Notes
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[1]
Traduit de « The hippocampus facilitates integration in a symbolic field ». Int.J.Psychoanal, (2017) 98 : 1333-1357, par Patricia Waltz, relu par Jenny Chan.
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[2]
NdT : distributed processing : se réfèrent à des systèmes qui ont besoin de plus d’un ordinateur ou processeur pour être traités.
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[3]
En comparaison avec d’autres systèmes, chaque combinaison entre unités processuelles peut créer un phénomène unique et nouveau qui n’est pas seulement une addition des unités.
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[4]
Cf. les discussions entre Sue Llewellyn (Llewellyn, 2013) et Mark Solms (Solms, 2013) sans oublier la réponse du Dr Llewellyn aux affirmations du Dr Solms, dans la partie réponse de ce volume (Bloom, 2013, p. 644 et 645).
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[5]
Il est intéressant de noter que c’est ceux qui, au début, avaient vraiment une grosse difficulté à se retrouver dans le labyrinthe, qui semblent avoir rêvé de lui. Cela conforte l’idée qu’une fonction des émotions pourrait être de marquer certaines activités pendant la journée afin qu’elles puissent encore être traitées mentalement pendant la nuit, dans les rêves.
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[6]
Ce fait complique l’affirmation que H.M. dormait « normalement » (Solms, 2013). Bien qu’il soit possible que H.M. ait rapporté de manière anecdotique des images alors qu’il dormait, mais sans clarification supplémentaire et sans examen, ceci ne prouve ni n’infirme le rôle de l’hippocampe dans le traitement symbolique. Comme c’est évident plus bas, ceux qui présentent une dysfonction de l’hippocampe continuent de voir des images durant le sommeil, c’est l’intégration symbolique de ces images qui est perturbée.
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[7]
Ce qui apporte des indices stimulants pour penser que, si le traitement symbolique est perturbé, certains systèmes somatiques pourraient essayer de compenser ce traitement des stimuli, ce qui pourrait expliquer certaines expressions de détresse psychique dont nous sommes si familiers.
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[8]
Il est intéressant de noter, que l’exercice mental 2-Back requiert des individus qu’ils maintiennent une attention et une concentration intense pour remettre continuellement leur mémoire de travail à jour à partir d’une une liste assez lointaine de chiffres ou de lettres, un état bien différent que d’être sans mémoire ni désir.
Introduction
1Cet article étudie, de manière sélective, l’intégration des travaux de Donald Winnicott et de Wilfred Bion avec les résultats neuroscientifiques concernant le fonctionnement de l’hippocampe pour spéculer sur ce que j’appelle un champ symbolique de la pensée. Je démontrerai comment les deux théories explorent des idées fondamentales pour définir le concept de champs psychiques, et comment une intégration spécifique du matériel symbolique est essentielle à cette forme de pensée. Je présenterai ensuite des résultats neuroscientifiques qui s’intègrent à ces idées et montrent comment l’hippocampe facilite une première personne, symbolisation intégrative de la pensée d’une manière qui est liée, mais fondamentalement abstraite, à l’être dans le monde extérieur. Ces résultats viendront confirmer l’hypothèse que, quand tout va bien, la fonction de l’hippocampe est de faciliter (de manière inhérente) à la fois le maintien de la symbolisation des stimuli neuronaux et la réintégration permanente des éléments symboliques, créant ainsi un état dynamique de flux suffisamment stables dans le champ lui-même.
2Après examen, ces résultats montreront que ce processus est très banal, qu’on le retrouve dans des évènements de tous les jours comme chez quelqu’un qui décrit une histoire à la première personne, qui fait l’expérience d’un rêve intégré, qui imagine un parcours ou qui essaie de résoudre un problème faisant appel à des notions symboliques. Il est un composant essentiel de la mémoire, de la créativité et de la pensée elle-même.
3Cependant, la preuve qu’il existe des systèmes alternatifs de la pensée, qui sont de plus en plus visibles si le champ psychique est endommagé, est tout aussi essentielle que le champ symbolique. Je démontrerai comment d’autres manières de processer les stimuli sont aussi communes et normales dans la vie de tous les jours, et sont peut-être même nécessaires à l’apparition de la symbolisation. Cette exploration se prête à la spéculation sur la façon dont le champ symbolique paraît se « trouver entre » ou « au sommet de » nombreux systèmes de pensées, ce qui conforte, mais aussi, met à l’épreuve certaines réflexions théoriques de Winnicott, Bion et de leurs successeurs.
4S’il fonctionne suffisamment bien, ce processus intégratif de manière dynamique rend l’adaptation psychique continue possible. Il forme un schéma psychique souple qui aide les individus à naviguer dans leurs vies quotidiennes. Les résultats obtenus confirment de nombreuses théories psychanalytiques et neuroscientifiques, mais tout en les approfondissant et en mettant d’autres à l’épreuve de manière stimulante. Cette revue offre également un cadre essentiel dans lequel chaque discipline bénéficie de l’autre, de manière tangible et substantielle.
L’intégration des neurosciences et de la psychanalyse
5L’intégration des neurosciences à la psychanalyse est un sujet controversé. D’un côté, certains auteurs explorent le possible étayage neurologique de certains concepts psychanalytiques comme les relations d’objet (Kernberg, 2015) ou le matériel des rêves (Blechner, 2013). Un groupe a même présenté « un cas pour la neuropsychanalyse » (Yovell et al., 2015) en proclamant sa pertinence essentielle pour la psychanalyse. Cependant, cette idée a été directement critiquée par d’autres qui soulignent les difficultés concernant certaines de ces allégations neuropsychanalytiques. Certains vont aussi loin que de déclarer que plusieurs idées neuropsychanalytiques, sous la forme présentée, sont franchement délétères pour la psychanalyse (Blass et Carmeli, 2015). Ils soulignent qu’observer simplement qu’un phénomène se superpose entre une discipline et l’autre, n’est pas, en soi, une justification valable à l’adoption des idées neuroscientifiques par la psychanalyse, surtout si la valeur directe ajoutée à la psychanalyse est peu claire ou même contraire aux idées et à la technique psychanalytique contemporaine.
6Je suis d’accord avec la critique de la neuropsychanalyse faite par Blass et Carmeli sur le point que chaque affirmation concernant l’intégration des neurosciences à la psychanalyse doit justifier et prouver sa pertinence et sa valeur dans chaque champ au moyen d’un débat complet, juste et raisonné et qui prête attention à la méthodologie de chaque champ. Je pense que le phénomène que je vais vous décrire remplit ces critères.
Les champs de symboles interconnectés
7La définition la plus simple d’un symbole est une chose qui signifie quelque chose d’autre. Un champ est un espace psychique qui est défini par des forces qui donnent une nature dynamique particulière à l’espace qui l’entoure (Bohleber, 2013). L’usage des symboles dans les théories de l’esprit et le concept des champs psychiques sont de plus en plus pertinents pour la psychanalyse et les neurosciences. En psychanalyse, ceci a commencé dès sa création par Freud qui se réfère aux symboles dans ses premières publications en 1893 (Freud, 1893). Il le fait de manière détaillée quand il décrit les qualités changeantes des symboles et leur connections dans les rêves, grâce aux mécanismes comme la symbolisation, le déplacement, la projection, la condensation et la rationalisation qui semblent souligner, déplacer, altérer ou déformer du matériel psychique pour en faire le contenu manifeste de rêve (Freud, 1900).
8L’exploration a continué depuis lors. En mars 2015, sur PEP web, 9604 articles se référaient à l’utilisation du symbole. Chaque domaine de la psychanalyse se réfère à ce sujet. Les références à l’hippocampe sont moins nombreuses, comprenant 483 articles.
9Dans cet article, je vais me concentrer sur les quelques idées essentielles à la base de ma compréhension des symboles et des champs psychiques en me centrant sur deux auteurs importants, Donald Winnicott et Wilfred Bion. Je suis conscient que le terme « champ psychique » n’est explicitement utilisé ni par l’un ni par l’autre, mais ils sont souvent cités comme essentiels au développement de ce concept. Je démontrerai de quelle façon je pense que certaines de leurs idées sont parfaitement incluses dans ce terme.
10Winnicott théorise sur l’utilisation précoce du symbole du point de vue d’un pédiatre qui observe une mère et son enfant. Pour lui, les fondations du développement psychique se construisent grâce au jouer/créer, et au maintien des objets transitionnels qui, de manière inhérente, ouvrent un espace pour l’expérimentation avec les symboles et la pensée (Winnicott, 1953).
11Plus tard dans sa carrière, Winnicott est de plus en plus enclin à souligner l’importance de cet espace dans la vie de tous les jours. Dans Jeu et Réalité, il intitule un chapitre « le lieu où nous vivons » (Winnicott, 1971 [1975] chap. 8) Là, plutôt que d’essayer de nous expliquer de manière technique ce qu’il entend par « là où nous vivons », il nous propose de faire une expérience de ce qu’est un lieu. On y trouve sa conception de l’esprit humain :
Je peux être dans la pagaille, alors j’essaie de m’en sortir ou bien j’essaie de remettre les choses en ordre afin de pouvoir, pour un temps au moins, savoir où je suis. Ou encore, je peux avoir le sentiment d’être en mer, de faire le point pour rentrer au port (à n’importe quel port s’il y a de la tempête) ; et, quand je suis à terre, je cherche une maison bâtie sur le roc plutôt que sur le sable, et, dans ma maison qui – je suis anglais- est mon château, je suis au septième ciel.
