Notes
-
[1]
L’idéologie spatiale peut être définie comme (…) un système d’idées et de jugements, organisé et autonome, qui sert à décrire, expliquer, interpréter ou justifier la situation d’un groupe ou d’une collectivité dans l’espace. S’inspirant largement de valeurs, elle propose une orientation précise à l’action historique de ce groupe ou collectivité. Cf. Gilbert (A.), « L’idéologie spatiale : conceptualisation, mise en forme et portée pour la géographie », L’Espace Géographique, n° 1, Paris, 1986.
-
[2]
Tocqueville de (A.), De la Démocratie en Amérique, tome I, Flammarion, Paris, 1981 (édition originale : 1835).
-
[3]
O’Sullivan (J.), The United States Magazine and Democratic Review, juillet-août 1845, n° 17.
-
[4]
The pursuit of happiness.
-
[5]
Rossignol (M.-J.), « La Louisiane en 1803 : terre d’expansion, terre d’exploration, ou comment les sciences naturelles et la diplomatie se mêlent », Revue française d’Etudes américaines, n° 48/49, Paris, avril-juillet 1991.
-
[6]
Turner (F. J.), « The Significance of the Frontier in America History », The Frontier in American History, Holt, New York, 1920.
-
[7]
Gottmann (J.), L’Amérique, Hachette, Paris, 1960.
-
[8]
Après que le Canada a renoncé à s’intégrer aux Etats-Unis.
-
[9]
Sy-Wonyu (A.), « Cari Schurz et la destinée manifeste. Une critique de l’impérialisme de la fin de siècle », La « destinée manifeste » aux Etats-Unis au XIXe siècle, Editions du Temps, Paris, 1999.
-
[10]
Ohio, le 18 octobre 1899.
-
[11]
Speeches and addresses of William McKinley from March 1, 1897 to May 30, 1900, Doubleday & McClure Co., New York, 1900.
-
[12]
Beveridge (A.), America’s Destiny, Congressional Record, 56th Cong., 1st Sess., 704-12 (1900).
-
[13]
Notamment celui de Brooks Adams : The Law of Civilization and Decay, paru en 1895.
-
[14]
Comme le déclare en 1898 le sénateur Beveridge : « Le commerce mondial doit être, et sera, le nôtre ». L’ouvrage de l’Amiral Alfred Mahan, The influence of Sea-Power upon History, 1660-1783 (1890), s’inscrit dans cette logique et va constituer l’un des piliers de la pensée stratégique américaine. La célèbre maxime de l’US Navy (fondée par Théodore Roosevelt dans le prolongement de la pensée de Mahan) constitue d’ailleurs un vibrant hommage à l’Amiral américain : Il n’y a qu’un Dieu : Poséidon, l’US Navy est son Eglise et Mahan son prophète.
-
[15]
Nous qualifions d’endogéographique tout espace euclidien situé à la surface de la Terre (espace terrestre, maritime et aérien). A l’opposé, sont désignés d’exogéographiques les espaces non euclidiens, libres de toute territorialisation, et qui servent notamment de support à la globalisation de la communication (espaces extra-atmosphérique et cybernétique). L’ensemble spatial regroupant les espaces endogéographiques et exogéographiques est constitutif de l’espace géographique dans sa totalité. Cf. Bautzmann (A.), Exogéographie politique des autoroutes de l’information. Globalisation de la communication et mutation du système-monde, Thèse de doctorat de géographie, Université de Provence, Aix-en-Provence, décembre 2001.
-
[16]
Le train symbolisait à leurs yeux la fin d’un modèle de civilisation agraire idéalisé par les premiers colons, au profit d’une société industrielle peu vertueuse.
-
[17]
Bowles (S.), Across the Continent : A Summer’s Journey to the Rocky Mountains, The Mormons and the Pacific States, with Speaker Colfax, Springfield, Massachusetts, Samuel Bowles and Company, 1868. March of America Facsimile Series, n° 94, Ann Arbor University Microfilms, 1966.
-
[18]
Department of State Bulletin, 1946, 14 (344).
-
[19]
Henriet (G.), Mauduy (J.), Géographies du western, Nathan, Paris, 1989.
-
[20]
Gramsci (A.), « Noterelle sulla politica del Machiavelli », Quaderni del Carcere, vol. III, Einaudi, Turin, 1977. Cité dans Achcar (G.), « D’un siècle à l’autre : entre hégémonie et domination », L’hégémonie américaine, Actuel Marx n° 27, PUF, Paris, 2000.
-
[21]
Nye (J.), « Soft Power », Foreign Policy, n° 80, automne 1990.
-
[22]
Nye (J.), Bound to lead. The changing Nature of American Power, Basic, New York, 1991.
-
[23]
Brzezinski (Z.), La Révolution technétronique, Calmann-Lévy, Paris, 1970.
-
[24]
Via, d’une part, le télégraphe Zimmermann du 19 janvier 1917 qui proposait au Mexique de récupérer le Nouveau Mexique, l’Arizona et le Texas en contre-partie d’une alliance avec l’Allemagne, et d’autre part l’attaque de la base militaire américaine de Pearl Harbor par les forces aéronavales japonaises le 7 décembre 1941.
-
[25]
La soudaine prise en compte par les dirigeants américains de l’espace extra-atmosphérique en 1957, lors du lancement par l’Union soviétique du satellite artificiel Spoutnik I, marqua aux yeux des Américains la fin de l’invulnérabilité de leur territoire national.
-
[26]
Computer Security Act of 1987, Public Law 100-235 (H.R. 145), 8 janvier 1988.
-
[27]
Information Security. Computer Attacks at Department of Defense Pose Increasing Risks, United States General Accounting Office Report, GAO/T-AIMD-96-92, Washington, mai 1996.
