Notes
-
[1]
D. Rohde, Le grand massacre, Srebrenica – juillet 1995, Paris, Plon, 1998.
-
[2]
J. Sémelin, « Qu’est-ce qu’un crime de masse ? Le cas de l’ex-Yougoslavie », Critique internationale, n° 6, 2000, pp. 143-157.
-
[3]
A. Brossat, « À propos de Srebrenica », in La paix barbare. Essais sur la politique contemporaine, Paris, L’Harmattan, 2000, pp. 117-129.
-
[4]
A. Mac Leod et S. Roussel (dir.), Intérêt national et responsabilités internationales : Six États face au conflit en ex-Yougoslavie (1991-1995), Montréal, Guérin Universitaire, 1996 ; O. Corten et B. Delcourt, (Ex-) Yougoslavie : droit international, politique et idéologies, Bruxelles, Bruylant, 1998.
-
[5]
Au XIXe siècle, des expéditions militaires françaises furent menées au nom de l’humanitaire et justifiées comme telles. Voir notamment la position d’un juriste français, A. Rougier, « La théorie de l’intervention d’humanité », Revue générale de droit international public, 1910, pp. 469-471 ; J.P. Joubert, « Mutations des relations internationales : l’“intervention d’humanité”, nouvelle jeunesse du jus ad bellum ? », in. J.-F. Rioux (dir.), La sécurité humaine. Une nouvelle conception des relations internationales, Paris, L’Harmattan, coll. « Raoul Dandurand », pp. 333-363.
-
[6]
Dossier « L’ingérence humanitaire : vers un nouveau droit international ? », Défense nationale, n° 3, mars 2000.
-
[7]
P. Dauvin, J. Siméant et CAHIER, Le travail humanitaire : les acteurs des ONG, du siège et du terrain, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, p. 16.
-
[8]
E. Favereau, « Le tour des fronts des french doctors », Libération, 16-17 octobre 1999 ; C. Lesnes, F. Nouchi et C. Tréan, « Msf : les défi : d’une génération », Le Monde, 17-18 octobre 1999.
-
[9]
C. Girod et A. Gnaeadinger, La galaxie humanitaire : « le politique, le militaire, l’humanitaire : un difficile mariage à trois », Genève, CICR, 1999.
-
[10]
T. Tardy, « Le concept d’intervention dans les années quatre-vingt-dix », Annuaire Française des Relations Internationales, 2001, vol. 2, Bruxelles, Bruylant, pp. 771-786.
-
[11]
A. Colonomos, « Injustes sanctions : les constructions internationales de la dénonciation des embargos et l’escalade de la vertu », Questions de recherches, n° 1, novembre 2001 ; du même auteur, « Les mutations des sanctions après la guerre froide : Malheurs et espoirs de la punition vertueuse », in P. Hassner et R. Marchal, (dir.), Guerre et Sociétés. États et violence après la guerre froide, Paris, Karthala, 2003.
-
[12]
B. Irondelle, « La réforme des armées en France : genèse d’une décision politique », in P. Vennesson (dir.), Politiques de défense : Institutions, innovations, européanisation, Paris, L’Harmattan, 2000, pp. 209-260.
-
[13]
J.-D. Mouton, « La crise rwandaise de 1994 et les Nations unies », Annuaire français de droit international, 1994, Paris, Éditions du CNRS.
-
[14]
R. Brauman, Humanitaire, le dilemme, Paris, Textuel, 1996.
-
[15]
J.-C. Rufin, « L’OTAN, les humanitaires et la mort », Le Monde, 20 mars 1999.
-
[16]
N. La Balme, Partir en guerre. Décideurs et politiques face à l’opinion publique, coll. « Frontières », Autrement, 2002 ; S. Cohen (dir.), L’opinion, l’humanitaire et la guerre, Paris, FED, 1996.
-
[17]
M.-C. Smouts, « La construction équivoque d’une “opinion” mondiale », Revue Tiers-Monde, vol. 38, n° 151, juillet-septembre 1997, pp. 677-693.
-
[18]
F. Dubuisson et O. Corten, « L’hypothèse d’une règle émergente fondant une intervention militaire sur une autorisation implicite du Conseil de sécurité », RGDIP, 2000, n° 4, pp. 873-910.
-
[19]
J. L. Blondel, « L’humanitaire appartient-il à tout le monde ? », RICR, n° 838, pp. 327-337.
-
[20]
B. Jacquemartin, « Humanitaire : le mot et les concepts en jeu », Humanitaire, n° 1, novembre 2000, pp. 49-63.
-
[21]
A. Cassesse, « Ex iniuria ius oritor : Are We Moving Towards International legitimation of Forcible Humanitarian Countermeasures in the World Community ? », European Journal of International Law, 1999, p. 29 et, de manière plus nuancée, « A Follow up : Forcible Humanitarian Countermeasures and Opinio Necessitatis », EJIL, 1999, pp. 797-798.
-
[22]
J.-C. Rufin, « Les humanitaires et la guerre du Kosovo », Le Débat, n° 106, septembre 1999, pp. 3-26.
-
[23]
G. Nicolas, « De l’usage des victimes dans les stratégies politiques contemporaines », Cultures et Conflits, Paris, L’Harmattan, n° 8, hiver 1992-1993, pp. 147-150.
-
[24]
F. Weissman (dir.), À l’ombre des guerres justes – L’ordre international cannibale et l’action humanitaire, Flammarion, 2003. Reprise de la série des « Populations en danger » de MSF.
-
[25]
Thucydide, La Guerre du Péloponnèse, Paris, Gallimard, 1964, tome 2, p. 120.
-
[26]
M. Ignatieff, « La doctrine militaire américaine, nouvelle version », Esprit, mai 2001, pp. 110-124.
-
[27]
Pour plus de précisions, nous renvoyons à notre article « Le droit de la paix. L’exemple de la justice pénale internationale », Ecorev, n° 12, printemps 2003, pp. 19-27.
-
[28]
F. Osler Hampson et H. Reid, « Coalition Diversity an Normative Legitimacy in Human Security Negotiations », International Negotiation, n° 8, 2003, pp. 7-42.
-
[29]
G. Breton-Legoff, L’influence des Organisations non gouvernementales sur la négociation de quelques instruments internationaux, Bruxelles, Bruylant, 2001.
-
[30]
D. Meyer, « ONG : une catégorie juridique introuvable, une définition utilitaire. Réflexions sur une définition en droit des ONG », Intervention au colloque ONG et action humanitaire : entre militantisme transnational et action publique, La Rochelle, faculté de droit et sciences politiques, 12-13 avril 2001.
-
[31]
J.-P. Cot et A. Pellet (dir.), La Charte des Nations unies – Commentaire article par article, Economica, 2e éd., 1991.
-
[32]
Cette absence de soutien institutionnel des ONG à la création d’une force militaire d’intervention rapide afin d’intervenir contre des violences massives contre des populations a conduit plusieurs membres importants d’organisations humanitaires à soutenir cette proposition à titre individuel. Voir les propositions de réformes de l’Onu contenues dans la « Lettre ouverte à Kofi Annan » initiée par P. Quilès et soutenues par une coalition de personnalités politiques, membres d’associations humanitaires, journalistes… Il faut également rappeler que malgré l’attribution du prix Nobel de la paix à H. Dunant, fondateur du CICR, et à MSF, il n’existe aucune proximité idéologique entre le pacifisme et le mouvement humanitaire. L’action humanitaire accepte même la guerre comme une donnée inévitable des relations internationale, privilégiant la construction des espaces d’humanité au cœur des conflits.
-
[33]
Plusieurs ONG, dont MSF, par le biais d’artifices comptables, essaient dans leurs rapports d’activités, d’abaisser artificiellement le taux de financement public sous la barre symbolique des 50 % : les grandes opérations humanitaires, telles que le Kosovo ou l’Afghanistan, financées essentiellement sur fonds publics, bilatéraux ou multilatéraux, peuvent faire l’objet de bilans comptables séparés des comptes de l’organisation et se voir imputer certains frais généraux.
-
[34]
B. Pouligny, « Acteurs et enjeux d’un processus équivoque : la naissance d’une “internationale civile” », Critique internationale, Paris, n° 3, octobre 2001, pp. 163-176.
-
[35]
F. Hartmann, Milosevic, la diagonale du fou, Paris, Denoël, 1999.
-
[36]
A. Garapon et J. Hubrecht, « La Justice pénale internationale entre la balance et le sablier. Réflexions sur le procès Milosevic », Esprit, août 2002, pp. 33-51.
-
[37]
J.-A. Dérens et C. Samary, Les Conflits yougoslaves de A à Z, Paris, Éditions de l’Atelier, 2000.
-
[38]
« Massacre de Srebrenica : une commission d’enquête néerlandaise critique les Nations unies et les Pays-Bas », Le Monde, 27 janvier 2003.
-
[39]
Pour une analyse plus poussée quant à l’utilité de missions d’information parlementaires et aux différences existant avec les commissions d’enquête parlementaires, voir, entre autres publications, F. Lemaire, « Les missions d’information : une inutilité parlementaire », Droit prospectif – Revue de la recherche juridique, n° 85, 26 décembre 2000, pp. 1515-1530 ; J.-C. Videlin, « La mission d’information parlementaire », Revue française de droit constitutionnel, n° 40, 1999, pp. 699-723 ; J.-P. Duprat, « Le parlement évaluateur », Revue internationale de droit comparé, n° 2, avril-juin 1998, pp. 551-576.
-
[40]
R. André et F. Lamy, « Événements de Srebrenica », Rapport d’information n° 3413, Assemblée nationale.
-
[41]
J.-H. Bradol, « Une commission d’enquête sur Srebrenica ! », Le Monde, 13 juillet 2000.
-
[42]
Sauf contre-indications, les prises de position de MSF ont été explicitées lors de plusieurs entretiens que l’auteur a eus avec plusieurs des salaries de l’ONG.