13Pour lui, la question importante concernant la psyché humaine n’est pas seulement « qu’est-ce que je suis en train de faire ? » mais aussi « où est-ce que cela se passe ? ». Métaphoriquement, il rappelle l’image d’une ficelle qui relie et sépare les objets à la fois, une composante nécessaire et essentielle des pensées de tous les jours qui existent dans un espace potentiel se trouvant entre les objets mais aussi entre la réalité interne et externe. Cet espace intermédiaire existe chez quelqu’un qui écoute une symphonie, chez un tout petit sous la protection de sa mère, chez un groupe d’adolescents à un concert pop, et j’ajouterais, entre un analyste suffisamment bon et son analysant. Cet espace n’est rempli ni par le monde externe, ni par un instinct inné ni même par la réalité interne, mais par une intégration vivante de ces éléments à l’intérieur d’un psychisme, à un moment donné. D’une certaine façon, dans cet espace naît (nait) une capacité pour qu’un « Je » advienne, se déplace et qu’il le fasse sur un terrain de jeu plein de possibilités imaginatives. C’est dans ce « lieu » que les individus peuvent psychiquement faire l’expérience de l’imagination et d’un espace où se sentir authentiquement vivant à l’intérieur de leur esprit. (Winnicott, 1971, ch. 8)
14De manière semblable, Wilfred Bion a développé une conception de l’esprit comme étant en partie constitué par un réseau d’éléments et de liens (Bion, 1959). Dans ce modèle, différentes parties du système nerveux transmettent des stimuli neuronaux au cerveau qui transforme ces stimuli en éléments de base de la pensée. L’agglomération non transformée de stimuli psychiques et physiques d’une expérience sont appelés éléments bêta (Bion, 1962). Ces éléments bêta peuvent être décrits comme des « éléments statiques », des « choses en soi » et des « faits non digérés » (Bion, 1962). Bien que les éléments bêta puissent être transformés en éléments symbolisés de la pensée, en tant qu’éléments bêta ils ne sont pas métabolisables par le processus de pensée normal et sont donc « impensables ». Ils existent hors de la pensée consciente, de la mémoire et des rêves. Cependant les éléments bêta peuvent être métabolisés au moyen de la projection et de l’action ; ils peuvent être « agis » par le sujet mais de manière largement inconsciente.
15Bion pense que, grâce à la fonction alpha, les éléments bêta peuvent être transformés en éléments alpha. Les éléments alpha peuvent se lier de manière sensible et dynamique ce qui est essentiel pour la pensée, les souvenirs et les rêves (Bion, 1962, chap. 20). Bion est très explicite, ceux qui ne peuvent mettre leur fonction alpha en route ne peuvent pas non plus rêver (Bion, 1962).
16Bion, comme Winnicott, pense que l’aspect interprétant ou entre-deux de la pensée symbolique est essentielle pour qu’une forme de pensée créative et dynamique puisse advenir. Dans Aux sources de l’expérience, Bion relève que la fonction alpha et la fonction du rêve forment une « barrière » qui sépare, mais aussi met en contact, la pensée consciente et la pensée inconsciente, protégeant ainsi la psyché d’un état prépsychotique. (Bion, 1962).
17Tant l’espace transitionnel de Winnicott que la fonction alpha de Bion ont été un terreau fertile en psychanalyse. Les travaux plus tardifs de Winnicott sont de plus en plus centrés sur les moyens de créer un espace dans lequel un patient peut développer une capacité de penser d’une façon libre et authentique. La fonction alpha de Bion est, elle, liée au concept de rêverie, un état auquel on parvient soit seul soit avec les autres. Dans cet état, les éléments de pensées peuvent être métabolisés soit en transformant les éléments bêta en éléments alpha, soit en travaillant avec les éléments alpha, ce qui permet de digérer l’expérience en lui donnant du sens. Il faut noter que, tant pour Bion que pour Winnicott, cette fonction psychique ne se produit pas uniquement lorsqu’une certaine constellation de personnes est présente, mais décrit plutôt un appareil psychique qui peut se mettre au travail quand certaines conditions psychiques sont remplies, ce qui est possible dans chaque individu et les groupes. Dans Aux sources de l’expérience, il fait l’hypothèse du lien contenant/contenu qui prendrait ses origines, chez le tout-petit, à travers la relation avec sa mère. Ce lien peut être internalisé par l’enfant, il en résulte un processus qui existe complètement dans la psyché de l’enfant. (Bion, 1962) Par la suite, il décrit que cette fonction peut se produire dans les dyades (Bion, 1967), dans la psyché d’une personne (Bion, 1962) ou dans les groupes (Bion, 1962). Il me semble que, tant pour Bion que pour Winnicott, il est moins important de faire le détail du nombre de psychés qui est impliqué dans ce processus que de posséder cette capacité indispensable au fonctionnement psychique.
18Pour Bion, il est clair qu’il existe des façons de faire et des conditions qui peuvent améliorer ou immobiliser ce processus. Dans les Los Angeles Seminars, il recommande explicitement aux analystes d’abandonner mémoire et désir, impliquant que l’influence de la mémoire active, consciente avant la séance endommage la capacité de l’analyste à accéder à la rêverie avec ses patients en cours de séance.
19L’utilisation de la rêverie comme moyen facilitant l’exploration de l’espace psychique a bien été développée par d’autres auteurs depuis cette époque. Ogden a écrit sur la rêverie et le tiers (Ogden, 1994). Les Barrangers ont développé la théorie du champ psychanalytique dont Antonino Ferro, Giuseppe Civitarese et d’autres (Civitarese et Ferro, 2015, ch. 1) ont poursuivi l’étude. Et bien que de nombreux théoriciens se centrent sur la nature intersubjective de certains champs psychiques (en grande partie en raison de sa pertinence clinique directe en psychanalyse), on reconnaît de plus en plus combien le champ psychique existe aussi à l’intérieur des individus (Bohleber, 2013).
20Dans la communauté psychanalytique, on sait moins bien que des idées semblables se développent dans le champ des neurosciences. Bien que le langage soit différent, il existe des théories qui suggèrent que la psyché intègre de fragiles nouvelles traces mnésiques en déplaçant des réseaux de mémoire sémantique ancienne (Nadel et al., 2012). Des recherches, sur un état de continuel démembrement et de reconstruction des souvenirs complexes reliés entre eux, se consolidant sélectivement et recombinant certains éléments de ces traces de manière à influencer le réseau comme un tout, apparaissent (Wamsley and Stickgold, 2011). On admet qu’une grande partie de cette intégration se passe dans différents types de pensées, exploitant des systèmes mentaux particulièrement actifs lors de différents stades du sommeil (Wamsley et al., 2010a, 2010b) mais aussi utilisables à l’état de veille (Llewellyn, 2013).
21J’aimerais souligner que tous ces points de vue se rejoignent pour considérer le psychisme comme une matrice transmettant des informations, un filet, un espace ou un champ qui, dans l’expérience, prend souvent la forme d’une narration à la première personne. L’aspect essentiel du champ est sa nature interconnectée de manière dynamique. Je m’y référerai comme le champ symbolique. Le champ symbolique est un espace psychique où tout ce qui se passe dans le champ a une signification influencée, en premier lieu, par les relations dynamiques et symboliques dans le champ lui-même. Bien que cet espace soit créé par la fonction de l’hippocampe, stocké dans l’organisme, et réparti dans un ou plusieurs cerveaux, le champ symbolique lui-même n’est pas fait de matériel organique. On peut facilement le concevoir comme étant uniquement fait d’un réseau informationnel dynamique. Le champ symbolique est souvent perçu comme fondamental pour le self, avec ses nuances de flux dynamiques essentiels pour l’identité, de l’imagination, de la pensée et du rêve. En conservant le concept de champ, je suggère que si les champs symboliques peuvent être uniques à chaque individu, ils peuvent aussi être accordés aux champs d’autres personnes, créant ainsi des « rythmes » partagés ou des réseaux de pensées. Ce concept est en accord avec les idées de Bion et de Winnicott que je viens de citer, mais aussi avec le fait que les neurosciences reconnaissent que le cerveau contient déjà de nombreux centres de traitement de l’information, qui sont reliés les uns avec les autres de diverses manières. En associant ces éléments avec notre histoire de fonctionnement en groupe d’un point de vue de l’évolution, nous avons des indices pour penser que les humains sont de diverses façons fondamentalement adaptés à traiter l’information psychique de manière distribuée [2]. C’est vrai que nous regardions les multiples dendrites d’une section de cerveau comme des processeurs séparés de la communication, identifions l’hippocampe et les amygdales dans un hémisphère comme séparés mais en communication, observions les deux hémisphères communiquer à travers le corps calleux, ou voyions deux cerveaux ou davantage séparés physiquement, travailler ensemble afin de traiter certains stimuli psychiques. Traiter l’information de manière distribuée ajoute de la redondance, de la stabilité, des nuances et de la puissance [3] à n’importe quel système informatique mais rend la résolution exacte de « ce qui se passe où » plus difficile.
