Notes
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[1]
Les milieux populaires forment traditionnellement une part non négligeable du vivier de recrutement des armées. Avec l’arrivée des secondes générations issues des grandes vagues d’immigration industrielle des années 1960, ce vivier s’est mécaniquement diversifié.
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[2]
Ministère délégué à la promotion de l’égalité des chances dirigé par Mr Azouz Begag de juin 2005 à avril 2007.
-
[3]
Créée en 2005 (et dissoute en 2011, cependant que ses missions ont été transférées au Défenseur des Droits), la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité fut une autorité administrative indépendante visant à lutter contre les discriminations prohibées par la loi.
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[4]
Voir les articles de Merchet J.D., 23 septembre 2006, « Le chef d’état-major de l’armée de terre veut des officiers plus colorés », Libération, et 9 juillet 2007, « Il n’y a pas un seul noir », le CRAN adresse une lettre au Président sur la « diversité » » dans l’armée, Libération.
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[5]
La signification anglaise du mot reflète mieux cette idée puisque le verbe to perform renvoie à l’action d’accomplir ou de réaliser.
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[6]
Colloque, 25 juin 2010, “Who will fight ? Issues challenges and solutions for military recruitment”, Paris, Centre d’Etudes et de Recherches Internationales.
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[7]
Curtis Gilroy, Sous-secrétaire au ministère de la Défense, Service du personnel et des prévisions (traduction personnelle).
-
[8]
Cette tension s’est notamment cristallisée à travers une polémique survenue entre le démographe Hervé Le Bras et la sociologue Michèle Tribalat. Le premier reprochant à la seconde de vouloir ethniciser le social dans une enquête qui prenait en compte l’origine nationale des individus formant son échantillon d’étude, Tribalat M., 1995, « Faire France : Une enquête sur les immigrés et leurs enfants. Paris, La Découverte.
-
[9]
Les entretiens réalisés avec les filles issues de l’immigration posaient de manière générale plus de difficultés qu’avec leurs homologues masculins en raison d’un contact plus difficile à établir (en tant qu’homme) et des trajectoires sociales et familiales parfois complexes qu’elles avaient pu connaître.
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[10]
Toutes ces dispositions individuelles s’inscrivent dans ce que l’on pourrait appeler les ressources personnelles du chercheur (degré de proximité aux enquêtés, parcours familial, compétences linguistiques, trajectoires socioprofessionnelles…).
-
[11]
Certains acteurs militaires en font un vecteur de communication et de démarcation. Voir notamment le blog d’Emmanuel De Richoufftz dit le « général des banlieues », http://general.de.richoufftz.over-blog.com/
La montée en puissance d’une thématique
1Depuis la suspension de la conscription annoncée en 1996, la littérature relative à la composition sociologique des armées n’a cessé de s’enrichir. Parmi la multiplication de ces travaux, ceux ayant trait aux thématiques d’égalité des chances et aux minorités visibles suscitent un intérêt croissant. Pour l’institution militaire, cet intérêt tient autant à des enjeux sociopolitiques que fonctionnels. Il s’agit non seulement d’entrer en conformité avec certaines tendances sociétales telles que la plus grande reconnaissance des notions de « diversité » et d’égalité des chances, mais également de mieux saisir les transformations sociologiques qui affectent ses rangs [1]. Du point de vue sociopolitique, les années 2000 ont été marquées par de nombreux évènements politiques nationaux et internationaux en lien, direct ou non, avec ces enjeux. De l’impulsion européenne en faveur de politiques d’équité aux émeutes urbaines françaises d’octobre-novembre 2005, sans oublier « l’effet Obama » des élections présidentielles américaines de 2008, les responsables politiques nationaux ont été contraints de hisser ces questions au cœur des débats publics. D’un point de vue institutionnel, cette prise en considération s’est matérialisée par la profusion d’initiatives visant à valoriser l’insertion des publics relégués et discriminés. Parmi les