Notes
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[1]
Dès sa création en 1948, l’État hébreu a été contraint de s’engager dans un conflit avec ses voisins arabes. Après la guerre d’indépendance, se sont succédé la campagne dans le Sinaï (contre l’Égypte), en 1956, la guerre des Six jours (contre l’Égypte, la Jordanie et la Syrie), en 1967, puis celle du Kippour (en 1973 contre l’Égypte et la Syrie). En 1982, la troisième guerre du Liban débute. Israël y prend part : les opérations militaires contre la Syrie durent quelques mois (de juin à août) mais les forces israéliennes restent et occupent une partie du pays. Elles ne se retireront définitivement qu’en juillet 2000. Le premier mouvement insurrectionnel palestinien (Intifadah) commence en 1987. Le second a débuté en 2000. À ce jour, le cycle attentats palestiniens/répliques militaires israéliennes n’est toujours pas véritablement brisé.
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[2]
Tsahal (ou Tzahal) est la contraction de TSva Ha-HAganah Le-Yisrael, qui signifie en hébreu « forces armées pour la défense d’Israël ».
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[3]
Le système institutionnel d’Israël est monocaméral. La Knesset, unique corps législatif, rassemble 120 membres, élus au suffrage universel tous les quatre ans.
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[4]
Cette situation a significativement évolué grâce à la signature d’accords avec les différents États arabes voisins d’Israël, en particulier la Syrie. Ces accords ont considérablement modifié la donne géopolitique régionale. La paix avec l’Égypte à la fin des années 1970 et les huit années de guerre Iran/lrak avaient déjà fortement contribué à la réduction de la menace de type conventionnel. Ce mouvement s’est poursuivi par la suite.
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[5]
La société israélienne, comme toute communauté politique, s’est constituée à l’aide d’un ensemble de mythes ayant permis à ses habitants de développer un sentiment d’appartenance. À côté de la figure du pionnier, qui, dans son kibboutz, parvenait à faire du désert un « paradis » agricole, le soldat a une place primordiale dans l’histoire du pays.
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[6]
Des reports d’incorporation peuvent être accordés pour les étudiants des établissements d’enseignement supérieur. De même, des exemptions sont consenties pour motifs religieux, physiques ou psychologiques.
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[7]
Les femmes ne sont habituellement pas incorporées aux unités de combat. Mais des volontaires existent. Dans ce cas, la durée de leur service est la même que celle des hommes (trois ans).
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[8]
Ce chiffre comprend les employés de certaines entreprises publiques, de statut privé mais directement contrôlées par le ministère des Finances.
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[9]
Le cabinet est notamment responsable collégialement devant la Knesset.
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[10]
Cet encadrement a été confirmé par la Cour suprême de justice. Dans une décision de 1979, cette dernière a en effet précisé qu’en l’absence de prise de position du gouvernement sur un sujet particulier, le chef d’état-major devait obéir aux instructions données par le ministre de la Défense. Mais dès qu’un problème est porté devant le cabinet, les décisions qu’il prend s’appliquent au chef d’état-major, au ministre de la Défense comme à tous les membres du gouvernement. Au nom de la responsabilité collective, les décisions de la majorité sont appliquées même si le ministre de la Défense émet une opinion dissidente (HCJ 390/79, Dwikat v. Government of Israel).
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[11]
Il ordonna notamment aux troupes israéliennes de pénétrer dans Beyrouth-ouest à la suite de l’assassinat du Président libanais Béchir Gemayel.
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[12]
Pour de plus amples renseignements sur cet épisode de l’histoire d’Israël, voir Ben Meir (Y.), « Civil/Military Relations in Israel », in Chartouni-Dubarry M. (dir.), « Armée et nation en Israël : pouvoir civil, pouvoir militaire », Les notes de l’IFRI, n° 10, 1999, p. 37-57.
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[13]
En 1969, le professeur de sciences politiques Amos Perlmutter est revenu sur l’importance des rapports entre le ministre de la Défense et la haute hiérarchie militaire : « The lessons of 1954, and to some extent of 1967, have shown that the absence of a powerful defense minister supported by his government and people who can command the confidence of the high command impedes the development of a harmonious relationship ». Cf. Perlmutter A., Military and Politics in Israel, Londres, Cass, 1969, p. 115.
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[14]
Il est notamment nommé, et démis, par l’ensemble du gouvernement (sur recommandation du Premier ministre et du ministre de la Défense).
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[15]
L’amendement de 1981 à la Loi fondamentale sur te gouvernement, que nous avons déjà cité, précise que tous les ministres, y compris celui de la Défense, sont responsables devant le Premier ministre. Le chef d’état-major, considéré comme un membre du gouvernement, n’échappe pas à cette règle. La relation entre ministre de la Défense et chef d’état-major en est rendue plus complexe.
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[16]
Yoram Peri, professeur de sociologie politique, a beaucoup insisté sur l’existence d’un combat politique et institutionnel entre le Premier ministre et le ministre de la Défense pour contrôler le chef d’état-major. Il a notamment montré que certains chefs d’état-major avaient utilisé cette rivalité pour favoriser leurs propres desseins. Voir Peri Y., Battles and Ballots : Israeli Military in Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1983.
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[17]
Analysant le cas américain, Samuel Huntington avait affirmé qu’une autorité civile unique est indispensable au maintien d’un contrôle civil efficace sur les armées. Pour lui, l’existence d’un « contrôle dual » (partagé entre le Président et le Congrès) permet aux militaires d’instrumentaliser une institution contre l’autre et ainsi de troubler les relations entre autorités civiles et armées. Voir Huntington S. P., The Soldier and the State. The Theory and Politics of Civil-Military Relations, Londres/Cambridge (Massachusetts), Belknap Press, 1985 (1957). Le cas israélien est quelque peu différent puisque la division du pouvoir ne s’opère pas entre les deux branches, exécutive et législative, mais bien au sein du gouvernement.
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[18]
Sous couvert d’anonymat, Ya’alon s’était prononcé, dans une interview, contre le bouclage des territoires occupés et la construction du mur de séparation entre zones palestiniennes et israéliennes. Il estimait que cette politique favorisait la rancœur des Palestiniens et renforçait donc les mouvements les plus extrémistes (qui allaient pouvoir recruter plus facilement). Identifiés, ses propos ont été rapidement repris dans la presse nationale. Malgré la colère de Sharon et Mofaz, aucune sanction n’a été prononcée. Au contraire, un débat est né, Silvan Shalom, ministre des Affaires étrangères, affirmant publiquement qu’il partageait le point de vue de Ya’alon.
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[19]
Afin de ne pas alourdir le travail de recherche, seuls les parcours des six derniers titulaires du poste ont été précisément étudiés.
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[20]
Itzak Rabin avait déjà occupé le poste entre 1985 et 1990.
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[21]
Il convient de mettre à part Shimon Peres, le seul de ces six anciens ministres à ne pas avoir été militaire (ce qui lui a d’ailleurs été reproché par Itzak Rabin). Celui-ci dispose d’un parcours atypique. Sa carrière politique est marquée par une très grande précocité et une longévité hors norme. Peres fait en effet partie de la première génération de responsables israéliens. Au début des années 1950, il occupe déjà le poste de directeur général du ministère de la Défense. C’est à ce titre qu’il fut chargé de coordonner la militarisation d’Israël.
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[22]
Le cursus honorum est l’expression utilisée pour désigner la carrière d’un sénateur romain. Celle-ci commençait par l’attribution, à l’âge de 20 ans, de la charge du vigitivirat. Progressivement, le futur sénateur passait ensuite de charge en charge (questure, tribunat, édilité et préture) pour parvenir, éventuellement, à la fonction de consul. À chacune de ses charges correspondaient des responsabilités administratives très précises, à Rome ou dans les provinces. La carrière du futur sénateur devait lui permettre de se former et d’exercer ses compétences dans de très nombreux domaines. Surtout, l’avancée dans le cursus honorum était conçue pour que l’individu ait de plus en plus de pouvoir. À partir de la préture, l’attribution des charges était, pour la majorité d’entre elles, à la discrétion de l’Empereur.
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[23]
Chef d’état-major entre 1964 et 1968, Itzhak Rabin dirige l’armée israélienne pendant la guerre des Six jours. La victoire d’Israël au cours de ce conflit lui vaudra une immense popularité dans le pays. Ehud Barak est resté célèbre pour ses actions à la tête de l’unité de reconnaissance de l’état-major, groupe d’élite qui intervint notamment sous sa direction en 1972 pour libérer des otages retenus dans un avion de la Sabena détourné à Tel Aviv. Au moment de quitter Tsahal en 1995, Barak était même le militaire le plus décoré.
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[24]
Les juifs séfarades sont issus de différents pays du Maghreb et du Moyen Orient. En arrivant en Israël, ils se sont retrouvés dans un État dominé avant tout par une élite socialisante, laïque, culturellement très occidentalisée qui leur a imposé « un modèle social et culturel (…) forgé par des sionistes russo-polonais » qui n’était en rien le leur. Voir Dieckhoff A., « Israël : dualité politique et pluralisme communautaire », Revue du Monde arabe, n° 159, janvier 1998.
