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Article de revue

Perspectives psychosomatiques : la recherche du sens

Pages 167 à 196

Notes

  • [1]
    Article publié sous la rubrique Education Section, sous le titre « On psychosomatics : The search for meaning », Int. J. Psychoanal. (2011) 92 : 173-195. Traduit par Luc Magnenat, relu par Diana Messina Pizzuti.
  • [2]
    Ndt : « névrose actuelle » est traduit en anglais par « actual neurosis », une expression très proche du texte allemand et qui pourrait littéralement signifier en anglais « névroses réelles, véritables » car « actual » est un faux-ami qui ne signifie pas « actuel » mais « réel » ; l’auteur semble soucieux de lever l’ambiguïté.
  • [3]
    Dans son introduction à l’édition de 1995 du Moi-peau, Évelyne Séchaud nous rappelle les trois dimensions de la description faite par Didier Anzieu entre le moi et le corps (spécifiquement la peau) : 1) une dimension métaphorique : le peau-moi (plutôt que le moi-peau) en tant que moi conceptualisé comme métaphore de la peau ; 2) une dimension métonymique : un moi et une peau qui se contiennent mutuellement comme ensemble et partie ; et 3) une ellipse (à la manière d’une figure à double focus : la mère et l’enfant). Je pense que nous avons là une manière intéressante de penser ce sujet. Ce triple niveau de compréhension prend acte de la relation à l’objet, inclut une dimension métaphorique et prend en compte la continuité entre le mental et le physique, entre le corps « réel » (auquel nous pouvons aussi nous référer comme « soma », le lieu des « instincts ») et le corps fantasmé, imaginaire, récepteur des projections. Cette conception réunit en une unité le corps et l’esprit. Je pense que c’est dans ce dernier lieu que la « pulsion » prend forme et, avec elle, le concept de fantasme, d’objets internes et d’identifications. La dimension métonymique met en continuité le moi et le soma par le biais du corps. L’ellipse fait allusion au contenant, à la relation d’objet entre la mère et l’enfant (Séchaud in Anzieu, 1995 ; Bronstein, 2007).
  • [4]
    La notion selon laquelle la représentation, qui est une idéation, et l’émotion s’unissent toujours, et selon laquelle la pensée prend part à la constitution de l’émotion a été discutée par nombre d’auteurs et selon diverses perspectives théoriques (Cavell, 1993 ; Green, 1997, 1999).
  • [5]
    Je crois que certaines prédispositions « somatiques » doivent également jouer un rôle dans cette genèse, mais qu’à partir du moment où un symptôme est amené en séance d’analyse nous ne pouvons l’aborder que selon une perspective psychanalytique.
  • [6]
    Selon Klein (1946), un clivage normal est nécessaire afin de protéger les « bons » aspects du self comme de l’objet de l’engloutissement et de la destruction par les « mauvais » aspects du self (en rapport avec la pulsion de mort et l’angoisse d’annihilation). L’incapacité de mettre en place ce clivage normal peut engendrer un état précoce de confusion entre les angoisses persécutrices et dépressives. Rosenfeld propose que le patient recourt d’autant plus au clivage et à l’identification projective qu’il échoue dans la différenciation de ce clivage, et donc à se protéger de la confusion.

1

Esprit : Salut ! D’où sors-tu ?
Corps : Encore toi ? Je suis le corps ; tu peux m’appeler Soma, si tu préfères. Qui es-tu ?
Esprit : Appelle-moi Psyché. Psyché-Soma.
Corps : Soma-Psyché.
Esprit : Nous devons êtres liés.
Corps : Jamais, si j’y peux quelque chose.
Esprit : Oh, allons. Ce n’est pas si terrible ?
(Bion, 1979)

Introduction

2En 1964, un comité d’experts de l’Organisation Mondiale pour la Santé donnait deux significations différentes au terme « psychosomatique ». La première faisait référence « à la position holistique en médecine, une avancée hors de la centration sur les organes et les systèmes malades, vers l’étude du patient dans son environnement tant social que psychologique » (Whitlock, 1976). Cette perspective visait à apporter une approche plus humaniste, plus globale au diagnostic et au traitement des maladies physiques. Le concept perdait sa spécificité par le fait même de son extension. La deuxième signification du terme « psychosomatique », plus circonscrite, limite son usage aux maladies dans lesquelles des facteurs psychologiques sont supposés jouer un rôle particulier. Withlock relève le paradoxe impliqué par cette double signification, à savoir qu’utiliser ce terme pour désigner uniquement certaines maladies semble torpiller toute approche globalisante de la médecine. Ce paradoxe demeure, aujourd’hui, sans solution.

3Le terme « psychosomatique » est aujourd’hui d’usage courant bien que sa définition soit tout sauf claire. Nous pouvons peut-être adopter une définition de Whitlock des états psychosomatiques comme ceux « dans lesquels des influences émotionnelles jouent un rôle significatif dans leur genèse, dans leur récurrence ou dans leur potentialisation » (Whitlock, 1976). Cette définition n’exclut absolument pas la coexistence possible de nombreux autres facteurs (génétiques, physiques, environnementaux, etc.) pouvant contribuer au développement d’une maladie particulière. Cependant, le domaine spécifique couvert par le terme « psychosomatique » demeure un objet de débat. Étant donné que cet objet d’étude se situe à l’intersection de disciplines diverses qui tentent d’appréhender des enjeux similaires à partir de leurs points de vue propres, il est très difficile de définir la portée et les limites d’une perspective psychanalytique sur ce sujet. De multiples développements, tant au sein du champ psychanalytique qu’au-dehors de celui-ci, exercent un impact direct sur notre pensée à ce sujet (Taylor, 1987).

4La terminologie en usage pour décrire ce qui sous-tend les phénomènes psychosomatiques constitue un indicateur précieux de la position, du vertex à partir duquel sont pensés ces phénomènes. Faisons-nous une différence entre les concepts de « soma » et de « corps » ? Quand parlons-nous de la représentation psychique du corps et quand évoquons-nous le corps actuel ? Ces distinctions sont-elles valides ? Et quelle est la place du « cerveau » et de la relation entre psychisme et cerveau ? Étant donné que ce champ implique de penser le fonctionnement corporel dans sa conjonction avec le psychisme, devons-nous inclure les nouveaux développements de la recherche en neuropsychanalyse comme relevant de ce domaine particulier ? L’enjeu global des perspectives psychosomatiques peut aussi être inclus dans le débat plus large qui relève des anciennes discussions sur la question de la relation corps-esprit, et sur les écoles monistes et dualistes de réfléchir à l’individu (Edelson, 1986).

5Grotstein a suggéré que bien que le corps-esprit constitue une unité globale et que l’esprit et le corps soient toujours inséparables, « ils semblent se prêter à l’artifice cartésien d’une déconnexion de sorte à permettre une conception de l’un ou de l’autre placée sous le signe de la discrimination » (Grotstein, 1997). André Green relève qu’une approche moniste n’implique pas nécessairement une homogénéité et que les organisations psychiques et somatiques sont de structures différentes. Bien qu’il soit utile d’appréhender les connexions entre les deux, il semble également important de distinguer la notion de soma de celle de corps, le corps faisant référence au corps libidinal (érotique, agressif, narcissique), le soma faisant référence à l’organisation biologique (Green, 1988a,b). Le langage « somatique » semblerait plus approprié à la littérature médicale, biologique ou statistique. Bien que ce point de vue soit différent de celui défendu par Marty, qui donne une grande importance aux changements en relation avec le « soma », d’autres approches donnent plus d’importance au rôle du « corps » dans le discours analytique. Certaines écoles de pensée psychanalytique visent à permettre d’acquérir un corps libidinal aux patients qui apportent leur « soma » en analyse, de sorte à ce que leur symptôme physique acquiert une signification (Fine, 1998). D’autres écoles tiennent pour acquis que la maladie est d’emblée inscrite dans un corps libidinal et que la maladie a et a toujours eu une représentation inconsciente. J’adhère personnellement à la notion de Green selon laquelle, en analyse, nous avons toujours à faire au « corps » du patient plutôt qu’à son « soma » (Green, 1998a). Je pense aussi que cette discussion est empreinte de confusion dans la mesure où le terme « corps » est porteur de significations diverses selon les analystes.