22Cependant, même avec un traitement de l’information de manière distribuée, il existe toujours une situation qui peut concrètement démontrer le rôle des structures cérébrales spécifiques dans le traitement de l’information, la situation du néant. Ainsi, comme je pense que les champs symboliques sont des phénomènes qui peuvent grandir et sont essentiels à de nombreuses formes de champs psychiques, incluant les champs intersubjectifs, je pense aussi que l’exploration proposée dans cet article commence simplement par l’examen de patients dont l’hippocampe ne fonctionne plus des deux côtés. L’examen des preuves directes de l’expansion du processus symbolique ne fera pas partie de cet article, mais j’espère que la majorité des lecteurs seront d’accord pour appliquer ce raisonnement à des groupes plus grands, une fois que j’en aurai fait la preuve initiale.
23Bien que le concept de champ symbolique recouvre les notions d’espaces proposées par Bion, Winnicott et d’autres auteurs, espérons que l’intégration des résultats issus des neurosciences aux idées analytiques lui apportera de nouvelles lumières. Malgré les difficultés à interpréter ces deux cultures, je pense que cette intégration montre, de manière tangible, la présence et le fonctionnement des champs symboliques mais révèle aussi que la symbolisation fait simplement partie d’une structure psychique dynamique plus grande. Par exemple, cette étude montrera qu’il existe des limites claires et mesurables liées aux champs symboliques. Dans la foulée, il est évident que ceux qui ne peuvent pas conserver ce type de fonctionnement symbolique sont tout de même encore capables d’apprendre à partir de certaines expériences, psychiques ou autres. Ce qui pose un défi à certaines anciennes conceptions psychanalytiques. Il existe aussi des indices qui montrent que, sous certaines conditions, on peut faire fleurir ou s’étioler, grandir ou s’effondrer le champ symbolique, résultats qui sont particulièrement importants pour la psychanalyse. Cela, avec les indices que l’activité symbolique pourrait être un phénomène mesurable dans le cerveau, ouvre des voies aux psychanalystes afin d’imaginer d’autres moyens pour aider les analysants, et nous-mêmes, à développer cet important aspect du psychisme.
L’hippocampe
24L’hippocampe est un repli profond de la surface du cerveau. On le nomme parfois « paléo cortex », en partie à cause de sa situation, issue de l’évolution, entre le « cerveau reptilien » primitif qui contrôle les fonctions corporelles de base comme la respiration, et le néocortex qui s’est développé plus récemment.
25L’hippocampe émet une onde oscillatoire enregistrée par l’électro-encéphalogramme à une fréquence entre 3 et 10 Hz, appelée aussi rythme thêta de l’hippocampe. Chez les rats, on retrouve ce rythme thêta le plus souvent durant les périodes d’activité exploratoire (quand le rat explore un nouvel environnement ou cherche quelque chose), il est considéré comme un composant neurophysiologique du sommeil en phase REM (Poe et al., 2000) une phase associée avec des rêves nocturnes intégrés et émotionnellement forts (Wamsey and Stickgold, 2011). On le retrouve moins souvent quand le rat fait d’autre chose que de l’exploration comme manger ou faire sa toilette (Hasselmo et al., 2002). Il est confirmé que le rythme thêta de l’hippocampe se produit aussi dans l’hippocampe humain (Eckstrom et al.).
26Bien que rares, il existe un certain nombre de situations où l’hippocampe est atteint de manière bilatérale, rendant cette fonction cérébrale inutilisable. Cette situation donne aux chercheurs la possibilité d’observer les conséquences de la lésion, mais aussi de faire des hypothèses sur le fonctionnement de l’hippocampe intact.
L’amnésie antérograde
27Une conséquence catastrophique sur les individus atteints de lésions bilatérales de l’hippocampe est la gravité de l’atteinte de leur mémoire. Classiquement, ces individus ne peuvent mémoriser de nouvelles informations que s’ils restent consciemment attentifs et concentrés. Si on les distrait, même pour un bref instant, l’information est perdue et il devient alors évident qu’elle n’avait fondamentalement pas été stockée de manière efficace. Les modèles organiques actuels de ce mécanisme font l’hypothèse que la fonction de l’hippocampe est, d’une manière ou d’une autre, de faciliter le passage de la mémoire d’une forme qui nécessite une attention immédiate en une forme extra-hippocampique existant de manière distribuée à travers le néo cortex (Yamashita et al., 2009 ; Winocur et al., 2010 ; McClelland et al., 1995).
28L’expérience malchanceuse de Clive Wearing est un exemple de cette catastrophe. Chef d’orchestre anglais avant une encéphalite virale sévère qui détruisit la plus grande partie de ses lobes temporaux, M. Wearing était torturé par son incapacité à mémoriser des événements psychiques afin qu’il puisse s’en souvenir en dehors du moment présent. La femme de Clive a été interrogée lors d’une émission de radio. Elle y décrit des journaux intimes contenant des notes datées. Dans plusieurs notes, il écrivait que c’était la première note du « vrai » Clive et que toutes les notes précédentes avaient été écrites par quelqu’un d’autre. Plus tard, ces notes étaient barrées, remplacées par la note la plus récente (Abumrad, 2007).
29Cependant, bien que l’amnésie antérograde existe chez les patients avec des lésions de l’hippocampe, certaines études plus nuancées concernant le rôle de l’hippocampe dans le fonctionnement mental pendant ces 10 dernières années nous ont énormément appris sur la mémoire, l’imagination, la pensée et le rêve.
L’agrandissement d’un bord, indice de l’usage du symbole
30L’agrandissement d’un bord est un effet facilement testé, qui est, de manière intéressante, une preuve d’une « erreur » mentale présente chez les gens sans lésion cérébrale. On la démontre en montrant à quelqu’un dont l’hippocampe fonctionne normalement l’image d’un objet avec un arrière-fond (par exemple un ours en peluche devant un escalier), et en lui demandant de s’en souvenir. L’image est ensuite cachée puis on demande à la personne de dessiner l’image exacte de mémoire. Au moyen de tests minutieux, on a validé que les individus sans lésions cérébrales ont la tendance inconsciente et automatique à déformer leurs dessins en agrandissant les bords de l’image et en dessinant la figure plus petite que celle qui avait été montrée (Mullaly et al., 2012).
31Cette erreur va dans le sens d’un processus de symbolisation. Au cours de la re-création normale de l’image, l’erreur prouve qu’on traite différemment les deux parties de l’image. D’une certaine manière, une partie des couleurs et des traits de l’image est désignée comme une « chose » qui a certaines caractéristiques (l’ours en peluche), alors qu’un autre arrangement de couleurs et de traits sont désignés comme autre chose (l’escalier). Lors de la reproduction de l’image, la déformation donne l’indice que l’esprit ne se souvient pas simplement de l’image complètement mémorisée comme une chose en soi. Le psychisme semble plutôt recréer l’image en assemblant inconsciemment les deux images. Cette conception de la mémoire comme un processus inconscient de consolidation, de démontage, et de manipulation des parties qui la constituent, entraînant une nouvelle consolidation sont un défi pour les conceptions antérieures de la mémoire (Nadel et al., 2012)
32Il est important de noter comment ceux qui souffrent de lésions de l’hippocampe bilatérales répondent à une tâche similaire. Quand on leur demande de reproduire l’image une fois cachée mais tout en maintenant leur attention, ceux qui ont une lésion de l’hippocampe tendent à ne pas agrandir les bords de l’image ! Ils tendent plutôt à dessiner leur image avec les mêmes proportions de l’objet et de son environnement que celles de l’image originale (Mullally et al., 2012).
33De cette façon, ceux qui souffrent d’une lésion de l’hippocampe sont techniquement plus précis que la population, car ils ne font pas cette erreur de mémoire manifeste. Cependant, ces résultats indiquent aussi une perte du traitement symbolique. Plutôt que l’hippocampe joue son rôle de facilitateur pour mémoriser l’image comme un escalier symbolique et un ours en peluche séparé, la lésion de l’hippocampe fait que l’observateur stocke l’image dans sa mémoire immédiate comme une seule chose, « un ours en peluche avec des escaliers derrière lui » qui, au niveau de l’information, ne peut être perçue et manipulée que comme une seule chose en soi. Cet échec de l’abstraction pourrait expliquer l’absence d’agrandissement des bords mais aussi l’incapacité à se souvenir de cette unique chose en soi, hors de la mémoire immédiate.
34Laissez-moi souligner combien cette hypothèse est en accord avec une description des éléments bêta par Bion dans laquelle il n’y a aucune distinction des stimuli en éléments distinguables, mais renvoyant à la place des stimuli encore plus agglomérés qu’ils avaient été reçus par le système nerveux (Bion, 1962).
Perte de la première personne, narration basée sur l’expérience
35H.M. souffrait de crises d’épilepsies invalidantes depuis son jeune âge et, à 27 ans, il a donné son accord à une résection bilatérale des lobes médio-temporaux (qui contiennent l’hippocampe). D’une certaine façon, cette chirurgie fut un succès car la fréquence des crises diminua, son QI se maintint à un excellent 112 et sa famille rapportait qu’il avait plus ou moins la même personnalité de base qu’avant (Corkin, 2013).
36Cependant, quoique H.M. présente une amnésie antérograde invalidante, il est utile de s’engager dans un examen plus approfondi de la globalité de son handicap. Parce que, bien que H.M. avait vraiment de la peine à se souvenir de nouvelles expériences après la chirurgie, il était de plus en plus clair (bien que généralement moins connu) que H.M. se battait avec d’autres types de fonctionnements mentaux spécifiques.