différents dispositifs, citons notamment la création d’une Charte de la diversité en octobre 2004, la mise en place en 2005 d’un ministère exclusivement dédié à la thématique de l’égalité des chances [2] et la création, la même année, de la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité) [3]. Les promulgations des années 2006 et 2007 en, respectivement, « Année de l’égalité des chances » et « Année européenne de l’égalité des chances » sont venues asseoir un peu plus cette dynamique. C’est dans cette effervescence que des personnalités civiles et militaires, telles le CEMAT (Chef d’état-major de l’Armée de Terre) Bruno Cuche et le responsable du CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires de France) Patrick Lozès, déplorent de concert l’absence de minorités visibles parmi le haut commandement français [4]. Hasard de calendrier ou réactivité politique, le ministre de la Défense Hervé Morin lance quelques mois plus tard un plan interministériel pour « l’égalité des chances » dont l’un des volets vise précisément à diversifier la composition sociologique des grandes écoles militaires. Notons pour terminer qu’une aumônerie militaire musulmane, calquée sur les autres aumôneries, s’est institutionnalisée à partir de 2006 (Settoul, 2015). Pour ce qui concerne le volet fonctionnel, l’intérêt d’une expertise sur cette thématique est à relier aux nouveaux objectifs de recrutement qu’a généré le passage à la professionnalisation. Depuis la suspension de la conscription, les armées doivent capter annuellement plusieurs milliers de candidats. Confrontés à cette mutation structurelle de la gestion de leurs ressources humaines, les acteurs de la Défense doivent optimiser la qualité de leur recrutement en élargissant au maximum leur vivier de sélection. Selon cette logique, les minorités visibles et les femmes constituent autant de cibles à séduire et attirer. Cette montée en puissance de la thématique s’est accompagnée d’un développement du nombre de travaux consacrés à la place des minorités visibles au sein des armées françaises. À partir des années 2000, un nombre croissant d’études s’attache à cartographier l’expérience de ces segments de population (De Wenden, Bertossi, C, 2005) ou à expertiser cette dynamique dans une perspective de comparaison internationale (Bertrand, Melki, Rached, Verstappen, 2008). Ces recherches viennent s’agréger aux nombreuses études anglo-saxonnes relatives à la diversité ethnique et culturelle au sein des armées (Moskos, 1996 ; Soeters, Van Meulen, 2007). Il existe depuis près de trois décennies une riche littérature anglo-saxonne spécialisée sur ce thème. Facilités par l’existence de statistiques ethniques officielles, ces travaux s’articulent autour de plusieurs axes. Une part importante s’attache à cartographier la présence et les évolutions démographiques des différentes communautés ethniques. Ainsi aux États-Unis, la RAND corporation publie régulièrement des rapports sur les tendances de l’engagement en fonction des minorités ethniques (Asch, Heaton, 2009). D’autres recherches tentent d’identifier les facteurs d’engagement ou de non-engagement de ces groupes selon les spécialités militaires (Harrell, Kirby,, 1999 ; Dandeker, Mason, 2003). Partant d’une focale qualitative, certaines enquêtes explorent les plus-values opérationnelles que génère la diversité interne des troupes. Les différences ethnoculturelles des soldats sont alors envisagées comme une ressource opérationnelle mobilisable au cours des interventions extérieures notamment dans le cadre des interactions avec les populations locales (Moskos, Miller, 1995 ; Soeters, Tanercan, 2004 ; Bosman, Soeters, 2008). La sédentarisation progressive des populations immigrées de culture musulmane au sein des sociétés occidentales a également favorisé les recherches sur l’émergence et l’organisation de l’islam au sein des armées (Bindon, 2004 ; Hansen, 2012 ; Michalowski, 2014 ; Settoul, 2015). Ces dernières questionnent pour l’essentiel les processus d’adaptation et de formatage de cette religion à l’intérieur d’institutions militaires qui sont elles-mêmes façonnées par des traditions nationales. Enfin, le contexte international post-11 septembre 2001 a également cristallisé des débats et des polémiques autour du degré d’allégeance des soldats de confession musulmane (Bleuer, 2014).
