1L’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication apporte une aide importante à la résolution des problèmes de transport. Ce qu’on appelle communément l’ITS, c’est-à-dire les systèmes de transport intelligent, n’est cependant qu’un outil au service d’une politique des déplacements. C’est pourquoi, avant d’aborder le rôle de l’ITS dans la gestion du trafic, il semble nécessaire de rappeler les grandes lignes de la politique suivie par la Ville de Paris dans le domaine de la gestion des déplacements.
L’ITS : un outil au service d’une politique des déplacements
2Paris, ville d’un peu plus de 2 millions d’habitants, est située au cœur de la région Ile-de-France, première région française avec 11 millions d’habitants et 5 millions d’emplois. Comme toutes les grandes métropoles, elle doit relever le défi du développement économique tout en préservant les conditions de vie de ses habitants.
3Depuis quelques années, la population a tendance à quitter Paris au profit de la périphérie de l’agglomération et les emplois surtout suivent le même mouvement. Cela se traduit au niveau des transports par un fort accroissement des déplacements de banlieue à banlieue qui représentent aujourd’hui 70 % des déplacements quotidiens motorisés (c’est-à-dire effectués en voiture, transports en commun ou deux roues) de l’ensemble de la région Ile-de-France. Ce desserrement de l’activité s’accompagne d’une utilisation massive du véhicule particulier, qui assure 82 % des déplacements de banlieue à banlieue, alors que près de 60 % des déplacements intéressant Paris (Paris-Paris et Paris-banlieue) s’effectuent en transports en commun. Paris intra-muros, avec 54 % des ménages qui ne possèdent pas de voiture, conserve l’un des taux de motorisation les plus bas de France.
4Bien que le trafic soit désormais stabilisé à l’intérieur de Paris, l’accroissement de la circulation automobile en périphérie se poursuit au rythme de 1,6 % par an, ce qui aggrave la pollution et provoque de nombreuses nuisances pour l’environnement. Cette tendance a conduit les responsables politiques d’Ile-de-France à fixer des objectifs ambitieux de diminution du trafic dans le cadre du Plan de déplacements urbains, le « PDU ».
5Le PDU d’Ile-de-France élaboré par l’Etat en association avec les élus locaux (conseil régional et conseil de Paris) et le Syndicat des transports d’Ile-de-France (autorité organisatrice des transports publics) a pour objectifs une diminution du trafic automobile et une augmentation de l’usage des modes alternatifs : marche, transport public, vélo, covoiturage. Ces objectifs reposent sur un nouveau partage de l’espace public en faveur des circulations douces et des transports en commun, mais aussi sur une meilleure exploitation des réseaux routier et ferroviaire.
6A Paris, cette politique a été engagée dès 1996.
7Après avoir développé dans les années 1970 et 1980 un vaste programme de généralisation du stationnement payant sur voie publique qui a permis de réguler puis de stopper la croissance du trafic automobile dans Paris, un nouveau programme a été mis en œuvre visant à diminuer la place de l’automobile dans les déplacements, à favoriser un nouveau partage de l’espace public au profit des piétons, des deux-roues et des transports en commun, à mettre en service un réseau de pistes cyclables, et à créer des « quartiers tranquilles » où le trafic de transit est déconseillé au profit de la circulation de desserte et de la vie de quartier.
8Ce programme, qui a déjà conduit à une baisse sensible du trafic automobile dans Paris, s’est largement appuyé sur les techniques de l’ITS pour répondre aux besoins et aux aspirations des habitants et des usagers.
9L’objectif n’est pas de bannir la voiture de la ville, mais de la réserver aux déplacements strictement nécessaires, aux activités économiques et de loisirs, et d’offrir une alternative acceptable à ceux qui ne sont pas captifs de ce mode de transport.
10L’apport des nouvelles technologies est particulièrement significatif dans trois domaines :
- l’optimisation des ressources existantes par la régulation du trafic et l’information routière,
- l’aide au transfert modal par la création de services d’information multimodale,
- la sécurité des usagers.
L’optimisation des ressources existantes
11Les restrictions de circulation sur le réseau secondaire conduisent inévitablement à optimiser les capacités offertes par le réseau principal de voirie afin d’écouler dans les meilleures conditions de fluidité le trafic de transit. Les systèmes de régulation de trafic et d’information routière assurent à Paris cette fonction d’optimisation.
