste d'Aton [12], fut transmis aux Hébreux. Déjà commençait à se manifester l'exigence d'une nomination divine en rupture avec l'univers sensible, annonçant une future dématérialisation tellement surprenante pour son environnement géopolitique :
22<citation> On sait que les Anciens ont fréquemment interprété ce que nous appelons le monothéisme un concept dont la perception en réalité leur échappe comme une forme d'athéisme, de négation des dieux. Apollonios Molon traite les Juifs d'athées et de misanthropes [13]. </citation>
23 Cette prise de distance qui se voulait définitive à l'égard de l'univers sensible met à l'écart l'univers primaire pour constituer le fondement idéologique du monothéisme juif [14] ; il réinterprète après coup l'ensemble des événements anciens, comme si ce dieu dématérialisé était déplacé en sens inverse de son invention par les hommes : il précède désormais l'existence du monde dont il devient le créateur. Ainsi du chapitre 3 de L'Exode, quand Dieu se révèle pour la première fois à Moïse sous le nom de Yahvé dans le buisson ardent, en se nommant : « Je suis qui je suis [15] », signifié qui se voudrait exister de toute éternité par un tétragramme imprononçable, YHWH, que Daniel Sibony considère comme le parangon dématérialisé de l'Être suprême. Cet auteur affirme que la permutation des lettres qui le constitue manifeste les diverses positions temporelles de ce dieu, accentuant un peu plus encore sa dématérialisation :
24<citation> HWYH signifiant l'être, WHYH signifiant ce fut et ce sera, YHWH signifiant ce sera présent... Autrement dit, le tétragramme se donne comme lieu des trois modalités du temps passé, présent et avenir portées par l'être éternel de sa présence. YHWH, parfois prononcé Adonaï, est imprononçable, innommable [16]. </citation>
25 L'écriture de la Bible, initiée au VIIIe siècle avant notre ère, s'organise à partir de cette véritable nécessité rédactionnelle d'un dieu unique qui ne peut avoir d'histoire puisque, est-il affirmé, il existe de toute éternité : son écriture idéalisante se veut celle d'un monothéisme sans origine humaine [17].
26 Ce constat d'après coup est particulièrement flagrant dans le récit mythique de la création du monde par Dieu en sept jours : certains éléments du récit laissent en effet entrevoir un possible affrontement entre deux puissances divines rivales, affrontement qui trouve son issue dans la nécessaire prise de distance d'un dieu par rapport à l'autre, comme si l'achèvement initial du monothéisme hébreu imposait de refouler le culte totémique qui l'aurait précédé. Dans ce récit (Genèse 2, 17) tout se passe comme si Dieu reconnaissait à l'arbre de la connaissance du bonheur et du malheur une importance considérable et surprenante, tel un arbre totémique, objet de l'interdit alimentaire majeur : il n'est pas invraisemblable de penser qu'il puisse représenter en fait un certain nombre de modalités cultuelles et religieuses antérieures que le nouveau groupe souhaite refouler pour instaurer la mutation monothéiste en montrant l'affrontement de deux univers, celui d'avant, sensible et totémique, auquel doit renoncer Ève, et celui, déjà monothéiste, « rationnel », qui interdit le précédent.
27 D'un autre point de vue, cet interdit est aussi un interdit dipien qui vise le lien incestueux infantile qu'Ève entretient avec son arbre père [18] : l'instauration du monothéisme exigerait alors ce renoncement. Cette hypothèse est d'autant plus probante que chaque fois que les Hébreux failliront au respect absolu de ce culte, cette exigence sera rappelée, comme si l'infantile était le lieu du polythéisme : l'épisode de Jephté en constitue un exemple paradigmatique quand une nouvelle fois les fils d'Israël avaient laissé s'affaiblir leur monothéisme au bénéfice des Baal. Jephté, « un vaillant guerrier » mandaté par les Hébreux pour lutter contre les Ammonites à seule fin de restaurer le monothéisme, avait en effet fait le vœu, s'il remportait la victoire, de sacrifier la première personne rencontrée dès la victoire acquise : ce fut sa fille adorée qu'il sera contraint d'offrir en holocauste. Le traitement radical de la thématique dipienne et infantile père-fille fut le prix à payer pour marquer l'abandon par Israël du culte des Baal et ainsi signifier la restauration monothéiste. Quelques siècles plus tard, une autre scène reproduira à nouveau les aventures d'une fille et de son père, plus précisément les aventures d'une vierge et de Dieu : son traitement en sera radicalement autre en initiant le christianisme.