-
[28]
Depuis les débuts de la Guerre froide, la RAND Corporation a réalisé pour le Pentagone de nombreux exercices de simulation ayant principalement pour trame de fond les risques de conflit thermonucléaire avec l’Union soviétique (exercices désignés sous le nom générique de The Day After…).
-
[29]
RAND, « Information War and Cyberspace Security », Rand Research Review, Vol. XIX, n° 2, Santa Monica, 1995.
-
[30]
Molander (R.), Riddile (A.), Wilson (P.), Strategic Information Warfare. A New Face of War, RAND, Santa Monica, 1996.
-
[31]
Hundley (R.), Anderson (R.), Arquilla (J.), Molander (R.), Security in Cyberspace, Challenges for society, RAND, Santa Monica, 1996.
-
[32]
Arquilla (J.), Ronfeldt (D.), The Advent of Netwar, RAND, Santa Monica, 1996.
-
[33]
Bautzmann (A.), « Vulnérabilité et défense des infrastructures informationnelles américaines », Défis asymétriques et projection de puissance, Le débat stratégique américain 1998-1999, Cahiers d’Etudes Stratégiques n° 25, CIRPES-EHESS, Paris, 1999.
-
[34]
Bautzmann (A.), « Globalisation et leadership cyberspatial américain », La globalisation : « nouvelle frontière » du leadership américain ?, Cahiers d’Etudes Stratégiques n° 28, CIRPES-EHESS, Paris, 2000.
-
[35]
Programmes destinés à répondre à la menace provenant d’un arsenal nucléaire soviétique en rapide progression et à l’utilisation militaire potentielle de l’espace extra-atmosphérique. Ils furent imaginés autour d’intercepteurs lancés à partir de quelques 3 600 satellites évoluant en orbite basse (système BAMBI – Ballistic Anti-Missile Boost Interceptor) pour un coût total de 13,5 milliards de dollars. Ils furent abandonnés en 1964 pour des raisons technologiques et financières, au profit des systèmes de défense endogéographiques Sentinel puis Safeguard. Cf. Schwartz (A.), Atomic Audit. The Cost and Consequences of US Nuclear Weapons since 1940, Brooking Institution, Washington, 1998.
-
[36]
Points de libration de Lagrange. Cf. Bautzmann (A.), Exogéographie politique des autoroutes de l’information. Globalisation de la communication et mutation du système-monde, op. cit.
-
[37]
Collins (J.), Military Space Forces : The Next 50 Years, Pergamon-Brassey’s, Washington, 1989.
-
[38]
Pour des raisons essentiellement techniques et budgétaires.
-
[39]
Comité scientifique consultatif de l’Armée de l’air américaine.
-
[40]
McCall (G.) et Corder (j.), New World Vistas, Air and Space Power for the 21st Century, Air Force Scientific Advisory Board, 1995.
-
[41]
Rumsfeld (D.), Report of the Commission to assess United States national security space management and organization, Washington, 11 janvier 2001.
-
[42]
High Performance Computing and Communication.
-
[43]
Accelerated Strategic Computing Initiative.
-
[44]
Partnership for Advanced Computational Infrastructure.
-
[45]
A ces trois programmes fédéraux, s’ajoute dans une moindre mesure le Coalition of Académie Supercomputer Centers (CASC), programme associatif interuniversitaire créé en 1989 et mutualisant les ressources de 32 centres de calcul informatique situés dans 20 Etats fédérés.
-
[46]
Compte tenu de la nature confidentielle des tâches assignées à la NSA, les données la concernant demeurent difficilement vérifiables. Cf. Paecht (A.), Rapport d’information sur les systèmes de surveillance et d’interception électroniques pouvant mettre en cause la sécurité nationale, Commission de la Défense nationale et des forces armées, Assemblée Nationale, Paris, 11 octobre 2000.
-
[47]
United Kingdom – United States of America.
-
[48]
Campbell (D.), Report to the Director General for Research of the European Parliament (Scientific and Technical Options Assessment Program Office) on the development of surveillance technology and risk of abuse of economic information, avril-mai 1999.
-
[49]
Câbles terrestres ou sous-marins, ondes radios, etc.
-
[50]
A titre d’exemple, un satellite Intelsat 7 est capable de gérer simultanément 90 000 communications.
-
[51]
5 000 gigaflops.
-
[52]
La National Security Agency est à l’échelle mondiale le premier employeur de personnels spécialisés en recherche mathématique et cryptographique.
-
[53]
Ce que dénonce Paul Virilio, qualifiant ce qu’il considère être une nouvelle forme de tyrannie par le néologisme « globalitaire ». Cf. Virilio (P.), « Télésurveillance globale », Le Monde Diplomatique, Paris, août 1999.
-
[54]
Compte tenu notamment du fort taux d’étudiants étrangers effectuant leurs études universitaires aux Etats-Unis et s’y installant définitivement par la suite. Cf. Finn (M.), Stay Rates of Foreign Doctorate Recipients from U.S. Universities, Oak Ridge Institute for Science and Education, 1999.
-
[55]
Defending America’s Cyberspace, National Plan for Information Systems Protection. An Invitation to a Dialogue, The White House, Washington, janvier 2000.
1L’actuel processus de globalisation de la communication constitue une donnée nouvelle dans le champ des relations internationales. [ L’approche de ce phénomène ne peut que difficilement se concevoir sans une étude approfondie du pays qui nourrit cette dynamique et assure une suprématie technologique et politique mondiale en ce domaine : les Etats-Unis d’Amérique. La globalisation de la communication apparaît en effet comme le fruit d’une Weltanschauung américaine, une conception et un rapport au monde singuliers conduisant à l’émergence d’un leadership par essence non impérialiste puisque essentiellement établi autour d’un appareil décentralisé et déterritorialisé de dominance et de contrôle informationnels.
