1C’est une constante des Technologies d’information et de communication (TIC) et de toute innovation profonde, elles nous obligent à réviser notre histoire, à nous interroger sur le statut des évidences que l’on avait fini par rendre naturelles. Nous n’avons jamais autant analysé les pratiques et l’histoire de l’écriture, dès lors que le numérique finit par mettre en cause les formats matériels habituels de même que les modes de stockage et de navigation. Ces technologies de la connaissance paraissent alors plus étendues que ces TIC récentes. Le même phénomène doit se passer pour les objets communicants : plutôt que de céder à la vogue d’un terme séduisant mais toujours quelque peu fourre-tout, il est fort stimulant de s’interroger sur la supposée innovation inscrite dans cette terminologie. Nous nous apercevons alors que les objets ont toujours communiqué : si les innovations contemporaines projetées veulent prétendre au statut d’innovations, il faut dès lors savoir en quoi elles se distinguent de ces propriétés traditionnelles et à l’inverse, nous le verrons, en quoi les propriétés des objets non numériques peuvent inspirer des innovations dans ce domaine même de la communication.
2Il n’est pas inutile dans ce cas de faire le détour par des disciplines des sciences humaines qui depuis un siècle environ (voire plus lorsqu’on remonte à leurs ancêtres philosophiques), ont posé la question du statut des objets : c’est le cas de l’anthropologie que nous mobiliserons ici, parce que, à la différence de la plupart des disciplines, elle a d’emblée pris au sérieux ces objets et ces techniques.
L’anthropologie comme principe de précaution et comme principe de risque
3Aujourd’hui, l’anthropologie peut toujours aider à la compréhension des enjeux de nos relations aux objets les plus contemporains, les plus hautement technologiques. Percevoir ces enjeux, comprendre jusqu’où nos relations avec notre environnement technique mobilise des histoires, des affects, des images profondément ancrées, permet de mettre en œuvre une forme de principe de précaution. Il est vrai que les TIC jouissent de ce privilège insensé de pouvoir développer quantité d’applications qui font système et qui nous imposent « leurs lois » dans la vie quotidienne sans que des alertes, des controverses, des principes dits « éthiques » soient mobilisés. Pourtant, dès lors que les applications dites « objets communicants » déplacent les liens traditionnels que nous avons avec les objets, il n’est pas inutile d’anticiper sur les chances d’acceptabilité, sur l’importance ou non des attachements aux modes de relations anciens. Cette approche n’est pourtant pas, comme tout principe de précaution d’ailleurs, un principe d’abstinence, mais au contraire principe d’action mesurée, informée et adaptée, qui peut déboucher même sur un principe de risque. Nous avons en effet d’une certaine façon l’obligation de prendre en compte ces changements dans nos relations aux objets et pour cela de connaître l’histoire de ces relations traditionnelles, pour innover, pour proposer des pistes d’objets, de services qui sortent des sentiers battus, des modèles « techno-push » classiques. Cela conduit à s’intéresser avec précision au commerce que nous entretenons avec les objets, aux activités (et non seulement aux tâches, car les activités ne sont pas nécessairement prescrites et doivent faire sens pour l’utilisateur), aux échanges (et non seulement à la consommation individuelle des objets), aux dynamiques désirantes (qui fonctionnent toujours au substitut, au tenant lieu, et non aux besoins, notion qui devrait être bannie de toutes les approches d’innovation). Principe de précaution ou principe de risque, la question posée n’est déjà plus techno-centrée ni même fonctionnelle. Il s’agit bien, à l’aide de ce détour anthropologique, de comprendre ce qui a valeur et sens pour les personnes, dans leurs contextes, et dès lors d’imaginer comment enrichir et déplacer ces ressources, ces attentes vers des « solutions » dans lesquelles les objets communicants s’insèrent, sans devoir porter à eux seuls toute la réponse.
En quoi les objets ont ils toujours communiqué ?
4Les objets techniques, rappelons le quand même, ont été conçus par des humains et pourtant ils ont réussi à s’en détacher pourrait-on dire, à vivre leur vie, parfois fort éloignée de ce qui avait été prévu par les concepteurs. Ils ont été conçus dans un réseau, nécessairement hétérogène (cf. l’actor-network theory, Akrich, Callon et Latour, 1988), et de fait pris dans des points de vue parfois contradictoires : s’ils ont survécu à ces controverses, petites ou grandes, qui font la vie de tout projet, c’est qu’ils ont réussi à gagner ce statut d’objet-frontière (S.L. Star) qui leur permet d’être membre de plusieurs mondes à la fois et surtout de permettre à ces mondes de se connecter de façon durable. Ils ont ainsi été communicants par leur existence même de marqueurs d’un réseau qui s’est cristallisé.