-
[43]
M. Le Pape, « Le Rwanda au Parlement. Une enquête sur la tragédie rwandaise », Esprit, n° 5, mai 1999, pp. 81-92 ; « La France et le Rwanda. » Supplément du Monde, 17 décembre 1998 ; Dossier « Transparence et secret », Pouvoirs, Paris, Seuil, n° 97, 2001 ; pour une comparaison sur la manière qu’ont eu respectivement les parlements français et belge d’aborder cette question, voir J.-C. Willame, « Le génocide rwandais et la “communauté internationale”. Réflexions sur les commissions parlementaires en Belgique et en France », in O. Lanotte, C. Roosens et C. Clément (dir.), La Belgique et l’Afrique centrale – de 1960 à nos jours, Bruxelles, GRIP – Complexe, 2000, n° 243-245, coll. « les livres du Grip », pp. 259-271.
-
[44]
Communiqué de presse de MSF du 30 janvier 2003.
-
[45]
J.-C. Rufin, Le piège : quand l’humanitaire remplace la guerre, 2e édition, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 1993.
-
[46]
A. Destexhe, L’humanitaire impossible ou deux siècles d’ambiguïté, Paris, Armand Colin, coll. « Le temps du monde », 1993.
-
[47]
R. Brauman, L’action humanitaire, Paris, Flammarion, coll. « Dominos », 2e éd., 2000, pp. 105-106.
-
[48]
Par exemple, Médecins sans Frontières – France a produit la série des Populations en danger, parue d’abord à La Découverte puis aux éditions Flammarion.
-
[49]
F. Bouchet-Saulnier, Dictionnaire pratique de droit humanitaire, Paris, La Découverte, 2000 ; F. Jean, « Le triomphe ambiguë de l’aide humanitaire », Revue Tiers Monde, t. XXXVIII, n° 151, juillet-septembre 1997 ; R. Brauman (entretien avec R.-P. Paringaux), « L’humanitaire n’a pas vocation à être un Père Noël universel », Le Monde, 30 juin 1998.
-
[50]
M. Le Pape et P. Salignon (dir.), Une guerre contre les civils – Réflexions sur les pratiques humanitaires au Congo Brazzaville, Paris, Karthala et MSF, 2001.
-
[51]
Grip et MSF-Belgique, Militaires-Humanitaires à chacun son rôle, Bruxelles, Complexe, 2002.
-
[52]
M. Benchikh, Les organisations internationales et les conflits armés, Paris, L’Harmattan, 2001.
-
[53]
Ph. Biberson et R. Brauman, « Ambiguïté autour de la notion de droit d’ingérence », Le Monde, 23 octobre 1999.
-
[54]
J. Moore (dir.), Des choix difficiles. Les dilemmes moraux de l’humanitaire, Paris, Gallimard, 1999.
-
[55]
M. Bettati, Ph. Biberson, J. Bidegain, J. Mamou, Th. Maurice et, J.C. Rufin, « Qu’est-ce que l’humanitaire ? », Le Monde, 15 mai 1999, p. 15.
-
[56]
R. Brauman, « L’assistance humanitaire. Assistance internationale et politique internationale », in Monique Canto-Sperber (dir.), Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, Paris, PUF, 1996, pp. 96-101.
-
[57]
O. Weber, French doctors, Paris, Robert Laffont, 1995.
-
[58]
C. Laucci, « La France adhère au Protocole I relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux », Revue Générale de Droit International Public, 2001, n° 3, pp. 677-704.
-
[59]
F. Dubuet, « Interventions militaires et protection des populations », Politique internationale, hiver 2001-2002, pp. 650-670.
-
[60]
F. Dubuet, « Kosovo : le piège humanitaire des enclaves », Esprit, novembre 2000, pp. 136-157.
-
[61]
C. Sommaruga, « Le droit international humanitaire au seuil du troisième millénaire : bilan et perspectives », Revue Internationale de la Croix Rouge, Genève, vol. 81, n° 836, 1999, pp. 903-924.
-
[62]
P. Daillier, « La fin des opérations de maintien de la paix des Nations unies », Annuaire Français de Droit International, 1996, Paris, Éditions du CNRS, pp. 62-78.
-
[63]
L. Condorelli, A. M. La Rosa et S. Scherrer (dir.), Les Nations unies et le droit international humanitaire, Paris, Pédone, 1996.
-
[64]
O. Paye, Sauve qui veut ? Le droit international face aux crises humanitaires, Bruxelles, Bruylant, Coll. de droit international, 1996 ; O. Corten et P. Klein, Droit d’ingérence ou obligation de réaction, Bruxelles, Bruylant, Coll. de droit international, 1992.
-
[65]
B. Pouligny, « La “communauté internationale” face aux crimes de masse : les limites d’une communauté d’humanité », Revue Internationale de Politique Comparée, vol. 8, n° 1, printemps 2001, pp. 93-108.
-
[66]
L. Hansen-Löve, « Penser la guerre totale. Lecture des rapports Mazowiecki », Esprit, n° 8-9, 1994, pp. 141-149.
1Louis Aragon, dans un célèbre poème, pleura la mort de Robert Desnos, qui « partit de Compiègne » périr « là-bas où le destin de notre siècle saigne ». Lumineuse à l’époque, la formule, aujourd’hui, se révélerait ambiguë, tant les blessures de notre monde se sont multipliées au cours de ces dernières années. Srebrenica en incarne l’une des plus criantes avec le génocide rwandais. En juillet 1995, cette ville située dans l’Est de la Bosnie-Herzégovine fut le théâtre du pire crime de masse perpétré sur le continent européen depuis le terme de la seconde déflagration mondiale [1] et symbolisa plus largement les politiques de haine mises en œuvre en ex-Yougoslavie durant la dernière décennie du vingtième siècle [2]. Suite à la prise de l’enclave par les milices serbo-bosniaques de Ratko Mladic, de sept à huit mille hommes musulmans bosniaques furent massacrés et quarante mille personnes (pour l’essentiel des femmes, des enfants et des personnes âgées) expulsées vers la Bosnie centrale tenue par les troupes gouvernementales. L’enclave bosniaque était censée être placée « à l’abri de toute attaque armée et de tout acte d’hostilité » selon les termes employés par la résolution 819 du Conseil de sécurité du 16 avril 1993, cette dernière l’instituant « zone de sécurité ». La Forpronu – Force de protection des Nations unies – y sera déployée par la résolution 836 du 4 Juin 1993 recevant le droit d’employer la force afin de dissuader les attaques contre la zone de sécurité. Lors de l’offensive aboutissant à sa chute et aux massacres qui s’en suivirent, les trois cents cinquante hommes du bataillon néerlandais chargés de la mission de protection des populations ne s’en acquittèrent pas. Le supérieur du contingent, le lieutenant-colonel Thomas Karremans, reconnut en janvier 1996 an cours d’une séance du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) qu’il ne s’était pas enquis du sort de la population lors de réunions ultérieures avec Ratko Mladic portant sur l’évacuation de l’enclave des Casques bleus mais également des civils. Cet « oubli » et son comportement durant la tragédie n’eurent aucune conséquence sur sa carrière car il fut promu au rang de colonel…
2Srebrenica apparaît comme un symbole d’acte de violence extrême [3], s’apparentant à d’autres lieux témoins du vingtième siècle comme « âge des extrêmes » à l’image des collines rwandaises, du ghetto de Varsovie ou de la ville martyre de Dresde. L’écho que représente Srebrenica tient pour une part significative à ce qu’elle fut le symbole de la gestion des conflits yougoslaves durant les années quatre-vingt dix dont firent preuve la « communauté internationale » et ses principaux membres [4]. Mais, plus encore, à l’instar des opérations Restore hope en Somalie, Turquoise au Rwanda et Allied Force en Afghanistan, Srebrenica a symbolisé le mélange des genres entre l’humanitaire, le militaire et le politique. Ainsi, la Forpronu s’est déployée sous couvert d’objet humanitaire en mettant en avant la protection des populations civiles pour justifier son opération. La multiplication de ce type d’opérations militaires au cours de ces quinze dernières années a laissé penser que la protection des groupes menacés ou atteints par des crimes de masse serait devenue une préoccupation majeure de la « communauté internationale ». À l’aune des objectifs fixés, les résultats obtenus par ces opérations furent mitigés, la confusion régnant dans les mandats édictés, les stratégies et logiques des acteurs divergeant. La cohabitation grandissante entre les ONG humanitaires et les Forces armées dans des territoires victimes de « crises humanitaires » engendra une confusion des rôles respectifs tenus par les acteurs du « pôle humanitaire » au point que fut annoncée l’alliance du sabre et du stéthoscope. Néanmoins, la pratique de ces opérations n’a pas répondu aux espérances, ces termes s’apparentant aux interventions « d’humanité » [5] tant décriées du XIXe siècle. Face à cela, une clarification des rôles et des responsabilités des acteurs du pôle humanitaire s’avère essentielle pour éviter que la confusion des genres ne se fasse au détriment des populations civiles dont la protection est censée être au cœur des mandats, tout du moins dans les discours [6]. De ce constat, des interrogations virent le jour car développées par les principaux acteurs de l’action humanitaire que ce soient les États, les organisations internationales et les organisations non gouvernementales. Chacun de ces acteurs constitutifs du « pôle humanitaire », seuls ou en collaboration, contribue au remodelage constant de l’humanitaire au travers d’études critiques des pratiques et d’une production doctrinale ; l’humanitaire étant perçu comme « un des principaux prismes au travers desquels les sociétés occidentales appréhendent le reste du monde » [7]. Depuis une quinzaine d’années, l’humanitaire non gouvernemental d’urgence s’est installé au centre des débats sur la guerre et les réponses qui y sont apportées. Ceux que l’on appelle couramment les « urgentiste » – par opposition aux ONG engagées dans une logique d’aide au développement, à plus long terme – ont contribué à transformer l’appréhension de la conflictualité contemporaine. Si la vision de ce que recouvre l’humanitaire est globalement partagée par tous les intervenants, les pratiques varient sensiblement, d’une organisation à l’autre.
