Couverture de LCDM_033

Article de revue

Penser « l’engagement radical »

Pages 115 à 134

Notes

  • [1]
    La visibilité politique, médiatique et académique de ce sujet ne doit pas occulter le fait que la « radicalisation » n’est pas la norme comme le rappelle Gérald Bronner. « Toutes les formes de radicalisation, qu’elles soient djihadistes, qu’elles émanent de certains groupes sectaires ou totalitaires, d’extrême gauche ou d’extrême droite, constituent des événements de rareté statistique : par définition, ils ne constituent pas la norme » (Gérald Bronner, Serge Galam, « Modéliser et expliquer les radicalisations », dans Quaderni, « Logiques numériques des radicalisations », 95, hiver 2017-2018, p. 65-78, ici p. 65). Farhad Khosrokhavar rappelait dès le début de son ouvrage que « la radicalisation est un phénomène minoritaire, voire ultra-minoritaire, dans les sociétés occidentales et même, islamiques » (Fahrad Khosrokhavar, Radicalisation, Paris, Éditions de la MSH, 2014, p. 10-11). Tandis que Laurent Bonelli et Fabien Carrié ont évalué le caractère statistiquement faible des cas de radicalisation parmi les jeunes suivis par les services de la projection judiciaire de la jeunesse (PJJ) puisque les mineurs signalés pour ce motif représentent 0,4 % des mineurs suivis par la PJJ (Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, Paris, Seuil, 2018, p. 292).
  • [2]
    En France, après les attentats du 13 novembre 2015, le débat scientifique s’est cristallisé médiatiquement autour de la controverse entre Gilles Kepel, Olivier Roy et François Burgat sur la nature religieuse, générationnelle ou politique des ressorts de la « radicalisation ». Voir « Olivier Roy et Gilles Kepel, querelles françaises sur le jihadisme », Libération, 14 avril 2016. Voir également Leyla Dahkli, « L’islamologie est un sport de combat », La revue du crieur, 3, juin 2015. Plus récemment à la suite de l’attentat commis à Strasbourg le 11 décembre 2018, une controverse a opposé Farhad Khosrokhavar à Hugo Micheron et Bernard Rougier quant à la profondeur du facteur religieux (et notamment djihadiste) dans la radicalisation vis-à-vis d’une forme de désespoir. Voir Farhad Khosrokhavar, « Chérif Chekatt ou le faux djihadiste », Le Monde, 14 décembre 2018, et Hugo Micheron, Bernard Rougier, « Les dénégationnistes du djihad », Libération, 21 décembre 2018.
  • [3]
    Bertjan Doosje, « Do Radical Groups Attract People with Specific Psychological Need ? An Empirical Exploration », intervention au dixième colloque de la Society for Terrorism Research, La Haye, 7 novembre 2016.
  • [4]
    Peter R. Neumann, Radicalized : New Jihadists and the Threat to the West, Londres, I. B. Tauris, 2016.
  • [5]
    Isabelle Lacroix, « Radicalisations et jeunesses », Revue de littérature, mars 2018, p. 42.
  • [6]
    Carine Guérandel, Éric Marlière, « Les djihadistes à travers le monde. Pluralité des analyses et impensés », Hommes et migrations, 1315, 2016, p. 9-16.
  • [7]
    Caroline Guibet Lafaye, « Interprétations politiques de la causalité terroriste », Revue internationale de philosophie en ligne [Metabasis.it], « Frammenti 3 », 21 (9), mai 2016, p. 27-54.
  • [8]
    Farhad Khosrokhavar, « La sociologie de la radicalisation : entretien avec Farhad Khosrokhavar », SENS. Ressources en sciences économiques et sociales, 10 janvier 2016.
  • [9]
    « Le fait que ces tentatives de catégorisation se recoupent si peu […] illustre bien à notre sens la difficulté et les limites de cet exercice de classement » (Nicolas Hénin, Comprendre le terrorisme, Paris, Fayard, 2017, p. 70).
  • [10]
    Erik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2015, p. 70.
  • [11]
    Benjamin Ducol, « La “radicalisation” comme modèle explicatif de l’engagement clandestin violent : contours et limites d’un paradigme théorique », Politeia, 2015, p. 127-147, ici p. 130 ; Centre international pour la prévention de la criminalité, « Comment prévenir la radicalisation : une revue systématique », décembre 2015 ; Xavier Crettiez, « Penser la radicalisation », Revue française de science politique, 66 (5), 2016, p. 709-727 ; Isabelle Lacroix, « Radicalisations et jeunesses », art. cit.
  • [12]
    Donatella Della Porta, Social Movements : Political Violence and the State. A Comparative Analysis of Italy and Germany, Cambridge, Cambridge University Press, 1995 ; Isabelle Sommier, La violence révolutionnaire, Paris, Presses de Sciences Po, 2008 ; Xavier Crettiez, « “High Risk Activism” : essai sur le processus de radicalisation violente (première partie) », Pôle Sud, 2011, 34, p. 45-60 ; id., « “High Risk Activism” : essai sur le processus de radicalisation violente (seconde partie) », Pôle Sud, 35, 2011, p. 97-112 ; Isabelle Sommier, « Engagement radical, désengagement et déradicalisation. Continuum et lignes de fracture », Lien social et politique, 68, automne 2012, p. 15-35.
  • [13]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport pour la mission de recherche Droit et Justice, 2017 ; Fabien Truong, Loyautés radicales. L’islam et les « mauvais garçons » de la nation, Paris, La Découverte, 2017 ; Martin Hecker, Études de l’IFRI. Focus stratégique, « 137 nuances de terrorisme. Les djihadistes de France face à la justice », 19, 2018 ; Olivier Galland, Anne Muxel (dir.), La tentation radicale. Enquête auprès des lycéens, Paris, PUF, 2018 ; Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit.
  • [14]
    Nous n’avons pas sélectionné d’autres ouvrages également construits à partir de matériaux de première main et notamment d’entretiens mais écrits par des journalistes comme ceux de David Thomson, Les Français jihadistes, Paris, Les Arènes, 2014 et id., Les revenants, Paris, Seuil, 2016 ou de Romain Caillet et Pierre Puchot, Le combat vous a été prescrit, Paris, Stock, 2017. Par ailleurs, plusieurs ouvrages n’ont pas pu être intégrés à l’analyse compte tenu de la proximité entre leur date de sortie et les délais de publication de cet article : Dounia Bouzar, Français radicalisés, Paris, L’Atelier, 2018 ; David Puaud, Le spectre de la radicalisation. L’administration sociale en temps de menace terroriste, Rennes, Presses de l’École des hautes études en santé publique, 2018 ; Guillaume Monod, En prison. Paroles de djihadistes, Paris, Gallimard, 2018 ; Xavier Crettiez, Yvan Barros, « La réalité de la menace djihadiste (2015-2018) », Saint-Germain-en-Laye, chaire de citoyenneté de Sciences Po, novembre 2019 ; ou Hugo Micheron, Le jihadisme français. Quartiers, Syrie, prisons, Paris, Gallimard, 2020.
  • [15]
    Olivier Fillieule, Bernard Pudal, « Sociologie du militantisme. Problématisations et déplacement des méthodes d’enquête », dans Éric Agrikoliansky (dir.), Penser les mouvements sociaux. Conflits sociaux et contestations dans les sociétés contemporaines, Paris,La Découverte, 2010, p. 163-184.
  • [16]
    Charles Tilly, From Mobilization to Revolution, Cambridge (Mass.), Reading, 1978, p. 182.
  • [17]
    Isabelle Lacroix, « Radicalisations et jeunesses », art. cit., p. 7.
  • [18]
    Peter R. Neuman, Scott Kleinmann, « How Rigorous Is Radicalization Research ? », Democracy and Security, 9 (4), 2013, p. 360-382. Comme le note avec justesse Fabien Truong, ce changement de terme produit également un changement de perspective dans l’appréhension de la « menace ». « Tant que l’ennemi venait de l’extérieur, il n’y avait pas lieu de parler de “radicalisation”. Le terme “terrorisme” suffisait amplement : les attaques étaient perpétrées par des étrangers, radicalement “autres”. Si l’ennemi vient de l’intérieur, se pose la question de la trahison ou […] du mouvement de bascule du “nous” vers le “eux”. Avec un enjeu de taille : savoir qui sont ces ennemis du cru pour pouvoir les protéger » (Fabien Truong, Loyautés radicales. L’islam et les « mauvais garçons » de la nation, op. cit., p. 13-14).
  • [19]
    Benjamin Ducol, « La “radicalisation” comme modèle explicatif de l’engagement clandestin violent : contours et limites d’un paradigme théorique », art. cité, p. 130.
  • [20]
    Peter R. Neuman, Scott Kleinmann, « How Rigorous Is Radicalization Research ? », art. cité, p. 368.
  • [21]
    Caroline Guibet-Lafaye, Ami-Jacques Rapin, « La “radicalisation”. Individualisation et dépolitisation d’une notion », Politiques de communication, 8 (1), 2017, p. 127-154.
  • [22]
    Isabelle Sommier, La violence révolutionnaire, op. cit., p. 15.
  • [23]
    Peter Neumann, Perspectives on Radicalisation and Political Violence : Papers From the First International Conference on Radicalisation and Political Violence, Londres, International Centre for the Study of Radicalisation and Political Violence, 2008.