La régulation du trafic : SURF, Système urbain de régulation des feux
12Le système de régulation du trafic SURF 2000 a pour objectif d’adapter en permanence le réglage des feux tricolores aux conditions réelles de la circulation. Il a également pour but d’assurer la sécurité de tous les usagers en prenant en compte les besoins spécifiques des piétons et des vélos comme ceux des voitures. La centralisation des alarmes permet en outre une amélioration significative dans les délais d’interventions sur les équipements défaillants.
13Mis en place à Paris à partir de 1980, il a été progressivement enrichi et étendu au fil des progrès de la télématique, des automatismes et de l’informatique.
14SURF 2000 gère aujourd’hui plus de 1 300 carrefours avec des résultats appréciables en termes d’amélioration de la sécurité et de diminution des temps de parcours (gain de 15 à 30 %).
Le choix du type de système
15Il existe deux principales familles de systèmes de régulation de trafic :
- les systèmes à plans de feux fixes préétablis, avec une sélection horaire ou dynamique ;
- les systèmes adaptatifs, dits « temps réels », pour lesquels les plans de feux sont élaborés en temps réel en fonction des données transmises par les capteurs.
16Des capteurs (boucles électromagnétiques) placés sous la chaussée mesurent en permanence les caractéristiques du trafic sur chaque voie (débit et taux d’occupation), au moyen de 1 800 stations de comptages. Les informations ainsi recueillies sont transmises aux « contrôleurs de carrefours », puis au poste central de régulation. Un ordinateur choisit alors, parmi une bibliothèque de plans de feux, le meilleur réglage possible des feux en fonction des débits mesurés sur les principaux axes ou en fonction de l’heure s’il constate des saturations. Cet examen est effectué toutes les 3 minutes. En cas de changement de plan, l’ordinateur télécharge le nouveau plan de feux aux contrôleurs de carrefours concernés.
17Les actions de SURF 2000 se partagent en actions globales pour optimiser le réseau, appelées macrorégulation, et en actions locales au niveau des carrefours, appelées microrégulation. Le réseau est divisé en aires géographiques emboîtées, zones, sous-zones et carrefours, sur lesquelles agissent des automatismes spécifiques.
Les actions de macrorégulation
18La macrorégulation s’exerce au niveau des zones. Celles-ci sont déterminées de telle sorte que le trafic y soit homogène. Elles comprennent en moyenne quarante carrefours.
19Des situations de trafic sont identifiées pour chaque zone. Elles correspondent aux grandes tendances du trafic (intégration matinale, sortie de Paris le soir, situation moyenne la journée, etc.), mais aussi à des cas particuliers (fermeture nocturne du boulevard périphérique, crue de la Seine, etc.).
20On peut en outre mettre en œuvre automatiquement dans certaines zones, en fonction du jour et de l’heure, des plans de feux qui favorisent la traversée des piétons en réduisant leur temps d’attente. Les durées de cycle sont alors réduites de 90 à 70 secondes en semaine, entre douze heures et quatorze heures, et le week-end toute la journée. Ce dispositif est particulièrement utilisé dans les secteurs très commerçants.
21La stratégie des zones étant fixée, le réglage des carrefours doit s’adapter localement au niveau des sous-zones de régulation (par exemple, place de la Bastille). Des actions spécifiques à la gestion des saturations limitent les files d’attente aux carrefours et empêchent le développement de la congestion. Ces stratégies locales s’appuient sur les acquis du système expert Sage élaboré par la ville de Paris et l’Institut de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS). Les actions sont mises au point manuellement, testées, puis automatisées en fonction des taux d’occupation mesurés sur les chaussées.
La microrégulation
22Dans certains cas, il est indispensable d’utiliser au niveau du carrefour des techniques de microrégulation décentralisées dont la mise en œuvre est immédiate. La microrégulation est ainsi employée pour limiter le temps d’attente des autobus à leur arrivée à un carrefour, déclencher les antiblocages de certains carrefours avec des radars, et les feux sur appel (par exemple, dans les voies où il y a peu de circulation, le feu ne passe au vert que si un véhicule se présente), etc.
La salle d’exploitation du PC Lutèce
23C’est à partir du poste central d’exploitation Lutèce, dans l’île de la Cité, que s’effectue la gestion des feux tricolores.
24Chaque poste opérateur dispose de deux écrans qui fournissent l’état des équipements sur le terrain, les états de trafic (taux d’occupation) présentés par seuil de couleurs et par portion de voie, et les actions enclenchées automatiquement ou manuellement par le système.