37Par exemple, alors que H.M. était capable de raconter des faits concernant des événements (évènements) antérieurs à la chirurgie, il se démenait pour pouvoir les revivre mentalement. Si vous le lui demandiez, il pouvait vous répondre correctement, mais de manière impersonnelle, que la deuxième guerre mondiale avait eu lieu, ou un crash de la bourse en 1929, et raconter certains détails spécifiques de sa jeunesse, comme le fait que, comme enfant, il avait fait des leçons de banjo. Cependant, H.M. avait une grosse difficulté à décrire les événements à la première personne, comme une narration basée sur l’expérience.
38Voici un exemple où l’investigateur essaye d’obtenir de H.M. le récit d’une expérience personnelle. Il est utile de savoir qu’H.M. avait eu deux relations amoureuses avant la chirurgie.
E : Êtes-vous déjà tombé amoureux ?
H.M. : Oui.
E : Pouvez-vous m’en parler ?
H.M. : Et bien, c’est juste comme on se sent et tout, et comme ça devrait être. Et elles en craquent pour vous. Et vous ne savez pas encore.
E : Pouvez-vous me raconter comme vous vous sentiez la première fois que vous êtes tombé amoureux de quelqu’un ?… un événement particulier ?
H.M. : Non.
E : Non, vous ne pouvez pas penser à ça ?… Pouvez-vous penser à un événement particulier d’une durée de plusieurs heures de votre petite enfance ? Est-ce que quelque chose de ce genre vous vient à l’esprit ?
H.M. : Non, je ne peux pas.
40Une revue de 147 cas de lésions temporales a été faite en 2001. Dans cet article, on note que les 17 patients présentent une détérioration de cette capacité que les neuroscientifiques nomment déficits de la « mémoire épisodique », ou plus spécifiquement, de la mémoire autobiographique (Spiers et al., 2001).
41Pour Bion et Winnicott, la structure narrative de la pensée est une caractéristique essentielle de la pensée. C’est un élément fondamental de l’exemple de Winnicott que j’ai cité. Bion se réfère aussi à la structure narrative des pensées du rêve.
L’homme qui dort vit une expérience émotionnelle, la convertit en éléments-alpha et devient ainsi capable de pensées du rêve. Il a alors la possibilité de devenir conscient (c’est-à-dire de s’éveiller) et de décrire l’expérience émotionnelle au moyen d’un récit communément appelé un rêve.
43Laissez-moi à nouveau plaider en faveur du développement des processus de symbolisation en montrant comment l’expérience propre, vécue de manière profonde, est transformée en choix narratifs personnels et riches de sens. Car si H.M. semble capable de mémoriser des informations impersonnelles, non subjectives, il ne peut pas raconter l’expérience réelle, à la première personne, à travers un récit vivant et stimulant les sens.
Cellules de lieu et carte cognitive
44L’hippocampe a aussi été associé avec un système cérébral qui signale la position de l’individu. Les docteurs John M. O’Keefe, May-Britt Moser et Edvard Moser ont été les pionniers de ce type de recherche, en découvrant les « cellules de lieu » dans l’hippocampe (O’Keefe et al., 1998). Ces cellules, dont l’existence a été d’abord confirmée chez le rat, déchargent à chaque fois que l’individu se trouve dans un certain lieu physique. Quand l’individu se met physiquement en mouvement, différentes cellules de lieu déchargent. De manière intéressante, les cellules de lieu qui sont extrêmement actives de jour sont réactivées pendant le sommeil, confirmant les indices en faveur d’une fonction mentale intégrative pendant le sommeil (Pavlides et Reece, 1993).
45Si on combine le concept de cellules de lieu avec l’hypothèse cliniquement validée que l’esprit a la capacité de créer et de stocker des schémas psychiques, la valeur des cellules de lieu croît exponentiellement. Ce processus qui consiste à déplacer les cellules de lieu tout en les gardant connectées de manière fiable a comme effet d’orienter la carte psychique interne sur le monde physique externe. Il permet aux individus, non seulement de se diriger dans le monde avec plus d’informations, mais aussi, grâce à l’imagination, il permet des voyages psychiques à l’intérieur de la « carte » psychique, en utilisant leurs positions orientées afin de pouvoir raisonnablement prédire ce « qui se trouve plus loin », physiquement et temporellement. Et comme quelqu’un peut « voir plus loin » en utilisant sa carte psychique, il peut aussi faire des prédictions de plus en plus sophistiquées sur ce que le futur pourrait contenir même si elles étaient vraiment basées sur un schéma largement construit sur l’intégration d’expériences passées (Mullaly and Maguire, 2013). Plus la carte psychique est précise, prédictive et dynamique, mieux les individus survivent et peuvent transmettre leur matériel génétique à la génération suivante. Si la carte intègre aussi des états émotionnels comme des niveaux d’anxiété, des représentations précises de personnes qu’on pourrait rencontrer ou des interactions possibles, alors la carte devient encore bien plus opérationnelle. Si nous admettons que cette carte se développe continuellement et que les cellules de lieu subissent la pression de l’évolution, nous pourrions raisonnablement expliquer une forme basique de pensée, donner une origine possible aux champs symboliques et peut-être même à un aspect des fondations du psychisme.
Traitement intégratif, schémas cognitifs et penser
46Étudiant comment s’entremêlent les schémas cognitifs, la mémoire et différentes manières de penser, le docteur Elanor Maguire et ses collègues ont publié une curieuse étude sur un chauffeur de taxi, T.T. qui, malheureusement présenta des lésions bilatérales sévères de l’hippocampe après une poussée d’encéphalite (Maguire et al., 2006). Une fois guéri, T.T. avait à peu près le même QI qu’avant, et il se débrouillait bien lors des tests exécutifs, perceptifs et de langage. En revanche, il présentait de graves troubles mnésiques concernant les événements avant et après l’infection. Au moment de l’infection, il avait été conducteur de taxi à Londres pendant 37 ans, une activité qui nécessite d’excellentes connaissances pour se diriger et pour reconnaître le réseau compliqué des rues de la ville. Après l’infection, il était incapable de conduire son taxi.
47Le but de l’étude était d’en savoir davantage sur T.T. en comparaison avec 10 personnes qui étaient grossièrement du même âge, avec le même QI et la même expérience de chauffeur de taxi que lui, mais sans lésions de l’hippocampe. Dans la première partie de l’étude, ils ont comparé la reconnaissance de certains monuments et ils ont demandé aux conducteurs s’ils se trouvaient à Londres ou non (réponses oui ou non). Puis, ils demandèrent à T.T. et aux contrôles de comparer les distances relatives entre les monuments.
48Lors de ces deux tâches, T.T. obtint des scores similaires à ceux des contrôles. En accord avec les résultats de H.M, il semble que les éléments significatifs « factuels » de la connaissance de Londres de T.T. étaient préservés. Ces résultats soulignent que T.T. avait encore une certaine compréhension de la géographie, de la localisation relative et d’autres informations indispensables sur la ville de Londres.
49Dans la partie suivante de l’étude, ils utilisèrent un modèle informatique de la ville de Londres afin de tester l’habilité à la conduite de chaque personne. Ils y sont parvenus en répétant différentes courses de taxi avec un simulateur, demandant aux participants d’emmener un passager imaginaire d’un endroit de la ville à un autre.
50La capacité de T.T. a trouver son chemin était extrêmement intéressante. Car, sur certaines courses T.T. était capable de conduire avec la même justesse que les contrôles ! En revanche, sur d’autres courses, il en était tout à fait incapable, se perdant complètement.
51Pour mon propos, la découverte que T.T. conduisait bien sur certains itinéraires utilisant essentiellement de grosses « artères » de Londres, des itinéraires connus par la plupart des conducteurs de taxi de Londres est capitale, alors que, sur les itinéraires sans « artères », il était incapable d’arriver au but. Encore plus intéressant, lors du suivi, on découvrit que, même si T.T. pouvait conduire le long de ces itinéraires sur le simulateur, si on lui demandait de prendre ces itinéraires verbalement et de décrire ces courses comme s’il conduisait, il était incapable de le faire. Dans l’article, on spécule beaucoup sur ce qui rendait T.T. capable d’avoir des performances si différentes. Laissez-moi me lancer dans la bataille en empruntant certaines hypothèses de l’article et en les associant à des théories analytiques autour des éléments bêta.
52Les courses que T.T pouvait faire étaient celles dont on pourrait typiquement dire que les conducteurs peuvent faire sur « pilote automatique » ou « sans avoir à y penser ». Nous faisons tous cette expérience quand nous conduisons sur des routes dont nous avons l’habitude. Sur ces routes, nous « pensons » rarement à la conduite, nous le « faisons seulement ». C’est seulement quand quelque chose de nouveau se passe que nous devons nous tourner mentalement vers ce que nous sommes en train de faire. C’était sur les itinéraires qui ne sont pas automatiques, pas bien répétés, ceux qui nécessitent une attention réfléchie que T.T. était perdu. Malgré sa capacité à faire les courses en roulant mécaniquement, si on demandait à T.T. de décrire les itinéraires, il devait y penser d’une autre façon que d’agir simplement. Donc, alors qu’il pouvait conduire le long de ces itinéraires, il ne pouvait pas les décrire verbalement.
