Une bonne photo demande du temps et de la discrétion.
Du temps pour approcher, de la discrétion pour rencontrer.
Éveiller la curiosité des gens, sourire et savoir rester à l’écart. Savoir aussi partir si l’invitation ne vient pas… Les gens du monde entier apprécient la discrétion de l’étranger.
Ayant fait les dix mille premiers kilomètres, je souhaitais que les gens fassent les derniers pas de cette rencontre. Ces derniers pas sont parfois imperceptibles et appellent beaucoup d’attention : une attitude qui change, l’ébauche d’un sourire, un détour dévoilé par une timidité maladroite…
Et c’est un jeu exquis d’être ainsi en alerte, à l’affût de ces invitations contenues, réciproques mais inavouées, que la culture, la personnalité ou les circonstances contraignent.
Généralement le regard se dévoile, trahit et libère, s’enveloppant comme pour se protéger d’un sourire ou d’un rire un peu gêné.
La pudeur est là aussi, mais dépassée par la curiosité et la joie naturelle de la rencontre qui enfin s’établit ouvertement et dépasse la barrière du langage.
La photographie peut avoir lieu.
Ces images sont aussi l’histoire des derniers pas précédant chacune de ces rencontres. Des pas retenus, le regard baissé de peur qu’il ne blesse.
Un papillon s’envole parfois au moindre geste… Il y a bien plus important que la photographie.
Le plus beau d’un voyage est ce qui ne rentre pas dans la mémoire mais l’enveloppe.
Les plus belles images sont celles que l’on ne prend pas, celles que le silence enregistre sans laisser de traces…