Couverture de LCN_153

Article de revue

Le cyberespace, lieu de protection de la parole citoyenne en RDC

Pages 185 à 210

Notes

  • [1]
    Entre 2012 et 2015, le Congo passe de moins 1 % à environ 7 % de taux d’accès à Internet, et essentiellement sur mobile, d’après l’ARPTC. Internet World Stats estime en 2018 à 12 % le taux d’accès à Internet au Congo.
  • [2]
    Nous utilisons aussi l’expression « gens ordinaires » ou « citoyens ordinaires », pour insister sur le fait qu’ils n’appartiennent ni aux partis politiques, ni aux organisations de la société civile dûment reconnus, et qu’ils apparaissent comme appartenant simplement au grand public, parmi les anonymes.
  • [3]
    Le cyberespace est souvent pris comme synonyme de cybermonde. Il désigne alors « la communauté des internautes et les ressources d'informations numériques accessibles à travers les réseaux d'ordinateurs. » Il est aussi l’espace symbolique où grâce à l’accès aux contenus disponibles en ligne, naissent et s’animent des débats autour des questions d’intérêt plus ou moins public, grâce à l’usage des technologies numériques, par des personnes connectées à Internet aussi bien dans les pays développés que moins développés (Douzet, 2014 : 5 ; Paturel, 2018).
  • [4]
    Un hashtag est une application (développée par Twitter, au départ), grâce à laquelle il est possible de lier un message à tant d’autres portant le mot-clé mis en valeur, précédé du signe #. #Wumela apparaît en 2016 et #Yebela remonte à 2011 (il n’avait alors pas de sens que lui confèrent les débats sur l’alternance en 2016). Cfr. note 5.
  • [5]
    Le hashtag Yebela semble bien antérieur à cette date. Avant, il servait de slogan appelant à l’éveil, ce qui a facilité sa transformation en 2015.
  • [6]
    Twitter affiche comme populaires les tweets ayant reçu, selon les cas, au moins 1 mention « J’aime » ou qui a été une fois repris par d’autres utilisateurs (retweet). Il comptabilise aussi le nombre lecture ou de vues.
  • [7]
    En février 1996, des chrétiens catholiques descendaient dans la rue, à Kinshasa, pour exiger du président Mobutu qui l’avait fermée, la réouverture de la Conférence nationale autoproclamée souveraine alors qu’il la voulait sous son contrôle. Cfr. Villers (1997 : 77). Elle fut violemment réprimée.
  • [8]
    Lutte pour le changement, fondée en 2012 à Goma. Ses premières revendications sont sociales (eau, électricité, salubrité…), avant de s’engager sur la voie de lutte pour la démocratie.
  • [9]
    Filimbi veut dire sifflet¸ ou coup de sifflet, en Swahili. Il a été fondé en 2015.
  • [10]
    Il s’agit d’une émission des plus suivies de Radio Okapi, et même de la RDC (Target, 2019 ; IMMAR, 2013). Tous les jours, sauf le weekend, des auditeurs ont la possibilité de donner leur point de vue dans l’émission sur une question d’actualité politique ou sociale.
  • [11]
  • [12]
    Associations de jeunes pro-démocratie du Burkina Faso, du Sénégal, du Togo, de la Mauritanie, de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Mali et de la RDC.
  • [13]
    Déclaration de Ouagadougou des mouvements citoyens africains, disponible sur https://bit.ly/2IF2Xou, consulté le 23 avril 2019.
  • [14]
    Nous nous limitons à présenter deux grands mouvements, plus structurés et des plus en vue. Mais il a existé, ou existe encre, d’autres mouvements analogues Cocorico, La 4e voix, Djec (Debout jeunesse congolaise), etc. Mouvements de la diaspora congolaise : Ingeta (qu’il en soit ainsi, en Kikongo) créé en 2012 et qui contestait les résultats de la présidentielle de novembre de l’année précédente. Il siège vraisemblablement en Suisse, d’après les indications du compte Twitter de « Radio TV Ingeta ». Le mouvement « Telema » (debout ! en Lingala), quant à lui, a été créé en 2015 aux États-Unis par des congolais (Bangré, 2016 : 13).
  • [15]
    VOA, L’ambassadeur de la RDC à Paris agressé ? [En ligne], URL : https://www.voaafrique.com/a/rdc-le-gouvernement-denonce-l-agression-de-son-ambassadeur-a-paris-en-relation-avec-la-fosse-commune/2713077.html, consulté le 24 avril 2019.
  • [16]
    Respectivement porte-parole du gouvernement et ministre de l’intérieur de Joseph Kabila, jusqu’à janvier 2019. Ils comptent pourtant parmi les plus actifs dans l’audiovisuel, principalement à Kinshasa, et répondent rarement aux commentaires des internautes sur leurs propres comptes (Twitter).

1. Introduction

1La pénétration rapide des Technologies de l’information et de la communication (TIC) entre 2011 et 2015 en République démocratique du Congo (RDC) [1156] a eu pour effet direct, entre autres, un accès massif du grand public [2157] à l’espace public où se discutent généralement des questions politiques impliquant l’avenir du pays. Un espace composite, où le « en ligne » et le « hors-ligne » tendent à converger à mesure que les nouveaux acteurs de ce nouvel espace descendent dans la rue pour appuyer les revendications qu’ils formulent sur les réseaux sociaux (RS) : meilleures conditions socioéconomiques, un espace de libre expression, la bonne gouvernance. Bref, un nouvel agir politique et social fondé sur des valeurs morales.

2Se posent ainsi les questions, presque permanentes au Congo, sur les nombreux dialogues et débats nationaux organisés depuis l’indépendance, dans le but de fonder une société démocratique, planifiée et qui se développe (Kamba, 2014 ; Dikanga, 2013); ainsi que la persistance des conflits autour de l’alternance du pouvoir (Jewsiewicki, N’Sanda, 2008 ; Nyunda, 2008) et de la place des citoyens dans la gouvernance publique (Banywesize, 2018, 2013, 2019).

3Cet article étudie les pratiques médiatiques et numériques émergeant des réseaux sociaux, en essayant de comprendre comment elles contribuent à l’émergence d’un espace public digital ou cyberespace[3158] et d’un espace composite où le en ligne et le hors ligne convergent. Il tente ainsi de répondre à la question : qu’est-ce qui explique, qu’ordinairement absent dans les débats sociopolitiques nationaux, le grand public congolais prenne davantage, publiquement, la parole sur les mêmes sujets en ligne? Cette question appelle une autre, subsidiaire : que dit-elle de ses auteurs et quels en sont ses ressorts?

4Nous verrons que, en plus d’un lieu de communication plus inclusive et libéré des contraintes propres à l’espace public politique traditionnel, le cyberespace inspire à de nombreux internautes un espace de protection de la parole libre. Cette parole, pour incarner le désir ou la promesse de changement, se veut agissante et invite à agir.

