Couverture de LCDM1_016

Article de revue

Avant-propos

Pages 5 à 9

1Notre monde devient moins sûr. S’il offre des opportunités sans précédent grâce à la globalisation, il faut bien admettre que les déséquilibres et les frustrations s’accumulent. À ce paradoxe s’ajoutent la fin de l’ordre stratégique hérité de la Guerre froide et l’ouverture d’une période incertaine, où les désordres l’emportent sur les équilibres.

2Les conflits régionaux et leurs drames humanitaires continuent de menacer, à nos frontières ou plus loin. Notre sécurité extérieure et notre sécurité intérieure sont désormais inéluctablement liées : c’est aussi cela l’interdépendance. Les conflits du Proche-Orient, les crises d’Afghanistan ou d’Irak ne peuvent plus être dissociés des drames qui ont frappé Manhattan ou Madrid.

3C’est pour l’Europe le signe d’une exigence plus forte : celle d’assumer pleinement son rôle d’acteur global. Avec 25 États et quelque 455 millions d’habitants, soit le double de la population des États-Unis, un quart de la production mondiale et 40 % des exportations mondiales de marchandises, il ne peut en aller autrement. L’Europe a le devoir de contribuer à la construction d’un monde plus juste et plus sûr. L’UE est en passe de s’en donner les moyens. Les défis qu’il lui faut affronter ont été identifiés l’année dernière dans sa Stratégie de Sécurité. Sa Politique de sécurité et de défense (PESD) procure désormais un appui décisif à sa politique étrangère, et renforce son rôle global, tant en termes fonctionnels que géographiques. En quelques années, nous sommes passés du discours aux actes, des déclarations aux opérations. L’UE s’affirme aujourd’hui comme un acteur stratégique qui peut s’appuyer sur une volonté politique, des missions, une capacité de décision, des moyens d’action nationaux militaires et non militaires.

4L’Europe de la défense et de la sécurité est une réalité depuis 2003, comme l’annonçait l’objectif fixé par le Conseil européen d’Helsinki en décembre 1999. En 2003, l’UE a en effet lancé sa première opération militaire, Concordia, en ex-République yougoslave de Macédoine, avec recours aux moyens de l’Otan. La même année en Afrique, l’opération Artémis menée en République démocratique du Congo a démontré que l’UE pouvait maintenant monter une opération autonome, de manière rapide et efficace. Grâce aux efforts et aux moyens nationaux mobilises : de l’aveu de tous, Artémis fut un vrai succès. Il y a quelques semaines enfin, l’UE a lancé en Bosnie-Herzégovine sa troisième opération militaire, la première de cette ampleur, avec 7 000 hommes déployés qui contribueront à l’action globale que l’Europe conduit dans les Balkans, dans le même cadre de coopération avec l’Otan que Concordia.

5Les crises régionales, l’effondrement de certains États, les drames humanitaires ne peuvent cependant pas être résolus par les seuls moyens militaires. D’où un effort constant, toujours dans le cadre de la PESD, en faveur du développement des instruments civils de gestion de crise dans les domaines de la Police, de l’État de Droit, de l’Administration civile et de la Protection civile. Des concepts ont ainsi été créés, et des capacités identifiées.

6La toute première opération de l’UE a d’ailleurs été une opération de police, lancée en janvier 2003 en Bosnie-Herzégovine. Plus de 500 policiers européens y sont déployés. Après Proxima en Macédoine, une troisième opération de police a été initiée à Kinshasa. Dans le domaine de l’État de Droit enfin, citons le nouvel engagement en Géorgie avec l’opération Thémis. Ces réalisations reposent elles-mêmes sur la mobilisation et le développement continus de capacités tant civiles que militaires. Tous nos travaux sont guidés par un objectif d’efficacité. C’est le sens de notre nouvel objectif capacitaire, le fameux « headline goal 2010 ». C’est encore le sens de nos ambitions pour l’Agence européenne d’armement : nous avons créé là, récemment, un instrument essentiel au développement de nos capacités de défense et de recherche industrielle et technologique. Ce tour d’horizon ne serait pas complet sans citer la mise en place imminente d’une cellule de planification civilo-militaire. Cet instrument améliorera notre capacité d’action, celle de coordination de nos instruments civils et militaires, celle de planification et de conduite d’opération.

7Enfin, la voie a été ouverte par l’opération Artémis à une coopération plus étroite avec les Nations unies, qui a pour mots d’ordre la rapidité de la réaction et l’efficacité de l’action. Depuis, l’UE a décidé de constituer des groupements tactiques interarmes (ou « Battlegroups ») de 1 500 hommes. Désormais, pour faire faire face à une situation de crise aiguë ou à une demande urgente de la part des Nations unies, l’Europe sera en mesure de déployer simultanément deux groupements tactiques sur une durée maximale de 120 jours. Treize groupements tactiques seront disponibles au total.

8Si l’UE s’affirme ainsi comme un acteur international autonome, elle le fait aussi en assumant davantage de responsabilité et de crédibilité à l’égard de ses partenaires. La PESD contribue à entretenir et renouveler le lien transatlantique. De même qu’elle a su nouer des relations de complémentarité et des arrangements de consultation et de coopération avec l’Otan, qui demeure au cœur de la défense collective sur le continent européen, l’UE est aujourd’hui pour les États-Unis un partenaire mieux identifié, plus fiable, plus capable d’agir, avec lequel il faut compter, y compris dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité. Une plus grande reconnaissance de cette évolution est inévitable.

9On le voit : les enjeux sont de taille, mais le bilan provisoire répond largement aux ambitions. Le chemin ne s’arrête pas là. Pour répondre aux défis du monde nouveau, un nouveau traité constitutionnel a été signé. Il reste à le ratifier. Sa mise en œuvre offrira un cadre institutionnel unique qui renforcera nos efforts, avec en particulier la désignation d’un ministre des Affaires étrangères, la mise en place d’un service diplomatique commun et la mise en place d’une clause de solidarité.

10L’attachement des citoyens européens à de tels progrès est fort. Toutes les enquêtes d’opinion menées dans les différents États membres confirment le souhait d’une Europe plus forte sur la scène internationale. Je forme le vœu que ces aspirations se réalisent. J’y travaille avec conviction.

11L’état du monde nous impose lucidité et pragmatisme. Mais les résultats obtenus en si peu de temps par la Politique étrangère, de sécurité et de défense de l’UE nous incitent à plus de courage et de détermination encore pour les années à venir.


Date de mise en ligne : 20/08/2018

https://doi.org/10.3917/lcdm1.016.0005

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