3L’évolution quantitative de l’humanitaire est contemporaine de la fin de la bipolarité mais manifeste tout à la fois le constat que la guerre n’a pas disparu avec la fin de l’ordre bipolaire, et l’espoir que la cause des droits de l’homme et de la démocratie fasse reculer certaines pratiques contre l’humanité. Ainsi, l’humanitaire est porteur d’une charge idéologique et morale forte mais n’est pas nouveau dans la panoplie diplomatique. L’argument humanitaire, de plus et plus fréquemment avancé pour justifier les interventions extérieures, a déjà été utilisé dans le passé. Les pratiques observées du temps de la bipolarité se trouvent souvent moins démenties et bouleversées aujourd’hui que redéployées, justifiées sous des formes partiellement nouvelles. Ce sont ces formes qu’il convient d’interroger à travers la vague des interventions humanitaires inaugurée au début des années quatre-vingt dix et le rôle croissant qu’y ont joué les ONG. L’une des premières opérations post Guerre froide fut l’opération Life Sudan (OLS) en 1989. Elle a été suivie de variantes en Angola (1990) et en Éthiopie (1990), et surtout des opérations au Kurdistan irakien (1991) puis en Somalie (1992-1995), en Bosnie (1992) et au Rwanda (1994) qui, bien avant le Kosovo, ont marqué un tournant pour les ONG d’aide humanitaire en associant la délivrance de l’aide à une présence militaire destinée à en assurer la sécurité, mais aussi pour les militaires, en subordonnant la fonction de maintien de la paix à un objectif humanitaire.
4Dans ce travail, nous nous en tiendrons à la contribution à ce débat de Médecins sans Frontières – section France [ci-après MSF, sauf avis contraire] qui, au sein des organisations non gouvernementales à vocation humanitaire, a tenu une position d’avant-garde au point qu’en 1999, le prix Nobel de la Paix a été remis à l’ensemble du « mouvement MSF » dont elle est la cheville ouvrière [8]. Afin de mettre en perspective la démarche de MSF quant aux opérations fondées sur des impératifs humanitaires, nous étudierons tout d’abord l’évolution du rôle pris par l’intervention dans les relations internationales, les implications de cette mutation dans le domaine humanitaire et les réactions concomitantes des ONG à vocation humanitaire, dont ici principalement, celles de MSF. Nous examinerons, en outre, un exemple du travail par cette dernière d’analyse critique des actions militaro-humanitaires, en l’occurrence de la mission d’information parlementaire sur Srebrenica. Notre propos s’inscrira aussi dans une démarche de réflexion plus large, touchant à la justice pénale internationale et à la structuration des relations internationales.
Les opérations « militaro-humanitaires »
5En vue d’expliciter la démarche de MSF quant aux actions militaro-humanitaires, nous nous en tiendrons d’abord à l’étude de la place grandissante prise par l’intervention dans les années quatre-vingt-dix au sein des relations internationales. Cette étude nous amènera par la suite à analyser le rôle tenu par l’humanitaire dans les justifications développées. À la confusion qui s’opère entre les démarches des acteurs impliqués dans ces opérations et qui minorent en définitive selon les ONG la protection des civils, les organisations non gouvernementales à vocation humanitaire ont déployé un travail de fond visant à accroître leur influence au sein du « pôle humanitaire » [9].
Évolution du concept d’intervention
6Les mutations du système international opérées au cours de la décennie quatre-vingt-dix n’ont pas manqué d’avoir des conséquences directes sur le concept d’intervention. Au cours de la Guerre froide tout comme aujourd’hui, ce concept ne répond pas à un cadre définitionnel précis ni ne correspond à une catégorie arrêtée d’actions, que ce soit en droit ou en fait. Perçue comme illégale et comme la traduction d’une politique de puissance au cours de la Guerre froide, l’intervention tend à devenir un instrument « normal » dans l’après-1989 au point d’apparaître comme un objet subissant les évolutions du système autant qu’elle en accentue les tendances, témoignant donc de la façon dont les États (et autres acteurs du jeu international) appréhendent l’idée d’intervention [10]. La définition du succès ou de l’échec est certes loin d’être aisée mais il est indéniable que ce concept d’intervention traverse une crise accentuée par chaque soubresaut international semblant constituer un épisode à la manière des mutations des sanctions [11].
7Ainsi, l’intervention est revenue au centre de la réflexion stratégique et politique des organisations régionales de sécurité telles que l’Otan et l’Union européenne. Lors du sommet de Washington, le 23 et le 24 avril 1999, la fonction principale de l’Otan qui était la défense du territoire de ses membres contre une éventuelle invasion de l’URSS s’est élargie à la gestion de crises dans la zone euro-atlantique. Cette organisation est ainsi devenue officiellement un instrument permanent de gestion des crises trouvant par la même occasion une justification nouvelle à son existence. C’est cette même prétention à devenir un acteur important de la gestion des crises qui anime l’Union européenne. Lors du Conseil européen d’Helsinki, en décembre 1999, ses États membres ont décidé de créer en 2003 une Force de réaction rapide. Cette force devra être capable de déployer dans un délai de soixante jours des forces terrestres d’un volume pouvant aller jusqu’à 60 000 hommes, complétées en cas de besoin par des éléments aériens et navals, et de maintenir ce déploiement sur zone pendant au moins un an. Elle pourra mener toute une gamme d’opérations de gestion de crise dites de Petersberg : missions humanitaires et d’évacuation, missions de maintien de la paix et missions plus lourdes et coercitives de rétablissement de la paix. L’Union européenne pourrait être tentée d’utiliser l’action humanitaire, plus petit dénominateur commun acceptable par l’ensemble des gouvernements et des opinions publiques européennes, pour poser les premières pierres de la défense européenne.
8Sur le plan national, on assiste également dans de nombreux pays à une réorganisation des appareils de défense vers des capacités de projection de troupes à l’étranger dans le cadre d’opérations de gestion de crises. En France, la réforme du système de défense annoncée par le Président Chirac en février 1996 [12] a défini une nouvelle stratégie qui accorde aux forces conventionnelles une plus grande autonomie que par le passé. Ces forces sont en effet libérées de leur mission traditionnelle d’accompagnement de la capacité nucléaire et s’adaptent aux nouveaux besoins d’intervention sur des théâtres extérieurs. Les opérations de gestion de crises constituent aujourd’hui la deuxième fonction stratégique de l’armée française. Ces opérations extérieures sont d’autant plus privilégiées par les États occidentaux que cela s’effectue désormais au détriment des opérations de maintien de la paix conduites sous l’égide des Nations unies. Depuis 1995, après les difficultés rencontrées lors des opérations en Somalie, au Rwanda [13] et en ex-Yougoslavie, on observe une marginalisation croissante de l’Onu dans la gestion des crises et un mouvement de régionalisation du maintien de la paix. Cette dynamique se traduit par un recours accru aux organisations régionales ou à des coalitions ad hoc dirigées par un État, comme l’illustrent notamment la multiplication des interventions de l’Otan dans les Balkans, l’action menée par l’Australie au Timor-Oriental et le déploiement d’une force internationale en Afghanistan. Mais le bel avenir de ces interventions tient également au fait que la capacité de projeter des troupes à l’étranger semble être devenue un des critères de la puissance et de l’influence dans les relations internationales. En France, les opérations extérieures sont devenues un instrument important de la politique étrangère, qui permet tout à la fois de maintenir le rang sur la scène internationale, de justifier le siège de membre permanent au Conseil de sécurité et de jouer un rôle mondial. Le caractère stratégique de ces opérations explique la volonté des autorités françaises d’écarter tout élément qui viendrait affaiblir cet outil, comme en témoignent respectivement l’imposition d’auditions à huis clos pour les officiers français présents sur le terrain par le ministère de la Défense dans le cadre de la Mission d’information parlementaire sur Srebrenica, l’introduction de l’article 124 dans les statuts de la Cour pénale internationale ou la réticence de la France à accepter le témoignage de ses militaires devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Au total, le contexte national et international semble donc très favorable aux missions de gestion de crise, comme le confirme la multiplication de ces opérations depuis 1990. Officiellement, des considérations humanitaires justifient toujours le déclenchement de ces interventions militaires.