6Quelques points supplémentaires différencient les théories sur ce sujet :

  • Les théories psychosomatiques se différencient par la variété de leurs conceptions du développement de l’enfant et de « l’origine » de la vie psychique (voire même de ce qui « précède » la vie psychique). Les théories sur le psyché-soma ou le soma-psyché sont étroitement liées aux théories du développement précoce.
  • Savoir si le sens attribué à un symptôme physique particulier, ou à une maladie, tel que ce sens émerge dans une analyse, est lié à une possible « causalité » ou s’il a été construit a posteriori constitue un autre sujet de dissension entre approches théoriques différentes. Ce point est important dans la mesure où l’École psychosomatique de Paris met l’accent sur le manque de signification psychique des maladies psychosomatiques. Ce dilemme spéculatif est important car il sous-tend les différentes perspectives théoriques qui étayent la pratique analytique. Cette question se rapporte également à une conception plus générale de la « causalité », à une pensée en termes de processus linéaires et de séquences causales ou plutôt à une pensée en termes de « simultanéité » et de complémentarité entre processus somatiques et processus psychiques (Jackson, 1979).
  • Les différences de conception du rôle que les instincts et les pulsions, les représentations et les fantasmes jouent dans leurs rapports avec le corps/soma et avec les maladies organiques se reflètent dans la manière dont sont formulées les interrogations. Il en va de même quant au développement de la capacité de symbolisation dans la mesure où l’une des questions fondamentales est de déterminer si les maladies psychosomatiques sont porteuses de signification symbolique (Gottlieb, 2003).
  • Une distinction a traditionnellement été faite en psychanalyse entre affection psychosomatique, hypocondrie et hystérie. Cette différentiation a été établie sur l’idée que les phénomènes psychosomatiques s’accompagnent de dégâts physiques réels et/ou de réactions physiques, alors que le corps n’est pas affecté dans l’hypocondrie bien que les patients pensent qu’il le soit. Il peut y avoir une dysfonction corporelle réelle dans l’hystérie mais sans dommage organique qui puisse l’expliquer ou la justifier (Freud, 1888, 1910). La conversion hystérique affecte principalement la musculature striée, alors que les symptômes développés par les organes végétatifs (contrôlés par le système nerveux autonome) sont bien plus difficiles à mettre en relation avec les processus de pensée. La différence entre l’hystérie et l’hypocondrie n’est pas basée uniquement sur la manière dont le corps est affecté, mais elle comprend également des différences psychopathologiques et métapsychologiques. Tandis que la conversion hystérique est définie par Freud et Breuer comme « une transformation de l’excitation psychique en symptômes somatiques chroniques » (Breuer et Freud, 1893-95) rapportée en définitive à l’action du refoulement, de la condensation et du déplacement, l’hypocondrie est décrite par Freud comme la conséquence d’une stase de libido narcissique projetée sur le corps (Freud, 1917).

7La distinction faite entre maladie psychosomatique, hystérie et hypocondrie est encore généralement maintenue aujourd’hui bien qu’il ne soit parfois pas simple de discriminer ces trois entités et que nombre d’analystes questionnent la validité de les différencier si nettement. Valabrega soutient que cette différenciation simplifie excessivement un sujet très complexe. Il inscrit l’hystérie et les phénomènes psychosomatiques dans un spectre de continuité et il propose une théorie de la conversion psychosomatique généralisée selon laquelle chaque symptôme recèle un sens et au sein de laquelle la notion de conversion hystérique conserve toute sa place (Valabrega, 1954). McDougall (1980) conçoit également l’existence d’un chaînon manquant entre les phénomènes psychosomatiques et hystériques. Dans l’école kleinienne, Herbert Rosenfeld (1964, 2001) décrit un mécanisme unique à la base de l’hypocondrie et des états psychosomatiques. Je pense que la distinction entre ces trois entités pathologiques n’est pas aussi claire qu’il l’est parfois décrit, et qu’elles se chevauchent. En fait, il n’est pas rare de rencontrer une combinaison de ces trois pathologies au cours d’une même séance.

8– Une dernière considération importante, mais non la moindre, concernant la psychosomatique, est de savoir si nous devons recourir à une « technique » différente avec les patients souffrants d’un trouble psychosomatique.

9Les points ci-dessus illustrent l’énorme variété des théories sur ce sujet, et leur complexité. Dans cet article, je m’intéresse à quelques-unes des principales théories psychanalytiques sur les maladies psychosomatiques mais, dans la mesure où ce champ est vaste, je vais centrer mon attention sur les développements qui sont nés en Grande-Bretagne, les comparer et les mettre en perspective avec d’autres théories, en particulier celles développées par l’École psychosomatique de Paris.

10Je vais commencer par délimiter quelques développements historiques. J’utiliserai le terme « psychosomatique » dans un sens assez large, en respectant ce que chaque auteur pense être un phénomène psychosomatique.

Le développement du champ psychosomatique

Freud et la « névrose actuelle » : son héritage

11Le médecin allemand Walter Georg Groddeck (1866-1934) est reconnu comme le fondateur de la médecine psychosomatique. Groddeck considérait tant les phénomènes physiques que les phénomènes psychiques comme des formes d’expression du « ça » (un terme qu’il a emprunté à Nietzsche).

12Dans une lettre à Freud, il écrit :

13

Je suis devenu convaincu que la distinction entre le corps et le psychisme est uniquement verbale, elle n’est pas essentielle, que le corps et l’esprit forment une unité, qu’ils contiennent un ça, une force qui nous vit alors que nous croyons que nous vivons.
(Groddeck, 1917, voire aussi Shoenberg, 2007)

14Freud lui-même n’écrivit pas sur les phénomènes psychosomatiques, mais ses préoccupations quant aux relations entre corps et psychisme sont constamment présentes dans ses écrits. Ceci le conduisit non seulement à formuler son Projet pour une psychologie scientifique mais aussi à écrire que : « Le moi est d’abord et avant tout un moi corporel. » (Freud, 1923a). La notion de « moi corporel » est une notion que Freud semble avoir choisi de ne pas développer en détail. Dans une lettre où il répond à un commentaire de Ferenczi sur Le Moi et le Ça, Freud dit :

15

Je voudrais décliner votre seconde question à propos de comment vous devriez interpréter l’énoncé que le moi conscient est avant tout un moi corporel. La signification génétique est certainement claire, et je ne souhaite pas toucher l’indéfinissable plus avant.
(Freud, 1923b)

16Nous pouvons largement dire que les diverses approches psychanalytiques de la compréhension des phénomènes psychosomatiques dépendent dans une grande mesure de l’emphase que chaque théorie place sur des aspects spécifiques de la théorie freudienne.

17Dans sa première classification des névroses, Freud différencie ce qu’il décrit comme « psychonévroses » et ce qu’il nomme « névroses actuelles » (qui incluent la neurasthénie et la névrose d’angoisse). Il suggère que ces deux groupes appellent des aménagements pratiques différents et des mesures thérapeutiques spécifiques (Freud, 1898). Freud regroupe la neurasthénie, la névrose d’angoisse et l’hypocondrie (qu’il considérait initialement comme une forme « d’attente anxieuse ») au sein des névroses actuelles (signifiant « névroses d’aujourd’hui [2] ») (Freud, 1895). La qualité commune aux névroses actuelles est que l’excitation n’atteint pas l’appareil psychique et qu’elle est transformée en angoisse ; en conséquence, les symptômes ne pourraient pas être attribués à un mécanisme psychique car ils sont dépourvus de contenu mental conscient ou inconscient.

18L’affection appelée neurasthénie fut initialement décrite par le neurologue américain George Beard, qui développa ses principales idées sur ce sujet entre 1867 et 1880 (Gay, 2002 ; Hartocollis, 2002 ; Wessely, 1990). Beard ne doutait pas que la neurasthénie était une maladie physique. Beard rapporta plus de 70 symptômes à cette affection, la fatigue physique et mentale constituant un caractère fondamental de celle-ci (Wessely, 1990). Plus récemment, la pertinence du syndrome de la neurasthénie a été mise en évidence par Wessely (1990) qui en débat à la lumière de la fatigue chronique (encéphalomyélite myalgique).

19Bien que Freud ait émis quelques réflexions sur le syndrome de la neurasthénie, il a développé plus en détail ce qu’il nomme « névrose d’angoisse » (Freud, 1895). Ces affections ont été amplement discutées avec Fliess (1895). Les symptômes manifestés dans la névrose d’angoisse se résument à une irritabilité généralisée, des accès de sudation, de tremblements et de frissons, de faim vorace, de vertiges, d’attaques de paresthésies, et d’une alternance de diarrhées et de constipation. L’origine de ces symptômes était rapportée à une accumulation de tension sexuelle non déchargée (une libido retenue) et Freud liait souvent cette rétention aux effets de la masturbation.