Idéologie spatiale et expansionnisme américains
2La certitude de s’inscrire dans une destinée similaire à celle du peuple d’Israël imprègne les mythes fondateurs de la nation américaine. Cette perception particulière amène le peuple américain à considérer son territoire comme un espace géographique par essence, singulier et d’une nature exceptionnelle. Cet « exceptionnalisme » constitue l’une des constantes de l’idéologie spatiale américaine [1]. Dans le discours introductif de son ouvrage De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville présente cette même vision d’une géographie animée par des principes supérieurs :
« Une sorte d’ordre méthodique y a présidé à la séparation des terres et des eaux, des montagnes et des vallées. Un arrangement simple et majestueux s’y révèle au milieu même de la confusion des objets et parmi l’extrême variété des tableaux. » [2]
4Il faut cependant attendre 1845 sous la plume de John O’Sullivan [3] pour voir cet exceptionnalisme traduit en instrument de politique étrangère, avec l’apparition de la notion de « destinée manifeste » (Manifest Destiny) lors de l’annexion du Texas par les Etats-Unis. Constituant le substrat même de l’idéologie spatiale américaine, cette destinée manifeste initie une dynamique atypique d’expansionnisme territorial qui s’inscrit dans une logique universaliste et repose implicitement sur la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis. Celle-ci réclame en effet pour chaque citoyen américain le « droit au bonheur » [4] dont le principe même, considéré comme universel, ne peut se satisfaire de limites géographiques. Ce droit au bonheur devient dès lors un idéal civilisationnel voué à s’épanouir à la surface du monde, et constitue la base même d’un expansionnisme qu’une destinée manifeste rend tout à la fois légitime et nécessaire. Dès 1803, cette dynamique de conquête territoriale est annoncée dans les colonnes du New York Evening Post comme inéluctable et relevant d’un droit providentiel : (…) Il appartient aux Etats-Unis de diriger le continent nord-américain [5].
5Cette aspiration vers le plus grand que l’historien américain Frederick Jackson Turner a traduit par le terme de frontier exceptionalism demeure l’une des composantes majeures de l’exceptionnalisme géographique américain.
6Dans son essai sur la signification de la Frontière dans l’histoire américaine [6], Turner considère en effet le progrès américain comme indissociablement lié à l’existence de vastes espaces vierges qu’il appartient au peuple des Etats-Unis d’investir. La Frontière apparaît dès lors comme la ligne de démarcation entre ce qui est américain et ce qui est voué à le devenir et constitue le lieu en perpétuel mouvement qui rend possible l’accomplissement de la Manifest Destiny américaine. C’est cette quête d’espace à conquérir, induisant dès la fin du XVIIIe siècle un mouvement d’expansion géographique de l’Est vers le Sud et l’Ouest que traduit le géographe français Jean Gottmann en ces termes :
« (…) un effort titanesque, une aspiration inassouvie vers le plus grand, le plus puissant, le plus efficace, sans que l’on puisse accepter l’obstacle de barrières ni la définition d’un but ultime, fixé dans l’espace ou dans la quantité. (…) Lui assigner des limites serait ruiner tout le sens de l’aspiration. » [7]
8Malgré la « disparition » de la Frontière annoncée par Turner à l’aube des années 1890 [8], l’élan sacré qui soutint la quête territoriale américaine demeure toujours vivace. Il s’inscrit à la fin du XIXe siècle dans une nouvelle échelle géographique, de dimension mondiale : naguère les terres vierges du continent, aujourd’hui les terres vierges au-delà des mers [9]. La guerre hispano-américaine de 1898 qui aboutit à l’annexion par les Etats-Unis des Philippines incarne ce processus de projection de puissance depuis le territoire américain en direction de l’espace mondial. A l’issue de cette guerre, la déclaration de Youngstone [10] prononcée par le Président William McKinley reprend d’ailleurs les thèmes d’une Amérique missionnaire dont la destinée sur la scène internationale vise désormais à transmettre les valeurs civilisationnelles propres à la nation américaine :
Suivant une logique similaire, le sénateur Albert Beveridge déclare quelques mois plus tard devant le Congrès : We will not renounce our part in the mission of our race, trustee, under God, of the civilization of the world [12]. A cette même époque, dans un contexte international marqué par la constitution des empires coloniaux européens, de nombreux ouvrages fournissent à la classe politique américaine un argumentaire en faveur d’une posture impérialiste [13]. Censé éviter aux Etats-Unis un déclin que la fin de la Frontière rendrait inévitable, l’impérialisme américain se développe autour de propositions hétéroclites : le devoir moral de répandre à l’échelle mondiale la démocratie et le christianisme ; la supériorité de la race anglo-saxonne et de la « civilisation » sur la « barbarie » ; la maîtrise des mers à des fins commerciales [14] ; l’exercice d’une nécessaire realpolitik face à des pratiques internationales nouvelles, etc. Cette rhétorique ne suffit cependant pas à convaincre une opinion publique américaine majoritairement réticente à tout aventurisme hors des frontières du territoire national. Cette posture impérialiste va dès lors s’effacer dans les premières années du XXe siècle en faveur d’un interventionnisme militaire et économique ponctuel, lequel adopte dès la fin de la Seconde Guerre mondiale une configuration exogéographique [15] singulière.« We are in the Philippines. Our flag is there ; our boys in blue are there. They are not there for conquest, they are not there for dominion. They are there because, in the providence of God, who moves mysteriously, that great archipelago has been placed in the hands of American people (…). Our flag is there, not as the symbol of oppression, not as the token of tyranny, not as the emblem of enslavement, but representing there, as it does here, liberty, humanity, and civilization. » [11]
De l’expansionnisme territorial à la dominance informationnelle