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[25]
Cette importance sociale et politique du service militaire explique que les Arabes ayant accepté la nationalité israélienne en 1948-1949 ont toujours été considérés comme des citoyens de second rang. Pour des raisons de sécurité, les autorités ont en effet préféré les exempter de service national. « En un sens, Arabes et haredims [juifs orthodoxes également exemptés] ont une israélité formelle mais pas réelle et leur non-inclusion dans l’armée et leur non-participation aux opérations militaires les placent hors de l’espace de légitimité politico-idéologique », cf. Dieckhoff A., « Israël : une nation en armes à l’ère de l’individualisme », Le Kiosque, site du CERI, juin 2000.
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[26]
La perception que les Israéliens avaient de Tsahal a cependant évolué. Le mythe de l’infaillibilité quelle était parvenue à construire avec les victoires de 1967 et 1973 a été fortement remis en cause. Dès 1973, la guerre d’octobre avait contribué à ébranler la confiance quasi absolue dans le génie militaire de l’armée, en particulier de son état-major. Par la suite, la guerre du Liban – surtout les massacres de Sabra et Chatila – a provoqué une érosion de la confiance en l’armée. L’Intifadah a accentué cette prise de distance. L’armée s’est en effet trouvée confinée à des tâches de maintien de l’ordre et engagée dans une guerre d’usure contre la population civile palestinienne. Les militaires et la société n’y étaient pas préparés. Le mythe de la « pureté des armes » (tohar ha-neshek, à savoir l’usage juste et prudent de la force armée) et le prestige de Tsahal ont été fortement atteints. Pour plus d’informations sur cette tendance, voir Cohen S., « Army and Society in Israel : an Evolving Relationship », Peacewatch, Washington Institute for Near East Policy, n° 198, février 1999, et Ben Eliezer U., « L’armée, la société et la nation en armes », Les Cahiers de l’Orient, n° 54, 1999. p. 161-185.
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[27]
Pour lutter contre le terrorisme (arabe et juif), la puissance mandataire britannique avait édicté, en 1945, des Defence Regulations. Ces ordonnances transféraient de larges pouvoirs aux autorités militaires. En 1948, les rédacteurs de la Déclaration d’indépendance de l’État d’Israël ont conservé ce train d’ordonnances, ce qu’entérina la Cour suprême. Les Defence Regulations ont notamment été utilisées depuis 1967 en Cisjordanie et dans la bande de Gaza (elles ne sont pas restées en vigueur sur le territoire d’Israël stricto sensu).
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[28]
À titre d’exemple, Benjamin Ben-Eliezer fut officier commandant en Judée et Samarie entre 1978 et 1981 puis coordinateur du gouvernement pour la gestion des territoires occupés entre 1983 et 1984.
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[29]
Bien que la fonction présidentielle soit largement honorifique, il est significatif qu’entre 1983 et 2000 le chef de l’État ait été un ancien général. De 1983 à 1993, Chaïm Herzog fut Président d’Israël. Sa carrière militaire (de 1948 à 1962) l’avait amené à la tête du renseignement militaire. Son successeur, Ezer Weisman, était également un ancien général (de l’armée de l’air). Moshé Katsav, l’actuel Président, n’est pour sa part pas un ancien officier.
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[30]
In Chartouni-Dubarry M. (dir.), « Armée et nation en Israël : pouvoir civil, pouvoir militaire », op. cit. Pour illustrer ces propos, on peut rappeler qu’il na fallu que quatre ans à Ehud Barak pour obtenir le poste de Premier ministre. En 1995, il quittait l’armée au bout de trente-trois ans de carrière ; en 1999, il parvenait aux plus hautes responsabilités politiques.
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[31]
Parmi les cinq généraux ayant été ministre de la Défense lors de la période étudiée, on trouve en effet des travaillistes comme des membres du Likoud. Les coalitions auxquelles ils ont appartenu, lorsqu’ils étaient au pouvoir, étaient également très diverses. Le recours à des anciens officiers n’a donc pas concerné une formation ou une famille politique israélienne en particulier, qui s’en serait faite en quelque sorte la spécialiste.
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[32]
Concernant ce type de personnages, Jamous parle de « marginaux sécants ». Bien qu’intégrés dans plusieurs réseaux, ils se situent en quelque sorte au-dessus de ces groupes. C’est pourquoi ils sont qualifiés de « marginaux ». Voir Jamous H., Sociologie de la décision, Paris, Éditions du CNRS, 1969. Sabatier les qualifie pour sa part de Policy brokers (« courtiers politiques ») parce qu’ils utilisent leur position d’intermédiaires pour maximiser les gains politiques de tous les acteurs concernés (notamment les leurs) et donc se rendre quasiment indispensables. Voir Sabatier P., Jenkins-Smith H., ed., Policy Change and Learning : An Advocacy Coalition Approach, Boulder, Westview Press, 1993.
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[33]
In Dieckhoff A., « Proche-Orient : le naufrage : “Où va Israël ?” ». Critique internationale, n° 16, juillet 2002.
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[34]
Il trouve essentiellement ses racines dans la réaction de défense des militaires face aux bouleversements politiques fréquents du XIXe siècle. Pour éviter l’éclatement interne de l’institution, tiraillée par des allégeances contradictoires qui risquaient de dresser les militaires les uns contre les autres, la neutralité politique et l’obéissance au pouvoir légal, quel qu’il soit (royal, impérial ou républicain), se sont imposées.
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[35]
Il faut cependant préciser que l’histoire nationale française a été marquée, à de nombreuses reprises, par l’intervention de militaires dans le domaine politique (du général Boulanger à Charles de Gaulle, la liste serait longue). Il faut, en particulier, prendre en compte certains épisodes collectifs (rébellion des généraux lors de la guerre d’Algérie par exemple). De même, en certaines époques, des officiers ont publiquement affirmé une préférence politique ou soutenu un type particulier de régime. Ainsi, au début de la Troisième République, certains généraux se sont notamment déclarés républicains ou monarchistes. De nos jours, des comportements similaires demeurent cependant extrêmement rares. Depuis la fin de la guerre d’Algérie, la neutralité partisane semble notamment s’être imposée avec une force encore plus grande qu’auparavant.
1La politique de défense de l’État hébreu a toujours été considérée par ses dirigeants comme l’élément le plus important de la vie institutionnelle, politique, économique et sociale du pays. Depuis la naissance d’Israël, en 1948, la primauté des enjeux de sécurité sur tous les autres problèmes de société n’a jamais été réellement démentie. La présence d’une menace existentielle (ou ressentie comme telle) par la population a ainsi amené les Israéliens à concentrer une grande partie de leur effort national dans le domaine de la défense.
2Les cinq conflits et les deux grandes vagues de mouvement insurrectionnel palestinien ont donné une certaine pertinence à la vision d’un État isolé en butte à une menace perpétuelle [1]. La jeune histoire d’Israël a donc eu pour conséquence de conférer au pays des caractéristiques très particulières, au regard notamment des autres démocraties. Sa situation géostratégique mais également sociopolitique – le fait que la population israélienne ait été constituée par l’agrégation rapide de migrants issus de pays différents – explique que l’armée y ait toujours joué un rôle central. Bien plus sans doute que la France révolutionnaire, Israël est une « nation en armes ». Les forces d’autodéfense israéliennes (IDF) ou Tsahal [2], omniprésentes dans le pays, ont eu un rôle moteur dans le processus de construction nationale et ont très largement modelé la société israélienne.
3Une des principales conséquences de cette primauté des questions de sécurité en Israël est la place très spécifique que le ministre de la Défense détient au sein des institutions du pays. L’État hébreu est probablement la seule démocratie dans laquelle le ministre de la Défense est le deuxième membre du gouvernement par l’importance, juste derrière le Premier ministre.
4Cette position de prestige ne doit cependant pas cacher les difficultés institutionnelles et politiques qu’ont rencontrées, de manière récurrente, les hommes politiques qui se sont succédé à ce poste. Le système politique israélien, fondé sur la représentation proportionnelle, s’accompagne d’une très grande fragmentation partisane. Cette situation explique en partie les difficultés connues par les différents cabinets pour appliquer durablement leurs politiques, en particulier en matière de défense. Jusqu’à aujourd’hui, aucun parti n’a détenu assez de sièges à l’Assemblée, la Knesset [3], pour constituer à lui seul l’organe exécutif. Tous les gouvernements ont donc été contraints de composer des coalitions, les obligeant à subir des pressions politiques fortes et variées.
5Ces caractéristiques du système institutionnel israélien s’ajoutent à une réelle difficulté à identifier les responsables en matière de sécurité et de défense. Alors que ces questions ont toujours été prioritaires en Israël, un certain flou concernant la répartition des compétences semble persister. L’absence de délimitations clairement établies entre les acteurs des politiques de défense a créé, bien évidemment, des tensions.