2Dans le prolongement de ces travaux, notre recherche doctorale s’est attachée à analyser la question de l’engagement de militaires ayant comme dénominateur commun d’être issus de l’immigration postcoloniale. Menée entre 2006 et 2011, cette enquête adopte une perspective qualitative, ethnographique et longitudinale pour identifier les motivations et les expériences de ces segments de population. Elle se fonde sur un corpus de 47 entretiens approfondis et plusieurs stages d’observation au sein de CIRFA (Centre d’Information et de Recrutement des Forces Armées) et de sites militaires. La contribution suivante retrace quelques-uns des obstacles méthodologiques auxquels nous avons dû faire face au cours de notre enquête. À l’évidence, une enquête ethnographique ayant comme objet de recherche « les militaires français issus de l’immigration » revient à investiguer un milieu que Magali Boumaza et Aurélie Campana qualifieraient de « difficile ». Ces deux auteures englobent dans ces terrains dits « difficiles » les zones physiquement dangereuses (zones de violences, fléaux, maladies…), mais également tous les objets d’étude susceptibles d’exposer le chercheur à de fortes tensions émotionnelles (injustices, univers marginaux) ou à des luttes de significations (Boumaza, Campana, 2007). Précisons au passage que la notion de « terrain », extrêmement mobilisée dans le vocabulaire des sciences sociales, provient originellement du lexique militaire. À l’instar d’un chef d’armée, le sociologue est amené à manœuvrer son terrain, élaborer des tactiques et des subterfuges afin de conquérir des positions (Pulman, 1988 : 21-30). La réalisation de notre enquête nous a confronté à certaines de ces difficultés. Plus précisément, nous avons rencontré au fil de nos investigations deux grands types de difficultés. Celles-ci tenaient principalement à la réception de l’étude eu égard à la nature de notre objet de recherche dans le contexte sociopolitique et institutionnel français. Le second type d’écueils avec lequel nous avons dû composer s’est cristallisé autour de la qualité des informations collectées.
La réception de l’enquête : la nécessaire prise en considération de la matrice républicaine
3La réception de notre objet de recherche auprès des membres de la communauté militaire s’est d’emblée avérée riche d’enseignements pour la conduite de nos investigations. En effet, évoquer la problématique des militaires issus de l’immigration ne laissait presque jamais nos interlocuteurs indifférents. L’éventail des réactions observées s’étendait sur un spectre allant de l’étonnement à un sentiment de réprobation plus ou moins nourri. Ces sentiments ont été exprimés transversalement par quelques hauts gradés, mais aussi par les acteurs les plus directement concernés par l’étude, c’est-à-dire les militaires issus de l’immigration. Parmi ces derniers, un orienteur-recruteur du CIRFA de Saint-Denis m’a fait part de son irritation dès les premiers mois de la phase exploratoire de l’enquête : « Je ne comprends pas, ça fait vingt-cinq ans qu’on nous parle de Français issus de l’immigration. Moi, je suis rentré dans l’armée au début des années 1990, on parlait déjà des « issus de l’immigration » c’est à se demander quand est-ce qu’on sera plus « issu de l’immigration ». Vous faites une enquête là-dessus, c’est bien, mais c’est triste aussi quelque part, parce que ça veut dire qu’on n’est pas encore tout à fait comme les autres. » (Orienteur-recruteur, CIRFA de St-Denis). Nous avons pu constater une réaction similaire à l’occasion d’une journée de campagne de sensibilisation aux métiers militaires organisée par le CIRFA de Saint-Denis au centre commercial Parinor d’Aulnay-Sous-Bois (93). Présent sur les lieux dans le but de repérer de futurs éléments pour notre échantillon, nous nous sommes vus répondre, par un sous-officier questionné sur le fait de savoir s’il connaissait des militaires français issus de l’immigration : « Désolé ! Je ne connais que des militaires français ! » Sous-officier, armée de terre. Lancé sur un ton cinglant par un militaire précautionneusement sélectionné en raison d’une apparence typée (nord-africain), sa réplique pouvait sous-entendre : « En quoi les soldats français issus de l’immigration seraient-ils différents des autres ? » ou même s’il prenait notre question à titre personnel : « Qui êtes-vous pour remettre en cause ma « francité » ? ». Elle révélait dans tous les cas une quête d’indifférence, qui se vérifiera très régulièrement au fil de l’enquête. Nous retrouvions pareillement ce type d’étonnement dans les propos de plusieurs hauts gradés qui comprenaient difficilement l’intérêt d’orienter une recherche sur les seuls segments de populations issues de l’immigration. D’autres, tel