9La dynamique américaine de conquête territoriale demeure intimement liée au développement et à la maîtrise de moyens de communication performants. L’exemple de la conquête de l’Ouest américain, dans les années 1830-1860, y est à ce titre emblématique, l’extension territoriale américaine rendant nécessaire la mise en place d’un vaste réseau de communication ferroviaire. Malgré les résistances de nombreux fermiers [16], ce nouveau moyen de communication va incarner pour la plupart des américains l’instrument parfait d’un expansionnisme continental et le ferment d’un nécessaire dynamisme économique. Aussi, le Railroad Act de 1862 qui autorise la construction du chemin de fer transcontinental américain apparaît aux yeux du peuple américain comme une étape décisive dans l’histoire des Etats-Unis, et devient le nouveau révélateur de la destinée manifeste américaine, comme l’annonce en 1865 le chroniqueur américain Samuel Bowles dans ses carnets de voyage : « The Railroad is […] the great work of the day ; the great want, the great revealer, the great creator of this Empire of ours west of the Mississippi. » [17]
10Cette dimension centrale des moyens de communication prend progressivement forme au sein même de la politique étrangère des Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale. A cette époque, les Etats-Unis s’inscrivent dans une logique de dominance dans le secteur des télécommunications et des échanges d’information à vocation marchande. Le propos tenu en 1946 par William Benton, alors secrétaire d’état adjoint, illustre cette politique :
« Le département d’Etat entend faire tout ce qui est en son pouvoir, tant au niveau politique que diplomatique, pour contribuer à éliminer les obstacles artificiels à l’expansion, partout dans le monde, des agences de presse, des magazines, des films ou de tout autre moyen de communication américain appartenant au secteur privé. La liberté de la presse – et celle des échanges d’information en général – fait partie intégrante de notre politique étrangère. » [18]
12Cette dynamique visant à libéraliser le marché de la communication et des biens culturels s’appuie sur une industrie médiatique souvent perçue comme l’instrument planétaire d’un expansionnisme idéologique et culturel américain. Le western, en tant que genre cinématographique, en constitue l’un des exemples les plus significatifs. Le développement spectaculaire des films de western durant la Guerre froide, et notamment dans les années 1950, n’est à ce titre pas anodin, comme le rappellent Jacques Mauduy et Gérard Henriet :
« La lutte contre les Indiens sous-tendra, entre autres, la lutte contre le communisme. A travers la Conquête, le western sait produire un nationalisme. A l’origine du discours se trouve l’espace vide, territoire neuf et décisif : la nation américaine est fondée par l’Ouest […] En conséquence, le western est une représentation sacrée et sacralisante. » [19]
14L’universalité des mythes véhiculés par ces films et leur diffusion mondiale ont consacré ce genre cinématographique comme l’un des pionniers de l’expansionnisme culturel américain. Cette capacité à transmettre massivement un corpus de représentations politiques et culturelles cohérent et homogène constitue l’un des instruments premiers d’une globalisation américaine en devenir. Cette dimension apparaît en soi très proche de l’egemonia décrite et analysée par le philosophe italien Antonio Gramsci, par laquelle un groupe social économiquement dominant transforme cette domination en leadership culturel, social et en autorité politique via : «(…) une combinaison de la force et du consentement qui s’équilibrent de diverses façons, sans que la force l’emporte trop sur le consentement, mais en cherchant au contraire à obtenir que la force paraisse s’appuyer sur le consentement de la majorité. » [20]
15La notion de Soft Power [21] développée par l’Amiral américain Joseph Nye à l’issue de la Guerre froide s’inscrit nettement dans cette perspective. Selon Nye, l’actuel leadership global américain participe pleinement de cette dynamique fondée sur l’imposition sans véritables contraintes coercitives d’un ensemble de valeurs et d’idées véhiculées par les technologies d’information et de communication :
« Les idées et la culture américaines se sont propagées partout dans le Monde. Aussi, la dynamique actuelle de « globalisation » pourrait bien être définie comme la pénétration mondiale d’idées politiques et économiques, de marchandises, de services, de marques, de films, de chansons et même d’activités sportives issues des Etats-Unis. » [22]
17Si la maîtrise par les Etats-Unis du marché de l’information et des télécommunications constitue l’aboutissement d’un long processus visant à inscrire la modernité américaine dans une réalité mondiale, cette posture caractéristique possède une dimension militaire. Dès la fin des années 1960, apparaissent aux Etats-Unis les signes avant-coureurs d’une pensée géostratégique englobant les réseaux informatiques transnationaux, au moment même où l’informatique devient progressivement un élément-clé des systèmes de commandement militaire. Zbigniew Brzezinski, conseiller du Président Jimmy Carter pour les affaires de sécurité nationale, formalise à cette époque les conséquences du développement mondial des réseaux de communication sur les relations internationales et crée l’expression « société technétronique » afin de désigner la nouvelle société du futur : « (…) dont la forme est déterminée sur les plans culturels, psychologique, social et économique par l’influence de la technologie et de l’électronique tout particulièrement dans le domaine des ordinateurs et de la communication. » [23]
Pour Brzezinski, les Etats-Unis sont devenus la matrice d’une culture universelle établie grâce à leur maîtrise des systèmes globaux de communication. Il considère à ce titre la nation américaine comme la première « société globale » dont la puissance politique à l’échelle internationale devient inséparable de l’exercice d’une hégémonie informationnelle. En cela, il pose les bases d’une géopolitique de la globalisation informationnelle qui va rapidement imprégner la stratégie américaine de l’après-Guerre froide et conduire progressivement à un contrôle par les Etats-Unis des autoroutes de l’information.
