Notes
1Trois générations de transports urbains se sont succédé au xxe siècle. Les transports en commun urbains (tcu) se sont développés à la suite de la révolution industrielle et de l’accroissement considérable de la population des villes. L’électricité remplace la traction animale ou à vapeur : c’est la période du « transport massif des ouvriers ».
2A partir des années 1950-60, la voiture individuelle devient accessible à une grande partie de la population mais génère un engorgement croissant des villes. Dans le métro, les progrès de l’électronique permettent des avancées spectaculaires comme le pilotage automatique, les postes de commandes centralisés ou les péages magnétiques : la « maîtrise de son temps de transport » y est quasi effective. Dans les bus en revanche, les évolutions sont limitées car la miniaturisation des équipements est encore insuffisante et les liaisons radio sont peu performantes.
3Avec les années 1990, les citadins, dont le nombre et la mobilité croissent de plus en plus, privilégient leur confort sous toutes ses formes. Ils veulent optimiser leurs déplacements et utilisent souvent les tcu en complément des autres modes de transport. De plus, ces citadins (ils sont de l’ordre de 3 milliards dans le monde contre 400 millions au début du xxe siècle…) se déplacent pour des motifs de plus en plus variés (seulement 40 % utilisent les tc pour des trajets domicile/travail contre 80 % il y a seulement 30 ans à Paris, par exemple). Ainsi l’entreprise de tcu doit à présent raisonner en termes de mobilité globale : les progrès des techniques de traitement de l’information (informatique et télécommunications) permettent d’apporter des réponses toujours plus efficaces à ces attentes et cet article propose d’en présenter quelques-unes.
L’évolution des techniques de l’information
4Avant d’aborder des exemples de nouveaux outils utilisés dans les tcu par le développement des techniques de l’information, il semble intéressant de rappeler brièvement l’historique des découvertes fondamentales qui ont bouleversé le traitement de l’information et la prodigieuse accélération qui s’en est suivie (voir figure 1).
Evolution des technologies de l’information
Evolution des technologies de l’information
Evolution des télécoms
5Avec l’invention de l’imprimerie par Gutenberg vers 1450, il devient possible de diffuser très largement l’information. Néanmoins, la lenteur des moyens de communication (chevaux, bateaux puis trains) ne permet pas de la diffuser en temps réel.
6Il faut pour cela pratiquement attendre 1850, lorsque Samuel Morse invente la télégraphie qui porte son nom : pour la première fois l’information est transmise sur un fil à grande distance. En 1876, Graham Bell invente le téléphone qui vulgarise la diffusion de l’information à l’échelle mondiale en la rendant accessible aux non-initiés.
7La radio (Marconi) apparaît au début du siècle : en 1912, le Titanic envoie un message de détresse reçu par le navire Carpathia. Elle se développe réellement avec la première guerre mondiale. Entre les deux guerres, c’est l’invention de la télévision et donc de la transmission de l’image (après celle des données et de la voix). Son plein essor se situe dans les années 50.
Evolution des composants de base
8Ces progrès et ces évolutions suivent en fait ceux des composants de base, communs à toutes les technologies de l’information : l’invention du tube électronique en 1906 (Lee de Forest) ouvrait la voie à l’amplification et au traitement logique tandis que la découverte en 1947 du transistor (par Bill Shockley aux Bell Lab’s) ouvrait celle de la numérisation (c’est-à-dire la représentation de toutes les informations sous forme numérique, plus facile à manipuler et à transmettre, car contrairement aux transmissions analogiques, la transmission d’informations numérisées ne subit aucune altération avec la distance) et du début de la miniaturisation. Cette dernière s’accentuera avec l’apparition du circuit intégré dans les années 1970, qui regroupe sur une puce de plus en plus de transistors élémentaires en suivant la loi dite de Moore : le nombre de transistors arrive à doubler tous les 18 mois (5,5 millions de transistors sur le Pentium ii de 1998 !). Les puces, toujours plus fiables, moins voraces en énergie et à même d’être différenciées par software sont en fait aux technologies de l’information ce que les cellules sont au corps humain.
9En parallèle, les supports de communication, qui utilisaient des câbles en cuivre et des transmissions par radio, lentes et sujettes à de nombreuses perturbations, virent leurs possibilités se décupler avec la mise au point de la fibre optique (1966) et des techniques numériques radio. On dispose enfin du moyen d’envoyer une quantité d’informations inimaginable jusqu’alors à grande distance et à un coût très raisonnable. Parallèlement, apparaissent les premiers satellites de radiocommunication.
Evolution de l’informatique qui rejoint les télécoms
10Dans le domaine des ordinateurs, c’est-à-dire du traitement de l’information proprement dit, l’Eniac (1946) est la première machine (à tubes) programmable, telle que nous la connaissons aujourd’hui. A ceci près qu’avec ses 140 m2, 30 tonnes, 180 kW/h pour 5 000 instructions par seconde, il était difficile d’aller bien loin !
11Les progrès technologiques des années 1970, et surtout la « transistorisation » ont permis de produire des machines plus petites et nettement moins coûteuses, souvent appelées « mini-ordinateurs », qui ont envahi les grandes entreprises et aussi les pme. Mais le mode de programmation et de fonctionnement de ces systèmes n’était pas significativement différent de celui des grands systèmes et nécessitait encore des personnels qualifiés. Le Vax/780 de Digital Equipement Corporation apparu en 1978 est sans doute la machine la plus représentative de cette période.
12En 1981, ibm lance le premier ordinateur personnel ibm-pc, légitimant ainsi un mouvement que l’on pouvait observer depuis quelques années (Apple ii). D’un prix tout à fait abordable, d’une puissance raisonnable et ne nécessitant pas d’environnement spécial, le pc-xt, d’ailleurs copié par de nombreux industriels, apparaît sur tous les bureaux. Il est, aujourd’hui encore, le support majeur de tous les développements logiciels.
13Avec l’augmentation de la puissance de traitement et d’affichage disponibles, il devient possible de développer des interfaces plus conviviales et de commencer à élargir le cercle des utilisateurs aux non-spécialistes : l’interface Windows et ses outils de productivité personnelle font la fortune de Microsoft.