5De façon plus classique et pour suivre leur cycle de vie, chacun reconnaît que les objets avec lesquels il équipe son environnement ont été échangés, sous une forme ou sous une autre, à travers un don ou dans le cadre d’un échange commercial. Et nous savons bien que cette histoire de l’échange colle à ces objets, pour des raisons de garantie parfois, mais aussi pour des raisons personnelles. Sans avoir à devenir supports d’information en tant que tels, les objets matérialisent des liens, des événements, des valeurs, attachés aux échanges qui ont eu lieu. La monnaie est cependant un objet particulier dans cet échange puisqu’il est par excellence communicant en raison de sa capacité à perdre toute marque de propriété, comme « équivalent général », quand bien même la monnaie renvoie toujours à une autorité émettrice (et la métaphore de cette origine et de cette responsabilité devrait d’ailleurs être méditée).
6De ces histoires longues d’échanges successifs, restent des traces qui ont aussi une dimension collective : des groupes entiers finissent par se définir à l’aide de ces marques techniques. Les objets portent alors des marques culturelles qui les rendent quasi naturels pour les uns et totalement exotiques pour les autres. La prétention universelle de toute marque technique est très vite remise en cause par sa confrontation à d’autres objets issus d’autres cultures : la communication se marque dans l’objet lorsqu’il faut faire l’effort de manger avec des baguettes ou avec des fourchettes, si naturelles pour certains et si étrangères pour d’autres.
7Les concepteurs eux-mêmes n’ont pu s’abstraire de leurs univers d’appartenance et produire de fait une situation de confrontation culturelle qui peut créer des blocages. Dans tous les cas, les choix fonctionnels et ergonomiques effectués ont inscrit « en dur » de véritables « programmes d’action » : l’utilisateur, malgré tous les discours sur la personnalisation et l’adaptation, ne pourra pas faire n’importe quoi avec l’objet qu’il a acquis. Il aura affaire, pourrait-on dire, pour transposer les termes d’U. Eco (1965) pour le texte, à des objets « ouverts » ou « fermés », selon qu’ils autorisent plus ou moins de jeu avec le programme d’action prédéfini. C’est bien un contrat de coopération, qui s’établit dans les choix techniques, qui donnera plus ou moins de place à l’utilisateur.
Les objets ne se contentent pas de communiquer avec les humains, comme nous venons de le voir, mais ils doivent en permanence s’ajuster avec un état d’un système technique plus vaste : ils doivent être compatibles avec toute une chaîne, qui comporte aussi des humains lorsqu’on prend en compte l’approvisionnement en consommables, la maintenance, etc. Comme nous l’avions montré pour les automates (Boullier, 1996), leur programme affiché d’autonomie et de prise en charge à la place des utilisateurs ne rendait pas compte de tout le travail d’ajustement avec d’autres machines, avec d’autres entités : le monnayeur, les cartes possédées par les utilisateurs (et le travail que cela suppose), les agents qui rechargent ou qui dépannent. Les objets les plus ordinaires sont de fait pris dans des « systèmes opératoires distribués », à l’exception peut-être d’objets à usage unique sans autre ressource ni manipulation nécessaires ! Les objets ne nous ont pas attendu pour communiquer entre eux. Certes, désormais, nous entendons bien supprimer les fils et les doter de capacités d’autonomie et d’ajustement réciproques inédites, mais le principe de compatibilité technique n’est en rien nouveau et fait d’ailleurs partie des exigences de base de tout développement.
Les objets nous parlent, nous parlons des (aux) objets
8La « révélation » de la nature communicante des objets risque de faire apparaître comme nouveau un phénomène existant depuis longtemps et d’obliger les objets, qui plus est, à communiquer sans le langage, car après tout, c’est l’immédiateté qui est recherchée. Ce serait alors oublier la nature profondément langagière de notre commerce avec les objets : nous ne cessons d’en parler et l’on peut dire que c’est même la condition pour un couplage homme-machine réussi. Les dispositifs les plus simples comme la cuillère, le lacet, la bicyclette ont fait l’objet de longues explications, certes souvent vouées à l’échec (apparemment) mais leur caractère naturel, spontané, évident, a fait oublier tout ce travail verbal, toute cette mise en mot, comme nous l’avons montré ailleurs (Boullier, 1992). Plus tard, c’est une formation explicite, par des spécialistes, qui remplira la même fonction de socialisation, par apprentissage et non plus par imprégnation. Les modes d’emploi font partie de tous ces dispositifs verbaux, ici sous forme de textes, qui déplient la procédure, qui déplie l’objet (« explicit », c’est déplier, comme il était indiqué à la fin du volumen en rouleaux). Et ces textes ont été déjà produits en cours de conception, toute une chaîne de textes a décrit (Akrich, 1987) ces objets, à travers des documents qui sont autant d’objets intermédiaires (Vinck, 1998). Et comme si cela ne suffisait pas pour montrer l’imbrication étroite du langage et des objets, nous avons, les uns et les autres, des habitudes sur lesquelles nous préférons être discrets : nous parlons à nos machines, à la voiture qui ne démarre pas ou qui a bien tourné, à l’ordinateur qui plante, etc. Nous avons des relations anthropomorphiques avec les objets comme l’ont montré S. Turkle (1984) chez les enfants ou Don Ihde (1974). Nous attribuons une intentionnalité à ces objets, et cela ne dépend pas de leur complexité ni de leur apparente indépendance. Nous sommes en fait déjà équipés des catégories et des formats anthropologiques pour accepter que des objets soient vraiment mus par des intentions programmées, prennent des décisions, apprennent et nous associent à leurs évolutions : mais attention, tout le modernisme a consisté à tracer une frontière hermétique entre cette rationalité ordinaire, cette pensée sauvage, voire ces croyances ou ces réflexes d’une part et la rationalité scientifique supposée gouverner désormais toutes nos pratiques les plus quotidiennes (Latour, 1992). Dès lors qu’on joue avec cette frontière sur les objets inanimés qui n’avaient surtout pas d’âme (même si Pascal se posait, lui, sérieusement la question avec ses automates), on court le risque de déstabiliser des mondes jusqu’ici prétendus étanches, malgré leur communication permanente.