cet officier de l’armée de terre rencontré lors de cette même journée de sensibilisation, allaient plus loin en justifiant ainsi leur point de vue : « Ici, nous ne faisons pas de différences entre untel et untel (me montre un militaire blanc et un militaire noir à proximité). En revanche, votre étude peut contribuer à créer des différences entre eux, à créer des divisions entre les militaires. Et ce n’est pas notre philosophie. » Officier, armée de terre. Cet extrait traduit plus qu’une profonde intériorisation du principe républicain d’indifférenciation face aux différences ou la réaffirmation des valeurs d’égalité et de neutralité défendues par la fonction publique française. L’officier semble également craindre la valeur performative [5] d’une démarche scientifique qui consisterait à diviser artificiellement un groupe statutairement monolithique. Dans sa perspective, toute subdivision sur la base de critères particuliers (ethnique, religieux…) tendrait à légitimer ces différences et, d’une certaine manière, les consacrer. Cette vision performative n’est pas sans rappeler la notion mertonienne de « prophétie auto-réalisatrice » (self-fulfilling prophecy) que l’auteur assimile à une définition erronée d’une situation provoquant un comportement qui fait que cette définition initialement fausse devient vraie dans ses conséquences (Merton, RK,1997). Ici, la fragmentation illégitime de la communauté militaire opérée par le chercheur finirait par engendrer des attitudes ou des traitements spécifiques susceptibles d’alimenter un processus réel de scission interne.
4Enfin, nous avons pu constater la profonde intériorisation de ces valeurs lors d’un colloque international organisé à l’Institut d’Études Politiques de Paris et qui portait spécifiquement sur l’avenir du recrutement militaire [6]. À cette occasion plusieurs spécialistes internationaux avaient évoqué le déploiement de nouvelles stratégies de captation de la ressource humaine. Parmi les conférenciers, un haut responsable du recrutement des armées américaines [7] avait souligné, sous les yeux étonnés de plusieurs officiers français, la nécessité de puiser davantage dans les communautés hispanique et afro-américaine. Assis à notre gauche au fond de la salle, le responsable du CIRFA (Centre d’Information et de Recrutement des Forces Armées) de Marseille nous avait questionné avec stupéfaction : « Comment peut-on parler ainsi des Noirs et des Latinos ? Ne sont-ils pas américains comme les autres ? » Éminemment révélatrice, cette anecdote illustre à elle seule le décalage qui sépare les matrices culturelles et mentales françaises et anglo-saxonnes. D’une certaine manière, la crainte et l’étonnement exprimés par ces officiers militaires ne font que traduire de manière empirique les polémiques survenues à partir du milieu des années 1990 (Bastenier, Dassetto, 1993) [8] dans le milieu de la recherche française spécialisée sur l’immigration. Ces controverses mettaient en opposition les tenants d’un modèle soucieux de perpétuer dans le champ scientifique les seules catégories statistiques officielles et ceux attribuant une heuristicité à la prise en considération des origines nationales ou ethniques dans l’explication des phénomènes sociaux. Les études utilisant ces critères continuent de diviser la communauté scientifique française entre partisans d’une grille de lecture fondamentalement sociale et les partisans d’une approche qui accorderait une plus grande place au pluralisme culturel et à l’ethnicité dans leur grille d’interprétation des phénomènes. Marco Martiniello souligne toute la difficulté à utiliser la notion d’ethnicité dans le cadre français : « Tout se passe comme si, en raison de sa filiation avec ethnie et ethnique, le mot français ethnicité restait associé aux théories raciales du siècle dernier et aux conceptions substantielles de la culture qui lui ont succédé. En France, notamment l’ethnicité est encore très souvent perçue comme un euphémisme pour race ; ce mot étant compris au sens biologique hérité du XIXe siècle. Dès lors, l’ethnicité renvoie logiquement soit à une idéologie, soit à des pratiques racistes abjectes. L’usage du mot en vient donc à être largement proscrit. » (Martiniello, M, 1995 : 15). Si ces débats au sein de la sphère de la recherche se sont relativement apaisés, la récente polémique générée par la parution de l’ouvrage « Le déni des cultures » dans lequel Hugues Lagrange fait intervenir le poids de déterminants socioculturels dans l’explicitation des comportements délinquants de certains groupes ethnoculturels (Lagrange, H, 2010), illustre l’idée que ces tensions et les phénomènes de récupération qui en résultent sont loin d’être totalement désamorcés (Journet, 2010).