6En réalité, une simple étude du système institutionnel est insuffisante pour rendre compte de la spécificité israélienne. Pour mesurer pleinement la place particulière que le ministre de la Défense occupe sur la scène politico- administrative, il convient en effet de s’intéresser aux origines sociales et, surtout, professionnelles des titulaires successifs du portefeuille. Ce détour par la sociologie des élites politiques permet de mettre en exergue d’autres particularités du cas israélien. Un très grand nombre d’anciens militaires se sont en effet succédé à ce poste. Cette présence d’anciens membres de Tsahal à la tête du ministère n’est en rien une exception dans le paysage politique israélien. La vie publique israélienne est en effet marquée par l’omniprésence de militaires, notamment de généraux, à la retraite ou ayant quitté les armées afin de se lancer en politique. Cette situation est particulièrement troublante pour un observateur habitué à une séparation nette des sphères militaire et politique et à une stricte obéissance de la hiérarchie militaire aux responsables civils.
7Afin de mener à bien cette étude, deux approches, complémentaires, ont donc été utilisées. La première s’attache à définir les spécificités du contexte institutionnel. Elle étudie en particulier les règles constitutionnelles qui encadrent la vie politique israélienne et régissent les rapports entre les principaux acteurs des politiques de défense (gouvernement, Premier ministre, ministre de la Défense, hiérarchie militaire…). La seconde porte sur les origines et les parcours des derniers ministres de la Défense. La comparaison permet en effet de mettre en avant un certain nombre de points communs. L’existence de ces similitudes amène à s’interroger sur la possibilité de critères propres à Israël dans la sélection pour le poste. Il semble en effet que le passage au sein des forces armées facilite l’accession aux fonctions politiques les plus importantes. La proximité des parcours de ces différents personnages ne peut s’expliquer par de simples coïncidences. Pour comprendre ces particularités, une rapide présentation de la culture politique de l’État hébreu s’avérera également indispensable.
Les structures de l’appareil de défense israélien
Les forces armées israéliennes
8Jusqu’aux années 1990, la situation géopolitique d’Israël a donné un poids énorme à ses forces de défense. Nation faiblement peuplée, l’État hébreu s’est toujours considéré comme un îlot de populations juives au milieu d’un environnement musulman hostile. Il était (et reste encore très largement) une « nation en armes ». En son sein, et surtout depuis les victoires de 1967 et 1973, les militaires ont été perçus comme les garants de l’existence du pays [4]. L’armée israélienne, née de la guerre, est devenue l’un des plus puissants symboles de l’unité nationale [5].
9En infériorité numérique face à leurs voisins arabes, les Israéliens ont décidé de pallier leur manque relatif de combattants en développant une armée qualitativement supérieure. Des efforts ont constamment été consentis pour s’assurer de la modernité des équipements de Tsahal. Cette politique s’est traduite par la permanence de budgets militaires conséquents. Déjà dans les années 1950 et 1960, le budget de la défense dépassait annuellement les 9 % du PIB. Il a crû de manière conséquente avec les guerres de 1967 et 1973. De nos jours, malgré la paix signée avec ses voisins, les dépenses militaires de l’État hébreu représentent encore entre 8 et 9 % du PIB (8,7 en 2002) et plus d’un sixième des dépenses de l’État (9,11 milliards de dollars pour un total de 51 en 2002).
10Mais les Israéliens ont toujours considéré que l’atout principal de Tsahal devait être ses soldats. L’ensemble de la population participe à la défense du pays. Tous les individus aptes sont ainsi appelés, dès l’âge de 18 ans, pour effectuer un service obligatoire [6] (quatre ans pour les officiers, trois pour les hommes et deux pour les femmes) [7]. Israël est ainsi le seul pays qui ait toujours pratiqué la conscription féminine.
11Les soldats ayant terminé leur service et répondant aux critères requis par l’armée peuvent s’engager comme officiers ou sous-officiers de carrière. Ces militaires professionnels, relativement peu nombreux, constituent l’épine dorsale de Tsahal. Ils ont pour fonctions essentielles d’encadrer les appelés et d’occuper les postes administratifs et de commandement les plus importants.
12La majorité des troupes est constituée des réservistes. À la fin du service national, chaque homme est en effet affecté à une unité de réserve (certaines catégories de femmes le sont également). Jusqu’à un âge variant de 41 à 54 ans selon les spécialités, ils effectuent ainsi régulièrement des périodes d’entraînement et de service représentant une quarantaine de jours par an. En cas de tensions, cette durée peut être allongée. Si la situation le nécessite, les réservistes peuvent être mobilisés.
13En 2004, les forces armées israéliennes (militaires de carrière et appelés) rassemblaient environ 167 000 individus pour une population de 6,3 millions d’habitants (dont 2,1 millions de moins de 18 ans). À cette armée permanente s’ajoutaient environ 360 000 réservistes. Au total, Tsahal rassemblait donc 520 000 à 530 000 Israéliens, soit environ un adulte sur huit.
14Ces chiffres permettent de deviner l’importance du ministère de la Défense, surtout de l’armée, au sein du pays. De par son budget et le nombre de ses personnels, il est indiscutablement l’administration la plus importante en Israël. Le secteur public israélien emploie environ 700 000 personnes [8]. Mais seules 200 000 d’entre elles dépendent des administrations centrales (les autres faisant parties de structures décentralisées). Avec environ 60 000 soldats professionnels, Tsahal représente donc à elle seule un tiers des fonctionnaires de l’État central.
Les responsables politiques
15À l’instar de l’ancienne puissance mandataire britannique, il n’existe pas formellement de constitution en Israël. Toutefois, un ensemble de droits civils et de libertés fondamentales (incluant la liberté d’expression, la liberté de se constituer en assemblée et le droit de voter selon sa conscience) est intégré dans une série de textes fondateurs, les Lois fondamentales. Votées au fur et à mesure qu’un consensus se dégage à la Knesset, elles sont aujourd’hui une douzaine. Ces écrits symbolisent la constitution non rédigée du pays.
16La structure administrative d’Israël est comparable à celles de nombre de démocraties occidentales. Même si la décentralisation est très avancée, l’échelon central demeure important. Au niveau gouvernemental, l’organisation est fondée sur un modèle ministériel classique. Les cabinets sont habituellement constitués d’une vingtaine de membres.
17La Loi fondamentale sur l’armée précise la répartition des compétences dans le domaine de la défense. D’après le texte, la responsabilité ultime revient au gouvernement (article 2, alinéa 1). En vertu du principe de responsabilité collective [9], le poids repose donc sur tous les ministres de manière égale.
18Mais la Constitution concède un statut particulier au ministre de la Défense. Celui-ci est chargé individuellement des armées au sein du cabinet. En pratique, il paraît en effet difficilement concevable que la totalité du gouvernement puisse assumer le suivi des politiques de sécurité et de défense au jour le jour – et ce d’autant plus que les opérations des forces armées israéliennes, dont certaines ont une dimension hautement politique, sont véritablement quotidiennes.
19Le ministre de la Défense se trouve donc à la tête de l’administration la plus puissante – en nombre et budget – de l’échelon central. Par ailleurs, la primauté des questions de sécurité dans la vie politique et sociale israélienne lui confère une place prépondérante sur la scène institutionnelle nationale. Preuve de cette situation particulière, le ministre de la Défense est le second membre du gouvernement par l’importance, juste derrière le Premier ministre.
20Le Premier ministre n’est pas cité par la Loi fondamentale sur l’armée. Mais un amendement de 1981 à la Loi fondamentale sur le gouvernement a précisé que tous les ministres, y compris celui de la Défense, sont responsables devant lui. Par ailleurs, une législation de février 1991 a créé le Comité ministériel chargé de la sécurité nationale. Statutairement, le Premier ministre le préside. Il est donc à la tête du principal organe interministériel de planification des questions de défense. Ces deux innovations ont donc permis la reconnaissance du Premier ministre comme acteur majeur des politiques de sécurité. Elles ont surtout consacré sa supériorité hiérarchique sur le ministre de la Défense.
21Bien qu’à un niveau moindre, le Parlement israélien a également un rôle à jouer dans la définition et l’application des politiques de sécurité et de défense. Outre les éventuelles sanctions quelle pourrait prononcer à l’égard d’un cabinet dont elle contesterait la politique (motion de censure), la Knesset dispose d’un certain pouvoir de contrôle. En mars 1992, la section 51 de la Loi fondamentale sur le gouvernement a été modifiée. Elle stipule que les déclarations de guerre ne peuvent être le fait que du gouvernement. Celui-ci doit toutefois faire parvenir, aussi rapidement que possible, aux commissions des Affaires étrangères et de la Défense la déclaration de guerre et surtout un état d’avancement des opérations. Dans un régime parlementaire, cette modification permet donc la reconnaissance d’une certaine compétence à la Chambre. Le champ d’application couvert par cette section est cependant limité puisque ne sont concernées que les opérations de haute intensité ayant été précédées d’une déclaration de guerre formelle.