9Ces objets de fait nous parlent depuis longtemps et nous les avons équipés en partie pour cela. Toutes les machines portent avec elles des éléments de textes, sous forme de consignes, de signaux, d’affichages divers, à destination humaine. Certains d’ailleurs vont jusqu’à parler vraiment, comme les R25 particulièrement énervantes d’une époque, et l’on sait alors qu’il ne faut pas abuser de cette ressource qui permet à l’objet de s’imposer, alors qu’un voyant ne fait qu’offrir son information à votre vision. La performance ou la facilité d’usage d’une interface (ici vocale) peut ainsi entrer en contradiction avec l’asymétrie souhaitée entre humain et machine. Les objets communicants devront donc éviter de devenir des objets bavards et devront apprendre à ne pas couper les conversations, bref apprendre le savoir-vivre, ce qui est après tout une bonne définition de la communication.
10Mais lorsque le linguistique ou le sémiotique n’est pas présent, les objets n’en continuent pas moins d’émettre des messages sensoriels, de donner de la douleur ou du plaisir, de repousser ou d’attirer, etc. Il faut certes tout le travail des experts en analyse sensorielle pour faire parler ces objets, pour donner une voix interprétable et exploitable à ces sensations, mais les choix faits sur cette base peuvent avoir des effets décisifs sur la vie d’un produit, et il serait bien naïf de les ignorer ou de traiter des décisions de design, de matériaux, de couleurs, etc., comme des dimensions secondaires d’un objet. C’est en effet à travers la médiation de ces sensations que nous entrons en relation avec ces objets, ce sont elles qui vont nous donner prise, qui vont même faire pli (Bessy et Chateauraynaud, 1995), il est donc essentiel de prendre en compte au même titre toutes les dimensions communicantes des objets.
Plus largement, sans avoir à parler ni même à afficher des formes ou des teintes fortement connotées, tout objet porte avec lui une histoire qu’il va diffuser. Le rapport aux objets est toujours pensé dans un rapport aux objets neufs. Comme si, tout d’abord, un objet sorti d’une usine, après des années de conception, de controverse interne, ne portait pas d’histoire, et même une marque forte de cette histoire qui puisse accrocher quelque chose chez le client. Comme si, ensuite, nous ne passions pas 99 % de notre temps de vie avec des objets « usés », c’est-à-dire déjà marqués par l’histoire des uns ou des autres, la sienne, celle des autres utilisateurs pour les biens publics mais aussi celle de ses ancêtres, de l’installateur qui l’a si bien réaménagé, de l’enfant qui s’y est cogné, etc. Les objets nous parlent de tout cela, ils gardent trace de tout, et les antiquaires le savent bien qui rajouteraient plutôt des traces lorsque l’objet est trop neuf. Ils offrent une prise sur d’autres univers : ce n’est pas seulement la madeleine qui communique mais tous les objets qui nous entourent. Le mobilier notamment devient une nouvelle peau, un dépôt externe d’une histoire, qui nous renvoie des images et qui soutient celles que l’on construit. C’est pourquoi il est par exemple fortement recommandé de réparer immédiatement toute dégradation dans un immeuble (une vitre cassée, un lambris taggé) pour éviter que l’image négative ainsi renvoyée ne relance l’agressivité contre cet environnement lui-même en encourageant de nouvelles déprédations.
Tous ces enjeux demandent à être présentés systématiquement, autour de trois « dimensions » : faire sien, faire autre, faire pour.