Identification et contournement des obstacles
La nécessaire création d’un climat de confiance
5Certes, selon des modalités très différentes, la méfiance à l’égard de notre objet d’étude a trouvé à se cristalliser lors des entretiens réalisés avec les militaires issus de l’immigration. Avant de parvenir à constituer un échantillon, nous avons dû essuyer de nombreux refus par déficit de confiance de la part des protagonistes. Malgré nos précisions sur le caractère purement universitaire de cette recherche, beaucoup des militaires sollicités demeuraient circonspects, pensant que notre recherche s’inscrivait dans le cadre d’une collaboration avec l’administration de la Défense. Cette appréhension est d’autant plus justifiée que l’institution dispose d’organes de contrôle tels que la DPSD (Direction de la Protection de la Sécurité et de la Défense) dont l’une des missions est de mener des enquêtes internes de sécurité. Elle a eu par exemple à s’exprimer lors de nos premières tentatives d’entretien sur la base aérienne 117 de Balard (Paris). Nous avions, à l’occasion de cette rencontre, accumulé plusieurs erreurs. D’une part, nous avions sous-estimé la suspicion générale qui entoure parfois les relations civilo-militaires, de surcroît lorsque les civils sont insuffisamment identifiés. D’autre part, la personne interviewée était une femme militaire [9] rencontrée pour la première fois sur son espace de travail et sans véritable recommandation ce qui a complexifié la création d’un climat de confiance. Au final, les échanges furent lapidaires et la durée totale de l’entretien n’excéda pas la vingtaine de minutes. Nous étions frustré de cette situation, car les réponses recueillies furent inexploitables en raison de leur caractère trop superficiel. Forts de cette expérience négative, nous prîmes par la suite plusieurs dispositions pour interviewer nos interlocuteurs dans des conditions différentes. Nous privilégiions notamment la réalisation des entretiens à l’extérieur des enceintes militaires et seulement après plusieurs rendez-vous afin d’établir une relation propice aux échanges. Nous donnions par ailleurs à nos enquêtés des gages de confidentialité pour désamorcer leurs inquiétudes quant à une éventuelle publication de leurs propos. À l’évidence, il n’est jamais aisé de critiquer une institution (a fortiori négativement) qui vous emploie et qui de surcroît pose le principe de cohésion comme valeur cardinale. Dans ces configurations, l’interviewé est pris dans un dilemme, partagé entre un désir d’exprimer son ressenti personnel et une aspiration à se conformer à l’esprit de corps et aux valeurs collectives du métier qu’il a choisi d’exercer. Environ un quart des trente membres de notre groupe d’enquêtés issus de l’immigration ne voyaient pas d’inconvénient à ce que leur nom soit mentionné dans les travaux. La majorité souhaitait, quant à elle, conserver une discrétion sur les grades et les lieux d’affectation professionnelle. Ce souci de confidentialité était particulièrement aigu lorsqu’il s’agissait d’évoquer des situations vécues comme des discriminations ethniques ou religieuses. Pour ces raisons, et dans un souci de cohérence générale, tous les prénoms ont été modifiés. Néanmoins, considérant les données patronymiques comme des indicateurs potentiels d’information, nous avons pris garde de leur substituer des prénoms aux origines culturelles ou géographiques similaires.
