Notes
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[1]
S. Jakubowski, Le commandement explicatif dans un régiment professionnel de l’Armée de Terre, mémoire de DEA, université des sciences et technologies de Lille, 2002.
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[2]
Ce régiment appartient aux forces de l’armée de Terre ; c’est une composante de l’arme de la circulation. En conséquence, cet article ne porte que sur des dynamiques propres à cette armée.
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[3]
L’étude s’appuie sur une enquête empirique. 36 militaires ont été interviewés sur le site de la citadelle d’Arras dont 27 officiers. Les personnels ont été distingués par grades hiérarchiques, pour leur positionnement central, clé au sein de l’organisation de travail. Les entretiens ont été menés au cours des mois de février et mars 2002.
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[4]
Ce terme est emprunté à B. Boëne, « Les rapports armée-société au Royaume-Uni » in P. Vennesson (dir.), Les relations armées-société en questions, Paris, Les forums du C2SD, 2000.
-
[5]
Telle est la question que pose B. Jankowski, « Emile Durkheim aux marges de l’institution militaire », Paris, Les Champs de Mars, n° 10, La Documentation française, 2001, p. 49.
-
[6]
C. De Gaulle, La discorde chez l’ennemi, Le fil de l’épée, Vers l’armée de métier, La France et son armée et autres écrits, Paris, Plon, 1998, p. 147.
-
[7]
M. Weber, Economie et Société /1 Les catégories de la Sociologie, Paris, Plon, Agora Pocket, 1995.
-
[8]
R. Boudon, La logique dit social, Paris, Hachette Littératures, Pluriel, 1990.
-
[9]
C. Giraud, L’intelligibilité du social : chemins sociologiques, Paris, L’Harmattan, Logiques Sociales, 1999, p. 128.
-
[10]
H. Marcuse, L’homme unidimensionnel : essai sur l’idéologie de la société industrielle avancée, Paris, éd. de Minuit, 1964, p. 185.
-
[11]
« Je ne fais guère volontairement choses auxquelles m’oblige le devoir ». Térence, Adelphes, acte III in M. Montaigne, De la vanité, Paris, Gallimard, Folio, 2002, p. 52.
-
[12]
M. Weber, op. cit., p. 288.
-
[13]
C. Delsol, L’autorité, Paris, PUF, 1994, p. 13.
-
[14]
R. Sennet, Autorité, Paris, Fayard, 1981, p. 10.
-
[15]
F. Bourricaud, Esquisse ďune théorie de l’autorité, Paris, Plon, 1961.
-
[16]
C. De Gaulle, op. cit., p. 160.
-
[17]
M. Crozier et E. Friedberg, L’acteur et le système, Paris, Seuil, Points, 1977.
-
[18]
I. Illich, Libérer l’avenir, Paris, Seuil, Points, 1972.
-
[19]
R. K. Merton, Eléments de théorie et de méthode sociologique, Paris, Plon, 1965, p. 195.
-
[20]
C. De Gaulle, op. cit., p. 179.
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[21]
Cf. J. Tulard, Napoléon, Paris, Hachette Littérature, Pluriel, 1987, p. 116.
-
[22]
E. C. Hughes, The Sociological Eye, Chicago, Aldine, 1971. (Le regard sociologique, traduction de J. M. Chapoulie, Paris, éditions de l’EHESS, 1996).
1Cet article est inspiré d’une recherche sociologique [1]. Des entretiens réalisés à Arras (Pas-de-Calais) au 601e Régiment de Circulation Routière (RCR) [2] ont permis d’évoquer, avec une population composée pour l’essentiel d’officiers subalternes et de sous-officiers, la modification substantielle des rapports d’autorité au sein d’un régiment ayant achevé sa professionnalisation [3]. L’étude offre, en outre, l’opportunité de s’interroger sur un modèle bureaucratique d’organisation du travail particulier, car tourné vers un objectif dont la rationalité met en jeu la logique du risque.
Introduction
2Depuis une décennie, les missions des armées connaissent un nouveau souffle. L’absence de conflits guerriers, où les troupes s’engagent massivement en armes avec pour seul objectif que celui de combattre leur ennemi, a propulsé le métier des armes au rang de laboratoire social [4]. La professionnalisation a, en France, accentué cette recherche bienheureuse d’investigation sociale et sociologique de l’institution militaire. D’autant que les formes nouvelles de guerre, qui agrémentent le combat d’un éloignement croissant entre le militaire et son corollaire, l’ennemi, rendent moins lisibles la réalité de la guerre et les valeurs que l’action entend défendre. De plus, la part croissante et prépondérante que prennent les technologies les plus récentes dans le fait guerrier offre aux compétences et à leurs détenteurs les fruits d’un positionnement nouveau dans une organisation de plus en plus inscrite dans la mouvance des mœurs sociétales. En effet, au moment où l’existence individualiste s’identifie dans notre société par la force de son expression et du développement d’un esprit critique tant loué, il n’est pas anodin de s’interroger sur le devenir du fondement social de coordination des personnels dans l’organisation bureaucratique, à savoir la domination légitime. Que devient le principe d’autorité avec le développement de l’esprit critique et la liberté plus étendue accordée aux citoyens [5] ?
3Une baisse continue au cours de la décennie des budgets de la Défense Nationale, un recours décuplé aux forces de projection des armées, une systématisation de l’emploi des spécialités militaires à l’intérieur même du territoire national (catastrophes naturelles, surveillance du territoire,…) ont altéré la représentation que les militaires avaient du soutien de leur nation. Si des événements ont pris une acuité notoire dont le retentissement a bien dépassé le cadre de nos frontières, ceux-ci n’en sont pas, pour le moins, nouveaux. Charles De Gaulle notait déjà en 1932 dans le Fil de l’épée : « Cette mélancolie du corps militaire hors des périodes de grands efforts n’a rien, sans doute, que de classique. » [6] Il est vrai que les armées trouvent dans l’acte de guerre la légitimité de leur existence. Et que celle-ci peut être amenée sur le banc de la contestation lorsqu’un pays cherche d’abord à récolter les fruits de la paix avant de tâcher à la maintenir et donc à lutter contre les potentialités de guerres futures. Lorsque les relations sociales sont apaisées, les relations internationales apaisantes, le fait que certains entendent consciemment se placer sous la subordination d’autres est sujet à interrogation. Et puisque selon Jean-Jacques Rousseau, « aucun homme n’a une autorité naturelle sur son semblable », c’est donc qu’il faut chercher ailleurs la rationalité de conduite de l’action militaire et de son ciment social qu’est la discipline. En fait, l’autorité n’est jamais acquise, n’est-elle pas toujours à conquérir ?
L’organisation et la légitimation de l’autorité
4L’organisation des Forces armées prend historiquement la forme de la bureaucratie. Cette adoption s’explique par la mission authentique que celles-ci poursuivent et qui nécessite, outre une rationalité indispensable, une exécution parfaite, donc de la discipline.