Faire sien
11Parlant des meubles, nous avons déjà introduit la question de ce lien particulier qui nous unit à nos objets, qui nous permet de les faire nôtres. Des approches interactionnistes comme celle de Goffman (1973) ont permis d’analyser des phénomènes similaires dans des espaces publics, lorsque tout se passe comme si nous avions autour de nous une « bulle » qui oblige chacun à respecter des distances interpersonnelles (variables selon les cultures d’ailleurs, ce qui pose des problèmes interculturels classiques étudiés notamment par Hall, 1984). Mais lorsque des objets sont déposés dans une zone voisine dite proximale, ils étendent cette bulle et l’on ne peut guère les considérer comme indépendants. Lorsque, sur la plage, on dépose sa serviette un peu plus loin, ou même lorsqu’on s’en absente, la présence de la personne, sa propriété, certes provisoire, sur cet espace, est reconnue. La frontière de la personne avec l’environnement que l’on dirait extérieur est donc plus incertaine qu’on ne l’admet lorsqu’on veut réduire la personne à l’individu, c’est-à-dire à sa frontière biologique. Non seulement cela s’observe dans l’espace mais aussi dans le temps. Les cadeaux, largement étudiés par l’anthropologie dans les cycles du don, gardent la trace du donateur alors même que techniquement ils sont identiques à ce que nous aurions pu trouver dans un supermarché : ils prennent une autre valeur dit-on, parce que l’autre y est présent, disent les « indigènes » et Mauss avec eux (1950), mais les modernes que nous prétendons être, font pourtant de même et ne parviennent pas à jeter à la poubelle des objets inutilisables ou peu appréciés dès lors qu’ils ont été offerts. Notre propre zone d’influence va donc au-delà de notre corps et quand nous sommes absents de notre bureau, il nous plaît de penser que celui qui peut l’occuper provisoirement en notre absence se considérera toujours comme un étranger et qu’il sentira notre présence, notre propriété sur cet espace.
12Dès lors que la frontière du corps n’est plus définitoire de la personne, on comprend que la place des objets communicants peut être très variable mais qu’elle peut perturber des frontières établies bien en dehors du corps. Mais à coup sûr, lorsque l’objet prétend pénétrer le corps, l’inquiétude est encore plus forte, quand bien même nous insistons sur le fait qu’elle devrait être aussi grande pour les zones proximales et les formes de propriété étendues de la personne. C’est le cas de la prothèse, qui devient particulièrement performante lorsqu’elle disparaît pratiquement de la conscience comme objet extérieur, comme apport allogène et qu’elle devient un prolongement de tout l’être. Les prothèses imaginées à l’aide la bio-informatique sont, elles, moins visibles et l’on peut penser qu’elles posent moins de problèmes pour atteindre ce couplage décisif. Mais elles portent des capacités d’action autonomes, elles perturbent inévitablement les modes de décision habituels et de ce fait, c’est au niveau du sentiment de maîtrise que peut naître une inquiétude. N’oublions pas dans l’autre sens que l’humain peut lui aussi s’immerger dans la prothèse en question, à travers des interfaces immersives équipant progressivement tous les sens. Sa capacité à récupérer de la maîtrise et à se sentir malgré tout « propriétaire » de cet univers virtuel peut alors limiter ces craintes : mais dans tous les cas, c’est une adaptation non négligeable qu’il faut envisager pour apprendre à régler cette asymétrie dans la prise des objets ou des humains sur la situation.
13Un type particulier d’objet a retenu notre attention depuis que le téléphone portable s’est généralisé et depuis que nous avons étudié les usages des automates urbains. Loin de se résumer à des dimensions fonctionnelles, le « coup de fil » dit beaucoup sur le type de lien que l’on crée, que l’on ravive, que l’on maintient avec cette opération et à l’aide de cet objet. Avec le téléphone portable et plus précisément avec sa carte SIM, personnelle, conservant un annuaire qui reste singulier, non transférable d’une personne à l’autre, c’est tout le réseau personnel qui est transporté avec soi. Cette extension de soi dans les objets présente cette particularité d’agréger des données sur des personnes fort diverses, qui ne se connaissent pas nécessairement entre elles, qui font partie de mondes étanches parfois et dont le centre ou plutôt l’intersection, comme le dit Simmel pour définir la personne, est représenté par cette personne singulière sous la forme de son représentant qu’est une carte SIM. Ce sont donc des appartenances qui se transportent, qui peuvent être appareillées. Mais ce constat rejoint nos observations sur les automates : pour payer, le client sort sa carte bancaire qui indique déjà son appartenance à une institution qui lui reconnaît un certain statut, qui lui fait une certain crédit éventuellement, en tous cas qui lui permet d’agir sur le monde, d’avoir prise sur lui par ses achats en tant que membre (ici, client) d’une institution. Ce constat, permis par l’attention aux propriétés de deux objets dits numériques et sans doute communicants que sont la carte SIM et la carte bancaire, peut en fait être étendu bien au-delà, car lorsque, dans un programme de recherche en cours, nous commençons à observer ce que chacun porte avec lui, dans son sac à main ou dans son portefeuille, dans ses poches, nous constatons que tous les objets prolongent la personne et marquent ses appartenances à divers mondes.