2. Méthodologie

5Nous analysons, pour une assise expérimentale, deux hashtags[4] qui agrègent des messages antagonistes [5160] envoyés au président Kabila entre janvier 2015 et août 2018, dans la perspective d’une alternance du pouvoir attendue en 2016. Ils nous ont permis de collecter 101 tweets pour #Wumela qui veut dire « dure longtemps », « demeure » au pouvoir, en Lingala; et 232 tweets pour #Yebela, traduit du Lingala par « Rappelle-toi » ou « ne l’oublie pas » [ton mandat est fini]. Automatiquement classés populaires sur Twitter, nous les avons choisis en raison des interactions [6161] qu’ils ont suscitées avec les internautes. A ce corpus, nous avons aussi ajouté des énoncés collectés sur deux plates-formes digitales des médias « classiques », l’objectif étant d’ouvrir les perspectives sur les pratiques digitales de communication pour le grand public et ses interactions avec ces médias dans le cadre des débats voulus « citoyens ». On peut aussi y percevoir, outre la dynamique du rôle de connecteur à l’espace public, joué par les médias, l’autre rôle dynamique : celui de contournement de la médiation de ces médias, et le déploiement d’une parole plus spontanée sur et grâce aux espaces d’auto-publication proposés par les réseaux sociaux. Au total, ce sont 40 annonces de l’émission de débat « Dialogue entre Congolais » de Radio Okapi, suivies, pour chacune d’elles, de 10 commentaires automatiquement classés comme pertinents sur la page Facebook de l’émission. Nous avons procédé de la même manière pour la collecte des énoncés sur les articles publiés sur la page de Facebook du site HabariRDC.net.

6En recourant à l’énonciation, nous voulons rendre compte de leur fonctionnement en tant que parole ponctuelle ou spontanée des internautes, plutôt que comme discours. L’individu s’installant dans le présent de sa parole à travers l’énonciation, nous pensons mettre en avant les interactions entre les interlocuteurs (Benveniste, 1970 : 12) au-delà du langage, pour insister sur le positionnement et l’engagement des acteurs (Hansotte, 2005 : 3 ; Maingueneau, 2004 : 3) sur le plan de la communication. Nous abordons ces positionnements, principalement, dans sa seconde partie. Dans la première, en revanche, il s’agit d’une mise en contexte historique et politique de la production de l’espace public congolais. Et dans la dernière partie, ce texte tente d’expliquer la manière dont l’espace public se réapproprie la parole digitale, tout en insistant sur ses acteurs.

3. L’espace public congolais, de la colonisation à Internet

7Plusieurs événements politiques et médiatiques ont contribué plus significativement à la prise de la parole citoyenne au Congo. Ainsi, durant la colonisation, l’espace public se construit autour des activités culturelles. Surveillés, ces espaces sont formellement interdits de parler de la politique. Les colonisés n’ont d’ailleurs pas le droit d’accéder à des journaux critiques belges ou étrangers (ULB, 1959 : 69) ou des publications soupçonnées de pouvoir les « réveiller ». Pourtant, il en émerge, à la faveur de la seconde guerre mondiale, une parole qui revendique l’amélioration des salaires et des conditions de travail ainsi que la reconnaissance d’un leadership national (Mutamba, 1998 : 44 ; Cédric Leloup, 2014). C’est à la suite du retour au Congo belge des combattants après la campagne d’Abyssinie (Ethiopie), où des soldats Congolais soldats et des civils embarqués dans la guerre mondiale sont traités désormais avec un peu plus de dignité, comme des « évolués ». Le statut d’évolué ne permet cependant pas, au début, aux colonisés de s’exprimer sur la politique ni d’ailleurs de se positionner en tant que représentants du peuple. Ainsi, à l’apparition des premières mutineries au sein de la Force publique ou encore lors des protestations des employés, les « Evolués » demanderont d’être reconnus comme représentants des leurs (Mutamba, 1998 ; Werbrouck, 1941 :23), outre les revendications d’amélioration des conditions de travail. Déjà après la guerre mondiale, l’ONU, des États-Unis de l’URSS pressent la Belgique afin qu’elle accélère le processus d’autonomisation des Congolais, et même d’en finir avec la colonisation au Congo déjà critiquée pour ses méthodes violentes et discriminatoires.

8Le débat qui éclate en 1956 entre les groupes « Conscience africaine » Abako (Alliance des Bakongo) sur l’avenir de la colonisation, s’inscrit dans cette droite ligne et surtout, témoigne d’une parole qui s’assume comme une responsabilité, voire un devoir citoyen : celui d’agir. Des jeunes intellectuels encadrés par des religieux catholiques, en effet, adoptent moyennant les recommandations à humaniser la colonisation belge, le plan Van Bilsen qui propose de prolonger la colonisation de 30 ans en vue de mener les leaders congolais à une maturité politique et administrative. Mais l’Abako refuse, pour sa part, de voir continuer une année de plus le pouvoir colonial qu’il accuse de violer jusqu’au droit à une expression libre, et exige l’indépendance (Ngoma, 2018 : 49-50).

9Cet activisme va devenir plus intense jusqu’en 1960, et la Belgique lâchera le Congo. Même si seulement 5 ans après le Congo indépendant qui apprend à exercer la démocratie, replonge dans une gouvernance sévère lorsque le général Mobutu prend par la force le pouvoir. S’il ferme l’espace politique, et surveille les espaces de socialisation ou d’expression jusqu’à 1990, plusieurs Congolais comme l’opposant Etienne Tshisekedi, auront essayé de retrouver leur droit à la parole en tant que citoyens. Comme le feront d’ailleurs plusieurs associations, mais aussi de nombreux anonymes, plus de 2 décennies et demie plus tard, sous Joseph Kabila, tenté par un 3e mandat interdit par la Constitution. Pour Jean-Marie Dikanga (2019), l’espace public congolais naît à la suite de l’ouverture de l’espace politique, qui entraîne les libertés de parole dont le pluralisme médiatique, et partant, l’apparition des débats publics contradictoires. On peut aussi noter durant cette période, l’implication des milieux associatifs avec déjà en 1996, une marche des chrétiens pour réclamer la réouverture de la Conférence nationale souveraine [7162] par le président Mobutu. Mais sous le président Kabila, c’est plutôt la première alternance pacifique attendue qui cristallise les débats. Cette prise de parole publique, par des citoyens parfois sans identité précise, est portée par l’accès facile aux outils d’expression que sont les médias sociaux : les réseaux sociaux, les blogs, les forums proposés par les médias en ligne, etc.

10Les médias, traditionnels ou nouveaux médias, ont ainsi permis à cette parole citoyenne d’émerger dans l’espace public : parole des ONG de droits de l’homme et des confessions religieuses (Bureau diocésain de catéchèse, 2005 ; Makal, 2017 ; Tshiswaka, 2018) au départ. Puis, depuis 2015, cette parole s’affirme aussi comme celle des activistes indignés, en quête d’un nouvel ordre sociopolitique et qui bousculent au passage politiciens et acteurs de la société civile traditionnelle, y compris les médias très partisans (Bompolonga, 2005 ; Frère, 2008 ; Dikanga, 2019). Ces nouveaux acteurs se réunissent au sein des mouvements pro-démocratie comme Lucha[8163] et Filimbi[9164] (Bangré, 2016 : 8-12) qui refusent parfois de s’enregistrer dûment comme d’autres associations de la société civile, pour alors revendiquer leur caractéristique de « mouvements » et non pas d’institution classiques. Ils insistent, entre autres actions, sur la nécessité d’une parole publique qui soit basée sur des réalités ou actions concrètes, et tentent de moraliser la vie publique (Banywesize, 2018). Cet activisme, pour leur part, en tant que devoir d’« énoncer du nouveau », devient un acte de citoyenneté (Hansotte, 2005), encore que dans leur approche, militer en ligne a des effets dans l’espace public traditionnel. Ainsi on voit La Lucha, jusqu’en 2018, qui mobilise les électeurs en ligne et dans les villes congolaises, pour chasser « les médiocres » du pouvoir. Dans le même cadre, est apparue sur Internet au Congo, la campagne Yebela, qui veut dire en Lingala, langue de la capitale Kinshasa, « rappelle-toi », « souviens-toi », « sois prudent ». Elle s’adresse alors au président Kabila soupçonné de vouloir se représenter aux élections pour un 3e mandat. Les militants du pouvoir y répondent par Wumela, en Lingala, appelant le président Kabila à « durer », « demeurer longtemps » au pouvoir. Nous en analysons ici le contenu pour essayer de comprendre de quelle manière, en tant que pratiques numériques et médiatiques, elles contribuent à l’émergence de l’espace public digital. Un espace composite où le « en ligne » et le « hors-ligne » convergent.