La place du ministre de la Défense dans les institutions en charge des questions de sécurité
Une répartition imprécise des compétences au sein du cabinet
22La Loi fondamentale sur l’armée, principal texte légiférant en matière de défense, est extrêmement succincte. Elle fait moins d’une page et ne rassemble, au total, que quatre articles. Cette faiblesse de l’encadrement constitutionnel provoque un flou quant aux responsabilités des différents acteurs institutionnels concernés. Dans la pratique, il est en effet extrêmement difficile de savoir de qui relève en dernière instance l’autorité sur les forces armées : du Premier ministre, du ministre de la Défense, du Comité ministériel chargé de la sécurité nationale ou encore du gouvernement en tant qu’entité collégiale.
23La Constitution confère au cabinet la responsabilité ultime en matière de politique de défense. Mais elle donne également au ministre de la Défense une place très particulière. Il est en effet le deuxième personnage du gouvernement. Cette position devrait lui conférer un certain poids au sein du cabinet, lui assurer une relative autonomie. Mais le fait qu’à plusieurs reprises, le Premier ministre ait décidé de récupérer le portefeuille de la Défense est révélateur d’un flou en matière de répartition des compétences. Ces dernières années, cette situation s’est notamment produite lors des ministères Rabin (1993-1995), Peres (1995-1996) et Barak (1999-2001). En fait, la confusion des portefeuilles constitue un élément récurrent de la vie politique israélienne. Entre la création de l’État hébreu et 2005, soit cinquante-sept ans, le cumul des deux postes a concerné environ vingt-cinq années.
24Les modifications constitutionnelle et législative de 1981 et 1991 (responsabilité de tous les ministres devant le chef du gouvernement et création du Comité ministériel chargé de la sécurité nationale) n’ont pas clarifié la situation. Elles ont avant tout servi à donner une base juridique à l’influence du Premier ministre. Mais elles n’ont pas réellement contribué à préciser la répartition des tâches en matière de défense au sein du cabinet. Au contraire, elles semblent avoir avant tout entériné un partage obscur des compétences.
25La multiplicité des acteurs a pour conséquence essentielle de limiter la capacité d’action du ministre de la Défense. Celui-ci apparaît avant tout comme un exécutant. Les opérations les plus importantes sont décidées par l’ensemble du cabinet. Par la suite, la tâche de les conduire lui revient. La norme constitutionnelle tout comme la pratique lui interdisent notamment de prendre des décisions allant à l’encontre de celles du gouvernement. Les ordres qu’il donne aux responsables militaires sont donc strictement encadrés [10].
26Au cours de certains conflits, cette ambiguïté concernant le partage des responsabilités et de l’autorité a pris des dimensions non négligeables. En 1982, pendant la guerre du Liban, Ariel Sharon, alors ministre de la Défense, prit plusieurs initiatives sans en référer au préalable aux autres membres du cabinet et surtout au Premier ministre [11]. Le chef du gouvernement de l’époque, Menahem Begin, en fut particulièrement irrité. À cette occasion, il se sentit obligé de rappeler à Sharon que le ministre de la Défense n’est pas plus responsable de la sécurité du pays que les autres membres du gouvernement [12].
La concurrence du chef d’état-major de Tsahal
27La position du ministre de la Défense au sein du cabinet est donc relativement imprécise (en droit et surtout en pratique). Les liens qu’il entretient avec la haute hiérarchie militaire sont également incertains. Ces rapports sont également marqués par l’absence de cadres juridiques clairement établis. Certes, le principe de la supériorité des responsables civils sur les forces armées est inscrit constitutionnellement. Il est enraciné à la fois dans le droit mais également dans la pratique. Mais à de nombreuses reprises, des officiers sont allés à l’encontre de cette règle.
28Une des questions qui n’a jamais été véritablement tranchée est de savoir si le ministre de la Défense représente les armées au sein du cabinet ou, au contraire, s’il assure la présence du gouvernement dans l’institution militaire. La Constitution semble claire : membre du gouvernement, entité collégiale, le ministre est son incarnation auprès des militaires. Mais dans la pratique, le poids social et électoral que les membres des forces armées représentent oblige parfois l’homme politique qu’est le ministre à prendre en compte leurs revendications. Cette question est d’autant plus importante que, comme nous allons le voir, le ministre est bien souvent un ancien militaire, parfois même un ancien chef d’état-major, et que la solidarité entre compagnons d’armes est extrêmement forte, surtout dans une armée régulièrement engagée en opérations [13].
29Les trois corps de Tsahal (terre, air, mer) sont placés sous l’autorité d’un commandement unifié. Celui-ci est dirigé par un unique chef d’état-major. Directement sous les ordres du ministre de la Défense, le chef d’état-major est cependant responsable devant le gouvernement [14]. Il est nommé pour une période de trois ans, habituellement prolongée d’une année.
30Les rapports entretenus avec le ministre de la Défense sont particulièrement ambigus. Bien que la subordination des militaires aux autorités civiles soit inscrite dans les lois fondamentales, le plus gradé d’entre eux dispose, en pratique, d’une liberté d’action extrêmement importante. Son statut le lui permet. La Loi fondamentale sur l’armée lui assure une certaine autonomie. Elle précise en effet qu’il est individuellement sujet à l’autorité du gouvernement. Cette position est unique dans l’appareil politico-administratif de l’État hébreu. En Israël, tous les directeurs d’administration centrale, quel que soit leur ministère, sont en effet responsables personnellement de leurs actes devant leur ministre. Ils ne peuvent demander l’arbitrage du cabinet et n’ont pas de comptes à rendre au gouvernement, pris comme un tout. C’est au ministre seul de régler les litiges au sein des services sur lesquels il s’appuie.
31Le chef d’état-major des années est, dans ce cadre, une exception. En vertu de la responsabilité collective du gouvernement en matière de défense, il est tenu de rendre compte de ses actes devant l’ensemble du cabinet. Israël est ainsi le seul pays démocratique dans lequel le chef d’état-major assiste à toutes les réunions du gouvernement (il se fait d’ailleurs fréquemment accompagner du chef des services de renseignement de l’armée). Cette règle juridique lui donne un statut de quasi-ministre, l’autonomisant grandement vis-à-vis du ministre de la Défense. Dans un certain nombre de cas, la pratique constitutionnelle a même amené le chef d’état-major à rendre des comptes directement au Premier ministre. Ce dernier est en effet, plus que tout autre, le représentant de la volonté du cabinet [15].
32Certains chefs d’état-major ont adhéré à cette interprétation de la norme juridique qui faisait d’eux des éléments autonomes. Affirmant leur statut de quasi-ministre, ils sont devenus de véritables personnages politiques. Ils ont notamment soutenu que leur fonction pouvait dépasser celle d’un simple conseiller technique et que le chef d’état-major devait pouvoir présenter au cabinet des analyses non seulement militaires mais également politiques. Cette situation est sans doute accentuée par le fait qu’un certain nombre d’anciens chefs d’état-major sont entrés, après la fin de leur carrière militaire, au gouvernement.
33Le chef d’état-major peut utiliser le fractionnement des responsabilités (en particulier l’absence de véritable définition de la chaîne de commandement) pour acquérir une plus grande liberté d’action. En s’appuyant tantôt sur le Premier ministre tantôt sur le ministre de la Défense, il lui est possible de renforcer sa position lorsqu’il entre en conflit avec l’un ou l’autre de ces personnages [16]. Dans une certaine mesure, l’existence d’un exécutif bicéphale en matière de défense diminue les possibilités de contrôle du ministre de la Défense sur le chef d’état-major et participe donc à l’autonomisation de ce dernier [17].
34La reconnaissance de ce statut quasi politique permet au chef d’état-major de mobiliser un ensemble de moyens non négligeables pour faire valoir son point de vue. Les officiers, notamment ceux de l’état-major et des services de relations publiques, disposent d’un accès aux médias particulièrement vaste (en particulier par l’intermédiaire des correspondants militaires, journalistes accrédités auprès du ministère). Il leur est ainsi permis de développer relativement facilement une communication publique propre. Les médias sollicitent d’ailleurs régulièrement les généraux à la retraite ou encore en activité, parfois sur des sujets n’ayant que très peu à voir avec leurs compétences militaires. Ce phénomène est évidemment amplifié pour le chef d’état-major puisqu’il dispose d’un quasi-statut d’homme politique.
35La forte implication de la haute hiérarchie militaire, notamment du chef d’état-major, dans le processus décisionnel gouvernemental a toujours existé en Israël. De nombreux cabinets y ont été confrontés. Cette influence se fait essentiellement sentir dans la discrétion des réunions ministérielles. Cependant, les exemples abondent d’officiers ayant utilisé leur accès aux médias pour critiquer le gouvernement. Lorsqu’il était chef d’état-major (1998-2002), Shaül Mofaz a, par exemple, multiplié les prises de position publiques. Il avait pour habitude d’utiliser les médias lorsque son avis n’était pas pris en compte par le cabinet, révélant au grand jour les dissensions internes au gouvernement.
