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Article de revue

J’étais un catholique

Pages 186 à 190

Notes

  • [*]
    Bernard Seynhaeve est membre de l’École de la Cause freudienne.
  • [1]
    Aubert J., « Sur James Joyce : Galerie pour un portrait » [9/3/1976], Analytica, Navarin, n 4, Paris, 1992, p. 17.
  • [2]
    Lacan J., Le Séminaire, livre xxiii, Le sinthome, Paris, Le Seuil, 2005, p. 126.
  • [3]
    Aubert J., « Sur James Joyce … », op. cit., p. 17.
  • [4]
    Ibid.
  • [5]
    Ibid., p. 8.
  • [6]
    Joyce J., « Portrait de l’artiste », Portrait de l’artiste en jeune homme, Paris, Gallimard, folio classique, 1982, p. 96-97.
  • [7]
    Lacan J., Le séminaire, livre xxiii, op. cit., leçon du 11 mai 1976, p. 154.
  • [8]
    Cf. Joyce J., Portrait de l’artiste en jeune homme, op. cit., p. 138-140 ; & cf. Lacan J., Le séminaire, livre xxiii, op. cit., leçon du 11 mai 1976, p. 149-150.
  • [9]
    Lacan J., Le séminaire livre xxiii, op. cit., leçon du 11 mai 1976, p. 152.
  • [10]
    Lacan J., « Joyce le Symptôme », Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 565.
  • [11]
    Ibid., p. 566.
  • [12]
    Lacan J., Interventions lors des Conférences du « Champ freudien », Analytica, Navarin, n° 4 (supplément au n° 9 d’Ornicar ?), extraits de la discussion qui eut lieu après l’exposé de Jacques Aubert : « Galerie pour un portrait » aux « Conférences du Champ freudien », p. 8.
  • [13]
    Ibid., p. 18.
  • [14]
    Ibid.
  • [15]
    Ibid.
  • [16]
    Ibid., p. 17.
  • [17]
    Ibid., p. 6.
  • [18]
    Terme de théologie. Douleur vive et sincère d’avoir offensé Dieu, laquelle vient moins de la crainte du châtiment, que d’un sentiment d’amour et de reconnaissance. Faire un acte de contrition. Contrition parfaite, imparfaite. « Le concile de Trente définit la contrition en disant que c’est une douleur et une détestation des péchés commis, jointe à la volonté de n’en plus commettre », Bourdaloue L., Pensées, nouvelle édition, t. i, p. 302.
  • [19]
    Miller J.-A., L’orientation lacanienne iii, « Choses de Finesse en psychanalyse », (2008-2009), enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de Paris viii, leçon du 14 janvier 2009, inédit.
  • [20]
    Ibid.

1Voilà pourquoi, me disait l’analyste comme je le quittais, Lacan pouvait dire que le vrai catholique est inanalysable. La ruse de la confesse ! Vous devriez écrire quelque chose à ce propos.

2Lacan fait cette remarque à deux reprises, à une semaine d’intervalle. On pourrait dire qu’il persiste et signe. La première fois, il intervient dans la discussion entre Jacques-Alain Miller et Jacques Aubert qui a lieu le 9 mars 1976, après une conférence à laquelle il assistait. J. Aubert commentait ce soir-là le roman de James Joyce Portrait de l’artiste en jeune homme. S’adressant à J. Aubert, Lacan dit ceci : « Je vais vous dire la réflexion qu’en vous écoutant je me suis faite à propos de la confesse et de tout ce qui s’en suit […] Je pensais à un de mes analysants qui est un vrai catholique, mûri dans la saumure catholique à un point qui n’est certainement égalé par personne ici, sans cela personne n’y serait. En somme, un catholique vraiment formé dans le catholicisme est inanalysable. » [1]

3Il refait cette remarque à peu près dans les mêmes termes à son séminaire, le 16 mars. Lors de cette séance, Lacan qualifie Joyce de vrai catholique, et il précise, un catholique, c’est-à-dire « élevé par les Jésuites ». [2] L’intervention de Lacan est à lire sur la toile de fond de la formation du symptôme de Joyce en tant que mode de nouage borroméen, de la formation de son ego.