La gâchette humanitaire
9Depuis près de dix ans, les interventions militaires sont justifiées pour une large part au nom du droit et de l’ingérence humanitaire, mais obéissent aussi à des intérêts précis : les États ne sont jamais animés par le seul souci d’alléger les souffrances humaines car soucieux de marquer des points sur le plan politico-stratégique. « Aussi démocratique soit-il, un État ne peut se situer sur un plan purement humanitaire, et moins encore lorsqu’il s’agit d’une action sur le territoire d’un autre État » [14]. La plupart des interventions armées menées depuis le début des années 1990 ont en effet été déclenchées sur le mode de la « gâchette humanitaire » [15], c’est-à-dire quand une situation humanitaire suffisamment médiatisée et appuyée sur l’opinion publique [16] est entrée en synergie avec des intérêts stratégiques, politiques ou économiques. On ne manque pas de compter le nombre de situations où des populations civiles sont en danger sans que pour autant il y ait intervention pour régler ces dernières, alors que la « communauté internationale » entend s’appuyer sur une « opinion mondiale » [17] aussi décriée que louée à défaut d’être un concept consistant. La critique du « deux poids, deux mesures » n’est pas loin. L’instrumentalisation de l’humanitaire paraît aujourd’hui consubstantielle de toute action militaire déclenchée par les démocraties occidentales, comme l’illustre parfaitement l’intervention armée des États-Unis contre l’Afghanistan. Le déclenchement de cette opération militaire, le 8 octobre 2001, s’est doublé simultanément de largages « humanitaires », destinés avant tout à oublier qu’elle était puisée dans une doctrine spécifique et à convaincre la population afghane et le monde musulman que la guerre de l’Amérique se limitait à Oussama Ben Laden et aux Talibans, au point que plusieurs ONG ont dénoncé cette instrumentalisation de l’humanitaire et souligné l’inefficacité et la dangerosité des largages de médicaments et de vivres effectués par les États-Unis. Le mélange des genres a abouti en une modalité d’intervention internationale multiforme et évolutive dont la cohérence a été mise à rude épreuve. En filigrane de cette évolution, le principe humanitaire est omniprésent : comme motivation dans l’établissement de l’opération (Somalie), comme justification de la poursuite d’une opération déjà engagée (Bosnie Herzégovine), comme légitimation d’une intervention non revêtue de la légalité requise (Kosovo [18]), comme couverture d’une opération nationale (opération Turquoise). C’est en effet le traitement humanitaire de la Bosnie par la communauté internationale qui a conduit à désarmer les Casques bleus, permettant ainsi la tragédie de Srebrenica. Le terme « humanitaire » est associé soit comme adjectif à de nombreux termes [19] : les expressions « aide humanitaire », « action humanitaire », « assistance humanitaire », « intervention humanitaire » ou « urgence humanitaire, » apparaissent fréquemment dans le langage courant sans forcément recouvrir les mêmes notions, soit comme substantif : l’« humanitaire », la professionnalisation de l’« humanitaire », les « humanitaires » [20]. Cela n’aide pas à une définition précise des actions analysées.
10L’opération Force alliée menée en 1999 par l’Otan contre l’ex-Yougoslavie a également été justifiée par des considérations éthiques et altruistes au point que certains juristes y virent la consécration de l’existence d’un droit d’ingérence humanitaire à l’instar d’Antonio Cassesse, le premier président du Tpiy [21]. Présentée comme une « guerre humanitaire » destinée à protéger la population albanaise des exactions commises par les forces serbes, elle répondait pourtant à des calculs stratégiques précis. La guerre du Kosovo a constitué en réalité une opportunité pour boucler un dossier auquel les États-Unis tenaient particulièrement : la nouvelle légitimation de l’Otan. Un mois avant l’adoption formelle de son nouveau concept stratégique, l’intervention au Kosovo a entériné l’extension des missions de l’Otan et lui a en outre permis de s’affranchir de la tutelle légale des Nations unies. La guerre du Kosovo a également renforcé la présence de cette organisation dans une région décisive sur le plan stratégique. On ne saurait ainsi omettre ce qui fut dit lors de la guerre au Kosovo [22]. Une certaine ambiguïté tenait lieu de politique et reflétait l’évolution des rapports entre acteurs du « pôle humanitaire » en particulier sur les fondements des interventions à l’étranger. Cette simplification « pourrait conduire à une discrimination entre les victimes » [23], il y aurait alors les « bonnes » victimes du côté de la partie « humanitaire » et les « mauvaises » victimes parmi ceux qui s’opposent à une intervention « humanitaire » [24]. Les généraux de l’Otan auraient pu reprendre à leur compte les propos que tenaient leurs homologues athéniens aux dirigeants de l’île de Mélos qu’ils souhaitaient asservir : « Dans le monde des hommes, les arguments de droit n’ont de poids que dans la mesure où les adversaires en présence disposent de moyens équivalents et que, si tel n’est pas le cas, les plus forts tirent tout le parti possible de leur puissance tandis que les plus faibles n’ont qu’à s’incliner. » [25]
La protection des populations aux abonnés absents ?
11Le plus difficile à admettre pour les organisations humanitaires, c’est le grand écart entre d’un côté l’instrumentalisation de l’humanitaire pour justifier le recours à la force et de l’autre l’absence de prise en compte des populations lors du déclenchement et de la conduite de ces opérations militaires. Car si l’ambition humanitaire continue d’être affichée pour légitimer le déploiement de troupes sur des théâtres extérieurs, cette ambition ne résiste pas à l’épreuve des faits. L’opération Force alliée menée par l’Otan au Kosovo avait pour mission de stopper la purification ethnique. « Nous devons agir pour épargner la mort à des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants innocents, victimes d’une catastrophe humanitaire, de la barbarie et de la purification ethnique », lançait ainsi le Premier ministre anglais, Tony Blair, devant la Chambre des Communes, en mars 1999. Pourtant la stratégie militaire utilisée par l’Otan au Kosovo montre que le sort des populations albanaises n’était pas la priorité prédominante. En choisissant de faire primer la sécurité de ses troupes sur celle des populations, l’Otan a en effet partiellement échoué dans sa mission affichée de protection. Comme le souligne Michael Ignatieff, aucune force de frappe aérienne n’est en effet capable de protéger des civils en danger, ni d’empêcher un nettoyage ethnique, à quatre mille mètres d’altitude [26]. Loin de mettre un terme aux crimes de Milosevic, l’Otan a au contraire accéléré la déportation des Kosovars albanais par les forces serbes et n’a rien entrepris pour protéger les populations civiles au Kosovo. Les capitales occidentales avaient pourtant été parfaitement informées par leurs services de renseignement que les bombardements de l’Otan allaient aggraver la situation, notamment en raison du retrait précipité des observateurs de l’OSCE qui créait les conditions de massacres à huis clos. Mais l’apparition des réfugiés à la télévision et l’utilisation de la carte humanitaire par l’Otan ont permis de justifier a posteriori l’opération auprès des opinions publiques. Ce qui fait dire à certains que les responsables politiques et militaires de l’Otan ont facilité le crime pour en justifier la punition. L’opération militaire au Kurdistan semble également avoir été menée au détriment des populations qu’elle prétendait protéger. Plutôt que de détruire les hélicoptères irakiens qui réprimaient la population kurde, la coalition internationale a en effet choisi un soutien humanitaire a minima. Pire, au lieu de permettre aux Kurdes de fuir la persécution irakienne en les laissant se réfugier dans les pays voisins, l’opération Provide Comfort a au contraire cherché à fixer et à contenir cette population. Après le départ des troupes occidentales, les Kurdes se sont ainsi retrouvés dans un face-à-face mortel avec Saddam Hussein. Déclenchée officiellement pour mettre fin aux violations massives des droits de l’homme perpétrés par le régime irakien, Provide Comfort restera en outre totalement passive devant les massacres des Chiites du Sud. La protection physique des populations n’a aux yeux des ONG jamais été véritablement prise en compte lors du déclenchement et pendant la conduite des interventions militaires.
Le rôle prêté aux organisations humanitaires
12En attendant des réformes du Conseil de sécurité et de la Charte des Nations unies auxquelles les ONG humanitaires aspirent, ces dernières revendiquent un rôle d’alerte en cas de violations massives des droits de l’homme. Par leur présence sur le terrain, les membres des organisations humanitaires peuvent en effet être témoins de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou d’actes de génocide. De nombreuses équipes humanitaires ont été placées dans une telle situation lors les conflits en Bosnie, dans les Grands Lacs, au Timor ou en Tchétchénie. Véritable pilier du « sans frontiérisme », le recours à la parole publique quand des populations sont menacées cherche à créer une pression pour accélérer une décision politique de nature à permettre une amélioration rapide des conditions d’assistance et de protection des individus. Au-delà de ce rôle traditionnel d’alerte, les ONG tentent de mettre la question de la protection de groupes humains au centre de la scène politique nationale et internationale. Les ONG ont ainsi apporté ces dernières années une contribution très importante à l’essor de la justice pénale internationale [27]. La création des TPI pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda doit beaucoup aux pressions des ONG relayées par les opinions publiques et les media. En outre, les ONG participent désormais directement à l’élaboration de normes de droit international de protection des individus, comme en témoigne leur présence lors des négociations du traité d’Ottawa sur les mines en 1997 et du traité de Rome sur la Cour pénale internationale en 1998 [28]. Cette participation des ONG ou d’acteurs non étatiques à l’élaboration de règles de droit international [29] a pris de l’ampleur ces dernières années. Elle n’est toutefois pas entièrement nouvelle : le CICR et le Rotary club sont pour beaucoup dans la rédaction de l’article 71 de la Charte des Nations unies qui pose les premières pierres de la reconnaissance internationale des ONG [30]. En revanche, il est fort probable que très peu d’ONG seraient prêtes à s’engager clairement dans une campagne en faveur de la création d’une armée internationale de l’Onu, chargée de protéger les populations en cas de crimes massifs alors que cette possibilité est offerte dans la Charte des Nations unies [31]. Car le recours à la force militaire pour protéger des populations menacées de violations massives des droits de l’homme reste un sujet sensible au sein des organisations humanitaires. La proposition de mise en place au sein des Nations unies d’une telle Force de réaction rapide, pour très ambitieuse qu’elle soit, apparaît néanmoins à certaines ONG comme la seule réponse véritablement efficace pour sortir l’Onu de l’impuissance.
13L’absence d’engagement des ONG en faveur de cette initiative contribue probablement à retarder l’avènement de ce qui, avec la Cour pénale internationale, pourrait constituer l’une des avancées majeures du XXIe siècle. Cette réserve s’explique probablement par l’existence diffuse au sein des ONG de réticences vis-à-vis de l’acteur étatique, réticences que l’on retrouve concernant sa composante militaire, où se mêlent sentiments pacifistes et antimilitaristes [32]. Les réticences des ONG s’expliquent plus largement par le bilan des « opérations militaro-humanitaires » en terme de protection des populations et par une conception réaliste des relations internationales : les organisations humanitaires ne croient pas que le déploiement de troupes à l’étranger puisse être déterminé exclusivement par la prise en compte de la souffrance humaine.