28 Nonobstant, quelques siècles avant ce bouleversement, un autre événement, non moins considérable, survenait dans l'histoire du judaïsme. Il n'est pas directement lié au respect du culte monothéiste mais à celui de la traduction du texte sacré : ce fut peut-être l'un des éléments initiant l'affaiblissement de l'interdit de nommer Dieu. Au IIIe siècle avant notre ère, il devint en effet impérieux de traduire la Bible hébraïque en langue grecque pour maintenir l'emprise du judaïsme ; la colonie juive d'Alexandrie, géographiquement éloignée d'Israël, perdait la pratique de la langue au bénéfice de la langue grecque au sein de laquelle elle évoluait et qu'elle pratiquait au quotidien. Face au péril d'une perte d'influence de la culture juive, la traduction de La Torah se révélait indispensable : elle fut confiée séparément à soixante-douze sages qui, au moment de rendre leur copie, s'avéraient avoir tous traduits le texte à l'identique ! Cette traduction grecque a traversé l'histoire ; connue sous le nom de traduction des Septante [19], elle fut un événement considérable. Pour la première fois le texte sacré hébreu se trouvait traduit dans une langue étrangère, le grec, entraînant des conséquences importantes et déterminantes. En hellénisant le monde juif, elle intervint radicalement sur l'évolution du nom quand par exemple il s'agit de traduire dans une langue non sémitique le tétragramme imprononçable YHWH-Adonaî par le mot grec Kyrios, ou encore Elohim par Theos, autant de noms de la langue commune qui subissent la déclinaison vulgaire, tel un retour du sensible. Et quand saint Jérôme, à la fin du IVe siècle de notre ère, entreprit de traduire la Bible en langue latine, ce qui deviendra la Vulgate, bien que reprenant le texte hébreu comme texte initial, le nom Yahvé y subira le même sort que celui qu'il a subi dans la Septante : Deus, un mot de la linguistique ind uropéenne, également soumis à déclinaison, s'introduit dans le texte.
29 Quelques trois siècles après la Septante, et peut-être à travers son influence linguistique, l'incarnation du Messie, fils de Dieu et dieu lui-même, fut pour l'univers juif et pour la nomination de dieu un véritable séisme. Il n'est pas question ici de reprendre les complexités de cette révolution, sinon pour souligner à nouveau que les aventures d'une jeune fille, vierge et juive, Marie, sont au centre de l'entreprise. Le traitement de la thématique dipienne du rapport entre Dieu le père et sa fille modifiera les nominations divines. Proche par sa factualité du récit de la Genèse et de l'aventure d'Ève, le récit évangélique de l'Annonciation en présente une issue à contre-emploi de celle proposée par la version juive. L'inceste père-fille, interdit d'évocation dans l'interprétation juive, se trouve au contraire totalement valorisé dans la version chrétienne : Dieu utilise ce lien pour s'incarner dans le corps de Marie et partager la vie des hommes. La reconnaissance et l'utilisation du désir infantile de Marie pour Dieu son père constitue l'épicentre de l'organisation nouvelle en même temps que son fils Jésus, dieu fait homme, devient le modèle identificatoire ultime pour tout chrétien ; ainsi se trouve renouvelée de fond en comble la problématique de l'identification primaire et, au-delà, celle de la topique quand celle-ci valide et encourage l'identification au père dipien de la mère, désormais reconnu dans sa position originelle [20]. Les idéaux du moi et les composants de la paternité en seront durablement transformés, relativisant l'emprise d'un surmoi écrasant et groupal quand l'infantile maternel est condamné au bénéfice du moi idéal. Le nom « Dieu » transcende désormais les noms du dieu, plus encore les noms des dieux.
30 L'univers chrétien sera par la suite reconnaissant à Marie de s'être ainsi offerte à cette maternité en la proclamant Theotokos, Mère de Dieu, au concile d'Éphèse (IVe siècle de notre ère), validant ainsi, et définitivement, sa sexualité infantile. Dans le même temps la prononciation du nom « Dieu » sera autorisée après s'être résolue en trois hypostases : Dieu le Père qui conserve sa place et son statut antérieur pour former la Sainte Trinité avec son Fils incarné qui lui est consubstantiel et le Saint Esprit. Ce nom trinitaire sera prononcé régulièrement au décours des siècles par des générations de chrétiens, lorsqu'ils effectuent le geste symbolique de ralliement qu'est le signe de la croix, énoncé au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Il n'est d'ailleurs pas sans intérêt de souligner combien la chrétienté du Moyen Âge fut soucieuse de réunir le thème de l'Arbre à celui de la croix sur laquelle fut crucifié Jésus : elle fut fabriquée, nous dit La Légende dorée, avec le bois de l'Arbre du jardin d'Éden lui-même.