Société de l’information et intégrité territoriale
18L’exceptionnalisme géographique américain et son corollaire, la sacralisation du territoire national, sont fondés sur une relation quasi religieuse à l’espace géographique. Cette attitude qui puise ses origines dans les premiers temps de l’histoire américaine se traduit par un processus latent de sanctuarisation territoriale, lequel constitue l’une des clés de lecture de la politique étrangère des Etats-Unis. S’inscrivant au-delà de la simple volonté de protection, cette sanctuarisation résulte d’une forme hypertrophiée de territorialisation, l’espace géographique américain devenant asile, espace inviolable. L’histoire américaine du XXe siècle participe largement de cette problématique. L’entrée en guerre des Etats-Unis dans les deux conflits mondiaux s’est nettement appuyée sur ce ressort de l’idéologie spatiale américaine. Il fallut en effet attendre que l’intégrité territoriale des Etats-Unis soit implicitement menacée [24] pour que la Maison Blanche puisse légitimer aux yeux de ses administrés un engagement militaire américain. Après la Seconde Guerre mondiale, le développement des armements nucléaires et l’utilisation potentielle de l’espace extra-atmosphérique à des fins militaires ont contribué à accentuer ce penchant naturel à la sanctuarisation [25]. Durant la décennie 1980, la démocratisation de l’accès aux ordinateurs personnels et le développement de progiciels à destination des entreprises et des administrations ont amené les Etats-Unis à s’inscrire dans une problématique de dépendance informatique tant dans les secteurs civils que militaires que popularisa en 1983 le réalisateur américain John Badham dans son film Wargames. Quelques années plus tard, la signature du Computer Security Act [26] par le Congrès américain souleva, dans le cadre d’une réflexion sur l’accès et la sécurité des banques de données informatiques, la question de l’insécurité informationnelle aux Etats-Unis. En 1992, l’intérêt croissant du Pentagone pour les questions informatiques conduisit le Department of Defense à commander une enquête à son agence chargée de la sécurité des systèmes d’information, la Defense Information Systems Agency. Celle-ci mit en place un programme d’évaluation des nouvelles vulnérabilités informatiques : le Vulnerability Analysis and Assessment Program. Les résultats de ce programme [27] révélèrent l’importante vulnérabilité de l’architecture informationnelle du Pentagone : la Defense Information Infrastructure. A cause de sa complexité et son hétérogénéité technique, celle-ci offre en effet un large flanc aux intrusions informatiques. Extrapolant les résultats de cette étude à l’ensemble des infrastructures informatiques américaines, militaires comme civiles, la Defense Advanced Research Projects Agency demanda à la RAND Corporation de conduire des exercices de simulation stratégique afin de déterminer le niveau de vulnérabilité de la société américaine face à l’utilisation par des puissances adverses de l’espace cybernétique à des fins militaires. A cette fin, la RAND mit en place entre janvier et juin 1995 six exercices de simulation portant le nom de The Day After… in Cyberspace [28]. Les organisateurs de ces exercices aboutirent à la conclusion que les autoroutes de l’information se prêtaient particulièrement bien à des actions militaires, qu’elles provoquaient l’effacement des frontières politiques et demeuraient à la portée des Etats les moins riches et les moins avancés technologiquement. En conclusion, les responsables de ces scenarii de simulation déclarèrent : « (…) en définitive, notre patrie ne constitue plus désormais un sanctuaire à l’abri d’attaques extérieures. » [29]
A travers ces conclusions, les travaux de la RAND Corporation ont largement inspiré les décisions politiques et militaires américaines de la deuxième moitié des années 1990. Ils ont ouvert la voie à l’une des préoccupations majeures des gouvernements Clinton et Bush en matière de sécurité nationale. En 1996, la publication de trois ouvrages de la RAND traitant des nouvelles menaces issues de l’espace cybernétique (Strategic Information Warfare, A New Face of War [30], Security in Cyberspace, Challenges for society [31] et enfin The Advent of Netwar [32]) ont contribué à vulgariser auprès de l’opinion publique et des universitaires américains la thématique de la menace cybernétique. Ces ouvrages ont constitué un terreau particulièrement fertile à partir duquel la Maison Blanche et le Pentagone ont légitimé – tout d’abord auprès de leurs concitoyens, puis à l’échelle internationale la politique américaine de contrôle et de militarisation des autoroutes de l’information. Celle-ci s’est incarnée durant la seconde moitié des années 1990 par l’édification d’un véritable limes électronique constitué d’un écheveau d’organismes fédéraux (civils et militaires) de contrôle informationnel [33] ainsi que par différents systèmes de surveillance électronique [34]. Ce processus correspond à une logique de conquête préétatique des flux globaux d’information. Il s’inscrit dans une dynamique de territorialisation américaine de l’espace cybernétique et vise à assurer aux Etats-Unis des capacités ubiquistes propres à satisfaire certains traits saillants de l’idéologie spatiale américaine.
Le contrôle informationnel par l’espace extra-atmosphérique
19L’espace extra-atmosphérique constitue, au même titre que l’espace cybernétique, une « nouvelle frontière » de l’expansionnisme américain et l’un des éléments-clés de la dominance informationnelle globale américaine. L’une des principales raisons qui a conduit les autorités américaines à initier cette dynamique de conquête exogéographique est d’ordre militaire. Au-delà des liens très étroits liant le secteur spatial civil américain au Department of Défense, l’intégration de plus en plus poussée des systèmes spatiaux de télécommunication dans les opérations militaires américaines nécessite en effet, selon le Pentagone, la mise en place d’une politique de supériorité et de contrôle extra-atmosphériques désignée sous le terme de Space Control. A la suite des programmes Nike Zeus et Nike X [35], l’annonce par le Président Reagan de l’initiative de défense stratégique (IDS) le 23 mars 1983 a constitué l’un des temps forts de cette dynamique de projection de puissance exogéographique. Dans la perspective du programme IDS, John Collins définit en 1989 dans une étude commandée par le Congrès américain trois axiomes « mackindériens » conditionnant pour les cinquante prochaines années la militarisation de l’espace extra-atmosphérique par le Pentagone :
- Qui contrôle l’espace circumterrestre commande la Terre ;
- Qui contrôle la lune contrôle l’espace circumterrestre ;
- Qui contrôle les orbites lunaires L4 et L5 [36] commande le système Terre-Lune [37].