4. Yebela versus Wumela : visions internétiques de la citoyenneté au Congo

11Sur les réseaux sociaux, la parole, individuelle ou collective, est inséparable de l’environnement technique dans lequel elle est produite. Ainsi, on ne devrait analyser le discours numérique ou ses manifestations sans tenir compte de la technique qui fonde son écologie même (Paveau, 2013). Ces éléments techno-discursifs sont, sur Twitter et sur Facebook, fondamentaux tant ils précisent ou complètent des énoncés. Il s’agit des marqueurs d’émotions, d’assentiments, de rejets ou d’engagements des internautes comme : les Like, les boutons de partages des publications entre utilisateurs, etc. Deux hashtags ou mots-clés, collectés sur Twitter, permettent de saisir la vision que des internautes congolais ont de la citoyenneté. Sur le plan énonciatif, « #Yebela » peut être abordé comme un discours global qui représente des paroles individuelles. Il renvoie alors à la formule « Kabila, souviens-toi de partir, ton mandat est fini ». De la même manière, « #Wumela » qui est une réaction à ce propos, renvoie à la formule : « Kabila, reste encore au pouvoir, nous avons besoin de toi ». L’analyse de deux permet d’en saisir les ressorts.

12Du point de vue de l’énonciation, notre analyse des hashtags Wumela et Yebela recèle une situation de communication comportant cinq grandes implications sociopolitiques au sujet de l’alternance du pouvoir en RDC entre 2015 et 2018. Le corpus qui sous-tend cette étude contient des énoncés, recurrents portant sur le changement et le non-changement, soutenu par les partisans du régime du président Kabila. Puis, apparaît l’idée que le changement viendra non pas des institutions de la République, mais de la rue qui lutte. Ce qui logiquement, en troisième lieu, déclenche ou nourrit des actions avec l’ambition de moraliser la vie publique, très marquée chez les Webacteurs yebela. Puis, enfin, la tendance à se servir de l’image (photo, vidéo) pour mobiliser.

4.1. Le changement et le contre-changement

13« Le changement » reste le principal vœu exprimé à travers la mobilisation citoyenne qui a démarré en 2015 au Congo. Mais les acteurs se l’imaginent différemment, bien souvent, selon leurs appartenance aux camps Yebela ou Wumela. Ce changement tend à désigner à la fois plus de sécurité pour les populations. C’est particulièrement en ce qui concerne les régions où des groupes armés tuent et massacrent, le cas du Nord-Kivu devenu épicentre de la contestation du régime du président Kabila. Contestation portée par le mouvement citoyen Lucha, né à Goma (Bangré, 2016 : 8), dans l’Est du pays. L’autre versant de la contestation qui commence apparaît aussi comme une quête de bien-être social pour les jeunes qui forment les mouvements dits citoyens et la peur, pour certains, de voir le Congo basculer vers une dictature. Ce qui conduit logiquement à militer pour le départ du président Kabila interdit de se représenter pour un 3e mandat électif.

14Yebela est alors utilisé lors des manifestations de terrain. Il apparaît dans les énoncés du type « Yebela, mandat esili » (rappelle-toi, c’est fini le mandat), ou est associé aux expressions ou hashtags « Congo nouveau », « Dégage », « Respect de la Constitution », « Forces vives acquises au changement ».

15

CNEWS‏ @CNEWS 16 févr. 2016
En #RDC journée "villes mortes" pour exiger la tenue des élections en 2016 >http://bit.ly/rdc-villes-mortes …#yebela#wumela.

16Mais à ce vœu de changement, les partisans du régime en place répondent par Wumela, et expriment ainsi leur souhait de non-changement. La portée de cette mobilisation est certes limitée, comparativement aux flux des énoncés corrélés à Yebela (101 contre 232 automatiquement classés comme influents sur Twitter). Mais les idées, globalement, qui structurent ce message s’énoncent, dans l’ordre de la « lutte », pour dire alors que « rien ne change ».

17Il nous a semblé aussi utile de regarder ce qui se passe sur Facebook en même temps que sur Twitter. Nous avons collecté 40 publications et 10 commentaires des internautes y relatifs pour chacune d’elles sur la page Facebook de l’émission « Dialogue entre Congolais [10165] » de Radio Okapi, un média onusien fondé en 2012 dans le but de soutenir l’effort de paix en RDC. Nous avons aussi pris la taille des énoncés du réseau social pour Habari RDC, un média participatif citoyen animé par une centaine de blogueurs repartis dans plusieurs villes du pays. La corrélation entre chacun de deux messages (Wumela et Yebela) apparaît plus enrichie que sur Twitter. La différence notable, faut-il le mentionner, tient à la nature même de deux plateformes, Facebook et Twitter. Mais aussi, les interactions discursives auxquelles ils donnent lieu témoignent d’un grand désir de donner son point de vue sur Facebook. Sur ce réseau social, les discussions ou commentaires s’engagent plus couramment, et Facebook (2, 1 millions d’utilisateurs d’après Internet World Stats, 2018) est plus populaire que Twitter au Congo. Habari RDC y développe une stratégie éditoriale favorisant les discussions entre internautes grâce à la modération des réseaux sociaux par les Community managers ou animateurs des plates-formes numériques du média (Makal, 2019). Lorsqu’ils disent changement, permettent d’en conclure les données recueillies sur les plates-formes médiatiques, les internautes entendent « alternance de pouvoir », avec élections ou non, sans « Kabila » (fig.1, 2).

Figure 1 : Nuage de mots-clés émergents collectés sur base du corpus des commentaires d'internautes et annonces d'émission de Radio Okapi. Réalisé avec le logiciel TagCrowd.

Figure 1 : Nuage de mots-clés émergents collectés sur base du corpus des commentaires d'internautes et annonces d'émission de Radio Okapi. Réalisé avec le logiciel TagCrowd.

Figure 1 : Nuage de mots-clés émergents collectés sur base du corpus des commentaires d'internautes et annonces d'émission de Radio Okapi. Réalisé avec le logiciel TagCrowd.

Figure 2 : Nuage de mots-clés émergents du corpus des publications et commentaires sur Habari RDC. Réalisé avec l'aide du logiciel gratuit TagCrowd.

Figure 2 : Nuage de mots-clés émergents du corpus des publications et commentaires sur Habari RDC. Réalisé avec l'aide du logiciel gratuit TagCrowd.

Figure 2 : Nuage de mots-clés émergents du corpus des publications et commentaires sur Habari RDC. Réalisé avec l'aide du logiciel gratuit TagCrowd.