14Enfin, la multiplication des réseaux locaux permet de relier en réseau et à grande vitesse toutes ces machines et donc de partager ou d’échanger des informations, via l’Ethernet (1973, par Robert Meteolfe chez Xerox) et le protocole tcp/ip mis au point pour les systèmes Unix par l’université de Berkeley.
15Depuis le début des années 1990, la connexion des ordinateurs a dépassé les frontières de l’entreprise : l’internet permet à présent d’accéder facilement aux informations disponibles sur n’importe quel serveur de la planète. On estime que le trafic global double tous les 100 jours ! Le mariage des télécoms et des machines à traiter l’information, annoncé de longue date est bien réel et s’accentue.
Amorce de synthèse de ces évolutions
16Du point de vue de l’usage de ces techniques, qui influence et permet de mieux comprendre leurs évolutions, il est possible de le représenter d’une manière très similaire à la coupe d’un arbre (voir figure 2).
Les grandes couches du traitement de l’information
Les grandes couches du traitement de l’information
17Au cœur se trouvent les ordinateurs de back office, apparus les premiers. Puis ces techniques arrivent au front office grâce à l’émergence des pc et des réseaux locaux.
18Actuellement, les progrès de la connectivité (ip ou internet qui unifie et simplifie les protocoles de connexion, les réseaux radiocellulaires et numériques…) permettent d’étendre aux particuliers les services du front office. Du même coup, les bases de données centrales et les canaux d’accès prennent une importance accrue : elles sont la partie cachée de l’iceberg dont la partie visible est l’internet aux yeux du public (la « prise » universelle de l’informatique). Les portables (parmi lesquels figure la carte à puce qui s’est naturellement transformée en un « micro micro-ordinateur » avec sa mémoire, son processeur, ses moyens de communication et demain, des nouveaux moyens d’affichage…) se multiplient ainsi naturellement.
19Il reste à inventer une véritable « informatique spontanée » qui permette de manière naturelle et intuitive l’accès à tous types de services avec toujours moins de formation préalable. Les domaines de la reconnaissance vocale, de la reconnaissance des formes, des caractéristiques biométriques (empreintes, fond de l’œil…), des progrès des dispositifs d’affichage, de la connectique de proximité (la technique Bluetooth permettra de supprimer la plupart des fils et d’ouvrir de nouvelles voies) permettent d’avancer dans cette direction.
20En résumé, l’évolution des techniques de traitement de l’information est dominée par la numérisation de l’information qu’elle qu’en soit sa nature (voix, données, images), par l’utilisation de moyens de traitement et de communication de plus en plus performants, répandus et banalisés et enfin, par une miniaturisation qui repousse tous les jours les limites du possible. On peut parler à présent d’une abolition de la distance, et donc du temps, commencer à constater une connexion quasi continue (mobilité totale) et annoncer une facilité d’usage croissante permettant de diminuer les phases pénibles d’apprentissage.
21Le domaine des transports peut mettre à profit nombre de ces innovations mais il ne faut pas perdre de vue que de même que dans l’imprimerie, la véritable révolution à venir sera celle du contenu dont l’étendue et l’usage, c’est-à-dire in fine les comportements des hommes, est encore insoupçonnée.
Essai de classification des transports en commun
22Il est possible de distinguer six grands domaines fonctionnels dans les transports en commun, en partant des voyageurs (voir figure 3), qui doivent désormais orienter toute action.
Les grands domaines des ntic dans les transports en commun urbains
Les grands domaines des ntic dans les transports en commun urbains
23Tout d’abord le domaine du transport des voyageurs : il regroupe l’essentiel des agents d’exploitation et les moyens de transport physique (voitures et éventuellement installations fixes de métro, bus, tram).
24Puis un domaine de gestion administrative et de maintenance, classique dans toute entreprise pour la faire fonctionner.
25Plus spécifique est le domaine des équipements de coordination. En effet, il est en plein développement pour mieux faire face à l’affluence croissante des voyageurs. Il regroupe notamment les postes de commande centralisés ou décentralisés qui se multiplient.
26Le domaine des infrastructures est en pleine émergence dans la plupart des entreprises. Il correspond à une tendance forte de mutualisation des ressources transversales. L’infrastructure électrique a été un des premiers réseaux à apparaître et à se dissocier des différentes fonctions (le plus souvent, à présent, l’électricité est fournie et parfois transportée par un prestataire externe). La même notion se dégage pour les réseaux de communication filaires ou radio, et même pour les serveurs d’entreprise (ce qui va en s’accentuant). Cette tendance à la mise en commun de ces ressources correspond à une maturation des techniques correspondantes, qui deviennent plus fiables, plus facilement disponibles, banalisées et donc mutualisables (l’évolution ultime pouvant être une externalisation lorsque l’ensemble est bien stabilisé).
27Le domaine du « traitement du voyageur », initialement inclus dans le domaine du transport, s’amplifie et est devenu un domaine à part entière, particulièrement essentiel dans une orientation de service. Il peut se subdiviser en trois sous-domaines : celui de la vente et de la perception, celui de l’information voyageurs et enfin, celui de la sécurité.
28Le domaine de l’intégration dans la ville. Il traduit l’évolution des attentes des citadins et des techniques : abolition des ruptures de toute sorte (synonyme de meilleure qualité de service) et recherche de synergies et de valeurs ajoutées (recherche générale d’économies, voire de création de nouveaux services à coût marginal). Les transporteurs, par leurs compétences techniques et leur contact quotidien avec un grand nombre de citadins, peuvent y jouer un rôle déterminant, (Le transporteur intégrateur naturel de la ville est un slogan qui a guidé le département sit de la ratp depuis les années 1990).
29La suite de cet article s’efforce de résumer les évolutions essentielles de ces domaines en prenant l’exemple du réseau de Paris.
L’évolution des techniques dans le domaine du transport (physique) des voyageurs
30Ces évolutions, de plus en plus guidées par le client, peuvent se décomposer en évolutions globales par rapport au système (pour mieux repenser l’ensemble) et d’autres, plus spécifiques, portant sur des composants des systèmes de transport existants.
31Dans ces deux cas ces évolutions sont lentes, car elles suivent l’histoire des transports, et par ailleurs elles mettent en jeu rapidement des sommes considérables.
Les évolutions de type système
32Elles visent à améliorer la souplesse des modes existants, voire à en concevoir de nouveaux pour apporter plus de fluidité et de commodité au citadin.