Première précision

4Lacan donne d’abord une indication de ce sur quoi il fonde sa remarque : « Voilà ce que j’ai pensé en vous écoutant », dit-il. Il vient d’entendre J. Aubert ; il est absorbé par la construction de sa nouvelle clinique et il a une association d’idées par rapport à l’un de ses analysants. Ce soir-là, J. Aubert parle de la formation de Joyce. Joyce est profondément marqué par sa formation chez les Jésuites, grands casuistes devant l’Éternel qui se vouèrent à la lutte contre l’austérité morale en invoquant la miséricorde divine. Dieu est infiniment bon et son indulgence est sans limites. La miséricorde divine sur laquelle s’appuie le probabilisme de François Suarez promet l’absolution de toute faute humaine. Dans son ambivalence, elle consent au péché et, dans un effort constant, vise à pardonner le pénitent repentant.

5Lacan précise que « les vrais catholiques sont inanalysables parce qu’ils sont déjà formés par un système auquel on a essayé de survivre avec l’analyse de Freud ». [3] Ces vrais catholiques sont parvenus à rendre compatibles religion et psychanalyse, à articuler religion et découverte freudienne. Les experts en la matière sont évidemment les casuistes. À cet égard, Lacan parle de « prodigieuse végétation ». [4] Les Jésuites parviennent par des contorsions de l’esprit, véritables tours de force, à tout pardonner, à tout suturer, à tout récupérer, à arrondir ce qui ne tourne pas rond. De quoi parle J. Aubert ce soir-là ? Il met en exergue dans les premiers écrits de Joyce son érudition dans le domaine de la casuistique, et fait observer que la casuistique a évidemment pour fonction essentielle de récupérer ce qui, à s’en tenir à la Loi, a chu. [5] La confession est clairement une opération de récupération de la perte par l’usage du symbolique.

6Joyce, dit-il, s’était particulièrement intéressé au sacrement de la pénitence. La confession était une pratique fortement ancrée dans sa culture. On la retrouve un peu partout dans ses premiers écrits. Tout au long du Portrait, on trouve un Stephen Dedalus en proie à des raisonnements qui relèvent de la haute voltige casuistique. J. Aubert met ainsi en exergue dans Le Portrait une réflexion reprise de l’enfance de Joyce : « Était-ce un péché de la part du père Arnall, de se mettre en colère, ou bien est-ce que cela lui était permis, lorsque les élèves étaient paresseux, pour les obliger à travailler mieux ? Ou bien faisait-il seulement semblant d’être en colère ? Cela devait lui être permis, car un prêtre sait ce qui est un péché, et ne le fait pas. Mais s’il péchait une fois, par erreur, qu’est-ce qu’il ferait, pour se confesser ? Peut-être irait-il se confesser au vice-recteur ? Et si le vice-recteur commettait un péché, il irait chez le recteur ; et le recteur chez le provincial ; et le provincial chez le général des jésuites. Cela s’appelait l’ordre […] ». [6]

Seconde précision

7Revenons à la toile de fond que constitue l’actualité de l’enseignement de Lacan. Lacan réfléchit. On s’en aperçoit dans le débat qui a lieu lors de cette soirée. Il construit. Arrêtons-nous à la formation du moi de Joyce. Dans son Séminaire, Lacan situe l’erreur du « nœud bo » de Joyce entre le réel et le symbolique, ce lapsus du nœud qui désolidarise le rond de l’imaginaire des deux autres et qui, du même coup, lie l’inconscient au réel. [7] Dans ces conditions, l’imaginaire peut glisser entre les ronds du réel et du symbolique. L’imaginaire se défait à l’occasion. C’est ce qui se produit lors de la raclée que Lacan met en évidence. [8] Pour fixer son nœud, Joyce doit corriger ce lapsus. Lacan définit l’ego de Joyce « comme correcteur du rapport manquant, soit ce qui […] ne noue pas borroméennement l’imaginaire à ce qui fait chaîne de réel et d’inconscient ». [9] Cet ego, c’est le sinthome de Joyce et, comme le souligne Jacques-Alain Miller lors de cette soirée, son texte, son écriture singulière a ceci de particulier qu’elle nécessite un déchiffrage infini. C’est un ego – encore appelé escabeau par Lacan jouant avec le signifiant « hissecroibeau » [10] – c’est un ego particulièrement fort, qui donne à l’écriture de Joyce ce style un tantinet orgueilleux. Art-gueil précisera Lacan à propos de l’escabeau de Joyce. L’Art-gueil[11], qui signe la jouissance de Joyce, lui est en effet nécessaire pour satisfaire à la résistance du nouage borroméen.