20Afin de pleinement comprendre la pensée de Freud, il serait pertinent de mentionner sa première théorie de l’angoisse qu’il développa environ jusqu’en 1926 et qu’il n’abandonna jamais complètement (Freud, 1926, 1938). Dans cette première théorie, Freud tente de comprendre la source de l’angoisse et son possible lien avec la sexualité. Il suggère que l’angoisse est le produit d’une accumulation de tension sexuelle et que la névrose d’angoisse est une « névrose de rétention » qui survient lors d’obstacles à la décharge sexuelle (Freud, 1894). L’angoisse peut en général surgir à la place d’une tension physique accumulée. Freud poursuit avec une observation éclairante :

21

Il s’agit une fois de plus, dans la névrose d’angoisse, d’un genre de conversion comme il en survient dans l’hystérie…, mais, dans l’hystérie, c’est une excitation psychique qui emprunte une fausse voie vers le champ somatique, alors que là il s’agit d’une tension physique, qui ne peut pas pénétrer dans le domaine psychique et qui de ce fait poursuit un cheminement physique. Les deux sont souvent combinés.
(Freud, 1894, italiques dans l’original)

22Il est important de relever deux problématiques découlant de cette note. La première concerne l’idée d’une possibilité de « transformation » de phénomènes psychiques en phénomènes physiques. La seconde est l’accent mis sur la quantité d’affects ou sur la somme d’excitations qui possèdent les caractéristiques d’une quantité (capable de croître, diminuer, se déplacer, se décharger). La théorie économique de Freud et sa théorie de la catharsis sont intimement liées au « principe de constance ». Un autre élément important décrit par Freud est celui de « couplage psychique ». Les voies par lesquelles des représentations sont liées les unes aux autres, la capacité d’associer librement aussi bien que les attaques à cette capacité de faire des liens, voilà autant d’aspects de diverses approches théoriques des phénomènes psychosomatiques.

Psychosomatique : ses pionniers et la notion de spécificité

23Bien que Freud ne perdît jamais de vue l’importance du rapport entre le corps et la maladie, le développement du champ psychosomatique fut largement laissé à d’autres analystes tels que Ferenczi, Deutsch, Alexander, Flanders Dunbar, entre autres. En Grande-Bretagne, de nombreux auteurs écrivirent sur la psychosomatique, mais sans pour autant créer une école spécifique de psychosomatique comme cela survint à Paris.

24En 1926, Ferenczi publia son article sur Les névroses d’organe et leur traitement (Ferenczi, 1926). Il considérait la « neurasthénie » comme la forme la plus familière de névrose d’organe. Il pensait que cette affection présentait de réels troubles du fonctionnement normal d’un organe physique, des troubles objectifs et subjectifs différents de ceux de l’hystérie. Cependant, il précisa également qu’il était impossible de démarquer nettement la névrose d’organe de l’hystérie. Il pensait que l’origine de la neurasthénie était un mésusage sexuel mais, à la différence de Freud, il soulignait qu’elle n’est pas une conséquence de l’acte physique de la masturbation mais qu’elle est le résultat psychologique d’une obsession et de sentiments de culpabilité. Il l’associait également à la dépression liée à la masturbation :

25

… une expression psychique de l’appauvrissement libidinal qui a pris place, ainsi que le dommage fait au moi aimé par la dilapidation de la libido, le « pêché contre soi-même ».
(Ferenczi, 1921-22)

26L’explication de la névrose d’organe faite par Ferenczi implique l’idée d’un érotisme d’organe, ce qui signifie que nos organes, hormis leur rôle d’autoconservation, ont aussi pour finalité de procurer du plaisir, un genre de plaisir d’organe (qui avait également été établi par Freud [1914], l’érogénéité constituant une caractéristique générale de tous les organes). Le plaisir de mastiquer, d’avaler, etc. en témoigne. La névrose d’organe était conçue comme le résultat d’un accroissement de la fonction érotique d’organe.

27Felix Deutsch enrichit la notion de spécificité des névroses d’organe. Il pensait qu’un organe particulier pouvait être affecté à un stade très précoce de son développement, un stade qui précédait « l’évolution complète de la vie instinctuelle » et que la réponse instinctuelle à une dysfonction d’organe créait alors une « unité psychosomatique » qui amalgamait l’interaction entre un conflit psychique et un organe spécifique (Deutsch, 1939). Il proposait que lorsque le conflit précoce devenait à nouveau actif l’organe qui lui était associé reproduisait des symptômes identiques (Deutsch, 1939).

28H. Flanders Dunbar releva que la question de la spécificité émotionnelle « ne sera jamais résolue en termes de facteurs spécifiques mais uniquement en termes de combinaison complexe de facteurs psychiques et somatiques jouant divers rôles quantitatifs et qualitatifs… ». En dépit de cette assertion, elle affirma également qu’elle trouvait certaines caractéristiques spécifiques « obsessionnelles compulsives » chez les patients souffrant d’asthme et d’allergie (Flanders Dunbar, 1938).

29L’un des pionniers de ce champ, Franz Alexander, releva que l’expression « psychosomatique » constituait exclusivement un concept méthodologique, un type d’approche en médecine, une étude et un traitement de l’interrelation mutuelle des facteurs psychologiques et somatiques. Il proposa que chaque maladie fût psychosomatique car des facteurs tant psychiques que somatiques participaient à sa causalité et en influençaient l’évolution. Alexander mit en évidence la connexion intime entre des émotions aiguës et leurs influences sur le corps :

30

Il y a un syndrome spécifique de modifications physiques correspondant à chaque situation émotionnelle, telles que le rire, les pleurs, le rougissement, les variations des rythmes cardiaques, respiratoires, etc.
(Alexander, 1949)

31Cette conception très large le conduisit à considérer la plupart des maladies, de la colite ulcéreuse à la tuberculose comme « psychosomatique ». Cependant, il décrivit plus particulièrement sept maladies psychosomatiques qu’il classifia comme classiques : l’asthme bronchique, l’hypertension essentielle, l’ulcère duodénal, la maladie de Crohn, la rectocolite ulcéro-hémorragique, l’hyperthyroïdie et la polyarthrite rhumatoïde.

32Alexander soutenait l’idée de spécificité, c’est-à-dire qu’il voyait une affinité intime entre certains états émotionnels et certaines fonctions végétatives, entre certains noyaux conflictuels et certaines réponses somatiques. Il pensait que les symptômes constituaient une expression symbolique de conflits inconscients et il s’intéressait à la correspondance entre le « choix de la maladie » et certains types particuliers de conflits (Alexander, 1934). Par exemple, il étudia le type spécifique des conflits émotionnels présents dans les maladies dermatologiques. Il pensait que la sensation de douleur jouait un rôle central dans « la psychologie de la peau ». Ses études le menèrent à l’idée que :

33

Les tendances masochistes doivent avoir une affinité étroite avec la peau… les tendances sadomasochistes et exhibitionnistes présentent une corrélation assez spécifique avec les symptômes dermatologiques dans l’eczéma et la neurodermatite.
(Alexander, 1952)

34Cette approche engendra des recherches étendues mais rencontra une critique principale : cette problématique peut être trouvée chez de nombreux patients qui ne souffrent pas de ces affections. Cette approche se révéla également insuffisante pour différencier les facteurs psychologiques qui contribuaient à déclencher une maladie de ceux qui en étaient une conséquence. Ce point demeure un enjeu important de débat pour toutes les théories.

Mécanismes psychiques : déficit et conflit

35La recherche d’une explication univoque ou d’un schéma spécifique à une maladie particulière fit place à une tentative de comprendre les mécanismes psychiques plus généraux utilisés par ces patients. Lorsque je dis que de nos jours l’intérêt se centre sur les mécanismes, je pense à deux approches majeures de la compréhension des affections psychosomatiques. Nous pouvons grossièrement diviser ces deux perspectives en celles pour lesquelles les symptômes sont des produits d’un conflit psychique sous-tendu de fantasmes inconscients et celles qui mettent l’accent sur un déficit de la structure psychique du patient. Les symptômes psychosomatiques sont-ils le résultat d’un manque, d’un déficit quelconque, ou la conséquence d’une stratégie défensive ? Les symptômes psychosomatiques sont-ils porteurs d’une signification inconsciente telle que celle que nous rencontrons dans l’hystérie, où il existe une richesse du fonctionnement symbolique, ou sont-ils dépourvus de sens symbolique, au point même d’apparaître du fait d’un manque de capacité du patient de fonctionner à un niveau symbolique ?

