Notes
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[*]
Marie-Laure Cadart est médecin et anthropologue.
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[1]
Membre du bureau du syndicat national des médecins de pmi (snmpmi), du conseil d’administration de l’acepp (Association des Collectifs enfants parents professionnels), fait partie des initiateurs du Collectif « Pas de 0 de conduite pour les enfants de trois ans ».
-
[2]
Ce concept apparaît dans les travaux du collectif « Pas de 0 de conduite pour les enfants de 3 ans », Manifeste pour une prévention prévenante, érès, 2011. www.pasde0deconduite.org
-
[3]
M.-L. Cadart, « La prévention précoce en France ; rappel historique des débats », dans M. Parazelli, S. Lévesque, C. Gélinas (sous la direction de), La prévention précoce en question, Nouvelles Pratiques Sociales, hs n° 1, Montréal, puq, 2012, p. 114-126.
-
[4]
Voir les analyses critiques du collectif « Pas de 0 de conduite pour les enfants de 3 ans » www.pasde0deconduite.org
-
[5]
C. Fleury, Les irremplaçables, Paris, Gallimard, 2015.
-
[6]
M. David, Prendre soin de l’enfance, Toulouse, érès, 2014, p. 108.
-
[7]
R. Prat dans M. Vincze, « L’atmosphère thérapeutique à Lóczy », tome 1, Construction de soi et élaboration de son histoire, Toulouse, érès, 2014, p. 15.
-
[8]
M. Lemay, « Forces et souffrances psychiques de l’enfant », tome II, Les aléas du développement infantile, Toulouse, érès, 2014, p. 71.
-
[9]
Pédiatre hongroise qui a créé la pouponnière de Lóczy à Budapest. Geneviève Appell et Myriam David ont écrit à partir de cette expérience : Lóczy ou le maternage insolite, Toulouse, érès, coll. « 1001 BB »
-
[10]
Ibid., p. 143.
-
[11]
L. Detry, « Les enjeux du placement familial : une approche fine et globale », dans M. David, Prendre soin de l’enfance, Toulouse, érès, p. 167.
-
[12]
M.-L. Cadart, « La nécessaire éthique du travail en réseau dans le cadre de la prévention précoce », dans M.-L. Cadart (sous la direction de), Les crèches dans un réseau de prévention précoce, Toulouse, érès, 2008.
1Le bébé est un être bien particulier, vulnérable et dépendant, mais aussi être humain à part entière en plein devenir. Cet état que nous avons tous connu et dont nous n’avons pourtant pas de souvenirs conscients constitue une sorte de continent noir, exploré depuis des décennies et pourtant encore trop souvent ignoré. Marie-Laure Cadart est bien décidée, et c’est ce qu’elle fait dans cet article, à défendre cette cause des soins et l’éducation apportés aux jeunes enfants... Et elle le fait de sa double place de médecin et d’anthropologue.
2Pourquoi se pencher sur la petite enfance ? Parce que cette période, très courte rapportée au temps d’une vie, est fondatrice pour chacun et pose les bases de la vie psychique, pouvant laisser des marques définitives qui vont entraver l’enfant dans son développement, ses apprentissages et ses rapports aux autres si le contexte est défavorable. Pourtant, qui se souviendra, devant des difficultés à l’adolescence ou même à l’âge adulte, d’événements survenus lors des premières années de la vie, potentiellement traumatisants, et sur lesquels un voile d’oubli s’est posé ?
3Il importe donc pour tous les professionnels amenés à rencontrer de jeunes enfants de connaître les bases de leur développement et de savoir observer et repérer les signes de souffrance qu’ils peuvent manifester, dans un souci à la fois de prévention précoce et de soins appropriés.
4C’est de ma double place de médecin et d’anthropologue que je me situe. Mes propos seront teintés de mon engagement dans différents combats [1] pour que les soins et l’éducation apportés aux jeunes enfants ne perdent pas de leur humanité, menacés par des modèles gestionnaires mécaniques dont nous voyons et redoutons les dérives dans des domaines aussi sensibles que celui de la santé, de l’éducation et de la petite enfance.