33Le transport dans la ville est parfois comparé au système sanguin de l’être humain, avec de gros vaisseaux : les transports en commun, et des capillaires : les voitures automobiles. Les voitures guidées ou en libre service, qui font l’objet de nombreuses expériences à travers le monde, sont à mi-chemin entre ces deux catégories et traduisent le désir – et aussi des possibilités nouvelles – de concilier l’inconciliable d’hier : une personnalisation des tcu ou une mutualisation de la voiture particulière.
34A mi-chemin entre ces solutions idéales mais encore délicates à mettre en œuvre, et les métros, des expérimentations de systèmes d’autobus guidés en site propre se multiplient. Elles s’expliquent par l’intérêt certain que ces derniers apportent, malgré des coûts de fonctionnement relativement élevés (ils ont par ailleurs des coûts d’investissement raisonnables). Ils allient en effet la souplesse de l’autobus et l’efficacité d’un métro, en adaptant l’offre au débit sans rupture de charge. Leur mise au point devrait s’accélérer dans les années à venir.
35L’émergence des métros automatiques est une tendance lourde qui concerne déjà plus de 10 % des 80 métros existants dans le monde. La concentration urbaine accroît le besoin de transport. Aux heures creuses, il est onéreux de faire circuler des trains, et la part prépondérante de ces coûts est concentrée sur le personnel d’exploitation (près de 70 %). Par ailleurs, aux heures de pointe, il est souvent nécessaire de rapprocher les trains le plus possible, et la vitesse de réaction, voire la fiabilité humaine sont influencées par de nombreux facteurs, ne serait-ce que par la fatigue : c’est pourquoi les grands réseaux se sont munis, à partir des années 1960, de systèmes de pilotage automatique, les performances étant encore accrues par l’utilisation de pneumatiques. La tendance actuelle est de concevoir des métros automatiques qui, à l’image des ascenseurs verticaux, peuvent fonctionner sans conducteur et permettent donc d’augmenter les débits et d’adapter en temps réel l’offre à la demande. La ratp a inauguré sa première ligne entièrement automatique en 1998 (Météor, depuis baptisée Ligne 14).
36La technologie utilisée a évolué des systèmes analogiques câblés vers les systèmes programmés numériques avec des progrès très importants en termes de fonctionnalités et de fiabilité opérationnelle. Malgré tout, ces progrès masquent une vraie difficulté : la sûreté des logiciels.
37S’il est assez facile de prouver la sécurité d’une logique câblée, par une analyse déterministe, il en va tout autrement avec les puces et les logiciels, à cause de la combinatoire quasi infime qu’ils permettent : une dizaine d’années a été nécessaire pour élaborer des méthodes de certification et de validation.
38En l’absence de conducteur, les rôles des équipements de télécommunications et d’information des voyageurs sont déterminants : leur disponibilité doit être voisine de 100 % à tout moment. Les progrès de la radio permettent d’envisager de tels objectifs, avec même la possibilité de retransmettre en temps réel des images venant des trains, grâce à la mise en œuvre dans un transport guidé d’une couverture radio très performante à un coût acceptable.
39La multiplication des tramways est un fait assez paradoxal d’un point de vue technique, mais s’explique par la nouvelle priorité donnée aux tcu, qui permet de restructurer la ville autour d’un tramway et donc d’avoir un mode de transport efficace à moindre coût. On peut dénombrer aujourd’hui plus de 600 tramways dans le monde et ce nombre ne cesse de croître. Leur multiplication devrait néanmoins être freinée car leur succès peut conduire à une augmentation des fréquences et donc à une véritable « coupure » de la ville. Les tramways pneumatiques, moins onéreux et plus souples semblent particulièrement prometteurs.
L’évolution des composants
40Elle vise à améliorer la sécurité et le confort des modes existants. Pour les métros ou les tramways, les principaux progrès concernent :
- l’intercirculation qui diminue l’impression de confinement et améliore la sécurité réelle et perçue ;
- les suspensions pneumatiques et les climatisations pour le confort ;
- les réseaux informatiques embarqués qui se multiplient mais ne sont pas encore standardisés. Cette standardisation serait pourtant de nature à faciliter les applications ou services (billettique, information…) qui auront tendance à se multiplier.
- la réduction de la pollution engendrée par ce mode de transport est au cœur de nombreux débats. Dans la plupart des cas, cette pollution est marginale si elle est rapportée au voyageur transporté mais elle est politiquement de plus en plus « insupportable ». Les solutions gnv ou gpl constituent des progrès qui restent relatifs eu égard aux investissements à consentir ;
- la radiolocalisation des bus (traitée plus en détail ci-dessous) constitue une opportunité et une véritable révolution pour les réseaux de bus. Elle rend plus aisée la réalisation de commandes centralisées d’autobus. Outre des coûts globaux, divisés au moins par trois par rapport à des solutions classiques, elle permet de simplifier leur mise en service, notamment en évitant d’ouvrir la chaussée pour installer des balises de localisation. De plus, cette nouvelle technique offre une localisation quasi permanente des bus qui générera de nouvelles applications (détection des « trains » de bus par exemple, ou des bus transportant le plus de fraudeurs, détermination des cartographies de vitesse, etc.) ;
- les réseaux informatiques embarqués commencent enfin à apparaître, mais il reste un gros effort à faire pour leur standardisation. Ils sont encore plus essentiels que dans le cas des métros, du fait de l’importance plus grande des flottes et pour minimiser les coûts d’adaptation des équipements.
Quelques précisions sur la radiolocalisation des bus à la ratp
41Il est notoire, et hélas vérifié dans de nombreuses villes, que la délinquance et la violence progressent dans les réseaux urbains de transport en commun. L’efficacité de la lutte contre l’insécurité repose sur trois facteurs-clés :
- l’identification des caractéristiques de l’agression, afin de trier les alarmes et d’éliminer les fausses alertes ;
- la connaissance du contexte de l’agression, afin de déterminer les moyens les plus efficaces à mettre en œuvre ;
- la localisation des équipes d’intervention et leur guidage optimum vers le lieu de l’agression afin d’intervenir si possible avant même que les agresseurs aient pris la fuite.
