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Article de revue

Formation d'adaptation

De l'éducation spécialisée à la pjj

Pages 153 à 161

Notes

  • [*]
    Éducatrice spécialisée, Mathilde Harmand a suivi la formation d’adaptation à l’enpjj.
  • [1]
    Les abréviations de cet article sont toutes explicitées en encadré.
  • [2]
    Projet de service du seat d’Évry, 2009.
  • [3]
    Projet de service du seat d’Évry, 2009.
  • [4]
    M. Capul, M. Lemay, De l’éducation spécialisée, Toulouse, érès, 2003.

1Éducatrice spécialisée, Mathilde Harmand a suivi la formation d’adaptation à l’enpjj. Ce cursus permet, après concours, de devenir en un an éducateur de la pjj. Mathilde nous relate, à la première personne et non sans humour, son parcours : du métier d’éducateur spécialisé au métier d’éducateur au seat[1].

Premiers pas dans le monde de l’éducation spécialisée

2À l’issue d’une première année de deug de droit, obtenue à l’université Panthéon-Assas, et suite à diverses expériences dans le domaine de l’animation (en centre social/de loisirs/de vacances), mon entrée en formation à l’Institut de recherches et de travail social (irts) de Montrouge marque le point de départ de mon parcours professionnel dans le milieu de l’éducation spécialisée. Les trois stages ponctuant cette formation se déroulent successivement dans le domaine du handicap mental, de la protection de l’enfance et de la prévention. Diplôme en poche, je poursuis mon expérience en hébergement, puis en milieu ouvert, dans le champ de la protection de l’enfance.

3De la théorie, dispensée à l’irts et associée à la licence en Administrations économiques et sociales, à l’analyse de la pratique, en expérimentation sur ces trois terrains stages, ma formation d’éducatrice spécialisée à été l’occasion d’une véritable découverte : de soi, et de l’autre, dans sa richesse et ses difficultés.

Voyage en protection de l’enfance

4Suite à l’obtention du dees. en 2004, c’est vers l’Assistance éducative en milieu ouvert que j’oriente mes recherches d’emploi. Malgré les suites positives données, notamment par le service aemo de l’association Olga-Spitzer à Paris, j’accepte la proposition faite simultanément par la direction du Foyer éducatif de Saint-Denis : sans expérience du milieu ouvert, et considérant mon positionnement professionnel encore trop fragile, je fais le choix de poursuivre mon évolution professionnelle au sein de cette structure.

« Enfin » l’aemo

5En 2007, je rejoins le service d’action éducative en milieu ouvert du Tarn (Sauvegarde du Tarn-et-Garonne), au sein de l’antenne de Castres. Cette expérience, qui se situe pour moi dans une continuité, me permet d’appréhender la complexité de l’articulation entre les notions de contrainte et d’accompagnement éducatif, au cœur de ces mesures ordonnées par le juge des enfants. Cela, dans un contexte géographique et socioculturel radicalement différent que celui que j’avais connu jusqu’alors, tant sur le plan professionnel que personnel.

6En raison du surcroît d’activité affectant le service, chaque membre de l’équipe exerce une bonne trentaine de mesures en moyenne, réparties sur toute la moitié sud du département. Cette suractivité s’explique notamment par l’absence d’autres services de milieu ouvert, à l’exception d’un cae (également touché par ce phénomène) au sein de ce grand département. Aussi, nous nous voyons régulièrement mandatés pour l’exercice de mesures d’aemo relevant pourtant d’autres types de prise en charge : médiation familiale, ioe, etc.

7Le mandat judiciaire à l’origine de l’intervention éducative suppose un passage de la contrainte à l’adhésion. Pris entre l’éducatif et le judiciaire, ce travail d’accompagnement imposé par un magistrat et pourtant soumis à l’instauration d’une relation éducative, a constitué une expérience d’une richesse incroyable. Riche de rencontres, d’échange, de partage, d’apprentissage et de découverte de la nature humaine. Cependant, les débats politiques et sociaux soulevant la question du traitement de la délinquance des mineurs dans notre société m’interpellent. La conception de la primauté de l’éducatif sur le répressif serait-elle menacée ? Dans la continuité de mes expériences en protection de l’enfance, mon intérêt pour ces questions, animé de grandes convictions, m’incite à rejoindre la Protection judiciaire de la jeunesse.