18A travers ces éléments discursifs, le changement souhaité se précise comme une question de respect de « mandat » présidentiel et donc de la « Constitution », incluant le départ du « président Kabila du pouvoir », et l’écoute de la voix du « peuple ». L’autre enseignement à tirer de ces énoncés composites à la base, c’est le rôle des médias. A travers les traitements qu’ils font de la parole citoyenne exprimée sur les RS (réseaux sociaux), en effet, ils appellent les internautes à clarifier leurs aspirations, voire à s’ouvrir à l’écoute des autres points de vues.

19De cette façon, les médias assurent la publicité de ces acteurs ainsi que de leurs paroles, et les inscrivent dans les débats publics comme des urgences. C’est un rôle que jouent particulièrement les médias en ligne, mais aussi des médias à tendance oppositionnelle ou encore, le cas de Radio Okapi promise à une information libre et neutre. Ainsi, pour son émission participative Parole aux auditeurs du 3 juillet 2017 [11166], cette radio lançait cet appel à contribution ou au débat :

20

« À Lubumbashi, le Président Joseph Kabila a annoncé la semaine dernière devant quelques notables du Haut Katanga que les élections ne peuvent être organisées sans le Kasaï.
Entre temps, le Ministre de l'urbanisme et Habitat, Kokonyangi Joseph annonce depuis le Kasaï la nécessité d'un référendum pour lever certaines options en vue d'un aboutissement heureux du processus électoral.
Certains observateurs estiment que ces annonces sont opportunistes. Tandis qu'une autre opinion pense qu'elles ne sont pas de nature à avancer le processus de démocratisation du pays.
Qu'en pensez-vous ? »

21Sur les 10 réactions classés automatiquement par Facebook comme « pertinents », les réactions des internautes (tous des citoyens presqu’inconnus du grand public), dénoncent une volonté délibérée de violer la Loi. Crispin Mulumba wa Ngindu de Lubumbashi estime ainsi que « l'élection n'est pas un cadeau qu'on doit offrir au peuple congolais », mais « un devoir civique » pour le président Kabila et son gouvernement. Un gouvernement, estime-t-il, qui n'a pas la volonté d'organiser les élections : « nous […] savons bien même [que] ce qui se passe au Kasaï est un jeu politique. » Pour Thomas Kadima, de Kolwezi, « pas d'élections au Kasaï cette année en 2018, pas Kabila. Il doit partir (…), qu'il laisse les autres diriger. »

22Outre le rôle « organisateur » de la parole citoyenne sur Internet par les médias, ceux-ci suscitent aussi les réactions des gens ordinaires sur des événements lointains, sur le continent, mais susceptibles d’intéresser le public national qui vit des situations similaires. Ainsi, à la chute du président zimbabwéen Robert Mugabe, la plate-forme de blogueurs Habari RDC (2018) lançait ce débat sur sa page Facebook : « Kabila peut-il quitter le pouvoir comme Mugabe ? » Le média motivait ainsi sa question, en appui à un blog (billet) récemment publié sur son site Web :

23

« RDC, tant les deux régimes [celui de Kabila au Congo et celui de Mugabe au Zimbabwe] se ressemblent. Le blogueur Roméo Muteba compare les deux pays dont les chefs vivent selon lui, dans l'illusion d'un soutien populaire et pour qui l'alternance ne fait pas partie du vocabulaire. Lâché par ses plus fidèles partisans, l'ancien plus vieux président africain quitte l'histoire par la petite porte. »

24En réaction à ce débat, l’internaute Richard Junior Kabeya estimait que Robert Mugabe a bien agi : « comme un citoyen, et volontairement pour éviter l’effusion de sang. C'est un bon exemple à tous les présidents africains. » Le média rebondissait alors avec cette mise au point : « On lui a quand-même un peu forcé la main, vous ne trouvez pas? » L’internaute n’a plus réagi. Mais d’autres à l’instar d’Amigerry Mulumbati, favorable au maintien du président Kabila au pouvoir après ses deux mandats constitutionnels, avançaient : « Si notre prédécesseur [Mugabe] a fait 37 ans de règne, il y a lieu que nous fassions le double, voire le triple de ce qu'il a fait. » Chirac Chadrack Kuleka, de même point de vue que le précédent, pointe « Une comparaison illusoire », celle du blogueur de Habari RDC. Puisque, dit-il, « Mugabe est le grand père de Joseph Kabila en politique. Puis, il était âgé et sa famille politique lui avaient [sic] déjà lâché. Kabila, [lui], sa famille politique est toujours derrière lui ; en plus, il est encore jeune. »

25On est ici face à un cas, toutefois, qui tranche avec les commentaires presqu’à sens unique, sur le site de Radio Okapi, où les internautes donnent leurs points de vue sur la page des émissions de débat en attendant d’être sélectionnés pour passer en direct dans l’émission un peu plus tard. En revanche, grâce à un travail de modération assuré par un membre du collectif de blogueurs, chez Habari RDC, une occasion de débat se forme. Okapi intègre par ailleurs ainsi un modèle éditorial mixte, qui intègre ici des pratiques digitales (commentaires sur les pages d’émissions, propositions des contributions, sélection des idées jugées intéressantes) et le débat sur la radio en FM (écoutée aussi en ligne en direct), qui amplifie la parole des internautes. Ce public agissant dans un espace, digital, où même en n’étant pas sélectionné pour débattre directement sur la radio, donne sa voix en commentant directement dans un forum public. En tout, en commentant les contributions du grand public, ou en en assurant la modération dans le cas de Habari RDC, les médias valorisent cette parole qui fait irruption dans l’espace public. Cette parole citoyenne, qui part du bas vers le haute et disruptive par sa tendance à énoncer le désire collectif de changement et propose des solutions (contre la corruption, la pauvreté, les violations des droits humains) porte en elle, les germes de sa publicisation.

4.2. L’idée que le changement viendra de la rue qui lutte

26Il ressort également des éléments de notre corpus l’idée que le changement voulu par le grand public viendra de la rue qui lutte. C’est un constat à la fois d’une absence de satisfaction du public pour le système représentatif dans la perspective de la démocratisation de la société congolaise, et d’un désir de se réapproprier les mécanismes de désignation de nouveaux acteurs ou animateurs de changements. Cela, aussi bien au niveau des institutions publiques que des organisations de la société civile. Cette lutte suggère que les institutions censées la porter soutiennent plutôt le « non-changement », le cas du parlement qui en 2016 évolue en dépassement de mandat en ce qui concerne l’assemblée nationale, et depuis 2011 pour le sénat, les assemblées provinciales ainsi que des gouverneurs élus en 2006 pour cinq ans. Wumela, en tant que parole sur un non-changement ou une alternance de pouvoir remise à plus tard, s’applique ainsi non pas seulement au mandat du président de la République, mais aussi à tous les élus en dépassement des limites constitutionnelles. Recourir à la rue, y compris au cyberespace en tant que lieu alternatif de la parole des « indignés », en revanche, nourrit l’espoir de changement pour les Webacteurs Yebela. Ceux-ci énoncent alors qu’ils n’ont « rien à attendre de ces institutions illégitimes », que « seules la rue fera la différence », ou encore que la justice n’inspire plus la confiance du grand public.

27

Billy Kambale @BillyKambale1
Il ne faut plus rien attendre de ces institutions illégitimes. Seule la rue fera la différence. Déterminons-nous tous et agissons.
Joseph Olenghankoy‏ @NkoyJoseph 17 oct. 2016
#RDC Malheureusement la cour constitutionnelle servira de caisse de résonance d c qui a été décidé avant-hier par Kabila-Nanga-kalev #yebela.