  • [24]
    Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 15.
  • [25]
    L’expression originale est « the one of the great buzzword of our time » (Peter R. Neuman, Scott Kleinmann, « How Rigorous Is Radicalization Research ? », art. cité, p. 360).
  • [26]
    Rick Coolsaet (eds), Jihadi Terrorism and Radicalisation Challenge : European and American Experiences, Surrey, Ashgate Publishing, 2011.
  • [27]
    Xavier Crettiez, « Penser la radicalisation », op. cit., p. 709-710.
  • [28]
    « Par ce terme, nous entendons à la fois des actes, des faits ou des comportements qui transgressent des normes établies et la réaction à ces transgression de la part des institutions qui y voient une menace de subversion pour l’ordre politique, social et symbolique dont elles sont les garantes. Ces deux dimensions sont inséparables, la radicalité étant par définition relationnelle. En effet, on n’est jamais radical en soi mais toujours pour quelqu’un. Et il faut que ce quelqu’un dispose d’une autorité d’État pour que l’étiquetage puisse déclencher une action publique » (Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 16).
  • [29]
    Ibid., p. 17.
  • [30]
    Fabien Truong, Loyautés radicales. L’islam et les « mauvais garçons » de la nation, op. cit., p. 15.
  • [31]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport cité, p. 10.
  • [32]
    Il s’agit ainsi d’un « processus par lequel un individu, un groupe, adopte une forme violente d’action, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social ou religieux qui conteste l’ordre établi sur le plan politique, social ou culturel » (Fahrad Khosrokhavar, Radicalisation, op. cit., p. 7-8).
  • [33]
    Benjamin Ducol, « La “radicalisation” comme modèle explicatif de l’engagement clandestin violent : contours et limites d’un paradigme théorique », art. cité, p. 139.
  • [34]
    Quelques jours après les attentats, le président du CNRS Alain Fuchs lançait un appel à propositions sur « tous les sujets pouvant relever des questions posées à nos sociétés par les attentats et leurs conséquences, et ouvrant la voie à des solutions nouvelles – sociales, techniques, numériques ». Des initiatives similaires avaient déjà été lancées après les attentats de janvier 2015 (www2.cnrs.fr/sites/communique/fichier/appel_alain_fuchs.pdf [consulté le 18/03/2020]).
  • [35]
    Andrew Silke, directeur des terrorism studies à l’université d’East London, pointe qu’après le 11 septembre 2001, 80 % des recherches se fondent sur des matériaux de seconde main, que 65 % des articles ne sont que des critiques d’autres publications et que seulement 1 % des travaux sont fondés sur des entretiens (Andrew Silke, « Holy Warriors : Exploring the Psychological Processes of Jihadi Radicalisation », European Journal of Criminology, 5 [1], 2008, p. 99-123, ici p. 101).
  • [36]
    Isabelle Lacroix, « Radicalisations et jeunesses », art. cit., p. 15.
  • [37]
    Cette recherche a donné lieu à un ouvrage de vulgarisation, centré uniquement sur les verbatim des entretiens avec les djihadistes incarcérés et non plus les nationalistes basques ou corses (Xavier Crettiez, Bilel Ainine, Soldats de Dieu. Paroles de djihadistes, La Tour-d’Aigue, L’Aube, 2017).
  • [38]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport cité, p. 7.
  • [39]
    Comme les influences cognitives (par exemple l’effet des cadres d’injustices), la force d’encadrement des organisations, les ruptures biographiques, la présence de personnes-ressources ou l’acculturation à la violence (ibid., p. 6).
  • [40]
    Fabien Truong, Loyautés radicales. L’islam et les « mauvais garçons » de la nation, op. cit., p. 25.
  • [41]
    Nord-Pas-de-Calais, Île-de-France, Bourgogne et Provence-Alpes-Côte d’Azur.
  • [42]
    Ibid., p. 13.
  • [43]
    Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 65.
  • [44]
    Les auteurs soulignent avoir constitué un échantillon en s’assurant à la fois d’un nombre suffisamment important de jeunes de confession musulmane et d’une « surreprésentation » de lycées situés dans des zones urbaines sensibles. « Ce choix méthodologique essentiel ne préjugeait pas du diagnostic sur l’ampleur et la nature des liens entre l’islam et la radicalité chez les jeunes musulmans. Il était simplement indispensable, si l’on voulait pouvoir analyser ces liens, de disposer de l’échantillon qui permette de le faire. Par ailleurs, pour vérifier ou non l’impact des conditions d’exclusion sociale et économique, qui est l’une des hypothèses dominantes des travaux sur le phénomène de radicalité, nous avons choisi de surreprésenter […] des lycées situés dans ou à proximité de zones urbaines sensibles » (Olivier Galland, Anne Muxel [dir.], La tentation radicale. Enquête auprès des lycéens, op. cit., p. 11).
  • [45]
    Ibid., p. 10.
  • [46]
    Par exemple l’importance de l’islam dans la construction identitaire conduisant notamment à une forme d’étiquetage social négatif des individus observés.
  • [47]
    Fabien Truong, Loyautés radicales. L’islam et les « mauvais garçons » de la nation, op. cit., p. 24.
  • [48]
    Ibid., p. 20.
  • [49]
    Ibid., p. 9.
  • [50]
    Laurent Bonelli, Fabien Carrié, « Radicalité engagée, radicalités révoltées. Enquête sur les jeunes suivis par la protection judiciaire de la jeunesse », Ministère de la Justice, mars 2018, www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/184000167/index.shtml [consulté le 24/11/2018].
  • [51]
    Claude Dubar, La socialisation, Paris, Armand Colin, 1991.
  • [52]
    « Ces trois types de radicalité recouvrent des processus somme toute assez communs qu’il ne serait pas nécessaire de décrire s’ils ne suscitaient pas une telle attention publique » (Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 20).
  • [53]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport cité, p. 92.
  • [54]
    Ibid., p. 143.
  • [55]
    Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 256.
  • [56]
    « Dans les jugements que nous avons analysés, nombre de prévenus ou d’accusés se connaissaient de longue date. Certains étaient dans la même classe au collège ou jouaient au football dans le même club » (Martin Hecker, Études de l’IFRI. Focus stratégique, « 137 nuances de terrorisme. Les djihadistes de France face à la justice », 19, 2018, p. 33).
  • [57]
    « La dynamique de groupe opère parfois au sein d’une même famille. Notre échantillon compte ainsi plusieurs fratries de djihadistes » (ibid., p. 33).
  • [58]
    Fabien Truong, Loyautés radicales. L’islam et les « mauvais garçons » de la nation, op. cit., p. 43.
  • [59]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport cité, p. 93.
  • [60]
    Doug Mc Adam, Freedom Summer, Oxford, Oxford University Press, 1988.
  • [61]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport cité, p. 93.
  • [62]
    Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 270.
  • [63]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport cité, p. 67.
  • [64]
    Ibid., p. 143.
  • [65]
    Ibid., p. 91.
  • [66]
    « On a pu noter une absence d’expérience individuelle de la discrimination précédant l’engagement […]. Pour autant, apparaît l’expression d’un sentiment a posteriori très répandu de la discrimination à l’encontre de la communauté musulmane dans son ensemble » (ibid., p. 143).
  • [67]
    Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 294. Quelques pages plus loin, les auteurs rappellent aussi que « si les jeunes utopiques se précipitent vers l’expérience syrienne, c’est parce qu’elle leur apparaît comme la seule alternative à court terme à l’effondrement d’un projet de vie totalisant dans lequel ils étaient investis corps et âme » (p. 298-299).
  • [68]
    Olivier Galland, Anne Muxel (dir.), La tentation radicale. Enquête auprès des lycéens, op. cit., p. 371-372.
  • [69]
    Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 21. Loin de l’opinion commune, ces jeunes ont montré une bonne volonté scolaire mais vivent très mal le passage du collège au lycée : déçus par la compétition scolaire, ils voient s’effondrer leurs perspectives d’avenir. Alors qu’ils ont investi dans leur trajectoire scolaire, ils ne savent plus comment trouver leur place dans la société. L’engagement dans la radicalité est alors un moyen de trouver des réponses à leurs questions. Le passage à l’acte aussi.
  • [70]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport cité, p. 142.
  • [71]
    Olivier Galland, Anne Muxel (dir.), La tentation radicale. Enquête auprès des lycéens, op. cit., p. 98.