36Je vais me centrer plus particulièrement sur les développements qui se sont produits en Grande-Bretagne tout en ne faisant que mentionner les aspects les plus importants de l’École de Paris. Je voudrais aussi souligner que, bien que la différenciation ci-dessus soit pertinente, il existe des auteurs qui pensent que les divers éléments décrits par ces différentes écoles de pensée peuvent opérer de concert. Par exemple McDougall (1986) décrit la décharge opérant dans la névrose actuelle comme un mode de fonctionnement lié à des fantasmes primitifs et à un besoin urgent d’agir plutôt que de réfléchir.

A – Modèles déficitaires : dimension économique, pulsion de mort et régression

37Une caractéristique commune aux patients psychosomatiques est leur manque de désir d’affronter leurs problèmes émotionnels et, comme Wolff l’a décrit :

38

Tout se passe comme si le patient psychosomatique était devenu si aliéné de son expérience psychique, de ses sentiments et de ses conflits qu’il ne désire penser à son corps que comme impliqué dans sa maladie, déniant de ce fait toute responsabilité personnelle dans celle-ci, présentant concrètement la partie malade de son corps à son médecin pour qu’il en prenne soin et la guérisse.
(Wolff, 1962)

39Il est possible de penser cette aliénation de l’expérience psychique personnelle selon différentes perspectives. Certains auteurs l’expliquent comme un manque de capacité de vivre et d’exprimer un conflit par la voie du fantasme et des représentations psychiques (même d’une manière primitive). Cette théorie est inspirée de la notion de Freud de névrose actuelle dans laquelle l’énergie libidinale reflue dans le corps au lieu d’acquérir une représentation psychique. Ces idées furent développées et approfondies par l’École psychosomatique de Paris (Pierre Marty, Michel de M’Uzan, Michel Fain, Christian David).

40Une ligne de pensée similaire fut développée par Nemiah et Sifneos qui utilisèrent le terme alexithymie (qui signifie littéralement « sans mot pour les sentiments ») (Apfel et Sifneos, 1979 ; Nemiah, 1978, 1982, 1987 ; Sifneos, 1975). Apfel et Sifneos décrivirent les patients alexithymiques comme ceux qui consultent avec de sempiternelles plaintes somatiques, qui présentent une absence frappante de fantasmes et une difficulté marquée à trouver les mots appropriés pour décrire leurs sentiments (Apfel et Sifneos, 1979). La description phénoménologique de ces patients est similaire à celle faite par l’École de Paris mais elle est beaucoup moins élaborée sur le plan psychanalytique.

41L’idée centrale de Pierre Marty est que les manifestations somatiques surgissent là où manque une situation psychique conflictuelle (Marty, 1967). Marty propose que les maladies psychosomatiques agissent comme des points de fixation au cours d’un mouvement de désorganisation mentale et physique plus générale. Il nomma « désorganisation progressive contre-évolutive » le processus qui engendre une destruction de l’organisation libidinale véritable d’un individu donné. Ces types de désorganisation sont différents des régressions plus globales qui peuvent n’être que transitoires et riches de potentialité de réorganisation libidinale (Marty, 1967). Une désorganisation progressive peut enclencher une destruction progressive et anarchique des fonctions mentales. Elle suscite une annulation de l’activité libidinale qui peut entraîner un démantèlement général de toutes les aires psychiques libidinales, ce qui se traduit par une « dépression essentielle ». Les fonctions mentales organisatrices (telles que l’identification, la projection, l’associativité, la symbolisation) disparaissent. Ce processus met en évidence « la primauté de l’instinct de mort » et il peut mener à la mort par une maladie somatique grave (Marty, 1968). Bien qu’une désorganisation progressive puisse à la longue aboutir à la mort, son évolution peut être limitée par la stimulation d’une capacité potentiellement libidinale et cohésive (David, 1967). Les patients psychosomatiques auraient un moi moins « développé » que les patients névrosés, et ils sont incapables de fantasmer, d’élaborer et d’intégrer leurs pensées et leurs sentiments. Ces patients semblent fonctionner selon un mode concret découlant d’un type de pensée que Marty nomme « la pensée opératoire ». Marty donne beaucoup d’importance aux dysfonctionnements du Préconscient chez ces patients.

42La relation entre patient et clinicien ne peut pas non plus être décrite comme une relation véritable. Elle constitue ce que Marty a appelé une « relation blanche » dénuée d’implication émotionnelle réelle. Toutes les associations sont liées à des faits matériels inscrits dans une temporalité restreinte. La référence à un objet interne vivant manque même lorsque le patient possède une capacité élevée d’abstraction. La pensée opératoire semble dépourvue de valeur libidinale et montre un lien précaire à la parole (Marty et de M’Uzan, 1963 ; Marty, 1981).

43Il est nécessaire d’apprécier l’importance donnée au rôle de la dimension économique de la vie psychique par l’École de Paris pour comprendre et différencier celle-ci d’autres écoles de pensée. Selon Marty, l’instinct devient une pulsion lorsqu’il est lié à des représentations. Les instincts soutiennent l’économie psychosomatique. Le point de vue économique de Marty est articulé autour de l’idée d’une mentalisation riche ou pauvre, et cette donnée influence la réversibilité ou l’irréversibilité des somatisations (Stora, 2007). Marty prend en compte l’existence des pulsions de vie et de mort, mais en prêtant à la pulsion de vie une existence autonome, tandis que la pulsion de mort n’opère que lorsque la pulsion de vie échoue (Fain, 1967). Une régression à la désorganisation et à la déconstruction se produit alors (Smadja, 1998). Dans son compte rendu de l’œuvre de Marty, Smadja propose que, bien que Marty prenne en compte l’importance de la pulsion de mort, la position de ce dernier est essentiellement moniste, et non dualiste, dans la mesure où il considère que la force primordiale qui sous-tend la construction psychosomatique vient de la pulsion de vie. Il pense que cette perspective est différente de la conceptualisation dualiste de Freud de l’intrication et de la désintrication des pulsions de vie et de mort (Smadja, 1998). Selon mon opinion, ce débat est important car il porte sur une différence fondamentale avec les approches proposées par les analystes influencés par la pensée kleinienne, pour lesquels la pulsion de mort est active au même titre que la pulsion de vie, et en conflit permanent avec elle.

44Il est peut-être important de relever, dans une visée de différenciation des théories, que l’objet de la pulsion ne semble pas jouer un rôle fondamental dans la conceptualisation du rôle des pulsions de Marty. La pulsion apparaît chez lui comme un concept plus proche de la notion biologique d’instinct que du domaine psychique. Ceci amena André Green à dire qu’il pensait que Marty décrivait une phénoménologie plus prépsychique que psychique (Green, 1998b).

45Les analystes de l’École de Paris et les auteurs qui ont écrit sur l’alexithymie ne sont pas les seuls à considérer le manque de capacité de symbolisation comme étant basé sur une carence. En Grande-Bretagne, Rose Edgcumbe a étudié l’acquisition du langage chez les enfants. Elle a décrit le processus de somatisation comme découlant d’un défaut de la capacité de symboliser qu’elle mit en relation avec une incapacité de la mère de communiquer verbalement avec son enfant et avec sa tendance à lui répondre principalement de manière physique. Edgcumbe (1984) décrivit la somatisation de l’enfant comme le seul moyen (dans la perspective inconsciente de l’enfant) de communiquer avec l’objet.

46Le défaut de capacité de mentalisation chez des patients souffrant d’affections psychosomatiques a également été décrit par Fonagy, selon un point de vue différent (Fonagy et Moran, 1990).

B – Modèles basés sur le conflit et le fantasme : les pulsions de vie et de mort, l’angoisse et la formation symbolique, le rôle du corps dans le fantasme inconscient

47La notion de conflit psychique s’appuie sur la compréhension des pathologies tant névrotiques que psychotiques. Les diverses écoles théoriques mettent l’accent sur des aspects différents de la conflictualité psychique. En Grande-Bretagne, le développement des idées kleiniennes a conduit à une manière particulière de penser le conflit psychique, il l’inscrit dans la dualité des pulsions de vie et de mort et postule la notion d’un moi précoce capable de percevoir l’angoisse et d’entrer en relation avec un objet dès le début de la vie. Klein a décrit le développement des mécanismes de défense primitifs par le clivage, la projection et l’introjection comme des éléments fondamentaux de la constitution du moi (Klein, 1930). Le fantasme inconscient et les objets internes sont définis dans cette théorie comme étant en relation dialectique et réciproque dans la mesure où ils convergent dans une même expérience psychique (Baranger, 1980 ; Bronstein, 2001).