La rationalité de la bureaucratie
5La bureaucratie propose historiquement un modèle général et particulier de la rationalité. La bureaucratie est même, selon le sociologue Max Weber [7], une forme caractéristique de la modernité et de l’administration. Cette forme d’organisation vise à l’instauration d’une hiérarchie de statut qui assigne à chaque participant une place conforme à sa tâche et correspondante à sa contribution. Cette structure est impersonnelle puisque les critères sont définis objectivement : les positions hiérarchiques correspondent à des qualifications, examens, anciennetés, âges précis et préalablement établis. Ce côté impersonnel est la garantie du processus de rationalisation de l’organisation. Ainsi, chaque individu se positionne selon sa fonction, son grade de telle sorte qu’il dépende toujours d’un autre individu. Chaque membre de l’organisation exécute les directives d’un supérieur chargé de le contrôler et à qui il doit rendre les comptes de son action ; chaque membre délègue en partie sa tâche aux subordonnés sur lesquels il exerce une domination. La bureaucratie se fonde sur les compétences des individus auxquels l’organisation confère une position hiérarchique. C’est justement parce que le socle de l’organisation est clairement établi que la domination qui découle de la hiérarchie est légalement acceptée. Max Weber appelle cette forme de domination, la domination rationnelle-légale. Et si la bureaucratie est encore le règne de la rationalité, c’est qu’en effet, elle est aussi celui de la règle. Les règles sont les lois de l’organisation qui régissent les rapports sociaux, la division du travail et la répartition des tâches.
6La bureaucratie a pour ambition de garantir encore l’égalité : celle par laquelle chaque fonction est tenue par les individus ayant les mêmes qualifications ; celle par laquelle les qualifiés accèdent à leurs fonctions légales. La bureaucratie repose donc sur des mécanismes de standardisation des qualifications, d’encadrement de l’action organisée par les règles ou procédures qui font œuvre de lois. La bureaucratie a l’avantage de la démocratie car elle conserve à ses membres une autonomie certaine. Elle en a aussi le principal inconvénient : les problèmes de coordination qui brident la libre concurrence des professionnels. La rationalité est, dans ce type d’organisation, celle qui satisfait les résultats sans sanctifier les moyens, dès lors qu’ils ne violent pas la loi, c’est-à-dire les procédures. Cette organisation est rationnelle car elle met en place un système qui obtient un optimum en structurant efficacement les agents du social. Mais le côté impersonnel de l’organisation et le conformisme généré par la standardisation ont des conséquences sociales : identité et existence individuelles sont occultées.
7La rationalité de la bureaucratie n’est permise qu’en encadrant l’action de travail par une légitimité. Cette dernière prend en partie la forme des règles. Suivant cette optique, Raymond Boudon [8] écrit que « l’organisation bureaucratique est un type particulier de système d’interaction dans lequel les positions dans une hiérarchie de fonction et les supports fonctionnels que sont les règles assurent la permanence de l’action. » Si la rationalité est toute entière tournée vers l’adéquation entre un but et des moyens à mettre en œuvre, ce sont les règles qui organisent les situations d’interactions, qui octroient de l’autorité. Toutefois, l’autorité suppose la légitimation de sa détention. Le fait d’un positionnement adéquat et d’une corrélation juste entre la fonction et les qualifications est insuffisant pour s’attribuer l’autorité : « La légitimité n’est pas, en effet, réductible à un commandement ou à des directives. Lorsque la légitimité semble découler du commandement, ce n’est pas en raison de celui-ci mais parce que le commandement est pris en la forme juridique adéquate ou au nom de traditions par exemple. Dans les premiers cas, c’est l’existence d’une croyance partagée en la pertinence des formes juridiques qu’un commandement peut faire partie des moyens d’une domination, c’est-à-dire fondée sur la croyance en la légitimité de procédures administratives assises sur des textes de lois. Dans le second cas, ce sont encore des croyances dans les vertus de la tradition qui fondent la légitimité des décisions prises par une autorité représentative. » [9] Le commandement militaire semble se fonder sur les deux cas présentés par Claude Giraud. D’une part, le commandement éprouve sa légitimité à partir de son positionnement bureaucratique. Le chef militaire est habilité à commander car investi légitimement par l’organisation des compétences afférentes et de la fonction inhérente. D’autre part, la tradition militaire octroie au commandement une importance qui dépasse le simple cadre organisationnel, puisqu’il s’appuie en outre sur une somme de manifestations culturelles, sociales et sur une domination, faite discipline, souvent incarnée par une personnalité dont on attend du charisme.
8La bureaucratie organise, sous couvert de rationalité, une forme de domination légitime. La domination crée aussi de la rationalité selon Herbert Marcuse : « Il n’en est pas moins vrai que la domination engendre maintenant une plus grande rationalité – celle d’une société qui défend sa structure hiérarchique, tout en exploitant de plus en plus efficacement les ressources naturelles et intellectuelles et en distribuant sur une échelle toujours plus grande les bénéfices de cette exploitation. » [10] Pour Marcuse, la rationalité est une conséquence de la domination en ce sens qu’elle optimise a posteriori une situation d’exploitation. À l’inverse, dans la bureaucratie, comme la conçoit Max Weber, c’est la domination qui est résultante de la rationalité. C’est-à-dire que la hiérarchie n’est pas conçue pour contraindre en vue de tirer un profit (selon H. Marcuse) mais pour subordonner, soit soumettre légalement aux lois afin d’ériger une action collective efficiente.
La domination légitime ou la discipline
9La domination est la contribution sociale à la rationalité et à l’efficacité de l’organisation bureaucratique. La discipline militaire est la forme de domination qu’exerce l’organisation militaire sur ses membres. La domination est un ordonnancement structuré des acteurs qui assure la volonté d’agir et encadre l’obéissance à l’institution. La subordination met en scène la confiance portée au délégué qui représente l’institution, délégué que l’institution a choisi et à qui elle a légitimement conféré de l’autorité. Cette reconnaissance de l’autorité institutionnelle par le subordonné matérialise l’intérêt de l’acteur à obéir. Ainsi, les ordres, formes sociales de la domination, s’apparentent à un contrat passé avec une personne investie d’une autorité et à un engagement qui approuve la légitimité de la domination. C’est pourquoi l’organisation bureaucratique se purge de tout arbitraire : son efficacité, elle la doit à la légalisation intégrale de ses procédures. La subordination rigoureuse des échelons inférieurs aux échelons supérieurs ne se réalise que par la discipline des subordonnés et le contrôle sans défaillance des supérieurs. La domination est un contrôle social ; c’est une discipline qui assujettit en vue d’une finalité.
10La discipline dans les armées représente à la fois la reconnaissance de la domination légitime du chef ; la confiance portée à l’organisation militaire ; l’obéissance conditionnée à la concrétisation d’un objectif. L’institution cherche constamment à éveiller et à entretenir ces dispositions, à accepter la dépendance. Les symboles (le salut, l’appel aux couleurs, l’uniforme, les décorations) qui auréolent les ordres et la manifestation du commandement sont une forme de rappel et d’entretien des valeurs que véhicule le service du pays. Par exemple, le salut n’est pas en premier lieu la marque de respect envers une personne ; il matérialise la déférence envers l’institution et symbolise la confiance que chacun lui porte. Autrement dit, les ordres ne sont pas simplement exécutés parce que l’individu y rencontre un intérêt personnel ou même parce que celui-ci souhaite réaffirmer constamment sa passion pour l’institution. D’ailleurs Montaigne note : « Quod me jus cogit, vix voluntate impetrent » [11]. L’obéissance s’obtient car les ordres sont autant l’expression d’une acceptation individuelle de se laisser guider par l’action que l’adhésion délibérée à se soumettre à une supériorité de mérite, de séduction ou de valeur. Max Weber éclaire le principe de domination lorsqu’il précise que « l’obéissance signifie que l’action de celui qui obéit se déroule, en substance, comme s’il avait fait du contenu de l’ordre la maxime de sa conduite et cela simplement de par le rapport formel d’obéissance, sans considérer la valeur de l’ordre ou la non valeur de l’ordre » [12]. Le processus de discipline devient presque un acte automatique, conditionné. L’individu fait sien l’ordre ; la croyance en la légitimité est telle qu’il l’exécutera alors comme s’il en était la source.