14Seules certaines ONG comme Médecins du Monde (MdM) et MSF parviennent à maintenir un réseau important de financements privés et peuvent ainsi avoir une marge de manœuvre bien plus importante vis-à-vis de l’acteur étatique que les ONG dépendantes en quasi-totalité de fonds publics pour leurs opérations [33]. Certaines ONG ont pourtant appelé à plusieurs reprises à des interventions armées afin de protéger des populations victimes d’exactions. Ainsi MSF a demandé en 1994 une intervention militaire pour mettre fin au génocide au Rwanda et a dénoncé « l’observation humanitaire » de la purification ethnique en Bosnie, en appelant à une réaction plus musclée de la communauté internationale. MdM a également demandé en 1999 une intervention terrestre de l’Otan au Kosovo. Et la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) n’a pas non plus hésité à demander en septembre 1999 l’envoi d’une force militaire internationale pour mettre fin aux violences perpétrées au Timor-Oriental.
15D’autres démarches sont cependant possibles pour mettre en avant la question de la protection des populations. En juillet 2000, dans une tribune du Monde, Médecins Sans Frontières demandait un travail d’investigation parlementaire sur la part des responsabilités politiques et militaires de la France dans la chute de Srebrenica. L’initiative de MSF était présentée par ses concepteurs comme éloignée de tout antimilitarisme, mais visait, par-delà cet aspect spécifique, à en tirer des éléments permettant une amélioration des dispositifs d’intervention. En obligeant des responsables français à venir expliquer devant la représentation nationale pourquoi l’engagement de protection à l’égard de la population de Srebrenica n’avait pas été respecté, MSF a tenté ainsi de faire exister « politiquement » cette question. En cherchant à en faire un objet du contrôle parlementaire, on peut espérer en effet une réévaluation du poids que pèse dans la prise de décision politique la protection d’individus menacés par des violations graves du droit humanitaire. C’est peut-être en ce sens que les ONG contribuent à l’émergence de nouvelles questions de société dans le champ politique et stimulent le renouvellement du débat social. Elles remettraient alors en cause « le politique dans sa substance même : les modalités de la prise de décision, les critères de désignation de l’intérêt public » [34].
16En outre, il semble bien que les habitants de la « zone de sécurité » de Srebrenica aient été sacrifiés sur l’autel des accords de Dayton et que la sécurité du bataillon néerlandais a également primé sur celle de la population bosniaque. Les travaux de la mission d’information parlementaire sur Srebrenica ont montré la difficulté de placer la question de la protection des populations au cœur des mécanismes de contrôle des opérations extérieures. Les conclusions du rapport de la mission permettent également d’évaluer le poids politique que l’Assemblée nationale est prête à accorder à la protection de groupes humains menacés de crimes de masse dans les opérations de gestion de crise…
La mission d’information parlementaire
17Après avoir contextualisé le traitement tant juridique qu’institutionnel appliqué à Srebrenica, nous montrerons la démarche de MSF dans cette mission d’information parlementaire, les caractéristiques de ses interventions générales dans l’espace public.
Les événements de Srebrenica
18Les responsables de ces massacres, c’est-à-dire ceux qui ont directement planifié, incité à commettre, ordonné ou commis les atrocités de juillet 1995 ou qui ont apporté une aide ou encouragé ces actes devront en répondre pénalement. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) créé par les résolutions 808 et 827 du Conseil de sécurité des Nations unies, respectivement le 22 février et 25 mai 1993, « pour juger les personnes présumées responsables de violations du droit humanitaire international commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 », est le cadre judiciaire adéquat à cette fin. À ce jour, un seul responsable des massacres, en l’occurrence le général Kristic, a, le 21 août 2001, été condamné pour génocide à quarante-six ans d’emprisonnement. Slobodan Milosevic [35] devra répondre de ses responsabilités quant à ces événements lors de la seconde phase de son procès [36] devant le TPIY en raison de son inculpation au regard de l’acte d’accusation portant sur les guerres en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. La Cour Internationale de Justice, saisie par le gouvernement de Sarajevo, sera quant à elle appelée prochainement à se prononcer de façon plus large sur la responsabilité de l’ex-Yougoslavie – composée alors de la Serbie et du Monténégro et qualifiée de « troisième Yougoslavie » [37] – dans le génocide perpétré contre les populations non serbes de Bosnie-Herzégovine. Seuls les principaux responsables directs des horreurs de Srebrenica, le général Ratko Mladic et Radovan Karadzic, qui étaient à l’époque des faits, respectivement, commandant de l’armée des Serbes de Bosnie et président de la « République serbe de Bosnie », n’ont toujours pas été appréhendés.
19Le 30 novembre 1998, l’Assemblée générale des Nations unies demanda par le biais de la résolution 53/35 que soit établi un rapport d’évaluation des zones de sécurité et, au premier rang desquelles, Srebrenica. Il fut rendu public le 15 novembre 1999 par la voix de Koffi Annan, secrétaire général des Nations unies. Ayant été secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix durant la plus grande partie de la période considérée, il s’est affirmé parfaitement conscient de l’échec rencontré par l’Organisation dans l’application du mandat reconnaissant que « l’histoire de l’Onu à Srebrenica est une suite d’échecs due à des demi-mesures ». Ce rapport précis constitue un réquisitoire accablant au regard de la responsabilité onusienne. Y sont effectivement égrenés : « Évaluation erronée des objectifs serbes… principe inadapté d’impartialité… incapacité de voir dans la Bosnie une cause morale… Souci d’apaisement des Serbes en refusant les frappes aériennes… absence de volonté politique des gouvernements… ». De même est mise en lumière l’inadaptation de la réponse onusienne par « l’embargo sur les armes, avec aide humanitaire et déploiement de Casques bleus », là où il aurait fallu répondre par une « action militaire décisive » à la guerre en Bosnie-Herzégovine. Le secrétaire général va jusqu’à admettre qu’il aurait fallu lever l’embargo sur les armes pour les Bosniaques et user de frappes aériennes contre les nationalistes serbes. Il conclut que « la communauté internationale a tenté de mettre fin aux conflits en négociant avec un régime assassin et sans scrupule […] pour finalement être obligé d’avoir recours à la force pour y mettre fin ». Ce rapport s’intègre dans une autocritique salutaire de la « maison de verre », s’ajoutant à celui ayant été produit consécutivement au génocide rwandais.
20À ces occasions, la politique onusienne ne brilla guère par sa clarté et son efficacité. La sécurité des membres des forces « de la paix » ayant primé sur celles des populations civiles… Les rapports ne manquèrent pas d’enclencher, dont nous verrons les produits par la suite, un processus de réflexion prometteur quant aux modalités d’intervention dans les opérations de maintien de la paix, que cela soit par le biais des Casques bleus sous couvert de l’Onu ou par celui des organisations régionales et/ou pays, que ceux-ci aient reçu ou non mandat de la part de l’Onu. Toutefois, le rapport ne précisait pas les responsabilités spécifiques des États membres et invitait ces derniers à mener des enquêtes approfondies nécessaires à ce propos. Les Pays-Bas qui avaient fourni le bataillon de Casques bleus à Srebrenica durant les derniers mois de la zone de sécurité s’étaient attelés à la tâche dés l’automne 1995 avec un compte rendu effectué au Parlement des activités du bataillon. Les autorités avaient par la suite commandé en octobre 1996 un rapport aux historiens de l’Institut néerlandais de documentation sur la guerre. Rendu au printemps 2002, ses travaux furent en partie responsables – au regard de ses conclusions critiques – de la démission du gouvernement de Wim Kok, au pouvoir déjà lors de la chute de Srebrenica, sans compter celle du commandant en chef de l’armée de Terre, le général Ad Van Baal. De même, une commission d’enquête parlementaire a rendu public, le lundi 27 Janvier 2003, un rapport visant à établir les responsabilités politiques néerlandaises dans les événements de Srebrenica [38].
MSF comme interlocuteur critique de la Mission d’information parlementaire
21Bien que des travaux parlementaires aient été menés sur l’intervention des troupes françaises au Kosovo en 1999 ou surtout au Rwanda en 1994, il n’en fut rien jusqu’en 2001 concernant la tragédie de Srebrenica, alors même que la France disposait d’un dispositif militaire conséquent en Bosnie-Herzégovine et que ses officiers constituaient pour une grande part la moelle épinière de la structure de la Forpronu. En vue « d’établir la chaîne et la hiérarchie des responsabilités dans la tragédie de Srebrenica » et plus largement « d’examiner la pertinence des choix effectués par la France dans la conduite de sa politique étrangère », une mission d’information parlementaire [39] fut alors créée conjointement par la Commission des Affaires étrangères et celle de la Défense nationale et des Forces armées le 23 novembre 2000. Ses travaux se déroulèrent de décembre 2000 à juin 2001 et leur publication, reportée à plusieurs reprises, jusqu’au rapport final le 22 novembre suivant [40]. Loin d’être le fruit d’un engouement des responsables politiques, cette mission d’information parlementaire ne dut pour une grande part son existence qu’à l’opiniâtreté persévérante de MSF. Le 13 juillet 2000, cinq ans après les faits, cette ONG a demandé dans une tribune du Monde [41] et lors d’une conférence de presse, la création d’une commission d’enquête parlementaire. Cette dernière devait être chargée d’établir la part des responsabilités politiques et militaires de la France qui ont conduit à la paralysie des Nations unies et de l’Otan face à l’attaque bosno-serbe contre Srebrenica. Entrée en 1993, en même temps que le général Philippe Morillon, commandant de la Forpronu d’octobre 1992 à juillet 1993, action qui amena à la création de la « zone de sécurité », elle fut la seule ONG présente depuis deux ans à Srebrenica quand survint l’offensive serbe. La volonté de mettre en place cette mission d’information parlementaire s’est faite au nom des membres du personnel local de MSF ainsi que des personnes dont celles-ci s’occupaient, tués ou portés disparus, à l’image de ce qui fut fait en 1998 dans le cadre d’un collectif lors de la mission d’information parlementaire sur le Rwanda.