Le rôle des pulsions de vie et de mort : le corps comme « source » de la vie fantasmatique

48Je pense que la conceptualisation différente de la notion de pulsions, en particulier de pulsion de mort, constitue l’une des divergences majeures entre l’École de Paris et l’École kleinienne. La notion évolutionniste qui associe des forces contre-évolutives à une faiblesse des systèmes de fixation-régression est à la base des théories de Marty (Smadja, 2005). Cette conceptualisation se fonde sur l’idée de fixations primaires précoces du développement instinctuel du sujet et sur la régression à ces positions au décours de mouvements de désorganisation. Ceci découle de la notion d’un instinct de mort de nature biologique.

49La notion de « pulsions » (Triebe) est un concept à cheval entre le somatique et le psychique. Ce concept peut être utilisé pour décrire les fondements corporels de la psyché plutôt que pour mettre en évidence une antithèse entre ce qui est physique et ce qui est mental (Ahumada, 1999) [3]. Selon l’école kleinienne, le conflit est ancré dans le psychisme par l’intermédiaire du fantasme inconscient, tandis que la pulsion de mort peut théoriquement être déliée de la pulsion de vie. La notion de « pulsion » est indéfectiblement attachée à la notion d’objet interne dans la mesure où les pulsions et l’objet s’unissent dès le début de la vie. Il me semble que la notion de fantasme inconscient trouve sa signification sur le lieu même de la liaison entre les pulsions et l’objet, dans la convergence de l’affect et de la représentation [4].

50La définition du fantasme par Klein est beaucoup plus large que celle de Freud, car selon Klein le fantasme inconscient constitue la source de l’inconscient, son contenu originel et essentiel (Bott-Spillius, 2001). Le fantasme inconscient comprend des formes de pensée infantile très précoces, primitives et parfois très brutes, aussi bien que des formes de pensée plus tardives et complexes. Susan Isaacs a décrit le fantasme inconscient comme « le corollaire mental, le représentant psychique de l’instinct » (Isaacs, 1948). Les fantasmes les plus précoces sont préverbaux, basés sur des expériences sensorielles et des sentiments précoces, et ils possèdent les qualités qui, selon Freud, sont caractéristiques du processus primaire (Bott-Spillius, 2001 ; Isaacs, 1948). Kristeva considère l’usage du concept de fantasme comme une « métaphore incarnée » (Kristeva, 2001). Selon moi, cette conceptualisation rendrait impossible de soutenir l’idée d’un état d’angoisse qui ne soit pas lié à une représentation mentale, aussi concrète et primitive que celle-ci puisse être. Nous pourrions alors réfléchir à différentes formes et à divers niveaux de fonctionnement symbolique plutôt qu’en termes de présence/absence de capacité de symbolisation.

51En conséquence, nous pourrions postuler que le corps est un aspect intrinsèque du psychisme, qu’il est une source du fantasme inconscient, et qu’il peut également devenir un aspect important du contenu des fantasmes inconscients. Selon une troisième perspective, le corps peut fonctionner comme l’arène dans laquelle des fantasmes inconscients peuvent être projetés et inconsciemment mis en actes. Je pense que les phénomènes psychosomatiques sont liés à des fantasmes très primitifs et à une forme plus concrète de fonctionnement symbolique que celle à l’œuvre dans les symptômes hystériques, mais qu’il existe toujours une possibilité d’établir un contact significatif avec le monde interne de ces patients, aussi rudimentaire et primitif que soit leur fonctionnement symbolique.

52Le symbolisme est au cœur de toutes nos activités mentales selon un processus en évolution depuis le commencement de notre vie psychique (Klein, 1930 ; Segal, 1957, 2001). Hanna Segal a décrit deux types différents de formation des symboles : un type où le symbole constitue une métaphore appropriée à la symbolisation, et un autre type où une forme de représentation psychique plus concrète, qu’elle nomme équation symbolique, est à l’œuvre en lieu et place d’une capacité de former des symboles. Un conflit intense et sans solution avec l’objet peut ainsi être revécu dans un symptôme psychosomatique [5].

53Je vais présenter des exemples d’équations symboliques tirés d’une recherche conduite avec des patients souffrant de névralgie faciale. Nous pouvons distinguer une névralgie faciale typique et une névralgie faciale atypique. Dans la forme typique, les patients souffrent de douleurs faciales dans l’aire du nerf trijumeau. Dans les formes atypiques, la douleur ne suit pas l’innervation prévisible. Les patients présentant une névralgie faciale atypique ne répondent pas de façon aussi positive à la chirurgie que ceux dont la névralgie est typique. Le neurochirurgien qui nous référait ces cas s’inquiétait du pourcentage élevé d’échecs chirurgicaux chez les patients présentant des névralgies faciales atypiques. Nous fîmes une brève étude consistant à poser trois questions ouvertes aux patients des deux groupes et à enregistrer leurs réponses. Nous leur avons demandé de parler de leur douleur, de nous raconter l’histoire de leur vie et de parler de l’histoire de leur douleur. Il fut intéressant de constater combien les patients avec une névralgie faciale typique parlaient clairement et distinctement de leur douleur faciale, en décrivant selon une perspective physique sa qualité, son début, sa durée, ses améliorations ou ses péjorations selon la météo, alors que les patients souffrant de névralgie atypique utilisaient le mot « douleur » pour décrire aussi bien une douleur émotionnelle que physique, en confondant le sens émotionnel et le sens physique du mot. Chez les patients avec une névralgie atypique, il semblait exister une relation claire entre le début de la douleur et la survenue d’une perte importante (généralement, la perte de la mère). Mais ils rejetaient fortement toute possibilité de corrélation entre leur douleur émotionnelle et leur douleur physique. Nous avons suggéré une relation entre la névralgie faciale atypique et la personnalité mélancolique. Une manière de penser consiste à considérer que la douleur symbolise l’objet perdu, qu’elle représente la perte et son deuil pathologique. Nous avons toutefois postulé que la douleur ne représentait pas l’objet perdu, mais que l’objet perdu devenait la douleur. « Au lieu d’avoir une douleur, ils “devenaient” une douleur. » (Carpinacci, 1979). Ce qui est proche du concept de Segal d’équation symbolique (« Les symboles précoces … ne sont pas ressentis par le moi comme des symboles ou des formations substitutives, mais comme l’objet originel lui-même. » [Segal, 1957]. « Le symbole est traité comme s’il était l’objet. » [Segal, 2001]). Nous conclûmes que les névralgies atypiques dont souffraient nombre de patients recelaient un lien inconscient avec un objet mort et aimé, et que la résurgence de la douleur correspondait à une résurrection imaginaire de l’objet disparu qui continuait de vivre dans et par la douleur. Ces éléments pourraient aussi être partiellement expliqués, en suivant McDougall, comme une forme massive de défense archaïque contre la douleur psychique sous toutes ses formes (McDougall, 1974).

La psychosomatique et les états psychotiques latents

54Une autre différence entre l’École de Paris et l’École kleinienne est que la première donne un rôle très important dans la compréhension de la maladie psychosomatique à la notion de fixation, alors que la seconde adopte une autre perspective avec la théorisation par Klein de la notion de « positions ». Klein s’éloigna de l’idée de stades du développement et de l’idée de fixation en prenant conscience que ceux-ci étaient beaucoup plus fluctuants que ce qui avait été originellement décrit, et elle introduisit la notion de « position » comme constellation de pulsions, d’angoisses, de défenses et de relations d’objet. Une position caractérise la posture que le moi assume dans sa relation avec ses objets (Hinshelwood, 1989). Le développement par Klein de la notion de position schizo-paranoïde conduisit de nombreux auteurs à investiguer les vicissitudes des « angoisses psychotiques » dans la pathologie psychosomatique. Sperling (1955), par exemple, lia la phase paranoïde d’un patient souffrant de rectocolite ulcéro-hémorragique à des fantasmes inconscients de sein et de pénis empoisonnés.