La localisation des bus et véhicules d’intervention
42Confrontée à la nécessité de localiser ses véhicules mobiles, la ratp s’est intéressée dès 1990 au système gps de l’armée américaine afin de l’utiliser en zone urbaine dense : l’idée de base consistait à développer un dispositif d’estime complémentaire pour pallier les manques de réception fréquents du gps en ville, et à utiliser une méthode de correction garantissant une précision inférieure à 10 mètres en tous lieux, même souterrains.
43Grâce à un récepteur standard, et à l’utilisation de corrections dites « différentielles », le bus calcule en permanence sa position à 10 mètres près. En cas de non-visibilité des satellites, le boîtier de localisation embarqué effectue une navigation complémentaire, dite « à l’estime », grâce à un gyromètre embarqué couplé à l’odomètre du bus. Il est ainsi possible d’avoir une localisation continue, avec une précision finale d’environ 10 mètres.
44Après une première phase de prototypes et d’expérimentations poussées, la ratp a engagé en 1999 le déploiement complet du système sur ses 4 000 bus.
Le système central et les applications
45Les positions reçues via un réseau radio sont concentrées dans un système central : le serveur de radiolocalisation.
46La première tâche de ce serveur consiste à recaler les positions reçues (map matching) : en effet, il faut tenir compte de la précision de la carte (environ 5 mètres) qui s’ajoute à la précision de la localisation (10 mètres). Les positions reçues sont donc comparées avec une base de données cartographiques vectorisées de la région parisienne, générée à partir de données issues de l’ign (Institut géographique national). Cette base est également utilisée par beaucoup d’autres applications, notamment le système de recherche d’itinéraires pour les voyageurs pivi (plan indicateur visuel d’itinéraires).
47Les positions recalées des véhicules sont alors envoyées vers le logiciel d’application pour la sécurité. En cas d’envoi d’alarme par le conducteur d’un bus, sa position est représentée sur une carte et remise à jour toutes les 10 secondes. La visualisation sur cette même carte de la position des véhicules d’intervention permet, sans perte de temps, d’alerter le véhicule le plus proche du bus en difficulté.
48La ratp a pris en compte ces trois facteurs pour réaliser le système d’exploitation Aigle :
- toutes les informations sont transmises 24 h sur 24 au pc Sécurité (pc2000) qui constitue le centre nerveux opérationnel ;
- un pc identique a été réalisé à proximité du pc2000 pour les besoins de la police ;
- ces deux pc sont interconnectés, afin de coordonner les interventions.
L’évolution du domaine de la gestion administrative et de la maintenance
49Il s’agit d’un domaine en forte évolution car dans une orientation client, la pression sur la qualité et les coûts est de plus en plus marquée et s’accentuera en Europe, du fait des orientations législatives visant à ouvrir le secteur des transports à la concurrence.
50Dans la pratique, les tcu seront dans ce domaine souvent en position de « suiveurs » des autres entreprises : des progiciels de gestion administrative (achats, personnel, finance) se multiplient ainsi que les groupwares (pc, messageries, intranet, extranet…).
51Plus originale, néanmoins, est la multiplication des progiciels de gestion de la maintenance gmao qui revêtent une importance particulière et une certaine spécificité car ils doivent inclure une gestion classique d’un processus (par exemple, la réparation des trains ou des bus), et également traiter de la gestion des dépêches (interventions in situ). Ces gmao qui incluent également une dimension économique seront de plus en plus répandues pour améliorer la maintenance en qualité et en coût.
52Mais l’évolution la plus importante est sans conteste la double évolution, d’une part des équipements conçus de plus en plus à l’aide de sous-ensembles modulaires et facilement interchangeables, et d’autre part de l’irruption en leur sein de techniques informatiques et télécoms (autotest, télésurveillance, télédiagnostic, télémaintenance…). Il s’agit d’une tendance lourde et incontournable qui incitera à distinguer les agents d’intervention de proximité (dont le dogme doit être la réactivité) de ceux pouvant opérer à distance sur des équipements de plus en plus interconnectés et complexes. L’émergence de ces techniques présuppose bien entendu des réseaux télécoms adaptés mais pas forcément onéreux.
Evolution du domaine des équipements de coordination
53Ces équipements revêtent une importance croissante car le transport est une activité très intégrée (et donc sensible à la moindre perturbation) qui change de plus en plus puisque la demande est de moins en moins répétitive.
54Sous ce terme, on regroupe d’une part des équipements centraux de suivi et de régulation des matériels roulants et d’autre part des équipements de coordination des équipes sur le terrain.
55Les premiers équipements centraux ont été réalisés au milieu des années 1960 pour le métro. A cette époque on savait mettre en œuvre des transmissions de données filaires et déterminer la position des trains grâce aux équipements de signalisation (la voie est « tronçonnée » en segments élémentaires délimités par des feux de signalisation). Les techniques étaient propriétaires avec des débits de transmission de quelques kbit/s, mais largement suffisantes compte tenu des faibles quantités de données. Des tentatives avaient été faites pour les bus avec des transmissions de données par radio, mais la technique n’était pas encore suffisamment avancée. Ce n’est que maintenant que l’on assiste au déploiement des équipements de régulation de suivi et de régulation des bus grâce aux progrès de la radio et du gps.
56L’avènement des réseaux de transmission fixes à grande capacité par fibres optiques et le traitement généralisé de l’information numérique (voix/données/images) permet de satisfaire aux nouveaux besoins de ces postes d’exploitation qui sont de plus en plus nombreux et s’enrichissent d’images vidéo pour s’adapter au mieux aux circonstances du moment. De plus en plus les responsables auront des informations de synthèse de ce type pour un prix modique. Ainsi au métro de Paris, les agents de station disposent sur un simple pc de la position de tous les trains du réseau.
57Par ailleurs, les équipes sur le terrain commencent à être dotées d’outils portables de plus en plus évolués et légers (talkie walkie gsm, etc.). La localisation éventuelle de ces équipes est déjà une réalité et une explosion des applicatifs de groupe est à prévoir. Ils permettront d’améliorer l’information, et donc la possibilité effective de fonctionnement décentralisé des entreprises.
Evolution du domaine des infrastructures
58La rationalisation économique et technique implique une mutualisation croissante des ressources techniques qui devient d’autant plus possible que la fiabilité de ces ressources centrales, vitales et largement partagées, est très élevée.
59Historiquement les infrastructures électriques ont ouvert la voie. Elles ont acquis un tel degré de maturité dans certains pays que leur externalisation devient monnaie courante avec la suppression des lourds réseaux propriétaires de distribution.