5Ma génération a pu bénéficier des avancées considérables des connaissances sur la médecine de l’enfant, sa psychologie et son développement et mettre en application ce que d’autres avaient découvert au cours de leurs recherches dans la deuxième moitié du xxe siècle. Nous avons vu combien il était profitable aux enfants de travailler avec les parents et non pour eux, sans eux -voire contre eux-, en partant de leurs réalités, et d’accorder une attention réelle à chacun, y compris -et surtout- dans les situations difficiles. Nous avons pu inventer et expérimenter le « travail en réseau » dans ses dimensions humaines. Parmi ceux qui nous ont enseigné, il convient de faire une place de choix à Myriam David, figure majeure de la pédopsychiatrie française. Parler d’elle aujourd’hui prend tout son sens car elle a fait partie des pionniers qui ont découvert la vie psychique des bébés dans les années 1950 et ont posé les bases de modalités de soins qualifiées aujourd’hui de bien-traitantes.
6Nous pouvons lui dédier le concept de prévention précoce prévenante [2] sur lequel il faut s’appuyer pour repérer les signes de souffrance d’un jeune enfant et tenter d’y répondre par des soins appropriés.
7Que faire de ces signes de souffrance dans le contexte de la protection de l’enfance ? Quelle évaluation ? Comment et pourquoi ? C’est une tâche ardue et passionnante, qui doit rester loin de toute conduite à tenir imposée et immuable. Être à l’écoute et s’appuyer sur des repères, des balises, pour être en position d’aide et de soutien à ce bébé, à ses parents et aux professionnels qui l’accompagnent, avec toute la complexité que cela soulève et représente, tel est, me semble-t-il, le chemin à suivre. Cette aide doit permettre de se sentir suffisamment en sécurité, même dans les situations difficiles. Elle est pratiquée par des humains envers des humains et, si elle peut utiliser des outils (grilles, référentiels, etc.), elle ne doit pas pour autant se soumettre à leur diktat.
La prévention précoce : naissance d’un concept
8Le concept de prévention médico-psychosociale précoce est né à une époque où les pionniers de la pédopsychiatrie s’interrogeaient sur ce qui aurait pu être fait et ce qui aurait pu être repéré précocement pour éviter qu’un enfant ne se structure psychiquement sur un mode qui allait le faire souffrir et/ou le bloquer dans ses apprentissages et ses relations aux autres. Ils ont établi des « clignotants [3] » pour alerter les professionnels en contact avec les jeunes enfants, clignotants qui doivent fonctionner comme autant de signes d’appel pris dans leur contexte et mis au service de la clinique. Selon eux, il fallait pouvoir faire le rapprochement entre des signaux d’origines multiples (hospitalisations injustifiées, isolement social, retard de langage, etc.) qui, pris isolément, n’ont aucune signification alors que leur somme constitue un motif de préoccupation. Le but était alors de réunir des professionnels autour de cet enfant et de proposer les soins les plus appropriés le plus tôt possible. Ainsi se construisaient les notions de travail en équipes pluridisciplinaires et de travail en réseau.
Du côté d’une prévention prévenante
9À la suite de leurs travaux, une certaine idée la prévention précoce s’est élaborée que l’on qualifie aujourd’hui de prévenante. Fondée sur une approche globale de l’enfant, elle tient compte de sa vie psychique, de son histoire, de son contexte de vie et de la singularité de chacun.