25Le synoptique mural est un synoptique rétro projeté de 12 m2 permettant de visualiser l’ensemble des informations disponibles sur les postes opérateurs, en particulier l’état du trafic en temps réel.
Architecture de SURF 2000
Architecture de SURF 2000
26Une console spécialisée pour l’information aux usagers centralise les informations de trafic et de vitesse calculées par SURF 2000, celles du boulevard périphérique et celles du réseau des autoroutes d’Ile-de-France (Sirius). Elle permet en outre à un opérateur d’introduire toutes les informations non automatisables comme les manifestations sur la voie publique, les fermetures de voies, les accidents, les travaux, etc. L’ensemble des informations, sous forme de fichiers informatiques, peut ainsi être diffusé à des opérateurs de services d’information routière au moyen d’un serveur appelé « serveur grossiste d’information ».
L’information routière
27Les usagers souhaitent disposer d’informations fiables sur les conditions de trafic, avant leur départ pour choisir leur itinéraire ou un autre mode de transport, ou pendant leur déplacement pour éviter les difficultés et éventuellement modifier leur parcours. Mais l’information routière est également un outil de gestion de la circulation par la modification des comportements qu’elle peut induire.
28C’est pourquoi, s’il paraît tout à fait souhaitable que les autorités publiques favorisent le déploiement des systèmes et des services d’information routière, il est nécessaire qu’elles puissent conserver la maîtrise des informations diffusées aux médias afin que leur stratégie en matière de politique des transports soit respectée.
IPER : le système d’information du boulevard périphérique
29En dehors de la radio et des systèmes embarqués à bord des véhicules, les panneaux à messages variables (PMV) constituent un excellent média, directement maîtrisé par l’exploitant, pour informer en temps réel les usagers pendant leur trajet.
30Le boulevard périphérique, première rocade de 35 km autour de Paris, accueille chaque jour plus d’un million de véhicules dont 10 % de poids lourds. L’importance du trafic engendre de fréquentes congestions. Mais les encombrements les plus pénalisants sont dus aux 13 000 incidents et accidents recensés annuellement, soit 35 par jour en moyenne. Du fait de la quasi-absence de bande d’arrêt d’urgence, leur incidence sur la circulation est immédiate. C’est pourquoi ils représentent une priorité pour les exploitants.
L’intérêt des panneaux à messages variables et de l’information « temps de parcours »
31Les exploitants de la préfecture de Police et de la Ville disposent dans la salle de contrôle du poste central d’exploitation Berlier de toutes les informations nécessaires aux interventions rapides sur le boulevard périphérique : synoptique pour l’état du trafic, réseau de télésurveillance (100 caméras) et réseau d’appel d’urgence (166 bornes).
32La connaissance des événements par les exploitants est nécessaire mais l’information des usagers eux-mêmes est un complément indispensable. Elle permet une meilleure répartition des flux sur le réseau des voies rapides et évite aux usagers, en cas d’accident ou de travaux, de se diriger vers des axes saturés ou fermés.
33La Ville de Paris a entrepris dès 1984 la mise en place d’un système d’information par panneaux à messages variables. Les PMV sont télécommandés à partir du PC Berlier. Le dispositif a été conçu initialement pour informer des fermetures nocturnes du boulevard périphérique nécessaires à son entretien, pour signaler les accidents et les travaux, et pour prévenir les usagers de la position des bouchons.
34Bien qu’intéressant pour la sécurité, l’affichage traditionnel sur la position et la longueur des bouchons s’est révélé peu adapté aux conditions de trafic. Une première expérience réalisée en 1991 a montré l’intérêt pour les automobilistes de disposer d’informations quantifiées de type « temps de parcours ». Cette information permet en effet un meilleur choix d’itinéraire pour les habitués et un confort psychologique pour les usagers occasionnels.
35Pour satisfaire le besoin exprimé par les usagers, il fallait disposer des vitesses moyennes des véhicules, ce que les systèmes parisiens de gestion de la circulation étaient capables de mesurer ou de calculer. Le temps de parcours entre une origine et une destination a donc été choisi comme information de base à Paris pour aider l’automobiliste à choisir et à adapter son itinéraire. Il a l’avantage d’être la seule variable commune à tous les moyens de transports qui permette de comparer avec un critère objectif – le temps – les différentes solutions envisageables pour un déplacement. Il peut être utilisé par tous les médias disponibles tels que les systèmes embarqués, le minitel, l’internet, le téléphone ou le radiotéléphone et bien sûr, les panneaux à messages variables.