Affectation au seat : le grand saut

8Oral du concours externe sur titre. Une soixantaine de postes à classer par ordre de préférence, répartis sur l’ensemble du territoire, en cae, cef, seemp, fae, cpi, caei…et seat. Autant de sigles dont je connais certes la signification, mais dont j’ignore tout le reste ! Le hasard me ramène à Évry, au Service éducatif auprès du tribunal, dont il convient d’expliciter les missions : me familiariser à son fonctionnement complexe s’avère ne pas être une mince affaire. La compréhension des différentes procédures pénales concernant les mineurs présentés au seat constitue une étape nécessaire à mon adaptation à cette nouvelle fonction.

Parlez-vous français ?

9Les personnels du seat « se doivent d’avoir une bonne connaissance des procédures judiciaires, une bonne aptitude à la relation avec les mineurs et leurs familles, une capacité à la rédaction rapide et une bonne connaissance des dispositifs et des partenaires [2] ». La relation, la rédaction, les dispositifs, je connais plus ou moins. Pour ce qui est de la bonne connaissance des procédures judiciaires, il faut s’y mettre vite…. « Ok, alors je dois faire des Rrse dans le cadre des copj. Vérifier si le jeune est connu dans Game, et consulter l’historique dans Winner (à demander aux greffières). Une dizaine de jours pour rendre l’écrit. J’ai le temps d’appeler les cae s’il est déjà suivi. Attention à ne pas faire de l’ae dans mes entretiens. Pour les rendez-vous seat, je vais voir le substitut du proc immédiatement après l’entretien, pour exposer ma proposition avant qu’il ne reçoive à son tour le jeune et sa famille. L’enjeu ? Une saisine du je. Je rends mon rrse dans la foulée.

10Pour les défèrements, inscrits en bleu sur le tableau du cop, je vois le jeune au Petit dépôt. Je présente oralement mon rrse au je au 1er étage, ou au ji au 3e. Cela dépend notamment de la qualification des faits, de la peine encourue, de l’âge du mineur.

11Si dans les réquisitions du Parquet, un mandat de dépôt est demandé, alors le ji ou le je peut transmettre, mais pas forcément, au jld. Alors là, il faut faire trois copies du rrse, et faire une proposition alternative à l’incarcération. Solution familiale, fae, cpi, cer, etc.

12Et pour les propositions, c’est quoi déjà ? Ah oui, Stage de formation civique, mesure de rep’, lsp, ls, article 16, ioe. J’en oublie.

13Distinguer les mesures que l’on peut proposer pour les mises en examen, mais pas pour les jugements. Et vice versa ?

14Et le cj ? Ah non, c’est vrai, le cj, ce n’est pas vraiment éducatif. »

Traduction

15Lorsqu’un mineur commet une infraction, et se voit gardé à vue par les services de police ou de gendarmerie, le substitut du Procureur de permanence en est informé. Il décide d’engager ou non des poursuites. Le mineur peut notamment :

  • faire l’objet d’une convocation pour une mise en examen ou un jugement ultérieur (copj). Le mineur et ses parents sont donc convoqués une première fois au seat puis une seconde fois devant le juge des enfants. Souvent une longue période sépare la commission du délit et la date de présentation devant le magistrat (actuellement huit mois). L’évaluation doit théoriquement être faite environ un mois avant le passage devant le juge. Nous avons constaté qu’un trop grand nombre de jeunes ne venaient plus aux rendez-vous du seat (sept mois après le délit), notamment du fait que ce délai soit devenu beaucoup trop long. Depuis peu, les mineurs sont convoqués au seat un mois après le délit. Au terme de l’entretien, un nouveau rendez-vous est donné, un mois avant l’audience. La présence des parents à ce deuxième rendez-vous reste à l’appréciation de l’éducateur. Lors de ce dernier point, l’éducateur (qui n’est pas nécessairement le même, au gré de la permanence) peut apprécier un certain nombre d’éléments comme l’évolution du positionnement du mineur par rapport au délit commis, les réponses parentales, l’évolution de la scolarité ou de la formation professionnelle. Le rapport est transmis à l’issue de ce second entretien ;
  • être déféré immédiatement au tribunal, pour être mis en examen le jour même par le juge des enfants, ou le juge d’instruction. Nous rencontrons alors le mineur dans l’un des parloirs du « petit dépôt », puis ses parents. Le rrse est effectué dans l’urgence ; bien souvent, l’éducateur est invité par le magistrat à exposer oralement les informations recueillies. Un échange peut alors s’instaurer autour de la proposition éducative formulée ;
  • faire l’objet d’un rappel à la loi auprès du délégué du Procureur. Là, un stage de formation civique peut, entre autres, être proposé au jeune et à ses parents, en alternative aux poursuites.