10Son but est de savoir repérer les signes directs et indirects de souffrance d’un bébé, les « clignotants » évocateurs de certaines difficultés, sans pour autant aller dépister tout écart à la norme et alerter inutilement. Elle concerne les soins donnés aux bébés, l’attention qu’on porte à leur développement, à leur éveil, aux interactions précoces avec leur entourage, mais aussi la prise en considération des compétences parentales, des savoirs familiaux et d’une façon plus générale du milieu social et culturel dans lequel ils vivent. Elle se situe du côté de l’accompagnement de l’enfant et de sa famille par des professionnels qualifiés, humains, qui ont acquis un savoir-faire spécifique dans l’observation des bébés, l’écoute des parents, mais aussi le travail en équipe et en réseau.
La prévention mécanique
11Un modèle opposé, que je nommerai « prévention mécanique » ou « prévention-dépistage », s’est développé depuis et en séduit plus d’un dans notre époque du « temps court » et de l’immédiateté. Non centré sur le soin mais visant la normalisation des personnes, il propose un traitement « de masse » utilisant des outils standardisés, reproductibles pour le plus grand nombre. Ses promoteurs arguent des économies d’échelle, mais aussi une plus grande scientificité, les protocoles diffusés à grande échelle permettant des comparaisons internationales et des publications [4]… Nous craignons ce modèle de type industriel qui ignore l’humain, « l’irremplaçable », le sujet en individuation (pour reprendre les termes de Cynthia Fleury dans son remarquable ouvrage Les irremplaçables [5]), considérant comme une menace celui qui ne se conforme pas à la règle, celui qui ne correspond pas aux normes en vigueur. Ainsi s’imposent des outils sous forme de protocoles, grilles et échelles de dépistage, dont nous redoutons une application mécanique pouvant se passer de professionnels compétents.
12Prenant le pas sur le « vivre ensemble », cette attitude du « tout préventif » jette la suspicion sur chacun et alimente la peur de tous les « dys » dont l’inflation ne cesse d’augmenter avec les programmes de dépistage et de rééducation précoce s’y référant. L’enfant est réduit à ses comportements, le langage à un outil cognitif de communication et d’apprentissage. Il s’agit de normer avant tout et de supprimer un trouble pouvant gêner la collectivité. Le symptôme ne fait plus sens, il n’appelle pas… La dimension soignante disparaît au profit de celle d’adaptation sociale.
13Pourtant, dès les années 1960, Myriam David parle de prévention précoce respectueuse des personnes, et particulièrement de l’enfant en devenir, qui prend en compte ses symptômes comme autant de signaux. Elle insiste sur la nécessité de savoir observer, écouter ces signes, les replacer dans leur contexte. Elle va initier le travail en équipe, mais aussi avec les parents, et les différents partenaires concernés. Tout doit être mis en œuvre pour aider l’enfant en souffrance. Il importe de nous situer dans une communauté où des adultes bienveillants à son égard s’occupent de lui, où des parents peuvent avoir besoin d’être accompagnés et soutenus si nécessaire. La singularité de chacun étant respectée, la pratique au quotidien se tricote avec des théories qui s’enrichissent de cette pratique, parmi lesquelles la psychanalyse, « essentielle pour comprendre le développement de l’être humain et en particulier des relations premières [6] », tient une place fondamentale sans être exclusive, l’observation du bébé étant aussi indispensable. Une observation non pour évaluer mais pour comprendre ce que nous dit le bébé avec son corps et ses comportements, une observation qui tient compte de la singularité de l’enfant et du contexte et qui ne débouche pas sur un score !
14Les soins au bébé, qu’ils soient préventifs ou curatifs ne peuvent se faire sans les parents, sur les compétences desquels il faut pouvoir s’appuyer sans se laisser entraîner dans leurs failles. Un programme complexe étayé par de solides repères théoriques, loin des recettes en tout genre qui fleurissent aujourd’hui.
15Quel soutien apporter aux parents ? Comment aller vers eux, être à leurs côtés sans pour autant oublier l’enfant derrière les préoccupations et/ou dysfonctionnements parentaux. C’est une alchimie complexe de s’occuper du bébé et de sa famille.