11L’hypothèse de Max Weber est que, toute organisation, pour être rationnelle, doit légalement créer les statuts légitimes permettant à certains d’orienter, par des directives, l’action d’autres. Au sein de la structure, c’est cette domination encadrée qui crée l’efficience. La croyance en cette légitimité soutient l’exécution des ordres. Max Weber formalise quatre types de domination légitime capable d’engendrer une croyance, source de la domination. Le premier est de caractère rationnel : la croyance repose en la légalité des règlements et du droit de donner des directives. Cette domination légale repose sur le caractère global de l’institution. Le second est le caractère traditionnel : il s’agit d’une croyance immuable en la sainteté de traditions valables de tous temps et en la légitimité de ceux qui sont appelés à exercer l’autorité par ces moyens (le pape pour le Vatican, par exemple). Le troisième est d’ordre charismatique : c’est la soumission extraordinaire au sacré, à la vertu héroïque ou à la valeur exemplaire d’une personne. Le quatrième est la domination statutaire, à savoir soit une obéissance à l’ordre impersonnel, objectif et légalement arrêté. La discipline est le socle sur lequel repose l’action des armées. La discipline met en exercice une domination de type légal où l’importance des règles, des procédures, est affirmée. Le respect de la loi doit être suffisamment fort pour assurer que chacun exécute les ordres de son chef. Si la force de la domination légale dans les armées est ainsi martelée, c’est que l’organisation peut mettre en jeu jusqu’à la propriété la plus sacrée des individus, leur vie ; pour un intérêt qui leur est supérieur.
12L’obéissance est vouée à l’institution. Elle respecte celui qui en est le représentant légal. Pour le sociologue allemand, les militaires sont des fonctionnaires « particuliers ». C’est une catégorie dotée de caractéristiques d’État dont l’originalité est qu’elle comporte moins d’avantages que de contraintes. La rigueur, la discipline, son monopole national, la prévisibilité qu’elle inspire pour le détenteur du pouvoir et les intéressés, l’étendue de sa prestation et sa haute capacité technique, sont autant de moyens destinés à atteindre le maximum de rendement. Mais un ordre est autant une représentation de valeurs que de moyens. En effet, les armées ne sont pas des organisations à visée finalisée. L’on ne cherche pas à calculer les rapports entre les coûts des investissements et leurs rétributions. C’est pourquoi ce sont les objectifs (qualitatifs) qui orientent l’action. Les valeurs, qui les sous-tendent, leur donnent une signification. La domination ne s’exerce plus aveuglément, elle cherche à donner un sens à l’action pour accroître encore la légitimité.
Le pouvoir de l’autorité
13La domination est une contrainte rationnelle légale, organisationnelle. Elle positionne les individus et s’assure de leur docilité collective. L’autorité, par contre, est une relation d’interactions plus individuelle. L’autorité est un pouvoir d’influence, étranger à la violence directe, qui se fonde sur le prestige, le respect. L’autorité n’est pas un instrument d’annihilation de la conscience et de la volonté individuelles. C’est un rapport humain d’interaction, finalisé par la satisfaction d’un objectif, d’une mission. La relation d’autorité recèle, en effet, un but commun : « C’est à la fois par le commandement de l’un et par l’obéissance de l’autre, que la finalité commune sera atteinte » [13]. L’autorité est un rapport social, un lien entre personnes inégales, selon Richard Sennet ; ce qui rend sensible et « émotionnel » [14] la poursuite de cette visée commune. Dire que l’autorité est un processus de régulation de certaines interactions sociales, c’est établir plusieurs postulats. Commander, c’est respecter ses prérogatives (c’est-à-dire les droits et contraintes que l’organisation confère au chef) et exercer son pouvoir avec l’objectif de rassembler l’adhésion des hommes. D’autre part, c’est également considérer que les subordonnés évaluent l’autorité de leur chef à l’aune de leurs critères : compétences techniques, savoir-être, capacité d’écoute,… Le chef ne prend sens que si ses subordonnés le suivent. Les hommes n’ont de valeur que s’ils ont un chef pour les conduire et les guider dans leur action. Commander, c’est donc tisser des liens particuliers avec ses hommes. Le commandement exprime son sens dans la finalité de l’action qu’il promulgue.
14François Bourricaud appelle ce rapport humain à l’autorité « le mystère de l’obéissance civile ». L’auteur est, en effet, impressionné par la capacité qu’ont les hommes à se soumettre naturellement à d’autres hommes simplement, par le fait que ces derniers sont les représentants d’une organisation de l’État. L’autorité réussit cet exploit d’imposition d’une volonté à d’autres hommes, au nom d’un intérêt suprême ; volonté qui peut être contraire à la libre propension d’action de ces mêmes individus. L’autorité est en quelque sorte une interaction qui régule, dans le cadre où elle prévaut, les rapports de force inéluctables. Elle repose par conséquent sur un postulat fondamental, car accepté par tous, qui supplante l’autonomie des individus au profit du service de l’organisation. Cette pacification n’est, en outre, possible que grâce à la sanction, instrument de régulation de l’autorité et de son respect. Ainsi, l’obéissance va de la résignation contrainte à l’adhésion acceptée. L’enjeu se porte justement sur le consensus autour de l’adhésion. Dès lors, un ordre n’est pas perçu comme « une force brute mais une force en laquelle je peux avoir confiance parce qu’elle est fondée. » [15] F. Bourricaud présente deux systèmes de représentations de l’autorité. Dans le premier, l’autorité découle du commandement rationnel. Elle n’est légitime que si la rationalité du commandement est couplée avec le désintéressement de celui qui commande, et assurée par le mécanisme de la délégation. Le second est une conception autoritaire de l’autorité où l’individu qui l’exerce n’a de compte à rendre à personne puisqu’il est d’une autre essence que celui sur lequel s’exerce son pouvoir. Dans son sens le plus étroit, cette dernière appréhension représente une autorité charismatique de source quasi divine ; celle d’un culte déifiant une personne qui s’estimerait supérieure. Bien entendu, cette dérive de l’usage de l’autorité n’entre pas dans la perspective d’une organisation où les individus tirent leur pouvoir de leurs statuts (fonction, grade,…) et où l’autorité, chargée de mettre en action les compétences du personnel, ne fait alors que conférer, de manière graduée, une légitimité aux interactions entre les individus.
15Par contre, la conception gaullienne de l’autorité apparaît, de nos jours, fortement ancrée dans son époque. Pour De Gaulle, « c’est dans leurs âmes qu’il faut imprimer sa marque vivante. Frapper les volontés, s’en saisir, les animer à se tourner d’elles-mêmes vers le but qu’il s’est assigné, grandir et multiplier les effets de la discipline par une suggestion morale qui dépasse le raisonnement, cristalliser autour de soi tout ce qu’il y a dans les âmes de foi, d’espoir, de dévouements latents, telle est cette domination » [16]. Sa description lyrique du rapport social entre chef et subordonnés n’offre plus une grille de compréhension entièrement pertinente de la coordination collective des hommes. Il est vrai que la professionnalisation des armées, processus de changement social dans une organisation bureaucratique, introduit une dissociation entre un grade et une fonction. Du moins, il s’agit de déterminer si l’introduction importante de la notion de compétences dans une armée professionnelle ne modifie pas la prégnance de la légitimité du grade. Alors que la complexification des lois et règlements, les responsabilités, les technologies les plus pointues occupent une place centrale, l’organisation doit arbitrer entre les légitimités : celle du savoir-faire et celle du savoir faire-faire.
16Les experts, en voie d’insertion dans l’organisation, permettent de repenser les rapports à la spécialisation et au savoir. L’organisation militaire, fondée sur la standardisation, la spécialisation des tâches et leur segmentation, comme pouvait l’être l’armée du dix-neuvième siècle, est bousculée par la technicité croissante des métiers militaires et par les contingences environnementales auxquelles elle ne saurait échapper : la logique d’intégration économique et l’évolution historique de la vie militaire. En effet, les nouveaux enjeux sociaux ont aussi pour conséquence de générer des problématiques nouvelles. La gestion des ressources humaines, la reconversion des professionnels, la gestion des carrières et des contrats, la gestion de l’emploi prévisionnel des compétences, enfin le recrutement des soldats de métier sont des contraintes tant quantitatives que qualitatives qui émergent avec une vigueur remarquable. Avec cette évolution, enclenchée par la professionnalisation, c’est une des caractéristiques des organisations militaires qui s’envole : celle de la standardisation des spécialités qui rend les personnels interchangeables.
17L’autorité agit dans le cadre de l’action sociale. Personne ne peut mettre, seul, son autorité en exercice. Ce sont les situations de sollicitation sociale qui en créent la demande. Un peu comme le pouvoir, tel que le démontre Michel Crozier [17], dont l’influence n’émerge que dans le cadre organisé de l’interaction sociale. L’acteur, prenant acte de ses ressources, utilise la part d’autonomie qui lui sied stratégiquement pour se distinguer des autres agents. C’est pourquoi, l’autorité repose, ensuite, outre l’expression charismatique de la légitimité, sur les compétences.
L’adaptation professionnelle ou la voie de l’ouverture
18Pour Ivan Illich [18], le changement social implique nécessairement une transformation des structures sociales, une modification des valeurs formelles et, en fin de compte, un renouvellement de la conscience sociale. Si la bureaucratie pèse sur les esprits sociaux, c’est aussi parce qu’elle y puise les sources intrinsèques de sa novation. Pour autant, il ne peut être acquis que c’est exclusivement la bureaucratie qui impose le changement, ni même l’inverse. Dans la relation constante au social, les individus s’arrogent leur part d’action qui, automatiquement, rétroagit sur l’environnement organisationnel.
19La bureaucratie militaire connaît cette phase de changement social. La particularité est que l’initiative, appartenant aux plus hautes autorités politiques, a lancé le débat et amorcé le processus. Ce sont les militaires eux-mêmes, auteurs de leur action, qui se sont approprié les termes du changement et ont tiré de leur autonomie les bases actuelles de leur autorité.
Le commandement participatif par objectifs
20Commander des troupes est un exercice bien particulier. L’environnement est original car il est potentiellement dangereux. L’objectif est précis : les hommes sont employés pour une mission déterminée. La professionnalisation agit d’une double influence sur l’exercice du commandement : un assouplissement certain du management et une part de plus en plus prépondérante accordée à l’explication. La finalité, qui guide l’action militaire, demeure inchangée : agréger hommes, matériels et compétences en vue de réaliser la mission. Cependant, les moyens mis en œuvre pour susciter l’obéissance ont évolué. Les raisons sont multiples. Evidemment, le passage en un temps rapide de l’armée de conscription à l’armée professionnelle est un catalyseur incontournable. Il a créé de nécessaires adaptations. Le commandement n’y a pas échappé. Socialiser, former et instruire militairement un professionnel est différent de l’emploi antérieur des militaires du contingent. La variable temps est discernable même si elle n’induit pas un lien propre de causalité. Plus que l’augmentation de la durée du service, d’autres paramètres séparent ces deux populations.
21Pour le recrutement des engagés, l’accent est porté sur la logique de métier, sur la sphère des compétences, sur la vocation militaire. On s’éloigne dès lors du service citoyen obligatoire. D’autre part, cette armée, formatée sur le modèle de la conscription depuis des décennies, voit son organisation et même une part de sa philosophie évoluer à un rythme soutenu. Il est illusoire de croire que de tels changements sociaux, profonds s’il en est, n’ont pas atteint les militaires de carrière. Des tensions fortes ont été repérées. Deux populations ont été prioritairement touchées par le changement : les sous-officiers et les officiers supérieurs. Les sous-officiers sont les cadres en contact immédiat avec les engagés volontaires ; ce sont eux qui ont développé les logiques d’adaptation les plus imprégnées. Les officiers supérieurs ont été plongés dans la dynamique des compétences : l’organisation attend d’eux de l’expertise, donc de la spécialisation et une formation permanente. Mais l’évolution du commandement nous amène aussi à nous interroger sur le commandement doctrinaire, tel qu’il est établi et enseigné.
22Formulé par une directive du général Lagarde en 1975, les préceptes du commandement participatif par objectifs s’entendent par le respect de la dignité humaine grâce à la responsabilisation des subordonnés. L’exemplarité du chef est démontrée. Son rôle est de soutenir et de conduire l’action militaire. L’adhésion devenant alors le moteur de l’autorité. L’individu est placé au centre du système organisationnel et on l’installe dans une situation d’autonomie, d’acquisition de compétences et d’initiative. Ainsi, la communication du chef est-elle envisagée dans sa fonctionnalité, comme un facteur prioritaire et fédérateur de transmission. La ligne hiérarchique verticale est respectée. Le chef s’appuie sur ses subordonnes auxquels il confie des objectifs et dont il attend des résultats. Le management cherche à décloisonner les structures, à concerter et à considérer les individualités. Le chef est chargé de la cohésion, de la gestion et de la conduite des opérations. Il sait être résolu et éducateur ; il fait preuve de maîtrise et d’esprit de discipline.
23La professionnalisation bouscule, en partie, ce rapport antérieur à l’autorité. Les valeurs de fondement du lien social n’accordent plus uniquement à l’autorité charismatique et bureaucratique la supériorité circonstanciée mais légiférée d’un individu sur un collectif. Le modèle du chef est remis en cause, le prisme de l’autorité est parfois défié. Il paraît évident que la société, en laquelle est incluse la société militaire, joue de tout son poids sur ces tendances de fond. Alors que les bailleurs ancestraux de l’autorité (instituteurs, professeurs, policiers, juges) connaissent une crise de leur aura ; alors même que la passion de la liberté encourage chacun à s’exprimer et à critiquer ; alors que le citoyen est appelé à clamer son génie ; la figure du militaire ne pouvait que concéder du terrain sur le champ de la reconnaissance sociale. Mais la professionnalisation, pour y revenir, est un vecteur à part entière du changement : l’on ne peut commander un appelé, obligé à servir l’institution de ses compétences, comme un engagé volontaire qui acquiert des compétences dans la perspective professionnelle de servir mieux.
24La structure bureaucratique, comme la conçoit M. Weber, exerce une pression constante sur le fonctionnaire et l’oblige à être méthodique, efficace, précis et discipliné. La bureaucratie véhicule une grande régularité du comportement et un haut degré de conformité aux actions prescrites. Une place essentielle est accordée à la discipline. C’est pourquoi, note R. K. Merton, la bureaucratie dépersonnalise le rapport de l’individu aux moyens de production et entérine la séparation de l’individu et de ces mêmes moyens de production. Ainsi, « les armes n’appartiennent plus aux soldats » [19], comme ce fut le cas dans les armées chevaleresques. Aujourd’hui, la spécialisation des savoirs réintroduit une réappropriation des moyens de production par les agents sociaux. En effet, la logique de métier gratifie le spécialiste d’une compétence qui n’est pas nécessairement maîtrisée par d’autres, y compris par son chef. C’est justement sur ce point que s’inscrivent les tensions les plus fortes entre les engagés et les militaires de carrière, notamment les sous-officiers. Recrutés pour leur savoir, les engagés perçoivent difficilement les directives qui les éloignent de l’exercice même de leur métier, d’autant plus que leurs chefs ne possèdent pas toujours leur degré de spécialisation. Autrement dit, dans une armée professionnelle, l’autorité du chef peut-elle encore uniquement reposer sur la détention d’une légitimité ?
L’icône du chef
25Le commandement des hommes n’est pas figé à travers le temps. Il est un enjeu majeur de l’efficacité des armées. Les contemporains en ont souvent une perception mélancolique. De Gaulle note ainsi : « Notre temps est dur pour l’autorité. Les mœurs la battent en brèche, les lois tendent à l’affaiblir. Au foyer comme à l’atelier, dans l’État ou dans la rue, c’est l’impatience et la critique qu’elle suscite plutôt que la confiance et la subordination » [20]. Aujourd’hui, les militaires qui sont amenés à exercer l’autorité semblent aspirés dans ce tourbillon.
26Les sous-officiers les plus anciens, qui ont connu le commandement des appelés et des engagés, manifestent leur désapprobation vis-à-vis du comportement qu’ils jugent peu « professionnel » de leurs engagés. À leurs yeux, ces engagés se considèrent d’abord comme des spécialistes dans leur domaine d’activité et ensuite, seulement, comme des militaires. Ils les assimilent à des fonctionnaires qui refusent la spécificité du métier des armes et qui cherchent à jouir des quelques avantages de leur statut en niant les obligations militaires. En fait, ces sous-officiers ne confèrent pas la même définition que leurs hommes à la professionnalité : militaire pour les premiers, spécialiste pour les seconds. Cette dichotomie est importante. Les sous-officiers ont, avec la professionnalisation, accentué leur niveau d’exigence dans la mesure où ils s’attendaient à commander des militaires professionnels. Or, ces exigences ne sont pas satisfaites et ils se voient, en outre, davantage contraints par des logiques administratives (planification à moyen et long terme, gestion de l’absentéisme, des formations,…), réduites dans l’armée de conscription. Ces cadres s’affichent donc comme des déçus de la professionnalisation des armées. Pourtant, le style de commandement, dont ils se réclament, est fermement inscrit dans une logique d’affectivité. Ils exercent un commandement que nous pouvons nommer « paternaliste ». En effet, les engagés sont considérés comme des jeunes hommes ayant besoin d’une écoute, d’une attention et d’une aide accrues. Le chef « paternaliste » s’investit d’un rôle qui dépasse celui de chef militaire pour endosser encore un rôle d’éducateur. Le champ lexical employé par ces militaires ne manque pas de surprendre, tant il est issu des domaines de l’amour, de l’affectivité. La terminologie usitée est d’autant plus étonnante qu’elle contraste avec leurs premières constatations initiales, plutôt négatives, sur leurs subordonnés. Nous pouvons formuler l’hypothèse que les premières défiances exprimées correspondent en fait à l’expression de leurs propres désillusions confrontées à leurs représentations d’une armée professionnelle. Et que le commandement de ces sous-officiers s’est adapté dans le sens d’une prise en compte plus précise de la singularité individuelle de leurs hommes.
27À l’inverse, les cadres les plus jeunes qui n’ont donc connu que le commandement professionnel, ne se laissent pas tenter par les sirènes du passé. C’est le cas des lieutenants, chefs de peloton ou de section. Ceux-ci n’ont pas d’éléments de comparaison avec l’armée de conscription. Ils sont entrés dans une armée quasiment professionnalisée. Leurs représentations sont inéluctablement différentes. Ils assimilent de prime abord le soldat engagé à un professionnel, détenteur d’un savoir précis, à qui on demande d’exercer son métier dans une institution qui peut le placer dans une situation de risque. Dès lors, la conception du commandement diffère de leurs sous-officiers. Pour deux types de raisons. La première est de nature structurelle : un lieutenant, qui commande trente hommes, ne peut pas entretenir les mêmes liens de proximité et d’affectivité avec ses soldats que ses sous-officiers. La seconde est de nature technique : c’est-à-dire que le lieutenant s’impose comme le chef militaire qui dirige, prévoit, anticipe et prend les décisions sur le terrain. Par conséquent, en tant qu’officier, il ne se situe pas sur le même terrain d’appréciation que les sous-officiers qui sont beaucoup plus techniciens. Le discours des lieutenants est emprunt de respect et de prise en compte de l’individualité. Ils affichent un style de commandement qui est l’archétype de l’adaptation à l’armée professionnelle : c’est le règne de l’explication. L’explication n’est pas nouvelle mais son importance est reconnue dans l’armée de métier. Elle signifie que les hommes obtiennent des réponses à leurs questions éventuelles et sont ainsi reconnus, tant dans le domaine technique, que dans leur identité individuelle. Le commandement donne lieu à une appréhension plus distanciée de l’individu ; les engagés sont professionnels et, dans une certaine mesure, associés aux décisions bien comprises du chef militaire. C’est justement la limite de l’explication. Elle ne peut fonctionner dans l’institution militaire qu’en demeurant bornée. Le chef militaire, l’officier, reste celui qui commande, qui donne les directives et s’assure de leur exécution. Cet aspect très déterministe de l’autorité du chef militaire est largement gommé du discours de ces militaires. Est-ce la volonté d’amoindrir les contraintes de la domination ?
28Les capitaines, commandant les escadrons (ou compagnies), ont eux aussi généralement connu armée de conscription et armée professionnelle. Le but de leur commandement est de rechercher l’adhésion. Plus encore que les lieutenants, qui peuvent encore entretenir certains rapports privilégiés avec leurs hommes, les capitaines sont éloignés du prisme de l’individu. Leur mode de commandement est, par conséquent, ancré dans le modèle bureaucratique. Pourtant, cela ne signifie pas que leur façon de commander n’a pas évolué depuis la professionnalisation. Il a évolué dans la direction d’une accentuation de ce côté justement bureaucratique, par le biais d’une croissance certaine de leurs tâches administratives. Aussi, ces officiers ont une représentation parfois négative de la professionnalisation. Cantonnés de façon plus marquée dans leur bureau, ils souffrent de cette déconnection avec le terrain et du déficit de relations avec leurs subordonnés. Néanmoins, il faut sans doute remarquer que la stabilité des effectifs des soldats engagés dans le temps leur offre, en outre, les possibilités d’amenuiser au fur et à mesure les contraintes imposées par l’écriture administrative. Ils s’inscrivent dans la dynamique que l’on attend du chef militaire : celui qui sait, qui décide et impose ses décisions, légitimement.
29Le chef militaire est essentiel dans la domination sociale qu’est la discipline. Le chef militaire se situe au-delà de la délégation bureaucratique des pouvoirs. Exercer cette mission, c’est entrer dans un rôle : celui de symbole, de fédérateur des âmes et de la raison, de guide de l’action commune. Son commandement requiert obligatoirement un investissement de sa personne. L’organisation lui délègue des pouvoirs parce qu’il est aussi le garant de la discipline, l’instrument de la cohésion de la troupe et le symbole de la fidélité. Son investissement est la personnification de sa mission. La domination est faite discipline lorsqu’elle est consentie. Le chef est le médiateur qui la transforme en arme efficace et redoutable. Les changements dans l’emploi des forces, le processus de professionnalisation en étant un, induisent nécessairement une modification de l’exercice du commandement.
Les sources du changement : la logique sociale de la profession
30Dans l’armée de métier, l’autorité, seule, du chef militaire ne peut servir de gage à l’efficacité. Les recettes qui ont couronné, jadis, la puissance des armées victorieuses sont aujourd’hui à remiser en partie. Les contextes économiques, sociaux, politiques et historiques font de chaque conflit moderne, un événement singulier porteur d’une pensée stratégique propre. Et la technologie, qui complexifie la vision de la guerre, dément maintenant la jolie formule de l’ancien abbé Sieyès, selon laquelle « l’autorité vient d’en haut et la confiance d’en bas » [21]. À tous les échelons, l’engagement s’appuiera sur une confiance homogène : celle de la compétence.
Les représentations des cadres
31Les représentations de l’autorité des engages volontaires ne coïncident pas toujours avec la conception de l’autorité de leurs cadres. Les officiers cherchent à obtenir l’obéissance en s’appuyant sur la légitimité de leur fonction et sur la reconnaissance de leurs qualifications par l’organisation. En dernière instance, l’officier est celui qui sait et qui décide. L’officier coordonne l’action collective en s’appuyant sur son pouvoir décisionnel. Mais il ne s’y repose pas. Le chef ne perd pas de vue la relation strictement humaine qu’il entretient avec ses hommes. S’il est vrai qu’un chef doit avoir la hauteur inhérente à son rang, il ne s’élève pourtant pas dans les sphères de la solitude rayonnante. Son rôle de chef revient à diriger, organiser, répartir en s’appuyant sur les valeurs et les acquis de leurs hommes professionnels.
32Les sous-officiers conçoivent leur autorité comme la justification de leur savoir-faire et de leur expérience dans l’institution. Cependant, ils ont intériorisé une certaine fonction et un certain rôle. La professionnalisation s’est matérialisée chez les sous-officiers par une élévation de leurs attentes et de leurs exigences. Dans la mesure où les engagés sont recrutés sur leur profession, ils les considèrent comme des professionnels compétents. Aussi ne cherchent-ils pas à intervenir dans la sphère technique du travail autrement que pour l’organiser et le réguler. Ils interviennent plutôt dans le domaine militaire et dans la proximité avec leurs hommes. C’est ici un point central du changement social dans l’organisation. Les sous-officiers, plus techniques que les officiers, ne s’appuient pas directement sur leurs compétences pour asseoir leur autorité et formaliser l’adhésion. Ils établissent un postulat : celui que la détention et la maîtrise du savoir sont acquises dès l’entrée dans l’organisation. Ils comprennent leur rôle comme l’instruction de ces professionnels en militaires professionnels.
33Néanmoins, ces deux populations partagent des valeurs communes. Leur vision du commandement est corrélée à une approche humaine et singulière de l’individu. Ils déclarent essayer de ne pas appréhender les hommes de façon collective mais de conférer à chacun une individualité. Le point clé est celui de la proximité et de la connaissance des hommes. El s’agit de développer la proximité avec les subordonnés, de développer l’écoute, de prodiguer éventuellement des conseils et surtout de « connaître » au maximum les hommes, c’est-à-dire de leur donner un nom, une affectation ou une fonction qui permette d’identifier chacun et de lui donner un sentiment d’existence aux yeux de son supérieur. Cette approche nécessite un investissement conséquent dans le commandement. Toutefois, force est de constater que ce travail d’identification est de plus en plus délicat lorsque la position dans la hiérarchie s’élève. Le chef qui commande cent vingt hommes n’en n’est jamais aussi proche que celui qui en dirige trente. Autrement dit, cette prise en compte de l’individualité est en quelque sorte un peu inégale. Elle a tendance à se concentrer sur les éléments qui se distinguent : les déviants, les meilleurs. D’autre part, dans une institution où le pouvoir décisionnel du chef est le facteur assurant la rigueur de l’action, accorder des potentialités étendues de prises de paroles, c’est prendre le risque que les décisions soient discutées collégialement avant d’être exécutées. C’est pourquoi, les chefs militaires, même s’ils manifestent une volonté indiscutable de personnaliser les rapports de commandement, ne peuvent se contenter d’agréger les individus pour obtenir la discipline. Le commandement n’échappe pas à la directive collective.
Les représentations sociales des engagés volontaires
34Les engagés ont une vision sociale originale de la légitimité du chef militaire. Non pas que ceux-ci ne reconnaissent ni l’obéissance, ni la déférence qu’ils doivent à l’institution, mais ils puisent ailleurs les sources légitimes premières de l’autorité, de la discipline et du respect dû à leur supérieur. En ce qui concerne les engagés volontaires, la valeur essentielle qui forge leur représentation est centrée autour du travail. Ainsi, l’appréciation des qualités du chef s’effectue, en premier heu, par l’évaluation de sa compétence technique, de son expérience et, ensuite, de ses qualités relationnelles ou morales intrinsèques. C’est pourquoi, aux yeux des engagés plus qu’à ceux de l’appelé du contingent, le sous-officier, cadre qui leur est le plus proche, joue un rôle central, dont l’importance, corrélée à une proximité plus évidente, peut surpasser celle de l’officier. En effet, alors que le sous-officier apporte aux professionnels un encadrement technique sur le terrain, l’officier chef de peloton est d’abord le chef qui conceptualise les missions, qui réfléchit à leur exécution et diligente les actions à mener. Concrètement, son rôle, la répartition de son temps de travail et ses prérogatives ne l’amènent pas assez à faire preuve aux engagés de son expertise. D’ailleurs est-il de son intérêt de le faire ?
35En tout cas, pour des militaires à qui l’institution a répété avec vigueur leur statut de soldat professionnel et la nécessité qu’ils avaient d’ériger en valeur le savoir qu’ils détenaient, il apparaît que l’autorité charismatique jouit d’une moindre influence qu’antan. Il faut trouver les sources de ce changement dans une modification de la culture militaire. Le chef militaire, en uniforme, ne jouit plus au sein de la société française d’un prestige et d’une valorisation sociale équivalents à la symbolisation du chef militaire en d’autres temps. Le militaire était alors reconnu pour sa valeur, le sens de son service. Il représentait quelqu’un sur qui l’on pouvait compter, il était un gage de bonne tenue pour les familles. Cette reconnaissance couplée à une image de guerrier, que les soldats avaient l’opportunité d’étayer dans les conflits nombreux (coloniaux, guerres locales), faisaient du militaire une figure sociale et un modèle pour ses subordonnés. De nos jours, l’émergence de nouveaux modèles sociaux multiplie les recours à l’idéalisation et dénature le lien avec le militaire. Son rôle s’est banalisé ; il est normal que peu le prennent en modèle. La culture militaire n’a pas évolué uniquement sous l’influence sociale. La technicisation des troupes a élevé la valeur des hommes et a conforté chacun dans l’idée qu’il avait de l’importance de son rôle. Le soldat formé, comme son chef, cherche d’autres éléments de différenciation.
Des tensions de représentations
36Des tensions existent également avec les sous-officiers. Le sous-officier est le référent principal des engagés volontaires. Nombre d’engagés sont pourtant déçus du commandement de leur cadre de contact. Car engagés et sous-officiers n’accordent pas les mêmes valeurs au travail. Les engagés éprouvent un désir de reconnaissance de la part de leur chef, vis-à-vis du travail qu’ils effectuent. Or, les sous-officiers portent leurs critères d’évaluation moins sur la technique que sur l’altitude militaire. Une incompréhension relative existe entre les militaires de carrière et les volontaires professionnels.
37Le chef militaire appuie son influence sur une objectivation du travail, alors que les engagés recherchent au contraire une subjectivation. La mésentente, qui survient parfois, est l’entrecroisement de deux conceptions erronées : pour les chefs militaires, celle d’une compétence « a priori » des soldats professionnels ; pour les engagés, celle d’une recherche de légitimation à travers la seule qualification. La confrontation avec le réel est, par conséquent, source de certains désagréments pour ces deux populations. Les cadres de contact découvrent que les jeunes militaires éprouvent un besoin puissant de formation, d’acquisition de savoirs militaires et parfois aussi, d’une éducation civile. Avec la conscription, l’année détenait également le rôle d’institution d’éducation. Elle ne perd pas cette caractéristique à l’heure où certains engagés proviennent d’une situation de déstructuration sociale, scolaire ou familiale. Les professionnels se sentent frustrés car leurs sous-officiers interviennent rarement dans le domaine technique et ne les gratifient pas de leur savoir ou de leur expérience, à laquelle ils attribuent une valeur immédiate.
38L’enjeu du commandement est donc le suivant : répondre aux exigences des engagés, maintenir un esprit de corps et décloisonner les individualismes, faire de chaque professionnel un militaire et un homme responsable, capable de servir avec toutes les contraintes que l’action suppose, et les joies quelle offre en retour. Depuis le début de la professionnalisation, l’organisation a beaucoup œuvré sur le terrain de l’amélioration des conditions de vie du personnel militaire engagé volontaire ; la phase de développement sera, sans conteste, celle du soutien dans le travail.
La logique de métier
39Pour Hughes [22], l’un des mouvements de la professionnalisation est d’épurer au sein de l’organisation, le métier de ceux qui ne sont pas assez mobiles pour suivre le changement. Il est donc normal, qu’au travers des processus de « civilianisation » ou d’« externalisation », ce soient aussi les compétences des engagés qui soient revalorisées, dès lors qu’elles sont estimées aptes à consentir au fonctionnement nécessaire de l’organisation. Une profession s’assimile, par conséquent, à un corporatisme de métiers spécialisés et reconnus, que l’alliance regroupe dans un objectif commun jugé de première utilité publique, et dont le fonctionnement organisationnel global (rigide et hiérarchisé) est une des garanties de la légitimation par les autorités publiques. La professionnalisation induit la formation d’experts au métier spécialisé dont l’action générale est orientée dans le sens de l’objectif commun du service des autres.
40Un engagé n’est pas un appelé. Un professionnel possède une technique, qu’il met au service de l’organisation, et qui lui offre une rétribution. Les engagés et les Forces armées mettent autant l’accent sur la logique de métier (rappelons-nous les messages publicitaires télévisuels) parce que ces deux acteurs ont intégré la portée de l’enjeu. Il confère aux professionnels le gage d’une utilité fonctionnelle importante et à l’institution celui d’une dotation technique. L’engagé est formé par l’institution pour la servir, pour une durée déterminée. Elle s’engage en retour à lui offrir des facilités de réinsertion. Le changement est notable car il est ressenti par les engagés comme une aspiration à la reconnaissance. Cette modification de statut et de culture est connectée, en conséquence, à l’apparition de nouvelles problématiques.
L’explication au rang de norme
41Le commandement s’adapte à la professionnalisation des armées. Il prend en compte les enjeux nouveaux de la réforme : les impératifs sociaux, la modification de l’institution – organisation, le recrutement des engagés et leur instruction, les liens tissés avec la nation, sans perdre de vue l’essence de sa mission. Aujourd’hui, les chefs ne peuvent plus seulement privilégier les rapports contigus d’autorité et ceux de la légitimité bureaucratique. L’organisation évolue dans le sens d’une « humanisation » qui est celle de l’individualisation. En effet, les engagés en quête de repères professionnels élèvent le niveau de leurs attentes. Ils acceptent de suivre si leur action fait partie intégrante du mouvement collectif, mû par un objectif à atteindre. Ils voient en l’autorité l’image de leur accès contingent à la connaissance. Certains parlent même d’« assouplissement ». C’est la crainte de certains cadres, notamment sous-officiers, qui ressentent le plus les tensions avec les engagés. Effectivement, les phases de mise en place puis de montée en puissance de la réforme ont pu laisser entendre que les engagés jouissaient d’un statut inattaquable dans l’institution. Sans doute ne faut-il y voir qu’un effet social éphémère et qu’une conséquence singulière de la professionnalisation.
42L’obéissance se recherche dans l’adhésion. Et l’adhésion dans l’explication, prisme individuel de l’association. L’adhésion offre l’avantage de la participation et de la compréhension. L’essentiel est de parvenir à une convergence des idées et des opinions en vue de rendre l’action conforme à la mission. Cette recherche plus consciente de l’adhésion par l’explication est nouvelle. Elle est la conséquence d’une adaptation des militaires de carrière aux aspirations des engagés professionnels. Pour autant, l’explication n’est pas à rapprocher de la concertation. Il n’est pas envisagé d’associer les hommes à toutes les prises de décision. Le commandement sous un mode coopératif n’est enviable que dans certaines circonstances, dont peu sont partagées par les actions militaires. Du moins la plupart d’entre elles. En effet, les décisions collégiales justifient la concertation entre les experts pour une meilleure réponse aux problématiques. À ce niveau, le commandement des experts (donc du savoir et des compétences) s’assimile à ce modèle de la concertation. Mais il n’est pas exclusif car il ne s’agit pas de perdre un instrument de l’efficacité des armées : celui de la décision par le chef. Il nous faut noter, d’ailleurs, que l’explication n’est pas pour autant synonyme de discussions des décisions. De même, il ne faut pas confondre consultation des experts et négociation des décisions. Ces deux aspects seraient préjudiciables.
43Une armée ne saurait déroger à l’exécution des directives. C’est le niveau accru des responsabilités de chacun qui crée ce schéma. Les hommes de moins en moins interchangeables rendent leurs actions de travail interdépendantes de celles des autres. Les relations directes s’appuient sur la transparence et la confiance, par le biais d’un recentrage sur le subordonné. L’explication n’a pas pour but de déconnecter le chef de son autorité, l’homme de ses expériences ou compétences. Elle vise, au contraire, à valoriser le comportement et les connaissances du subordonne en individualisant davantage la vision collective d’exercice du commandement. Concrètement, cela stipule l’ouverture. Jamais le principe de subsidiarité n’est perdu de vue puisque le chef applique la division verticale des pouvoirs hiérarchiques, s’appuie sur ses subordonnés mais accompagne l’action, la guide et la contrôle. Se rapprocher des hommes, c’est mettre en valeur l’écoute, la considération et l’attention quotidienne. C’est entourer l’autorité de sérénité, c’est-à-dire l’imbiber de confiance. Expliquer, c’est enfin communiquer la légitimité de l’action donnée, assurer l’association et la cohésion des individus.
44Le recours à l’explication est, par nature, plus limité dans les faits. Les contraintes de l’institution, les enjeux du commandement ne sont pas des terrains propices au développement d’une ouverture aussi libérale. Ce n’est d’ailleurs pas l’intérêt de l’organisation. Cependant, l’adaptation du commandement est remarquée.
Conclusion
45La professionnalisation des armées stimule les capacités de transformation de la bureaucratie militaire. La réforme induit sur le commandement une propension à l’ouverture, à la souplesse et à l’individualisation des rapports hiérarchiques. Les sciences modernes offrent aux professionnels une valorisation de leurs savoirs et une intégration facilitée dans cette organisation. La professionnalisation implique que la bureaucratie s’adapte aussi aux nouvelles problématiques et aux changements organisationnels profonds qui la secouent. La réduction du format des armées, la fermeture de nombreux régiments, bases, ports, démontrent une aspiration forte à se recentrer sur le métier militaire, sur les métiers militaires. Les experts sont appelés à endosser le rôle des vaillants guerriers de la science et du savoir. Progressivement, l’organisation, comme une entreprise, se repositionne sur son marché de référence. Il s’agit ici de la guerre. Toutefois, l’institution veille à ne pas accoler aux changements la perte de son ancrage dans la communauté nationale. L’armée de réserve, les collaborations à la sécurité, à la dépollution assoient, sous une autre forme que la conscription, cet ancrage. Mais l’essence du débat est encore de déterminer si la professionnalisation est la source des modifications repérées ou si, finalement, elle ne contribue pas à catalyser ou précipiter les évolutions, plus qu’elle ne les engendre.
46Il convient ainsi de préciser que le sort de la guerre n’est pas scellé et qu’aux conflits des boutons, se succédera toujours une occupation manifeste des terrains. La technologie qui sert les armées est également celle qui fournit aux batailles le loisir des atrocités. C’est pourquoi, de par la finalité qu’elles se donnent pour mission de satisfaire, de par les contraintes importantes qu’elles font sciemment mais consciencieusement peser sur les bras et les âmes de leurs soldats, les armées ne pourront se désolidariser du lien unique qu’elles entretiennent avec une forme d’organisation, qui, à tant d’occasions, a démontré sa rationalité et son efficacité et qui, lorsqu’elle n’était plus aussi rigoureusement prégnante, faillit causer la perte du pays. Le but de la discipline, de la légitimation de la domination, n’est pas qu’une simple question de fondement du lien social des armées. C’est aussi de notre sauvegarde dont il est question.
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- Weber (M.), Economie et Société/1 Les catégories de la Sociologie, Paris, Plon, Agora Pocket, 1995.
Notes
-
[1]
S. Jakubowski, Le commandement explicatif dans un régiment professionnel de l’Armée de Terre, mémoire de DEA, université des sciences et technologies de Lille, 2002.
-
[2]
Ce régiment appartient aux forces de l’armée de Terre ; c’est une composante de l’arme de la circulation. En conséquence, cet article ne porte que sur des dynamiques propres à cette armée.
-
[3]
L’étude s’appuie sur une enquête empirique. 36 militaires ont été interviewés sur le site de la citadelle d’Arras dont 27 officiers. Les personnels ont été distingués par grades hiérarchiques, pour leur positionnement central, clé au sein de l’organisation de travail. Les entretiens ont été menés au cours des mois de février et mars 2002.
-
[4]
Ce terme est emprunté à B. Boëne, « Les rapports armée-société au Royaume-Uni » in P. Vennesson (dir.), Les relations armées-société en questions, Paris, Les forums du C2SD, 2000.
-
[5]
Telle est la question que pose B. Jankowski, « Emile Durkheim aux marges de l’institution militaire », Paris, Les Champs de Mars, n° 10, La Documentation française, 2001, p. 49.
-
[6]
C. De Gaulle, La discorde chez l’ennemi, Le fil de l’épée, Vers l’armée de métier, La France et son armée et autres écrits, Paris, Plon, 1998, p. 147.
-
[7]
M. Weber, Economie et Société /1 Les catégories de la Sociologie, Paris, Plon, Agora Pocket, 1995.
-
[8]
R. Boudon, La logique dit social, Paris, Hachette Littératures, Pluriel, 1990.
-
[9]
C. Giraud, L’intelligibilité du social : chemins sociologiques, Paris, L’Harmattan, Logiques Sociales, 1999, p. 128.
-
[10]
H. Marcuse, L’homme unidimensionnel : essai sur l’idéologie de la société industrielle avancée, Paris, éd. de Minuit, 1964, p. 185.
-
[11]
« Je ne fais guère volontairement choses auxquelles m’oblige le devoir ». Térence, Adelphes, acte III in M. Montaigne, De la vanité, Paris, Gallimard, Folio, 2002, p. 52.
-
[12]
M. Weber, op. cit., p. 288.
-
[13]
C. Delsol, L’autorité, Paris, PUF, 1994, p. 13.
-
[14]
R. Sennet, Autorité, Paris, Fayard, 1981, p. 10.
-
[15]
F. Bourricaud, Esquisse ďune théorie de l’autorité, Paris, Plon, 1961.
-
[16]
C. De Gaulle, op. cit., p. 160.
-
[17]
M. Crozier et E. Friedberg, L’acteur et le système, Paris, Seuil, Points, 1977.
-
[18]
I. Illich, Libérer l’avenir, Paris, Seuil, Points, 1972.
-
[19]
R. K. Merton, Eléments de théorie et de méthode sociologique, Paris, Plon, 1965, p. 195.
-
[20]
C. De Gaulle, op. cit., p. 179.
-
[21]
Cf. J. Tulard, Napoléon, Paris, Hachette Littérature, Pluriel, 1987, p. 116.
-
[22]
E. C. Hughes, The Sociological Eye, Chicago, Aldine, 1971. (Le regard sociologique, traduction de J. M. Chapoulie, Paris, éditions de l’EHESS, 1996).