36Shaül Mofaz n’était pas une exception. Depuis son entrée au gouvernement, il a lui aussi subi les critiques publiques d’officiers, notamment du plus important d’entre eux. En octobre 2003, le chef d’état-major de Tsahal, Moshe Ya’alon, a ainsi affirmé ouvertement son désaccord avec la politique suivie par le cabinet d’Ariel Sharon dans les territoires occupés [18]. Plus récemment encore (mars 2004), des avertissements publics furent adressés conjointement au gouvernement par Moshe Ya’alon, Avi Dichter, le chef du Shabak (les services de renseignement de l’armée), et Aaron Zéevi-Farkach, le chef du Mossad. Ces hauts fonctionnaires ont ainsi manifesté leur opposition au retrait unilatéral des troupes israéliennes de la bande de Gaza envisagé par le gouvernement. Outre ces messages hautement politiques, le site Internet du Conseil de Judée, Samarie et Gaza présentait également une liste considérable de déclarations d’officiers supérieurs, en activité ou à la retraite, s’opposant ouvertement au plan Sharon.
37L’importance des questions de sécurité en Israël, le prestige dont jouit encore Tsahal dans la société, le statut particulier juridiquement concédé au chef d’état-major expliquent que le plus haut représentant de la hiérarchie militaire est très présent dans la vie publique du pays. Cette position très spécifique est loin de correspondre à la vision que les acteurs politiques et militaires français développent du rôle du chef d’état-major des armées. Ce contraste avec les normes qui prévalent en France (mais également dans d’autres États) est renforcé par le fait que la société israélienne accepte assez largement cette réalité.
38L’affirmation du chef d’état-major comme un personnage politique autonome se fait bien souvent au détriment du ministre de la Défense (parfois du Premier ministre). Bien qu’il soit son supérieur direct, le ministre ne semble pas disposer des pouvoirs suffisants pour contrôler pleinement le plus haut gradé de Tsahal. Ainsi, la concurrence entre les titulaires des deux postes réapparaît plus ou moins régulièrement dans la vie publique du pays. Elle est accentuée par le fait qu’ils sont souvent issus du même milieu militaire et qu’ils utilisent des registres de légitimité relativement proches.
La convergence des carrières politiques et militaires : existe-t-il un cursus honorum en Israël ?
39Au cours des treize dernières années, six ministres de la Défense se sont succédé en Israël [19] : Itzak Rabin (1992-1995) [20] ; Shimon Peres (1995-1996) ; Itzak Mordechaï (1996-1999) ; Ehud Barak (1999-2001) ; Benyamin Ben Eliezer (2001-2003) ; Shaül Mofaz (2003-).
40Sur ces six personnalités, cinq sont d’anciens militaires [21]. Tous généraux, leurs carrières au sein de Tsahal leur ont permis d’occuper des postes particulièrement importants au sein du ministère de la Défense (aussi bien des fonctions opérationnelles qu’à l’état-major). Trois sont même d’anciens chefs d’état-major (Itzak Rabin, entre 1964 et 1968, Ehud Barak, de 1991 à 1994, et Shaül Mofaz, entre 1998 et 2002). Au total, sur les douze dernières années, dix ont été passées avec un ancien militaire à la tête du ministère de la Défense israélien.
41Il semble difficile d’envisager que la proximité de ces parcours soit une simple coïncidence. Et ce d’autant plus que la présence d’un ancien militaire au sommet du ministère n’est pas une originalité des années 1990. L’actuel Premier ministre israélien, Ariel Sharon, a connu un parcours très proche. Il fut en effet titulaire du portefeuille entre 1981 et 1983 (durant la guerre du Liban). Il avait quitté Tsahal en 1973 avec le grade de major-général et avait été immédiatement élu député à la Knesset. Plus loin de nous, Moshe Dayan correspond lui aussi au « modèle ». Avant d’entamer une seconde carrière politique, il avait été militaire. Général, il quitta Tsahal en qualité de chef d’état-major. Par la suite, il fut ministre de la Défense de 1967 à 1974 dans différents cabinets.
42Pour ces cinq personnalités, les deux carrières, militaire et politique, apparaissent donc très intimement liées. Ces similitudes dans leurs parcours amènent à développer l’idée qu’il pourrait y avoir en Israël, pour l’accession au portefeuille de ministre de la Défense (mais également pour le poste de Premier ministre), une sorte de cursus honorum [22]. Afin de parvenir aux plus hautes responsabilités politiques, certaines étapes doivent être franchies. Ces étapes semblent s’enchaîner assez logiquement, permettant à l’individu d’accéder à des postes de plus en plus importants au sein de l’appareil politico-administratif mais également politico-militaire.
43Une étude plus attentive des parcours de ces militaires devenus ministres de la Défense révèle en effet de grandes similitudes. Tous ces officiers entrés en politique ont notamment occupé des postes de commandement dans des unités particulières (services de renseignement, troupes de chocs, unités commando). Ils en ont retiré un certain prestige, d’autant plus que tous disposent d’une expérience opérationnelle acquise lors des nombreux conflits qu’Israël a connus. S’étant particulièrement illustrés lors de ces périodes de crise, Rabin el Barak sont même devenus de véritables héros nationaux [23].
44Bien que plus éloigné de nous dans le temps, le parcours Moshe Dayan est assez proche, Celui-ci s’illustra dans quelques-uns des épisodes les plus difficiles de l’histoire d’Israël. Durant la guerre d’indépendance, il commanda un bataillon puis fut nommé commandant du front de Jérusalem. Chef des opérations en 1952, il devint chef d’état-major en 1953. C’est à ce titre qu’il dirigea les opérations durant la campagne de Suez en 1956. Son bandeau noir, « sa marque de fabrique », est devenu un des facteurs de sa notoriété.
45L’idée d’un cursus honorum qui se serait progressivement imposé en Israël ne doit cependant pas être comprise de manière trop systématique. Ce modèle présente en effet une linéarité un peu schématique. Il existe d’autres voies pour entrer en politique et pour accéder aux responsabilités ministérielles. Le passage par les étapes que nous avons repérées (unité commando, commandement lors d’un conflit, service de renseignement, poste à l’état-major…) n’est pas indispensable – le contre-exemple de Shimon Peres en atteste. Mais il semble bien favoriser l’ascension des individus vers ces positions de pouvoir. Surtout, il faut prendre en compte les effets du contexte politique. C’est bien le résultat d’élections qui a permis à ces anciens généraux d’obtenir des mandats politiques et des responsabilités ministérielles. La première partie du cursus honorum, la carrière strictement militaire, ne peut être valorisée politiquement que si une ou plusieurs fenêtres d’opportunité s’ouvrent.
46Enfin, il ne faut pas systématiquement prêter l’intention aux officiers de vouloir entrer en politique à la fin de leur carrière militaire. Les parcours individuels sont divers et ne peuvent donner lieu à des interprétations identiques. S’il semble que certains aient très tôt perçu le passage dans les armées comme un tremplin éventuel vers une seconde carrière, politique, on ne saurait développer une vision trop instrumentale du parcours de ces hommes d’État. Beaucoup de facteurs prédisposent en réalité les militaires à faire ce choix, l’environnement et la culture politique israélienne pesant d’un poids certain.
47Différents éléments peuvent être mis en avant pour expliquer la facilité avec laquelle les officiers israéliens parviennent à redéployer les ressources acquises dans la sphère militaire (en particulier le prestige guerrier) dans le champ strictement politique. L’importance de Tsahal dans la vie du pays est un premier élément. Cette omniprésence n’est pas seulement liée à la situation géopolitique du pays. En réalité, le rôle des forces armées de l’État hébreu a toujours dépassé le cadre strictement militaire. Dès 1948, elles ont été considérées comme un élément indispensable à la cohésion nationale, une force sociale impliquée dans tous les aspects de la vie des Israéliens. Principalement inspiré et initié par David Ben Gourion, ce rôle comportait une fonction sociale et morale.
48La population d’Israël s’est essentiellement constituée par agrégation de groupes juifs d’origines nationales très diverses. Elle est extrêmement fractionnée, de nombreux clivages la divisant profondément : entre juifs et non juifs, séfarades et ashkénazes [24], religieux et laïques… Dans ce cadre, les armées ont toujours été perçues comme l’élément indispensable à la création d’une identité commune. Elles permettent à ces différents groupes de se retrouver à égalité dans une institution qui ne tient pas compte de leurs origines. Les missions de Tsahal ont ainsi toujours comporté l’enseignement de l’hébreu et de la culture juive, facilitant l’intégration des nouveaux migrants à la communauté nationale. Le système de conscription universel et de réserve a été conçu par les fondateurs d’Israël comme un instrument permettant d’inculquer des valeurs et des idéaux conformes à la vision sioniste du « nouvel homme israélien ».
49Par ailleurs, les forces armées israéliennes ont toujours constitué un vecteur de mobilité sociale. Elles ont été conçues pour favoriser l’ascension des conscrits d’origine modeste (notamment les nouveaux arrivants) au sein de la société. Dans ce cadre, leur rôle bâtisseur n’est pas négligeable. Pendant des décennies, elles ont pris en charge les travaux de construction des colonies de peuplement à l’intention des soldats démobilisés. Même après le service militaire, l’armée reste présente pour aider le jeune Israélien : prêts bancaires, aides au logement, allocations, offres d’emploi comptent au nombre des avantages proposés par l’institution à ceux qui se sont acquittés de ce devoir civique.