Prendre en compte les symptômes
16L’enfant va déployer toute une panoplie de symptômes qui varient en fonction de son âge, de sa personnalité, du contexte familial, social et culturel et qu’il va falloir décrypter. Pour prendre en compte le symptôme et qu’il fasse sens, il faut connaître les particularités du tout petit et ses besoins essentiels.
17Le bébé a une vie psychique et les premières années sont fondamentales dans sa structuration. C’est un être actif, en permanente interaction avec son environnement y compris humain.
18« Tout est langage » disait Françoise Dolto. Ce n’est pas avec des mots que parle le bébé mais avec son corps. Plus l’enfant est petit, plus il exprimera sa souffrance par son corps : cris, pleurs, troubles alimentaires, du sommeil, maladies digestives, orl, cutanées, troubles du comportement (apathie, agitation) troubles du développement (retards, dysharmonies)… Le symptôme est un signe d’appel mais on ne sait pas de quoi a priori.
19« Considérer un symptôme comme un comportement déviant devant disparaître ne peut que renforcer le symptôme [7]. »
Le bébé et ses particularités
20Le bébé suit un rythme de développement qui lui est propre, même s’il passe par des étapes communes à tous. Il n’est pas linéaire et peut être émaillé de crises, de régressions qui ne sont pas pathologiques. Anna Freud rappelle que les enfants ont un mode de développement très irrégulier, ce qui peut amener des phases de dysharmonie dans tous les domaines de l’évolution infantile. Le bébé travaille tout le temps. « Il lui est demandé des efforts que jamais par la suite un être humain n’aura à entreprendre avec une telle énergie, une telle rapidité et un tel dynamisme. Il est inévitable que ce gigantesque processus se fasse avec des variations considérables dans le rythme, la continuité, la qualité, la cohérence et le maintien des acquisitions [8]. »
21Le bébé a besoin de sécurité pour grandir en confiance.
22Une sécurité physique tout d’abord : connaître ses besoins physiologiques et les respecter (alimentation, sommeil, hygiène corporelle, prévention des accidents), en tenant compte des cultures familiales : par exemple des soins corporels toniques dispensés traditionnellement en Afrique peuvent être considérés ici comme maltraitants, alors que le bain d’un bébé ici serait vu ailleurs comme inefficace car n’ôtant pas les impuretés !
23Une sécurité psychologique et affective : il a besoin d’une figure d’attachement pérenne qui réponde à ses besoins de façon adéquate. Il se joue alors entre une mère/un père et son enfant des modalités interactives toujours singulières, un jeu d’accordage affectif dans lequel le bébé est autant acteur que l’adulte. Myriam David a souligné l’importance de ne pas vouloir intervenir de façon inopportune dans les interactions précoces mère/enfant mais de savoir repérer celles qui sont pathologiques et font souffrir l’enfant pour alors mettre en place un soutien, un accompagnement, des soins appropriés parmi lesquels des psychothérapies dont peut bénéficier un enfant, même tout petit. L’interaction se fera également avec toute personne ayant la responsabilité maternante d’un bébé mais selon d’autres modalités. Myriam David a qualifié de « professionnels » ces soins qui doivent être de qualité : « La mère soigne son enfant parce quelle l’aime ; la nurse aime l’enfant parce qu’elle le soigne. »
24Le bébé a besoin d’être aimé mais aussi de limites. Tout petit, ce sont des limites corporelles (des bras qui contiennent), qui évolueront très vite en limites éducatives.
25Le bébé est un être sociable. Sa première socialisation se fait dans sa famille qui l’accueille dès sa naissance. L’univers familial est imprégné de culture qui façonne l’enfant dès le plus jeune âge pour l’intégrer dans une communauté d’humains. Si dans la majorité des situations, cette socialisation est suffisante, il en existe d’autres où elle pose problème : quand la famille est isolée et se résume à une ou deux personnes du fait de l’éloignement géographique, de la migration (à l’intérieur du pays ou internationale) ou encore de mésentente familiale. Dans ces cas-là, les besoins de socialisation du bébé ne sont pas remplis et le tête-à-tête avec un ou deux parents, auquel s’ajoute souvent la télévision, peut se révéler pathogène. Les problèmes se posent aussi quand il existe une maladie mentale d’un parent et/ou des phénomènes d’addiction, ou encore de grandes carences familiales. Dans toutes ces situations, des actions de soutien à la parentalité peuvent être nécessaires.