60Les infrastructures télécoms suivent une évolution similaire : elles sont de moins en moins dédiées par type d’équipement (dans nombre de métros, il est encore possible d’identifier la finalité de certains réseaux de télécoms par la couleur des gaines de câbles). Il est ainsi possible d’assister à une double intégration des réseaux télécoms qui servent une multitude d’applications et qui fédèrent la voix, les données et les images en se numérisant. Ainsi se constituent naturellement des réseaux banalisés mais fortement hiérarchisés avec une partie centrale au backbone et des ramifications aux capacités adaptables à la demande pour les plus performants d’entre eux.
61Nombre d’entreprises de transport disposent de réseaux de transmission de données performants à base de fibres optiques. Avec la télésurveillance à partir de postes centraux, le besoin de transmission d’images vidéo est croissant. Si la transmission de la voix numérisée et des données digitales est maîtrisée depuis plusieurs années, la transmission de la vidéo, dont la bande passante est beaucoup plus large, était du type analogique sur des commutateurs et des réseaux dédiés et coûteux.
62Les techniques de numérisation et surtout de compression des données permettent à présent de limiter le flux de données nécessaires à la transmission d’images vidéo dans des valeurs compatibles avec les réseaux de communications. Un réseau de type atm permet de véhiculer ces données de manière banalisée, et même d’allouer la bande passante en fonction des priorités, par exemple pour sécuriser la transmission d’événements importants.
63Les gains sont significatifs en termes de coût d’établissement et d’exploitation, et surtout en termes de flexibilité. Cette flexibilité permet de paramétrer plusieurs scénarios d’exploitation (par exemple jour/nuit/week-end), pour des lieux différents et avec des possibilités de reconfiguration immédiate. La ratp met actuellement en œuvre ce type de réseau destiné à fédérer l’ensemble des besoins de transmission, notamment la transmission des images des caméras de vidéosurveillance dans les Centres de liaison et les pc de sécurité.
Le futur réseau (tout numérique) de la ratp
Le futur réseau (tout numérique) de la ratp
64La numérisation progresse également dans le domaine de la voix pour la radiotéléphonie : le portable ou téléphone cellulaire (de type gsm en Europe et dans de très nombreux autres pays) en constitue l’illustration la plus récente.
65De même, les nouveaux réseaux professionnels privés de radiotéléphonie (qui permettent notamment des appels de groupe : une ligne de bus par exemple) se numérisent, avec en Europe par exemple les réseaux de type Tetra, Tetrapol et gsm-R. La numérisation permet d’obtenir une qualité constante des communications, jusqu’à la limite de portée, et de transmettre voix, données et images de manière banalisée sur le même support. De plus, les capacités fonctionnelles sont accrues. Pour des usages nécessitant une discrétion des communications (sécurité, police), le cryptage des communications est très facile, puisque les données sont numériques, sans aucune dégradation de la qualité de l’audition.
66La ratp va remplacer l’ensemble de son réseau de radiotéléphonie analogique par un réseau numérique aérien et souterrain qui sera étendu à tous les besoins de l’entreprise.
67Dans la même logique, mais également du fait de la réelle explosion du nombre de serveurs applicatifs ou de bases de données, il est important de regrouper ces derniers dans des salles, dont les plus performantes sont télé exploitées 24 h sur 24.
Principales évolutions des domaines « traitement des voyageurs »
68Les progrès des techniques de l’information ont permis de concevoir des outils répondant plus étroitement aux attentes des clients, au-delà de la nécessité de base d’être transporté. Il s’agit là d’une magnifique opportunité – souvent peu onéreuse au regard des lourds investissements nécessaires pour le transport physique des personnes – de moderniser les tcu et de les intégrer toujours davantage dans la ville. Cette dernière subit nombre d’évolutions dont une des plus fortes est le passage d’une société de l’offre à une société de services. Les exemples qui suivent essayent d’illustrer ces propos tout en montrant qu’il s’agit d’outils essentiels pour démultiplier les relations de service.
Les péages
L’évolution des péages dans le monde
69L’évolution des péages dans le monde est naturellement liée à celle des technologies. Trois générations successives de péages coexistent aujourd’hui dans le monde :
- la plus ancienne utilise des pièces ou des tickets papier ;
- les péages magnétiques qui ont suivi peuvent être classés en deux catégories :
- péages avec entraînement automatique du billet : ce sont les plus nombreux,
- péages avec entraînement manuel du billet par le voyageur (swipe), dont New York constitue un exemple typique : si l’absence de mécanique d’entraînement automatique constitue un réel avantage, les dysfonctionnements liés à l’entraînement manuel constituent une limite d’extension évidente à tous les usagers occasionnels ;
- les péages sans contact (par exemple, Oulu, Singapour, Hongkong, Nice…) constituent la technologie la plus intéressante à tous points de vue. Le sans contact présente en effet des avantages très significatifs en termes de coûts, de fiabilité, de sécurité, de vitesse de transaction et d’évolutivité. Il est certain que cette technologie supplantera rapidement les deux autres, et on observe que certains réseaux remplacent directement leurs péages de première génération par du sans contact, sans passer par l’étape du magnétique. Dans la pratique, néanmoins, de fortes différences techniques existent dans les diverses solutions de sans contact : elles conditionnent directement le type de service qui pourra être offert aux voyageurs sans différence notable d’investissement, d’où l’importance du « bon choix » initial.
Le cas particulier de la ratp : le passe sans contact ou le péage de l’an 2000
70Dès la fin des années 1980, la ratp a entrepris une démarche systématique d’analyse fonctionnelle et de recherche de solutions, avec les objectifs suivants :
- la compatibilité avec le système existant ;
- l’optimisation des coûts d’investissement, d’exploitation et de maintenance ;
- la simplification de l’accès au transport et l’amélioration de son attractivité ;
- la réduction de la fraude, notamment grâce à la validation systématique à bord des bus ;
- La lutte contre la fraude dite invisible (par copie ou contrefaçon des titres de transport) ;
- La capacité d’adaptation au plus large éventail de scénarios tarifaires et de modes de validation, le système retenu devant évoluer avec les besoins de l’entreprise et être facilement transposable dans des contextes et sur des sites variés ;
- la détermination de nouvelles possibilités de service à coût marginal.