Les obstacles liés au suivi longitudinal d’un groupe d’enquêtés
6Notre choix d’une approche longitudinale s’appuyait sur une volonté de vérifier le postulat selon lequel l’institution militaire transformait à de multiples niveaux les individus qui faisaient le choix de l’intégrer. L’identification des conséquences de la socialisation militaire sur les individus impliquait d’accéder à nos interlocuteurs de façon répétée. Aussi, pour donner corps à cette focale longitudinale, nous avons réalisé au minimum deux interviews avec chaque individualité de notre échantillon, en espaçant temporellement nos rencontres de plusieurs mois au minimum et, le plus souvent, de plusieurs années. Le projet de suivre de manière diachronique notre échantillon de trente militaires originaires de diverses régions de France n’est pas un projet aisé. Les contraintes qu’il pose au chercheur sont protéiformes et tiennent autant à des difficultés d’ordre pratique que relationnel. D’un point de vue pragmatique, la nature du métier militaire impose à ceux qui l’ont choisi de fréquentes mutations géographiques et parfois de longues périodes de projection en opération extérieure. Cette caractéristique professionnelle complique indubitablement le travail d’enquête du sociologue en lui imposant de nombreux déplacements et une adaptation à leurs trajectoires professionnelles. À cet impératif de mobilité, se cumule la nécessité pour l’enquêteur de tisser et entretenir des relations de qualité afin de préserver des liens de confiance suffisamment forts pour prolonger les échanges dans le temps. Mais ce but n’a pas toujours été atteint. En effet, pour des raisons diverses (emplois du temps, lassitude, désintérêt pour l’étude…), certains interviewés tendaient au fil du temps à décliner nos demandes d’interviews. Au final, les matériaux recueillis auprès des individualités de notre échantillon sont marqués par une grande hétérogénéité, tant du point de vue quantitatif (nombre et durée des entretiens) que qualitatif (collecte ou non d’informations ethnographiques..). Si certains ont retracé leurs parcours avec une relative distance, d’autres ont au contraire fait œuvre d’une grande réflexivité. À l’évidence, les entretiens les plus féconds ont été réalisés avec cette seconde catégorie, dont les témoignages et les restitutions prenaient parfois la forme d’un véritable travail introspectif.
Entretiens et situations d’entretiens : jouer sur la présentation de soi
7Comme le démontrent de nombreux travaux de sociologues, chaque situation d’entretien est avant tout un rapport de pouvoir engageant dans une interrelation la position sociale de l’intervieweur et celle de l’interviewé (Pinçon, Pinçon-Charlot, 1991). Pour tempérer les effets de violence symbolique qu’est susceptible de créer cette relation intersubjective, nous adoptions des techniques de présentation de soi en adéquation avec le profil socioculturel de nos interlocuteurs. Pour ce faire, nous usions de la latitude qu’autorisait notre statut de doctorant à l’Institut d’Études Politiques de Paris. Face aux « sans-grades » de notre échantillon, nous minimisions au maximum les distances sociale et symbolique en nous présentant comme un étudiant désireux de comprendre les modalités d’engagement des jeunes au sein des armées. Lorsque nous étions amené à interviewer des responsables militaires ou civils de haut rang, nous insistions au contraire sur notre affiliation à « Sciences-Po » mettant en exergue notre statut de chercheur sous contrat avec le ministère de la Défense (Contrat DGA/CNRS). Cette valorisation symbolique destinée à nous aider à nous « imposer face aux imposants » (Chamboredon, Pavis, Surdez, Willemez, 1994) renforçait la légitimité de nos requêtes notamment pour nos sollicitations de rendez-vous. Nos tenues vestimentaires répondaient à la même logique : nous privilégiions les « jeans baskets » avec les jeunes engagés, tandis que nous insistions davantage sur la mise et faisions montre d’une déférence appuyée à l’égard des élites civilo-militaires (ministre de la Défense, généraux des armées…). Les conditions de l’entretien étaient radicalement différentes selon les catégories auxquelles nous nous adressions. Si nous bénéficiions d’une marge de manœuvre relativement importante dans la planification de rencontres régulières avec les jeunes engagés, celle-ci était beaucoup plus restreinte lorsqu’il s’agissait d’interviewer des hauts gradés. Conséquence manifeste et logique de leur prestige social et symbolique, nous devions de manière quasi systématique nous conformer à leurs injonctions quant à l’heure, au lieu et à la durée des rendez-vous proposés.