53J’aimerais souligner que ce que T.T. semblait avoir perdu était de s’engager dans un processus qui nécessite une manipulation active, immédiate et immersive puis une intégration de sa carte psychique, créant ainsi un système plus intime de connaissances, raison pour laquelle les chauffeurs de taxi sont aussi bien connus. Dans son esprit, il avait perdu l’accès à sa propre carte dynamique de Londres, pour pouvoir se rendre d’un psychique « ici » sur la carte à un « là-bas » psychique différent. Il ne pouvait pas entrer dans cette partie de l’esprit qui conçoit symboliquement : « Je déplie ma carte construite sur mon expérience de Londres dans mon esprit, je vais me centrer ici sur la carte. Je veux aller là-bas. Maintenant j’imagine prendre différents itinéraires dans mon esprit, en me voyant conduire, en faisant l’expérience de conduire sur cette route, en m’adaptant à la carte de façons différentes sur différents itinéraires, pour voir comment ça va marcher. C’est une heure de pointe ? C’est une saison touristique ? Ah ! Voilà le meilleur itinéraire, c’est ainsi que je vais aller d’ici à là-bas. » Toutes les différents façons vivantes et dynamiques dont T.T. pourrait intégrer les dizaines de milliers d’éléments symboliques interconnectés, issus de son expérience personnelle de conduite à Londres (étudier pour l’examen de conduite de taxi, 37 ans d’expériences dans les rues, faire l’expérience de la frustration dans les bouchons, la joie de les éviter, etc.) qui créent cette carte étaient devenus consciemment et inconsciemment inaccessibles. À la place, il n’avait plus que son pilote automatique, un texte appris par cœur d’exemples comportementaux. Si ces exemples fonctionnaient tout allait bien, mais malheureusement la vie est pleine de trop de changements pour les individus pour que ce mécanisme fonctionne systématiquement.
54Ce point de vue suggère que ce mécanisme mental facilité par l’hippocampe est en fait utilisé dans de nombreuses situations que, d’habitude, nous n’associons pas à une expérience à la première personne. Je pourrais aussi souligner que T.T. a perdu la capacité fondamentale de penser (think) sous divers aspects essentiels auxquels nous pourrions attribuer le terme en pensant (thinking).
55Je pense qu’il peut recommencer et rejouer un message qui avait bien été enregistré dans son esprit, mais il ne peut pas ré-imaginer ses pensées d’une manière vivante et en temps réel pour découvrir quelque chose de nouveau à la place il est obligé de rejouer de vieux souvenirs dans son esprit : un itinéraire à travers la ville de Londres conçu sur le champ. Les fonctions de son hippocampe ne peuvent pas s’engager de manière immersive, consciemment ou inconsciemment. Pour le dire autrement, alors qu’il peut bien conduire en bêta, « agissant » de manière bien conditionnée, automatique mais irréfléchie, sa fonction alpha est endommagée et il ne peut commencer un rêve éveillé fait de pensées qui lui permettrait d’aller d’ici à là-bas. Si on lui présente des stimuli familiers, disons l’image d’un monument, il peut relayer l’information apprise par cœur qui avait été mémorisée en association avec l’image (sa localisation grossière dans la ville) mais seulement de manière qui reflète un lien pré-conditionné, préenregistré, plutôt que la solution symbolique, sur le vif, « je pense cela juste maintenant » dont il aurait besoin. Alors qu’il peut agir le contenu pré-conditionné de motifs qui avaient été mémorisés, il lui est impossible d’explorer, générer et manipuler des éléments reliés entre eux pour former un champ symbolique. Il ne peut pas vivre une expérience symbolique en temps réel.
56Laissez-moi faire un parallèle entre H.M. et T.T., entre la carte psychique de Londres de T.T. et les souvenirs de H.M. sur son expérience amoureuse. L’hypothèse est que de manipuler une carte psychique subjective de Londres a beaucoup de parallèles avec s’immerger dans une « carte » psychique subjective de sa vie amoureuse et de ses quêtes. Les deux explorent une masse d’expériences historiques, d’émotions, de connaissances et d’idées de manière complexe et créative. On explore les deux dans le psychisme humain grâce à ce qui peut être grossièrement décrit comme un récit à la première personne. Ces mécanismes sont peut-être stockés de manière semblable, explorés de la même manière, partageant peut-être des déficits semblables quand les lésions bilatérales de l’hippocampe endommagent organiquement le mécanisme de l’intégration vivante elle-même. Les lésions de l’hippocampe réduisent l’individu à agir des éléments de vie déjà répétés auparavant.
La capacité intégrative est une capacité imaginative
57Il existe des études encore plus centrées sur le rôle direct de l’hippocampe sur la créativité, ce qui contraste avec ce que beaucoup nomment simplement la mémoire. Ces études apportent des indices supplémentaires pour penser que les mécanismes qui produisent et traitent les souvenirs sont aussi essentiels pour produire de pensées créatives. Ces résultats mettent à l’épreuve les conceptions conventionnelles des souvenirs comme étant, d’une certaine manière, des enregistrements statiques et immuables du passé et d’événements historiques validés à l’extérieur. Cette nouvelle conception implique un fonctionnement plus dynamique de la mémoire qui joue un rôle actif dans la pensée créative et l’acte de penser lui-même.
58Demis Hassabis et son équipe explorent cette idée dans un article intitulé (de manière très appropriée) : « Les patients souffrant de lésions de l’hippocampe ne peuvent pas imaginer de nouvelles expériences » (Hassabis et al., 2007). Dans cette étude, ils comparent des individus souffrant de lésions de l’hippocampe bilatérales avec des contrôles, en leur proposant de décrire des événements imaginaires qui n’ont rien à voir avec des souvenirs spécifiques ou des expériences passées. Ils leur demandent simplement d’imaginer quelque chose à partir d’une réplique banale.
Réplique : Imaginez que vous êtes étendus sur une plage de sable blanc dans une belle baie tropicale
Contrôle sans lésions : Il fait très chaud et le soleil est brûlant. La chaleur du sable sous moi est presque insupportable. J’entends le son des vaguelettes lécher la plage. La mer est d’une intense couleur turquoise. Derrière moi, il y a une rangée de palmiers et, de temps en temps, je peux les entendre bruisser avec la brise légère. À ma gauche, la plage s’incurve pour devenir une pointe. Sur cette pointe, il y a des bâtiments, des bâtiments de bois, peut-être la cabane de quelqu’un ou une sorte de bar. L’autre côté de la plage, si on regarde de l’autre côté, se termine par de gros rochers bruns. Il n’y a personne dans les environs. Au loin sur la mer, il y a un bateau de pêche. C’est un vieux bateau qui a l’air de grincer, dont le vieux moteur pétarade. Au milieu, il y a une cabine et une pile de filets à l’arrière. Devant, se trouve un homme, je lui fais signe de la main et il me répond… [il continue]…
Sujet atteint : Je ne peux pas vraiment voir, sauf seulement du ciel. Je peux entendre le son des mouettes et de la mer… hum… je sens les grains de sable entre mes doigts… j’entends le klaxon d’un de ces bateaux [rires]… hum… c’est tout. (L’interviewer : Pouvez-vous vraiment voir tout ça avec les yeux de votre esprit ?) Non, la seule chose que je peux voir c’est du bleu. (L’interviewer : Alors, si vous regardez autour de vous, que pouvez-vous voir ?) Vraiment, tout ce que je peux voir c’est le bleu du ciel et le blanc du sable, les autres choses, le son des choses, il est évident que je ne fais qu’écouter. (L’interviewer : Pouvez-vous voir autre chose ?) Non, c’est comme si je flottais seulement. (Les italiques sont utilisés pour clarifier qui parle).
60Les difficultés du sujet atteint contrastent beaucoup avec la capacité qui reste à d’autres pour construire des histoires qui n’ont pas besoin d’utiliser ce que j’appelle le traitement du champ symbolique. Ceci est confirmé par une étude d’Elizabeth Race. Elle demande à des patients atteints de lésions de l’hippocampe de produire des récits selon trois scenarii : le premier sur un scénario imaginaire dans le futur, le deuxième sur une expérience personnelle du passé, et le troisième, sur la description d’une scène alors qu’une image est présente tout le temps de la description. Les patients présentaient une détérioration à leur capacité à décrire des situations possibles du futur ou du passé, mais étaient relativement non atteints, par rapport aux contrôles, dans leur capacité à décrire des événements quand on leur présente une image pendant tout le processus (Race et al., 2011).
61Il y a aussi des indices pour penser que cette détérioration des capacités imaginatives n’est pas limitée aux scènes visuelles. Mellissa Duff et ses collègues ont exploré cette question. Ils ont découvert des déficits significatifs chez les personnes avec des lésions de l’hippocampe, comparés aux contrôles, lorsqu’ils étudiaient leurs capacité au jeu verbal avec des sujets sains (Duff et al., 2009) ou leur faisaient passer le test de Torrence sur la pensée créative (Duff et al., 2013) qui mesure la créativité dans différents domaines.