71Le psc présente les caractéristiques suivantes :
- une transaction très rapide en 1/10 de seconde (contre plus d’une seconde pour le magnétique) ;
- une sécurité de très haut niveau (de type bancaire) qui met en œuvre les principes de la carte à puce pour l’authentification réciproque de la borne et du psc par algorithme des avec génération de code aléatoire ;
- une transmission par induction à 13,56 MHz, la plus appropriée à l’ergonomie de l’accès sans contact pour piéton ;
- une puce multiservice incluant une zone propre aux transports (profil commercial du porteur, abonnement, informations de contrôle), une zone porte-monnaie électronique et une zone disponible pour d’autres applications.
72De plus, l’intelligence de la carte à puce permet d’adjoindre, en option, d’autres fonctions intéressantes : appel d’urgence à partir du psc, réception d’informations, etc. Au-delà du simple usage de base billettique, le psc prétend devenir un véritable « sésame » dans la ville.
Une démarche fédératrice
73Dans un souci économique, mais aussi ergonomique, les opérateurs de transport en commun d’Ile-de-France souhaitent utiliser un produit standard, généralisable à plusieurs sites et à des millions de voyageurs.
74Dans cet esprit, ils ont initié deux projets européens – Icare pour la billettique, puis Calypso pour la billettique couplée à la monétique, en partenariat avec les opérateurs de quatre régions européennes contrastées : Venise, qui doit gérer des millions de touristes occasionnels, Lisbonne, capitale de taille moyenne, l’Eurorégion du Bodensee, qui fédère plusieurs opérateurs allemands, suisses, autrichiens et Bruxelles la capitale de l’Europe.
75L’objectif commun à l’ensemble de ces partenaires est d’expérimenter la technologie psc dans des contextes très variés, afin d’en démontrer l’universalité et d’en favoriser la standardisation (les normes iso internationales 14443-B et iso 1445 sont largement issues d’Icare).
76De plus, ces villes ont créé un club (Contact Less technology Users Board) ouvert à tous les opérateurs désireux de promouvoir l’émergence de systèmes de billettique sans contact à haute sécurité (pour permettre l’adjonction de porte-monnaie électronique) et d’en faciliter la standardisation. Créée à Constance en mars 1995, l’Association compte déjà 28 fédérations regroupant plus de 200 réseaux dans 10 pays européens et un pays d’Asie.
La généralisation
77Les villes de Nice et d’Amiens utilisent le psc depuis le début de 1999 avec respectivement 100 000 et 40 000 porteurs. Entre-temps, d’autres villes ont rejoint cette approche fédératrice et mutualiste, et décidé de tester ou de généraliser le psc (Mantoue, Cannes, Lyon, Bordeaux, Naples, Milan, Bologne…).
78En Ile-de-France, après une étape d’expérimentation prolongée avec des clients, associant l’ensemble des modes de transport (métro, rer, bus, trains de banlieue) et des opérateurs (ratp, sncf, Adatrif et aptr), la consultation des entreprises est achevée et le déploiement est en cours sur 800 stations. Depuis plusieurs années, plus de 125 stations équipées et 4 000 lecteurs constituant une des plus grosses installations de ce type existant au monde ont permis d’optimiser ce produit (plus de 3 000 modifications effectuées) et de démontrer sur le terrain la viabilité de la solution mise au point dans tous les aspects du multiservice. En fait, la solution Icare, ouverte à tous et en gestation depuis de nombreuses années, a pris son véritable essor en 1999 avec l’apparition des premières cartes à microprocesseur produites au monde. Elle s’avère déjà un des grands standards internationaux.
L’information des voyageurs
79Les progrès rapides des systèmes d’information et des télécommunications ont également permis de bâtir des systèmes d’information voyageurs (siv) très performants, qui, il y a à peine 10 ans, relevaient du domaine de la science fiction.
80Les développements récents de la téléphonie mobile vont encore améliorer ces services, notamment en abolissant la contrainte du lieu : le voyageur aura ainsi, en temps réel, une continuité d’accès aux informations tout au long de son déplacement.
81Quelques exemples de cette nouvelle génération de siv observables à Paris essayent d’illustrer ce propos.
Suroit : l’information « avant le déplacement »
82Les déplacements étant de moins en moins répétitifs, le besoin en information sur les trajets s’accentue. D’autant que plus une ville est importante, plus le nombre de lignes de transport à mémoriser augmente et plus la combinatoire des possibilités pour choisir son trajet est élevée. A titre d’exemple, les réseaux parisiens comptent plus de 400 lignes d’autobus avec 10 000 points d’arrêts, et 560 stations ferrées.
83L’idée maîtresse du projet Suroit, engagé en 1990, consistait à réaliser un noyau commun à tous les systèmes d’information voyageurs, afin d’en garantir la cohérence. Ce noyau se compose :
- d’une base de données textuelles et cartographiques recouvrant l’ensemble de l’offre de transport en Ile-de-France (trajets, horaires, tarification…), la voirie (60 000 voies) et les lieux fréquents de (35 000 monuments, mairies, hôpitaux…) ;
- d’outils de traitement rapides et intelligents de ces données (par exemple, un algorithme de recherche d’itinéraire entre deux points).
84D’autres applications sont également proposées :
- le client, francophone ou pas puisque cinq langues sont proposées, peut réaliser la même opération à partir d’un minitel ou de l’internet [1] ;
- l’ensemble des plans de la ratp ainsi que les guides imprimés sont automatiquement générés à partir de Suroit, ce qui garantit leur cohérence et leur mise à jour rapide ;
- pivi est couplé depuis peu à une application du même type relative à la voirie : ainsi, un citadin peut, en fonction des caractéristiques réelles et instantanées de fluidité du trafic, choisir son mode de déplacement et son itinéraire.
siel : l’information « juste avant » sur les réseaux ferrés
85Dans chaque gare du rer (Réseau express régional), le système siel fournit l’horaire de passage des six prochains trains : ces informations et une horloge sont affichées et mises à jour en temps réel sur des moniteurs couleur disposés sur les quais et dans le hall des gares.
86Toutes les données proviennent du Poste de commande centralisée de la circulation des trains de la ligne considérée. C’est à partir de ce poste que l’opérateur a également la possibilité d’afficher des messages textuels en cas de perturbation de la ligne ou du réseau.