14C’est pour cette raison que nous avons proposé de désigner sous le néologisme d’habitèle (Boullier, 1999), ce phénomène qui relève en fait d’une compétence humaine à appareiller nos appartenances et à s’en faire une nouvelle peau. Ce vocable exploite la racine de habere, que nous trouvons aussi dans l’habit, dans l’habitat et encore dans l’habitacle. Dans ces trois cas, il s’agit bien de désigner comment nous possédons le monde techniquement, c’est-à-dire comment nous étendons notre personne à des matérialités externes au point de les rendre internes. Plus précisément c’est même notre dimension de sujet doté d’un corps qui est ainsi équipée techniquement, dirait Gagnepain (1995). Il ne suffit pas de reprendre la littérature classique sur la distinction, formalisée notamment par Bourdieu (1979), en l’appliquant aux vêtements, au cadre bâti ou encore aux voitures. Certes, cette dimension des objets les rend communicants aussi. Mais c’est leur couplage étroit avec le sujet, qui est ici interrogée, au point de produire une nouvelle peau, tout aussi naturelle pour certains. Dans le cas de l’habitèle, de nombreux dispositifs permettent de produire une peau avec tout nos réseaux d’appartenances multiples. Les objets deviennent alors une part de nous, ils deviennent très singuliers mais, nous allons le voir, dans ces objets qui mettent techniquement en réseau en même temps qu’ils le manifestent, c’est aussi quelque chose de l’autre qui vient près de nous, que nous allons porter avec nous, qui va faire corps avec nous.
15Chacun pourrait faire cette liste mais il est intéressant de noter certaines de ces propriétés car elles nous disent aussi sur quoi peuvent porter les innovations. Tous ces objets peuvent être considérés comme des terminaux, au sens où ils vont nous autoriser des accès, dans une société qui valorise par excellence cette dimension (Rifkin, 2000). Nous portons avec nous des ressources conventionnelles pour entrer dans les échanges, ce qui se dit plus simplement sous le nom de monnaie, marque d’une communauté d’appartenance, d’un certain pouvoir (d’achat) et d’une certaine confiance (fiduciaire dit-on) : lorsque la communauté de référence change, comme avec l’euro, c’est un autre monde qui s’offre à notre portée et ce n’est pourtant pas aussi simple à accepter. Nous pouvons aussi porter avec nous des marques des liens d’abonnement pour exploiter un réseau technique, comme une carte de téléphone par abonnement : c’est alors un moyen de paiement différé mais aussi un accès technique qui est permis, à condition d’être membre et de garder la marque technique (carte+code) de cette appartenance.
16Au-delà de cet usage particulier d’un réseau technique, de nombreuses cartes, bancaires ou de crédit, permettent d’avoir accès à certains services, à certains achats ou opérations diverses, à des ressources, avec cette condition qui les rend bien différentes de la monnaie, que la marque personnelle soit aussi présente : une carte bancaire fait dès lors partie de la personne à un autre niveau que la monnaie que l’on garde temporairement. Cartes de crédit, cartes bancaires ou cartes téléphoniques avec abonnement sont en fait toutes productrices d’information qui vont aller sur les réseaux, et qui vont raconter ce que nous faisons, sans même nous le dire, aux organismes qui ont émis ces cartes. Les fichiers clientèles des « carteurs » (Gille et Mathonnet, 1994) permettent de suivre des consommations et sont une source inestimable d’études et de projections marketing. Chacun porte avec lui non seulement une prise sur le monde mais dans le même temps, autorise une emprise sur lui-même, sur sa sphère intime, qui est certes encadrée légalement mais qui lorsqu’on y réfléchit bien, est acceptée avec une grande aisance malgré son caractère profondément intrusif.
17Ces données personnelles, leur organisation en fichiers, sont aussi présentes dans des marques d’autorisations légales d’accès qu’est par exemple le permis de conduire : il a fallu un examen, un enregistrement, une reconnaissance par l’Etat et chacun est tenu de le porter sur lui lorsqu’il exploite ce permis. Dans le même registre, ces documents peuvent porter la trace de droits acquis, comme la carte d’assuré social, devenue elle aussi carte à puce avec Vitale, et qui devient un outil d’accès à des ressources, en portant des informations administratives pour l’instant et bientôt médicales.