Ces propos qui constituent l’un des fondements du concept américain de Space Control sont caractéristiques de la singulière capacité des autorités américaines à prendre le contrôle, pour des motifs de sécurité nationale, d’espaces exogéographiques non encore soumis à toute forme de souveraineté. La notion de Space Control traduit dans les faits cette propension singulière à projeter du « national » au-delà des limites territoriales de l’espace endogéographique américain. Elle constitue de fait l’instrument d’un inexorable contrôle des flux globaux d’information, l’espace orbital étant de plus en plus considéré par le Pentagone comme la future clef de voûte des autoroutes de l’information et le support d’une nécessaire ubiquité informationnelle globale (Global Awareness). Cette notion de Space Control a trouvé dans la nouvelle administration Bush un ardent défenseur en la personne de Donald Rumsfeld, actuel Secrétaire à la Défense et ancien rapporteur d’une commission fédérale sur la réorganisation et le management de l’espace extra-atmosphérique pour la sécurité nationale des Etats-Unis. Dans le rapport publié par cette commission en janvier 2001 [41], Donald Rumsfeld définit trois objectifs permettant selon lui d’assurer aux Etats-Unis une suprématie extra-atmosphérique : permettre aux Etats-Unis de façonner les règles internationales qui encadreront les activités spatiales, créer les conditions d’une domination militaire de l’espace extra-atmosphérique, et enfin encourager un rapprochement entre les activités spatiales et celles liées au traitement de l’information. Ce dernier point met en lumière la place centrale des supercalculateurs dans la maîtrise par les États-Unis des flux globaux d’information.« Le contrôle de l’espace extra-atmosphérique deviendra crucial durant les dix prochaines années. Nous dépendrons des satellites pour fournir à nos forces économiques et militaires une information globale et en temps réel. » [40]
La puissance de calcul comme instrument de dominance informationnelle
22Les besoins de la recherche spatiale et nucléaire ont conduit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale les gouvernements américains successifs à développer d’ambitieux programmes de recherche en matière de calcul informatique intensif. Durant les années 1990, trois grands projets (HPPC [42], ASCI [43] et PACI [44]) ont figuré parmi les priorités scientifiques des autorités américaines [45], impliquant un nombre croissant d’agences fédérales et posant les bases d’une domination effective des Etats-Unis en la matière. Mais au-delà, il existe un organisme américain cristallisant la propension des Etats-Unis à instrumentaliser leur capacité de calcul intensif afin de contrôler politiquement les flux globaux d’information : la National Security Agency (NSA). Stationnée à Fort Meade dans le Maryland, la NSA est un organisme de renseignement dépendant du Pentagone, mais ses attributions, fixées par National Security Council Intelligence Directive n° 6, s’exercent tant dans la sphère civile que militaire. La NSA a pour mission d’assurer la confidentialité des communications gouvernementales américaines tout en espionnant les communications des pays étrangers par l’interception de messages vocaux et écrits transitant par téléphone, fax ou ordinateur, ainsi que par l’écoute de signaux émis par les radars et les satellites. La NSA compterait entre 20 000 et 40 000 salariés pour un budget annuel de plus de quatre milliards de dollars [46]. On peut estimer que cette agence fédérale dispose de près de 200 000 correspondants répartis dans plus de 4 000 sites à travers le monde (ambassades et stations clandestines). La NSA est structurée autour de trois pôles de compétence : la surveillance électronique des zones de crise, la recherche scientifique dans les domaines des systèmes cryptologiques et du décryptage d’informations chiffrées, et enfin la sécurité informatique et des systèmes de communication au profit des autres agences gouvernementales américaines.
23Entre les années 1970 et 1980, la NSA s’est dotée du réseau Echelon. Fondé sur le pacte UKUSA [47] de 1947, Echelon est le fruit d’une étroite et très secrète collaboration entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni (Government Communications Head Quarters), le Canada (Communications Security Establishment), l’Australie (Defense Signals Directorate) et la Nouvelle Zélande (Government Communications Security Bureau). Selon le rapport Campbell du Parlement européen [48], le réseau Echelon couvre potentiellement l’ensemble des systèmes de communication civils et militaires du globe [49]. Il intercepte notamment les télécommunications transitant par les satellites Inmarsat et Intelsat [50], et utilise pour la surveillance et le contrôle des flux d’information véhiculés sur l’internet l’impressionnante puissance de calcul de la NSA, capable de traiter plus de 5 000 milliards d’opérations par seconde [51].
Cette capacité de traitement informatique sans équivalent dans le monde permet aux autorités américaines de contrôler en temps quasi réel des millions de messages électroniques transitant chaque jour sur les autoroutes de l’information, grâce à différents instruments de collecte et d’analyse automatiques. Développés par les nombreux mathématiciens [52] et sémiologues employés par la NSA, ces systèmes de contrôle sont déployés au détriment de la protection des libertés individuelles et du droit à la confidentialité, comme l’a fréquemment rappelé le Parlement européen [53]. Cependant, au-delà de l’ampleur des moyens consacrés par la NSA au contrôle des flux globaux d’information, l’exercice d’une ubiquité informationnelle américaine demeure conditionné à de constants efforts en matière de recherche informatique. Or, malgré la très forte attractivité des Etats-Unis en ce domaine [54], ce secteur d’activité reste confronté à un grave déficit de compétences, comme l’indiquent les autorités fédérales elles-mêmes : « Il y a un siècle, à l’époque où l’Amérique eut accès à l’énergie électrique, de nombreux électriciens et ingénieurs furent formés pour développer cette nouvelle économie. Or, jusqu’à présent, l’Amérique n’a pas réussi à former suffisamment de spécialistes en informatique pour faire fonctionner, améliorer et garantir la sécurité de la nouvelle économie issue des technologies de l’information. » [55]
Cette situation, qui pourrait affaiblir à moyen terme la mise en place d’une hégémonie américaine dans le secteur stratégique des technologies de l’information et de la communication, ne semble cependant guère remettre en cause l’actuelle politique des Etats-Unis en ce domaine. Et si les attentats du 11 septembre 2001 ont cristallisé l’émergence de résistances radicales face à une modernité américaine qui s’appuie largement sur ces nouvelles technologies, ces événements tragiques semblent paradoxalement n’avoir fait qu’amplifier, par une médiatisation mondiale en quasi temps réel associée à une utilisation massive de l’ensemble des instruments de communication constitutifs des autoroutes de l’information (télévision, internet, téléphonie satellitaire, etc.), la dynamique de globalisation de la communication qui constitue le principal vecteur de cette modernité proposée par les Etats-Unis au reste du monde.