Optimiser la collecte des matériaux : les ressources à la disposition du chercheur
8Après quelques mois de phase exploratoire, nous prîmes quelques réflexes discursifs en ce qui concerne la présentation de l’objet de nos recherches. Nous usions d’une communication plus neutre définissant notre étude comme un travail sur « la diversité au sein des forces armées ». Ce choix se fondait sur le constat empirique d’une meilleure réception du terme positivement connoté de « diversité », en comparaison de celui d’ « immigration », plus chargé d’un point de vue symbolique et médiatique. De la même manière, le registre linguistique s’adaptait en fonction des publics que nous questionnions. La compréhension de certaines expressions argotiques issues du parler populaire (verlan, expressions urbaines, mots manouches, arabe dialectal maghrébin etc..) s’avéra être une ressource non négligeable dans l’atténuation des décalages sociaux et symboliques que véhiculent les pratiques langagières. Le fait de ne pas avoir à interrompre nos interlocuteurs lorsque ces derniers employaient un registre linguistique et des termes très éloignés du langage académique et universitaire permit de fluidifier les interactions et de développer une proximité propice aux échanges. Notre trajectoire socioprofessionnelle marquée par l’occupation de nombreux jobs et emplois en contact avec des groupes d’adolescents [10] fut également un facteur positif dans notre volonté de rapprochement et de compréhension de leurs univers mentaux et culturels (loisirs, goûts musicaux…). Dans la mesure du possible, nous nous sommes efforcé de rencontrer les membres de notre échantillon dans des lieux extérieurs aux enceintes militaires. Notre souci de vouloir « libérer la parole » nous a incité à choisir des lieux d’entretien où l’influence de l’environnement sur le discours se ferait moins ressentir. Il pouvait s’agir d’espaces aussi divers que des cafés, des jardins publics ou, quand l’occasion se présentait à nous, leurs domiciles. L’objectif final étant de parvenir à ce que nos interlocuteurs finissent par « oublier le magnétophone ». Le second élément qui a facilité nos prises de contact et la constitution d’un réseau d’interconnaissances tient aux principes spécifiques qui régissent les rapports entre militaires. L’étudiant-chercheur bénéficiant d’une recommandation émanant d’un militaire n’est pour ainsi dire jamais désillusionné puisque ses sollicitations se soldent de manière quasi systématique par des réponses positives. De fait, tout se passe comme si les valeurs de camaraderie et la notion « d’esprit de corps » définissant les relations intra-militaires rejaillissaient positivement sur le travail de réseautage et d’accréditation de l’étudiant-chercheur. Ces valeurs imprégnant durablement les liens entre soldats ont grandement facilité nos prises de contact et nous n’avions presque jamais à motiver nos requêtes auprès des interlocuteurs que nous souhaitions interroger. Pour preuve, nous avons bénéficié de recommandations de militaires qui ne s’étaient pas mutuellement rencontrés depuis plusieurs années, mais qui, du seul fait d’avoir partagé au cours de leurs carrières respectives une même promotion, un même régiment, ou parfois même une seule opération militaire, se sentaient réciproquement et indéfectiblement obligés d’honorer leur engagement.
9Enfin, notons que certains facteurs sur lesquels le chercheur n’a pas forcément de prise peuvent entrer en ligne de compte et jouer favorablement sur son travail. Ainsi la valorisation des thématiques de diversité et d’égalité des chances évoquée en préambule de la présente contribution a contribué à légitimer l’intérêt de notre investigation. Les prises de contact et de rendez-vous furent incontestablement facilitées par ce contexte sociopolitique. Dans cette perspective, de nombreux hauts responsables des armées se sont montrés désireux de partager leur point de vue sur ces sujets d’actualité et de présenter leur institution sous les atours d’un espace socioprofessionnel plutôt « en avance » en ce qui concerne l’application de règles méritocratiques [11].