18A l’opposé de ces documents et cartes nominatifs, supposant des procédures élaborées pour être membre ou ayant droit de certains réseaux, il existe des supports ordinaires, plus proches de la monnaie qui permettent d’accéder à des services techniques : les tickets de métro, les timbres poste sont des consommables qui ne sont pas attachés à la personne, pourtant ils sont la condition pour pouvoir effectuer certaines opérations, ils marquent un client potentiel.
19Mais l’usage technique de certains dispositifs peut lui aussi donner lieu à extension portable : les clés sont un souci permanent pour certains car ils sont la condition pour accéder à des espaces, à leur véhicule, mais ils ne sont pas nominatifs, ils peuvent être utilisés par un autre, à condition d’avoir la ressource technique complémentaire, la serrure. Les questions de compatibilité sont ici illustrées et elles sont essentielles dans ces objets qui communiquent d’abord entre eux sur le plan technique.
20Tous ces objets étaient caractérisés par le potentiel technique qu’ils offraient. Mais nous portons souvent avec nous des objets « qui ne servent à rien », qui sont là seulement pour témoigner, pour faire trace et pour rendre visible notre histoire personnelle : les photos familiales, qui servent éventuellement dans une conversation mais parfois pour son seul plaisir ou pour raviver sa peine. Cette histoire, elle est aussi présente dans un agenda, qui garde trace de nos activités passées et futures ou dans un carnet d’adresses, qui rejoint ainsi la carte SIM du portable : dans ce cas, notre histoire est organisée fonctionnellement, sous forme de listes de noms, de tableaux des jours, mais ce sont nos appartenances qui sont ainsi inscrites et traduites en indices matériels que nous pouvons porter avec nous.
21Ce tour d’horizon sommaire permet de dresser une première liste de propriétés techniques de ces supports des appartenances qui constituent l’habitèle.
– Ils sont portables et plus ou moins couplés au corps : c’est en cela qu’ils deviennent petit à petit une peau permanente, d’autant plus importante que notre société filtre de plus en plus les accès aux ressources et aux espaces et qu’un sentiment général d’insécurité nous conduit à vouloir porter en permanence avec nous, au cas où, ce qui serait nécessaire à agir, à nous identifier, etc.
– Ils sont compatibles, ils doivent s’inscrire dans des chaînes techniques, juridiques, administratives complexes : isolés, ils ne sont rien et ce point est important à rappeler lorsqu’on traite d’objets communicants !
– Ils sont marchands parfois mais pas nécessairement : les médiateurs qui s’insèrent de ce fait dans la chaîne technique de service produisent des types de liens variables selon les principes qui les gouvernent. C’est toute l’architecture des objets qui peut en être changée.
– Ils sont chargés d’information, ce qui est sans doute une banalité, mais cette information autorise alors des exploitations multiples et une plasticité plus grande que certains objets comme des clés ordinaires, elle permet aussi des traitements multiples par des intermédiaires divers, ce qui fait toute la nature du service lui-même.
Faire autre
22Nous avons adopté le point de vue selon lequel l’habitèle serait l’extension technique des appartenances de la personne. Disant cela, nous supposons que le pouvoir ou la maîtrise sur le monde s’étendent. Pourtant, plusieurs de nos exemples nous ont montré que c’était en même temps l’occasion de donner prise à un autre sur soi, à travers les informations, les autorisations, la traçabilité, etc. Cet enjeu est celui de tous les objets même s’il paraît plus évident sur des objets communicants, distribués par des agences, par des gestionnaires de réseaux, qui de ce fait prennent la personne dans leurs filets. En réalité, comme l’anthropologie l’a longuement documenté, tout échange marque l’objet comme venant d’un monde, comme portant une marque de propriété dont il n’est pas si aisé de se défaire. C’est en cela que le paiement est autre chose qu’une rétribution du travail incorporé, c’est une façon de dénouer le lien du producteur avec son objet et de faire passer l’objet dans l’univers de l’acheteur, ainsi que le jeune Marx l’avait déjà bien établi, ce qui se traduit par une forme d’aliénation pour le producteur qui devient étranger à sa propre production devenue marchandise. La marchandise permet d’accentuer la circulation des biens en les détachant de toutes les marques personnelles. Car, dans le don notamment, l’autre reste présent dans l’objet, nous l’avons dit, et pourtant, nous pouvons de ce fait nous y attacher et le faire nôtre : c’est sa valeur d’altérité qui paradoxalement nous le rend « cher ». En fait, la séparation du concepteur avec son objet, organisée par la marchandise et la production en série industrielle, n’est pas aussi évidente qu’il y paraît.