28Parfois, c’est le sentiment d’abandon des populations par leurs responsables ou représentants qui monte, comme dans les exemples ci-dessous.

29

CongoNouveau‏ @Soraziz 27 janv. 2017
Pour rappel, l'opposition n'a créé ni #Telema ni #Yebela. Elle a surfé sur ces slogans créés par le peuple en colère. Ce peuple est tjrs là...
The House of Kongo‏ @MvembaDizolele 21 janv.
Les Congolais savent qu’ils sont seuls dans leur lutte. Aucune illusion. A Luta continua. #Congo#RDC#Yebela

30Au final, l’engagement démocratique des citoyens devient, comme le dit Majo Hansotte (2005 : 40), l’enjeu de l’énonciation, de la parole citoyenne qui se convainc d’anticiper les événements quant à son bien-être social présent et futur. Enoncer s’accompagne alors de proposer des nouveautés, des solutions et même impose d’agir. C’est ainsi qu’apparaissent le hashtag « #ByeByeKabila » et des marches populaires ou des appels à des villes mortes.

31

Lady B Mfiya‏ @BMfiya 19 déc. 2016
#ByeByeKabila ... le peuple a décidé... sa siffle de partout il est temps #Yebela
Jean-Jacques Wondo‏ @JJPWondo 20 déc. 2016
L'armée et la police tirent en l'air pour contrer les tintamarres des #Yebela. Tant mieux, ils n'auront plus de munitions et vont se rallier

32L’auto-prise en charge citoyenne ainsi définie comme voie pour obtenir le départ des dirigeants que l’on ne voudrait plus voir au pouvoir, n’exclut pas pour certains militants l’idée de résistance jusqu’à la violence dans un cet antagonisme qui dépasse désormais le seul cadre discursif. Puisqu’en passant à l’acte, lors des sit-in et marches, les contestataires sont dispersés, voire réprimés ou arrêtés (BCNUDH, 2019). C’est ici qu’apparaît le besoin d’aides et d’appuis internationaux. Dans l’ordre de la dénonciation qui a lieu sur les RS, les incidents et violences qui émaillent des actions annoncées pacifiques et démocratiques des civils sont exploités pour prouver l’intolérance des dirigeants et leur opposition à la démarche pour l’alternance du pouvoir. On notera aussi ici que c’est une autre marque de publicisation naturelle de la parole citoyenne, indirectement assurée aussi par les pouvoirs publics. Puisque ces incidents ainsi que ce contexte devenu conflictuel entre manifestants et dirigeants, intéressent les médias qui en assurent au passage une publicité au-delà des frontières nationales. Des acteurs comme le Lucha, très suivis sur les réseaux sociaux et dont des militants sont régulièrement arrêtés, permettent d’internationaliser la crise en cours. En 2015, par exemple, la première « internationale de la jeunesse africaine écoutée par des partenaires internationaux » [12167], (Bangré, 2016 : 15), à Ouagadougou, appelait à l’occasion, à « la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers d’opinions injustement et illégalement détenus en Afrique » [13168]. Y compris en RDC.

4.3. Moralisation de la vie publique et contestation de l’ordre établi

33Notons aussi la propension, pour les activistes, à moraliser la vie publique. Sur l’autre versant, par ailleurs, les militants favorables au pouvoir en place insistent sur la souveraineté nationale et l’autodétermination des peuples. Ils défendent alors l’idée d’un referendum pouvant permettre au président de modifier la Constitution et de redevenir éligible. Le respect ou non de cette Constitution devient dès lors un élément moral. Les militants dénoncent « la forfaiture » du régime, « la mauvaise volonté d’une minorité » au pouvoir.

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RDC Vision Nationale‏ @RdcVision 23 juil. 2016
Les militants d @luchaRDC se solidarisent avec les autres prisonniers politiques. Ils refusent d'être grâciés #Yebela
Richard DELVAUX‏ @madiata 9 juil.
Ils [les membres du régime Kabila] dévoilent sans vergogne leurs volontés d'éliminer tout Congolais qui oserait dénoncer leurs forfaitures en #RDC. Vos menaces, Ndeko @kamanda_kela ne font que nous conforter dans notre détermination à dégager #Kabila de gré ou de force ... #Yebela#Art64#RDCONGO.
2VK‏ @2VKExcellence 30 déc. 2016
Je trouve cela déplorable que le sort d'une nation dépende de la mauvaise volonté d'une minorité centrée sur ses intérêts. #RDC#Yebela

35La contestation se présente aussi comme une résultante d’un (r)éveil citoyen censé contribuer à l’avènement d’une société juste, où les citoyens ont horreur de mentir, de voler, de tomber dans de l’incivisme.

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LUCHA 🇨🇩 @luchaRDC 2 juin 2016
#RDC: Si Présidentielle pas tenue en novembre 2016, opportunité pour notre peuple de faire table-rase de sa "crasse" politique ! #Yebela.

37Ces mobilisations en ligne, si elles sont fortement couvertes par les médias digitaux nationaux ou étrangers, elles sont peu présentes dans les médias traditionnels congolais. En raison de leur rapprochement des milieux politiques, ou simplement, par crainte de représailles des pouvoirs publics, après une série de médias privés fermés. Cette réserve, ou ce refus des médias traditionnels de couvrir les actualités autour des campagnes en ligne et dans les rues des grandes villes, a souvent signifié pour plusieurs militants que ces médias « font partie du système » qu’ils combattent.

4.4. Montrer l’image pour convaincre

38Il est important, enfin, de noter cette autre propension à montrer, à faire voir au monde ce qui se passe au Congo. Elle procède des moyens de mobilisation des organisations internationales et gouvernements sur la lutte en cours. Ainsi, aux nombreux messages liés aux hashtags Wumela et Yebela sont associées des images de manifestations, des violences, ou encore des militants emprisonnés et dont on exige la libération.

39On le voit aussi dans les tweets suivants, pour le pouvoir, l’enjeu est de montrer ce qui se passe, dire au monde que le chef de l’État a un soutien populaire et que la contestation en cours n’est pas l’unique opinion qui se manifeste.

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#CongoNouveau‏ @Soraziz 25 avr. 2016
Bonjour mon Congo. La grande nouvelle aujourd'hui c'est le succès des manifestations #Yebela. Goma, Kin, Lub (Bukavu)

Derrière l'opposition, une grande foule qui manifestait pour le respect de la Constitution #RDC#Kabila#YEBELA Le peuple a parlé... #Fière.

Derrière l'opposition, une grande foule qui manifestait pour le respect de la Constitution #RDC #Kabila #YEBELA Le peuple a parlé... #Fière.

Derrière l'opposition, une grande foule qui manifestait pour le respect de la Constitution #RDC#Kabila#YEBELA Le peuple a parlé... #Fière.