Le calcul des temps de parcours
36Le boulevard périphérique dispose de 188 stations de comptage installées tous les 500 m. Elles sont constituées de 740 boucles électromagnétiques. Une boucle par file est nécessaire. Chaque poste de comptage mesure le débit et le taux d’occupation. La vitesse instantanée est mesurée tous les 2,5 km, à l’aide d’une double série de boucles, et calculée à partir du débit et du taux d’occupation sur les autres postes. Le temps de parcours sur chaque tronçon élémentaire de 500 m est déduit de la vitesse. Il surfit ensuite d’additionner les temps élémentaires pour obtenir les temps de trajet. Ces calculs sont actualisés chaque minute et les messages sont télécommandés automatiquement aux 230 panneaux à partir du poste central d’exploitation Berlier.
Un principe d’affichage volontairement simple
37Les enquêtes ont montré l’intérêt de concevoir une stratégie d’affichage très simple afin d’être bien comprise malgré la tendance naturelle de l’automobiliste à souhaiter une information exhaustive plus sophistiquée.
38Six pôles de référence ont été définis sur chaque chaussée. Ils correspondent aux échangeurs autoroutiers.
39Les panneaux du périphérique (en section courante et au droit des accès) indiquent le temps nécessaire au trajet pour atteindre, depuis le panneau, les deux premiers pôles de référence en aval. Les panneaux situés sur les boulevards des Maréchaux indiquent le temps nécessaire pour atteindre, depuis l’entrée la plus proche du périphérique, le premier pôle de référence en aval, pour chacune des chaussées, intérieure et extérieure. L’information « Périphérique fluide » est affichée au-delà d’une vitesse moyenne de 60 km/h, ce qui correspond à la vitesse de fluidité.
Un accueil favorable des usagers
40C’est dans le cadre des projets européens Cities et Eurocor que l’INRETS, Srilog (société d’ingénierie et d’informatique) et la Ville de Paris ont procédé en 1994 à une expérimentation à grande échelle sur l’ensemble du périphérique. Une enquête menée auprès des usagers du boulevard périphérique a montré un accueil très favorable pour cette information novatrice. Une large majorité des usagers préfère l’affichage des temps de parcours à l’affichage des longueurs de bouchons. Ils estiment qu’il est à la fois mieux adapté à leurs besoins, plus précis, plus fiable et plus facile à comprendre.
41Les résultats de l’étude montrent que, d’une façon générale, l’affichage des temps de parcours tranquillise la conduite, ce qui contribue à la sécurité. Pour un habitué, un temps annoncé, très long au regard de son temps habituel, est signe de bouchons ou de perturbations, ce qui peut l’inciter à sortir. En revanche, l’annonce d’un temps peu élevé ou « raisonnable » peut le conduire à rester. C’est par exemple le cas lorsqu’un bouchon visuellement apparent est en fait très localisé (une file d’attente sur une bretelle d’accès, par exemple). D’une façon plus générale lorsque le temps annoncé est compatible avec son propre horaire, l’automobiliste a tendance à emprunter le périphérique.
42Les mesures de trafic ont confirmé que l’affichage des temps de parcours n’avait pas d’incidence notable sur le volume de circulation. Il a pour conséquence en revanche de diminuer légèrement les reports de trafic sur la voirie parallèle constituée par les boulevards des Maréchaux, notamment en situation de congestion importante, ce qui constitue pour la Ville un bon résultat vis-à-vis de ses objectifs de diminution de la circulation.
43A l’issue de l’expérimentation, la Ville de Paris a décidé de pérenniser l’affichage des temps de parcours au moyen d’un nouveau système d’automatisation des PMV, dénommé IPER, Information PERipherique, mis en service en 1996.
Les évolutions du système
44Il apparaît globalement que l’affichage des temps de parcours doit plutôt être considéré comme une amélioration du confort de l’usager et de sa sécurité, plutôt que comme un outil d’optimisation du réseau. Cette optimisation ne peut être obtenue qu’au travers d’un réseau maillé, comme celui des voies rapides d’Ile-de-France, lorsqu’un véritable choix peut s’exercer.
45C’est pourquoi le dispositif d’information a été complété en 2000 par l’installation de 12 panneaux supplémentaires, en amont de chaque échangeur autoroutier. Ils sont spécifiquement affectés à l’information en provenance des autoroutes. De la même façon, des panneaux autoroutiers informent des conditions de trafic sur le périphérique. L’affichage de ces nouvelles informations a nécessité une interconnexion entre le système parisien IPER et le système de gestion des autoroutes Sinus géré par le SIER, service de la direction régionale de l’Equipement d’Ile-de-France.