Introduction

1Comment se radicalise-t-on ? Depuis la vague d’attentats meurtriers de 2015, cette question est devenue centrale en France, tant pour les pouvoirs publics que pour les chercheurs en sciences sociales. Si la question de la violence a longtemps été marginalisée dans la recherche, ce n’est plus le cas aujourd’hui. On compte désormais un grand nombre de recherches académiques sur le sujet de la radicalisation en dépit de la nature minoritaire de l’engagement radical [1]. La violence des attentats, leur répétition ainsi que la mise sur agenda de la « radicalisation » ont provoqué une demande sociale forte. Elle a trouvé comme réponse une production documentaire importante et de nature différente (ouvrages universitaires de différentes disciplines, de journalistes, d’hommes et de femmes politiques, d’anciens des services de sécurité, etc.), mais également des débats médiatiques intenses sur les facteurs de l’engagement radical, en particulier l’engagement djihadiste [2].

2Ces logiques interrogent l’accumulation des connaissances et une réelle intelligibilité accrue du phénomène ; une intelligibilité rendue difficile par l’hétérogénéité des parcours biographiques des djihadistes à laquelle s’est superposée une hétérogénéité des tentatives académiques de déterminer des modèles de « régularités types ».

3Plusieurs recherches internationales menées à partir d’observations empiriques aboutissent à différents types de catégorisation des facteurs de la « radicalisation ». Le chercheur néerlandais Bertjan Doosje a identifié quatre principales familles de radicalisés considérant ce processus comme une quête (ceux qui sont en quête d’identité, ceux qui sont en quête de justice, ceux qui sont en quête de sensations et ceux qui sont en quête d’importance) [3]. Peter Neumann suggère, lui, trois grandes catégories : les humanitaires qui sont partis en Syrie ou en Irak pour défendre les populations sunnites opprimées, les personnes en quête de sens et les suiveurs [4]. Plus récemment dans son état de l’art [5], Isabelle Lacroix rappelait que, parmi les publications qu’elle avait étudiées et qui visaient déjà à synthétiser les interprétations académiques en cours sur le sujet, le nombre de facteurs explicatifs évoluait de trois (Carine Guérandel et Éric Marlière [6]) à sept (Caroline Guibet Lafaye [7] ou Farhad Khosrokhavar [8]). Ce que la typologie gagne en exhaustivité, elle le perd en intelligibilité [9] et le risque est grand d’une absence de cumulativité de la connaissance comme le pointe Erik Neveu à propos de la sociologie de l’action collective qui s’apparente parfois, selon lui, à de la haute couture : il n’y a pas de processus d’incrémentation mais une succession de modes. Le jeu consiste alors à revendiquer l’invention d’un nouveau « paradigme » qui dépasse les précédents et qui fait preuve d’amnésie [10]. Cette profusion des recherches indique-t-elle néanmoins la constitution d’un champ académique en cours de structuration alors même que ce sujet est marqué par la grande diversité des appartenances disciplinaires des auteurs qui ont publié ces dernières années sur le sujet (sociologue, psychologue, islamologue, historien, politiste, etc.) ? Est-ce que cet objet « radicalisation », à l’instar d’interrogations plus anciennes sur le terrorisme, comporte des spécificités, notamment méthodologiques (difficultés d’accès au terrain ou à un matériau de première main), qui pourraient conduire à le constituer comme un champ autonome ?

4Plusieurs auteurs francophones [11] ont publié des états de l’art sur le sujet, qui participent d’une structuration des recherches. Le constat commun est celui de la domination d’une approche processuelle pour observer les phénomènes de radicalisation. Xavier Crettiez et Isabelle Lacroix privilégient ainsi une approche multiscalaire articulant trois niveaux d’observation (macrosociologique, mésosociologique et microsociologique), déjà utilisée pour appréhender la violence politique [12]. Néanmoins, ces recherches qui s’appuient sur les outils réflexifs de la sociologie de l’engagement militant et sur l’hypothèse d’une forme de continuité entre engagement classique et engagement radical ou violent ne visent pas à produire une typologisation du processus de radicalisation.

5Toutefois, il manquait des travaux de première main sur le phénomène de radicalisation, permettant de tester ces différentes hypothèses à partir du terrain français. Ce manque a été comblé au cours des dernières années par la publication de plusieurs recherches [13]. Celles-ci ont plusieurs spécificités qui ont justifié notre intérêt et leur sélection [14]. Toutes ne traitent pas du terrorisme, ni même de la « radicalisation » djihadiste, mais bien d’un engagement dans des formes diverses de radicalité (opinions, actes, politiques, religieuses, etc.). Et dans la perspective processuelle déjà évoquée, nous tenterons d’évoquer les points les plus saillants de ces recherches à l’aide des ressources de la sociologie de l’engagement militant [15]. Notre hypothèse est celle d’une « normalisation » de l’analyse de l’engagement violent, largement considéré comme irrationnel dans le débat public, et qui peut déboucher sur une violence exceptionnelle et spécifique : celle de la violence terroriste. Charles Tilly disait :

6

Pour comprendre et expliquer les actions violentes, on doit comprendre les actions non violentes. Toute étude traitant des seuls événements violents a affaire aux effets de deux séries différentes de déterminants : 1) les déterminants de l’action collective en général, qu’ils produisent ou non de la violence ; 2) les déterminants des résultats violents de l’action collective [16].

7Plus récemment, Isabelle Lacroix a appelé au croisement des différentes sociologies, notamment entre les sociologies de l’adolescence ou de la jeunesse pour mieux appréhender la sociologie de la radicalisation.

8

Il nous semble majeur pour la compréhension de ce phénomène de s’appuyer sur la littérature concernant l’adolescence et plus globalement la jeunesse, en particulier celle qui étudie le poids du groupe de pairs, puisque l’on sait que la socialisation secondaire prend une place accrue par rapport à la socialisation familiale au cours de l’adolescence.
Pour appréhender ce passage de jeunes vers des organisations violentes, il serait également judicieux de mobiliser les travaux qui portent spécifiquement sur l’allongement de la période de la jeunesse et sur la désynchronisation des seuils des transitions à la vie adulte ainsi que les recherches qui étudient ces seuils auprès des jeunes en difficulté [17].

9Sans nier la spécificité d’un engagement qui peut emprunter les voies de l’illégalité et de la violence, un détour par la sociologie de l’action collective et du militantisme permet de mettre en évidence plusieurs apports, aujourd’hui classiques, dans la compréhension de l’engagement militant (l’attention au vécu des acteurs, les problématiques de l’identité et de la quête de sens, les questions des rétributions du militantisme), mais plus récents dans la sociologie de l’engagement radical.

De quoi la « radicalisation » est-elle le nom ?

10L’intensité du débat public n’a pas porté uniquement sur l’objet mais également sur sa dénomination. Ainsi, la communauté scientifique, anglo-saxonne comme francophone, a produit des débats nourris sur l’usage du terme « radicalisation » à l’instar des débats académiques des années 2000 sur l’emploi du terme « terrorisme ». Le mot « radicalisation » est apparu dans la littérature anglo-saxonne au milieu des années 2000. L’usage de ce terme s’explique par la volonté de comprendre l’apparition d’un terrorisme endogène (homegrown terrorism) illustré par les attentats de Londres en 2005. La menace djihadiste est désormais aussi envisagée comme intérieure et comme le produit des sociétés occidentales elles-mêmes [18]. Dans son article [19], Benjamin Ducol décrit cette rupture temporelle en citant l’étude de Peter Neumann et Scott Kleinman. Ils démontrent ainsi que seulement 3 % des travaux publiés entre 1980 et 1999 avaient pour thématique la radicalisation, contre 77 % sur la période 2006-2010 [20]. Cette évolution sémantique s’accompagne également d’un changement de perspective analytique [21].

11Un basculement s’opère au sein du monde universitaire d’un paradigme centré sur les causes ou les racines des phénomènes de militantisme clandestin violent à un autre paradigme orienté vers la compréhension de ces phénomènes à travers le prisme du concept de radicalisation. Cette évolution a eu le mérite d’insister sur le fait d’envisager la radicalisation comme un processus et un cheminement. Ce qui est parfois contre-intuitif quand les médias illustrent des basculements ou des départs soudains pour la Syrie. En passant des causes aux processus (et donc en passant d’une analyse essentiellement collective à une attention plus individuelle), les chercheurs ont également complexifié leur objet (au risque parfois de le rendre difficilement lisible pour des acteurs non académiques) en associant des lectures à la fois structurelles, organisationnelles et individuelles.

12

Sous l’influence de l’interactionnisme, les approches récentes du militantisme ont délaissé l’interrogation du « pourquoi » au profit du « comment » et, ce faisant, ont privilégié une analyse multidimensionnelle et processuelle. Le glissement se vérifie également, quoique de façon moins nette, dans l’étude des engagements radicaux qui, à partir d’une posture de rupture vis-à-vis de la société d’appartenance, acceptent au moins en théorie le recours à des formes non conventionnelles d’action politique éventuellement illégales, voire violentes [22].

13Si le terme « radicalisation » se développe, il demeure insatisfaisant. De plus, subsiste une difficulté récurrente à comprendre comment des individus relativement bien intégrés dans leur société en viennent à s’engager dans cette forme radicale de militantisme au point de passer à l’action violente contre leurs compatriotes et leur propre pays. Le terme ne recouvre pas une seule et même réalité, mais renvoie plutôt à une pluralité de situations, ouvrant la porte à une ambiguïté constante quant à la nature même du phénomène désigné par les chercheurs. À ce titre, la remarque de Peter Neumann qui fait de l’idée de radicalisation un moyen de parler de « tout ce qui se passe avant que la bombe n’explose [23] » illustre volontairement tant le flou des représentations académiques que sa nature diverse et processuelle. À l’instar du débat académique sur l’emploi du terme « terrorisme », l’un des reproches faits à la notion de « radicalisation » est la nature subjective du terme. Les attentats de 2015 ont conduit à l’institutionnalisation d’une politique publique spécifique, la prévention de la radicalisation, inscrite dans des institutions spécifiques (comme le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation) et développant un répertoire d’actions et une représentation institutionnelle de cette notion. La « radicalisation » est également devenue un principe d’action administratif et de jugement normatif.

14

Il s’agit en effet simultanément d’un concept scientifique (donnant lieu à des échanges nourris entre chercheurs et entre disciplines), d’un principe de jugement politique (qui délégitime les formes de contestation frontales des autorités établies) et d’un registre d’action administratif, guidant à la fois la lecture de certaines situations, leur comptabilisation et les prises en charge spécifiques auxquelles elles donnent lieu. Mais ces univers ne sont pas étanches et leurs logiques circulent de l’un à l’autre [24].

15L’absence de définition consensuelle est le corollaire de cette hétérogénéité des phénomènes dénotés conduisant à son rejet par plusieurs chercheurs. Tantôt qualifié d’« un des plus fréquents mots à la mode de notre époque [25] » ou de « concept attrape-tout [26] », il n’en reste pas moins une notion centrale dans le champ académique. Comme le rappelle Xavier Crettiez, « l’usage du terme radicalisation va dès lors servir à évacuer cette réflexion stérile sur les causes et mettre l’accent sur les processus [27] ». Par ailleurs, ces débats sur l’emploi de la notion de radicalisation, s’ils sont légitimes, reflètent, comme pour les débats sur la notion de terrorisme en leur temps, un conflit de positions au sein du champ académique que nous n’avons pas l’intention de trancher dans le cadre de cet article.

16Dans les textes sélectionnés, on dénombre autant de positions différentes à l’égard du terme que de recherches. Olivier Galland et Anne Muxel ont travaillé sur la radicalité politique et religieuse sans évoquer la radicalisation tandis que Laurent Bonelli et Fabien Carrié refusent le terme « radicalisation » pour préférer celui de « radicalité » dans une approche interactionniste [28] et dans le cadre d’une « violence politique à référence islamique [29] » pour refuser les termes « terroriste » ou « djihadiste » (bien que ce dernier soit utilisé dans le texte pour des raisons de commodité). Fabien Truong rejette également le terme « radicalisation » sans choisir explicitement de terme de substitution : « Il me semble plus sage de l’abandonner pour observer ce qu’il cherche à expliquer : le pouvoir de séduction de l’idéologie du “martyr” et l’attrait de l’islam chez toute une frange de la jeunesse [30]. » Pour tenter d’expliquer la séduction exercée par l’islam, il opte pour l’expression « loyautés radicales » qui renvoie déjà à une forme d’analyse du phénomène.

17En revanche, Xavier Crettiez et ses collègues ne réfutent pas l’emploi de cette notion même s’ils en relèvent les nombreux biais (imprécision de sa signification, effets politiques de stigmatisation, etc.). Ils tentent de les combler en définissant précisément son emploi.

18

On définira la radicalisation comme l’adoption progressive et évolutive d’une pensée rigide, vérité absolue et non négociable, dont la logique structure la vision du monde des acteurs, qui usent pour la faire entendre de répertoire d’action violents, le plus souvent au sein de structures clandestines, formalisées ou virtuelles, qui les isolent des référents sociaux ordinaires et leur renvoient une projection grandiose d’eux-mêmes [31].

19Cette définition permet d’insister sur la dimension évolutive et processuelle de la radicalisation combinant l’adoption d’un mode de pensée sectaire et l’usage de la violence armée. Elle se rapproche de celle popularisée par Farhad Khosrokhavar dans son ouvrage éponyme qui fonde la radicalisation sur l’articulation entre un mode de pensée extrémiste et l’adoption d’un mode d’action violent pour le défendre [32]. Sa définition tente ainsi de répondre aux interrogations suscitées sur la différence entre radicalisation violente et radicalisation non violente. À ce titre, Benjamin Ducol propose une approche qui intègre dans la nature processuelle de l’engagement des représentations normatives du monde influant sur les comportements des acteurs.

20

Au lieu d’appréhender le processus de « radicalisation » à travers une perspective binaire autour d’oppositions entre « idées » et « comportements », « radicalisation violente » et « radicalisation non violente », il convient de l’envisager sous l’angle d’un processus de socialisation à teneur morale. En effet, ce qui caractérise l’engagement clandestin plus que tout autre chose, c’est l’adhésion progressive des individus, non pas à des croyances radicales ou extrémistes en tant que telles, mais bien davantage à un cadre de cognition moral justifiant à leurs propres yeux la nécessité impérative d’une mobilisation militante, et ce en dépit des coûts et des risques que cette dernière fait peser sur leur personne. Autrement dit, derrière le processus de radicalisation, ce n’est pas tant la nature radicale des croyances auxquelles un individu adhère qu’il convient d’expliquer, mais comment celui-ci en vient à percevoir non seulement comme légitime, mais surtout comme moralement nécessaire, sa mobilisation dans l’activisme clandestin [33].

21C’est bien l’intérêt des travaux présentés ici qui traitent de sujets différents ou, pour être plus précis, de moments différents dans des processus d’engagements radicaux. Si les travaux de Crettiez ou de Hecker s’intéressent à des individus condamnés pour faits de terrorisme (que l’on peut donc considérer dans un engagement confirmé), les autres recherches étudient des personnes à un autre niveau dans le processus de « radicalisation ».

Des terrains originaux, des approches différentes ?

22La première spécificité des différentes recherches sélectionnées est qu’elles ont été menées dans le contexte particulier de la société française après les attentats de 2015. Ce contexte a naturellement influencé les recherches menées sur les sujets liés au terrorisme ou à la radicalisation avec plusieurs logiques parfois contradictoires. Ainsi, si un débat apparaît dans l’espace médiatico-politique à l’issue des propos de Manuel Valls sur « l’excuse sociologique », les pouvoirs publics financent néanmoins plusieurs recherches sur la « radicalisation » tandis que le CNRS lance de son côté un appel à projets sur ces questions [34]. D’ailleurs, certaines d’entre elles ont été lancées par des initiatives institutionnelles afin de produire une connaissance d’un phénomène social qui inquiétait les pouvoirs publics (c’est le cas des recherches dirigées par Xavier Crettiez, par Laurent Bonelli et Fabien Carrié, ou encore par Olivier Galland et Anne Muxel). La seconde spécificité, et certainement la plus importante, du corpus de recherches retenu est qu’elles ont été produites à partir de matériaux de première main (entretiens semi-directifs avec des personnes incarcérées, sources judiciaires originales, production documentaire des services de la protection judiciaire de la jeunesse, questionnaires auto-administrés auprès de milliers de jeunes, etc.), ce qui constitue une rareté dans l’immensité des travaux produits sur le terrorisme ou la « radicalisation » en France comme à l’étranger [35]. Ils éclairent les difficultés méthodologiques rencontrées dans la sociologie de la violence : l’accès au terrain, les sources mobilisées, et la quantification du phénomène [36]. Ces travaux se fondent sur des terrains originaux aux traitements différenciés. Certaines recherches s’appuient sur un corpus réduit d’individus avec une approche biographique. Xavier Crettiez, Romain Sèze, Bilel Ainine et Thomas Lindemann ont mené une étude dans le cadre de la mission de recherche Droit et Justice réalisée au cours de l’année 2016 et publiée en août 2017 [37]. Ils s’appuient sur vingt entretiens menés avec des personnes condamnées pour des faits de terrorisme soit de type régionaliste ou nationaliste (ETA ou FLNC, sept), soit de type djihadiste (et principalement des personnes condamnées dans le cadre de filières en lien avec al-Qaïda) [38]. Cette approche qualitative visait à vérifier l’existence d’un modèle type de processus de radicalisation reposant sur certaines variables évoluant dans le cours des parcours biographiques [39]. Fabien Truong a choisi également un corpus réduit mais étudié en profondeur. Il a observé le parcours de six habitants de Seine-Saint-Denis (dont certains qu’il avait eus comme élèves au lycée) à l’aide d’un matériau constitué de plusieurs centaines d’heures d’entretiens de ces derniers, mais également d’autres habitants rencontrés au cours d’une observation ethnographique de deux ans [40]. À l’inverse, Anne Muxel et Olivier Galland ont fondé leur recherche sur un questionnaire passé à un très important corpus de près de 7 000 lycéens en classe de seconde, scolarisés dans une vingtaine de lycées d’enseignement général, technologique et professionnel, répartis dans quatre régions françaises [41]. Ce questionnaire exploratoire a été vérifié par un questionnaire équivalent passé à un échantillon représentatif de 1 800 jeunes puis complété par une enquête qualitative sous forme d’entretiens individuels ou collectifs [42]. De son côté, Marc Hecker, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), a eu accès à des décisions de justice impliquant 137 individus retraçant ainsi leurs parcours biographiques tandis que Laurent Bonelli et Fabien Carrié se sont appuyés sur l’étude systématique de 133 dossiers judiciaires de mineurs poursuivis pour des affaires de terrorisme ou signalés pour « radicalisation » [43].