Premiers balbutiements

16Plonger dans le code pénal, solliciter ma collègue A. pour une explication de texte, se familiariser avec le référentiel mesures, assister aux entretiens menés par les éducateurs chevronnés, rédiger avec eux le rapport destiné au magistrat, surfer sur intranet, questionner C. sur sa pratique, lire des rrse, comprendre les schémas explicatifs de G. sur les différentes procédures… La formation d’adaptation est engagée.

17Premier entretien au petit dépôt avec un mineur déféré : je parle de jugement au lieu de mise en examen, avant de me perdre dans de confuses explications qui sèment davantage le trouble, qu’elles n’éclairent l’adolescent. En redemander la définition à V., reprendre les schémas de G., reparler de l’entretien pour affiner la proposition éducative, relire le référentiel, demander à D. de relire mon rapport…

18Dans le but d’accéder à une meilleure compréhension des rouages de la machine judiciaire, j’effectue une journée de stage auprès du substitut du procureur de permanence, spécialisé dans les affaires de mineurs. La brigade des mineurs m’accueille à son tour, pendant deux journées dans ses locaux. Enfin, j’assiste aux entretiens du délégué du Procureur dans un Point d’accès au droit : « J’ai juste eu un rappel à la loi ! », me disaient bien souvent les ados pour la première fois convoqués au tribunal, sans que je ne puisse le répondre quoi que ce soit.

19Je choisis par ailleurs d’effectuer mes deux semaines de stage de découverte comme suit :

  • une semaine au cae de Courcouronnes, afin d’appréhender le travail en milieu ouvert au pénal. Avoir une meilleure lisibilité du panel des mesures que je suis amenée à proposer aux magistrats, à l’égard des jeunes rencontrés au seat, me paraissait d’une importance extrême. Cette semaine passée au sein de l’équipe du cae de Courcouronnes m’a été quelque peu familière : bien que l’origine des mesures soit différente de celles que j’ai pu exercer par le passé, le travail mené auprès des adolescents et de leur famille ne m’a pas paru totalement inconnu. Cette perception s’est vue renforcée par le fait d’y avoir croisé, à plusieurs reprises au cours de la semaine, d’anciens collègues, ainsi que des adolescents que j’avais connu dans le cadre de mon expérience au saemf d’Évry ;
  • une semaine au sein de l’équipe de la mission éducative en maison d’arrêt, à Fleury-Mérogis. Ce sont des entretiens réalisés au seat avec des adolescents ayant fait l’objet d’une incarcération, ou faisant l’objet d’une réquisition de mandat de dépôt, qui m’ont conduit à faire le choix de ce terrain de stage. Avoir connaissance des conditions de détention des mineurs et du suivi dont ils bénéficient me paraît opportun, notamment lorsqu’il s’agit de soutenir les parents au moment de l’annonce du départ en détention de leur enfant.
bex, composition pénale, maj… Le B-A BA de la justice des mineurs devient à peine compréhensible, que de nouveaux sigles et de nouvelles procédures font leur apparition ! Le renouvellement constant des connaissances juridiques des éducateurs du seat s’avère incontournable.

20« L’action du seat ne peut être résumée au simple recueil de renseignements pour aider le magistrat dans sa prise de décision. Un réel travail éducatif est réalisé lors des entretiens [3]. »

21Un entretien dont la durée varie, d’une situation et/ou d’un éducateur à l’autre, de vingt minutes à une heure. Une fois. Si l’adolescent(e) revient au seat dans le cadre d’une deuxième, troisième, ou énième procédure, ce n’est pas pour autant le même éducateur qui le reçoit à nouveau, puisque nous sommes soumis aux aléas de la permanence. Comment le travail éducatif peut-il alors s’opérer ?

Apprentissage de l’équilibrisme : une éduc’ SpéJJ en devenir ?

22« J’ai encore fait de l’ae en copj ! », dis-je régulièrement à mon collègue, attaché à l’idée que les entretiens au seat doivent être courts et précis, et les rapports aux magistrats succincts.

23AE, comme assistance éducative : à mon arrivée au seat, juste avant le passage au « tout pénal », nous étions encore amenés à effectuer des évaluations au civil. Il convenait alors de recevoir chaque membre de la famille individuellement, et d’adresser un rapport conséquent au magistrat. Nous avions là « le droit » de prendre le temps. Mais ni mes entretiens, ni mes écrits ne sont plus courts, lorsque j’interviens au départ dans le cadre des copj. Il ne s’agit pourtant pas d’une incapacité : je suis en mesure de m’adapter à l’urgence des défèrements, pour lesquels les évaluations sont effectuées dans un délai très court (environ une à deux heures pour les entretiens et la rédaction). C’est bien pire que cela… je refuse de faire plus court !

24Tandis que le souvenir de toutes les rencontres, vécues au cours de mes expériences professionnelles passées, demeure intact, je ne parviens pas à me remémorer, sans les notes prises au cours de l’entretien, du parcours, des propos, de l’attitude d’un adolescent vu hier.

25Tandis que le parcours singulier de Noémie, celui de Madame E.D.B. ou encore celui de Florian reste entier dans ma mémoire, je ne parviens à différencier les trois jeunes rencontrés avant-hier qu’à l’aide des notes prises au cours de l’entretien. Les visages des cent vingt et quelques adolescents invités à livrer une partie d’eux-mêmes et de leur histoire, s’effacent au fur et à mesure…

26Si « peu de personnes mettent en doute l’idée que l’éducateur appuie essentiellement ses interventions sur l’établissement d’une relation avec les gens qui viennent à lui ou qui lui sont confiés [4] », il est cependant difficile de concevoir que cette notion de relation puisse prendre sens à l’occasion d’une seule et unique rencontre avec l’autre. Relation éducative, accompagnement, travail de lien : que faire de ces chers concepts, lus et relus, développés par tant d’auteurs et de professionnels de l’éducation spécialisée ? Y renoncer serait une absurdité : la définition du métier d’éducateur pjj fait bel et bien appel aux mêmes notions. Seul l’éducateur au seat semble en être privé. Cette limite incombe, de fait, à l’organisation et aux missions du seat. Il me faut l’accepter.

27Mais si le temps me le permet, pourquoi réduire la durée de cet unique entretien avec l’adolescent, et ses parents ? La longueur de mes écrits certes s’en ressent. Que les magistrats me disent que je les noie dans des flots d’informations inutiles (jamais plus de deux pages, soit dit en passant…) et alors seulement, j’accepterai l’idée d’en réduire le contenu ! Je continue à « faire de l’ae en copj ! »

28Au-delà de cet aspect organisationnel, je découvre peu à peu que le sens pouvant être donné à ces entretiens, peut justement prendre appui sur le caractère ponctuel de l’intervention de l’éducateur du seat dans le parcours de l’adolescent.

Nouvelles pratiques, même identité

29Privé de relation éducative dans la dimension temporelle qu’elle suppose, l’éducateur au seat n’en demeure pas moins un éducateur. L’entretien avec l’adolescent reste en effet un instant d’écoute, d’échange, parfois de partage, et de transmission. Tenter de faire émerger en cet instant, chez l’adolescent, une amorce de réflexion sur la compréhension de son acte et de ses conséquences, ne saurait avoir de sens, sans recherche d’une compréhension de son histoire de vie. En cela, l’entretien est éducatif.

30Qu’il s’agisse d’un premier entretien au tribunal, ou d’un entretien au parloir dans le cadre d’un défèrement, il n’est pas rare que ce contexte produise chez l’adolescent concerné, l’effet d’un électrochoc. Dans le premier cas, la première venue d’un adolescent en ce lieu lourdement symbolique, aux labyrinthes de couloirs, où chaque porte s’apparente à l’inconnu, nous amène un jeune souvent impressionné, parfois apeuré. Dans le second cas, son arrivée au dépôt, entouré des services de police ou de gendarmerie, après de longues heures de garde à vue, nous conduit un adolescent fortement éprouvé, dont nous nous trouvons être le premier interlocuteur. De cette fragilité résulte parfois une propension à « lâcher », ces paroles jusqu’alors jamais exprimées. En cela, l’entretien se doit d’être éducatif.

31Le rôle de l’éducateur au seat est donc exempt de ce long travail d’instauration d’une relation de confiance. Est-il utile, à ce stade, de préciser que de cette considération est née, chez moi, un sentiment important de frustration ? C’est une fois cette relation instaurée, que la véritable richesse du métier de l’éducateur pouvait, à mon sens, apparaître. Cependant, en équilibre si fragile entre l’adhésion et la contrainte, je me suis trouvée confrontée dans mes expériences passées, à la difficulté et parfois même à l’impossibilité d’aborder certains sujets sensibles, susceptibles de tout venir remettre en cause. Il m’a fallu parfois des mois, avant de permettre à un enfant, une épouse, un père, de libérer une parole, douloureuse telle que l’alcoolisme, ou la violence, vécue au sein de la famille. Dégagé des enjeux de la relation, il peut être parfois être plus simple pour l’éducateur du seat d’aborder de tels sujets, ou de permettre à cet ado, ce compagnon, cette maman, de l’aborder d’eux-mêmes. L’entretien est là encore, éducatif !