31 ***
32 Il est une autre manière, plus matérialisée, d'aborder la question du déplacement du nom. Dans l'univers ancien, le nom d'un dieu se voulait être une exclusivité pour un peuple donné, à la différence du nom « Dieu » qui se donne aujourd'hui comme universel. Le nom d'un dieu appartenait jalousement au groupe auquel il s'était révélé ; en le vénérant, il s'en réclamait pour définir son identité ethnique. Emprunts et échanges, qui sont monnaie courante dans ce domaine, devaient alors demeurer sous silence : malheur à ceux qui portent témoignage du déplacement du nom, donc de son historicité.
33 Ce constat lourd de conséquences pourrait rendre compte des affrontements entre chrétiens d'Irak et musulmans au Proche-Orient [21] : porteurs d'une histoire ancienne mal connue en Occident, ils paient très lourdement leur participation involontaire au mouvement historique et transférentiel auquel leurs ancêtres ont collaboré. Et si une première analyse peut laisser penser qu'il s'agit d'un conflit « classique » entre musulmans et chrétiens, en tant que défenseurs du nom (Allah contre Jésus), il semble s'agir d'un conflit beaucoup plus complexe : le groupe chrétien fut à son insu le vecteur historique et géographique des mutations du nom de Dieu, favorisant le déplacement des éléments constitutifs de l'islam, de son dieu, de son nom et du Coran.
34 La naissance de cette communauté chrétienne irakienne, l'une des plus anciennes du monde, est quasi contemporaine de la mort de Jésus. Véritable témoin linguistique survivant, elle porte les traces des mouvements et des déplacements intenses que cette région du Proche-Orient a connus depuis les temps immémoriaux de l'Antiquité : elle a vu se développer le judaïsme, le christianisme, et quelques siècles plus tard l'islam. L'abord linguistique éclaire ces événements : cette population parle en effet encore aujourd'hui l'araméen, une langue sémitique largement utilisée par les anciennes populations juives quand elles occupaient ces territoires bien avant les débuts de l'ère chrétienne, avant de devenir le véhicule linguistique du christianisme naissant. Sorte de langue témoin, elle fut ensuite supplantée au bénéfice de la langue arabe : les chrétiens en ont cependant conservé l'usage. La nomination de Dieu fut, de ce fait, écartelée entre les trois religions monothéistes. Reconnaître à ce nom qu'il fut l'objet d'un déplacement dont le support fut pour une grande part l'araméen signifie la reconnaissance d'une historicité de la nomination, chose insupportable pour chacun de ces groupes religieux qui se disent aimés indéfectiblement par lui seul, dans l'unicité de son nom garant de l'attachement inconditionnel des fidèles à la divinité.
35 Un article de Rémi Brague paru dans un ancien numéro de Critique [22], « Le Coran : sortir du cercle », éclaire d'un jour nouveau les drames actuels de ces chrétiens d'Orient. Il évoque les travaux d'Alfred-Louis de Prémarre [23] et ceux d'un chercheur allemand qui écrit sous le pseudonyme de Christoph Luxenberg [24]. Ces deux auteurs dénoncent la thèse officielle et canonique de la révélation directe et divine du Coran en langue arabe pour, au contraire, montrer les déplacements dans ces langues du nom de Dieu. L'intérêt de leur enquête pourrait introduire à une compréhension des persécutions d'aujourd'hui. Ce Proche-Orient est en effet une région très ancienne de passage ; depuis toujours, des échanges commerciaux s'y effectuent qui utilisent les véhicules linguistiques de ces populations, et ce bien avant le surgissement du Coran, bien avant 685, date à laquelle l'empire nouveau commence à être administré en arabe quand les Marwanides révoquent la langue des peuples conquis au bénéfice de la leur. La langue est peut-être révoquée, mais certainement pas les contenus culturels et religieux qui pouvaient s'échanger à la faveur du déplacement des caravanes. Les contenus bibliques et évangéliques peuvent ainsi avoir participé aux prémices de ce qui deviendra, après inclusion en langue arabe, le Coran.