62Ainsi, les preuves s’accumulent pour penser que la fonction de l’hippocampe n’est pas seulement en lien avec la mémoire, mais qu’il facilite aussi les processus créatifs. En explorant le lien entre créativité et mémoire, Nadel et ses collègues (2012) présentent des résultats montrant comment l’exploration psychique de la mémoire symbolique est semblable à des actes spontanés de créativité dans la psyché. La créativité a besoin de pouvoir accéder à un réseau symbolique qui lui-même a besoin de l’accès à une capacité intégrative facilitée par l’hippocampe. Ils étudient comment la mémoire de l’hippocampe et la mémoire extra-hippocampique comprennent un flux habituel de formes et degrés de consolidation et reconsolidation, incorporant des nouvelles informations et compréhensions de manière continuelle (Winocur et al., 2010, Nadel et al., 2012). On appelle cela l’hypothèse transformationnelle de la mémoire. Ceci implique, et Nadel le précise clairement, qu’un simple rappel d’un souvenir semble avoir le potentiel de transformer le lieu du premier souvenir et l’état de consolidation qui a permis un processus créatif de réintégration des souvenirs même lorsque nous sommes en train de nous les remémorer. Cela conforte l’idée que le simple rappel d’un souvenir a la capacité de transformer des éléments de pensées d’une forme consolidée, non-hippocampique, en un état hippocampique et non consolidé dans lequel le réarrangement et la reconsolidation de ces éléments sont une partie essentielle du fait de penser et de se souvenir. Ce qui implique que chaque fois que nous nous « souvenons » de quelque chose de manière symbolique, nous sommes fondamentalement en train de le défaire et de le reconstruire, de le ré-imaginer de façons plus ou moins subtiles. Cette théorie est bien plus compatible avec le concept d’un champ symbolique conçu comme un réseau informant de symboles qui se trouvent à différents niveaux d’un flux dynamique que les modèles précédents concevant une mémoire statique où la « mémoire à long terme » était d’une certaine façon pensée comme étant un enregistrement immuable et haute-fidélité d’un événement passé. Ce modèle revu souligne la fonction primaire du champ symbolique qui est comme une carte qui nous aide à nous diriger dans le présent, en nous aidant à la fois à savoir où nous sommes (physiquement et psychiquement), mais aussi à générer une carte utile, rapidement réactualisée, intégrée et capable de prévoir ce que le futur pourrait nous apporter selon ce que nous allons faire. Ce déplacement de priorité met en évidence que la « mémoire » qui utilise le champ symbolique est fondamentalement de nature dynamique plutôt que statique.
L’impact sur le rêve
63Le rôle de l’hippocampe sur le sommeil et le rêve est un domaine de recherches et de débats [4] actif. Cependant, on accepte de plus en plus que le processus de consolidation continuel de la mémoire cité ci-dessus est présent et actif pendant le sommeil et qu’il engage un mécanisme responsable de l’amélioration des capacités, entre le moment de s’endormir et le réveil (Stickgold et Walker, 2007 ; Diekelmann et Born, 2010). Certaines études ont montré une amélioration des capacités après le sommeil dans certains domaines comme l’habileté physique lors d’exercices où l’on tape à la machine (Walker et al., 2002, Korman et al., 2007), la discrimination visuelle (Stickgold et al., 2000), et l’utilisation de vocabulaire (Dumay et Gaskel, 2005). En ce qui concerne spécifiquement les scènes narratives, il a été démontré, qu’après avoir essayé de trouver le centre d’un labyrinthe, les sujets qui faisaient une sieste et rêvaient du labyrinthe avaient des résultats dix fois supérieurs dans le labyrinthe après le réveil, en comparaison avec ceux qui n’avaient pas fait de sieste, ou ceux qui avaient dormi mais n’avaient pas fait de rêves avec un labyrinthe (Wamsley et al., 2010b). [5]
64Ce qui complique les choses c’est que le sommeil REM et l’activité de l’hippocampe ne sont pas complètement liés, chaque activité peut survenir indépendamment l’une de l’autre (Moroni et al., 2007 ; Diekelmann et Born, 2010 ; Torda, 1969). De plus, comme je le montrerai plus bas, les images du sommeil ne sont pas seulement le champ du sommeil REM ou une fonction de l’hippocampe, elles surviennent dans différents stades du sommeil et peuvent être indépendantes de la fonction de l’hippocampe (Stickgold, 2000) – ainsi, avoir simplement une image à l’esprit pendant le sommeil n’est pas une preuve d’activité de l’hippocampe ou qu’une fonction intégrative du type dont je suis en train de parler a eu lieu ou non [6].
65Mais, en plus du rythme thêta retrouvé pendant le sommeil REM (Ekstrom et al., 2005), l’IRM fonctionnelle du cerveau, faite avant et après le sommeil, montre qu’une activation de l’hippocampe s’est produite (Stickgold et Walker, 2007) confortant ainsi le rôle de l’hippocampe dans le sommeil.
66De manière similaire, dans une étude sur l’apprentissage verbal et la privation de sommeil, on note comment, dans l’état normal, non privé de sommeil, il y a une activation des lobes médio-temporaux (qui contiennent l’hippocampe) correspondant à l’apprentissage normal. Mais, dans l’état privé de sommeil, on note une baisse des capacités verbales et de l’apprentissage, ce qui correspond à une baisse de l’activation des lobes médio-temporaux, et un intéressant accroissement de l’activité du lobe pariétal [7] (Drummond et al., 2000).
67Mais, dans mon article, j’explore l’impact fonctionnel de l’hippocampe sur l’intégration de la pensée symbolique dans un champ symbolique. Dans ce but, je vais choisir trois études qui rassemblent des récits du sommeil d’individus qui présentent et ne présentent pas de lésions de l’hippocampe. Je pense qu’elles accroissent la compréhension de la pensée symbolique et non symbolique.
68La première étude examine des images se produisant lors du sommeil, hors du stade REM, après une période où 5 personnes avec des lésions médio-temporales jouent intensivement à Tetris, en comparaison avec des contrôles (Stickgold, 2000). Les sujets et les contrôles étaient réveillés pendant leur première heure de sommeil, et on leur demandait de rapporter leurs expériences psychiques pendant le sommeil. Trois des cinq sujets avec des lésions cérébrales ont raconté des expériences en lien avec Tetris pendant la durée de l’étude. Certains racontaient qu’ils pensaient simplement à comment organiser des objets qui tombaient d’en haut, alors que d’autres rapportaient des images visuelles de formes qui tombaient devant leurs yeux. Ils faisaient ces récits même si les sujets atteints étaient incapables de se souvenir qu’ils avaient joué à Tetris. Mais, ces récits de sommeil étaient très semblables aux récits du groupe contrôle. Les chercheurs continuent à discuter à propos de ces images stéréotypées qu’on trouve dans les deux groupes en disant : « Contrairement aux images de rêves ayant lieu pendant le stade REM du sommeil, ces images sont des images plutôt précises, des images visuelles réelles perçues pendant le jeu, bien qu’abstraites, auxquelles on a retiré les éléments non essentiels au jeu. Cette imagerie, extrêmement constante parmi les participants et les groupes, suggère que la construction d’une image, dans chaque groupe, a extrait et abstrait les aspects les plus saillants de l’expérience, au moyen d’un mécanisme semblable » (Stickgold, 2000). Il me semble que cette sorte de rêve non REM est indépendant de la fonction de l’hippocampe.
69Dans la deuxième étude, les contrôles normaux jouent à un jeu vidéo intense impliquant le corps entier. À différents moments de la nuit, les rêves sont retranscrits, en s’intéressant particulièrement à savoir si les récits contenaient des souvenirs directs du jeu vidéo ou s’il s’agissait de souvenirs mêlant le jeu vidéo à d’autres expériences. L’étude montra que, juste après l’endormissement, les images du rêves étaient assez littérales et associées avec des récits contenant l’activité de jouer (semblable à l’étude Tetris). Au cours de la nuit, les références au jeu sont de plus en plus indirectes, incorporant d’autres matériaux psychiques (Wamsley et Sickgold, 2011). Leur conclusion est qu’il semble se produire une abstraction et une intégration graduelle et fonctionnelle des événements intenses de la journée avec la structure mentale existante, pendant la durée d’une nuit de sommeil.
70La troisième étude examine des récits de sommeil REM de ceux qui présentent une lésion bilatérale de l’hippocampe, en les comparant à des contrôles (Torda, 1969). On recueille les récits suite aux réveils des sujets, 10 minutes après le début de la phase REM du sommeil, en proposant une phrase supposée aider les sujets atteints de lésions de l’hippocampe. Les récits de sommeil REM des contrôles non atteints contiennent, de manière typique, du matériel très symbolique et intégré. Ces récits sont ensuite comparés par plusieurs évaluateurs indépendants. Voici une partie de ce qui a été dit :
Les rêves de F1, F2 et M1 (les patients avec lésion bilatérale de l’hippocampe) étaient courts et simples. Les récits contenaient une scène avec la répétition d’une ou plusieurs parties de la scène. Les rêves manquaient de détails imaginaires, inusuels ou mystérieux, et d’émotions intenses. Leur contenu était stéréotypé, répétitif, il leur manquait les restes diurnes. Pendant le réveil, chaque sujet rapportait avoir un besoin physiologique pressant (par ex. : la douleur, la faim, la soif, désir sexuel). Il manquait à ces rêves l’élaboration symbolique des événements récents et une capacité à résoudre les problèmes. Ils étaient liés à la réalité et étaient faits de représentations visuelles d’un événement ancien qui, par le passé, avait offert une solution à un besoin physiologique du même genre [on ajoute de l’emphase]. Pendant les interviews, à la fin de l’étude sur les rêves, on confrontait chaque sujet avec les détails de chaque rêve, de manière répétée, et il leur était demandé d’associer sur les détails. Les associations révélèrent que les événements rapportés dans les rêves étaient survenus avant le début de l’encéphalite.