Mise en ligne 01/09/2010
Notes
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[1]
L’idéologie spatiale peut être définie comme (…) un système d’idées et de jugements, organisé et autonome, qui sert à décrire, expliquer, interpréter ou justifier la situation d’un groupe ou d’une collectivité dans l’espace. S’inspirant largement de valeurs, elle propose une orientation précise à l’action historique de ce groupe ou collectivité. Cf. Gilbert (A.), « L’idéologie spatiale : conceptualisation, mise en forme et portée pour la géographie », L’Espace Géographique, n° 1, Paris, 1986.
-
[2]
Tocqueville de (A.), De la Démocratie en Amérique, tome I, Flammarion, Paris, 1981 (édition originale : 1835).
-
[3]
O’Sullivan (J.), The United States Magazine and Democratic Review, juillet-août 1845, n° 17.
-
[4]
The pursuit of happiness.
-
[5]
Rossignol (M.-J.), « La Louisiane en 1803 : terre d’expansion, terre d’exploration, ou comment les sciences naturelles et la diplomatie se mêlent », Revue française d’Etudes américaines, n° 48/49, Paris, avril-juillet 1991.
-
[6]
Turner (F. J.), « The Significance of the Frontier in America History », The Frontier in American History, Holt, New York, 1920.
-
[7]
Gottmann (J.), L’Amérique, Hachette, Paris, 1960.
-
[8]
Après que le Canada a renoncé à s’intégrer aux Etats-Unis.
-
[9]
Sy-Wonyu (A.), « Cari Schurz et la destinée manifeste. Une critique de l’impérialisme de la fin de siècle », La « destinée manifeste » aux Etats-Unis au XIXe siècle, Editions du Temps, Paris, 1999.
-
[10]
Ohio, le 18 octobre 1899.
-
[11]
Speeches and addresses of William McKinley from March 1, 1897 to May 30, 1900, Doubleday & McClure Co., New York, 1900.
-
[12]
Beveridge (A.), America’s Destiny, Congressional Record, 56th Cong., 1st Sess., 704-12 (1900).
-
[13]
Notamment celui de Brooks Adams : The Law of Civilization and Decay, paru en 1895.
-
[14]
Comme le déclare en 1898 le sénateur Beveridge : « Le commerce mondial doit être, et sera, le nôtre ». L’ouvrage de l’Amiral Alfred Mahan, The influence of Sea-Power upon History, 1660-1783 (1890), s’inscrit dans cette logique et va constituer l’un des piliers de la pensée stratégique américaine. La célèbre maxime de l’US Navy (fondée par Théodore Roosevelt dans le prolongement de la pensée de Mahan) constitue d’ailleurs un vibrant hommage à l’Amiral américain : Il n’y a qu’un Dieu : Poséidon, l’US Navy est son Eglise et Mahan son prophète.
-
[15]
Nous qualifions d’endogéographique tout espace euclidien situé à la surface de la Terre (espace terrestre, maritime et aérien). A l’opposé, sont désignés d’exogéographiques les espaces non euclidiens, libres de toute territorialisation, et qui servent notamment de support à la globalisation de la communication (espaces extra-atmosphérique et cybernétique). L’ensemble spatial regroupant les espaces endogéographiques et exogéographiques est constitutif de l’espace géographique dans sa totalité. Cf. Bautzmann (A.), Exogéographie politique des autoroutes de l’information. Globalisation de la communication et mutation du système-monde, Thèse de doctorat de géographie, Université de Provence, Aix-en-Provence, décembre 2001.
-
[16]
Le train symbolisait à leurs yeux la fin d’un modèle de civilisation agraire idéalisé par les premiers colons, au profit d’une société industrielle peu vertueuse.
-
[17]
Bowles (S.), Across the Continent : A Summer’s Journey to the Rocky Mountains, The Mormons and the Pacific States, with Speaker Colfax, Springfield, Massachusetts, Samuel Bowles and Company, 1868. March of America Facsimile Series, n° 94, Ann Arbor University Microfilms, 1966.
-
[18]
Department of State Bulletin, 1946, 14 (344).
-
[19]
Henriet (G.), Mauduy (J.), Géographies du western, Nathan, Paris, 1989.
-
[20]
Gramsci (A.), « Noterelle sulla politica del Machiavelli », Quaderni del Carcere, vol. III, Einaudi, Turin, 1977. Cité dans Achcar (G.), « D’un siècle à l’autre : entre hégémonie et domination », L’hégémonie américaine, Actuel Marx n° 27, PUF, Paris, 2000.
-
[21]
Nye (J.), « Soft Power », Foreign Policy, n° 80, automne 1990.
-
[22]
Nye (J.), Bound to lead. The changing Nature of American Power, Basic, New York, 1991.
-
[23]
Brzezinski (Z.), La Révolution technétronique, Calmann-Lévy, Paris, 1970.
-
[24]
Via, d’une part, le télégraphe Zimmermann du 19 janvier 1917 qui proposait au Mexique de récupérer le Nouveau Mexique, l’Arizona et le Texas en contre-partie d’une alliance avec l’Allemagne, et d’autre part l’attaque de la base militaire américaine de Pearl Harbor par les forces aéronavales japonaises le 7 décembre 1941.