Conclusion : trouver l’équilibre focaliser un groupe sans le stigmatiser
10À la lumière de notre expérience d’enquête, il apparaît que les recherches ayant comme objet d’étude les militaires issus de l’immigration doivent prendre un certain nombre de précautions. Les obstacles avec lesquels doivent composer les chercheurs sont pluriels et trouvent à se cristalliser à plusieurs niveaux. Le premier concerne les effets de la matrice républicaine sur la réception de l’enquête. Les réactions ambivalentes des cadres militaires à l’annonce du thème de notre étude furent à cet égard particulièrement instructives sur la dimension socialement illégitime de cet objet dans la tradition républicaine française. Par ailleurs, questionner des individus sur leurs marqueurs ethniques ou migratoires peut cristalliser des tensions auprès de nos enquêtés car nombre d’entre eux choisissent justement d’intégrer l’institution militaire dans le but de se fondre dans un moule professionnel théoriquement indifférent aux particularités individuelles, le port de l’uniforme militaire matérialisant en quelque sorte ce principe républicain. Par conséquent, le travail du chercheur peut être mésinterprété comme une remise en cause de leur projet initial fondé sur un désir d’invisibilité. Le second objectif auquel doit se plier l’enquêteur concerne la création d’un climat propice aux échanges. Pour être féconds et sincères, les entretiens doivent s’effectuer dans une relation de totale confiance. Pour cette raison, l’anonymat des interviewés et la garantie de la confidentialité de leurs propos apparaissent comme des conditions sine qua non. Par ailleurs, la réalisation des interviews hors des enceintes militaires et seulement après plusieurs entrevues avec les interlocuteurs est à privilégier. Ce protocole de recherche facilite et optimise la libération des discours (positifs ou critiques) tenus par les individus à l’égard de l’institution qui les emploie. Plus que l’application de techniques « clés en main » ou d’une méthodologie spontanée, ce type d’enquête implique donc un travail de type artisanal fondé sur le relationnel et la négociation avec les acteurs concernés, la subtilité du travail consistant à évaluer les incidences des facteurs ethniques ou migratoires sur leurs parcours socioprofessionnels sans cantonner ces derniers à une forme de relégation symbolique.
11Enfin, notons que d’autres éléments tels que le contexte sociopolitique ou la trajectoire personnelle du chercheur peuvent entrer en ligne de compte et constituer des ressources plus ou moins favorables sur le travail de collecte des informations.
Bibliographie
Bibliographie
Ouvrages
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Articles
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Notes
-
[1]
Les milieux populaires forment traditionnellement une part non négligeable du vivier de recrutement des armées. Avec l’arrivée des secondes générations issues des grandes vagues d’immigration industrielle des années 1960, ce vivier s’est mécaniquement diversifié.
-
[2]
Ministère délégué à la promotion de l’égalité des chances dirigé par Mr Azouz Begag de juin 2005 à avril 2007.
-
[3]
Créée en 2005 (et dissoute en 2011, cependant que ses missions ont été transférées au Défenseur des Droits), la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité fut une autorité administrative indépendante visant à lutter contre les discriminations prohibées par la loi.
-
[4]
Voir les articles de Merchet J.D., 23 septembre 2006, « Le chef d’état-major de l’armée de terre veut des officiers plus colorés », Libération, et 9 juillet 2007, « Il n’y a pas un seul noir », le CRAN adresse une lettre au Président sur la « diversité » » dans l’armée, Libération.
-
[5]
La signification anglaise du mot reflète mieux cette idée puisque le verbe to perform renvoie à l’action d’accomplir ou de réaliser.
-
[6]
Colloque, 25 juin 2010, “Who will fight ? Issues challenges and solutions for military recruitment”, Paris, Centre d’Etudes et de Recherches Internationales.
-
[7]
Curtis Gilroy, Sous-secrétaire au ministère de la Défense, Service du personnel et des prévisions (traduction personnelle).
-
[8]
Cette tension s’est notamment cristallisée à travers une polémique survenue entre le démographe Hervé Le Bras et la sociologue Michèle Tribalat. Le premier reprochant à la seconde de vouloir ethniciser le social dans une enquête qui prenait en compte l’origine nationale des individus formant son échantillon d’étude, Tribalat M., 1995, « Faire France : Une enquête sur les immigrés et leurs enfants. Paris, La Découverte.
-
[9]
Les entretiens réalisés avec les filles issues de l’immigration posaient de manière générale plus de difficultés qu’avec leurs homologues masculins en raison d’un contact plus difficile à établir (en tant qu’homme) et des trajectoires sociales et familiales parfois complexes qu’elles avaient pu connaître.
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[10]
Toutes ces dispositions individuelles s’inscrivent dans ce que l’on pourrait appeler les ressources personnelles du chercheur (degré de proximité aux enquêtés, parcours familial, compétences linguistiques, trajectoires socioprofessionnelles…).
-
[11]
Certains acteurs militaires en font un vecteur de communication et de démarcation. Voir notamment le blog d’Emmanuel De Richoufftz dit le « général des banlieues », http://general.de.richoufftz.over-blog.com/