Les services d’information routière
46Depuis 1997, la Ville de Paris et le service de l’Etat gestionnaire des autoroutes d’Ile-de-France (DREIF/SIER) ont interconnecté leurs systèmes de gestion de trafic afin de permettre l’éclosion de nouveaux systèmes d’information routière entièrement automatisés. Ces deux exploitants disposent en effet de systèmes de recueil de données exceptionnels, composés de 12 000 boucles électromagnétiques installées sur un réseau de 800 km qui couvrent l’essentiel du réseau principal de voirie. Grâce aux services élaborés par des opérateurs, les informations sur la circulation parviennent ainsi à bord des véhicules, à domicile ou au bureau, sur des récepteurs RDS (Radio Data Système) appropriés, sur l’internet, par téléphone ou téléphone mobile.
La chaîne de diffusion de l’information
47La diffusion au public de l’information routière nécessite des liens étroits entre de nombreux acteurs, du recueil de données jusqu’au terminal de réception de l’usager.
48Un partenariat public-privé s’est établi en Ile-de-France entre les producteurs d’information qui sont principalement les collectivités publiques, gestionnaires du trafic routier, et les opérateurs de service, publics ou privés. Les données de base sont transformées par les collectivités publiques en données d’information (état de trafic, temps de parcours et événements) et mises à la disposition des opérateurs de service, sous réserve du respect d’un cahier des charges et du paiement d’une redevance destinée à couvrir les frais de mise à disposition. La chaîne technique, particulièrement complexe, a dû faire l’objet d’études difficiles, notamment en matière de normalisation au niveau européen.
Le protocole entre collectivités publiques
49La convention Ville de Paris-SIER définit les modalités d’échanges des informations entre les deux collectivités publiques et celles concernant leur fourniture aux opérateurs de service.
50Les principes retenus sont les suivants :
- chaque collectivité publique conserve la responsabilité et la maîtrise des données et informations qu’elle recueille par ses propres moyens techniques ;
- la diffusion d’informations routières à un opérateur sous quelque forme que ce soit, doit respecter la politique de gestion des déplacements et les stratégies d’exploitation et de sécurité de la route définies par les autorités publiques compétentes. Elle ne peut faire l’objet d’une clause d’exclusivité de la part d’un des signataires du protocole ;
- chaque collectivité publique conserve en outre la responsabilité et la maîtrise de ses relations contractuelles avec les opérateurs de service de diffusion. Toutefois, pour assurer la cohérence des services publics et préserver l’intérêt des usagers, elles ont convenu de passer des contrats avec les opérateurs de service en adoptant un cahier des charges commun et en appliquant des conditions tarifaires homogènes.
Les contrats types avec les opérateurs
51La Ville de Paris, comme le SIER, passe des contrats administratifs bâtis sur le même modèle, avec chaque opérateur de service candidat.
52Deux types de contrat ont été établis. Un contrat simple « pour la fourniture de produits informationnels » qui est passé avec tout opérateur qui souhaite bénéficier des informations émanant de la Ville. Le second type de contrat « pour la rediffusion des produits informationnels » est utilisé en cas de revente des informations d’un premier opérateur (opérateur « premier ») vers un second (opérateur « dérivé »), qui lui-même les met à la disposition du public. Ce dernier contrat est alors tripartite.
53Les contrats précisent les conditions de cession des données et la tarification. Le cahier des charges impose principalement :
- le respect des politiques de déplacement de chaque autorité publique,
- la diffusion des informations dans un délai raisonnable (10 min), ou au moins,
- sa datation,
- la diffusion de certains messages événementiels d’intérêt public demandés par les autorités publiques, tels que les gros accidents, les manifestations, la pollution, etc.
Favoriser l’intermodalité et la multimodalité au moyen de l’information
54L’information routière, si elle permet aux collectivités publiques d’optimiser l’utilisation de leur réseau routier, s’adresse exclusivement au voyageur qui a décidé d’utiliser sa voiture. L’un des moyens de favoriser l’usage des transports en commun est de compléter cette information par des propositions d’alternatives en transports collectifs, notamment avant le départ du voyageur, pour lui faire découvrir l’offre disponible et orienter son choix.