36 Ainsi Luxenberg estime que l'arabe du Coran n'est certainement pas l'arabe officiel tel qu'il sera constitué par les grammairiens des siècles suivants, mais plutôt une langue intermédiaire, résultat d'un mélange entre l'arabe et le syriaque, probablement proche de l'araméen encore utilisé aujourd'hui par les chrétiens de cette région. Cette forme d'arabe primitif, utilisée à l'époque des ébauches du Coran, avait donc subi l'influence du syriaque araméen parlé par les juifs et les chrétiens, et subi les interactions linguistiques des contenus culturels et religieux locaux de cette période préislamique. Rendu obligatoire par l'administration omeyade à la fin du VIIe siècle, l'arabe officiel ne s'y affirmera que quelques siècles plus tard. La conclusion s'impose alors d'elle-même : ces contenus culturels et religieux sont autant de prémisses du Coran et contiennent autant d'allusions à des prières chrétiennes que de contenus fragmentaires juifs.
37 Ainsi transféré sur un support caravanier et sur celui des langues locales, un contenu religieux linguistique juif, voire sumérien avant d'être judéo-chrétien puis chrétien et arabe, s'est déplacé depuis les espaces des vieilles civilisations du Proche-Orient ancien. Ce constat historique est un élément de plus à verser au dossier du transfert de la nomination de Dieu ; il met en pièces l'hypothèse, défendue par les fanatiques de tous bords, d'une révélation privilégiée d'un dieu hors du temps à un seul peuple. Tout comme la Bible, le Coran est d'origine humaine : ses contenus participent d'une histoire transférentielle, faite de déplacement et de condensation.
38 ***
39 « La plupart des noms abstraits sont des mots concrets qui ont pâli ; en conséquence de quoi, chaque fois que vous le pourrez, vous recourrez à la signification originelle concrète de ces mots », écrit Freud. Ainsi, de déplacement en déplacement, les dieux multiples du polythéisme sont entraînés par la prééminence de l'un d'eux à la monolâtrie puis au monothéisme, c'est-à-dire à l'exclusivité d'un seul jusqu'à se trouver condensé aujourd'hui dans un seul nom : « Dieu ». Le monothéisme, entraîné malgré lui dans la domination d'un seul, constituerait-il une forme de totalitarisme qui verrouille fermement l'infantile polythéiste ? Quasi mondialisé, le mot « Dieu » trouve en fait son origine dans une racine indoeuropéenne « qui, élargie en deiwo et en dyew, a servi à désigner le ciel lumineux considéré comme divinité et les êtres célestes par opposition aux hommes terrestres de la nature. La même racine a servi d'autre part à désigner la lumière du jour et le jour (diurne, jour). »
40 Ce mot primitif dyew signifie donc la lumière, à la condition qu'elle ait été séparée des ténèbres représentés par exemple par la déesse grecque Nyx (nychta, la nuit). Les sens opposés « nuit » et « jour » sont, dans cette mythologie, nettement autonomisés sous forme de deux entités indépendantes, ce qui ne fut pas toujours le cas. Le nom « Dieu », dyew, mit en effet des millénaires à se dégager de la nuit : la mythologie égyptienne en témoigne quand elle maintient encore l'opposition jour-nuit dans un seul nom, celui de la déesse égyptienne de la nuit, Nout, qui avalait chaque soir le soleil avant de le restituer chaque matin. Entre Nout l'égyptienne et Nyx la grecque, se dégage la lumière, Dyew, qui peut initier son long déplacement et sa longue évolution autonome au sein de la voûte céleste : elle est le Père éternel inclus dans la coupole des églises orthodoxes sous la forme canonique du Dieu Pantocrator qui veille sur le monde. Vénérable représentant d'une toute-puissance parentale qui se voudrait résolutive de la détresse humaine primaire, le nom lumineux devient, dans cette organisation totalisante, une véritable butée mélancolique sur laquelle le fidèle étaye sa foi pour échapper à sa nuit. Il représente l'exclusivité du moi idéal qui maintient sous une forme symptomatique religieuse sa toute-puissance tutélaire et infantile, au détriment de l'idéal du moi qui autoriserait le nécessaire réajustement du règne de la topique primaire après l'affrontement du sujet aux réalités de son histoire dipienne. Laisser à l'homme la liberté d'exprimer sa capacité polythéiste et infantile, en l'autorisant à assumer la liberté de penser un nom aussi prestigieux que celui de « Dieu », ferait-il courir un risque qui n'est autre que celui de l'analyse ?