23Si les terrains et les approches sont différents, l’objet des recherches l’est également. Anne Muxel et Olivier Galland interrogent les représentations de la radicalité au sein d’un premier corpus qui se veut d’abord exploratoire (avec une surreprésentation des jeunes se déclarant musulmans et habitants des quartiers défavorisés) puis d’un second, plus resserré mais représentatif d’une classe d’âge [44]. L’objectif de la recherche est d’évaluer la portée de la radicalité au sein d’une tranche d’âge, de vérifier l’hypothèse d’une plus grande tolérance à la violence protestataire mais pas de comprendre le processus de radicalisation en tant que tel.

24

Notre enquête ne permet pas, et ce n’est d’ailleurs pas son objet, d’analyser l’ensemble du processus pouvant y conduire. En revanche, elle permet d’évaluer à quel degré la tentation de la radicalité a pu gagner certains secteurs de la jeunesse, et d’identifier les facteurs socio-économiques, scolaires, familiaux, culturels, politiques et religieux auxquels elle est associée [45].

25Dans sa recherche, Fabien Truong interroge également la radicalité au sein d’un corpus qui partage des traits distinctifs et représentatifs [46], mais sans être étiqueté par les institutions.

26

Ces garçons forment un ensemble – parce qu’ils sont porteurs de traits répétitifs observés chez nombre d’enquêtés, mais aussi parce que l’agencement individuel de ces traits permet d’envisager le sens des variations, des écarts. […] Ils sont significatifs, tout en restant riches de leur densité et de leur singularité. Ils incarnent enfin un objet posé comme un problème : l’engagement dans la religion musulmane des « mauvais garçons » de la Nation [47].

27Il fait également l’hypothèse d’une différenciation dans les processus plus affirmés d’engagement radical. Il distingue les déterminants de l’engagement de ceux qui partent en Syrie et de ceux qui vont faire un attentat. « Pour le dire vite, le recours à “l’attentat maison” pour régler une impasse biographique et anoblir des dispositions guerrières acquises dans l’économie parallèle versus la tentation du départ pour matérialiser un projet individuel et une projection dans un collectif et un avenir idéalisés nécessitant moins de ressources ad hoc[48]. »

28Marc Hecker, Xavier Crettiez ou encore Laurent Bonelli et Fabien Carrié s’intéressent quant à eux à des individus déjà « radicalisés », à tout le moins des personnes sur lesquelles les institutions publiques ont apposé le label « radicalisés » ou « terroristes » puisqu’elles ont été condamnées par la justice pour des faits de terrorisme ou signalées à la Protection judiciaire de la jeunesse pour ce motif. La volonté de Marc Hecker était de répondre à la question d’un parcours type de la radicalisation vue comme une assertion sans réelle vérification empirique.

29

À partir de la mi-2016, toutefois, le discours sur l’absence de « profil type » a commencé à être battu en brèche. D’une part, il s’est heurté à la réalité des attentats perpétrés sur le sol français […]. D’autre part, ce discours a été mis à mal par deux publications ayant eu un écho important : un livre du journaliste David Thomson et une étude réalisée pour la mission de recherche Droit et Justice [49].

30Laurent Bonelli et Fabien Carrié se sont également appuyés sur un matériau particulièrement original puisant dans un partenariat entre chercheurs et institutions publiques, en l’occurrence la direction de la Protection judiciaire de la jeunesse qui a donné lieu à un rapport de recherche intitulé « Radicalité engagée, radicalités révoltées. Enquête sur les jeunes suivis par la protection judiciaire de la jeunesse », publié en janvier 2018 [50] et qui servira de base à l’ouvrage La fabrique de la radicalité. Les deux auteurs s’appuient sur l’étude systématique de 133 dossiers judiciaires de mineurs poursuivis pour des affaires de terrorisme ou signalés pour « radicalisation » (dont un peu plus de la moitié a été jugée pour des départs vers la zone d’implantation de l’État islamique ou des tentatives d’attentat en France), mais aussi sur 57 entretiens avec des professionnels et sur l’observation de six audiences de mineurs poursuivis pour association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste. Ils démontrent notamment qu’il n’existe pas une radicalité djihadiste, mais bien plusieurs dont ils distinguent quatre formes (radicalité apaisante, agonistique, rebelle et utopique). Cette typologie correspond à des affinités particulières sur les trajectoires sociales, familiales ou scolaires, et à des actes différents.

Les dimensions rétributives et symboliques de l’engagement radical

31Les recherches analysées dans cet article trouvent un écho avec celles menées par Claude Dubar sur les dimensions rétributives, notamment sur le plan symbolique, de l’engagement. En travaillant sur les identités militantes, il conçoit l’identité à la fois comme le sentiment subjectif d’une unité personnelle et comme un travail permanent de maintenance et d’adaptation de ce moi à un environnement mobile [51]. L’identité est alors vue comme un travail incessant de négociations entre des actes d’attribution et des actes d’appartenance.

32Dans cette réflexion, l’engagement radical peut constituer un acte public de prise de position permettant de sortir des déterminismes sociaux qui pèsent sur les individus. C’est le cas par exemple des trois formes dites « révoltées » de radicalité décrites par Laurent Bonelli et Fabien Carrié. La « radicalité apaisante » (environ 5 % des cas selon les auteurs, et principalement des jeunes filles) désigne les parcours de jeunes dont la famille est peu présente et n’est pas « compensée » par des affiliations fortes à d’autres cercles de sociabilité. Dans ce cas, la dynamique est plus individuelle et traduit des tentatives de protection de soi. La radicalité agonistique concerne des jeunes en rupture scolaire, proches de la petite délinquance, pour qui la revendication de la radicalité djihadiste s’inscrit dans une volonté de provocation vis-à-vis de leurs familles ou des institutions, qui offre une identité plus valorisante que les agents de ces dernières leur renvoient. Ici, la radicalisation islamiste vient se greffer sur une conflictualité adolescente relativement classique et offre le moyen de regagner l’estime de soi et qui concerne des jeunes préalablement suivis par les acteurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Plus masculine, cette « radicalité agonistique » concerne près du tiers des cas étudiés (32 %). La troisième situation distinguée est la « radicalité rebelle » qui s’inscrit dans une dynamique individuelle et dans le cadre d’une conflictualité intrafamiliale aiguë. Cette radicalité est un recodage religieux et/ou politique de tensions adolescentes classiques mais qui peuvent enclencher des dynamiques d’escalade susceptibles de conduire à des passages à l’acte plus graves. La « radicalité rebelle », essentiellement masculine, concerne 56 % des cas étudiés. Ces trois formes ont en commun de constituer des processus assez ordinaires [52] où la spécificité provient d’un vocabulaire et d’un répertoire djihadistes utilisés comme une opportunité de s’opposer aux institutions ou de défier des parents relativement peu présents.

33Ces processus de subjectivation se retrouvent dans l’étude de Xavier Crettiez et Romain Sèze.

34

Les incitations à l’engagement en termes de reconnaissance individuelle sont réelles sans être dominantes. Neuf acteurs témoignent dans les entretiens d’un vrai désir d’escapisme et d’estime de soi alors que huit d’entre eux insistent particulièrement sur la quête d’une identité de « surmusulman » au gré des entretiens. Cette dimension psychologique d’une affirmation de soi et d’une hausse de l’estime de soi semble bien être un des moteurs des engagements radicaux [53].

35Plus loin, les auteurs rappellent la force du sentiment d’identification. « La force du sentiment d’identification progressive à une communauté opprimée est un puissant vecteur de radicalisation [54]. » De fait, la séduction exercée par la propagande djihadiste à travers l’appel à la hijra est d’autant plus efficace qu’elle est réinscrite dans une configuration personnelle. Elle est ainsi vue comme une solution pour sortir d’une situation sociale et personnelle dévalorisante.