L’information multimodale avant le voyage
55Notre objectif est de développer l’intermodalité et la multimodalité, de donner au citoyen les meilleurs moyens d’un libre choix entre les différents modes de transport et même d’utiliser successivement plusieurs modes de transport : par exemple, la voiture particulière dans les zones non agglomérées, puis le train express régional, puis le bus, le métro ou, pourquoi pas, le vélo en zone urbaine dense.
56C’est pourquoi un service d’information multimodale sur l’internet a été expérimenté, dans le cadre du projet européen Capital Plus. Ce service, qui s’appelle « montrajet.com », propose, pour un trajet demandé par l’usager, les itinéraires les plus rapides en voiture ou en transport en commun. Il permet également la combinaison de plusieurs modes de transport tels que la voiture, puis le parc de stationnement « relais », puis le métro ou le RER par exemple. Les calculs se font en temps réel à partir des données fournies par les systèmes de gestion de trafic routier et les systèmes informatiques de la SNCF. Les fréquences du métro et des bus, fournies par la RATP, sont également utilisées. Une prévision peut en plus être demandée pour un départ au cours des prochaines 24 heures. Des informations sur la disponibilité des parcs de stationnement doivent compléter le dispositif.
57La principale difficulté pour créer ce type de service réside le plus souvent dans le règlement les problèmes institutionnels, compte tenu de la diversité des acteurs et de leurs intérêts pas toujours convergents. Il faut ensuite vérifier l’existence de données fiables pour tous les modes de transport, si possible en temps réel, puis assurer leur compatibilité et leur centralisation pour les traiter.
58S’il est encore un peu tôt pour affirmer que ce nouveau service va conduire à des reports de trafic du mode voiture vers le mode transport en commun, il est sûr qu’il correspond à un véritable besoin pour le voyageur, notamment pour ses déplacements occasionnels. Mais cette expérience confirme que l’internaute est exigeant et que la réussite d’un tel service est liée à la qualité et à la fiabilité des informations fournies.
L’information à bord des transports collectifs et aux points d’arrêt
59Le besoin d’information du voyageur se révèle également aux points d’arrêt et à bord des transports collectifs.
60Le système Altaïr de la RATP, dont on parle par ailleurs, outre l’amélioration qu’il apporte dans la gestion des autobus par les exploitants, permet une information de l’usager en temps réel. Aux points d’arrêt il connaît désormais le temps d’attente et la destination des deux prochains bus. La durée du trajet jusqu’à des points remarquables du parcours peut également être affichée à bord du véhicule.
61De la même façon des systèmes d’information sont progressivement mis en service sur les réseaux ferrés de la SNCF et de la RATP. Ils affichent, sur des écrans installés sur les quais, l’heure de passage des prochains trains. Les voyageurs évaluent leur temps d’attente et maîtrisent mieux leur temps global de déplacement.
La sécurité des usagers
La détection automatique d’incidents
62L’ITS apporte une aide appréciable dans le domaine de la sécurité routière. Outre les systèmes SURF et IPER déjà évoqués, les systèmes de détection automatique d’incidents permettent d’avertir dans les meilleurs délais les usagers et les exploitants en cas d’accidents ou d’arrêts anormaux sur une voie rapide.
63Toutes les études montrent que les délais d’intervention des soins sont capitaux pour la survie et le rétablissement des victimes des accidents de la route. Il est donc essentiel de les détecter rapidement et d’envoyer sur les lieux de l’accident les secours les plus adaptés à leur gravité. L’organisation actuelle du boulevard périphérique répond imparfaitement à ces besoins car les accidents ne sont le plus souvent détectés que lorsque les conséquences sur le trafic commencent à apparaître sous la forme de bouchons ou lorsqu’un usager prévient le poste d’exploitation par l’intermédiaire d’une borne d’appel d’urgence.
64La détection automatique des incidents et accidents a été expérimentée dans le cadre du projet européen In-Response en coopération avec l’INRETS, la DREIF et le SAMU, notamment.
65En Ile-de-France, il s’agissait d’étudier l’ensemble de la chaîne de traitement des accidents ou incidents pour secourir rapidement les victimes, avertir les usagers et réduire la durée des embouteillages. Le site expérimental était une boucle constituée du boulevard périphérique et des autoroutes A4, A86 et A3. Le projet comportait l’expérimentation de deux systèmes de détection d’incidents, l’un par boucles électromagnétiques, et l’autre par traitement d’images vidéo et transfert des images d’accidents vers le SAMU. Un outil prototype de détection automatique par vidéo (8 caméras sur le périphérique et 24 sur l’A86) et d’alarme avec synoptique a ainsi été créé et testé.