50Tous ces éléments expliquent que le service militaire constituait et constitue encore très largement un rite initiatique indispensable au jeune Israélien pour prétendre, au moins symboliquement, à une citoyenneté pleine et entière [25]. Tsahal a donc été organisée pour être une force militaire qui reflète et surtout façonne la société [26].
51L’armée israélienne a par ailleurs administré directement un certain nombre de territoires [27]. Bien que sa mission première, dans ce cadre, ait été de maintenir l’ordre et surtout d’assurer la sécurité des colons, cette gestion a dépassé le simple cadre policier. Les soldats se sont très largement substitués à l’administration, nouant avec les populations juives locales des liens relativement étroits. Les officiers en charge de ces zones ont pu acquérir des compétences dépassant celles habituellement liées à l’exercice du métier des armes (apprentissage de la comptabilité publique, développement de connaissances juridiques, communicationnelles, en aménagement du territoire…) [28].
52Outre cette importance sociale et administrative de Tsahal dans la société israélienne, il faut également revenir sur l’omniprésence des anciens militaires dans la classe politique de l’État hébreu. Le cas du ministre de la Défense n’est en rien une exception.
53Jusqu’aux années 1960, la classe dirigeante israélienne lut essentiellement composée d’émigrants venus d’Europe de l’Est qui n’avaient, pour la plupart, même pas luit leur service militaire. À partir du début des années 1970, les anciens militaires commencèrent à se faire plus présents. Désormais, de nombreux députés de la Knesset, magistrats et responsables politiques locaux sont d’anciens officiers. De même, des portefeuilles ministériels de toute nature, dans des gouvernements de tendances politiques très différentes, ont été obtenus par d’anciens soldats. Pendant de nombreuses années et jusqu’à l’assassinat d’Itzhak Rabin, le Président [29], le Premier ministre et le chef de la Cour suprême étaient ainsi tous des généraux à la retraite. Comme l’explique May Chartouni-Dubbary, « ces relations continuent à être marquées par une forte interpénétration des deux champs et par une absence de différenciation nette entre les élites politiques et militaires, comme l’atteste la reconversion politique aisée et parfois brillante de nombreux officiers » [30].
54Pour éviter une confusion totale entre les deux sphères, politique et militaire, et plus globalement pour limiter la politisation des fonctionnaires, quelques limites juridiques ont toutefois été posées. Le Président, le contrôleur de l’État, les juges et autres fonctionnaires (le chef d’état-major et les officiers supérieurs notamment) ne peuvent se porter candidats qu’il la condition d’avoir démissionné de leur poste au moins cent jours avant les élections. Tous ces officiers entrés en politique sont donc soit démissionnaires soit à la retraite. Sur le plan statutaire, la confusion n’est donc pas permise. Cent jours constituent cependant un délai extrêmement bref. On peut supposer qu’il faut bien plus de temps aux populations pour oublier les origines militaires d’un ancien officier, surtout si sa carrière sous les drapeaux a été brillante.
55La présence d’anciens militaires dans toutes les institutions politiques du pays constitue une spécificité du paysage social et politique israélien. Les partis politiques sont les premiers à tirer profit de cette situation. Depuis déjà de nombreuses années, la cooptation d’officiers au passé prestigieux est devenue un élément quasi indispensable s’ils veulent connaître le succès [31]. Dans le système institutionnel israélien, les partis politiques sont donc des lieux de rencontre entre sphères d’influence distinctes mais très proches. Ils peuvent en quelque sorte être considérés comme la façade institutionnelle de ces réseaux rassemblant anciens soldats et hommes politiques.
56Les réseaux ainsi constitués permettent la mise en commun des ressources techniques dont disposent les officiers et des ressources politiques propres aux membres des partis. Dans le contexte israélien, les ressources militaires (géostratégiques, opérationnelles et surtout la renommée et le prestige) sont loin d’être négligeables puisque les questions de sécurité sont celles qui intéressent le plus la population. Surtout, la présence d’anciens militaires assure au mouvement politique une plus grande légitimité. Au-delà de la mise en commun de ressources, ces réseaux permettent, en effet, la rencontre de deux répertoires de légitimité.
57L’intégration dans les partis politiques permet aux anciens officiers de bénéficier de l’aide matérielle et symbolique que ces mouvements peuvent apporter. Elle abaisse ainsi le ticket d’entrée sur la scène politique nationale, que, seul, un individu peut avoir beaucoup plus de mal à atteindre. De la sorte, il est beaucoup plus facile aux anciens militaires d’obtenir un mandat, local ou national.
58Les militaires à la retraite enrôlés dans les mouvements politiques conservent leurs relations interpersonnelles au sein des armées tout en parvenant à parfaire leur connaissance de la sphère politique. Ils sont ainsi en situation de multipositionnalité. Cette insertion dans les appareils partisans leur donne en effet la possibilité de se trouver à l’intersection de plusieurs réseaux majeurs d’influence. Cette position d’intermédiaires explique en partie la facilité avec laquelle ils parviennent à intégrer la scène politique israélienne : elle les rend en quelque sorte incontournables et renforce leur poids politique [32].
59L’omniprésence de Tsahal dans la vie des Israéliens et l’omniprésence d’anciens militaires dans la vie publique de l’État hébreu se complètent. Cette implication importante de membres retirés ou retraités des forces armées dans la vie politique n’inquiète d’ailleurs pas particulièrement la population. Celle-ci a été habituée, depuis la naissance du pays, à ce que Tsahal joue un rôle d’avant-garde social. Ces deux tendances fortes constituent un arrière-plan qui explique partiellement que le poste de ministre de la Défense ait été occupé aussi souvent par d’anciens généraux.
60Des raisons historiques, géostratégiques, sociales et politiques expliquent que les forces armées israéliennes ont eu, dès la création du pays, une importance majeure au sein de la société. Elles ont été et sont encore très largement le pilier autour duquel la collectivité nationale se structure. Cette situation quasi symbiotique demeure l’une des principales caractéristiques de la vie sociale du pays.
61Une des traductions de cette confusion entre une large majorité de la société et son armée est la place très particulière dont disposent les membres et anciens membres de Tsahal au sein de la communauté nationale. Le prestige des soldats leur permet notamment de s’impliquer dans la vie publique avec une certaine facilité. Leur reconversion politique est relativement aisée. Ainsi, la présence de nombreux anciens militaires dans les institutions représente le trait le plus marquant de la scène politique israélienne.
62Certains observateurs se sont d’ailleurs inquiétés de ce phénomène. Le fait que les postes les plus importants de l’appareil d’État soient détenus par des anciens officiers expliquerait la prédisposition des dirigeants israéliens pour la solution armée. « Ce phénomène de recyclage permanent des militaires en politique donne bien sûr à l’armée une capacité d’influence qu’elle n’a guère dans les pays occidentaux. L’interpénétration entre les sphères politique et militaire est ainsi propice au développement d’un “militarisme civil” qui amène de façon dominante les élites à examiner prioritairement les questions diplomatiques, politiques, économiques à travers le prisme sécuritaire ; avec au surplus la tentation de considérer toute menace comme un danger mortel pour l’existence de l’État et d’y répondre par la violence armée… » [33].
63La perte, relative, de prestige qu’a connue Tsahal à partir de la guerre du Liban, la distance, tout aussi relative, qui s’est progressivement mise en place entre les forces armées et la population israélienne amènent à penser que l’omniprésence des militaires dans la vie publique du pays sera sans doute moins perçue à l’avenir comme une évidence. Par ailleurs, Israël est entré, depuis la fin des années 1970, dans une période de normalisation progressive de ses rapports avec ses voisins arabes. Cette situation a pour conséquence une pénurie des conflits conventionnels de haute intensité qui permettent aux officiers de gagner en prestige. Lin des répertoires de légitimité les plus importants en Israël disparaît donc partiellement.
64Mais ces évolutions, très progressives, ne semblent pas devoir amener de changements notables avant de nombreuses années. À l’heure actuelle, beaucoup de fonctions politiques majeures restent ainsi entre les mains d’anciens militaires. Le poste de ministre de la Défense n’échappe pas à cette réalité.
65Le fait que le détenteur du portefeuille soit un ancien militaire ne semble d’ailleurs pas être un véritable avantage pour lui. L’actuel responsable, Shaül Mofaz, rencontre certaines difficultés que ses prédécesseurs ont également tenté de surmonter. Du fait de l’importance des questions de sécurité pour la population et les élites dirigeantes israéliennes, l’action du ministre est strictement encadrée et contrôlée. Les règles imposées par les normes juridiques et constitutionnelles mais surtout la pratique du pouvoir ne lui laissent en effet qu’un espace de liberté relativement restreint. Contraint d’obtenir l’aval du cabinet, entité collégiale, pour les décisions les plus importantes, il est également soumis à une forme de tutelle de la part du Premier ministre.
66Plusieurs acteurs politiques différents sont donc responsables des questions de défense en Israël. Celte situation paraît éloignée de la vision française d’une forte centralisation des pouvoirs entre les mains d’un décideur unique (le chef de l’État). Le cas israélien permet d’appréhender les difficultés que peut connaître une démocratie lorsque les compétences dans un domaine extrêmement sensible sont partagées entre un grand nombre d’acteurs politiques et administratifs.