55Herbert Rosenfeld anima une série de séminaires à Milan et à Rome entre 1978 et 1985. L’un d’entre eux traitait de la relation entre symptômes psychosomatiques et états psychotiques latents. Rosenfeld développa sa notion de confusion précoce comme conséquence d’un clivage précoce déficient à partir d’une compréhension plus complexe de la manière dont le moi peut se défendre contre des angoisses psychotiques en tentant de projeter celles-ci dans un objet externe. En cas d’échec de ce processus, les projections font retour dans le self et sont projetées dans le corps ou dans un organe corporel pour former ce qu’il nomma « des îlots psychotiques », clivés de la psyché et inaccessibles aux aspects les plus intégrés du self (Rosenfeld, 2001).

56Rosenfeld considère que ces processus sont à l’œuvre tant dans l’hypocondrie que dans les phénomènes psychosomatiques, dont il voit l’origine dans un échec du clivage précoce normal entre bons et mauvais objets [6]. Dans l’hypocondrie et dans les états psychosomatiques, les angoisses sont clivées, projetées dans des objets externes et rapidement réintrojectées dans le corps ou des organes. Rosenfeld situe la différence entre hypocondrie et somatisation dans la nature plus ou moins complète du clivage. Dans l’hypocondrie, une angoisse subsiste après la projection du contenu délirant dans le corps, alors que dans les maladies psychosomatiques existe un manque apparent d’angoisse consécutif à un clivage complet entre les sphères psychiques et physiques.

57Dans un article sur la colite ulcéreuse, Sydney Klein a décrit un patient qui avait développé une psychose aiguë à la suite d’une rémission. S. Klein lia cet événement à l’incapacité du patient à tolérer la séparation et aux sentiments destructeurs éveillés par celle-ci. Il considérait l’émergence d’un épisode psychotique comme une preuve que la colite visait à évacuer (Ndt : « splitting off ») des angoisses paranoïdes et dépressives en relation avec des attaques sadiques du sein. Il proposa la notion d’un stade précoce du développement au cours duquel l’enfant ne peut pas différencier la douleur physique de sa contrepartie émotionnelle. La défécation était vécue par ce patient comme un moyen de se débarrasser de sensations intestinales et d’émotions déplaisantes (Klein S., 1965).

L’œuvre de Bion

58L’œuvre de Bion a été d’une grande influence sur les théoriciens tant kleiniens que post-kleiniens, ainsi que sur de nombreux autres analystes appartenant à d’autres écoles de pensée. Le travail de Bion sur le développement de la capacité de penser, d’apprendre par l’expérience et sur l’interaction de l’Amour (A), de la Haine (H) et de la Connaissance (C) recèle de profondes implications concernant la relation que nous établissons avec nous-mêmes et avec le monde externe. Bion explora le rôle de l’interaction précoce entre la mère et son bébé, une interaction qui suscite le développement de la capacité de « fonction alpha » qui transforme les impressions sensorielles en « pensées du rêve ». Les impressions sensorielles brutes émanant de l’expérience émotionnelle (les éléments bêta) doivent être transformées en éléments alpha afin de pouvoir être utilisées comme pensées du rêve. L’expérience émotionnelle qui n’est pas transformée en représentation symbolique apte aux pensées du rêve sera évacuée. Les troubles psychosomatiques constituent l’une des voies possibles d’évacuation (Bion, 1962 ; Meltzer, 1986 ; Ogden, 2009). Le processus menant à l’évacuation des éléments bêta est assez différent d’une carence de la capacité de mentalisation décrite par Marty dans le sens que, même si cette évacuation dépend d’un échec de la capacité de contenance maternelle, elle implique un processus psychique actif et non un démantèlement passif de l’appareil mental.

59La notion bionienne de contenant maternel a eu un retentissement théorique et clinique profond. La notion de transformation des éléments bêta bruts en éléments alpha comme étape primordiale de la capacité de penser, de pair avec un point de vue nouveau sur l’identification projective comme notion indispensable à la transformation des émotions et des angoisses brutes par la rêverie maternelle, ont influencé les théories sur les relations entre corps et esprit et sur les maladies psychosomatiques de nombreux analystes (Bick, 1968 ; Ferrari, 2004 ; Ferro, 2009 ; Meltzer, 1975 ; Ogden, 2009, entre autres).

60Bion a postulé dans ses premiers travaux l’existence d’un système « protomental » où les processus physiques et mentaux sont indifférenciés et il releva que ce niveau d’expériences si primitives pouvait être activement fonctionnel chez l’adulte (Bion, 1959). Bion revint dans les dernières années de sa vie à son ancien intérêt pour le fonctionnement « protomental » et ses relations avec le corps. Il donna de l’importance à la continuité entre la vie intra-utérine et la vie postnatale, à un niveau physique aussi bien que mental. Il pensait que les étapes du développement embryonnaire laissaient des traces distinctes dans la structure du self et que certaines parties primitives du self pensent avec le corps et suivent des lois plus proches de la neurophysiologie que de la psychologie. Il pensait que certains sentiments intenses et inchoatifs pourraient être physiologiques (« subthalamiques »), et former un monde influencé bien plus par la quantité des excitations que par les nuances de la qualité émotionnelle (Meltzer, 1986). Bion mit l’accent sur le fait que certains symptômes ne pouvaient pas être compris sans les rapporter à un état mental archaïque. Il considérait l’idée de la « césure » de la naissance comme nous empêchant de penser à la continuité entre l’expérience prémentale de la gestation et la pensée postnatale. Dans Une mémoire du futur (Bion, 1991), il écrit que le « soma-psychotique » constitue l’envers du psychosomatique, mais que tout se passe comme si chaque côté répugnait à prendre en compte l’autre perspective :

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Regarde ce côté et vois une maladie psychosomatique, regarde ce côté et vois une soma-psychose.
(Bion, 1979)

62Il me semble que nous pouvons trouver des similarités dans ces derniers développements de ses théories avec les hypothèses soutenues par l’École psychosomatique de Paris (par exemple, à propos de l’importance de la dimension économique). Cependant, Bion met bien plus l’accent sur le rôle joué par le clivage survenant très précocement chez le fœtus, lorsque celui-ci est confronté à des sensations/sentiments intolérables (Bleandonu, 1994, Symington et Symington, 1996).

Intégration/désintégration

63Conjointement à la notion importante de contenance introduite par Bion, l’article d’Esther Bick sur le rôle contenant de la peau dans la relation précoce entre la mère et son enfant a influencé de nombreux travaux en Grande-Bretagne et ailleurs (Bick, 1968). Elle postule que la peau du bébé a pour fonction primaire de rassembler les parties de sa personnalité qui ne sont pas encore différenciées des parties de son corps. Ces aspects de la personnalité n’ont

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pas de force qui les lie entre eux et ils doivent de ce fait être rassemblés d’une manière qu’ils expérimentent comme passive, par la peau fonctionnant comme une limite.
(Bick, 1968)

65Cet état précoce non intégré, associé à une expérience passive de désaide total, est différent des états de désintégration consécutifs au clivage, il se situe en deçà des mécanismes archaïques de clivage et d’identification projective décrits par Klein (1946). Dans cet état de non-intégration, la fonction de contenance des parties du self par le bébé dépend d’un objet externe qui est « vécu concrètement comme une peau », et la capacité de cet objet à remplir cette fonction sera ultérieurement, dans le meilleur des cas, introjectée par le bébé. Une perturbation de ce développement peut engendrer une identification projective pathologique suscitant une confusion identitaire, une « seconde peau » qui se manifeste soit par une carapace musculaire soit par un trouble de la musculature verbale. L’apport de Bick a été discuté par Didier Anzieu qui mit en évidence les similitudes entre la théorisation de Bick et sa propre conception du « moi-peau » (Anzieu, 1995). Le travail d’Anzieu sur l’enveloppe psychique et le moi-peau a plus d’ampleur que celui de Bick. Cependant, l’article de Bick exerça une grande influence en Grande-Bretagne et le débat se poursuit entre des auteurs qui soutiennent l’existence d’une période précoce de non-intégration passive comme partie d’un développement normal, et d’autres auteurs qui pensent qu’une phase de non-intégration passive n’est pas une première phase normale, mais plutôt une défense désespérée visant à survivre sans se désintégrer (Alvarez, 2006 ; O’Shaughnessy, 2006 ; Symington, 1985, 2002 ; Waddell, 2006). Ce débat a des implications dans la compréhension des phénomènes psychosomatiques dans la mesure où ceux-ci mettent en jeu des processus psychiques très précoces et sont influencés par les spéculations sur les manifestations et les racines des angoisses précoces, et sur la façon dont celles-ci modifient la capacité de pensée symbolique. Par exemple, le rôle du clivage et celui de l’identification projective mis en exergue par Rosenfeld impliquent une certaine capacité de fonctionnement du moi. Ce point de vue diffère d’une conception qui voit l’éruption d’une maladie psychosomatique comme la conséquence d’un état de non-intégration issu d’un manque de contenance externe/interne.

66La notion de Bick d’une mère ressentie concrètement comme une peau fut développée par Dinora Pines qui travailla comme dermatologue puis comme analyste. Son travail fut également influencé par les idées de Winnicott. Elle décrivit comment des enfants qui vivent de longues périodes de soins corporels calmants apprennent à traduire la douleur psychique en souffrance physique. L’échec de l’introjection d’une fonction contenante perturbe le développement du self et engendre une sensibilité aiguë aux relations d’objet.

67Je suis personnellement d’accord avec la notion de McDougall selon laquelle chacun possède une certaine « potentialité psychosomatique » qui se révèle dans des conditions de stress psychique (McDougall, 1980), les patients exposés à de sérieuses désorganisations psychosomatiques traitant les angoisses psychotiques par la mise en place de défenses primitives. Je pense que ces angoisses « psychotiques » sont liées à l’expérience d’une menace de déliaison dangereuse des pulsions de vie et de mort envers l’objet primaire, et donc envers le self. Je pense que l’irruption d’une maladie psychosomatique peut souvent suivre l’expérience de sentiments intenses, bruts et non transformés à l’égard de l’objet primaire (ou, ultérieurement, de son représentant), des sentiments souvent chargés d’une impression de danger car l’objet haï est aussi ressenti comme indispensable à la survie physique/émotionnelle du sujet. Cette angoisse de désintégration est vécue comme appartenant tant au domaine physique qu’au champ émotionnel (tel qu’un sentiment insupportable et menaçant de tension psycho-physique). L’objet (l’analyste) est alors vécu non seulement comme quelqu’un qui manque de capacité de contenir l’angoisse du patient mais aussi comme celui qui la déclenche. Cette expérience de menace de mort comporte aussi de féroces besoins érotiques (en rapport avec la liaison érotique de la pulsion de mort) qui ajoutent une qualité sadomasochiste à la relation à l’objet dans une tentative de contrôler et punir celui-ci par la culpabilité et la douleur.

68Une fillette de 8 ans, avec une histoire de déprivation maternelle précoce et de souffrance depuis la naissance d’un eczéma généralisé et d’un asthme, exigeait de moi beaucoup de contacts physiques. Elle exigeait que je sois extrêmement consciente de ses intenses besoins physiques et elle ressentait souvent les interprétations comme des preuves que je la rejetais. Lorsqu’elle avait le sentiment que je ne lui apportais pas ce dont elle avait désespérément « besoin » (elle voulait s’asseoir sur mes genoux, peigner mes cheveux, que je la peigne, etc.), elle abandonnait ses tentatives pour que je la touche, elle s’asseyait et commençait de tousser. Je savais que lorsqu’elle commençait de tousser, cela pouvait facilement évoluer vers une attaque asthmatique complète. De cette façon, les aspects de sa relation à moi les plus culpabilisants et les plus chargés de reproches se succéderaient. Je sentais que le déclenchement en séance de ces symptômes physiques était lié à un besoin intense et désespéré de « quelque chose de physique » de ma part qu’elle sentait que j’aurais dû lui donner et que j’avais refusé. Son besoin d’être touchée par moi lui donnait un sentiment d’être désirée, de posséder des limites et une contenance. Je pensais également que c’était pour elle la seule façon de se convaincre que je ne lui étais pas hostile, ce qu’elle aurait ressenti comme une acceptation par moi de son corps avec tous les dégâts et les sentiments destructeurs que, selon elle, son corps contenait. C’est pour cela que son besoin devenait « désespéré ». Mon refus de la caresser non seulement confirmait que je lui étais hostile mais aussi la rendait consciente de sa propre hostilité, ressentie comme dangereusement irrésistible et menaçant de vaincre sa confiance précaire dans mes/ses capacités d’amour. La menace provenait dès lors tant de l’extérieur, comme elle se sentait attaquée par moi, que de son corps, où ses sentiments haineux lui paraissaient être logés. Je pense que l’attaque d’asthme constituait l’incorporation (à un niveau d’équation symbolique) de ce conflit (Bronstein, 2009).

Le défaut fondamental : dissociation et clivage ­ Michael Balint

69La question de l’origine d’une disposition psychosomatique a également été discutée par l’analyste hongrois Michael Balint, qui s’établit en Grande-Bretagne. Il décrivit un « défaut fondamental de la structure biologique de l’individu, impliquant à des degrés variés son psychisme et son corps » (Balint, 1957). Il lia l’origine de ce « défaut fondamental » à une déficience due à une inadéquation entre les besoins de l’enfant et les soins, l’allaitement, disponibles à des moments pertinents. Balint mettait l’accent sur le « manque d’accordage » entre l’enfant et les personnes représentant l’environnement (habituellement la mère) (Balint, 1968). En ce qui concerne la maladie physique, il pensait que :

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Peu importe si la maladie est un choc sévère ou une justification bienvenue pour se mettre en retrait, il s’agit toujours d’une forme de vie. Cela est particulièrement vrai des maladies d’une certaine durée, qui permettent au patient de s’ajuster à elle.
(Balint, 1957)

71Balint releva qu’aucune forme de vie ne pouvait se maintenir sans gratification, mais il était également conscient que dans les maladies chroniques les gratifications ne sont que partielles, additionnelles, et presque complètement estompées par la souffrance. Dans son étude des gratifications induites par les maladies physiques, il décrivit le rôle joué par les zones érogènes corporelles, par le retrait hors de relations insatisfaisantes, frustrantes ou trop exigeantes, et par l’introversion et la régression.

72L’une des contributions majeures de Balint fut le développement de ce qui fut appelé « les groupes Balint ». Il s’agit de groupes composés de médecins généralistes, réunis autour d’un analyste pour examiner des cas présentés par les généralistes. Le groupe essaye de comprendre la complexité de la relation entre le médecin et son patient, et aspire à un diagnostic plus profond et plus global (Balint, 1957).

L’œuvre de Winnicott

73Les idées de Winnicott sur l’importance du holding maternel et sur le psychésoma ont également eu d’importantes répercussions sur le développement des idées en psychosomatique. Sa manière d’aborder le problème corps/esprit était innovante : il pensait qu’il était faux de concevoir « l’esprit » comme un phénomène localisé. La notion « d’esprit » ne représente qu’un cas particulier du fonctionnement du psyché-soma. Winnicott donnait une grande importance au développement précoce et aux interrelations de la psyché avec le soma comme un aspect parmi d’autres de la notion de continuité d’être du bébé, à condition que cette continuité d’être ne soit pas troublée. Il faut un environnement parfaitement adapté aux besoins du nouveau-né pour que cela survienne. Un environnement mauvais constitue un empiétement « auquel le psyché-soma [c’est-à-dire l’enfant] doit réagir » (Winnicott, 1949). Le besoin précoce d’un environnement absolument bon peut ensuite évoluer et n’être que relatif, devenir le besoin d’une mère suffisamment bonne. L’une des idées intéressantes de Winnicott est celle de la « valeur positive » des affections somatiques, qui contrecarrent la séduction de la psyché par l’esprit et ramène la psyché à son association intime originelle avec le soma. Sa description de la façon par laquelle la dissociation corps/esprit est mise en acte et externalisée met l’accent sur l’importance du rôle du clivage. Ce qui peut être étendu au clivage des soins médicaux. Le symptôme indique qu’un clivage est survenu tout en exprimant un espoir que cette communication soit entendue (Abram, 1996).

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La maladie psychosomatique n’est parfois guère plus qu’une mise à l’épreuve de ce lien psychosomatique face à un danger de rupture de ce lien : cette rupture du lien entraîne des états cliniques divers qui reçoivent le nom de « dépersonnalisation ».
(Winnicott, 1963)

75Les idées de Winnicott en rapport avec le psyché-soma furent développées par Renata Gaddini qui, sous l’influence de Mahler et Winnicott, décrivit le rôle des « fantasmes dans le corps ». Dans la ligne de la description par Winnicott des symptômes psychosomatiques comme négatif d’un positif (qui est la tendance à l’intégration), Gaddini a suggéré que le symptôme psychosomatique constitue le négatif d’un objet transitionnel. Elle a décrit divers symptômes psychosomatiques tels que ceux de la colique infantile et de l’attaque asthmatique en relevant leur rôle de défense contre une perte précoce soudaine et comme une manière de rechercher une réunion avec la mère (Gaddini, 1978).