36

L’émigration vers la Syrie est d’autant plus attractive pour eux qu’ils y voient une solution quasiment miracle pour résoudre les différentes contradictions dans lesquelles ils sont pris […]. La perspective du départ constitue pour les jeunes utopiques à la fois la possibilité d’échapper à leurs problèmes, une manière de gagner leur autonomie et l’opportunité de redéfinir leur position sociale [55].

37L’engagement radical peut aussi constituer une forme d’institution de réassurance permanente d’une identité valorisante car liée à une cause vécue comme transcendant la biographie individuelle. La participation au collectif offre à l’individu la possibilité de revendiquer l’appartenance vue comme positive.

38La capacité d’un groupe à se doter d’une identité forte et valorisante constitue une ressource pour que ses membres intériorisent une vision de leur potentiel d’action, pour que le collectif s’affirme dans l’espace public. L’étude statistique de Marc Hecker pointe la nature collective de la dynamique de radicalisation, qu’elle soit amicale [56] ou familiale [57]. Plus l’individu est intégré au collectif, plus les effets de ce dernier se font sentir sur l’individu. Ici, contrairement aux recherches menées sur les organisations clandestines structurées comme l’ETA ou le FLNC, l’organisation peut être lâche mais elle inscrit l’individu dans un réseau affinitaire qui implique des dynamiques groupales fortes. Fabien Truong a montré comment les « mauvais garçons » grandissent dans une configuration sociale qui s’apparente à une puissante fabrique de conflits de loyautés, ce qui produit des dilemmes moraux et des injonctions paradoxales affectant la mise en scène de soi et l’expression des gages de fidélité donnés à autrui. L’attractivité de l’islam répond ainsi à un besoin de mise en cohérence biographique quand la religiosité permet d’avoir le sentiment de reprendre la main sur la mise en récit de soi par soi [58]. La socialisation secondaire semble un vecteur fort d’entrée et de maintien dans l’engagement radical.

39

On notera l’importance de la pression groupale à laquelle se rattache le djihadiste. Le groupe peut être les coreligionnaires de la mosquée, les amis de la bande du quartier, les colocataires à l’étranger ou toute autre forme de groupe d’appartenance. Neuf djihadistes sur treize mettent en avant cette dimension pour expliquer leur engagement violent [59].

40Cette dynamique groupale contribue à radicaliser l’individu en renforçant son isolement social et du coup l’impact des croyances partagées. Doug McAdam [60] a montré que le soutien des proches ou l’investissement d’amis dans un mouvement était un facteur explicatif puissant : plus un individu est déjà au contact de personnes engagées dans l’action militante, plus sa situation personnelle minimise les contraintes professionnelles et familiales, plus ses projets d’engagement reçoivent l’aval de ceux dont il est affectivement proche, plus la probabilité de le voir s’engager s’accroît.

41

Cette pression s’exprime à un double niveau : d’une part le groupthink (pensée de groupe) renforçant la croyance dans la légitimité de la cause et la nécessité de recourir aux armes pour la défendre ; d’autre part le groupact (activisme de groupe) renforçant la dépendance au groupe et l’impossibilité de ne pas suivre – voire d’accentuer – les encouragements du groupe au passage à l’acte violent [61].

42Ainsi, l’engagement radical se nourrit de dynamiques concurrentielles où la conformité au groupe accroît la radicalisation des paroles et/ou des actes. « La plupart du temps, cependant tout se passe comme si les adolescents cherchaient à “donner le change”, affichant par des projets d’attentats un surcroît de radicalité qui leur permet de faire leur place dans le collectif et d’y gagner respect et reconnaissance [62]. » Le groupe participe d’une politisation des représentations individuelles en représentations collectives. L’intégration de réseaux de pairs resserrés profite à la socialisation religieuse. Ce n’est en effet qu’à partir de ce moment (passage d’un apprentissage solitaire à une socialisation entre pairs) que plusieurs de ces jeunes idéologisent un rapport de rupture avec une société à laquelle ils s’opposent selon deux logiques : la vertu et la victimisation.

43L’étude de Xavier Crettiez souligne l’effet de conscientisation lié au sentiment de discrimination. « Le sentiment d’injustice est donc intériorisé progressivement, en même temps que l’individu s’identifie à une communauté imaginée et opprimée, où l’histoire personnelle se lie au désordre (supposé) du monde [63]. » Et c’est bien souvent l’image d’une communauté sunnite violentée et victime qui apparaît [64]. Ce sentiment d’appartenance à une communauté s’opère majoritairement par l’intermédiaire d’Internet qui participe ainsi à la construction d’une « communauté émotionnelle souffrante [65] ». À ce titre, les effets produits par un sentiment de discrimination sont tout autant liés à une représentation générale de cette dernière qu’à une situation vécue individuellement [66]. Pour les jeunes étudiés par Laurent Bonelli et Fabien Carrié, l’engagement radical permet de combler un vide par l’appartenance à une communauté. « La quête effrénée de semblables observée dans l’enquête et la fascination pour une idéologie qui à la fois donne sens à l’expérience vécue et offre des lignes de fuite pour l’avenir en constituent une autre, collective cette fois [67]. » Dans ce cadre, les représentations complotistes jouent un rôle puissant et fournissent des cadres d’intelligibilité du monde. Olivier Galland et Anne Muxel ont constaté ainsi la prégnance des visions complotistes au sein de la population lycéenne. Une majorité des lycéens interrogés pense que les attentats du 11-Septembre ont été organisés par la CIA et que les médias n’ont pas dit toute la vérité sur les attentats de 2015.

44

Les théories du complot de toute évidence fournissent un cadre de socialisation au sein duquel se façonnent nombre de leurs attitudes et de leurs comportements mais surtout une interprétation du monde environnant venant à reconfigurer leur rapport à la société ainsi que leur capacité à départager ce qui relève du savoir et ce qui relève de la croyance. Cela n’est pas non plus sans conséquence sur la façon dont ils envisagent le cadre d’exercice de la citoyenneté [68].

45À ce sentiment de victimisation s’ajoute également un engagement empreint de morale qui s’exprime soit à travers la légitimité d’un projet politique, soit à travers un rapport sacré aux textes coraniques.

46Laurent Bonelli et Fabien Carrié ont aussi étudié une forme de radicalité spécifique dite « utopique », minoritaire (8 % des situations observées), mais étant celle qui est associée aux pratiques les plus violentes. Elle concerne des jeunes qui s’engagent dans les actes les plus sérieux (départ ou tentative de départ en Syrie ou en Irak, retour de la zone irako-syrienne, préparation d’attentat, participation active aux réseaux djihadistes sur Internet) et assument cette violence pour des raisons idéologiques. Cette forme de radicalité « s’accompagne d’un projet intellectuel et politique alternatif à l’ordre social existant […]. Il concerne en effet les plus fermement engagés dans une cause, au point qu’ils puissent envisager de commettre des attentats en son nom ou de partir en Syrie ou en Irak pour faire advenir l’utopie qu’ils projettent [69] ». Les jeunes concernés ont la volonté puissante de faire advenir un projet politique. Les travaux de Xavier Crettiez ont également relevé la nature morale de l’engagement qui se fonde sur une relation sacralisée au Coran. Le fait le plus remarquable de leur étude est selon eux ce rapport littéral, voire sacralisé, aux sources écrites (et avant toute chose au Coran). « Une des conclusions notables de l’étude est le constat d’une véritable adoration de la science religieuse et le développement d’un rapport littéral aux sources scripturaires [70]. » Ce type de rapport se retrouve dans les résultats d’Anne Muxel et d’Olivier Galland quand ils testent leurs hypothèses sur l’absolutisme religieux. Près de 80 % de leur échantillon de jeunes se déclarant musulmans choisissent la religion contre la science pour expliquer la création du monde [71].

Conclusion

47Au terme de cette recension, ce passage en revue, certes partiel, de travaux récents dans le champ académique francophone, nous espérons avoir mis en évidence quelques points de comparaison permettant l’émergence d’une structuration d’un champ de recherche autour de la question de l’engagement radical. Les recherches citées dans cet article ne traitent pas toutes du même objet et renvoient à des engagements radicaux de nature différente. Néanmoins, elles prennent toutes en compte l’importance du processus de subjectivation qui est au cœur des trajectoires d’engagement radical. Celui-ci s’impose comme une quête de sens reconfigurée dans un contexte biographique spécifique. Plutôt que de chercher à opposer des interprétations, tantôt qualitatives, tantôt quantitatives, tantôt cognitives, tantôt pratiques, l’intérêt du prisme de la sociologie du militantisme est de saisir la complémentarité de ces approches pour comprendre un phénomène éminemment complexe. C’est la sidération (ou l’inquiétude) provoquée par la violence terroriste ou la radicalisation qui nous pousse à opposer des interprétations totalisantes. Alors que c’est la mise en lien de ces dernières qui nous offre une intelligibilité plus solide des processus à l’œuvre pour expliquer l’engagement radical.