De l’ego de Joyce à la formation du moi chez l’obsessionnel

8Lacan donne une précision sur la solidité du moi de Joyce. Il pointe chez lui un imaginaire redoublé, renforcé, « un imaginaire de sécurité si l’on peut dire ». [12] « Est-ce que Stephen Dedalus, dit-il, ne joue pas par rapport à James Joyce le rôle d’un point d’accrochage, d’un ego ? Est-ce un ego fort […] ou est-ce un ego faible ? Je crois que c’est un ego fort, d’autant plus fort qu’il est entièrement fabriqué ». [13]

9L’intérêt de la remarque de Lacan c’est qu’il l’élargit, il l’étend aux obsessionnels, vrais catholiques. On pourrait s’en étonner dans la mesure où l’on sait que Joyce n’est pas un sujet obsessionnel. Mais comme le fait remarquer ici J.-A. Miller, la discussion ne porte pas sur la structure subjective, mais sur la formation du moi. Lacan poursuit : « quelle est la fonction de l’ego dans la formation du catholique ? Est-ce que la formation catholique n’accentue pas ce caractère en quelque sorte détachable de l’ego ? » [14] Cette thèse fait valoir la dimension de redoublement, de renforcement de l’ego du vrai catholique qui lui confère un moi particulièrement solide qu’il n’est pas possible de déranger.

10J.-A. Miller précise : « un moi qui se construit, le moi classique des romans d’éducation [comme celui qui a été commenté ce soir-là], est un moi obsessionnel. » [15] Lacan le confirme : « C’est ça, le français marque bien que le moi est en fin de compte déterminé, qu’on le choisit. C’est une sorte d’objet. » Le moi obsessionnel est une construction. « Les vrais catholiques sont inanalysables, dit Lacan, parce qu’ils sont déjà formés par un système auquel on a essayé de survivre avec l’analyse de Freud. » Et « pour les gens qui sont déjà formés, l’analyse, c’est sans espoir ». C’est sans espoir, dit-il, parce qu’« il n’y a aucun moyen de l’attraper par le bout de quelque oreille » [16] ; il faut traduire : parce qu’il n’est pas possible de déranger la défense.

L’interprétation de l’analyste

11Sept ans, c’est l’âge de raison. C’est l’âge où va se former le moi. Sept ans, c’est aussi l’âge où, dans la religion catholique, l’enfant fait sa première communion. Dans ma famille, ce fut un moment éminent. L’édification de l’escabeau. Car l’Ostie consacrée n’est offerte qu’aux âmes pures. D’où la découverte très tôt de la notion de péché articulée à la faute et le passage obligé par la confesse. L’instruction du petit aspirant que j’étais m’avait permis de saisir – dès le plus jeune âge – la ruse de cette pratique, que « la confession est une pratique dans laquelle se déploie une culpabilité formulée mais qui peut être annulée […] par un effet de parole. C’est le côté sacramentel ». [17] Ma formation comprenait un chapitre réservé aux subtiles nuances qu’il fallait accorder entre péché véniel et péché mortel. Tout cela nourrissait mes pensées. Mourir en état de péché mortel condamnait l’âme à la mort éternelle. C’est ce que j’avais retenu de la leçon.

12L’âge de raison était ainsi l’âge où je fis l’hypothèse de la mort. De la mort, ce n’est pas qu’on n’en causait pas à la maison. Elle rôdait par là, présente dans l’énonciation. Lorsque la famille se réunissait pour réciter la prière du soir, le père ne manquait jamais d’invoquer deux signifiants-maîtres, deux personnages familiaux décédés, entre lesquels j’étais pris en sandwich ; l’oncle mort à la guerre, tant vénéré par mes deux parents et qui fut ainsi l’exemple à suivre, et le petit frère, né juste après moi et décédé quelques mois après la naissance. Au ciel tous les deux. L’un mort en martyr, l’autre baptisé immédiatement après la naissance, à la maternité, comme ce fut l’habitude à cette époque pour chacun de nous. « Pourquoi ? – On ne sait jamais ! », répondait-on.

13Mourir l’âme pure, lavée de toute faute, était par conséquent ce qui pouvait arriver de mieux à chacun de nous. Et chez les Catholiques, racontait-on, toute faute, aussi énorme fût-elle, est toujours pardonnable… à condition que le pécheur soit sincère. Il fallait avoir la contrition. [18] Il régnait là une ambiance très spéciale, propice à engager le jeune enfant que j’étais dans une belle carrière de casuiste. Ce que je fis d’ailleurs très tôt puisque curieux comme j’étais, je ne manquais pas d’être confronté à un excès de jouissance.