L'accueil chaleureux du pdt [président] Kabila par les kanangais traduit l'amour que les congolais ont envers le Raïs ! #Wumela

L'accueil chaleureux du pdt [président] Kabila par les kanangais traduit l'amour que les congolais ont envers le Raïs ! #Wumela

L'accueil chaleureux du pdt [président] Kabila par les kanangais traduit l'amour que les congolais ont envers le Raïs ! #Wumela

41Lorsqu’ils agissent, les militants visent à susciter l’intérêt des médias pour leurs actions en vue d’en faire large diffusion aux niveaux national et international. C’est de cette façon qu’ils espèrent influencer les actions sur le terrain, en s’appuyant sur l’engagement des communautés ; et à l’étranger où grâce aux médias internationaux, la société civile internationale et les États sont sensibilisés sur la lutte en cours. C’est en vue de les inviter à la solidarité, au soutien et à exercer des pressions sur le camp adverse. Ainsi, l’ONU, l’Union européenne, les États-Unis et le Canada ont souvent pris la parole pour inviter Kinshasa à préserver un espace d’expression libre. Autrement dit, à préserver la démocratie dont elle se réclame (le pays s’appelle République démocratique du Congo, en effet). Ainsi les militants recourent-ils, dans leurs stratégies de communication, à l’identification des acteurs internationaux influents sur les RS : les ONG de droits de l’homme, l’ONU ainsi que les gouvernements et les médias internationaux. En s’intéressant aux profils des webacteurs congolais, comme nous le mentionnons plus en bas, on se rendra compte que des journalistes de Jeune Afrique, RFI, La Libre Belgique et VOA notamment, sont constamment tagués, c’est-à-dire, identifiés de façon à recevoir directement des alertes sur leurs RS, sur la mise en ligne des messages pouvant les intéresser. C’est avec espoir qu’en les reprenant (retweet) ou en en faisant mention dans leurs récits, ces messages aient la chance de circuler davantage dans le monde et d’atteindre des cercles de décisions aussi bien au pays qu’à l’étranger.

5. Profils des webacteurs congolais et réappropriation des parole digitales

42Le corpus qui sous-tend cette analyse nous donne de constater que, d’une parole plutôt inaudible dans l’espace public traditionnel, de nombreux Congolais qui s’expriment sur Internet s’imaginent le cyberespace comme un lieu, sinon un symbole de libération. Avec ou sans l’appui des médias traditionnels, les acteurs majeurs (dont nous dressons en passant un profil global) de l’espace ainsi perçu, procèdent par une approche par la collectivité pour dire « l’agir collectif ». Cet agir se montre comme fondamental dans le processus de réappropriation de l’espace public naguère exclusif. Alors voulu composite, cet espace compte comme le point de départ de la mise en œuvre des changements sociopolitiques souhaités. Cela implique alors des actions collectives, pour dire jeunesse, citoyenneté, ou dans une approche plus militante, pour dire citoyenneté plus active et alors, dans une parole débordant du cadre local.

5.1. Les Mouvements associatifs des jeunes [14169] et le ton de la révolte

43Les faits déclencheurs de nombreux « mouvements citoyens » en Afrique comme au Congo, depuis les révolutions maghrébines, sont quasiment les mêmes partout : pouvoirs politiques voulus sans fin, doublés parfois de répression politicière, parfois d’une corruption presqu’endémique avec pour corolaires une pauvreté grandissante, des systèmes politiques répressifs et l’absence ou la fermeture de l’espace d’expression (Banywesize, 2018 : 12). Pour de nombreux jeunes qui ne sont pas rassurés quant à leur avenir, « Lutter » devient le seul moyen pour obtenir les changements. On notera, à ce propos, que le mouvement de jeunes le plus en vue, Lutte pour le changement (Lucha), cumule ces deux concepts clés : « lutte » et « changement ».

44Bien présent sur Twitter avec un compte certifié (plus de 160.000 abonnés début 2019, et 3000 membres à travers la RDC en 2016), la Lucha naît en 2012, au lendemain de la présidentielle de 2011, contestée par l’opposant Etienne Tshisekedi. Elle se définit comme a politique, et engagée pour la démocratie, ce qui la place en première ligne des mobilisations autour de l’alternance du pouvoir au Congo. Cet événement très attendu, cache en même temps, dans l’éventualité du maintien au pouvoir du président dont le mandat s’achève en décembre 22016, ne favorise l’instauration d’un régime sévère, le pouvoir en place étant déjà accusé de corruption et de ne pas réussir à ramener une paix durable au Congo depuis le génocide rwandais en 1994. La parole de la Lucha, qui fait irruption dans l’espace public congolais dès à sa naissance, ose alors défier un régime accusé de réduire l’espace démocratique et se positionne comme le symbole du Congo qui lutte, voire la voix des citoyens anonymes. Ce qui lui attire beaucoup d’attentions des médias, des milieux diplomatiques et des associations nationales et étrangères. Dans le corpus de cette analyse, « Lucha » se classe l’acteur le plus présent dans la mobilisation en faveur de l’alternance du pouvoir. Son nom apparaît 31 fois dont 28 sur la liste Yebela, avec une fréquence de 8 énoncés dont elle est auteure, et 3 apparitions sur la liste Wumela, et toutes contenues dans ses énoncés propres. Les autres sont des mentions ou identifications d’autres des utilisateurs internes à Twitter, toutes liées à la mobilisation en cours.

45Lucha est aussi initiatrice des campagnes digitales « #ByebyeKabila », à l’approche de la fin du mandat du président Kabila, et « #BalayerLesMédiocres » la veille des élections en retard de 2018. elle a gardé sa parole dans la droite ligne de l’alternance. Même si, on notera de nombreuses critiques, du gouvernement, sur ses relations avec les puissances occidentales dont les États-Unis, soupçonnées de le financer. Il faut noter, par ailleurs, l’autre mouvement analogue : Filimbi. Il est devenu moins actif après 2016, vraisemblablement en raison des arrestations de ses militants.

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LUCHA 🇨🇩‏ @luchaRDC 16 févr. 2016
#Goma, plusieurs routes bloquées par des manifestants qui ont brûlé des pneus sur la chaussée. Route de Sake et avenue du Musée. #Yebela

47Il convient aussi de noter parmi ces acteurs appartenant au « grand public », la diaspora congolaise en Europe, aux États-Unis et en Afrique du sud, parmi les plus actives durant cette période. Sa parole très critique sur Internet, et parfois même très partisane et manipulatoire dans certains cas, dénonce souvent l’inaction des dirigeants, voire le complot sur des événements à fort potentiel émotionnel comme les violences armées. On l’a vu lors de la découverte des fosses communes près de Kananga au premier trimestre de 2015, témoins des massacres des civils victimes d’un conflit coutumier dans le Kasaï. La diaspora avait fortement exploité l’évènement contre le régime Kabila, allant jusqu’à agresser physiquement l’ambassadeur de Kinshasa à Paris. Mais pour Kinshasa, ce genre d’activisme parfois très couvert par les médias internationaux, procède d’une campagne de dénigrement et même, selon le ministre Mende, « une envie de succomber au Congo-bashing ». [15170]

5.2. Les acteurs politiques face à critique et la contestation

48Les acteurs politiques occupent l’espace public presque toujours, le régime au pouvoir davantage que l’opposition. Même si celle-ci se plaignant de ne pas s’y exprimer assez bien, notamment dans les médias publics. Parfois, même au sein du parlement national, l’opposition qui y est minoritaire accuse le pouvoir de ne pas souvent assez la laisser s’exprimer ou ne l’écoute pas assez. Ayant investi les réseaux sociaux pour la plupart entre 2015 et 2018, plusieurs opposants ont déployé sur Internet, une parole très critique contre le pouvoir en place. Le cyberespace, déjà investi par des militants, a ainsi confirmé sa réputation d’espace hostile au pouvoir. Ce qui, parfois, n’a pas empêché le gouvernement d’interrompre Internet plusieurs fois, évoquant toutefois, des raisons sécuritaires selon lui, la veille de grandes mobilisations populaires.