87D’autres panneaux sur les quais indiquent la liste des stations desservies. Ce système, que l’on aurait pu juger luxueux compte tenu du cadencement rapide des trains (toutes les 90 secondes à l’heure de pointe), a néanmoins une réelle utilité sur les lignes à fourche et a rencontré un succès tel qu’il est à présent jugé indispensable.
88Il a également permis d’observer des comportements inattendus : par temps froid, les voyageurs des gares aériennes surveillent l’écran dans le hall d’arrivée protégé, et attendent le dernier moment pour monter sur le quai ; afin d’éviter la cohue, il a été nécessaire de faire disparaître l’affichage du train peu avant son arrivée sur l’écran du hall, tout en le maintenant sur l’écran du quai.
89Cet exemple illustre les besoins des voyageurs vis-à-vis de la maîtrise du temps, besoins que les enquêtes auprès des voyageurs qui consultent les écrans d’affichage aux points d’arrêt des bus résument bien : « je veux savoir afin d’organiser au mieux mon voyage ».
Altaïr : l’information « juste avant et pendant » pour les bus (ou le « siel » du bus)
90Les informations récupérées auprès des bus par le serveur de radiolocalisation sont également transmises, via les réseaux de transmissions de données filaires, vers le Poste de commandement local (pcl) de la ligne concernée.
91Rafraîchies toutes les 30 secondes, ces données sont alors exploitées par un calculateur à des fins de régulation des bus en temps réel et d’information des voyageurs (application Altaïr) :
- l’agent chargé de la régulation peut ainsi connaître la position exacte des véhicules de sa ligne, améliorer le respect des horaires et la régularité des intervalles séparant les bus ;
- les données intégrant les actions effectuées par l’agent chargé de la régulation (déviation de ligne, retournement de bus…) permettent de générer une information voyageur d’une grande fiabilité, qui est transmise aux points d’arrêt des bus : le voyageur est ainsi informé de la destination des deux prochains bus et des temps d’attente en minutes ;
- à l’intérieur des bus également, des afficheurs de type « journaux lumineux » indiquent le nom du prochain arrêt et le temps de parcours vers quelques arrêts remarquables de la ligne fournissant ainsi une précieuse indication sur le temps de transport à venir.
92L’agent chargé de la régulation peut envoyer en temps réel, à l’attention du conducteur du bus, des passagers qui sont dans le bus ou attendent au point d’arrêt, des messages de service (entrée en déviation, ligne interrompue…).
93Ainsi, compte tenu des programmes en cours à Paris, le voyageur connaîtra l’heure de passage de son mode de transport (rer, métro ou bus) lorsqu’il arrivera à la station ou à l’arrêt, soit bien avant son appel à un centre via le téléphone ou l’internet.
Emergence du domaine intégration des transports dans la ville
94Les synergies sont aujourd’hui essentielles : les transporteurs sont des fédérateurs et des intégrateurs idéaux pour la ville. En effet, ils ont des millions de clients fidélisés qu’ils voient de surcroît quotidiennement et longuement, ils ont des installations à valoriser et souvent de réels savoir-faire. Quelques exemples permettant de mieux saisir l’importance croissante de ce domaine.
La valorisation des infrastructures de métro
95Le développement des réseaux de communication de données performants nécessite notamment de poser des câbles à fibres optiques en milieu urbain. Or, la pose classique dans la voirie est très lourde (coût élevé, autorisations longues et difficiles à obtenir) : c’est pourquoi l’infrastructure des tunnels et stations du métro qui irrigue les villes offre de réelles opportunités pour déployer ces câbles dans de bien meilleures conditions de rapidité.
96La filiale Telcite créée par la ratp pour la vente et la réalisation de ce type de service a connu un succès immédiat. En complément de cette activité de location de fibres nues, il est rapidement apparu nécessaire de créer Naxos, une nouvelle filiale spécifiquement chargée de fournir du débit d’informations. Les deux filiales sont en fait des « grossistes en télécommunications » qui ont pour clients tous les opérateurs, car elles ont opté pour une stricte neutralité à leur égard, ce qui est propice au développement de la concurrence et donc in fine au développement des télécommunications dans les zones d’activité de haute densité.
97D’autres réseaux ont choisi de sous traiter cette activité à un opérateur (Londres, Tokyo…) : la concurrence s’en trouve perturbée et ils seront progressivement obligés de laisser pénétrer les autres opérateurs, et donc de multiplier les réseaux de télécommunications installés sur leurs « emprises » (parcours), ce qui accroîtra d’autant les besoins d’intervention.
Le téléphone cellulaire descend dans le métro
98Le portable constitue déjà un fait social majeur au niveau mondial : les progrès technologiques (miniaturisation, intégration et surtout numérisation des liaisons radio) ont permis d’offrir au grand public un moyen de communication sans fil, très léger (il existe déjà des prototypes de portable sous forme de montre avec gps intégré), d’un coût d’achat et de fonctionnement accessibles, qui se substitue rapidement aux téléphones filaires. Le taux de pénétration du portable en France (près de 50 % de la population à ce jour) a dépassé les prévisions les plus optimistes et il continue de se situer à un niveau plus faible que de celui de la Finlande (80 %), ce qui montre bien que l’évolution en cours est loin d’être achevée.
99Les usagers souhaitent avoir une continuité de ce service, y compris dans les transports en commun. Plusieurs métros dans le monde assurent déjà une couverture plus ou moins complète de leur réseau (Hongkong, Singapour, Berlin…) et la ratp a engagé l’équipement complet de ses réseaux dans une logique de non-discrimination des opérateurs.
100Cet équipement pose deux problèmes : le premier est de nature technico-financière, car la couverture radioélectrique des souterrains et stations est relativement coûteuse ; le second est humain, car un voyageur utilisant son portable dans une rame de métro peut occasionner une gêne pour les autres voyageurs. Le premier problème peut être minimisé par la mise en commun des installations fixes entre plusieurs opérateurs ; le second par des règles de bonne conduite, par exemple l’utilisation de vibreurs à la place des sonneries d’appel.
101Le portable constitue également un vecteur de communication particulièrement intéressant pour l’information des voyageurs. Il deviendra peut-être prépondérant dans les années à venir et il est donc important de s’y préparer. Citons par exemple l’utilisation de messages courts (sms Short Message System sur le gsm) permettant d’afficher des informations à caractère général ou personnalisé sur l’écran du portable.