67Le ministre de la Défense doit également apprendre à composer avec les réactions de la haute hiérarchie militaire. Le contrôle qu’il est capable d’exercer sur les plus hauts officiers de Tsahal est rarement total. La discipline et la soumission à l’autorité civile, éléments pleinement acceptés par les soldats israéliens, n’ont jamais été traduites par une obéissance aveugle. Ces normes n’empêchent notamment pas les officiers de commenter les décisions gouvernementales, voire d’affirmer leurs désaccords publiquement. L’omniprésence sociale et politique des militaires les incite en quelque sorte à développer une vision de leur rôle auprès des gouvernants qui dépasse le cadre strict du conseiller technique.
68Cette situation est relativement difficile à appréhender pour un observateur français. En France, le principe de subordination du militaire au politique est relativement ancien [34]. Il a connu et connaît encore une traduction qui prive les militaires de certains droits sociaux et politiques. La soumission des soldats aux autorités civiles a en effet très tôt été apparentée aux notions d’autorité, d’ordre, de hiérarchie et de discipline sur lesquelles repose l’organisation militaire. L’affirmation du concept de liberté politique fut assimilée à l’idée de discussion dans le service, soit à la négation des principes d’obéissance et de subordination hiérarchique. L’expression d’une quelconque préférence politique a donc été prohibée [35]. Ainsi, jusqu’en 1945, la neutralité politique du militaire de carrière français s’est traduite par l’interdiction du droit de vote. À l’heure actuelle, il ne peut toujours pas adhérer à une organisation socioprofessionnelle et encore moins en créer une. Il est également contraint de demander l’autorisation de son supérieur pour prendre la parole en public lorsqu’il désire s’exprimer sur la politique suivie par le gouvernement.
69La situation en Israël est donc sensiblement différente. La liberté de parole dont jouissent les soldats de Tsahal est sensiblement plus importante que celle de leurs homologues français. Le ministre de la Défense israélien, responsable des armées au sein du gouvernement, est évidemment le premier à souffrir de cette situation. Lorsqu’il est un ancien militaire et qu’il s’est lui-même prononcé publiquement contre le gouvernement durant sa carrière sous les drapeaux, sa capacité à imposer la discipline et le respect des décisions de l’autorité civile semble encore plus limitée. Surtout, la concurrence avec le chef d’état-major de Tsahal joue souvent en sa défaveur. Il a en effet régulièrement en face de lui un adversaire qui mobilise des registres de légitimité extrêmement proches des siens. À nouveau, l’exemple israélien peut permettre de mieux appréhender les difficultés, en particulier dans les rapports autorités civiles hiérarchie militaire, qui peuvent survenir lorsque les armées détiennent une place centrale dans la société et ce même, dans une démocratie et surtout, lorsque les questions de sécurité constituent le cœur des politiques publiques.
Notes
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[1]
Dès sa création en 1948, l’État hébreu a été contraint de s’engager dans un conflit avec ses voisins arabes. Après la guerre d’indépendance, se sont succédé la campagne dans le Sinaï (contre l’Égypte), en 1956, la guerre des Six jours (contre l’Égypte, la Jordanie et la Syrie), en 1967, puis celle du Kippour (en 1973 contre l’Égypte et la Syrie). En 1982, la troisième guerre du Liban débute. Israël y prend part : les opérations militaires contre la Syrie durent quelques mois (de juin à août) mais les forces israéliennes restent et occupent une partie du pays. Elles ne se retireront définitivement qu’en juillet 2000. Le premier mouvement insurrectionnel palestinien (Intifadah) commence en 1987. Le second a débuté en 2000. À ce jour, le cycle attentats palestiniens/répliques militaires israéliennes n’est toujours pas véritablement brisé.
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[2]
Tsahal (ou Tzahal) est la contraction de TSva Ha-HAganah Le-Yisrael, qui signifie en hébreu « forces armées pour la défense d’Israël ».
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[3]
Le système institutionnel d’Israël est monocaméral. La Knesset, unique corps législatif, rassemble 120 membres, élus au suffrage universel tous les quatre ans.
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[4]
Cette situation a significativement évolué grâce à la signature d’accords avec les différents États arabes voisins d’Israël, en particulier la Syrie. Ces accords ont considérablement modifié la donne géopolitique régionale. La paix avec l’Égypte à la fin des années 1970 et les huit années de guerre Iran/lrak avaient déjà fortement contribué à la réduction de la menace de type conventionnel. Ce mouvement s’est poursuivi par la suite.
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[5]
La société israélienne, comme toute communauté politique, s’est constituée à l’aide d’un ensemble de mythes ayant permis à ses habitants de développer un sentiment d’appartenance. À côté de la figure du pionnier, qui, dans son kibboutz, parvenait à faire du désert un « paradis » agricole, le soldat a une place primordiale dans l’histoire du pays.
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[6]
Des reports d’incorporation peuvent être accordés pour les étudiants des établissements d’enseignement supérieur. De même, des exemptions sont consenties pour motifs religieux, physiques ou psychologiques.
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[7]
Les femmes ne sont habituellement pas incorporées aux unités de combat. Mais des volontaires existent. Dans ce cas, la durée de leur service est la même que celle des hommes (trois ans).
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[8]
Ce chiffre comprend les employés de certaines entreprises publiques, de statut privé mais directement contrôlées par le ministère des Finances.
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[9]
Le cabinet est notamment responsable collégialement devant la Knesset.
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[10]
Cet encadrement a été confirmé par la Cour suprême de justice. Dans une décision de 1979, cette dernière a en effet précisé qu’en l’absence de prise de position du gouvernement sur un sujet particulier, le chef d’état-major devait obéir aux instructions données par le ministre de la Défense. Mais dès qu’un problème est porté devant le cabinet, les décisions qu’il prend s’appliquent au chef d’état-major, au ministre de la Défense comme à tous les membres du gouvernement. Au nom de la responsabilité collective, les décisions de la majorité sont appliquées même si le ministre de la Défense émet une opinion dissidente (HCJ 390/79, Dwikat v. Government of Israel).
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[11]
Il ordonna notamment aux troupes israéliennes de pénétrer dans Beyrouth-ouest à la suite de l’assassinat du Président libanais Béchir Gemayel.
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[12]
Pour de plus amples renseignements sur cet épisode de l’histoire d’Israël, voir Ben Meir (Y.), « Civil/Military Relations in Israel », in Chartouni-Dubarry M. (dir.), « Armée et nation en Israël : pouvoir civil, pouvoir militaire », Les notes de l’IFRI, n° 10, 1999, p. 37-57.
-
[13]
En 1969, le professeur de sciences politiques Amos Perlmutter est revenu sur l’importance des rapports entre le ministre de la Défense et la haute hiérarchie militaire : « The lessons of 1954, and to some extent of 1967, have shown that the absence of a powerful defense minister supported by his government and people who can command the confidence of the high command impedes the development of a harmonious relationship ». Cf. Perlmutter A., Military and Politics in Israel, Londres, Cass, 1969, p. 115.
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[14]
Il est notamment nommé, et démis, par l’ensemble du gouvernement (sur recommandation du Premier ministre et du ministre de la Défense).
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[15]
L’amendement de 1981 à la Loi fondamentale sur te gouvernement, que nous avons déjà cité, précise que tous les ministres, y compris celui de la Défense, sont responsables devant le Premier ministre. Le chef d’état-major, considéré comme un membre du gouvernement, n’échappe pas à cette règle. La relation entre ministre de la Défense et chef d’état-major en est rendue plus complexe.
-
[16]
Yoram Peri, professeur de sociologie politique, a beaucoup insisté sur l’existence d’un combat politique et institutionnel entre le Premier ministre et le ministre de la Défense pour contrôler le chef d’état-major. Il a notamment montré que certains chefs d’état-major avaient utilisé cette rivalité pour favoriser leurs propres desseins. Voir Peri Y., Battles and Ballots : Israeli Military in Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1983.
-
[17]
Analysant le cas américain, Samuel Huntington avait affirmé qu’une autorité civile unique est indispensable au maintien d’un contrôle civil efficace sur les armées. Pour lui, l’existence d’un « contrôle dual » (partagé entre le Président et le Congrès) permet aux militaires d’instrumentaliser une institution contre l’autre et ainsi de troubler les relations entre autorités civiles et armées. Voir Huntington S. P., The Soldier and the State. The Theory and Politics of Civil-Military Relations, Londres/Cambridge (Massachusetts), Belknap Press, 1985 (1957). Le cas israélien est quelque peu différent puisque la division du pouvoir ne s’opère pas entre les deux branches, exécutive et législative, mais bien au sein du gouvernement.
-
[18]
Sous couvert d’anonymat, Ya’alon s’était prononcé, dans une interview, contre le bouclage des territoires occupés et la construction du mur de séparation entre zones palestiniennes et israéliennes. Il estimait que cette politique favorisait la rancœur des Palestiniens et renforçait donc les mouvements les plus extrémistes (qui allaient pouvoir recruter plus facilement). Identifiés, ses propos ont été rapidement repris dans la presse nationale. Malgré la colère de Sharon et Mofaz, aucune sanction n’a été prononcée. Au contraire, un débat est né, Silvan Shalom, ministre des Affaires étrangères, affirmant publiquement qu’il partageait le point de vue de Ya’alon.