26Le temps du bébé mérite qu’on s’y arrête. Le bébé tout petit a des temps d’interaction courts et passe très vite d’un état à un autre. Une observation de courte durée ne produit qu’un instantané et ne doit pas entraîner de conclusions hâtives. Pour connaître un bébé, un temps d’observation suffisamment long est nécessaire qui doit comporter plusieurs étapes : quand il est avec son/ses parents ; lors des soins, des repas ; lorsqu’il est seul, sans participation de l’adulte lors des activités libres. L’observation du bébé va de pair avec la connaissance du développement du jeune enfant. Emmi Pikler [9] a développé le concept d’activité libre du bébé ; Myriam David approfondira la réflexion en théorisant sur le lien entre cette activité et la pensée préverbale de l’enfant. C’est par son corps en action que la pensée vient au bébé. « Ce mode de fonctionnement différent sans doute de celui de l’enfant plus âgé ou de l’adulte, a besoin d’être connu, reconnu et respecté par ceux qui le soignent. C’est pourquoi l’observation directe du bébé « agissant », les contacts et soins corporels sont les modes d’accès privilégiés pour connaître le bébé et communiquer avec lui sans minimiser bien entendu l’importance de la communication verbale.
27Observer l’enfant pour tenter de le comprendre… Le bébé comprend cette attitude. Regardé, il se sent renforcé et soutenu dans ses activités. Ce regard permet aussi d’entrer en relation avec lui en le prenant comme partenaire à part entière. On « écoute » par le regard ce qu’il nous dit par ses mimiques, ses mouvements corporels, son regard. C’est important pour le bébé de bénéficier d’un regard qui prête attention, donc existence, donc valeur et sens à ce qu’il est en train de faire et d’exprimer. « Notre regard est pour le bébé ce que notre écoute est pour l’adulte [10]. »
Les effets des séparations sur le bébé
28Un dernier point essentiel pour le bébé est celui des séparations précoces qu’il peut être amené à vivre et qui ne sont jamais anodines. On fait trop rarement le rapprochement entre les effets d’une séparation et les symptômes ou les difficultés qui peuvent apparaître quelquefois tardivement, à distance. La séparation est source d’angoisse nocive pour le bébé car cela le contraint à mettre en place des processus défensifs précoces aliénants qui retentissent intensément et de façon durable sur le lien qui l’unit à ses parents et qui peuvent, en l’absence de soins adéquats, s’incruster dans sa personnalité en cours de développement et sont source de handicap structurel cognitif et relationnel. Il existe encore trop souvent une insuffisance de préparation au mode d’accueil ou au placement du bébé quand il est nécessaire. Ceci entraîne, d’une façon plus ou moins marquée, une souffrance chez le bébé. « Sans traitement précoce, les troubles psychiques passés inaperçus ou considérés comme caprices se cristallisent et impriment leur marque [11]. »
29Cependant, la séparation fait partie du développement normal quand l’enfant grandit. Elle est structurante quand elle se passe dans de bonnes conditions et au bon moment.
30Quelle que soit la raison d’une séparation précoce d’un bébé, même de courte durée , certains principes sont à retenir :
- la continuité et la qualité de la solution trouvée sont essentielles pour le bébé ;
- l’attention à la mère, aux parents et celle au bébé sont indissociables et l’anticipation et la préparation de la séparation doivent être de règle ;
- il faut aborder avec ménagement les parents pour qu’ils puissent s’engager ensemble dans la solution existante la meilleure possible. Quand il y a une distorsion importante du lien ou une carence grave du milieu et que la séparation du bébé est nécessaire, il importe d’apporter à chaque situation une réponse « sur mesure » comme des placements à temps partiel ;
- les parents ont besoin d’être écoutés, respectés quels qu’ils soient ; la disponibilité à leur égard doit être d’autant plus grande s’ils sont en difficulté.