-
[25]
La soudaine prise en compte par les dirigeants américains de l’espace extra-atmosphérique en 1957, lors du lancement par l’Union soviétique du satellite artificiel Spoutnik I, marqua aux yeux des Américains la fin de l’invulnérabilité de leur territoire national.
-
[26]
Computer Security Act of 1987, Public Law 100-235 (H.R. 145), 8 janvier 1988.
-
[27]
Information Security. Computer Attacks at Department of Defense Pose Increasing Risks, United States General Accounting Office Report, GAO/T-AIMD-96-92, Washington, mai 1996.
-
[28]
Depuis les débuts de la Guerre froide, la RAND Corporation a réalisé pour le Pentagone de nombreux exercices de simulation ayant principalement pour trame de fond les risques de conflit thermonucléaire avec l’Union soviétique (exercices désignés sous le nom générique de The Day After…).
-
[29]
RAND, « Information War and Cyberspace Security », Rand Research Review, Vol. XIX, n° 2, Santa Monica, 1995.
-
[30]
Molander (R.), Riddile (A.), Wilson (P.), Strategic Information Warfare. A New Face of War, RAND, Santa Monica, 1996.
-
[31]
Hundley (R.), Anderson (R.), Arquilla (J.), Molander (R.), Security in Cyberspace, Challenges for society, RAND, Santa Monica, 1996.
-
[32]
Arquilla (J.), Ronfeldt (D.), The Advent of Netwar, RAND, Santa Monica, 1996.
-
[33]
Bautzmann (A.), « Vulnérabilité et défense des infrastructures informationnelles américaines », Défis asymétriques et projection de puissance, Le débat stratégique américain 1998-1999, Cahiers d’Etudes Stratégiques n° 25, CIRPES-EHESS, Paris, 1999.
-
[34]
Bautzmann (A.), « Globalisation et leadership cyberspatial américain », La globalisation : « nouvelle frontière » du leadership américain ?, Cahiers d’Etudes Stratégiques n° 28, CIRPES-EHESS, Paris, 2000.
-
[35]
Programmes destinés à répondre à la menace provenant d’un arsenal nucléaire soviétique en rapide progression et à l’utilisation militaire potentielle de l’espace extra-atmosphérique. Ils furent imaginés autour d’intercepteurs lancés à partir de quelques 3 600 satellites évoluant en orbite basse (système BAMBI – Ballistic Anti-Missile Boost Interceptor) pour un coût total de 13,5 milliards de dollars. Ils furent abandonnés en 1964 pour des raisons technologiques et financières, au profit des systèmes de défense endogéographiques Sentinel puis Safeguard. Cf. Schwartz (A.), Atomic Audit. The Cost and Consequences of US Nuclear Weapons since 1940, Brooking Institution, Washington, 1998.
-
[36]
Points de libration de Lagrange. Cf. Bautzmann (A.), Exogéographie politique des autoroutes de l’information. Globalisation de la communication et mutation du système-monde, op. cit.
-
[37]
Collins (J.), Military Space Forces : The Next 50 Years, Pergamon-Brassey’s, Washington, 1989.
-
[38]
Pour des raisons essentiellement techniques et budgétaires.
-
[39]
Comité scientifique consultatif de l’Armée de l’air américaine.
-
[40]
McCall (G.) et Corder (j.), New World Vistas, Air and Space Power for the 21st Century, Air Force Scientific Advisory Board, 1995.
-
[41]
Rumsfeld (D.), Report of the Commission to assess United States national security space management and organization, Washington, 11 janvier 2001.
-
[42]
High Performance Computing and Communication.
-
[43]
Accelerated Strategic Computing Initiative.
-
[44]
Partnership for Advanced Computational Infrastructure.
-
[45]
A ces trois programmes fédéraux, s’ajoute dans une moindre mesure le Coalition of Académie Supercomputer Centers (CASC), programme associatif interuniversitaire créé en 1989 et mutualisant les ressources de 32 centres de calcul informatique situés dans 20 Etats fédérés.
-
[46]
Compte tenu de la nature confidentielle des tâches assignées à la NSA, les données la concernant demeurent difficilement vérifiables. Cf. Paecht (A.), Rapport d’information sur les systèmes de surveillance et d’interception électroniques pouvant mettre en cause la sécurité nationale, Commission de la Défense nationale et des forces armées, Assemblée Nationale, Paris, 11 octobre 2000.
-
[47]
United Kingdom – United States of America.
-
[48]
Campbell (D.), Report to the Director General for Research of the European Parliament (Scientific and Technical Options Assessment Program Office) on the development of surveillance technology and risk of abuse of economic information, avril-mai 1999.
-
[49]
Câbles terrestres ou sous-marins, ondes radios, etc.
-
[50]
A titre d’exemple, un satellite Intelsat 7 est capable de gérer simultanément 90 000 communications.
-
[51]
5 000 gigaflops.
-
[52]
La National Security Agency est à l’échelle mondiale le premier employeur de personnels spécialisés en recherche mathématique et cryptographique.
-
[53]
Ce que dénonce Paul Virilio, qualifiant ce qu’il considère être une nouvelle forme de tyrannie par le néologisme « globalitaire ». Cf. Virilio (P.), « Télésurveillance globale », Le Monde Diplomatique, Paris, août 1999.
-
[54]
Compte tenu notamment du fort taux d’étudiants étrangers effectuant leurs études universitaires aux Etats-Unis et s’y installant définitivement par la suite. Cf. Finn (M.), Stay Rates of Foreign Doctorate Recipients from U.S. Universities, Oak Ridge Institute for Science and Education, 1999.
-
[55]
Defending America’s Cyberspace, National Plan for Information Systems Protection. An Invitation to a Dialogue, The White House, Washington, janvier 2000.