72Ces résultats s’appuient sur les études ci-dessus mais démontrent aussi clairement un dysfonctionnement concernant l’intégration du matériel du rêve. Dans l’étude, un homme qui avait fait une randonnée le jour avant l’examen, fit l’expérience de revoir psychiquement, et de manière fixe, un événement qui s’était produit avant la lésion, quand il était monté à cheval et s’était blessé la jambe. Une femme sans relations sexuelles fit une expérience semblable, revoyant les images d’une rencontre sexuelle passée. Malheureusement, les résultats montrent que si les patients atteints montrent des indices dans le sens de tentatives d’intégration, ces tentatives sont un échec. Je fais l’hypothèse que, plus tôt dans la nuit, ces personnes ont fait des expériences de sommeil semblables à ceux de l’étude Tetris sur les activités diurnes, en les incorporant à un certain niveau d’éléments bêta. Cependant, sans fonction de l’hippocampe, il y a un trouble qui a empêché l’abstraction des éléments bêta en éléments alpha symbolisé et interconnectés, et, de la même manière, empêche l’intégration d’éléments psychiques passés et présents en ce que nous, analystes, appellerions un rêve. Dans chaque rêve, nous, les lecteurs, pouvons faire les liens entre les événements (grâce à notre fonction alpha) mais on peut douter que cela se produise vraiment dans l’esprit des sujets avec lésions de l’hippocampe.
73Ce phénomène est fonctionnellement semblable à celui de la capacité préservée de H.M. à raconter des faits concrets et appris par cœur sur sa vie amoureuse, ou la capacité de T.T. d’avoir des informations sur certains monuments de la ville de Londres. Ils conservent clairement un accès à un récit préenregistré des événements, mais nous n’obtenons pas un schéma narratif bien intégré de la pensée, schéma qui se modifie et s’intègre en temps réel.
74Il est également intéressant de noter, que, d’un autre point de vue, ces études relèvent de manière féconde ce qui « soutient » la fonction du rêve et le champ symbolique lui-même. En accord avec la ficelle de Winnicott, ou la conception, par Bion, du rêve comme une barrière psychique, ce point de vue considère le réseau relationnel dynamique comme une structure informationnelle qui chapeaute des éléments bêta qui, sinon, seraient isolés, ou qui connecte des zones d’éléments alpha moins bien intégrés, de manière incomplètement comprise ou franchement mystérieuse à ce jour. Ce point de vue considère les éléments issus des études de Torda et sur Tetris comme des éléments plus primitifs, privés des couches denses, faites de connexions symboliques, qui constituent le champ symbolique de la pensée typique. Si nous reconnaissons ensuite que les connexions symboliques peuvent aussi bien obscurcir que clarifier l’expérience élémentaire, nous pouvons admettre qu’un certain degré de « vérité » est présent dans ces éléments primitifs ; d’une certaine manière, ils pourraient être les « faits » de base de l’esprit.
D’autres causes de dysfonction de l’hippocampe
75Il y a des preuves que toute une série de phénomènes cliniquement relevant peut affecter le fonctionnement de l’hippocampe, de manière transitoire ou chronique. Par exemple, Sinead Mullaly du Trinity College de Dublin a étudié l’existence de lésions virtuelles de l’hippocampe (Mullaly et O’Mara, 2013). Elle a réussi à induire une lésion sélective et virtuelle de l’hippocampe, sur des étudiants du Trinity College, alors que leur fonction extra-hippocampique était conservée. Ce trouble était provoqué en demandant à certains étudiants de faire un exercice mental appelé 2-Back [8], dont on a démontré qu’il réduit l’activité du lobe médio-temporal.
76Les étudiants ont été divisés en deux groupes, l’un passait l’exercice 2-Back, l’autre passait l’exercice 0-back, connu pour ne pas réduire l’activité médio-temporale. Les deux groupes ont ensuite passé une batterie de tests de la mémoire. Après le passage des tests, on a séparé les résultats selon qu’il s’agissait d’aspects de la mémoire dépendants de l’hippocampe ou non. Les deux groupes ont eu des résultats similaires sur les résultats ne dépendant pas de l’hippocampe. Les résultats pour la mémoire dépendant de l’hippocampe étaient différents et le groupe 2-Back présentait une détérioration.
77Les résultats de cette étude s’inscrivent dans ceux de l’étude précédente où la privation de sommeil s’accompagnait d’une baisse de l’activation des lobes médio-temporaux ainsi que d’une baisse correspondante de la capacité à se souvenir des apprentissages verbaux (Drummond et al., 2000), hormis le fait qu’ici on retrouve cet effet alors que les individus sont éveillés pendant toute l’étude.
78Les études montrent que la fonction de l’hippocampe peut être abaissée (en faisant des exercices 2-Back ou en se privant de sommeil) mais qu’il existe aussi des façons de stimuler la pensée intégrative (en arrêtant l’exercice ou en ayant une bonne nuit de sommeil).
79Ces résultats sont cohérents avec la manière complexe dont certains états psychiques atteignent la fonction de l’hippocampe. Par exemple, on retrouve chez les patients souffrant de stress post traumatique une détérioration de différentes fonctions cognitives et de la mémoire qui matchent avec des résultats anormaux de la norme de l’activité et du volume de leurs hippocampes (Shin et al., 2004 ; Levy-Gigi et al., 2015). On retrouve aussi des altérations de la fonction et du volume de l’hippocampe chez ceux qui n’ont eu qu’un seul épisode de dépression majeure (Frodl et al., 2002). On note également des différences d’oxygénation vasculaire de l’hippocampe chez des personnes qui écoutent de la musique triste en comparaison avec ceux qui écoutent de la musique gaie (Mitterschiffthaler et al., 2007).
80Clarifions l’impact clinique de ce phénomène sur la psychanalyse : Et si certaines choses qui se passent en séance atteignaient les capacités imaginatives et intégratives de ceux que nous traitons, au niveau de l’activité de l’hippocampe ? Et si les analysants et les analystes passent, en réponse aux stimuli et à l’engagement psychique dans la séance, d’états proches de celui de T.T. de H.M. ou de Clive Wearing à des états avec davantage de capacités fonctionnelles, imaginatives, créatives et intégratives ?
81Cette prise de conscience ouvre la voie à de nombreuses questions intrigantes sur ce sujet, questions auxquelles il nous faut encore répondre. Par exemple, il fait sens de penser que la recommandation de Bion d’aborder chaque séance sans mémoire ni désir pourrait être implicitement reliée avec une stimulation de la fonction de l’hippocampe, à la fois chez l’analysant et l’analyste. Cela pose la question de savoir s’il existe d’autres moyens affectant cette capacité de manière similaire. Puisque l’activité de l’hippocampe peut être mesurée sur des scanners du cerveau, y aurait-il un moyen d’étudier différentes techniques pour voir lesquelles pourraient influencer cette capacité du psychisme à intégrer de l’information ? Et s’il existait des techniques, auxquelles on n’a pas encore pensé, capables d’activer la capacité du psychisme à intégrer de l’information de manière à l’influencer positivement ? Bien que j’espère sincèrement que ces informations ne soient pas utilisées pour produire des lois contraignantes, il pourrait être utile aux analystes de savoir quels types d’interprétations ou d’interventions à but de soutien pourraient affecter la fonction de l’hippocampe, dans certaines situations, pour certains patients. Si ces informations pouvaient être utilisées de manière sage et attentive, au sein de notre compréhension et de nos méthodologies actuelles, elles pourraient améliorer notre capacité à rêver nos pensées et stimuler la capacité vivante de rêver de ceux que nous traitons.
Des systèmes préservés
82En plus des articles présentés ci-dessus, il existe d’autres arguments en faveur de l’existence d’un travail psychique continu qui a lieu de manière indépendante de l’hippocampe. Ce chapitre ne veut pas être exhaustif mais plutôt montrer l’implication d’autres systèmes de pensées.
83Un examen spécifique de ces apprentissages a été étudié chez H.M. Dans une étude subtile, on demande à H.M. de dessiner une image en le limitant à regarder son dessin dans un miroir, ce qu’il ne savait pas faire avant la lésion de l’hippocampe. H.M. devint de plus en plus performant avec le temps, même si sa capacité à se souvenir et à raconter comment il s’entraînait restait très perturbée. H.M. avait presque conservé l’entièreté de ses compétences une année plus tard (Gabrieli et al., 1993).
84En 1966, H.M. était capable de dessiner correctement, de mémoire, un plan de la maison dans il avait déménagé, même si le déménagement avait eu lieu après la lésion (Corkin, 2002). L’hypothèse est la suivante : l’investissement physique actif et corporel, jour après jour, dans sa maison a activé un système alternatif de mémoire sur lequel H.M. pouvait compter, afin de créer ce plan.
85Cette réussite semble compatible avec l’étude Tetris des images de sommeil citée ci-dessus (Stickgold, 2000) qui démontre une intégration continue d’expérience physique pendant le sommeil malgré les lésions de l’hippocampe.
86Dans la même veine, Larry Squire relève que les études sur le rat, le singe et l’humain ont toutes, de manière indépendante, convergé vers des arguments en faveur des capacités continues, et hors de l’hippocampe, à développer des compétences physiques, à mémoriser une information réflexe ainsi qu’un phénomène psychique nommé priming (Squire, 1992). Cela a aussi été confirmé dans l’article de revue sur 147 patients présentant des lésions de l’hippocampe. Il stipule qu’alors que tous les 147 patients avaient une amnésie antérograde, aucun de ces patients n’avait d’argument en faveur d’une détérioration de la mémoire à court terme, des capacités d’apprentissage, de type apprentissages conditionnés classiques, priming ou par catégories (Spiers et al., 2001).