102Les progrès actuels concernent les transmissions de données à plus grande vitesse gprs (General Packet Radio System), puis umts en Europe (Universal Mobile Telecommunication System, ou téléphone mobile de troisième génération), qui permettront un dialogue interactif sur des écrans graphiques couleurs de dimensions plus importantes, avec ajout d’images au texte. Il sera ainsi possible de concevoir une chaîne d’information de bout en bout, avec, par exemple, le scénario suivant.
103A partir de son domicile, le voyageur demande son trajet en précisant ses préférences, puis reçoit automatiquement un plan de l’accès avec des horaires actualisés en temps réel. Il a pris soin d’introduire la carte de son psc dans son portable, afin d’être identifié et guidé dès son point de départ. Bien sûr, tout au long de son trajet, il est prévenu des perturbations éventuelles et des itinéraires de remplacement. A l’arrivée, il dispose sur son portable du plan du quartier, et, s’il a précisé son intention d’acheter un objet déterminé, la liste des magasins pouvant le lui fournir avec les prix. Pour un usage plus général, il peut se brancher à tout instant sur l’internet afin d’y consulter ses messages, sa banque ou réserver une place de théâtre.
104Ainsi, la frontière entre son domicile et l’extérieur est abolie, au profit d’une véritable continuité de service. Nombre de ces fonctions sont déjà en test à la ratp.
Le phénomène internet
105A l’exemple du gsm en Europe, le grand public dispose avec l’internet d’un nouveau moyen d’information interactif au niveau mondial.
106Toutes les grandes entreprises industrielles et de transport ont leur site web. Mais son accès personnel est pour l’instant limité aux possesseurs de micro-ordinateurs domestiques connectés à un réseau téléphonique ou câblé. Cette situation devrait évoluer rapidement dans le sens de l’abolition du temps et de l’espace mentionnée au début de cet article, avec l’apparition de terminaux dédiés à l’internet et les évolutions des réseaux radio type gsm.
107En attendant, dans les stations des tcu de nombreux réseaux ont implanté des points d’accès internet offrant plusieurs services (20 bornes à Paris). Un voyageur pourra y utiliser sa messagerie ou la visiophonie et des services annexes. Le passe sans contact sera l’outil idéal pour s’identifier et même pour payer au moyen du porte-monnaie électronique.
108Dans tous les cas, les transporteurs sont un des fournisseurs de service essentiels dans les villes : tout portail transport contenant des informations pertinentes (pivi en ligne par exemple, siel…) attirera naturellement nombre d’internautes et fournira des opportunités économiques importantes aux réseaux qui sauront les exploiter.
Conclusion
109L’intégration et surtout la miniaturisation des technologies de l’information permettent l’annonce d’une quatrième génération de transports en commun urbains (tcu), caractérisée par la disponibilité en temps réel d’informations de qualité pour tous, quel que soit le lieu et le moment. Cette quatrième génération suivra celle de l’arrivée dans les tcu des outils informatiques et télécoms, c’est-à-dire « du contenant ». Elle sera celle de l’explosion des services, c’est à dire « du contenu » et permettra très certainement de répondre au désir aujourd’hui paradoxal d’un transport de masse offrant à chacun un service personnalisé. Les transports en commun seront ainsi en mesure de répondre pleinement aux besoins des citadins, qui veulent plus de sécurité, de facilité et d’agrément dans leurs déplacements quotidiens : en un mot toujours plus de services.
110De manière plus générale, la demande de mobilité, qui déborde largement le seul domaine du transport physique, tend à effacer les frontières entre entreprises et partenaires du transport : il est naturel et nécessaire que les plus dynamiques d’entre elles aient l’ambition de jouer un véritable rôle « d’intégrateur de la ville », c’est-à-dire de fédérateur du plus grand nombre de services urbains, et de se lancer prudemment mais résolument dans l’aventure. La révolution du « contenant » leur fournira une occasion historique à saisir pour susciter l’émergence de services, dans des logiques de partenariats de valeurs ajoutées successives, c’est-à-dire sans exclusive et avec beaucoup de pragmatisme. Il va de soit qu’une telle ambition requerra des moyens humains de qualité que seules quelques entreprises sauront fédérer.
111De plus, il convient de mentionner trois autres points sensibles dans cette évolution à venir qui risquent de retarder l’évolution de cette quatrième génération.
112Tout d’abord, si les progrès dans le domaine des réseaux radio ont été considérables depuis le début de ce siècle, les équations de Maxwell sont pour l’instant intangibles : la transmission des informations nécessite une occupation spectrale minimale et le spectre radio n’est pas extensible. Il est déjà très difficile d’obtenir une autorisation pour des canaux radio dans les grandes agglomérations : la seule possibilité connue consiste à utiliser des fréquences de plus en plus élevées qui nécessitent des techniques de fabrication de plus en plus sophistiquées, et donc chères aujourd’hui.
113Deuxièmement, le logiciel, essentiel pour le contenu, affiche toujours un certain retard par rapport au hardware. La multiplication des programmes « objet », l’apparition de nouveaux langages adaptés (Java…) permet d’entrevoir les véritables débuts d’une industrialisation attendue et nécessaire des logiciels.
114Et enfin, le corps social de nos entreprises n’a pas souffert lors de l’émergence de la première génération de tcu (l’électricité a remplacé la vapeur). Il a subit un traumatisme durable lors de la deuxième génération (l’électronique a amené la suppression de milliers d’emplois tayloriens) ; il peut ainsi avoir tendance à assimiler innovation et perte d’emploi. Il faudra donc beaucoup de persuasion et de patience à quelques « éclairés » (souvent « mal aimés » dans des entreprises naturellement conservatrices), pour expliquer la vraie nature des choix et les immenses opportunités qu’offrent la troisième génération de tcu en cours de généralisation (nouveaux contenants) et surtout la quatrième en cours d’émergence (explosion des services).
115Gageons que ces difficultés seront surmontées et que le prochain millénaire nous prépare des évolutions, voire de véritables révolutions technologiques et comportementales, d’une ampleur comparable à celles qui se sont produites au xxe siècle, car celles que nous venons d’exposer n’en sont que les prémices.
Date de mise en ligne : 01/10/2010.