66A l’issue du projet l’INRETS a évalué à 15 mn le gain qui pouvait être obtenu sur les délais d’intervention du SAMU.
67Cependant, compte tenu des prix actuels, une généralisation du système de détection par vidéo n’est pas envisageable dans l’immédiat sur le boulevard périphérique. En revanche, l’installation d’un tel dispositif sur les tronçons les plus accidentogènes, associée à la détection par boucles pour les autres tronçons, mérite d’être étudiée. Il est à noter également que la DREIF/SIER a mis en œuvre, semble-t-il avec succès, le système de détection vidéo étudié dans le cadre d’In-Response sur le tronc commun A3-A86, pour permettre en toute sécurité la création d’une file de circulation supplémentaire par suppression de la bande d’arrêt d’urgence.
Les perspectives
68Parmi les systèmes en cours d’expérimentation, plusieurs développements sont susceptibles d’être utilisés à court terme par les exploitants de trafic d’Ile-de-France. Il s’agit notamment :
- de la régulation d’accès,
- de la prévision de trafic à court et moyen terme,
- des modèles de représentation de la qualité de l’air.
La régulation d’accès
69Les exploitants disposent d’un moyen, encore peu employé en France, pour optimiser le fonctionnement des voies rapides. Il s’agit de la régulation d’accès, méthode largement utilisée aux Etats-Unis.
70Cette action d’exploitation consiste à limiter le nombre de véhicules entrant sur une voie rapide de façon à ne pas dépasser sa capacité maximale. Les véhicules sont retenus un certain temps sur les bretelles d’accès, le plus souvent par un dispositif de feux tricolores, de telle sorte que le débit de saturation ne soit pas atteint sur l’ouvrage. Celui-ci écoule alors le flux de circulation à son débit maximum.
71Plusieurs expériences ont été réalisées sur le boulevard périphérique en collaboration avec l’INRETS. Mais, sur cet ouvrage, la faible longueur des bretelles d’accès ne permet pas un stockage suffisant de véhicules, ce qui entraîne une détérioration rapide de la circulation sur la voirie urbaine voisine. En outre les gains obtenus par un contrôle sur les seules bretelles d’accès de la voirie urbaine pèsent peu vis-à-vis du trafic en provenance des autoroutes.
72C’est pourquoi l’idée de réguler l’accès d’une autoroute sur une autre autoroute est apparue intéressante. Un contrôle d’accès « autoroute sur autoroute » a été testé sur l’un des échangeurs autoroutiers du boulevard périphérique.
73La régulation a été réalisée durant les heures de forte demande, en réduisant à une seule voie une bretelle d’accès de l’autoroute A3 à la porte de Bagnolet, qui comporte deux voies en temps normal. Le contrôle concernait la voie de gauche de la bretelle afin d’assurer la meilleure insertion possible des véhicules sur la voie de droite du boulevard périphérique.
74Le dispositif utilisé était constitué de bras de barrières mobiles, télécommandés à partir du PC Berlier. Son activation à l’heure de pointe du matin a conduit à une amélioration sensible de la fluidité sur le boulevard périphérique mais à une augmentation des temps de parcours sur l’autoroute. Si globalement le gain obtenu est faible, il ne faut surtout pas condamner ce dispositif car il est difficile d’expérimenter ce type d’action d’une façon isolée, sur un seul accès, aussi important soit-il, compte tenu des congestions souvent constatées sur le périphérique, notamment en aval du débouché de l’autoroute.
75Toutes les études de simulation de l’EMRETS montrent des gains importants en temps de parcours (5 % à 10 %) en cas de mise en œuvre de contrôles d’accès, notamment s’ils sont généralisés. Il est donc très vraisemblable que la régulation d’accès constituera, à brève échéance, un moyen très utilisé par les exploitants.
La prévision de trafic
76Le second outil qui peut être utile aux exploitants est la prévision de trafic.
La prévision à très court terme
77La prévision des temps de parcours à très court terme (10 à 15 mn) est destiné à améliorer la qualité de l’information diffusée sur les panneaux à messages variables ou sur tout autre service d’information en temps réel. Elle a été étudiée en collaboration avec l’INRETS dans le cadre du projet européen Daccord.
78Le calcul actuel des temps de parcours, notamment sur les panneaux à messages variables, satisfait la plupart des usagers. Il résulte cependant de la photographie d’une situation à un instant donné sur l’ensemble du réseau. Malgré l’actualisation des calculs chaque minute, les modifications rapides des conditions de circulation sont prise en compte avec retard par le système.