Conclusion
31Chaque bébé a besoin de soins adéquats pour grandir et nous avons vu que, s’il a des moyens pour manifester l’inadéquation de ces soins, encore faut-il qu’il puisse être entendu. La plupart des parents trouvent avec leur bébé l’ajustement dans la relation qui permet à celui-ci de « grandir suffisamment bien ». Cependant, certains ont besoin d’être soutenus. Les bébés ont besoin d’être regardés, stimulés par un regard bienveillant et non intrusif. Les professionnels ont un rôle à jouer aux côtés des parents. Il est important qu’ils ne travaillent pas seuls mais au sein d’équipes pluridisciplinaires qui permettent des regards croisés et apportent leur complémentarité. La formation des professionnels, initiale et continue, constitue un enjeu majeur de la qualité de ce travail qui doit comprendre des temps d’accompagnement et d’analyse des pratiques professionnelles. Nous savons que travailler avec des humains dans le domaine de la petite enfance n’est pas anodin, touche en chacun ce qui est lié à sa propre enfance et que les effets non contrôlés peuvent entraîner des dégâts à tous les niveaux, enfants, parents, professionnels. Enfin, nous ne pouvons pas conclure sans parler de la nécessité d’un travail en réseau soutenant et éthique qui relie les professionnels autour du « prendre soin de l’enfance [12] ».
Notes
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[*]
Marie-Laure Cadart est médecin et anthropologue.
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[1]
Membre du bureau du syndicat national des médecins de pmi (snmpmi), du conseil d’administration de l’acepp (Association des Collectifs enfants parents professionnels), fait partie des initiateurs du Collectif « Pas de 0 de conduite pour les enfants de trois ans ».
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[2]
Ce concept apparaît dans les travaux du collectif « Pas de 0 de conduite pour les enfants de 3 ans », Manifeste pour une prévention prévenante, érès, 2011. www.pasde0deconduite.org
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[3]
M.-L. Cadart, « La prévention précoce en France ; rappel historique des débats », dans M. Parazelli, S. Lévesque, C. Gélinas (sous la direction de), La prévention précoce en question, Nouvelles Pratiques Sociales, hs n° 1, Montréal, puq, 2012, p. 114-126.
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[4]
Voir les analyses critiques du collectif « Pas de 0 de conduite pour les enfants de 3 ans » www.pasde0deconduite.org
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[5]
C. Fleury, Les irremplaçables, Paris, Gallimard, 2015.
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[6]
M. David, Prendre soin de l’enfance, Toulouse, érès, 2014, p. 108.
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[7]
R. Prat dans M. Vincze, « L’atmosphère thérapeutique à Lóczy », tome 1, Construction de soi et élaboration de son histoire, Toulouse, érès, 2014, p. 15.
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[8]
M. Lemay, « Forces et souffrances psychiques de l’enfant », tome II, Les aléas du développement infantile, Toulouse, érès, 2014, p. 71.
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[9]
Pédiatre hongroise qui a créé la pouponnière de Lóczy à Budapest. Geneviève Appell et Myriam David ont écrit à partir de cette expérience : Lóczy ou le maternage insolite, Toulouse, érès, coll. « 1001 BB »
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[10]
Ibid., p. 143.
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[11]
L. Detry, « Les enjeux du placement familial : une approche fine et globale », dans M. David, Prendre soin de l’enfance, Toulouse, érès, p. 167.
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[12]
M.-L. Cadart, « La nécessaire éthique du travail en réseau dans le cadre de la prévention précoce », dans M.-L. Cadart (sous la direction de), Les crèches dans un réseau de prévention précoce, Toulouse, érès, 2008.