14À l’âge de raison donc, je trouvais là l’occasion de déployer et d’alimenter un symptôme obsessionnel. Le péché de la chair, reconnu péché mortel, condamne l’âme à la mort si elle vous surprend dans cet état. Mieux vaut se laver de la faute avant de mourir. Ainsi fallait-il veiller à ne pas mourir entre le moment où l’on a commis la faute et celui de la confesse. Sinon ! Il y a un remède pour se laver de la faute : la confession. Il m’était donc possible de jouir ; il suffisait d’aller se confesser l’instant d’après. Et j’avais découvert une congrégation de religieux où il m’était possible de me confesser non-stop, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les Pères barnabites qui tenaient joyeusement confesse à quelques centaines de mètres à peine de la maison familiale. Ce symptôme obsessionnel s’est ensuite transformé en un rituel – aller me confesser chez le même confesseur, une fois par semaine. C’est ainsi que j’irai chaque semaine rencontrer mon analyste.

15Une fois évoqué ce souvenir d’enfance, l’interprétation de l’analyste surgit : « Voilà pourquoi, Lacan disait que le vrai catholique est inanalysable. » Le doigt levé de Saint-Jean. Pourquoi ? J’avais démontré une évidence de Lacan. J’étais censé savoir pourquoi. Je l’ignorais cependant. J’étais tenaillé par le savoir que j’étais censé receler mais que j’ignorais.

16Dans son cours du 14 janvier 2009, J.-A. Miller m’apportera un éclairage nouveau en proposant le signifiant « amorphe mental ». Il propose ce signifiant pour tenter de cerner ce dont il s’agit à propos de la conscience et dont on ne sait pas trop ce que c’est. « C’est un abus, dit-il, de s’imaginer que la conscience définirait un lieu transparent : c’est tout à fait exceptionnel dans l’événement de conscience. Ce qu’on se dit consciemment n’apparaît le plus souvent que sous une forme ébauchée, ça reste, dans l’ensemble, amorphe, au sens propre : ça n’est pas mis en forme […]. Une analyse commence sur le mode de la formalisation. L’amorphe se trouve doté d’une morphologie. Ce n’est pas simplement que l’implicite passe à l’explicite, sinon qu’une transformation a lieu, radicale puisqu’on passe de l’absence de forme à une forme. L’amorphe se dessine, à chaque séance, il prend des angles, il se présente sous un jour différent. » [19] Miller apporte alors la précision suivante : « Le vrai Catholique, disait Lacan, est inanalysable. Pourquoi ? Parce que son amorphe mental est plié à la pratique de la confession, et donc se formalise spontanément selon les catégories de son destinataire. On peut remarquer que ces catégories concernent essentiellement la jouissance, et la jouissance comme fautive. Ce qu’il s’agit de confesser, c’est la jouissance en tant que ce n’est pas celle qu’il faudrait. On a évidemment relâché ça sous l’influence de Freud mais c’est l’orientation de cette pratique. Elle vise à cerner le péché. Heureusement, il n’y a pas le péché, il est évalué selon une échelle, il y a les péchés, les plus graves et puis ceux qui ne comptent pas vraiment, les véniels. Ça permet toutes les ruses : de confesser le véniel pour différer le capital. Ça ouvre à tout un jeu destiné à obtenir, à bon compte, l’absolution. Lacan pensait – j’imagine – que ceux qui sont vraiment mordus par cette pratique, que les as de la confession au fond sont imperméables à l’analyse parce qu’ils sont devenus trop rusés avec leur dire de la jouissance. » [20]

17Lorsque Lacan dit que le catholique est inanalysable, il pense à l’un de ses analysants. Un vrai catholique s’arrange, ou plutôt s’accommode de son analyste comme de son confesseur. Il « ne se laisse pas attraper par le bout de l’oreille ». De bonne foi, il invente « toutes les ruses ». Il confesse ses péchés véniels et fait l’économie du dire sur sa jouissance. Son moi, particulièrement fort, louvoie adroitement sans avoir à prendre acte du retour du refoulé, sans se laisser surprendre par l’interprétation. Le vrai catholique obtient sa part de jouissance dans le rituel même des séances. Cela lui convient ; cela lui suffit. Le vrai catholique, celui qui s’est formé un moi catholique, est un sujet pardonnable. On ne l’attrape pas par le bout de l’oreille. Il s’arrange pour faire porter par l’Autre la responsabilité de la faute. C’est sa façon de donner consistance à l’Autre. Pauvre pécheur, puisque Dieu l’a ainsi fait, c’est sa condition humaine, il se dédouane sur l’Autre de la faute. Qu’on lui pardonne. Il n’est pas responsable de sa position de sujet et n’a donc pas à en rendre compte. Il ne lâche pas si facilement sa jouissance. Le sacrement de la pénitence, au même titre que les exercices de dévotion et les ferveurs jaculatoires, entre dans l’économie subjective de l’obsessionnel catholique. Le vrai catholique incorpore la clémence divine dans son moi et élabore son symptôme avec le matériel signifiant que lui offre le rituel de la pénitence. Le vrai catholique se fabrique ainsi un moi particulièrement solide. On ne l’attrape pas par le bout de l’oreille, tout simplement parce que ses pratiques le rendent imperméable à l’interprétation. Son moi n’a pas d’oreilles. Il y a plus encore. Le pénitent ne s’aperçoit pas que la jouissance se situe moins dans l’accomplissement du péché – ou dans l’aveu même de la faute dans l’intimité du confessionnal – que dans l’intervalle qui sépare les deux temps. C’est très précisément ce point là de la jouissance que l’analyste va déranger dans la cure. L’espace qui sépare S1 de S2.