87Les recherches pointues en neurosciences actuelles se penchent sur l’étude des variations de ces capacités. De nombreux auteurs comparent la mémoire liée à l’hippocampe à celle qui ne l’est pas, la mémoire schématique à la mémoire épisodique, essayant de caractériser ces différentes formes de pensée (Winocur et al., 2010). Bien que les détails et les connexions entre ces relations ne soient pas encore élucidés, les arguments en faveur de systèmes de pensées fondamentalement différents s’accumulent.
Discussion
88Retournons à Winnicott et à ce qu’il écrit du lieu où l’on vit, en perspective avec la vision binoculaire de cette recherche naissante.
Je peux être dans la pagaille, alors j’essaie de m’en sortir ou bien j’essaie de remettre les choses en ordre afin de pouvoir, pour un temps au moins, savoir où je suis. Ou encore, je peux avoir le sentiment d’être en mer, de faire le point pour rentrer au port (à n’importe quel port s’il y a de la tempête) ; et, quand je suis à terre, je cherche une maison bâtie sur le roc plutôt que sur le sable, et, dans ma maison qui – je suis anglais – est mon château, je suis au septième ciel.
90Notons la manière dont Winnicott a sa propre place dans ses pensées (le « je » du narrateur) et dont il nous emmène dans un voyage intime, à la première personne, avec lui. Ce voyage, bien que court, contient de nombreux niveaux d’intégration dynamique. C’est une affirmation de la pensée pleine d’une symbolisation joueuse, de souvenirs et d’une foi imprégnés de connexions profondes qui ont la nature mystérieuse des rêves. C’est un voyage qui, sur un certain niveau, contient des informations dispersées (« je suis anglais »), mais pleines de connexions subtiles, et pas si subtiles, entre les idées – certaines factuelles, d’autres saugrenues personnelles, culturelles religieuses ou émotionnelles. Dans ce voyage, nous sommes plongés dans un récit dansant, à la première personne, fait de liens, d’images, de faits et d’émotions. Winnicott suggère que c’est là qu’a lieu l’expérience d’être vivant.
91Cet article montre comment l’hippocampe pourrait jouer un rôle central dans le processus que Winnicott décrit si poétiquement. De ce point de vue, Winnicott fait la preuve de l’intégration, toute personnelle, des expériences de sa vie avec le fonctionnement cérébral, sa compréhension des choses et l’environnement, le tout se combinant pour nous offrir un instantané de la carte de ses pensées. Ce réseau n’est fait ni de hardware, ni de pulsions, ni d’objets mais d’une toile intégrée de connexions psychiques qui lient ces éléments en un seul moment.
92En intégrant les études sur les lésions de l’hippocampe avec certaines idées de Winnicott, Bion et sur la théorie psychanalytique du champ, nous pouvons concevoir la manière dont l’hippocampe soutient la capacité du psychisme à s’immerger à ce niveau d’expériences intégrées, de métaphores, d’imagination et de rêves. Cette capacité nous plonge dans un schéma gorgé d’informations, en transformant une qualité psychique qui est tout autour de nous en une expérience. Cette expérience ne doit pas nécessairement être très fidèle aux événements historiques personnels, mais permet de nous donner accès à un guide dynamique afin de parcourir le voyage qu’est notre vie, en ce moment, en nous informant sur ce qui vient de se produire, ce qui est en train d’arriver et ce qui pourrait se trouver caché un peu plus loin.
93La gravité des détériorations chez les patients atteints de dysfonctionnement de l’hippocampe montre combien un bon traitement par l’hippocampe dans le champ symbolique est un élément essentiel de la pensée elle-même. Bien que les études neuroscientifiques des atteintes de l’hippocampe n’en soient qu’à leurs balbutiements, si on les intègre avec l’étude des champs psychanalytiques, ensemble elles nous donnent accès à une meilleure compréhension du psychisme, confirmant ou étant un défi pour croyances et les théories, pivots de la psychanalyse et des neurosciences.
94Pour moi, il est évident que les modèles bioniens de la pensée prédisent beaucoup de choses concernant ces recherches sur la fonction de l’hippocampe. Les théories de la fonction alpha et les résultats sur le fonctionnement de l’hippocampe ont de fortes ressemblances. On pourrait concevoir la rêverie comme le traitement par l’hippocampe d’éléments particulièrement marquants, à un moment particulier. On peut aussi constater combien un investissement excessif dans certaines tâches mentales, ou certains facteurs de stress, comme, par exemple, les exercices 2-Back mentaux du Dr Mullally, détériorent le traitement des stimuli par l’hippocampe, quelque chose dont il est possible que Bion ait eu l’intuition en recommandant aux analystes d’abandonner mémoire et désir avant et pendant les séances. La détérioration fonctionnelle du traitement de l’hippocampe ouvre aussi la voie vers une meilleure compréhension des nombreuses formes de troubles psychiques comprenant une dégradation de la pensée symbolique et de la mémoire comme les troubles de l’attention, la dépression, l’anxiété et les traumatismes.
95De plus, cet article constate, qu’à l’évidence, d’autres mécanismes de la psyché fonctionnement sans faire appel aux motifs intégratifs et immersifs de la symbolisation. Partageant certaines ressemblances avec les éléments bêta, on a des indices pour penser que ces mécanismes s’expriment par l’action, et qu’ils répondent aussi à l’environnement grâce à une potentialisation inconsciente. Ils sont aussi actifs pendant la nuit sous leur propre forme de rêve, bien que ce soit sous une forme à laquelle nous pensons rarement.
96Le fait qu’on puisse améliorer ou détériorer la fonction de l’hippocampe au moyen de certaines expériences mentales devrait rendre le besoin de poursuivre ces études évident. Je pense que les théoriciens et les cliniciens, qu’ils soient analystes ou neuroscientifiques, sont d’accord pour penser qu’une meilleure capacité à intégrer la pensée symbolique est souhaitable. Il se pourrait que cette idée puisse être en accord avec les positions raisonnables défendues par Rachel Blass et Zvi Carmeli sur la valeur à intégrer d’importants concepts entre psychanalyse et neurosciences. Car si, au début l’hippocampe avait été étudié à travers l’exemple plutôt concret de l’agrandissement des bords d’une image, l’étendue et la complexité de l’usage du symbole dans la pensée humain démontre que ce processus est actif dans une foule de domaines, allant jusqu’à concevoir, symboliser et relier des idées qui incluent d’innombrables aspects de la conception dans la psyché humaine elle-même.
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Mots-clés éditeurs : imagination, champ psychanalytique, rêve, NREM, Winnicott, élément bêta, objet transitionnel, REM, lésion de l’hippocampe bilatérale, fonction alpha, symbole, mémoire, Bion, intersubjectif
Date de mise en ligne : 02/01/2019
https://doi.org/10.3917/lapsy.181.0165Notes
-
[1]
Traduit de « The hippocampus facilitates integration in a symbolic field ». Int.J.Psychoanal, (2017) 98 : 1333-1357, par Patricia Waltz, relu par Jenny Chan.
-
[2]
NdT : distributed processing : se réfèrent à des systèmes qui ont besoin de plus d’un ordinateur ou processeur pour être traités.
-
[3]
En comparaison avec d’autres systèmes, chaque combinaison entre unités processuelles peut créer un phénomène unique et nouveau qui n’est pas seulement une addition des unités.
-
[4]
Cf. les discussions entre Sue Llewellyn (Llewellyn, 2013) et Mark Solms (Solms, 2013) sans oublier la réponse du Dr Llewellyn aux affirmations du Dr Solms, dans la partie réponse de ce volume (Bloom, 2013, p. 644 et 645).
-
[5]
Il est intéressant de noter que c’est ceux qui, au début, avaient vraiment une grosse difficulté à se retrouver dans le labyrinthe, qui semblent avoir rêvé de lui. Cela conforte l’idée qu’une fonction des émotions pourrait être de marquer certaines activités pendant la journée afin qu’elles puissent encore être traitées mentalement pendant la nuit, dans les rêves.
-
[6]
Ce fait complique l’affirmation que H.M. dormait « normalement » (Solms, 2013). Bien qu’il soit possible que H.M. ait rapporté de manière anecdotique des images alors qu’il dormait, mais sans clarification supplémentaire et sans examen, ceci ne prouve ni n’infirme le rôle de l’hippocampe dans le traitement symbolique. Comme c’est évident plus bas, ceux qui présentent une dysfonction de l’hippocampe continuent de voir des images durant le sommeil, c’est l’intégration symbolique de ces images qui est perturbée.
-
[7]
Ce qui apporte des indices stimulants pour penser que, si le traitement symbolique est perturbé, certains systèmes somatiques pourraient essayer de compenser ce traitement des stimuli, ce qui pourrait expliquer certaines expressions de détresse psychique dont nous sommes si familiers.
-
[8]
Il est intéressant de noter, que l’exercice mental 2-Back requiert des individus qu’ils maintiennent une attention et une concentration intense pour remettre continuellement leur mémoire de travail à jour à partir d’une une liste assez lointaine de chiffres ou de lettres, un état bien différent que d’être sans mémoire ni désir.