Date de mise en ligne : 07/07/2020

https://doi.org/10.3917/lcdm.033.0115

Notes

  • [1]
    La visibilité politique, médiatique et académique de ce sujet ne doit pas occulter le fait que la « radicalisation » n’est pas la norme comme le rappelle Gérald Bronner. « Toutes les formes de radicalisation, qu’elles soient djihadistes, qu’elles émanent de certains groupes sectaires ou totalitaires, d’extrême gauche ou d’extrême droite, constituent des événements de rareté statistique : par définition, ils ne constituent pas la norme » (Gérald Bronner, Serge Galam, « Modéliser et expliquer les radicalisations », dans Quaderni, « Logiques numériques des radicalisations », 95, hiver 2017-2018, p. 65-78, ici p. 65). Farhad Khosrokhavar rappelait dès le début de son ouvrage que « la radicalisation est un phénomène minoritaire, voire ultra-minoritaire, dans les sociétés occidentales et même, islamiques » (Fahrad Khosrokhavar, Radicalisation, Paris, Éditions de la MSH, 2014, p. 10-11). Tandis que Laurent Bonelli et Fabien Carrié ont évalué le caractère statistiquement faible des cas de radicalisation parmi les jeunes suivis par les services de la projection judiciaire de la jeunesse (PJJ) puisque les mineurs signalés pour ce motif représentent 0,4 % des mineurs suivis par la PJJ (Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, Paris, Seuil, 2018, p. 292).
  • [2]
    En France, après les attentats du 13 novembre 2015, le débat scientifique s’est cristallisé médiatiquement autour de la controverse entre Gilles Kepel, Olivier Roy et François Burgat sur la nature religieuse, générationnelle ou politique des ressorts de la « radicalisation ». Voir « Olivier Roy et Gilles Kepel, querelles françaises sur le jihadisme », Libération, 14 avril 2016. Voir également Leyla Dahkli, « L’islamologie est un sport de combat », La revue du crieur, 3, juin 2015. Plus récemment à la suite de l’attentat commis à Strasbourg le 11 décembre 2018, une controverse a opposé Farhad Khosrokhavar à Hugo Micheron et Bernard Rougier quant à la profondeur du facteur religieux (et notamment djihadiste) dans la radicalisation vis-à-vis d’une forme de désespoir. Voir Farhad Khosrokhavar, « Chérif Chekatt ou le faux djihadiste », Le Monde, 14 décembre 2018, et Hugo Micheron, Bernard Rougier, « Les dénégationnistes du djihad », Libération, 21 décembre 2018.
  • [3]
    Bertjan Doosje, « Do Radical Groups Attract People with Specific Psychological Need ? An Empirical Exploration », intervention au dixième colloque de la Society for Terrorism Research, La Haye, 7 novembre 2016.
  • [4]
    Peter R. Neumann, Radicalized : New Jihadists and the Threat to the West, Londres, I. B. Tauris, 2016.
  • [5]
    Isabelle Lacroix, « Radicalisations et jeunesses », Revue de littérature, mars 2018, p. 42.
  • [6]
    Carine Guérandel, Éric Marlière, « Les djihadistes à travers le monde. Pluralité des analyses et impensés », Hommes et migrations, 1315, 2016, p. 9-16.
  • [7]
    Caroline Guibet Lafaye, « Interprétations politiques de la causalité terroriste », Revue internationale de philosophie en ligne [Metabasis.it], « Frammenti 3 », 21 (9), mai 2016, p. 27-54.
  • [8]
    Farhad Khosrokhavar, « La sociologie de la radicalisation : entretien avec Farhad Khosrokhavar », SENS. Ressources en sciences économiques et sociales, 10 janvier 2016.
  • [9]
    « Le fait que ces tentatives de catégorisation se recoupent si peu […] illustre bien à notre sens la difficulté et les limites de cet exercice de classement » (Nicolas Hénin, Comprendre le terrorisme, Paris, Fayard, 2017, p. 70).
  • [10]
    Erik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2015, p. 70.
  • [11]
    Benjamin Ducol, « La “radicalisation” comme modèle explicatif de l’engagement clandestin violent : contours et limites d’un paradigme théorique », Politeia, 2015, p. 127-147, ici p. 130 ; Centre international pour la prévention de la criminalité, « Comment prévenir la radicalisation : une revue systématique », décembre 2015 ; Xavier Crettiez, « Penser la radicalisation », Revue française de science politique, 66 (5), 2016, p. 709-727 ; Isabelle Lacroix, « Radicalisations et jeunesses », art. cit.
  • [12]
    Donatella Della Porta, Social Movements : Political Violence and the State. A Comparative Analysis of Italy and Germany, Cambridge, Cambridge University Press, 1995 ; Isabelle Sommier, La violence révolutionnaire, Paris, Presses de Sciences Po, 2008 ; Xavier Crettiez, « “High Risk Activism” : essai sur le processus de radicalisation violente (première partie) », Pôle Sud, 2011, 34, p. 45-60 ; id., « “High Risk Activism” : essai sur le processus de radicalisation violente (seconde partie) », Pôle Sud, 35, 2011, p. 97-112 ; Isabelle Sommier, « Engagement radical, désengagement et déradicalisation. Continuum et lignes de fracture », Lien social et politique, 68, automne 2012, p. 15-35.
  • [13]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport pour la mission de recherche Droit et Justice, 2017 ; Fabien Truong, Loyautés radicales. L’islam et les « mauvais garçons » de la nation, Paris, La Découverte, 2017 ; Martin Hecker, Études de l’IFRI. Focus stratégique, « 137 nuances de terrorisme. Les djihadistes de France face à la justice », 19, 2018 ; Olivier Galland, Anne Muxel (dir.), La tentation radicale. Enquête auprès des lycéens, Paris, PUF, 2018 ; Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit.
  • [14]
    Nous n’avons pas sélectionné d’autres ouvrages également construits à partir de matériaux de première main et notamment d’entretiens mais écrits par des journalistes comme ceux de David Thomson, Les Français jihadistes, Paris, Les Arènes, 2014 et id., Les revenants, Paris, Seuil, 2016 ou de Romain Caillet et Pierre Puchot, Le combat vous a été prescrit, Paris, Stock, 2017. Par ailleurs, plusieurs ouvrages n’ont pas pu être intégrés à l’analyse compte tenu de la proximité entre leur date de sortie et les délais de publication de cet article : Dounia Bouzar, Français radicalisés, Paris, L’Atelier, 2018 ; David Puaud, Le spectre de la radicalisation. L’administration sociale en temps de menace terroriste, Rennes, Presses de l’École des hautes études en santé publique, 2018 ; Guillaume Monod, En prison. Paroles de djihadistes, Paris, Gallimard, 2018 ; Xavier Crettiez, Yvan Barros, « La réalité de la menace djihadiste (2015-2018) », Saint-Germain-en-Laye, chaire de citoyenneté de Sciences Po, novembre 2019 ; ou Hugo Micheron, Le jihadisme français. Quartiers, Syrie, prisons, Paris, Gallimard, 2020.
  • [15]
    Olivier Fillieule, Bernard Pudal, « Sociologie du militantisme. Problématisations et déplacement des méthodes d’enquête », dans Éric Agrikoliansky (dir.), Penser les mouvements sociaux. Conflits sociaux et contestations dans les sociétés contemporaines, Paris,La Découverte, 2010, p. 163-184.
  • [16]
    Charles Tilly, From Mobilization to Revolution, Cambridge (Mass.), Reading, 1978, p. 182.
  • [17]
    Isabelle Lacroix, « Radicalisations et jeunesses », art. cit., p. 7.
  • [18]
    Peter R. Neuman, Scott Kleinmann, « How Rigorous Is Radicalization Research ? », Democracy and Security, 9 (4), 2013, p. 360-382. Comme le note avec justesse Fabien Truong, ce changement de terme produit également un changement de perspective dans l’appréhension de la « menace ». « Tant que l’ennemi venait de l’extérieur, il n’y avait pas lieu de parler de “radicalisation”. Le terme “terrorisme” suffisait amplement : les attaques étaient perpétrées par des étrangers, radicalement “autres”. Si l’ennemi vient de l’intérieur, se pose la question de la trahison ou […] du mouvement de bascule du “nous” vers le “eux”. Avec un enjeu de taille : savoir qui sont ces ennemis du cru pour pouvoir les protéger » (Fabien Truong, Loyautés radicales. L’islam et les « mauvais garçons » de la nation, op. cit., p. 13-14).
  • [19]
    Benjamin Ducol, « La “radicalisation” comme modèle explicatif de l’engagement clandestin violent : contours et limites d’un paradigme théorique », art. cité, p. 130.
  • [20]
    Peter R. Neuman, Scott Kleinmann, « How Rigorous Is Radicalization Research ? », art. cité, p. 368.
  • [21]
    Caroline Guibet-Lafaye, Ami-Jacques Rapin, « La “radicalisation”. Individualisation et dépolitisation d’une notion », Politiques de communication, 8 (1), 2017, p. 127-154.
  • [22]
    Isabelle Sommier, La violence révolutionnaire, op. cit., p. 15.
  • [23]
    Peter Neumann, Perspectives on Radicalisation and Political Violence : Papers From the First International Conference on Radicalisation and Political Violence, Londres, International Centre for the Study of Radicalisation and Political Violence, 2008.
  • [24]
    Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 15.
  • [25]
    L’expression originale est « the one of the great buzzword of our time » (Peter R. Neuman, Scott Kleinmann, « How Rigorous Is Radicalization Research ? », art. cité, p. 360).
  • [26]
    Rick Coolsaet (eds), Jihadi Terrorism and Radicalisation Challenge : European and American Experiences, Surrey, Ashgate Publishing, 2011.
  • [27]
    Xavier Crettiez, « Penser la radicalisation », op. cit., p. 709-710.
  • [28]
    « Par ce terme, nous entendons à la fois des actes, des faits ou des comportements qui transgressent des normes établies et la réaction à ces transgression de la part des institutions qui y voient une menace de subversion pour l’ordre politique, social et symbolique dont elles sont les garantes. Ces deux dimensions sont inséparables, la radicalité étant par définition relationnelle. En effet, on n’est jamais radical en soi mais toujours pour quelqu’un. Et il faut que ce quelqu’un dispose d’une autorité d’État pour que l’étiquetage puisse déclencher une action publique » (Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 16).
  • [29]
    Ibid., p. 17.
  • [30]
    Fabien Truong, Loyautés radicales. L’islam et les « mauvais garçons » de la nation, op. cit., p. 15.
  • [31]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport cité, p. 10.
  • [32]
    Il s’agit ainsi d’un « processus par lequel un individu, un groupe, adopte une forme violente d’action, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social ou religieux qui conteste l’ordre établi sur le plan politique, social ou culturel » (Fahrad Khosrokhavar, Radicalisation, op. cit., p. 7-8).
  • [33]
    Benjamin Ducol, « La “radicalisation” comme modèle explicatif de l’engagement clandestin violent : contours et limites d’un paradigme théorique », art. cité, p. 139.
  • [34]
    Quelques jours après les attentats, le président du CNRS Alain Fuchs lançait un appel à propositions sur « tous les sujets pouvant relever des questions posées à nos sociétés par les attentats et leurs conséquences, et ouvrant la voie à des solutions nouvelles – sociales, techniques, numériques ». Des initiatives similaires avaient déjà été lancées après les attentats de janvier 2015 (www2.cnrs.fr/sites/communique/fichier/appel_alain_fuchs.pdf [consulté le 18/03/2020]).
  • [35]
    Andrew Silke, directeur des terrorism studies à l’université d’East London, pointe qu’après le 11 septembre 2001, 80 % des recherches se fondent sur des matériaux de seconde main, que 65 % des articles ne sont que des critiques d’autres publications et que seulement 1 % des travaux sont fondés sur des entretiens (Andrew Silke, « Holy Warriors : Exploring the Psychological Processes of Jihadi Radicalisation », European Journal of Criminology, 5 [1], 2008, p. 99-123, ici p. 101).
  • [36]
    Isabelle Lacroix, « Radicalisations et jeunesses », art. cit., p. 15.
  • [37]
    Cette recherche a donné lieu à un ouvrage de vulgarisation, centré uniquement sur les verbatim des entretiens avec les djihadistes incarcérés et non plus les nationalistes basques ou corses (Xavier Crettiez, Bilel Ainine, Soldats de Dieu. Paroles de djihadistes, La Tour-d’Aigue, L’Aube, 2017).
  • [38]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport cité, p. 7.
  • [39]
    Comme les influences cognitives (par exemple l’effet des cadres d’injustices), la force d’encadrement des organisations, les ruptures biographiques, la présence de personnes-ressources ou l’acculturation à la violence (ibid., p. 6).
  • [40]
    Fabien Truong, Loyautés radicales. L’islam et les « mauvais garçons » de la nation, op. cit., p. 25.
  • [41]
    Nord-Pas-de-Calais, Île-de-France, Bourgogne et Provence-Alpes-Côte d’Azur.
  • [42]
    Ibid., p. 13.
  • [43]
    Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 65.
  • [44]
    Les auteurs soulignent avoir constitué un échantillon en s’assurant à la fois d’un nombre suffisamment important de jeunes de confession musulmane et d’une « surreprésentation » de lycées situés dans des zones urbaines sensibles. « Ce choix méthodologique essentiel ne préjugeait pas du diagnostic sur l’ampleur et la nature des liens entre l’islam et la radicalité chez les jeunes musulmans. Il était simplement indispensable, si l’on voulait pouvoir analyser ces liens, de disposer de l’échantillon qui permette de le faire. Par ailleurs, pour vérifier ou non l’impact des conditions d’exclusion sociale et économique, qui est l’une des hypothèses dominantes des travaux sur le phénomène de radicalité, nous avons choisi de surreprésenter […] des lycées situés dans ou à proximité de zones urbaines sensibles » (Olivier Galland, Anne Muxel [dir.], La tentation radicale. Enquête auprès des lycéens, op. cit., p. 11).
  • [45]
    Ibid., p. 10.
  • [46]
    Par exemple l’importance de l’islam dans la construction identitaire conduisant notamment à une forme d’étiquetage social négatif des individus observés.
  • [47]
    Fabien Truong, Loyautés radicales. L’islam et les « mauvais garçons » de la nation, op. cit., p. 24.
  • [48]
    Ibid., p. 20.
  • [49]
    Ibid., p. 9.
  • [50]
    Laurent Bonelli, Fabien Carrié, « Radicalité engagée, radicalités révoltées. Enquête sur les jeunes suivis par la protection judiciaire de la jeunesse », Ministère de la Justice, mars 2018, www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/184000167/index.shtml [consulté le 24/11/2018].
  • [51]
    Claude Dubar, La socialisation, Paris, Armand Colin, 1991.
  • [52]
    « Ces trois types de radicalité recouvrent des processus somme toute assez communs qu’il ne serait pas nécessaire de décrire s’ils ne suscitaient pas une telle attention publique » (Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 20).
  • [53]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport cité, p. 92.
  • [54]
    Ibid., p. 143.
  • [55]
    Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 256.
  • [56]
    « Dans les jugements que nous avons analysés, nombre de prévenus ou d’accusés se connaissaient de longue date. Certains étaient dans la même classe au collège ou jouaient au football dans le même club » (Martin Hecker, Études de l’IFRI. Focus stratégique, « 137 nuances de terrorisme. Les djihadistes de France face à la justice », 19, 2018, p. 33).
  • [57]
    « La dynamique de groupe opère parfois au sein d’une même famille. Notre échantillon compte ainsi plusieurs fratries de djihadistes » (ibid., p. 33).
  • [58]
    Fabien Truong, Loyautés radicales. L’islam et les « mauvais garçons » de la nation, op. cit., p. 43.
  • [59]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport cité, p. 93.
  • [60]
    Doug Mc Adam, Freedom Summer, Oxford, Oxford University Press, 1988.
  • [61]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport cité, p. 93.
  • [62]
    Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 270.
  • [63]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport cité, p. 67.
  • [64]
    Ibid., p. 143.
  • [65]
    Ibid., p. 91.
  • [66]
    « On a pu noter une absence d’expérience individuelle de la discrimination précédant l’engagement […]. Pour autant, apparaît l’expression d’un sentiment a posteriori très répandu de la discrimination à l’encontre de la communauté musulmane dans son ensemble » (ibid., p. 143).
  • [67]
    Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 294. Quelques pages plus loin, les auteurs rappellent aussi que « si les jeunes utopiques se précipitent vers l’expérience syrienne, c’est parce qu’elle leur apparaît comme la seule alternative à court terme à l’effondrement d’un projet de vie totalisant dans lequel ils étaient investis corps et âme » (p. 298-299).
  • [68]
    Olivier Galland, Anne Muxel (dir.), La tentation radicale. Enquête auprès des lycéens, op. cit., p. 371-372.
  • [69]
    Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., p. 21. Loin de l’opinion commune, ces jeunes ont montré une bonne volonté scolaire mais vivent très mal le passage du collège au lycée : déçus par la compétition scolaire, ils voient s’effondrer leurs perspectives d’avenir. Alors qu’ils ont investi dans leur trajectoire scolaire, ils ne savent plus comment trouver leur place dans la société. L’engagement dans la radicalité est alors un moyen de trouver des réponses à leurs questions. Le passage à l’acte aussi.
  • [70]
    Xavier Crettiez, Romain Sèze, « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente », rapport cité, p. 142.
  • [71]
    Olivier Galland, Anne Muxel (dir.), La tentation radicale. Enquête auprès des lycéens, op. cit., p. 98.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.9.173

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions