Couverture de LCDLO_097

Article de revue

Développement durable, un bilan provisoire

Pages 55 à 62

1La notion de développement durable a été définie dans le rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, créée en 1983 par l’O.N.U. Son rôle dans l’évolution de nos sociétés a été par la suite précisé par les Sommets de Rio (1992) puis de Johannesburg (2002).

2Cette notion constitue une réponse aux deux grands déséquilibres planétaires : une répartition très inégale de la richesse entre les nations et une dégradation dangereuse de la biosphère (imputable à la concentration de gaz à effet de serre, à l’érosion accélérée de la biodiversité, à l’accumulation de polluants divers, etc.). La lutte contre ce fléau doit se faire au niveau planétaire et au niveau de chaque région et chaque pays.

3Le développement durable implémente des politiques aux niveaux régional et national qui doivent permettre à la population actuelle d’exploiter les ressources de la Terre sans les détériorer au point de compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs besoins. Le développement durable a principalement trois dimensions : économique, sociale et écologique, que l’on retrouve dans la situation tunisienne.

4La croissance économique (5 % par an en Tunisie en moyenne durant les 10 dernières années) permet notamment dans un pays où la redistribution des richesses et les « transferts sociaux » sont un impératif stratégique, de réduire la pauvreté.

5Cependant cette croissance ne doit pas mettre en péril la viabilité de la biosphère. Si la Tunisie ne fait pas partie des grands pays industrialisés qui ont exploité et parfois détruit les ressources de la planète au XXème siècle, il n’en demeure pas moins que l’industrie tunisienne a un impact massif sur la biosphère. Ainsi les grands cycles biogéochimiques (cycles du carbone, de l’eau, de l’azote, etc.) sont perturbés et ils ont notamment pour effet la disparition des espèces.

6A l’échelle tunisienne comme à l’échelle mondiale, ceci se matérialise par l’effet de serre et l’accélération de l’érosion de la biodiversité qui ont notamment pour effet de perturber la régulation du climat et la régénération de la fertilité des sols.

Structures mises en place par la Tunisie pour promouvoir le développement durable

7La Tunisie s’est dotée d’un arsenal législatif et réglementaire qui lui permet d’affronter les défis liés au développement durable dans un pays en pleine mutation. C’est ainsi qu’a été créé en 1993 la Commission Nationale de Développement Durable (CNDD). Cette Commission a un rôle décisionnel dans le cadre de l’implémentation des politiques liées au développement durable. Sa création a été inspirée par la Commission de Développement Durable mise en place par le Conseil Économique et Social des Nations Unies. La CNDD a été créée en Tunisie à l’initiative du président de la République.

8La Commission est chargée :

  • d’implémenter une stratégie nationale pour le développement durable,
  • de veiller à ce que les priorités liées à la politique de l’environnement soient prises en compte dans les programmes de développement sectoriels,
  • d’empêcher dans la mesure du possible toute dégradation de l’environnement,
  • de mettre fin à toute exploitation des ressources naturelles du pays de manière anarchique (notamment les ressources hydrauliques),
  • d’implémenter la politique gouvernementale contre la pollution.

9La création de cette commission vient compléter le dispositif mis en place pour protéger l’environnement. Les principales structures créées à cet effet sont les suivantes : l’Agence Nationale de Protection de l’environnement - Office National de l’Assainissement (créée en 1974) -, l’Agence Nationale de la Protection de l’Environnement (créée en 1989), le ministère chargé de l’environnement (créé en 1991), l’Observatoire Tunisien de l’Environnement et du Développement Durable (créé en 1995) et le Centre International des Technologies de l’Environnement de Tunis (créé en 1996).

10Enfin, et pour coordonner la politique générale de l’État tunisien en termes de développement durable, le ministère de l’Environnement et du Développement Durable a été créé en novembre 2004. Ce ministère est chargé de promouvoir les activités de la Commission Nationale du Développement Durable, d’accélérer la mise en place des programmes de protection de l’environnement et de protéger les ressources naturelles du pays contre toute exploitation abusive.

Objectifs de la Tunisie en matière de développement durable :

11Grâce à la mise en place de cette infrastructure nationale et de ses prolongements régionaux, la Tunisie a une stratégie visant à :

  • améliorer le ratio d’espaces verts par habitant (de 4,4 mètres carrés par habitant en 1993 à 15 mètres carrés par habitant en 2009),
  • protéger le milieu hydrique contre la pollution par les eaux,
  • protéger l’atmosphère (élimination des gaz nocifs),
  • préserver la couche d’ozone (la Tunisie a adhéré à la convention de Vienne et au protocole de Montréal),
  • lutter contre les changements climatiques et l’augmentation des concentrations des gaz à effet de Serre (GES) dans l’atmosphère (la Tunisie a adhéré au protocole de Kyoto),
  • procéder à la gestion des déchets solides,
  • gérer et promouvoir les zones humides naturelles et protéger leur richesse biologique animale et végétale,
  • lutter contre le processus de dégradation des sols et la désertification,
  • protéger ses ressources en eau.

12L’approche tunisienne en matière de développement durable est d’autant plus efficace que les autorités du pays cherchent à coupler ce nouveau type de développement économique avec une politique sociale qui favorise la diminution des inégalités entre citoyens sans remettre en cause les grands équilibres budgétaires que les Finances Publiques de l’État doivent respecter.

Les plans d’action au niveau national et régional

13En 1996, un programme d’action nationale « Agenda 21 National » a été mis en place. Ce programme a été développé et mis en œuvre dans le cadre du 9ème Plan de développement économique et social (1997-2001).

14Les objectifs tunisiens concernant le développement durable ont été réaffirmés dans le 10ème Plan de développement (2002-2006). Ce plan met l’accent sur la nécessité de lutter contre la désertification, le gaspillage des ressources naturelles, les différents types de pollution, etc.

15L’implémentation du programme « Agenda 21 National » s’effectue au niveau national et au niveau des gouvernorats régionaux. La mise en place au niveau régional se fait dans le respect des orientations tracées au niveau national dans le cadre d’une vision commune pour un développement durable. Elle a permis de dégager les priorités du 11ème plan de développement (2007-2011).

16Ces priorités ont été définies dans le cadre d’une conférence nationale « Environnement sain : fondements pour un développement durable » qui a tenu compte des préoccupations régionales des citoyens en termes de développement durable. Un Comité National de Consultation pour le Développement Durable s’est par la suite réuni pour valider les orientations du 11ème Plan.

17Un processus régional a permis d’élaborer des programmes d’action régionaux (24 programmes, un par région administrative du pays). L’organisation dans chaque gouvernorat d’une consultation régionale sur le thème « Environnement sain fondamental pour un développement durable » a constitué le second processus régional. Plus de 8 000 participants ont pris part à ces consultations qui ont permis d’identifier les priorités non seulement en matière de protection de la nature mais également en termes de déséquilibres économiques et sociaux.

18Les recommandations et les objectifs du 11ème plan (2007-2011) ont été également précisés par le Président Zine El Abidine Ben Ali :

  • Soutenir à long terme un développement économique qui ne serait pas choisi uniquement en fonction des gains financiers immédiats, mais également dans le respect de la protection et de la sauvegarde des ressources naturelles et humaines du pays, dans un cadre qui permet au pays de respecter les standards internationaux en termes de développement durable.
  • Encourager la croissance économique en faisant appel aux ressources humaines et intellectuelles du pays ; ce qui passe par une diffusion du savoir et par une formation des équipes au niveau national (en Tunisie) et à l’étranger dans des instituts de formation professionnelle, ou dans des écoles et des universités reconnues pour l’excellence de leurs programmes d’études. Il faut donc privilégier la formation des hommes afin de promouvoir une croissance de l’économie qui ne fasse pas uniquement appel à l’exploitation, voire au gaspillage des ressources naturelles du pays. À cet effet, l’une des priorités de l’État tunisien est d’intégrer le développement durable dans les impératifs que doivent respecter les responsables de l’enseignement scolaire et universitaire auquel est consacré environ un tiers du budget de l’État.
  • Définir une politique à suivre pour les activités industrielles et commerciales que l’on peut qualifier de « classiques » (production agricole, industries conventionnelles, exploitation des ressources minières et autres, activités liées au tourisme, etc.) qui protège les ressources naturelles et les écosystèmes, tout en assurant une compétitivité économique sur le marché local et mondial (le cas échéant) dans le respect des impératifs écologiques.
  • Sauvegarder les ressources du pays (industries fossiles notamment) afin que le coût de la dégradation de l’environnement soit égal ou inférieur à 2,1 % du PIB.

19Des outils appropriés ont déjà été élaborés ou sont en cours de mise en place pour le suivi de l’application de ces recommandations par les différents opérateurs du développement durable et pour l’identification des contraintes qui gênent la mise en œuvre de ce développement au niveau sectoriel et territorial.

20Néanmoins, il faut rappeler que cette politique n’est possible et applicable que si les conditions suivantes sont respectées :

  • Prendre en compte la nécessité de la juste répartition des fruits de la croissance et d’un développement économique qui tiennent compte des infrastructures du pays. Cette politique a déjà été implémentée avec succès si l’on tient compte de l’accroissement de la classe moyenne (environ 75 % de la population en 2008) et de l’accession à la propriété de la résidence principale qui concerne 80 % de la population. En outre, le revenu par habitant s’élève à 7 900 $ en 2008 (estimations) ce qui constitue un quadruplement au cours des 20 dernières années.
  • Associer toutes les couches de la population au processus de prise de décision dans le cadre du développement durable.
  • Assurer une cohésion sociale basée sur la solidarité inter-générationnelle, et sur une plus juste répartition des fruits de la croissance au sein des différentes couches sociales de la population. Il faut signaler que les dépenses sociales constituent plus de 56 % du budget national.
  • Assurer la maîtrise du développement démographique du pays : ainsi, la population tunisienne s’élève à un peu moins de 10 500 000 personnes avec un taux d’accroissement de 0,98 % par an, ce qui est l’un des taux les plus faibles du continent africain. Dans le même temps, la taille des ménages diminue (4,53 en 2004), l’espérance de vie augmente (72 ans d’après des estimations pour l’année 2009), la mortalité infantile baisse (22 pour 1000 d’après des estimations pour l’année 2009).

21L’ensemble de ces politiques menées par le président tunisien, par son gouvernement et par l’administration centrale et régionale, a permis d’atteindre un niveau de développement social dont la meilleure expression est l’Indice de Développement Humain (IDH), élaboré par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

22En effet, cet indice est le meilleur instrument pour établir des comparaisons entre les pays pour ce qui est de leur situation générale. L’IDH synthétise plusieurs indicateurs comme l’espérance de vie, le taux d’alphabétisation des adultes, le taux de scolarisation et le produit intérieur brut (PIB). La valeur de l’IDH est comprise entre zéro et un. En 2004, l’IDH de la Tunisie se situait à 0,753. Afin de faire une comparaison significative, il faut savoir que dans le contexte arabe et nord-africain la Tunisie arrive en neuvième position dépassée presque exclusivement par les pays exportateurs de pétrole. Si l’on ne tient pas compte de ces pays dans le classement de l’indice du développement humain, la Tunisie arrive en seconde position derrière le Liban (indice : 0,759). Ainsi dans cette région du monde, la Tunisie arrive au second rang des pays qui vivent grâce à leur potentiel humain et non grâce à des ressources économiques naturelles. La progression de l’IDH de la Tunisie est remarquable si l’on tient compte du fait que l’indice était de 0,519 en 1975 (rappelons qu’en 2004, il est de 0,753).

23Ainsi, la Tunisie prouve son engagement pour promouvoir le développement durable grâce à la mise en place de directives et d’infrastructures nationales et locales auxquelles les agents économiques ne peuvent plus se soustraire. Ceci est d’autant plus remarquable que cette évolution est accompagnée d’une croissance économique qui n’a pas faibli ces dix dernières années.


Date de mise en ligne : 01/11/2016

https://doi.org/10.3917/lcdlo.097.0055

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.81

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions