Notes
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[1]
Article publié sous le titre « Impervious and intrusive, The impenetrable object in transference and countertransference », Int. J. Psychoanal. 94 : 221-238. Traduit par Jean-Michel Quinodoz et relu par Luc Magnenat.
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[2]
[Note de l’auteur concernant l’exemple clinique] J’utilise « elle/sa » pour désigner la patiente et « lui/son » pour désigner l’analyste, la patiente présentée dans cet article étant une femme et l’auteur un homme.
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[3]
D’après A. Etchgoyen (1997) des études récentes suggèrent qu’il existe « une corrélation entre une perte périnatale ou un deuil non résolu et un accroissement de la fréquence des conceptions, la plupart de ces dernières survenant dans l’année qui suit la mort de l’enfant qui précède ». Elle cite une étude de Rowe et coll. (1978) selon laquelle « le seul signe annonciateur d’une réaction de deuil pathologique est l’arrivée d’un nouvel enfant dans la maison qui suit de près l’enfant désigné. Par exemple des mères devenues enceintes dans les cinq mois qui ont suivi une perte sont, d’une manière significative, davantage susceptibles de présenter un deuil pathologique que celles que celles qui ne sont pas enceintes ou qui le sont devenues après un délai de six mois » (Etchegoyen, 1997, p. 193).
Introduction
1Dans cet article j’aimerais discuter d’un objet qui émerge dans le transfert et le contre-transfert de certains patients : cet objet reflète un aspect important de leur monde interne et entraîne des difficultés techniques considérables au cours de l’analyse. Je l’ai appelé « objet impénétrable », car l’une de ses caractéristiques vient de ce qu’il est impénétrable aux projections du patient. D’autre part, il se présente comme intrusif, ce qui semble à première vue une contradiction : en effet, l’objet impénétrable peut également être vécu comme se projetant violemment dans le patient. Au cours du processus analytique, les deux aspects de cet objet – impénétrabilité et intrusivité – peuvent être vécus par les deux partenaires, patient et analyste, et être mis en acte par tous les deux.
2Un patient [2] peut ressentir l’analyste comme étant fermé à ses communications et cela peut la conduire à projeter avec davantage de force dans l’analyste pour tenter de s’en sortir. Tout en essayant d’être aussi sensible que possible, l’analyste peut mettre en acte ces aspects, fût-ce de façon subtile : par exemple, il peut s’endurcir intérieurement et se refermer ; ou bien, lorsqu’il trouve la patiente impénétrable, il peut mettre une énergie excessive dans ses tentatives de faire passer ses interprétations.
3Je vais examiner quelques concepts théoriques que je considère importants pour comprendre l’origine de ce type objet interne et sa dynamique dans le transfert et le contre-transfert. Je présenterai un cas clinique d’analyse dans lequel un tel objet a joué un rôle décisif au cours du processus psychanalytique en créant des difficultés techniques considérables. Étant donné la nature de cet objet interne et du risque de passage à l’acte, je soutiens l’idée qu’un travail considérable doit être effectué au niveau du contre-transfert.
4L’analyste doit examiner soigneusement et honnêtement ses propres états psychiques ainsi que ses sentiments envers le patient afin de déceler s’il se montre imperméable ou intrusif. Il doit être ouvert à ce que les manifestations éventuelles du transfert véhiculent une authentique perception du contretransfert. Cela peut permettre un changement chez l’analyste qui, à son tour, permet un changement chez le patient.
Considérations théoriques
5Le concept d’objet impénétrable que j’introduis est fondé sur diverses contributions théoriques, en particulier celles de Bion, Williams et Green, et aussi sur une extension de celles-ci.
6Bion (1959, 1962) décrit comment l’enfant projette dans sa mère du matériel psychique non digéré – les éléments bêta. Si tout se passe bien, la mère reçoit ces projections dans un état de « rêverie » attentionné et bien accordé, les transforme en quelque chose de nouveau – les éléments alpha – et les restitue à l’enfant sous la forme de quelque chose de plus tolérable que ce dernier peut ré-introjecter. Ce processus permet progressivement à l’enfant de construire en lui-même une capacité de tolérer ses propres qualités psychiques (Bion 1962, p. 133) et de transformer le matériel significatif brut en éléments chargés de sens permettant de penser et rêver.
7Cependant, si la mère n’est pas capable de recevoir ces projections ou ne les tolère pas, un cercle vicieux peut s’installer. Ce qui est retourné à l’enfant n’est pas quelque chose de plus tolérable, pas même le renvoi de ce qu’il avait projeté initialement, mais quelque chose de dépourvu de sens et chargé d’hostilité à l’égard de ces projections. Bion illustre cela à travers l’exemple d’un enfant qui présente une angoisse de mort qu’il projette dans sa mère. Si la mère refuse de recevoir ces projections ou ne les tolère pas, l’enfant réintrojecte « non pas une peur de mourir rendue tolérable, mais une terreur sans nom » (1962, p. 132), sans contenu et sans signification. Au lieu de construire un objet plein de compréhension, l’enfant construit à l’intérieur de lui « un objet volontairement incompréhensible » (1962, p. 135). Bion décrit non seulement l’expérience de l’enfant confronté à un objet externe impénétrable, mais aussi le fait qu’un objet interne qui se développe ainsi peut être imprégné de qualités supplémentaires telles que le « rejet hostile » ou « l’incompréhension volontaire ». En réponse à cet objet on peut être tenté de « continuer l’identification projective avec une force et une fréquence plus grandes » (1962 p. 130 ; voir aussi 1959 p. 118).
8Lorsque Bion a décrit le devenir des projections de l’enfant chez la mère, il n’a pas envisagé l’éventualité que la mère elle-même puisse projeter massivement dans l’enfant. Ce point apparaît beaucoup plus tard dans la littérature psychanalytique, il est même considéré comme un facteur fréquent de perturbation du développement infantile. En se basant sur son expérience de l’observation mère-enfant, de la thérapie de l’enfant et de la thérapie familiale, Gianna Williams (1997) a développé le concept de « renversement de la relation contenant-contenu ». Des parents gravement perturbés et traumatisés peuvent utiliser leur enfant comme un « réceptacle » de leurs projections massives. Incapable de fonctionner en tant que véritable réceptacle, l’enfant peut recourir à d’autres moyens, par exemple développer une défense de « non-entrée » à l’égard de ces projections. On peut l’observer chez des patients anorexiques non seulement comme un refus de s’alimenter mais aussi comme une résistance à accepter les interprétations au cours de la thérapie. Ce que décrit Williams est utile également lorsqu’on pense au transfert chez des patients adultes. J’aimerais prolonger ses idées et je suggère qu’un tel objet peut être mis en acte par le patient et par l’analyste.
9Selon moi la « mère morte » décrite par Green (1986) constitue un objet spécifique qui possède les caractéristiques d’un objet impénétrable. La « mère morte » est un objet interne (Green parle d’une « imago mère ») qui dérive de l’expérience d’une mère qui s’est transformée en une figure psychique morte à la suite d’une perte sévère comme la perte d’un enfant ou une fausse couche. Une telle mère se détache de son enfant, selon les termes de Green : « indisponible sans écho… une mère muette, fût-elle loquace… indifférente même lorsqu’elle accable l’enfant de ses reproches » (Green, 1986, p. 235). Alors qu’elle continue de s’occuper de son enfant, « le cœur n’y est pas » (p. 231). Le bébé peut interpréter le changement catastrophique chez sa mère comme la conséquence de ses propres pulsions ou, pire, de sa propre existence ; dans son fantasme « il lui devient interdit d’être » (p. 232). Le bébé peut tenter de ranimer cette mère, souvent en vain, et cela peut entraîner un profond sentiment d’impuissance chez lui ; la conséquence est qu’il peut s’identifier à la « mère morte ».
10Green décrit la froideur de la mère et son inaccessibilité comme étant le résultat de son état dépressif. J’affirme qu’une mère pareille ne sera pas seulement imperméable aux projections de l’enfant, mais qu’elle projettera elle-même quelque chose d’insupportable dans l’enfant. Si l’on considère les descriptions de Green sous cet angle, on y ajoute une autre dimension : par exemple le sentiment éprouvé par l’enfant qu’il lui est « interdit d’exister » peut résulter de l’introjection d’impulsions hostiles et même meurtrières qui ont été projetées dans l’enfant. L’objet interne qui se développe, la « mère morte », peut alors non seulement être imperméable mais également intrusif.
11Le concept de Green est entièrement basé sur des constructions effectuées à partir d’analyses d’adultes. Stern a relié les découvertes cliniques de Green aux observations d’enfants ayant une mère dépressive et il a observé une convergence remarquable entre les deux perspectives. Il conclut ainsi : « … la reconstruction à partir de patients adultes effectuée par Green inclut les mêmes éléments qui apparaissent dans la perspective observationnelle » (Stern, 1994, p. 15). Stern discute différents « schémas-d’être-avec-une-mère-déprimée » et trouve que l’enfant peut répondre au manque de réceptivité de la mère par une identification, en tentant de réanimer la mère, ou par un « sentiment d’un désastre imminent (perte/abandon) ». Tronick (1989), dans ses recherches sur l’interaction mère-enfant, a décelé un manque significatif de coordination dans l’interaction entre des enfants et des mères déprimées. D’après ses résultats, ces mères semblent plus fréquemment à distance de leurs enfants et leur livrent des messages négatifs répétés.
La patiente Mme A
12Le développement précoce de Mme A avait été obscurci par plusieurs décès. Sa grand-mère maternelle s’était donné la mort lorsque la mère de Mme A était une enfant, après avoir envisagé de se tuer en même temps que son enfant. Lorsque la mère de Mme A était jeune fille, son père mourut et celle-ci se remaria peu après, « encore dans ses vêtements de deuil » comme on le lui a rapporté. Les parents de Mme A eurent bientôt leur premier enfant qui mourut à l’âge 10 mois. Trois mois plus tard, sa mère fut enceinte de ma patiente. Pendant les trois premières semaines de son existence, Mme A séjourna dans un hôpital sans sa mère à la suite de vomissements ; elle ne fut jamais alimentée au sein. Moins d’un an plus tard, sa mère conçut un troisième enfant qui naquit mort-né lorsque Mme A était âgée de 18 mois.
13Comme j’ai pu le reconstruire durant l’analyse, sa mère était déprimée et angoissée durant l’enfance de Mme A, incapable d’élaborer ses pertes et pas vraiment disponible émotionnellement envers sa fille. Elle éprouvait des angoisses profondes par rapport à la survie de sa fille et doutait sérieusement de sa capacité de prendre soin d’elle. Quant au père, s’il était davantage vivant et chaleureux, c’était aussi un homme critique et strict, incapable d’aider une mère déprimée et fuyant dans son travail et ses autres activités. Une hospitalisation pour une infection mineure survenue lorsqu’elle était âgée de trois ans illustre l’angoisse de ses parents durant sa prime enfance ; ses parents furent terrifiés à la pensée qu’elle allait mourir. Au fur et à mesure des années, ils remplacèrent plusieurs fois la pierre tombale de leurs enfants décédés pour la conserver blanche et sans peinture, comme pour dénier le passage du temps et finalement leur décès.
14La mère était une enseignante dans la formation pour infirmières et prenait Mme A dans sa classe. Partager sa mère avec d’autres enfants était trop pénible pour elle ; elle devint agressive au point que sa mère ne sut plus que faire d’elle de sorte qu’on la déplaça dans une autre classe. Quelques années plus tard naquit un autre frère qui survécut. Après cette naissance, la mère se déprima à nouveau et le père s’occupa de plus en plus durablement de ses affaires et du poste supérieur qu’il occupait. Pendant son adolescence, Mme A avait de violentes disputes avec son père, ce qui l’amena à être placée dans un internat. Ses parents se séparèrent à la fin de son adolescence.
15Mme A vint en analyse au début de la trentaine, perturbée par sa dépression et son incapacité de maintenir des relations intimes. Elle venait juste de terminer une relation dans laquelle elle s’était souvent sentie comme un petit enfant blotti contre sa mère mais qui y était resté fixé et devenu violent. Elle travaillait dans une institution de bienfaisance impliquée dans des projets internationaux et manifestait un souhait désespéré de « sauver le monde ». Elle avait de fréquents conflits à son travail, accusant en vociférant ses collègues, ses chefs et la société de rater leur but.
16Plusieurs caractéristiques de son histoire précoce apparaissent comme significatives par rapport au thème de cet article. La mère de Mme A semble avoir été incapable d’élaborer ses deuils, remplaçant presque instantanément son père décédé en se mariant et son premier enfant en concevant un deuxième [3]. Elle était déprimée et indisponible sur le plan émotionnel et son esprit paraissait rempli des objets morts de son passé. On peut se demander si le vomissement de nouveau-né [de la patiente] avait constitué une réponse précoce aux projections ingérables d’angoisse de dépression et de mort provenant de sa mère. La pulsion puissante de « sauver le monde » de Mme A pourrait être liée à son besoin infantile de sauver sa mère de la dépression.
Aspects de l’analyse de Mme A
17Mme A a été en analyse avec moi à raison de cinq séances par semaine durant plusieurs années. Une importante caractéristique de son analyse a été durant longtemps un profond désir d’être proche de moi. Elle avait le fantasme de se tenir sur mes genoux ou à l’intérieur de moi et, dans une mise en acte de ces désirs, il m’arrivait d’être trop doux, comme si je l’enveloppais de mes mots. Elle semblait désirer faire un avec moi sans qu’il y ait une fin, sans interruption ni intervention d’un tiers. Les séparations étaient très pénibles pour elle ; les week-ends, et davantage encore les interruptions, étaient vécus comme une expulsion violente hors de mon existence et de mon esprit, et elle y réagissait avec panique et fureur. Toute perception d’un objet tiers était vécue comme catastrophique ; je l’avais trahie, je n’avais pas tenu ma promesse de rester avec elle pour toujours.
18De sa part, j’ai souvent été soumis à des attaques difficiles à supporter. Elle me vivait comme froid et impénétrable et c’était pour elle comme « heurter sa tête contre un mur de briques ». Ses violences verbales en cours de séance avaient souvent un impact massif sur moi. Après une séance, je pouvais me sentir livré à un mélange de désespoir, d’angoisse et de colère et, un vendredi, elle pouvait peser comme un poids dans ma tête durant tout le week-end.
19Je rencontrais aussi de graves difficultés dans la manière dont elle répondait à nombre de mes interprétations. Si, par exemple, j’évoquais la violence que déclenchait chez elle le week-end, cela pouvait aggraver la situation et elle se mettait à m’accuser de la « bourrer de merde ». Souvent je sentais que je ne parvenais pas à m’en sortir et me heurtais à un mur, quoi que je dise. Mes tentatives de l’aider davantage au moyen d’« interprétations centrées sur l’analyste » (Steiner, 1993) échouaient fréquemment. Si par exemple je parlais de la manière dont elle me percevait dur et froid, la mettant dehors pour le week-end, elle me répondait agressivement : « Vous dites que tout est à cause de moi. » Parler de « me percevoir » d’une manière particulière était encore entendu comme si je lui retournais tout et je l’accusais d’avoir une vision déformée de moi.
20En plus de son agressivité, j’ai trouvé difficile de gérer ses silences. Elle répondait souvent à une interprétation par un long silence et la qualité de son silence faisait qu’il m’était impossible de percevoir ce qui se passait en elle, à savoir si elle était en train de penser à ce que je lui avais dit, si elle était fâchée et m’en voulait, ou si elle s’était retirée dans son propre monde.
21Elle se vivait la plupart du temps comme dépossédée tandis qu’à ses yeux je possédais tout, famille, richesse et bonheur et je m’engraissais à ses dépens (en réalité ses honoraires était réduits). Elle déclarait fréquemment : « Je n’ai pas le droit de vivre » et cela résonnait en partie comme une revendication contre un objet hostile qui la dépouillait, et en partie comme une identification à un objet mort.
L’objet impénétrable dans le transfert et le contre-transfert
22C’est progressivement que j’ai compris certaines dynamiques transféro-contre transférentielles liées au vécu d’un objet impénétrable. J’ai réalisé que, dans son esprit, je devenais souvent un « mur de briques » face auquel elle réagissait par des projections encore plus fortes ; mais ainsi, elle ressentait que c’était moi qui projetais encore davantage en elle. Je pensai alors que si elle réagissait si violemment à un week-end ou à une interruption, c’est parce qu’elle me vivait comme un objet dont le psychisme était rempli par d’autres, comme une mère primitive avec ses enfants morts, et par conséquent imperméable à ses projections. Je considérai alors son agression comme un moyen désespéré de se dégager de cet objet refermé.
23J’ai commencé par comprendre que les silences particuliers de Mme A constituaient une mise en acte de cet objet impénétrable : elle devenait la mère inatteignable et moi l’enfant désespéré à la recherche d’un indice de ce qui était en train de se passer dans le psychisme de sa mère. Lorsqu’elle était plus durablement déprimée ou angoissée, je pouvais me sentir sans espoir qu’elle change, honteux de ne pouvoir l’aider et complètement seul. J’étais ainsi identifié à un enfant piégé avec une mère dépressive qu’il ne parvient pas à ranimer sans être aidé par un père. Lorsque finalement je pensais discuter de son cas avec un collègue, je notais un changement dans mon travail, avant même de consulter quelqu’un. Mon mouvement intérieur pour chercher l’aide d’un tiers avait le sens d’une étape pour sortir de ce piège, une étape qu’elle avait été incapable de franchir (Britton, 1989).
24Je commençais à m’intéresser non seulement à ce qu’elle ressentait de moi de son point de vue – c’est-à-dire son transfert, mais aussi à mes propres états psychiques du moment – c’est-à-dire à mon contre-transfert, conscient ou inconscient – et à quel degré son transfert renfermait une véritable perception de mon contre-transfert. Je me demandais plus fréquemment si j’avais été impénétrable à ses projections plutôt qu’avoir gardé mon calme et être resté ouvert, comme j’avais d’abord pensé. M’étais-je fermé aux projections d’un objet hostile lorsque je relevais son agressivité ? Avais-je échoué à reconnaître une haine en moi-même lorsque je situais tout cela en elle ? Quand je me percevais plein de compréhension, n’avais-je pas réalisé que, dans une certaine mesure, j’avais été froid et rejetant ? Et, en considérant sa destructivité, n’avais-je pas perçu son côté aimant, réparateur ? En m’observant de cette manière, je réalisais la part que je prenais dans ses mises en acte d’un objet impénétrable. Ensuite, après avoir réalisé ce changement dans mon psychisme, je notais un changement dans la perception qu’elle avait de moi.
Matériel clinique
25Je vais maintenant présenter et discuter le matériel clinique tiré de la cinquième année d’analyse de Mme A, analyse qui continue encore après plusieurs années. Le matériel provint d’une période au cours de laquelle je suis devenu de plus en plus conscient de la dynamique d’un objet impénétrable dans le processus analytique. Je présenterai trois extraits de séances ainsi que des rêves qui montrent des aspects significatifs de l’objet interne dont je discute ici et ses transformations.
Matériel clinique 1 : un objet impénétrable
26La première série de séances est tirée de la semaine qui précède l’interruption de Noël. Lundi, Mme A me parle de son wee-kend. L’une des colocataires lui avait confié des choses intimes qu’elle a trouvées déplaisantes et envahissantes. Faire l’amour avec son ami avait été douloureux. L’amie d’une colocataire a été malade et elle avait dû s’en occuper. Son précieux liquide de vaisselle avait été utilisé et remplacé par un produit bon marché, dégoûtant. Lors d’une fête de Noël, elle avait reçu un cadeau qu’elle n’avait pas désiré et pour lequel elle manquait de place. Et son père qui lui avait promis de l’aider n’avait pas été disponible. J’interprétais que, durant le week-end, elle avait été remplie par les déboires des autres, ce qu’elle trouvait douloureux et envahissant, et qu’elle avait à gérer les siens tandis que je n’étais pas disponible. Mon interprétation ne modifia pas son humeur et elle continuait à parler avec colère de ces gens intrusifs et inutiles. Un moment après, tout sembla plus désespéré et plus intense. Je lui dis que lorsque je garde mon calme pendant qu’elle me parle avec autant de force, elle semble ressentir que je ne mesure pas l’étendue de sa détresse. Elle se plaignit alors amèrement au sujet des limites d’un ami et des miennes, puis elle se fâcha et se montra agressive envers moi. Soudain, cinq minutes avant la fin de la séance, elle se leva et s’en alla. Alors que je m’étais senti très calme tout au long de la séance, son soudain départ me perturba et pesa sur moi.
27À la séance suivante, un mardi, elle était tout d’abord calme puis elle m’expliqua comment elle s’était sentie à la fin de la séance précédente. Bientôt cependant, elle eut à nouveau le sentiment que je ne la comprenais pas. Elle fut de plus en plus perturbée et fâchée ; elle déclara qu’elle « tapait sa tête contre un mur de briques » et sa voix devint progressivement violente. Je lui dis que lorsqu’elle pensait que je ne la comprenais pas, elle avait besoin de déposer quelque chose à l’intérieur de moi, comme lorsqu’elle m’avait quitté prématurément à la séance précédente et en me parlant violemment aujourd’hui. Mais je sentis que je ne la touchais pas. Lorsque je répétais quelque chose de semblable, je parus faire empirer les choses. Je me sentis de plus en plus exaspéré par elle.
28Le jour suivant, un mercredi, Mme A apporta un rêve :
Les toilettes sont bouchées. Il y a un homme et une femme qui essayent de les déboucher. C’est étrange, il n’y a ni eau ni rien d’autre dans les toilettes. Je leur dis qu’on a besoin d’un déboucheur. Je saisis un déboucheur et je le mets en action, mais un tas de merde surgit.
30Elle déclara qu’elle se sentait mieux aujourd’hui et relia le déboucheur du rêve à mon travail d’intervention dans ses zones difficiles d’accès. De mon côté, je sentis ses propos peu convaincants à la lumière des deux séances précédentes et que c’était plutôt calme. Ensuite elle parla de sa mère qu’elle ressentait comme l’ayant utilisée comme des toilettes pour évacuer ses propres sentiments, tout en étant indisponible envers sa fille. Cela me parut correspondre davantage à la manière dont elle m’avait ressenti. Ensuite elle parla d’elle comme étant pleine de merde et parut se sentir de plus en plus mauvaise. J’interprétais qu’elle ressentait que quelque chose allait de travers avec moi, représentant les toilettes, et qu’elle devait utiliser le déboucheur pour atteindre la merde en moi, comme dans le rêve ; cependant, elle ressentait que la merde rejaillissait sur elle et pénétrait à l’intérieur d’elle. Elle répondit par un long silence. Finalement, elle déclara sur un ton hostile que je ne m’intéressais qu’à moi-même.
31Le jeudi, la dernière séance, elle se plaignit amèrement de son père qui n’était pas disponible en dépit de sa promesse de l’aider. Elle se sentait isolée et luttait pour garder quelque chose de bon en elle. Elle eut la pensée d’avoir un enfant, mais elle devrait se débrouiller seule car elle se sentait incapable d’avoir une véritable relation. Elle était furieuse que je l’aie quittée au moment où elle était devenue de trop ; tout en sachant cela, j’avais pris néanmoins mes vacances à ce moment. Je lui dis : « Si j’avais pris soin de vous, je serais resté avec vous et j’aurais été présent au cas où vous auriez eu besoin de moi. » Elle répliqua, méprisante : « Vous voulez juste ressentir que vous êtes bon comme quelqu’un qui sait prendre soin. » Je fus troublé par cette remarque, par son mépris, et je luttais contre un sentiment d’inadéquation et de culpabilité. Je finis par lui dire que lorsqu’elle était pleine de terribles sentiments juste avant l’interruption, comme le sentiment d’être seule, incapable et mauvaise, elle avait eu besoin que je prenne ces sentiments en moi, que je me sente moi-même mauvais et incapable, de sorte qu’elle puisse se sentir un peu mieux. Elle resta silencieuse mais sembla plus calme.
Discussion du matériel clinique 1
32Durant le week-end, le dernier avec l’interruption de Noël, Mme A se sentit confrontée à des objets indisponibles ou intrusifs. J’avais été inatteignable comme l’avait été son père. Elle ressentait que des choses étaient poussées en elle d’une manière envahissante, comme les confidences de sa colocataire, le sexe douloureux et le cadeau pour lequel elle n’avait pas de place. Elle se sentait dépouillée de ses ressources, et le précieux liquide de vaisselle avait été remplacé par quelque chose de dégoûtant. Avec l’approche de Noël, j’étais perçu comme étant préoccupé par ma famille, probablement davantage que d’habitude. Elle aurait voulu que je la comprenne et que j’aie de l’empathie pour son sentiment d’isolement et d’intrusion ; mais à la place elle m’a vécu comme inutile, ayant des limites rigides et incapable de recevoir sa détresse. D’un autre côté, par rapport à elle, je l’avais ressentie imperméable à mes interventions et essayant activement, violemment, de fourrer sa détresse en moi.
33Le rêve qu’elle rapporta le jeudi fournit une image vivante de son vécu du début de la semaine. Confrontée à son état de débordement, elle avait besoin d’un objet dans lequel elle puisse projeter sa détresse, des toilettes qui la débarrasseraient de sa merde. À la place, elle me ressentit bloqué et incapable d’assumer sa détresse. C’est ce qui la poussa à repousser ses « trucs » à l’intérieur de moi. Ce qu’elle avait décrit comme « taper sa tête contre un mur de briques » était une façon de m’atteindre représentée en rêve par le déboucheur qu’elle utilisait pour déboucher les toilettes. Cependant, comme dans le rêve, elle vécut cela comme un échec : que j’étais resté bloqué et la merde, au lieu d’être évacuée, avait rejailli.
34M’avait-elle vécu seulement comme étant bloqué ou est-il possible que j’aie été vraiment bloqué ? C’est seulement en examinant mon contre-transfert que je pense pouvoir tirer cela au clair. Le contenu de mes interprétations du lundi et du mardi semblait correct à un niveau. Mais ce qui l’avait amenée le plus à réagir avait été mon calme et mon état d’esprit posé, montrant probablement que j’étais trop en retrait pour des raisons défensives. Je trouvais ses reproches et son agressivité difficiles à supporter au point de m’endurcir. Tirant les conclusions qui s’imposaient à partir du matériel clinique, je n’étais pas suffisamment en contact émotionnel avec elle ou, pour utiliser les termes de Green « mon cœur n’y était pas ». En conséquence, j’étais devenu impénétrable et son rêve contenait une part de vérité sur mon état psychique.
35Lors de la séance du jeudi, elle était parvenue à faire passer un peu de sa « merde » en moi, ce que reflétait ma propre détresse vers la fin de la séance ; mais plutôt que de montrer de la sympathie envers elle, je fus exaspéré par son agressivité et son abord difficile, ce qu’elle avait pu saisir. Ainsi, lorsqu’elle a traversé mon « mur de briques », j’ai été davantage préoccupé par mon angoisse et ma détresse plutôt que par son angoisse et sa détresse de sorte que j’étais devenu imperméable à elle, maintenant d’une manière un peu différente.
36À la séance du mercredi, elle m’avait ressenti plutôt narcissique, ayant besoin d’être apaisé au début et, lorsque je donnais une interprétation centrée sur l’analyste, je lui parus très préoccupé de moi-même. Mon interprétation du blocage des toilettes ne fut pas ressentie comme si je prenais sur moi la responsabilité de ma propre imperméabilité, mais comme un reproche envers elle de me percevoir comme bloqué et de me déboucher, une sorte d’« objet volontairement fermé à toute compréhension » (Bion, 1962). En y réfléchissant soigneusement, je réalisais que mon interprétation contenait un propos sous-jacent non-dit, ou même non-pensé, à peu près ainsi : « Vous pensez que je suis pareil à des toilettes bloquées que vous avez besoin de déboucher, mais en fait je suis ouvert et disponible envers vous et l’image que vous avez de moi est fausse. » Dans mon propre esprit, je n’avais pas reconnu que j’étais bloqué et, avec sensibilité, la patiente saisit une motivation inconsciente en deçà de mon interprétation : je lui faisais des reproches et je m’en disculpais. J’avais aussi ignoré l’image d’un homme et d’une femme essayant ensemble de déboucher les toilettes, ce qui représentait une situation plus anodine entre nous le mardi, lorsqu’elle avait tenté de travailler avec moi pour déceler ce qui s’était bloqué entre nous le jour précédent. En passant à côté de cet aspect constructif, j’avais agi comme un objet aveugle à ses efforts de réparer son objet et l’accusais d’être complètement responsable de ce qui avait foiré.
37Quelque chose de semblable s’était produit à la séance de jeudi. Lorsque je fis l’interprétation centrée sur l’analyste, déclarant que si je prenais vraiment soin d’elle je resterais avec elle, elle me répondit avec colère que je désirais uniquement paraître bon à mes propres yeux. En considérant sa réponse, je réalisais à quel point j’avais ressenti comme intolérables ses demandes excessives et ses attaques envers moi. Mon interprétation, voulant signifier que je la comprenais, exprimait quelque chose comme cela : « Vous êtes trop exigeante, personne n’est disposé à faire ce que vous demandez. » Je n’étais pas seulement ressenti comme un objet impénétrable, mais j’agissais en objet imperméable à ses projections alors que j’étais moi-même en train de projeter quelque chose de mauvais en elle.
38Ce n’est qu’à la fin de la séance de jeudi que j’ai été capable de me présenter comme un objet plus perméable dans le processus psychanalytique. J’avais affecté par son attaque méprisante mais j’ai été capable cette fois-ci de saisir et de ressentir en moi-même ses sentiments de profonde inadéquation, puis de transformer ce vécu en une interprétation qui parut lui apporter un sens et la calmer.
Matériel clinique 2 : un objet froid et mort
39Une semaine plus tard, Mme A fut soulagée de revenir après s’être sentie angoissée et désespérée. Je relevais son angoisse et aussi qu’elle n’avait pas été débordée par elle. En parlant de son travail, elle éprouva de plus en plus de ressentiment. Une collègue « faisait de la lèche » à son chef alors que celui-ci était froid et rejetant envers elle. Je lui parlais d’un chef représentant une mère froide et rejetante à laquelle elle ne pouvait pas accéder. Ensuite elle parla avec rage d’une autre collègue qui avait des problèmes de santé mentale, comme elle, et qui avait été admise « une minute sur deux » dans un hôpital privé. Je lui dis combien elle se sentait « malheureuse et troublée ». Elle réagit avec ressentiment ; « troublée » était un terme utilisé par son chef qui ne reflétait pas du tout son vécu perturbé, comme la pensée de perdre de nouveau son emploi. Je lui dis que lorsque j’ai utilisé ce terme, elle avait ressenti que je ne comprenais pas à quel point elle se sentait mal. Elle se radoucit un moment mais elle fut à nouveau remplie de ressentiment et se plaignit d’être pareillement frustrée.
40Le jour suivant, un mardi, elle commença à se demander si elle devait se lancer dans une nouvelle carrière professionnelle, mais plus elle parlait, plus elle parut désespérée et déprimée. Rien ne paraissait aller bien : s’adresser à un orienteur professionnel était trop onéreux, reprendre des études semblait horrible, il n’y avait aucune perspective de gagner de l’argent ni de fonder une famille, quelle que soit sa décision elle serait mauvaise, etc. Je ressentis que je ne pouvais pas l’atteindre et que j’étais incapable de modifier son état.
41Mercredi, elle put à peine parler pendant un moment durant la séance. Elle commença : « Je pense… » Puis elle s’arrêta et un moment plus tard : « Je ne sais même pas pourquoi je suis venue ici. » Je relevais qu’il existait deux analystes différents dans son esprit : l’un était celui chez qui elle avait fait l’effort de venir, c’était un analyste compréhensif et utile ; l’autre était assis maintenant derrière elle, c’était un analyste froid et hostile. Elle commença à pleurer et me dit : « Je sens que je suis suspendue à un seul cheveu d’être tuée. Tous les efforts que j’ai faits cette année n’ont abouti à rien. » Puis elle rapporta un rêve :
Je suis dans la maison de ma tante [dans laquelle ma grand-mère s’était donné la mort], dans la cuisine. La cuisine est froide et sombre, il n’y a pas de fenêtre. À la place de la cuisinière il y a une grande cheminée qui semble incapable de chauffer la pièce, il n’y a pas de feu. J’ai l’impression que je vais vivre ici et que j’aurai besoin d’aménager l’appartement. Mais comment puis-je le rénover ?
43Elle me dit que la maison de sa tante et celle d’en face étaient reliées par le sous-sol à travers les caves. Elle parla de sa précédente loueuse qui n’avait jamais trouvé les fonds nécessaires pour rénover l’appartement dans lequel elle vivait, mais qui le fit après son départ. Je lui dis qu’elle se demandait si j’avais les ressources suffisantes pour la rénover et elle répliqua : « Mais si vous me rénovez, ce sera entièrement votre travail et non le mien ! » Je relevai son dilemme : si je suis aussi bloqué qu’elle, incapable de l’aider, elle se sent désespérée, mais si je suis différent, rempli de mes propres ressources, alors la différence semble insupportable. Plus la séance avançait, plus je me sentais sans espoir et, à la fin, je fus secoué et je pensai que tous mes efforts pour l’aider étaient vains.
44Jeudi, elle parut différente. Elle se sentit mieux et pensa qu’elle avait laissé quelque chose chez moi le jour précédent. Elle fut d’abord désolée de m’avoir fait cela et puis elle pensa que je pourrais me débrouiller. Avant la séance précédente, elle s’était sentie si secouée qu’elle pouvait à peine marcher. Elle se souvint d’une émission TV dans laquelle un adolescent ne pouvait pas marcher pour des raisons psychologiques, mais qu’il y parvenait finalement après avoir reçu de l’aide. J’interprétais que c’est seulement lorsqu’elle avait senti que ce qui la troublait était parvenu à mon esprit et m’avait secoué qu’elle avait pu se sentir libérée ; si j’étais calme, elle sentait que tout était calme en elle. Elle dit qu’elle avait été incapable de penser, comme si son esprit avait été empoisonné. J’interprétais le poison dans son esprit comme étant la fureur et le désespoir qui l’avaient rendue incapable de penser ; lorsqu’elle avait senti que j’étais capable de lui retirer le poison, elle s’était remise à penser. Elle déclara que sa mère n’avait jamais été capable d’accueillir ses sentiments intenses. J’interprétai que, au début de la semaine, elle avait senti qu’elle était avec, ou à l’intérieur, d’une mère déprimée et froide, incapable de recevoir sa fureur et son désespoir ; elle pensait qu’elle devait la réparer mais qu’elle était ensuite devenue déprimée comme sa mère. Elle ajouta que c’est à travers sa mère qu’elle s’était sentie en contact avec sa grand-mère déprimée qui s’était donné la mort.
Discussion du matériel clinique 2
45Lundi, elle apporta un matériel clinique lié au week-end concernant un objet maternel froid et rejetant, clivé d’une mère affectueuse, toujours disponible, représentée par l’hôpital privé. Je pensais qu’après le week-end elle désirait que je sois cette mère hôpital mais, quand elle m’avait ressenti comme insuffisamment sympathique, j’étais devenu pour elle une mère froide. À la différence du matériel précédent, cet objet du transfert n’était pas celui qu’elle pouvait essayer d’atteindre en projetant massivement en lui ; elle ne « frappa pas sa tête contre un mur de brique » dans la séance. À la place, après avoir fait mardi un effort en direction de la vie (en pensant à sa carrière), elle s’était enfoncée de plus en plus profondément dans une identification à un objet déprimé.
46Je pense que le rêve de la cuisine sombre et froide, sans feu de cheminée, représentait un objet maternel froid tel qu’elle se vivait elle-même et auquel elle était identifiée, c’est-à-dire une « mère morte » qui ne procurait aucune chaleur. L’interconnexion entre les sous-sols reflétait les communications inconscientes de quelque chose de mort entre sa grand-mère, sa mère et elle-même. Elle sentit qu’elle devait réparer cet objet mort mais que c’était une tâche désespérante : « Tous les efforts que j’ai faits sont réduits à rien. »
47Le mercredi cependant, j’ai été ressenti comme différent – et je l’étais devenu –, capable de recevoir ses sentiments perturbés et de les gérer. Lorsque je lui parlais de l’analyste froid et hostile assis derrière elle, je lui dis que je l’avais fait sans éprouver le besoin de la convaincre que je ne l’étais pas. Plus tard, j’ai ressenti avec intensité le désespoir lié à mon incapacité de ranimer l’objet mort et déprimé en elle, et j’étais de nouveau totalement ouvert à ses projections et capable de les digérer. À l’opposé du matériel précédent, j’étais devenu entièrement capable d’accepter sa projection et je n’agissais pas en tant qu’objet impénétrable. Les différents objets qu’elle vivait se reflétaient dans mes différents états d’esprit. Alors que lundi et mardi je ne m’étais pas senti particulièrement perturbé, mercredi je m’étais senti profondément sans aide et sans espoir. Comme l’avait montré le matériel de la séance de jeudi, elle m’avait vécu comme capable de surmonter ce qu’elle avait projeté en moi, comme si elle avait ressenti qu’il y avait maintenant un « foyer dans ma cuisine ».
Matériel clinique 3 : un objet contenant
48Le matériel qui suit apparut à la suite de ce qui précède. Elle avait commencé sa séance du vendredi en disant qu’elle était plus détendue mais, après m’avoir interrogé sur ma prochaine interruption, quelque chose de désespéré et de déprimé surgit qui remplit bientôt la séance. Sa vie était vide, il n’y avait pas de sens à sa vie, elle ne changeait pas. J’en fus très affecté et je me sentis de plus en plus préoccupé et inutile. Je lui dis qu’après m’avoir dit qu’elle se sentait mieux, elle avait craint que je me détende et la quitte, pour le week-end ou pour un break, de sorte qu’elle avait eu besoin d’avoir un impact sur moi. Elle me répondit que c’était réellement sans espoir et elle avança d’autres raisons. Je lui parlais ensuite de mon besoin de me sentir sans espoir, de désespérer de ma capacité de l’aider et d’accepter que je ne le pouvais pas. À la fin de la séance elle était silencieuse et plus calme.
49Le lundi suivant, elle reconnut qu’elle avait senti avoir laissé quelque chose de mauvais en moi. Elle rapporta un rêve dans lequel elle essayait de sauver des libellules de la noyade ; elle en sauva trois mais l’une des ailes de la quatrième resta bloquée, elle ne pouvait pas l’aider et se mit très en colère.
50Quelques jours plus tard, le mercredi, elle était très perturbée en me parlant d’un entretien qu’elle avait eu la veille en vue d’un emploi. Elle parlait sur un ton persécuté de l’intervieweur et de ses collègues ; ils lui posaient des questions impossibles, l’accablaient, l’utilisaient pour leurs propres besoins et s’engraissaient sur son compte tout en l’asséchant. Lorsque je tentais de mettre en question sa perception, elle me ressentit comme un persécuteur. Je réalisai que je ne pouvais que partager son opinion sur ses objets ; en douter c’était aggraver son sentiment de persécution. Je lui parlais alors de la façon dont je lui paraissais si exigeant, l’accablant, l’utilisant pour mes propres besoins et ensuite la laisser. Progressivement son état psychique changea, elle se calma et, vers la fin de la séance, elle n’était plus persécutée.
51Le jour suivant, un jeudi, elle commença en me racontant qu’elle se sentait mieux, elle préparait de nouvelles demandes d’emploi ; elle avait eu du plaisir à regarder les arbres et la lumière sur le chemin du retour à la maison après la séance précédente. Elle rapporta un rêve :
Il y a un lac à la montagne, des arbres étaient tombés dedans et de nombreuses feuilles le recouvraient. Je m’en allais et pensais que le lac allait se régénérer de lui-même et nettoyer toutes ces choses qui y tombent.
53J’interprétais qu’elle sentait qu’elle pouvait débarrasser toutes sortes de choses mortes avec moi, comme le jour précédent ou vendredi passé, et qu’elle pensait que j’étais capable de le faire et de me régénérer moi-même. Puis elle rapporta un second rêve :
Je suis de nouveau dans la cuisine de la maison de ma tante. Mais cette fois la paroi située entre la cuisine et la chambre adjacente avait été abattue [comme cela avait été approximativement le cas dans la réalité] pour donner plus d’espace et de lumière.
55Elle me dit que la mère de son filleul lui avait demandé si elle voulait l’aider à décorer la chambre de l’enfant. Elle n’avait jamais fait de décoration et n’était pas sûre d’en être capable. Je lui dis que si elle n’était pas sûre de ses capacités, elle avait maintenant acquis le sentiment qu’elle était capable d’être créative et de réparer, ce qui se reflétait dans le rêve de la cuisine qui était devenue un lieu différent, rénové, et dans le rêve antérieur des libellules.
Discussion du matériel clinique 3
56À la séance du vendredi, quand elle m’avait dit qu’elle se sentait mieux, elle sembla ressentir immédiatement l’angoisse que j’allais me détourner d’elle, ce que reflétait sa question à propos de la prochaine interruption. Se sentant privée d’un objet contenant, sa dépression (qui avait été présente les jours précédents) ressurgit fortement. Pendant la séance, je fus capable de recevoir le désespoir qu’elle avait projeté en moi et d’y penser, sans éprouver la nécessité de le repousser en elle ; c’est ainsi que je me sentais – et que j’étais aussi ressenti par elle – comme un objet davantage perméable. Il s’ensuivit une situation intérieure, illustrée par le rêve des libellules, dans laquelle elle pouvait sauver, au moins partiellement, la part d’elle-même qui se noyait : elle avait introjecté et s’était identifiée à un objet davantage contenant.
57À la séance de mercredi, elle s’était trouvée dans un état très paranoïde et, lorsque je l’interrogeais sur son vécu, j’étais aussi vécu comme persécuteur. Lorsque ensuite j’utilisais une interprétation centrée sur l’analyste, j’acceptais complètement l’image qu’elle avait de moi ; dans mon esprit, il n’y avait pas de discours sous-jacent caché par lequel j’aurais tenté de la convaincre. À nouveau, j’étais devenu davantage perméable et contenant.
58Je pensais que le lac du rêve représentait cet objet différent, un objet qui était capable de gérer les choses mortes projetées en lui et de se régénérer lui-même, comme elle avait senti que j’avais été au cours de ces deux séances. Elle avait suffisamment confiance dans ses capacités pour qu’elle puisse partir sans avoir à se préoccuper de l’état de cette mère-analyste. De même avec le rêve de la cuisine : ce qui avait été un lieu de froideur et de désespoir deux semaines auparavant était maintenant rénové, davantage spacieux et lumineux. C’était le reflet d’un objett vivant avec un espace psychique, un espace qu’elle n’avait pas à rénover elle-même, ni à se désespérer à son sujet. Son association avec l’amie qui lui avait demandé de l’aider à la décoration, comme le rêve des libellules, reflétaient chez elle un sens accru de posséder une capacité de réparer, de créer et de s’identifier à une image vivante plutôt que morte, à un objet encourageant plutôt qu’à un objet qui la blâme et lui réclame de mettre toutes ses capacités à son service.
Discussion générale
59À partir de ce matériel clinique, j’ai tenté de montrer comment l’« objet impénétrable » et l’une de ses manifestations particulières, la « mère morte », se manifestaient dans le transfert et le contre-transfert de cette patiente. Je crois que ce matériel illustre les caractéristiques d’un tel objet lorsqu’il est perçu et mis en acte par les deux partenaires du processus psychanalytique et que certaines difficultés peuvent y conduire. Je montre aussi comment émerge un objet davantage perméable dans le transfert. Je soutiens que le changement survenu chez la patiente a été lié au travail significatif que j’ai été capable d’effectuer dans le contre-transfert. Ce travail amena un changement dans mon esprit qui apporta de subtiles différences dans mon approche de la patiente qui, au moins inconsciemment, ont été perçues par elle et ont entraîné à leur tour un changement en elle.
60Du point de vue du développement, l’objet interne que j’ai décrit est fondé sur le vécu d’un objet primaire qui, dans une mesure considérable, est imperméable aux projections de l’enfant et projette également dans l’enfant. J’ai décrit cela en termes théoriques en me référant à Bion, Williams et Green ainsi qu’aux recherches sur la relation mère-enfant. Au cours de l’histoire du développement de Mme A on trouve des indices de la présence d’un tel objet dans son vécu infantile. Sa mère semble avoir été déprimée, incapable de faire le deuil de ses pertes multiples et incapable de recevoir et de contenir les fortes angoisses de son enfant, sa rage et sa détresse. Je pense qu’elle surchargeait aussi son enfant avec sa propre dépression et ses angoisses.
61Une fois qu’un objet impénétrable est enkysté dans le monde interne d’un individu, il s’établit comme un sérieux obstacle au développement. La sensation d’être envahi interfère avec l’introjection d’un objet secourable et mène à un enfermement, même par rapport à un objet externe potentiellement secourable. Williams postule une « fonction oméga » comme conséquence de « l’introjection d’un objet qui est… à la fois imperméable et envahissant de projections ». Il possède une fonction opposée à la « fonction alpha » en défaisant plutôt qu’en créant des liens, et en fragmentant ainsi le développement (Williams, 1997, p. 126). Entrer en relation avec autrui devient très compliqué pour quelqu’un qui fonctionne de cette manière, comme ce fut le cas de Mme A dans sa profession et dans sa vie personnelle. Elle ressentait alors les autres comme impersonnels et insensibles, exigeants et intrusifs, et elle parut longtemps dans l’incapacité de s’appuyer sur une expérience utile.
62Pareil objet interne peut être également la source de difficultés techniques considérables en analyse. Comme je l’ai montré, Mme A m’a souvent perçu comme étant impénétrable et elle recourait alors à des projections plus percutantes, ou y renonçait et se retirait. Les interprétations n’étaient souvent pas entendues comme des tentatives de compréhension, mais vécues comme autant de violentes intrusions qu’il s’agissait d’éviter. À mon tour je la vivais comme impénétrable à mes interprétations, mais aussi comme faisant intrusion de force dans mon psychisme et me rendant désespéré, exaspéré et perturbé.
63Aux prises avec les difficultés techniques propres aux patients présentant des organisations pathologiques, Steiner (1993) a introduit une distinction utile entre des interprétations centrées-sur-le patient et celles centrées-sur-l’analyste. Les interprétations centrées-sur-le patient sont surtout focalisées sur ce qui se passe chez le patient et celles centrées-sur-l’analyste davantage sur le vécu du patient par rapport à l’analyste. Des patients qui ont grand besoin d’être contenus peuvent ressentir une interprétation centrées-sur-le patient comme une incapacité de la part de l’analyste de recevoir et de gérer quelque chose d’intolérable, et une tentative de sa part de repousser les projections dans le patient. À l’opposé, les interprétations centrées-sur-l’analyste peuvent apporter un sentiment d’être mieux contenu et d’accroître la sensation d’être écouté, ce qui signifie être compris.
64Lorsque j’utilisais des interprétations centrées-sur-le patient avec Mme A, elle semblait souvent me ressentir comme si je repoussais quelque chose en elle avec force, ce qui ne faisait qu’accroître une dynamique déjà inutile. C’est pourquoi je recourais fréquemment à des interprétations centrées-sur-l’analyste. Néanmoins, comme le montrent certains passages du matériel clinique, ce n’était souvent pas davantage utile. J’étais alors vécu comme si je lui adressais des reproches ou comme si j’étais uniquement préoccupé de ma propre personne, de manière narcissique.
65Un changement significatif se produisit lorsque j’ai commencé à explorer plus soigneusement mon propre état d’esprit sur ces points. J’ai alors découvert que les interprétations que j’avais cru correctes et pleines de compréhension véhiculaient un contexte très différent et pas tout à fait conscient ; de manière sous-jacente, j’essayais de prouver qu’elle se trompait et je le lui reprochais. Je décelai peu à peu que parfois, lorsque je pensais être ouvert et en contact, j’étais en réalité relativement fermé à elle. Je m’endurcissais intérieurement dans une tentative de me défendre et pour conserver un certain degré de confiance en tant qu’analyste. Ainsi, en examinant mes propres états d’esprit, je découvris que ses manifestations de transfert renfermaient une véritable perception de mon contre-transfert. Je décelai que j’avais refusé d’entrer dans certaines projections ou que j’avais projeté quelque chose d’indigeste en elle ; ou ce que j’avais perçu comme calme en moi avait été plutôt évacué et impénétrable.
66Plusieurs interactions entre ma patiente et son analyste peuvent dès lors être considérées comme des mises en acte (Feldman, 2009 ; Joseph, 1989) ou ce que Tuckett (1997) appelle « mise en acte mutuelle ». Fréquemment, une situation précoce s’installe dans laquelle la mère est trop préoccupée ou déprimée pour s’ouvrir à la détresse de l’enfant ; la terreur grandissante de l’enfant ne fait qu’augmenter l’imperméabilité de la mère, ce qui amène l’enfant à accroître ses efforts pour l’atteindre ; à son tour, et faute de contenir sa propre détresse, la mère augmente encore celle de l’enfant en la projetant en lui. Dans une telle mise en acte mutuelle, ce n’est ni seulement le patient, ni seulement l’analyste qui effectue cette mise en acte, mais tous les deux contribuent inconsciemment à cette scène partagée. Cette situation ne peut être résolue que si l’analyste est suffisamment ouvert pour repérer et reconnaître comme sienne sa propre participation à cette mise en acte.
67Mme A était très sensible à mes états psychiques comme elle l’avait été face aux états psychiques de sa mère. Il s’agit peut-être d’une caractéristique générale chez ces patients : Modell a postulé que, au cours du développement de la « mère morte », l’enfant, « au lieu d’incorporer l’insensibilité de la mère envers l’état psychique d’autrui,… développe une hypersensibilité à l’état psychique d’autrui » (Modell, 1999, p. 84) ; de son côté, Tronick a observé que « l’enfant d’une mère déprimée peut devenir extrêmement sensible à l’état émotionnel de celle-ci » (1989, p. 117). Mme A a senti de manière adéquate, bien que peut-être exagérée, que je me refermais par rapport à elle. Je pense qu’elle avait besoin de moi non seulement pour la comprendre intellectuellement, mais en réalité pour me perturber. C’est uniquement ainsi qu’elle a eu la sensation que quelque chose m’était arrivé. En réfléchissant aux patients qui ont passé par un vécu précoce de « difficultés avec la réceptivité de l’objet », Feldman considère qu’ils peuvent avoir besoin « d’impliquer l’analyste de manière à ce que le psychisme de l’analyste soit perturbé. Ce type de patient ne peut pas céder avant d’avoir eu la preuve d’un impact sur le psychisme de l’analyste ou sur son corps » (Feldman, 2009, p. 41). Une fois qu’elle m’eut perturbé, Mme A sentait souvent de manière adéquate que j’étais tantôt capable de digérer et de contenir cet état, ou tantôt en train d’essayer de le repousser en elle.
68Quand l’analyste lutte avec le trouble créé en lui par les projections du patient, il peut faire usage des interprétations, même centrées-sur-l’analyste, comme autant de moyens de se débarrasser des projections, et le patient peut le percevoir correctement, au moins inconsciemment. Je voudrais avancer l’idée qu’un travail intensif dans le contre-transfert est nécessaire pour que l’analyste décèle les moyens subtils par lesquels il pourrait mettre en acte un objet imperméable ou intrusif. Steiner écrit que la distinction entre une interprétation centrée-sur-le patient et centrée-sur-l’analyste « dépend davantage de l’attitude et de l’état psychique de l’analyste que des mots qu’il utilise », et il poursuit :
Pour être centré-sur-l’analyste, dans le sens que j’entends lui donner ici, l’analyste se doit d’avoir un esprit ouvert et de vouloir considérer le point de vue du patient en essayant de comprendre ce que le patient veut signifier dans un esprit d’investigation.
70Selon moi, c’est seulement lorsque l’analyste peut considérer dans cet esprit le point de vue de la patiente et explorer ce qu’elle peut percevoir chez lui qu’un changement peut se produire dans son psychisme. Ce changement peut parfois se refléter davantage par son attitude lorsqu’il interprète qu’à travers les mots qu’il utilise. Cependant la patiente perçoit ce changement dans le psychisme de l’analyste, du moins inconsciemment, et cela peut lui permettre d’introjecter un objet plus perméable et de s’identifier à lui.
71Steiner établit une autre distinction importante entre « comprendre » et « être compris », et entre « interprétation » et « contenance » (1993, p. 132). Un patient dont « la principale préoccupation est d’obtenir un soulagement et un sentiment de sécurité en acquérant un équilibre psychique » ne sera pas intéressé à acquérir une compréhension de lui-même ; sa priorité consiste à être débarrassé de contenus psychiques et de les projeter dans l’analyste. Néanmoins, il éprouvera « un besoin pressant d’être compris par l’analyste » (p. 132) et s’attend à ce que ses projections soient contenues. Cependant, les interprétations qui ont pour but d’aider ce patient à acquérir une compréhension peuvent être perçues comme un manque de contention et comme provenant d’un analyste « qui repousse en direction [du patient] les éléments [préalablement] projetés en lui » (p. 133).
72Reste un point controversé : pour qu’un véritable changement se produise, la capacité de contenir les projections – « être compris » – suffit-elle à elle seule pour entraîner des changements, ou est-il est nécessaire d’interpréter pour aboutir à ce que le patient comprenne ? Carpy (1989) considère que le ressenti du patient par rapport à la lutte que mène l’analyste pour contenir les projections – lutte visible à travers sa « mise en acte partielle » – suffit en lui-même pour amener un changement. Il pense que cela se produit à travers l’internalisation de la capacité de l’analyste de tolérer le contretransfert et que les interprétations peuvent être utilisées uniquement après la survenue d’un changement. D’un autre côté, Steiner (1993, p. 143) considère que « la capacité de contenir apporte un soulagement, mais elle ne conduit pas nécessairement à la croissance et au développement. » Selon lui, la raison est la suivante :
Le soulagement dépend de la présence continue de l’objet contenant puisque, à ce niveau de l’organisation, la séparation véritable par rapport à l’objet ne peut pas être tolérée et, par conséquent, la capacité de contenir ne parvient pas encore à être internalisée.
74Au cours de la période d’analyse de Mme A que j’ai décrite, la capacité de contenir a constitué la tâche majeure de l’analyste ; arriver à ce que la patiente parvienne à une véritable compréhension était rarement possible. La « mise en acte partielle » (Carpy, 1989) de mes interprétations ne conduisit pas à un développement utile, « tolérer le contre-transfert » n’a pas été mutatif en soi, comme l’a suggéré Carpy. Ce fut seulement lorsque je me suis engagé dans « une élaboration attentive de mon contre-transfert » (Brenman Pick, 1985) que le changement s’est produit. Ce processus, qui impliquait une investigation honnête de mes sentiments, de mes phantasmes et de mes pulsions envers la patiente, me permit d’être plus ouvert à ses projections et de les digérer, puis de parvenir à les contenir réellement. Réciproquement, le fait que la patiente m’ait ressenti comme un objet capable d’accepter et d’élaborer ses projections a favorisé chez elle le changement, tel qu’illustré dans ses rêves, avec l’émergence d’un objet plus perméable dans son monde interne. Avec ce changement, elle devint elle-même davantage perméable, davantage capable de saisir mes interprétations et de les ressentir comme des tentatives de la comprendre et ainsi, avec le temps et dans une certaine mesure, d’introjecter un objet utile et contenant.
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Mots-clés éditeurs : objet impénétrable, intrusif, travail dans le contretransfert, imperméable, mère morte, projection dans l'enfant
Date de mise en ligne : 03/07/2014
https://doi.org/10.3917/lapsy.141.0065Notes
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[1]
Article publié sous le titre « Impervious and intrusive, The impenetrable object in transference and countertransference », Int. J. Psychoanal. 94 : 221-238. Traduit par Jean-Michel Quinodoz et relu par Luc Magnenat.
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[2]
[Note de l’auteur concernant l’exemple clinique] J’utilise « elle/sa » pour désigner la patiente et « lui/son » pour désigner l’analyste, la patiente présentée dans cet article étant une femme et l’auteur un homme.
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[3]
D’après A. Etchgoyen (1997) des études récentes suggèrent qu’il existe « une corrélation entre une perte périnatale ou un deuil non résolu et un accroissement de la fréquence des conceptions, la plupart de ces dernières survenant dans l’année qui suit la mort de l’enfant qui précède ». Elle cite une étude de Rowe et coll. (1978) selon laquelle « le seul signe annonciateur d’une réaction de deuil pathologique est l’arrivée d’un nouvel enfant dans la maison qui suit de près l’enfant désigné. Par exemple des mères devenues enceintes dans les cinq mois qui ont suivi une perte sont, d’une manière significative, davantage susceptibles de présenter un deuil pathologique que celles que celles qui ne sont pas enceintes ou qui le sont devenues après un délai de six mois » (Etchegoyen, 1997, p. 193).