Notes
-
[1]
J.-P. Mongin et G. Herbéra, Denys l'Aréopagite et le nom de Dieu, Éditions les petits Platon, 2012.
-
[2]
S. Freud (1901), La psychopathologie de la vie quotidienne, Gallimard, 1977, p. 412.
-
[3]
S. Freud (1925), Sigmund Freud présenté par lui même, Gallimard, 1984.
-
[4]
S. Freud (1910), « Sur le sens opposé des mots originaires », L'inquiétante étrangeté, Gallimard, 1985, p. 51. Ici Freud cite L'interprétation des rêves, 1900, chapitre VI.
-
[5]
S. Freud (1912-1913), Totem et tabou, Gallimard, 1993, p. 52.
-
[6]
S. Freud (1916-1917), Conférences d'introduction à la psychanalyse, Gallimard, 1999, p. 220.
-
[7]
S. Freud, La naissance de la psychanalyse, Puf, 1956.
-
[8]
S. Freud (1923), « Le moi et le ça », in Essais de psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, 1981, p. 251.
-
[9]
S. Freud (1916-1917), Conférences d'introduction à la psychanalyse, VIIe Conférence, Gallimard, 1999, p. 156.
-
[10]
G. Bergounioux, Le moyen de parler, Verdier, 2004, p. 22.
-
[11]
Deutéronome, 6, 4 : « Écoute, Israël : Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé. »
-
[12]
S. Freud, L'homme Moïse et la religion monothéiste, Gallimard, 1986, p. 84.
-
[13]
P. Borgeaud, Aux origines de l'histoire des religions, Seuil, « La librairie du XXe siècle », 2004.
-
[14]
Cette remarque est cependant relative. Elle vaudrait surtout pour l'état du Sud, donc pour Juda, relativement isolé des influences des autres peuples. Dans le Nord, en Israël, au contraire, l'interdit de représentation apparaît comme beaucoup plus relatif. La proximité de la Phénicie pourrait être une des raisons de la concurrence de Yahvé avec le Baal.
-
[15]
« Ehyéh asher ehyéh » : un jeu de mot, en hébreu, opère avec Yahvé.
-
[16]
D. Sibony, Les trois monothéismes, Point Seuil, 1997, remarque p. 133.
-
[17]
Dieu se nomme également en utilisant un certain nombre de périphrases ou certaines modalités attributives comme EL dans Eloah ou encore Elohim (un pluriel de majesté), dans Isra-ël qui fut le nom attribué par Dieu à Jacob après son combat avec l'ange. Ou encore dans El Shaddaï, littéralement « les seins », symboles de la puissance maternelle : « Je suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob comme Dieu Puissant (El Shaddaï), mais sous mon nom le Seigneur Yahvé je me suis fait connaître d'eux » (Exode, 6). Ou encore Shabbaoth, le dieu des armées... Le nom Yavhé lui-même est peut-être probablement un déplacement du nom sumérien de la déesse de lune : Iahu.
-
[18]
Le lien dieu-père-fille est l'objet du refoulement du judaïsme naissant au bénéfice de l'avenir du lien dieu-père-fils : la ligature d'Abraham. Il en va tout autrement dans le christianisme : le lien dieu-père-fille est promu alors que le lien dieu-père-fils connaît une issue tragique : Jésus meurt sur la croix, abandonné par son père.
-
[19]
La tradition veut que cette traduction fut effectuée par soixante-douze sages, un chiffre censé représenter six sages pour chacune des douze tribus, chacun traduisant séparément la Torah. Au moment de réunir et de confronter l'ensemble des textes traduits, les soixante-douze traductions auraient été exactement superposables et identiques.
-
[20]
Voir H. Normand, « Le transfert en héritage », in Grandeur et solitude du moi, Libres cahiers pour la psychanalyse, n ° 24, Éditions In Press, automne 2011.
-
[21]
H. Normand, « Actualité du Tout-puissant » in Penser/rêver, n° 15, Éditions de l'Olivier, printemps 2009.
-
[22]
R. Brague, « Le Coran : sortir du cercle », Critique, n° 671, avril 2003.
-
[23]
A.-L. de Prémarre, Les fondations de l'islam, Seuil, 2002.
-
[24]
C. Luxenberg, Die syro-aramaïsche Lesart des Koran. Ein Beitrag zur Entschusselung des Koransprache (Lecture syro-araméenne du Coran. Contribution pour décoder la langue coranique), ouvrage non encore traduit en français, analysé par R. Brague dans Critique, op. cit.