22En raison du rôle tenu par la France en Bosnie-Herzégovine – membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, membre du « groupe de contact » et principal contributeur de troupes de Casques bleus –, mais également au regard de la place de la projection de troupes à l’étranger dans la doctrine stratégique française, MSF a posé la question de la protection des populations civiles durant les opérations « militaro-humanitaires » en prenant le cas de l’État français, de la même manière qu’elle le fit dans ses campagnes face aux firmes pharmaceutiques à propos des traitements anti-rétroviraux contre le sida et de l’accès aux médicaments essentiels. Une intervention de ce type dans l’espace public constitue la tentative d’un acteur non étatique, en l’occurrence ici une ONG à vocation humanitaire, d’influencer la politique étrangère d’un État, ici la France, en la soumettant à un faisceau de critiques. Les dirigeants de MSF avaient comme objectif pour leur organisation que celle-ci constitue à la fois un acteur de terrain mais également un interlocuteur puissant des structures étatiques ou des organisations internationales.
23Partant du constat que le déploiement des opérations de maintien de la paix constitue l’un des outils à la disposition de la communauté internationale pour s’opposer à des politiques criminelles contre des populations (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide), les gens de MSF se sont activés à « évaluer le niveau de protection que peuvent offrir ou non ces opérations de façon à positionner au mieux [leurs] actions de terrain » [42]. Cela passa au niveau national entre autres par leur insertion dans le collectif d’associations qui demanda et obtint la mission d’information parlementaire sur le Rwanda en 1998 [43], ainsi que par leur implication dans la démarche qui se concrétisa avec la mission d’information parlementaire sur Srebrenica. Contrairement à MSF Pays-Bas qui ne fut pas à l’origine du travail effectué par les historiens de l’Institut néerlandais de documentation où elle fut auditionnée. Par ailleurs, devant les ONG intéressées initialement par le projet de MSF, celle-ci préféra insister sur la nécessité de la mission d’information plutôt qu’influencer les modalités d’intervention militaire. Elle préféra, pour répondre à la stratégie choisie, garder l’entière autonomie propre à ce domaine et fut donc la seule ONG à s’impliquer dans ce dossier, ne manquant pas de faire la part des choses, notamment quand elle insista pour indiquer que cette MIP « n’était pas non plus la première étape vers un jugement des responsables politiques et militaires français pour complicité de crimes contre l’humanité », car l’essentiel est de « mettre en lumière les responsabilités politiques et militaires.
24Le Tribunal pénal international de La Haye est quant à lui, charge d’établir les responsabilités pénales des planificateurs et des exécuteurs de la purification ethnique et de les sanctionner. » Au cours des auditions, MSF apporta notamment le témoignage, le vendredi 30 mars, de Christina Schmitz et Daniel O’brien, membres de l’équipe de MSF présente à Srebrenica, lors de la chute de la zone de sécurité des Nations unies, ainsi que le jeudi 17 mai de celui de M. Pierre Salignon, responsable à ce moment-là des opérations de MSF dans les Balkans. Elle diffusa sur son site Internet les comptes rendus des auditions, les éléments dont elle entendait voir la mission s’emparer. La quête des responsabilités relatives aux massacres de Srebrenica se poursuit pour l’organisation qui effectue des démarches aux États-Unis et au Royaume-Uni, États ayant joué un rôle majeur dans la gestion diplomatique et militaire du conflit bosniaque, afin que ces derniers se livrent à un travail de transparence. Et cela, avec toujours « l’objectif d’améliorer la protection des populations et d’éviter de déployer des militaires avec un seul mandat humanitaire, les rendant incapables de s’opposer à des politiques criminelles contre des populations civiles » [44].
La démarche critique de MSF
25Rony Brauman, président de MSF de 1982 à 1994 et symbole à ce titre d’une pensée et d’une éthique MSF, s’efforça, pour sa part, de conceptualiser une vision exigeante, et se voulant sans concessions, de l’humanitaire. À l’image de ce dernier, les membres de MSF, anciens comme actuels, ont produit une littérature critique face aux évolutions rapides que connaît l’humanitaire depuis une vingtaine d’années et aux secousses que provoquèrent les crises successives. On le perçut avec les analyses développées par Jean-Christophe Rufin quant à l’influence de l’action humanitaire sur le cours des conflits [45], par Alain Destexhe sur ses limites dans une société internationale en quête de nouvelles régulations après la fin de la Guerre froide [46]. L’humanitaire doit « se donner les moyens de l’indépendance pour résister à l’humanitaire mécanisé, casser la langue de bois du misérabilisme victimaire », car « s’il n’est pas une politique et s’il doit se tenir à l’écart des manœuvres politiques, il ne peut pas pour autant se prétendre apolitique » [47].
26Un travail de fond au niveau de la doctrine est effectué par les services de MSF [48] au travers de la Fondation MSF, que cela soit seul [49] ou en coopération avec des centres de recherche (notamment concernant le Congo-Brazzaville [50]) comme le fait sa section belge [51]. Elle déploie son expertise dans l’espace public à l’image du colloque « La tragédie de Srebrenica. Quelles responsabilités ? Quels enseignements ? » co-organisé le 15 décembre 2001, peu après la parution du rapport de la mission d’information parlementaire, avec le concours du Centre de droit international de l’université Paris X – Nanterre, la Ligue des Droits de l’Homme ainsi que de la Fédération des Ligues des Droits de l’Homme. Son travail a permis d’amorcer la question de l’efficacité, question centrale des politiques de défense. Son analyse des auditions effectuées par la mission d’information parlementaire au travers de l’argumentation, ses lacunes et contradictions, est assez significative à ce niveau. En effet, la question de l’efficacité des armées est rarement posée comme telle, bien qu’elle soit pourtant à l’arrière-plan de tous les aspects de défense. Aussi ne saurait-on faire l’impasse sur cette question alors même qu’elle a constitué et constitue encore un élément sur lequel les discussions achoppent régulièrement. Les mutations des conflits armés vont de pair avec la façon dont les États, les organisations internationales [52] ou d’autres acteurs les analysent.
27Les membres de MSF se targuent de faire preuve de réflexion constante et de travail de clarification quant à leur activité et à leur environnement dans lequel ils évoluent. Leur réaction à l’attribution du prix de Nobel de la Paix à Médecins sans Frontières, le 15 octobre 1999, est assez révélatrice à cet égard. La satisfaction du travail accompli laissa le plus souvent place à un regard critique vis-à-vis de cette attribution et plus largement au discours convenu quant à l’humanitaire et en particulier au droit d’ingérence, expression collée régulièrement quand il est question des ONG à vocation humanitaire.
28Les représentants de MSF tels que Philippe Biberson et Rony Brauman, présidents de MSF respectivement de 1982 à 1992 et de 1992 à 2000, ont profité de cette espace médiatique pour effectuer une mise au point [53] alors même que d’aucuns réaffirmaient l’existence d’une crise de l’humanitaire, confronté à des interrogations quant à son existence et à ses modalités d’application [54]. Intervention médiatique qui n’est pas sans poser des questions quant à l’élaboration de cette dernière. Dans ce texte, ils réitèrent leur refus de se présenter comme porte-étendard d’un « droit d’ingérence » et n’entendent pas que la célébration de ce prix Nobel annihile la culture « msfienne », pétrie d’esprit critique constamment en éveil. Ils estiment nécessaire une clarification entre « d’un côté, l’action humanitaire indépendante, et de l’autre, l’intervention politique et militaire de grandes puissances ou de coalitions internationales dans des situations de crimes et de terreurs de masse », ces deux activités nécessaires devant être déployées de manière indépendante et non pas confondues. Ils espèrent que ce prix Nobel serve à la réflexion pour enlever l’« illusion lyrique » entourant la question humanitaire qui « a enivré et endormi tant d’intelligences durant ce siècle » et pour savoir ce qu’est l’humanitaire, en particulier civil, au moment même où l’action humanitaire traverse une période critique, et cela contrairement à des prix Nobel décernés à certaines organisations ayant eu également à voir avec les réfugiés ou l’action humanitaire. Cette réaction fait suite à celle de la majeure partie des ONG humanitaires françaises lors la guerre du Kosovo [55]. Elle est le texte clé pour comprendre l’action entreprise par Msf par la suite. Ils en appellent à une mutation des règles en vigueur dans le pôle humanitaire afin de « poser les bases d’un droit d’intervention qui ne soit pas un instrument soumis à l’arbitraire des grandes puissances ou des pouvoirs régionaux, mais une force de paix, capable de sanctionner des dictatures, de s’opposer aux tueries et de soutenir les démocraties ».
29Ainsi, l’analyse des relations entre les protagonistes du pôle humanitaire ainsi que du droit international humanitaire [56] est une priorité pour la structure recherche de MSF, la Fondation MSF, surtout depuis le déclenchement des guerres en ex-Yougoslavie [57]. Françoise Bouchet-Saulnier et Fabien Dubuet, piliers de cette Fondation MSF, ne manquèrent pas de produire nombre d’ouvrages et de faire du lobbying auprès des instances tant militaires que politiques. Concernant F. Bouchet-Saulnier, on peut ainsi noter une audition par la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale précédant l’adhésion de la France au Protocole additionnel I (un des piliers du droit international humanitaire) [58], une intervention à une journée d’études du Centre de recherches des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan intitulée « Le droit international humanitaire et les Forces armées ». De même, pour Fabien Dubuet, il s’est agi de participer à des rencontres civils-militaires dans le cadre de conférences de l’École Navale, du Service santé des armées ou de l’armée de l’Air ainsi que de produire certains articles consacrés aux « opérations militaro-humanitaires » [59] ou sur la situation actuelle au Kosovo [60].
30Ils partagent ainsi la prétention d’autres personnalités du « pôle humanitaire » de refondre le DIH, comme le fait l’ancien président de la CICR, Cornélio Sommaruga [61]. Ils ont adopté une distance critique vis-à-vis du droit/devoir d’ingérence, lui préférant le DIH. Cette orientation semble pertinente en raison des nouveaux contextes de déploiement de l’aide humanitaire tendant à renouveler tant le sens de l’humanitaire que son utilisation concrète. Est escompté et souhaité un passage progressif du DIH, d’un droit des seuls États à un droit que s’approprieraient les individus et les organisations, dans lesquelles ils peuvent se regrouper, afin de l’utiliser comme outil de l’action humanitaire au quotidien sur le terrain, puisque sa finalité première doit être le sort des victimes.
31La structure de MSF – France a indiqué placer constamment son travail de production doctrinale sur les opérations « militaro-humanitaires » en accord avec les différentes commissions onusiennes mise sur pied quant à ce sujet. La production du rapport de l’Onu relativement à la chute de Srebrenica amena plus largement à une remise en cause des modalités des opérations de maintien de la paix [62]. À l’occasion de l’Assemblée du Millénaire, le secrétaire général, M. Koffi Annan, a demandé à un groupe d’experts la rédaction d’un rapport au sujet ambitieux : « Étude d’ensemble de toute la question des opérations de maintien de la paix sous tous leurs aspects », appelé le « rapport Brahimi » du nom de son rapporteur de Lakhdar Brahimi, ancien ministre algérien des Affaires étrangères. Composé de diplomates ayant tous participé, à des degrés divers, aux opérations de maintien de la paix dans la dernière décennie, le groupe d’experts a rendu son rapport public à la fin du mois d’août 2000, quelques jours avant l’ouverture de la session de l’Assemblée générale. Partant du constat de l’échec de l’Organisation dans le domaine du maintien de la paix, le rapport Brahimi a préconisé d’importantes réformes, à tous les niveaux des Nations unies.
32Par la suite, le Secrétaire général a rendu au Conseil de sécurité le 20 avril 2001 un rapport intitulé « Pas de sortie sans stratégie ». Il est consacré à la fin des opérations de maintien de la paix, c’est-à-dire le retrait d’une mission, que son mandat soit accompli, ou qu’il apparaisse clairement qu’il ne le sera jamais [63]. En filigrane, c’est du critère du succès ou de l’échec d’une opération de maintien de la paix qu’il s’agit, et du partage des responsabilités dans ce domaine entre l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. De même, les experts onusiens se sont attelés au renforcement du « droit d’ingérence » [64] et du devoir d’intervention humanitaire de la communauté internationale [65] lorsque des populations civiles sont gravement menacées. Les Nations unies ne se défaussèrent pas et assumèrent leurs responsabilités ayant conscience qu’en l’absence de réaction significative, elles auraient été reléguées à ce qu’était devenue leur devancière, la Société des Nations, une coquille vide. MSF se positionne dans le sillage de cette réflexion. Elle effectue un travail de longue haleine de lobbying au niveau des instances internationales, notamment par le biais des liens tissés avec International Crisis Group fondé par l’ancien superviseur de MSF-International, Alain Destexhe. Ce dernier en intégrant le sénat belge en 1995 n’a pas omis de garder une attention particulière sur les situations humanitaires et la justice pénale internationale, et est devenu un partisan des lois de compétence universelle en vigueur en Belgique.
Conclusion
33Tadeusz Mazowiecki, rapporteur spécial pour l’ex-Yougoslavie au sein de la commission des droits de l’homme des Nations unies [66] et qui avait préconisé l’établissement d’une « zone de sécurité », donna, à la suite de la tragédie, sa lettre de démission, exemplaire à maints égards et en particulier révélatrice de l’exigence morale qui caractérisait sa personne. Il y mit en exergue l’impuissance dans laquelle s’était enfoncée la « communauté internationale » et en premier lieu l’organisation censée l’incarner, les Nations unies, incapable – à moins que ce soient ses membres – de faire preuve de volonté politique, et de se doter des moyens nécessaires à l’accomplissement des fins qu’elle s’est données : « … On ne peut pas parler de manière crédible de la protection des Droits de l’homme lorsque l’on est confronté à l’inconséquence et à l’absence de courage dont ont fait preuve la communauté internationale et ses dirigeants… ce sont la stabilité même de l’ordre international et le principe de civilisation qui sont en jeu sur la question de la Bosnie. Des crimes ont été commis avec rapidité et brutalité et la réaction de la communauté internationale a été, elle, au contraire, lente et sans efficacité ». Escomptons que le travail de clarification des missions des acteurs du pôle humanitaire s’effectue pour que la critique du « deux poids, deux mesures » perde un peu de ses raisons d’être.
Notes
-
[1]
D. Rohde, Le grand massacre, Srebrenica – juillet 1995, Paris, Plon, 1998.
-
[2]
J. Sémelin, « Qu’est-ce qu’un crime de masse ? Le cas de l’ex-Yougoslavie », Critique internationale, n° 6, 2000, pp. 143-157.
-
[3]
A. Brossat, « À propos de Srebrenica », in La paix barbare. Essais sur la politique contemporaine, Paris, L’Harmattan, 2000, pp. 117-129.
-
[4]
A. Mac Leod et S. Roussel (dir.), Intérêt national et responsabilités internationales : Six États face au conflit en ex-Yougoslavie (1991-1995), Montréal, Guérin Universitaire, 1996 ; O. Corten et B. Delcourt, (Ex-) Yougoslavie : droit international, politique et idéologies, Bruxelles, Bruylant, 1998.
-
[5]
Au XIXe siècle, des expéditions militaires françaises furent menées au nom de l’humanitaire et justifiées comme telles. Voir notamment la position d’un juriste français, A. Rougier, « La théorie de l’intervention d’humanité », Revue générale de droit international public, 1910, pp. 469-471 ; J.P. Joubert, « Mutations des relations internationales : l’“intervention d’humanité”, nouvelle jeunesse du jus ad bellum ? », in. J.-F. Rioux (dir.), La sécurité humaine. Une nouvelle conception des relations internationales, Paris, L’Harmattan, coll. « Raoul Dandurand », pp. 333-363.
-
[6]
Dossier « L’ingérence humanitaire : vers un nouveau droit international ? », Défense nationale, n° 3, mars 2000.
-
[7]
P. Dauvin, J. Siméant et CAHIER, Le travail humanitaire : les acteurs des ONG, du siège et du terrain, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, p. 16.
-
[8]
E. Favereau, « Le tour des fronts des french doctors », Libération, 16-17 octobre 1999 ; C. Lesnes, F. Nouchi et C. Tréan, « Msf : les défi : d’une génération », Le Monde, 17-18 octobre 1999.
-
[9]
C. Girod et A. Gnaeadinger, La galaxie humanitaire : « le politique, le militaire, l’humanitaire : un difficile mariage à trois », Genève, CICR, 1999.
-
[10]
T. Tardy, « Le concept d’intervention dans les années quatre-vingt-dix », Annuaire Française des Relations Internationales, 2001, vol. 2, Bruxelles, Bruylant, pp. 771-786.
-
[11]
A. Colonomos, « Injustes sanctions : les constructions internationales de la dénonciation des embargos et l’escalade de la vertu », Questions de recherches, n° 1, novembre 2001 ; du même auteur, « Les mutations des sanctions après la guerre froide : Malheurs et espoirs de la punition vertueuse », in P. Hassner et R. Marchal, (dir.), Guerre et Sociétés. États et violence après la guerre froide, Paris, Karthala, 2003.
-
[12]
B. Irondelle, « La réforme des armées en France : genèse d’une décision politique », in P. Vennesson (dir.), Politiques de défense : Institutions, innovations, européanisation, Paris, L’Harmattan, 2000, pp. 209-260.
-
[13]
J.-D. Mouton, « La crise rwandaise de 1994 et les Nations unies », Annuaire français de droit international, 1994, Paris, Éditions du CNRS.
-
[14]
R. Brauman, Humanitaire, le dilemme, Paris, Textuel, 1996.
-
[15]
J.-C. Rufin, « L’OTAN, les humanitaires et la mort », Le Monde, 20 mars 1999.
-
[16]
N. La Balme, Partir en guerre. Décideurs et politiques face à l’opinion publique, coll. « Frontières », Autrement, 2002 ; S. Cohen (dir.), L’opinion, l’humanitaire et la guerre, Paris, FED, 1996.
-
[17]
M.-C. Smouts, « La construction équivoque d’une “opinion” mondiale », Revue Tiers-Monde, vol. 38, n° 151, juillet-septembre 1997, pp. 677-693.
-
[18]
F. Dubuisson et O. Corten, « L’hypothèse d’une règle émergente fondant une intervention militaire sur une autorisation implicite du Conseil de sécurité », RGDIP, 2000, n° 4, pp. 873-910.
-
[19]
J. L. Blondel, « L’humanitaire appartient-il à tout le monde ? », RICR, n° 838, pp. 327-337.
-
[20]
B. Jacquemartin, « Humanitaire : le mot et les concepts en jeu », Humanitaire, n° 1, novembre 2000, pp. 49-63.
-
[21]
A. Cassesse, « Ex iniuria ius oritor : Are We Moving Towards International legitimation of Forcible Humanitarian Countermeasures in the World Community ? », European Journal of International Law, 1999, p. 29 et, de manière plus nuancée, « A Follow up : Forcible Humanitarian Countermeasures and Opinio Necessitatis », EJIL, 1999, pp. 797-798.
-
[22]
J.-C. Rufin, « Les humanitaires et la guerre du Kosovo », Le Débat, n° 106, septembre 1999, pp. 3-26.