23Ainsi, les utilisateurs perçoivent spontanément un objet nouveau non seulement dans sa matérialité mais comme produit d’un humain, supposé doté d’intentions. C’est ainsi que l’on peut comprendre la tendance générale à attribuer des intentions à tout choix technique qui se verbalise parfois dans les phases de doute : « Mais qu’est ce qu’ils ont voulu faire, là ? Mais pourquoi il(s) nous demande(nt) ça ? Qui est ce qui a bien pu concevoir un truc pareil ? Ils ne sont jamais venus dans une cuisine ma parole ! » L’objet nouveau n’est pas a priori compatible culturellement ni parfois techniquement avec l’environnement personnel, en partie d’ailleurs parce qu’il est standard et de série et que le travail d’ajustement doit encore être fait pour se l’approprier, parfois même pour le paramétrer. Cet objet communique ainsi de l’altérité, il est étranger et tout le travail des ergonomes notamment est de rendre plus compatibles ces univers éloignés en injectant des utilisateurs (mais déjà réduits bien sûr) dans le monde des ingénieurs. Nous avons d’ailleurs indiqué à quel point les échanges au sein d’une équipe projet pouvaient déjà être significatifs d’une orientation vers autrui ou non et de ce fait d’une capacité à accepter l’altérité de l’utilisateur (Boullier, 2000). Il reste que le travail à faire par l’utilisateur reste inévitable dès lors qu’un produit est innovant : des cadres cognitifs anciens sont certes mobilisés, des routines sont exploitées, des transferts sont possibles depuis une expérience vers une autre mais l’objet n’accepte pas toutes ces importations, il résiste. C’est le cas notamment lorsqu’il tombe en panne et que rien ne permet de comprendre la cause de cette panne. Dans ces moments, on mesure que l’objet ne peut communiquer qu’à la condition d’être équipé de tous les outils de traduction que sont un service après-vente, un manuel etc., (à condition qu’ils ne compliquent pas la traduction). Dans tous les cas, il est vain d’espérer trouver une transparence, une immédiateté, une évidence qui ne peut se construire avec du temps, dans le processus même de l’acquisition et de l’appropriation.
Cette étrangeté de tout objet qui arrive dans un monde donné peut en fait se retrouver aussi tout au long du cycle de vie du produit : lorsqu’il tombe en panne, nous l’avons dit mais aussi lorsqu’il devient tellement naturel qu’on l’oublie, qu’il sort de notre relation de domination pour vivre sa vie. L’appropriation, c’est paradoxalement une forme de commerce apaisé avec les objets qui suppose d’accepter leur autonomie, de ne pas leur demander de s’adapter à toute situation et à chaque façon de faire particulière, qui les rend quasiment naturels, sans chercher toujours à expliciter ou à normaliser leurs états. Bruno Latour (1996) dit que « les objets nous dépassent » en parlant notamment des fétiches (qu’il écrit faitiche pour indiquer pourtant qu’ils sont bien fabriqués mais qu’ils ont en même temps un pouvoir qui leur est propre). Les objets ordinaires, et surtout les objets communicants, sont et seront des objets qui nous dépassent, qui par exemple se parlent entre eux, qui s’ajustent sans qu’on leur demande explicitement (mais dès lors pas toujours à bon escient !), « qui marchent quand ils veulent », dit-on parfois, en pestant ou en se résignant. Dès lors, les humains pourront craindre, comme le montre toute la science-fiction et notamment celle qui traite de notre cohabitation avec des robots, chez Asimov, de se voir mis hors jeu. Il ne s’agit pas de disqualifier a priori ces craintes, de les considérer comme irrationnelles ou uniquement romanesques : les objets communicants poseront des questions en apparaissant inévitablement plus « autres » que les objets précédents, dont nous avons montré pourtant toute la dimension d’altérité. Prenons cette question au sérieux dans les choix techniques eux-mêmes sinon les objets reviendront nous tirer les pieds la nuit en faisant chuter les cours !
Faire pour
24Ces objets qui vivent leur vie ou tout au moins qui manifestent leur origine étrangère aux routines et aux savoir-faire acquis remplissent pourtant des fonctions : c’est souvent comme cela que l’on espère éviter les conflits culturels ou les difficultés d’appropriation, en pariant sur la valeur d’utilité de ces objets. S’ils servent à quelque chose, ils seront acceptés. C’est certainement faire preuve de naïveté car servir, c’est déjà supposer le problème réglé. Ce qui caractérise en effet toute technique nouvelle, c’est qu’elle prétend faire autrement ce que l’on faisait d’une certaine façon avant, même lorsqu’il s’agit de se déplacer en volant par exemple (le déplacement existait avant) ou faire autre chose avec des moyens qui préexistaient en éléments séparés. Elle introduit toujours un déplacement technique des moyens et des fins. Mais dans le même temps, elle introduit aussi des déplacements de « charges sociales », c’est-à-dire de division du travail : nombre d’innovations aboutissent ainsi à mettre au chômage des spécialistes que la machine pourra remplacer plus efficacement.