49Malgré tout, on a vu rapidement, dès 2016, émerger de façon très remarquable, des « communicateurs » du parti présidentiel, le PPRD. C’est-à-dire, des personnes formées pour parler aux internautes et y compris aux médias, au nom du parti. C’est notamment Kamanda Kela et Papy Tamba, ou encore l’ancien président de la jeunesse du parti, Patrick Nkanga. Aussi, deux figures majeures sont restées très actives sur la toile : le directeur de cabinet adjoint du président Kabila, Jean-Pierre Kambila, ainsi que l’ancien ministre des relations avec le parlement, un des défenseurs du 3e mandat du président Kabila, Kin-Key Mulumba. Mais ce dernier, alors qu’il était candidat à la présidentielle, s’est désisté en faveur de Félix Tshisekedi.

50A l’opposition, Vital Kamerhe, l’ancien président de l’assemblée nationale, et Olivier Kamitatu, ancien président de l’assemblée nationale lui aussi, sont les plus actifs de la période couverte par notre recherche. Il y a aussi Martin Fayulu et Félix Tshisekedi. Le premier, député national élu en 2011 à Kinshasa, il est arrivé 2e à la présidentielle de décembre 2018. Il n’a pas reconnu la victoire de son adversaire Félix Tshisekedi. Celui-ci, enfin, fils de l’opposant historique et chef du parti UDPS, plus implanté au centre du pays, il a prêté serment comme 5e président de la RDC en janvier 2019, à l’issue de la présidentielle de 2018. L’autre acteur, enfin, c’est Moïse Katumbi, ancien gouverneur du Katanga qui a quitté la majorité présidentielle en 2016, accusant Joseph Kabila de ne pas vouloir quitter le pouvoir.

51Le changement, ou le contre-changement, finalement, n’exclut pas dans l’entendement de ces acteurs, le recours à la communication digitale. Leurs paroles, en plus, sont constamment scrutées par les militants « citoyens », commentées, ou décriées. Ce qui, dans une certaine mesure, explique le silence de certains acteurs gouvernementaux, même présents sur les réseaux sociaux comme les ministres Lambert Mende [16171] et Henri Mova.

5.3. Les journalistes et les médias : les « connecteurs » parfois controversés

52Le statut des médias « classiques », par opposition à « médias sociaux », apparaît tantôt comme celui de connecteurs des sphères émergentes de l’espace public et ses acteurs. Et tantôt, il apparaît aussi comme contesté, réduit. Les journalistes et les médias sont, en effet, davantage impliqués dans les interactions entre les sphères politiques et citoyennes. Dans ces espaces apparus après la réouverture de l’espace politique en 1990, la parole politique citoyenne mobilisatrice (Dugrand, 2012 : 49) est aussi partisane que sur Internet aujourd’hui. Ce qui n’exclut parfois pas des tensions ou violences entre les « débatteurs publics, relayeurs de l’"information" », selon Dugrand, qui s’affirment comme des citoyens à l’occasion de l’énonciation. Cela implique aussi une polarisation très prononcée des récits des médias, et même des médias rangés derrière des camps politiques.

53Mais ce qui change sur Internet, c’est l’accès facile à l’information, et les usages sociaux rendus possibles à l’instar des partages et des commentaires, tel que l’énonciation journalistique (Servais, 2013) devient un enjeu majeur de l’espace public, pour le grand public sollicité par les protagonistes. Les débats, en effet, durant cette période, tournent autour des actualités politiques ou sociales ramenées dans le champ politique. Dès lors, le contournement des médias classiques dans le déploiement de la parole individuelle ou collective, semble faiblir, les protagonistes se préoccupant souvent d’assurer une plus grande visibilité à leurs paroles et d’être mieux présentés dans les médias influents. Ce qui, lorsqu’ils ont le sentiment de ne pas attirer l’attention de ces médias, ou d’y être moins présentés, ils les accusent d’appartenir au système combattu. Ou, en revanche pour le pouvoir, certains commentaires des médias sont ressentis comme procédant de la manipulation des puissances étrangères.

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55En raison de sa couverture des « luttes » Yebela-Wumela, dès leur apparition, que l’hebdomadaire Jeune Afrique et son journaliste Trésor Kibagula apparaissent dans notre corpus, entre 2015 et 2018, parmi les médias. Il y a aussi la française Sonia Rolley de RFI et, au niveau local, RadioOkapi, apparentant à l’ONU le site congolais Actualite.cd. C’est sans oublier aussi la blogosphère politique dont certaines figures remarquables ont rejoint la plateforme HabariRDC qui produit des contenus d’opinions sur la politique. A ce propos, remarquons que comme les mouvements citoyens se définissent comme des acteurs publics crédibles et légitimes (Hansotte, 2005) et le cyberespace comme un espace alternatif dans la communication publique au Congo, la blogosphère elle aussi tend à se positionner comme une alternative à des médias on ne peut plus partisans ou frileux sur les questions de démocratie, des droits de l’homme ou de bonne gouvernance. Très vite, et depuis environ 2010, les blogs se révèlent en tant qu’une source alternative d’informations, concurrençant parfois de grands médias, comme le fait Habari RDC. L’étude de Line Relisieux (2017) sur la blogosphère politique de l’Afrique francophone, couvrant notamment des blogs de RDC, fait à propos émerger parmi les blogueurs politiques, un besoin d’espace de liberté d’opinion et en même temps d’analyse et de commentaire des actualités. L’auteure en conclut au rôle « très important » que jouent les blogueurs politiques africains dans la mesure où ils « répandent » les informations et la liberté d’opinion sur des questions courantes de droits de l’homme, de politique et de droit, entre autres. Ce que, en revanche, ne font pas toujours certains médias privés les plus influents en majorité, parce que proches des dirigeants ou craignant des représailles. Dans les luttes pour l’alternance, certains militants ont alors considéré ces médias comme appartenant « au système » et donc opposés à leurs aspirations.

5.4. Les gens ordinaires sur les réseaux sociaux

56La parole citoyenne dans le cyberespace est sans conteste, l’une des transformations remarquables que le numérique a rendues possibles au Congo et en Afrique, en parlant de la liberté d’expression. Si les politiques semblent plus en phase avec les discours Yebela et Wumela, il sied de souligner le rôle fondamental de nombreux internautes anonymes, dans les échos que se font les compétitions que suscitent ces positions à travers la toile. La communication digitale aurait, sans doute, un caractère purement privé et limité si le grand public n’interagissait avec ces discours, à l’échelle individuelle. La toile devient donc seulement après, une occasion de découverte du caractère transversal de cette parole individuelle qui attire l’adhésion des tiers, pousse à l’altérité et à l’action. Pour ces acteurs, alors qu’ils restent silencieux sur les mêmes thèmes dans l’espace public traditionnel, Internet représente tout un symbole : celui d’une libération, par la parole ou par les moyens démocratiques où les marches, voire pour quelques-uns, la force.