32M., 16 ans, est d’ores et déjà suivi par une éducatrice de milieu ouvert, dans le cadre d’une mesure de liberté surveillée préjudicielle. La répétition de ses passages à l’acte et l’accumulation des affaires nous conduit à le rencontrer à plusieurs reprises au seat. À l’occasion d’une nouvelle copj, il accepte enfin de se livrer. Il est question de maltraitances graves : coups de matraque, brûlure de joint. M. accepte que j’aborde le sujet avec ses parents, dans un second temps. Ces derniers accepteront à leur tour d’en parler. Le comportement de M. décrit par les parents au domicile est alarmant : emprunt de la voiture, vol des clés, destruction des cigarettes maternelles, etc. Il est désigné comme l’objet de tous les maux de la famille. Il est tenu pour responsable des conflits conjugaux, et du risque de séparation du couple. La mère demande le placement de M. Le rejet maternel est insupportable pour lui. Signalement au Procureur de la République. Transmission de ces éléments au service de milieu ouvert. Nouvelle frustration… Celle de ne pas connaître l’évolution de la situation de M. L’idée d’un appel téléphonique au cae pour savoir ce qu’il devient me traverse l’esprit. Avant de s’envoler, parmi les 120 et quelques autres rencontres faites jusqu’à présent au seat.

33Mon bol d’air au seat : ma rencontre avec ces adolescents, concernés pour la première fois par une affaire au pénal. Certains d’entre eux font preuve d’une écoute toute particulière, demandent à comprendre. Et je suis désormais en mesure de leur fournir des explications. Une prise de conscience se lit parfois sur leur visage au fil de l’échange engagé. Certains s’enfoncent peu à peu dans leur siège, déterminés à ne plus y revenir. Des paroles encourageantes, contenantes, soutenantes. « Je ne te dis pas au revoir, mais te souhaite une bonne continuation. » Et leur sourire.

34Du métier d’éducateur spécialisé, au métier d’éducateur pjj…S’agissait-il donc d’une adaptation de mes connaissances et de ma pratique, plus que d’une remise en cause de mon identité professionnelle ?

35Bel et bien engagée, encore inachevée, mon adaptation à ce rôle si spécifique de l’éducateur au seat, nécessiterait à mon sens, d’être constamment réinterrogée. Sans cela, le nombre incroyable de jeunes que nous sommes amenés à rencontrer ne risquerait-il pas de donner lieu à une forme « d’abattage » des dossiers, tristement dénué de toute la richesse que je peux désormais entrevoir ?

36Éducatrice privée de la dimension temporelle de la relation éducative, mais éducatrice avant tout ! Les définitions des fascicules de la pjj gagneraient-ils à être… adaptés ? !


Lexique

37seat : Service éducatif auprés du tribunal

38dees : Diplôme d’État d’éducateur spécialisé

39aemo : Action éducative en milieu ouvert

40cae : Centre d’action éducatif

41ioe : Investigations et orientations éducatives

42cef : Centre éducatif fermé

43seepm : Service éducatif en établissement pénitentiaire pour mineurs

44fae : Foyers d’actions éducatifs

45cpi : Centre de placement Immédiat

46rrse : Rapport de renseignements socio-éducatif

47ae : Action éducative

48je : Juge des enfants

49cop : Conseiller d’orientation psychologue

50jld : Juge des libertés et de la détention

51cer : Centre éducatif renforcé

52lsp : Liberté surveillée préjudicielle

53ls : Liberté surveillée

54cj : Contrôle judiciaire

55copj : Convocation par officier de police judiciaire

56saemf : Service d’action éducative en milieu familial

57bex : Bureau d’exécution des peines

58Composition pénale : procédure de défèrement quand il y a mandat de dépôt requis

59maj : Mesure d’activité de jour

Notes

  • [*]
    Éducatrice spécialisée, Mathilde Harmand a suivi la formation d’adaptation à l’enpjj.
  • [1]
    Les abréviations de cet article sont toutes explicitées en encadré.
  • [2]
    Projet de service du seat d’Évry, 2009.
  • [3]
    Projet de service du seat d’Évry, 2009.
  • [4]
    M. Capul, M. Lemay, De l’éducation spécialisée, Toulouse, érès, 2003.
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