Discussion : enjeux techniques

76Nous pouvons constater à partir de la présentation ci-dessus des différentes idées développées en Grande-Bretagne que, au-delà de la discussion à propos du sens ou de l’absence de sens des maladies psychosomatiques, l’accent est placé sur le clivage, la dissociation et l’identification projective. Certains théoriciens considèrent cela comme faisant partie d’un processus actif provenant du besoin de se défendre contre des forces internes potentiellement destructrices, alors que d’autres auteurs y pensent comme une conséquence passive d’un manque de holding maternel. Ces deux positions peuvent ne pas être absolues ni exclusives, mais elles informent sur les types d’approches techniques des maladies de ces patients.

77Il semble que le nombre d’articles de psychosomatique publiés en Grande-Bretagne durant ces vingt dernières années ait diminué. L’intérêt pour ce sujet se réveille actuellement. Il me semble que l’une des raisons de cette baisse des publications soit à chercher dans le fait que durant les dernières décennies, l’attention psychanalytique s’est plus centrée sur la compréhension des complexités sous-tendant le processus analytique lui-même, au détriment des syndromes psychopathologiques plus généraux.

78D’un point de vue véritablement technique, la question portant sur l’indication d’un traitement analytique des patients souffrant de maladies « psychosomatiques » est abordée de façon variable selon les auteurs. Les analystes de l’École de Paris proposent une approche qui est cohérente avec leurs théories. Ils ont le sentiment que ces patients sont dépourvus de l’intégration du moi nécessaire pour fonctionner symboliquement et pour associer librement. En conséquence, ils ne recommandent pas la psychanalyse « traditionnelle ». Ils travaillent durant un certain temps en face à face selon les modalités de la psychothérapie d’orientation psychanalytique (qui parfois me semble proche de la psychothérapie de soutien) et du psychodrame. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’ils réfèrent ces patients à l’analyse ou à une psychothérapie intensive. L’École de Paris ne demande pas à ces patients de s’étendre sur le divan et travaille préférentiellement sur la relation de base que par interprétations de transfert. Bien que le transfert soit pris en compte, il n’est pas interprété (Kamieniecki, 1995).

79Il faut prendre en compte le fait qu’à Paris ces patients sont souvent adressés à la clinique de l’École de psychosomatique de Paris, alors qu’il est rare en Grande-Bretagne que ces patients soient adressés à des analystes. Cependant, certains patients présentant des plaintes psychosomatiques sont vus en milieu hospitalier par des psychothérapeutes et certains demandent une analyse. Nous rencontrons également des maladies graves chez nos analysants. Il est fréquent que des patients développent une maladie durant l’analyse ou révèlent alors l’existence d’une affection antérieure. Selon mon point de vue, il ne me semble pas justifié tant théoriquement que cliniquement de modifier la technique analytique en rencontrant des patients présentant des affections psychosomatiques. La profondeur et le timing des interprétations doivent être pris en considération comme avec les autres patients. Il peut être nécessaire de prendre en compte les différents niveaux de la capacité de fonctionnement symbolique du patient, mais cela ne signifie pas qu’une analyse à quatre ou cinq séances par semaine ne soit pas le traitement de choix.

80Travailler avec des patients souffrant de maladies comportant un risque pour leur vie et une douleur physique place le contre-transfert sous forte tension. Même si les affections psychosomatiques s’améliorent souvent en analyse, le processus analytique peut aussi réactiver les conflits inhérents au développement d’une maladie, et contribuer ainsi à l’émergence d’une maladie et à une détérioration somatique. Les patients apportent parfois leurs corps malades en demandant que l’analyste se centre sur leur maladie, oblitérant par là même tout espace de pensée et de libre association. L’analyste peut alors perdre de vue son rôle lorsque « la maladie » sature le champ analytique jusqu’à dicter le cours du traitement. La centration sur la réalité psychique du patient et sur la manière dont celle-ci s’exprime dans la relation transférentielle peut alors être perdue. Des mises en acte contre-transférentielles peuvent s’ensuivre et l’analyste se sentir inconsciemment responsable de la détérioration physique de son patient. Comme Ferro le propose, nous avons besoin de demeurer en contact avec le statut analytique qu’une communication particulière, telle qu’une « douleur à l’estomac », possède au sein d’une séance analytique (Ferro, 2009).

81Je pense que les analystes comme les patients doivent perlaborer la déception que l’analyse n’offre pas de solution magique. L’étude et la compréhension de la cause, du rôle et du sens des maladies somatiques et de l’action réciproque du soma et du psychisme peuvent facilement glisser vers une croyance omnipotente qu’en trouvant la théorie juste nous pourrions « guérir » des maladies physiques. Je pense que ce genre de glissement pourrait faire perdre sa spécificité à l’analyse en rendant la notion de « guérison » trop prédominante. Marie Bonaparte nous a incités à la prudence de ne pas présumer que la psychanalyse puisse guérir les maladies physiques, ce qui équivaudrait à une résurgence de la magie :

82

Car l’un des désirs les plus indéracinables de l’homme est de croire à la suprématie de « l’âme » sur le corps, une suprématie qui leur assurerait l’omnipotence de leur pensée sur eux-mêmes et sur l’univers.
(Bonaparte, 1950)

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Notes

  • [1]
    Article publié sous la rubrique Education Section, sous le titre « On psychosomatics : The search for meaning », Int. J. Psychoanal. (2011) 92 : 173-195. Traduit par Luc Magnenat, relu par Diana Messina Pizzuti.
  • [2]
    Ndt : « névrose actuelle » est traduit en anglais par « actual neurosis », une expression très proche du texte allemand et qui pourrait littéralement signifier en anglais « névroses réelles, véritables » car « actual » est un faux-ami qui ne signifie pas « actuel » mais « réel » ; l’auteur semble soucieux de lever l’ambiguïté.
  • [3]
    Dans son introduction à l’édition de 1995 du Moi-peau, Évelyne Séchaud nous rappelle les trois dimensions de la description faite par Didier Anzieu entre le moi et le corps (spécifiquement la peau) : 1) une dimension métaphorique : le peau-moi (plutôt que le moi-peau) en tant que moi conceptualisé comme métaphore de la peau ; 2) une dimension métonymique : un moi et une peau qui se contiennent mutuellement comme ensemble et partie ; et 3) une ellipse (à la manière d’une figure à double focus : la mère et l’enfant). Je pense que nous avons là une manière intéressante de penser ce sujet. Ce triple niveau de compréhension prend acte de la relation à l’objet, inclut une dimension métaphorique et prend en compte la continuité entre le mental et le physique, entre le corps « réel » (auquel nous pouvons aussi nous référer comme « soma », le lieu des « instincts ») et le corps fantasmé, imaginaire, récepteur des projections. Cette conception réunit en une unité le corps et l’esprit. Je pense que c’est dans ce dernier lieu que la « pulsion » prend forme et, avec elle, le concept de fantasme, d’objets internes et d’identifications. La dimension métonymique met en continuité le moi et le soma par le biais du corps. L’ellipse fait allusion au contenant, à la relation d’objet entre la mère et l’enfant (Séchaud in Anzieu, 1995 ; Bronstein, 2007).
  • [4]
    La notion selon laquelle la représentation, qui est une idéation, et l’émotion s’unissent toujours, et selon laquelle la pensée prend part à la constitution de l’émotion a été discutée par nombre d’auteurs et selon diverses perspectives théoriques (Cavell, 1993 ; Green, 1997, 1999).
  • [5]
    Je crois que certaines prédispositions « somatiques » doivent également jouer un rôle dans cette genèse, mais qu’à partir du moment où un symptôme est amené en séance d’analyse nous ne pouvons l’aborder que selon une perspective psychanalytique.
  • [6]
    Selon Klein (1946), un clivage normal est nécessaire afin de protéger les « bons » aspects du self comme de l’objet de l’engloutissement et de la destruction par les « mauvais » aspects du self (en rapport avec la pulsion de mort et l’angoisse d’annihilation). L’incapacité de mettre en place ce clivage normal peut engendrer un état précoce de confusion entre les angoisses persécutrices et dépressives. Rosenfeld propose que le patient recourt d’autant plus au clivage et à l’identification projective qu’il échoue dans la différenciation de ce clivage, et donc à se protéger de la confusion.
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