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[19]
Afin de ne pas alourdir le travail de recherche, seuls les parcours des six derniers titulaires du poste ont été précisément étudiés.
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[20]
Itzak Rabin avait déjà occupé le poste entre 1985 et 1990.
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[21]
Il convient de mettre à part Shimon Peres, le seul de ces six anciens ministres à ne pas avoir été militaire (ce qui lui a d’ailleurs été reproché par Itzak Rabin). Celui-ci dispose d’un parcours atypique. Sa carrière politique est marquée par une très grande précocité et une longévité hors norme. Peres fait en effet partie de la première génération de responsables israéliens. Au début des années 1950, il occupe déjà le poste de directeur général du ministère de la Défense. C’est à ce titre qu’il fut chargé de coordonner la militarisation d’Israël.
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[22]
Le cursus honorum est l’expression utilisée pour désigner la carrière d’un sénateur romain. Celle-ci commençait par l’attribution, à l’âge de 20 ans, de la charge du vigitivirat. Progressivement, le futur sénateur passait ensuite de charge en charge (questure, tribunat, édilité et préture) pour parvenir, éventuellement, à la fonction de consul. À chacune de ses charges correspondaient des responsabilités administratives très précises, à Rome ou dans les provinces. La carrière du futur sénateur devait lui permettre de se former et d’exercer ses compétences dans de très nombreux domaines. Surtout, l’avancée dans le cursus honorum était conçue pour que l’individu ait de plus en plus de pouvoir. À partir de la préture, l’attribution des charges était, pour la majorité d’entre elles, à la discrétion de l’Empereur.
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[23]
Chef d’état-major entre 1964 et 1968, Itzhak Rabin dirige l’armée israélienne pendant la guerre des Six jours. La victoire d’Israël au cours de ce conflit lui vaudra une immense popularité dans le pays. Ehud Barak est resté célèbre pour ses actions à la tête de l’unité de reconnaissance de l’état-major, groupe d’élite qui intervint notamment sous sa direction en 1972 pour libérer des otages retenus dans un avion de la Sabena détourné à Tel Aviv. Au moment de quitter Tsahal en 1995, Barak était même le militaire le plus décoré.
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[24]
Les juifs séfarades sont issus de différents pays du Maghreb et du Moyen Orient. En arrivant en Israël, ils se sont retrouvés dans un État dominé avant tout par une élite socialisante, laïque, culturellement très occidentalisée qui leur a imposé « un modèle social et culturel (…) forgé par des sionistes russo-polonais » qui n’était en rien le leur. Voir Dieckhoff A., « Israël : dualité politique et pluralisme communautaire », Revue du Monde arabe, n° 159, janvier 1998.
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[25]
Cette importance sociale et politique du service militaire explique que les Arabes ayant accepté la nationalité israélienne en 1948-1949 ont toujours été considérés comme des citoyens de second rang. Pour des raisons de sécurité, les autorités ont en effet préféré les exempter de service national. « En un sens, Arabes et haredims [juifs orthodoxes également exemptés] ont une israélité formelle mais pas réelle et leur non-inclusion dans l’armée et leur non-participation aux opérations militaires les placent hors de l’espace de légitimité politico-idéologique », cf. Dieckhoff A., « Israël : une nation en armes à l’ère de l’individualisme », Le Kiosque, site du CERI, juin 2000.
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[26]
La perception que les Israéliens avaient de Tsahal a cependant évolué. Le mythe de l’infaillibilité quelle était parvenue à construire avec les victoires de 1967 et 1973 a été fortement remis en cause. Dès 1973, la guerre d’octobre avait contribué à ébranler la confiance quasi absolue dans le génie militaire de l’armée, en particulier de son état-major. Par la suite, la guerre du Liban – surtout les massacres de Sabra et Chatila – a provoqué une érosion de la confiance en l’armée. L’Intifadah a accentué cette prise de distance. L’armée s’est en effet trouvée confinée à des tâches de maintien de l’ordre et engagée dans une guerre d’usure contre la population civile palestinienne. Les militaires et la société n’y étaient pas préparés. Le mythe de la « pureté des armes » (tohar ha-neshek, à savoir l’usage juste et prudent de la force armée) et le prestige de Tsahal ont été fortement atteints. Pour plus d’informations sur cette tendance, voir Cohen S., « Army and Society in Israel : an Evolving Relationship », Peacewatch, Washington Institute for Near East Policy, n° 198, février 1999, et Ben Eliezer U., « L’armée, la société et la nation en armes », Les Cahiers de l’Orient, n° 54, 1999. p. 161-185.
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[27]
Pour lutter contre le terrorisme (arabe et juif), la puissance mandataire britannique avait édicté, en 1945, des Defence Regulations. Ces ordonnances transféraient de larges pouvoirs aux autorités militaires. En 1948, les rédacteurs de la Déclaration d’indépendance de l’État d’Israël ont conservé ce train d’ordonnances, ce qu’entérina la Cour suprême. Les Defence Regulations ont notamment été utilisées depuis 1967 en Cisjordanie et dans la bande de Gaza (elles ne sont pas restées en vigueur sur le territoire d’Israël stricto sensu).
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[28]
À titre d’exemple, Benjamin Ben-Eliezer fut officier commandant en Judée et Samarie entre 1978 et 1981 puis coordinateur du gouvernement pour la gestion des territoires occupés entre 1983 et 1984.
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[29]
Bien que la fonction présidentielle soit largement honorifique, il est significatif qu’entre 1983 et 2000 le chef de l’État ait été un ancien général. De 1983 à 1993, Chaïm Herzog fut Président d’Israël. Sa carrière militaire (de 1948 à 1962) l’avait amené à la tête du renseignement militaire. Son successeur, Ezer Weisman, était également un ancien général (de l’armée de l’air). Moshé Katsav, l’actuel Président, n’est pour sa part pas un ancien officier.
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[30]
In Chartouni-Dubarry M. (dir.), « Armée et nation en Israël : pouvoir civil, pouvoir militaire », op. cit. Pour illustrer ces propos, on peut rappeler qu’il na fallu que quatre ans à Ehud Barak pour obtenir le poste de Premier ministre. En 1995, il quittait l’armée au bout de trente-trois ans de carrière ; en 1999, il parvenait aux plus hautes responsabilités politiques.
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[31]
Parmi les cinq généraux ayant été ministre de la Défense lors de la période étudiée, on trouve en effet des travaillistes comme des membres du Likoud. Les coalitions auxquelles ils ont appartenu, lorsqu’ils étaient au pouvoir, étaient également très diverses. Le recours à des anciens officiers n’a donc pas concerné une formation ou une famille politique israélienne en particulier, qui s’en serait faite en quelque sorte la spécialiste.
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[32]
Concernant ce type de personnages, Jamous parle de « marginaux sécants ». Bien qu’intégrés dans plusieurs réseaux, ils se situent en quelque sorte au-dessus de ces groupes. C’est pourquoi ils sont qualifiés de « marginaux ». Voir Jamous H., Sociologie de la décision, Paris, Éditions du CNRS, 1969. Sabatier les qualifie pour sa part de Policy brokers (« courtiers politiques ») parce qu’ils utilisent leur position d’intermédiaires pour maximiser les gains politiques de tous les acteurs concernés (notamment les leurs) et donc se rendre quasiment indispensables. Voir Sabatier P., Jenkins-Smith H., ed., Policy Change and Learning : An Advocacy Coalition Approach, Boulder, Westview Press, 1993.
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[33]
In Dieckhoff A., « Proche-Orient : le naufrage : “Où va Israël ?” ». Critique internationale, n° 16, juillet 2002.
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[34]
Il trouve essentiellement ses racines dans la réaction de défense des militaires face aux bouleversements politiques fréquents du XIXe siècle. Pour éviter l’éclatement interne de l’institution, tiraillée par des allégeances contradictoires qui risquaient de dresser les militaires les uns contre les autres, la neutralité politique et l’obéissance au pouvoir légal, quel qu’il soit (royal, impérial ou républicain), se sont imposées.
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[35]
Il faut cependant préciser que l’histoire nationale française a été marquée, à de nombreuses reprises, par l’intervention de militaires dans le domaine politique (du général Boulanger à Charles de Gaulle, la liste serait longue). Il faut, en particulier, prendre en compte certains épisodes collectifs (rébellion des généraux lors de la guerre d’Algérie par exemple). De même, en certaines époques, des officiers ont publiquement affirmé une préférence politique ou soutenu un type particulier de régime. Ainsi, au début de la Troisième République, certains généraux se sont notamment déclarés républicains ou monarchistes. De nos jours, des comportements similaires demeurent cependant extrêmement rares. Depuis la fin de la guerre d’Algérie, la neutralité partisane semble notamment s’être imposée avec une force encore plus grande qu’auparavant.