79L’utilité d’une telle prévision est encore plus évidente pour les calculs d’itinéraires fournis par les service d’information en temps réel. La possibilité d’anticiper les évolutions de circulation éviterait d’orienter les voyageurs vers des itinéraires où la circulation se détériore.
80On peut espérer obtenir des résultats dans ce domaine dans les prochaines années.
La prévision à 24 ou 48 heures
81La prévision du trafic à 24 ou 48 h a été étudiée dans le cadre d’un autre projet européen Capitals Plus. Il s’agissait de concevoir et de réaliser un outil de prévision du trafic pour aider les exploitants dans leur décision afin de préparer les actions appropriées, le cas échéant.
82Le prototype réalisé dans ce cadre fonctionne sur la base d’un historique des données de trafic qui s’enrichit en permanence avec les données en temps réel issues des systèmes de gestion de trafic. La prévision fournit une vitesse pour chaque tronçon, par pas de 15 mn. Elle est présentée sur un synoptique sous forme cartographique. Pour obtenir une prévision pour le lendemain, l’opérateur doit introduire dans la machine tous les événements prévus : météo, grève des transports, événements sportifs, expositions, notamment. Le système tient compte de lui-même des données calendaires : jour de la semaine, semaine de l’année, congés scolaires, etc. L’outil permet en outre une auto évaluation de la prévision, a posteriori.
83La qualité de la prévision dépend de la qualité et de la quantité des données historisées dans la base.
84Dans une phase ultérieure, si la fiabilité obtenue est suffisante, l’utilisation de la prévision sera envisagée aux fins d’information du public. Les services d’information pourront alors proposer avec une fiabilité acceptable des calculs d’itinéraires pour un départ différé dans le temps.
La qualité de l’air : réduire l’impact environnemental
85L’ITS permet également d’agir au niveau environnemental en améliorant notamment les connaissances dans ce domaine.
86Le projet européen Heaven a été lancé, dans le cadre du 5e PCRD (programme de recherche et développement), sur le thème de l’amélioration de la qualité de l’air, en partenariat avec Airparif, l’organisme chargé en Ile-de-France de surveiller la qualité de l’air, et la direction régionale de l’Equipement d’Ile-de-France, gestionnaire du réseau routier national dans notre région.
87Si la pollution atmosphérique dépend essentiellement des conditions météorologiques, le trafic automobile constitue un des facteurs principaux du phénomène. Les modèles actuels de représentation de la pollution n’utilisent pas les données de trafic collectées en temps réel dont disposent aujourd’hui les systèmes de gestion de trafic, tels que SURF 2000 et IPER à Paris et Sirius sur les autoroutes d’Ile-de-France.
88Le projet Heaven consiste à interconnecter les systèmes de gestion du trafic et les systèmes de modélisation de la qualité de l’air d’Airparif. Ces travaux vont permettre :
- d’une part, l’étude précise de l’impact des différentes stratégies de gestion du trafic sur l’état de la qualité de l’air (circulation alternée, limitation des vitesses, « journée sans voiture », par exemple) ;
- d’autre part, l’information du public et des décideurs, par la diffusion en temps réel sur l’internet, de l’état de la qualité de l’air, de fond et de proximité, à l’échelle régionale.
Conclusion
89Pour conclure, il convient de souligner, en dehors des problèmes juridiques et institutionnels déjà évoqués, l’importance des questions de normalisation et d’interopérabilité. Les projets ITS nécessitent des interconnexions entre les systèmes informatiques, des échanges de données entre les différents organismes producteurs ou consommateurs d’information. C’est pourquoi il est indispensable de prendre en compte ces notions de dialogue le plus en amont possible. Il est à signaler, dans ce domaine, que le projet national Actif doit déterminer une architecture cadre qui fournira à chacun, dans son domaine, l’outil lui permettant de construire un système cohérent avec son environnement actuel et futur. C’est-à-dire un système qui puisse facilement dialoguer avec des systèmes conçus par d’autres.
90Enfin, il ne faut pas perdre de vue que tous ces systèmes ne constituent que des outils au service d’une politique destinée au bien-être du citoyen et qu’au bout du compte, l’objectif est de satisfaire ses besoins au meilleur coût, dans l’intérêt de l’usager comme dans celui du contribuable.
Mise en ligne 01/10/2010