25Cet enjeu macro-social est présent dans toute relation à l’objet technique : jusqu’où fait-il à la place de l’utilisateur ? Jusqu’où se substitue-t-il à lui ? Cet arbitrage doit toujours rester en question et non considéré comme réglé. Les cas de substitution vécue comme abusive dans le pilotage de process et qui entraîne des pertes de vigilance ou de motivation à l’origine de certains accidents sont bien documentés chez tous les spécialistes du risque. La suppléance permet de compenser et de produire d’autres chaînes d’information/action sans pour autant prétendre à la substitution. L’assistance permet encore une autre équilibre, dans certaines situations seulement (Gapenne, Lenay, Boullier, 2001). Cet ajustement des prises en charge entre humain et objet doit être finement réglée car on ne fait pas « faire à la place de » impunément. Et il n’est pas simple de décider cela a priori. Les styles d’usage, que nous avons pu construire à partir de travaux sur les modes d’emploi, avec observations longues d’utilisateurs (Boullier, Legrand, 1992), s’imposent à la répartition prévue par le concepteur : les « autonomes » refusent a priori toute prise en charge et voudront de toute façon maîtriser la machine, lui dicter leurs ordres et ne pas se laisser conduire par des programmes et des paramétrages qu’ils n’auraient pas décidés. Ils sont prêts pour cela à explorer longuement les possibilités de la machine, par essais-erreurs car ils sont sûrs de leur compétence. A l’autre extrême, les « hétéronomes », demandent a priori à être pris en charge, ils ne veulent faire que l’opération sûre et correcte, alors que leurs compétences leur permettraient pourtant parfois de se lancer dans des explorations. La machine qui prévoit un usage standard, paramétré par défaut, qui décide à la place de l’utilisateur, est alors bien accueillie.
Ces styles dont nous ne pouvons encore expliquer la formation, s’enracinent dans nos capacités d’humains à faire pour autrui ou à déléguer à d’autres, ce qui est au fondement de tout métier. Mais cela suppose une certaine asymétrie : à ce moment, nous pouvons dire à nouveau que la personne peut prendre l’objet à son service ou inversement se trouver en position d’être prise à son service. Le terme de prise a changé de sens, ce n’est plus seulement un autre qui est en cause mais autrui, un enjeu non plus de différence et conflit culturel mais un enjeu de prise en charge, de délégation. L’objet n’est jamais a priori esclave, ni maître (Latour, 1994) : il faut à la fois prévoir un « contrat de coopération » particulier que l’on implémente dans l’architecture même de l’objet et qui donne une place à chacun, une répartition des charges, mais il faut aussi anticiper sur les possibles demandes de contrats de coopération différents, avec plus d’autonomie ou au contraire plus d’hétéronomie. Cette contrainte et cette tension ne sauraient être soudain réduites par les vertus communicantes des objets : on peut cependant entendre ce nouveau qualificatif comme une promesse d’adaptation à ces contrats de coopération différents, ce qui paradoxalement ne veut pas nécessairement dire donner toujours plus de choix et d’autonomie à l’usager.
Conclusion
26Ces remarques ont pu sans doute paraître en partie fort éloignées des enjeux techniques et des choix que doit faire une équipe de développement. Pourtant, elles peuvent servir à la fois de principe de précaution et de principe de risque comme nous l’avons dit.
27L’innovation technique ne peut manipuler sans le savoir des statuts établis des objets et des humains : non pas qu’il soit impossible de toucher à tout cela, mais il convient au moins de chercher à savoir ce que l’on fait et de faire preuve de prudence (ce qui n’est pas de l’inaction), notamment lorsqu’on joue avec ces frontières que sont les peaux biologiques et culturelles. A l’inverse, réfléchir à toutes les fonctions en cause dans nos relations aux objets, c’est s’autoriser une plus grande créativité, en sortant des lieux communs sur « l’intuition », sur la « transparence », sur « l’autonomie », sur la « personnalisation ». Une réflexion en termes de contrat de coopération peut conduire en effet à innover radicalement dans la charge que l’on met sur le produit. En réalité augmentée par exemple, on sait en effet qu’il n’est pas nécessaire de jouer la substitution mais au contraire de se mouler comme suppléance pour certaines tâches, comme assistance pour d’autres ou comme enrichissement. La possibilité notamment de débrayer de ces contrats de coopération est une qualité qui peut être souvent améliorée en étudiant ses enjeux.
Il resterait encore à aborder d’autres enjeux anthropologiques qui permettent de comprendre comment un objet devient désirable ou non, comment il attire ou il repousse, malgré la richesse ou le perfectionnement de ses fonctionnalités. C’est dire encore que ces objets mobilisent non plus seulement de l’autre et de l’autrui mais du désir et de la norme, et que c’est souvent ce qui assure leur succès sur le marché. Ne l’oublions pas, dans cette épreuve de vérité où les bonnes intentions et les perfectionnismes techniques ou ergonomiques se trouvent soudain relativisés !
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Date de mise en ligne : 01/09/2010