57Parmi ces citoyens chez qui la parole se trouve un espace de libre expression sur la toile, certains ont émergé comme influenceurs, de sorte que leurs énoncés suscitent davantage de réactions d’autres utilisateurs des RS. C’est le cas d’Africa Top Tweet, Kim Kimuntu, ou encore la militante de la Lucha Soraya, qui étaient alors inconnus du grand public avant de prendre la parole au sujet de l’alternance du pouvoir, sur les réseaux sociaux. De nombreux autres webacteurs se sont popularisés aussi en tenant instamment des coups de gueule, ou en critiquant les dirigeants et les médias soupçonnés d’entretenir des secrets. C’est principalement les médias sociaux de la diaspora (Congo mikili, Kin Makambo, Ingeta, Telema, et beaucoup d’autres chaînes YouTube). Parmi eux, nous l’avons mentionné plus haut, certains versent dans la désinformation et l’injure. Faut-il noter en outre, l’ascension remarquable du Youtubeur de Kinshasa Eliezer Ntambwe, auteur de la célère chronique « Tokomi wapi ? » (Où en sommes-nous ? en Lingala). En avril 2018, après sa libération de la prison de Makala à Kinshasa, à la suite d’une plainte du gouverneur du Kasaï Ngoy Kasanji pour diffamation, il s’est fait élire député national en décembre 2018.

6. Conclusion

58Notre étude a porté sur la parole citoyenne. Une portée par les réseaux sociaux, où interagissent acteurs politiques, leaders de la société civile, médias et des citoyens ordinaires. Cette parole est, en outre, révélatrice de nombreuses aspirations populaires parfois opposées, le cas des mobilisations wumela et yebela autour de l’alternance du pouvoir en RDC. Cette parole se conçoit comme agissante plutôt que d’en rester au niveau énonciatif. Et cet entendement, nous l’avons vu chez les mouvements dits citoyens en quête de (ré)appropriation de l’espace public, explique l’engagement à influencer les changements souhaités.

59Nous avons eu recours à l’énonciation, pour effectivement saisir le fonctionnement de cette parole, en identifier les acteurs ainsi que leurs positionnements dans un espace public plutôt alternatif, et naguère composite, où la frontière entre l’espace public traditionnel et le cyberespace se réduit. Un espace en pleine reconfiguration donc, à mesure que le grand public accède aux TIC et expérimente la liberté de parole. Pour les nouveaux acteurs, cet espace public, où se croisent le digital et non-digital, le en-ligne et le hors-ligne (Burger, et al., 2017 : 12), recèle des enjeux de liberté d’expression, de participation citoyenne. De là, ils entendent influencer la gouvernance politique, en redéfinissant la démocratie représentative, et en contrôlant les élus et les dirigeants et même en sanctionner ceux qui ne satisfont guère aux attentes de la communauté.

60C’est là que jouent les mouvements sociaux comme Lucha, Filimbi et d’autres similaires sur le continent africain depuis les révoltions maghrébines en 2011. On peut y percevoir la capacité des réseaux d’acteurs sociaux ou politiques nationaux et internationaux, à impulser ou à soutenir des changements au-delà de leurs cercles d’influence naturels. Les causes locales se nationalisent ou s’internationalisent grâce aux systèmes de communication interconnectés à l’image des réseaux sociaux. Puis, enfin, les médias traditionnels, et les médias participatifs, se montrent en effet, toujours importants dans les mouvements de changements bien que affaiblis par l’influence des médias sociaux.

Bibliographie

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Notes

  • [1]
    Entre 2012 et 2015, le Congo passe de moins 1 % à environ 7 % de taux d’accès à Internet, et essentiellement sur mobile, d’après l’ARPTC. Internet World Stats estime en 2018 à 12 % le taux d’accès à Internet au Congo.
  • [2]
    Nous utilisons aussi l’expression « gens ordinaires » ou « citoyens ordinaires », pour insister sur le fait qu’ils n’appartiennent ni aux partis politiques, ni aux organisations de la société civile dûment reconnus, et qu’ils apparaissent comme appartenant simplement au grand public, parmi les anonymes.
  • [3]
    Le cyberespace est souvent pris comme synonyme de cybermonde. Il désigne alors « la communauté des internautes et les ressources d'informations numériques accessibles à travers les réseaux d'ordinateurs. » Il est aussi l’espace symbolique où grâce à l’accès aux contenus disponibles en ligne, naissent et s’animent des débats autour des questions d’intérêt plus ou moins public, grâce à l’usage des technologies numériques, par des personnes connectées à Internet aussi bien dans les pays développés que moins développés (Douzet, 2014 : 5 ; Paturel, 2018).
  • [4]
    Un hashtag est une application (développée par Twitter, au départ), grâce à laquelle il est possible de lier un message à tant d’autres portant le mot-clé mis en valeur, précédé du signe #. #Wumela apparaît en 2016 et #Yebela remonte à 2011 (il n’avait alors pas de sens que lui confèrent les débats sur l’alternance en 2016). Cfr. note 5.
  • [5]
    Le hashtag Yebela semble bien antérieur à cette date. Avant, il servait de slogan appelant à l’éveil, ce qui a facilité sa transformation en 2015.
  • [6]
    Twitter affiche comme populaires les tweets ayant reçu, selon les cas, au moins 1 mention « J’aime » ou qui a été une fois repris par d’autres utilisateurs (retweet). Il comptabilise aussi le nombre lecture ou de vues.
  • [7]
    En février 1996, des chrétiens catholiques descendaient dans la rue, à Kinshasa, pour exiger du président Mobutu qui l’avait fermée, la réouverture de la Conférence nationale autoproclamée souveraine alors qu’il la voulait sous son contrôle. Cfr. Villers (1997 : 77). Elle fut violemment réprimée.
  • [8]
    Lutte pour le changement, fondée en 2012 à Goma. Ses premières revendications sont sociales (eau, électricité, salubrité…), avant de s’engager sur la voie de lutte pour la démocratie.
  • [9]
    Filimbi veut dire sifflet¸ ou coup de sifflet, en Swahili. Il a été fondé en 2015.
  • [10]
    Il s’agit d’une émission des plus suivies de Radio Okapi, et même de la RDC (Target, 2019 ; IMMAR, 2013). Tous les jours, sauf le weekend, des auditeurs ont la possibilité de donner leur point de vue dans l’émission sur une question d’actualité politique ou sociale.
  • [11]
  • [12]
    Associations de jeunes pro-démocratie du Burkina Faso, du Sénégal, du Togo, de la Mauritanie, de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Mali et de la RDC.
  • [13]
    Déclaration de Ouagadougou des mouvements citoyens africains, disponible sur https://bit.ly/2IF2Xou, consulté le 23 avril 2019.
  • [14]
    Nous nous limitons à présenter deux grands mouvements, plus structurés et des plus en vue. Mais il a existé, ou existe encre, d’autres mouvements analogues Cocorico, La 4e voix, Djec (Debout jeunesse congolaise), etc. Mouvements de la diaspora congolaise : Ingeta (qu’il en soit ainsi, en Kikongo) créé en 2012 et qui contestait les résultats de la présidentielle de novembre de l’année précédente. Il siège vraisemblablement en Suisse, d’après les indications du compte Twitter de « Radio TV Ingeta ». Le mouvement « Telema » (debout ! en Lingala), quant à lui, a été créé en 2015 aux États-Unis par des congolais (Bangré, 2016 : 13).
  • [15]
    VOA, L’ambassadeur de la RDC à Paris agressé ? [En ligne], URL : https://www.voaafrique.com/a/rdc-le-gouvernement-denonce-l-agression-de-son-ambassadeur-a-paris-en-relation-avec-la-fosse-commune/2713077.html, consulté le 24 avril 2019.
  • [16]
    Respectivement porte-parole du gouvernement et ministre de l’intérieur de Joseph Kabila, jusqu’à janvier 2019. Ils comptent pourtant parmi les plus actifs dans l’audiovisuel, principalement à Kinshasa, et répondent rarement aux commentaires des internautes sur leurs propres comptes (Twitter).
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