-
[23]
G. Nicolas, « De l’usage des victimes dans les stratégies politiques contemporaines », Cultures et Conflits, Paris, L’Harmattan, n° 8, hiver 1992-1993, pp. 147-150.
-
[24]
F. Weissman (dir.), À l’ombre des guerres justes – L’ordre international cannibale et l’action humanitaire, Flammarion, 2003. Reprise de la série des « Populations en danger » de MSF.
-
[25]
Thucydide, La Guerre du Péloponnèse, Paris, Gallimard, 1964, tome 2, p. 120.
-
[26]
M. Ignatieff, « La doctrine militaire américaine, nouvelle version », Esprit, mai 2001, pp. 110-124.
-
[27]
Pour plus de précisions, nous renvoyons à notre article « Le droit de la paix. L’exemple de la justice pénale internationale », Ecorev, n° 12, printemps 2003, pp. 19-27.
-
[28]
F. Osler Hampson et H. Reid, « Coalition Diversity an Normative Legitimacy in Human Security Negotiations », International Negotiation, n° 8, 2003, pp. 7-42.
-
[29]
G. Breton-Legoff, L’influence des Organisations non gouvernementales sur la négociation de quelques instruments internationaux, Bruxelles, Bruylant, 2001.
-
[30]
D. Meyer, « ONG : une catégorie juridique introuvable, une définition utilitaire. Réflexions sur une définition en droit des ONG », Intervention au colloque ONG et action humanitaire : entre militantisme transnational et action publique, La Rochelle, faculté de droit et sciences politiques, 12-13 avril 2001.
-
[31]
J.-P. Cot et A. Pellet (dir.), La Charte des Nations unies – Commentaire article par article, Economica, 2e éd., 1991.
-
[32]
Cette absence de soutien institutionnel des ONG à la création d’une force militaire d’intervention rapide afin d’intervenir contre des violences massives contre des populations a conduit plusieurs membres importants d’organisations humanitaires à soutenir cette proposition à titre individuel. Voir les propositions de réformes de l’Onu contenues dans la « Lettre ouverte à Kofi Annan » initiée par P. Quilès et soutenues par une coalition de personnalités politiques, membres d’associations humanitaires, journalistes… Il faut également rappeler que malgré l’attribution du prix Nobel de la paix à H. Dunant, fondateur du CICR, et à MSF, il n’existe aucune proximité idéologique entre le pacifisme et le mouvement humanitaire. L’action humanitaire accepte même la guerre comme une donnée inévitable des relations internationale, privilégiant la construction des espaces d’humanité au cœur des conflits.
-
[33]
Plusieurs ONG, dont MSF, par le biais d’artifices comptables, essaient dans leurs rapports d’activités, d’abaisser artificiellement le taux de financement public sous la barre symbolique des 50 % : les grandes opérations humanitaires, telles que le Kosovo ou l’Afghanistan, financées essentiellement sur fonds publics, bilatéraux ou multilatéraux, peuvent faire l’objet de bilans comptables séparés des comptes de l’organisation et se voir imputer certains frais généraux.
-
[34]
B. Pouligny, « Acteurs et enjeux d’un processus équivoque : la naissance d’une “internationale civile” », Critique internationale, Paris, n° 3, octobre 2001, pp. 163-176.
-
[35]
F. Hartmann, Milosevic, la diagonale du fou, Paris, Denoël, 1999.
-
[36]
A. Garapon et J. Hubrecht, « La Justice pénale internationale entre la balance et le sablier. Réflexions sur le procès Milosevic », Esprit, août 2002, pp. 33-51.
-
[37]
J.-A. Dérens et C. Samary, Les Conflits yougoslaves de A à Z, Paris, Éditions de l’Atelier, 2000.
-
[38]
« Massacre de Srebrenica : une commission d’enquête néerlandaise critique les Nations unies et les Pays-Bas », Le Monde, 27 janvier 2003.
-
[39]
Pour une analyse plus poussée quant à l’utilité de missions d’information parlementaires et aux différences existant avec les commissions d’enquête parlementaires, voir, entre autres publications, F. Lemaire, « Les missions d’information : une inutilité parlementaire », Droit prospectif – Revue de la recherche juridique, n° 85, 26 décembre 2000, pp. 1515-1530 ; J.-C. Videlin, « La mission d’information parlementaire », Revue française de droit constitutionnel, n° 40, 1999, pp. 699-723 ; J.-P. Duprat, « Le parlement évaluateur », Revue internationale de droit comparé, n° 2, avril-juin 1998, pp. 551-576.
-
[40]
R. André et F. Lamy, « Événements de Srebrenica », Rapport d’information n° 3413, Assemblée nationale.
-
[41]
J.-H. Bradol, « Une commission d’enquête sur Srebrenica ! », Le Monde, 13 juillet 2000.
-
[42]
Sauf contre-indications, les prises de position de MSF ont été explicitées lors de plusieurs entretiens que l’auteur a eus avec plusieurs des salaries de l’ONG.
-
[43]
M. Le Pape, « Le Rwanda au Parlement. Une enquête sur la tragédie rwandaise », Esprit, n° 5, mai 1999, pp. 81-92 ; « La France et le Rwanda. » Supplément du Monde, 17 décembre 1998 ; Dossier « Transparence et secret », Pouvoirs, Paris, Seuil, n° 97, 2001 ; pour une comparaison sur la manière qu’ont eu respectivement les parlements français et belge d’aborder cette question, voir J.-C. Willame, « Le génocide rwandais et la “communauté internationale”. Réflexions sur les commissions parlementaires en Belgique et en France », in O. Lanotte, C. Roosens et C. Clément (dir.), La Belgique et l’Afrique centrale – de 1960 à nos jours, Bruxelles, GRIP – Complexe, 2000, n° 243-245, coll. « les livres du Grip », pp. 259-271.
-
[44]
Communiqué de presse de MSF du 30 janvier 2003.
-
[45]
J.-C. Rufin, Le piège : quand l’humanitaire remplace la guerre, 2e édition, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 1993.
-
[46]
A. Destexhe, L’humanitaire impossible ou deux siècles d’ambiguïté, Paris, Armand Colin, coll. « Le temps du monde », 1993.
-
[47]
R. Brauman, L’action humanitaire, Paris, Flammarion, coll. « Dominos », 2e éd., 2000, pp. 105-106.
-
[48]
Par exemple, Médecins sans Frontières – France a produit la série des Populations en danger, parue d’abord à La Découverte puis aux éditions Flammarion.
-
[49]
F. Bouchet-Saulnier, Dictionnaire pratique de droit humanitaire, Paris, La Découverte, 2000 ; F. Jean, « Le triomphe ambiguë de l’aide humanitaire », Revue Tiers Monde, t. XXXVIII, n° 151, juillet-septembre 1997 ; R. Brauman (entretien avec R.-P. Paringaux), « L’humanitaire n’a pas vocation à être un Père Noël universel », Le Monde, 30 juin 1998.
-
[50]
M. Le Pape et P. Salignon (dir.), Une guerre contre les civils – Réflexions sur les pratiques humanitaires au Congo Brazzaville, Paris, Karthala et MSF, 2001.
-
[51]
Grip et MSF-Belgique, Militaires-Humanitaires à chacun son rôle, Bruxelles, Complexe, 2002.
-
[52]
M. Benchikh, Les organisations internationales et les conflits armés, Paris, L’Harmattan, 2001.
-
[53]
Ph. Biberson et R. Brauman, « Ambiguïté autour de la notion de droit d’ingérence », Le Monde, 23 octobre 1999.
-
[54]
J. Moore (dir.), Des choix difficiles. Les dilemmes moraux de l’humanitaire, Paris, Gallimard, 1999.
-
[55]
M. Bettati, Ph. Biberson, J. Bidegain, J. Mamou, Th. Maurice et, J.C. Rufin, « Qu’est-ce que l’humanitaire ? », Le Monde, 15 mai 1999, p. 15.
-
[56]
R. Brauman, « L’assistance humanitaire. Assistance internationale et politique internationale », in Monique Canto-Sperber (dir.), Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, Paris, PUF, 1996, pp. 96-101.
-
[57]
O. Weber, French doctors, Paris, Robert Laffont, 1995.
-
[58]
C. Laucci, « La France adhère au Protocole I relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux », Revue Générale de Droit International Public, 2001, n° 3, pp. 677-704.
-
[59]
F. Dubuet, « Interventions militaires et protection des populations », Politique internationale, hiver 2001-2002, pp. 650-670.
-
[60]
F. Dubuet, « Kosovo : le piège humanitaire des enclaves », Esprit, novembre 2000, pp. 136-157.
-
[61]
C. Sommaruga, « Le droit international humanitaire au seuil du troisième millénaire : bilan et perspectives », Revue Internationale de la Croix Rouge, Genève, vol. 81, n° 836, 1999, pp. 903-924.
-
[62]
P. Daillier, « La fin des opérations de maintien de la paix des Nations unies », Annuaire Français de Droit International, 1996, Paris, Éditions du CNRS, pp. 62-78.
-
[63]
L. Condorelli, A. M. La Rosa et S. Scherrer (dir.), Les Nations unies et le droit international humanitaire, Paris, Pédone, 1996.
-
[64]
O. Paye, Sauve qui veut ? Le droit international face aux crises humanitaires, Bruxelles, Bruylant, Coll. de droit international, 1996 ; O. Corten et P. Klein, Droit d’ingérence ou obligation de réaction, Bruxelles, Bruylant, Coll. de droit international, 1992.
-
[65]
B. Pouligny, « La “communauté internationale” face aux crimes de masse : les limites d’une communauté d’humanité », Revue Internationale de Politique Comparée, vol. 8, n° 1, printemps 2001, pp. 93-108.
-
[66]
L. Hansen-Löve, « Penser la guerre totale. Lecture des rapports Mazowiecki », Esprit, n° 8-9, 1994, pp. 141-149.