18Cette pratique d’enfant avait duré quelques années, le temps pour comprendre et de m’apercevoir de la ruse de la confesse. La confesse n’épongeait pas la culpabilité et ne traitait pas non plus l’angoisse qui s’étayait sur mes pratiques de jouissance. Je n’avais pas la contrition. L’analyste pouvait ici placer son interprétation. L’interprétation me fit vaciller. Le rituel des séances analytiques, je le découvris alors, était répétition de celui des séances de confessionnal dans l’enfance. La jouissance que recélait le symptôme fut ainsi pointée du doigt levé de l’analyste. La vérité sur la jouissance échappait à l’aveu attendu des confessions de l’enfance. La contrition était impossible. L’absolution n’éponge pas la jouissance. Enfant, je le savais déjà. C’est ce dont l’analyste prenait acte.

Notes

  • [*]
    Bernard Seynhaeve est membre de l’École de la Cause freudienne.
  • [1]
    Aubert J., « Sur James Joyce : Galerie pour un portrait » [9/3/1976], Analytica, Navarin, n 4, Paris, 1992, p. 17.
  • [2]
    Lacan J., Le Séminaire, livre xxiii, Le sinthome, Paris, Le Seuil, 2005, p. 126.
  • [3]
    Aubert J., « Sur James Joyce … », op. cit., p. 17.
  • [4]
    Ibid.
  • [5]
    Ibid., p. 8.
  • [6]
    Joyce J., « Portrait de l’artiste », Portrait de l’artiste en jeune homme, Paris, Gallimard, folio classique, 1982, p. 96-97.
  • [7]
    Lacan J., Le séminaire, livre xxiii, op. cit., leçon du 11 mai 1976, p. 154.
  • [8]
    Cf. Joyce J., Portrait de l’artiste en jeune homme, op. cit., p. 138-140 ; & cf. Lacan J., Le séminaire, livre xxiii, op. cit., leçon du 11 mai 1976, p. 149-150.
  • [9]
    Lacan J., Le séminaire livre xxiii, op. cit., leçon du 11 mai 1976, p. 152.
  • [10]
    Lacan J., « Joyce le Symptôme », Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 565.
  • [11]
    Ibid., p. 566.
  • [12]
    Lacan J., Interventions lors des Conférences du « Champ freudien », Analytica, Navarin, n° 4 (supplément au n° 9 d’Ornicar ?), extraits de la discussion qui eut lieu après l’exposé de Jacques Aubert : « Galerie pour un portrait » aux « Conférences du Champ freudien », p. 8.
  • [13]
    Ibid., p. 18.
  • [14]
    Ibid.
  • [15]
    Ibid.
  • [16]
    Ibid., p. 17.
  • [17]
    Ibid., p. 6.
  • [18]
    Terme de théologie. Douleur vive et sincère d’avoir offensé Dieu, laquelle vient moins de la crainte du châtiment, que d’un sentiment d’amour et de reconnaissance. Faire un acte de contrition. Contrition parfaite, imparfaite. « Le concile de Trente définit la contrition en disant que c’est une douleur et une détestation des péchés commis, jointe à la volonté de n’en plus commettre », Bourdaloue L., Pensées, nouvelle édition, t. i, p. 302.
  • [19]
    Miller J.-A., L’orientation lacanienne iii, « Choses de Finesse en psychanalyse », (2008-2009), enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de Paris viii, leçon du 14 janvier 2009, inédit.
  • [20]
    Ibid.
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