Langages 2018/1 N° 209

Couverture de LANG_209

Article de revue

Écrire la parole. Modalités de mise à l’écrit d’entretiens avec Antoine Culioli

Pages 115 à 135

Notes

  • [1]
    Frédéric Fau a participé à l’élaboration de cet article.
  • [2]
    Une édition critique de l’intégralité des entretiens fait l’objet de la thèse de doctorat de Louise Sarica à l’université de la Sorbonne, sous la direction de Michel Viel (v. Sarica 2010).
  • [3]
    Par exemple, le célèbre cours de DEA ronéotypé : Notes du séminaire de DEA. 1983-1984 (Culioli 1985).
  • [4]
    Nonobstant le traitement qu’en propose Tuomarla (1999), le DD ne constitue en aucun cas une modalisation autonymique : il est toujours autonyme. Ce que l’on observe ici est une recherche d’effet d’oral qui, à l’intérieur du DD en mention, donne un effet d’oral qui fonctionne sur le mode de la modalisation autonymique.
  • [5]
    Nous utilisons le terme de « rectification » plutôt que celui de « correction », parce que « correction » renvoie à la mise en conformité à une norme, tandis que la « rectification » concerne toute opération de modification en vue de réajuster – terme culiolien s’il en est – localement des segments de texte. Nous suivons Candea & Mir-Samii (2010 : 5) pour considérer la rectification comme manifestant le fait que « celui qui parle pense qu’il existe sur ce qu’il vient de dire, ou sur ce que l’autre vient de dire, une formulation ou un contenu de pensée plus adéquat ».
  • [6]
    Pour une étude de c’est-à-dire sur ce corpus, v. Doquet (2015). Sur la valeur méta-énonciative de c’est-à-dire, v. Authier-Revuz (1987).
  • [7]
    Ce type de structure attributive fait en général intervenir deux GN différents (p. ex. : le chien qui est un animal très intelligent) où le GN2 caractérise le GN1 avec une relation inclusive : parmi les animaux très intelligents, on trouve le chien. La spécificité des exemples (2-1a) à (2-1c) réside bien entendu dans le fait que les GN1 et GN2 ont le même noyau nominal, ce qui introduit l’idée d’une conception qui appartient à l’ensemble des conceptions globalisantes (et pas seulement, comme le propose la version T1 – une conception plus globalisante –, à une conception qui a pour caractéristique d’être globalisante), interprétation rendue à la fois par la répétition du nom et par la prédication.
  • [8]
    Ce type d’énoncé n’entre pas dans la définition de la relance telle que la donnent Richard & Noailly (2012 : 136) : « il y a relance quand un segment d’énoncé, syntaxiquement incomplet, est interrompu par une insertion parenthétique, et se voit répété et complété à la fin de cette intervention. Le rôle de la relance est de <rattraper> le fil du discours interrompu ».
  • [9]
    Le même genre de procédé a été observé par Bilger & Cappeau (2004) dans le genre de discours oral « explication technique » (Blanche-Benveniste 1994), où « une séquence, introduite sous forme de complément dans un premier énoncé, est <reprise> dans l’énoncé suivant en position sujet » (Bilger & Cappeau, 2004 : 16).
  • [10]
    Pour une analyse des marques de l’auto-représentation du dire dans cet entretien, v. Doquet (2015).
  • [11]
    Les segments ajoutés sont présentés entre chevrons ; les segments supprimés, entre crochets. La succession d’un segment entre crochets (= supprimé) et d’un segment entre chevrons (= ajouté) peut constituer un remplacement. Sur ces questions de remplacement vs suppression + ajout, v. Doquet & Leblay (2014).
  • [12]
    La paternité de la suppression et de l’ajout des notes est un peu incertaine : elle peut être attribuée à Culioli, mais aussi à Viel, éditeur scientifique de l’ouvrage, qui est donné en couverture comme l’auteur des notes.
  • [13]
    Comme la plupart des linguistes de l’oral que nous citons infra, Gadet & Mazière (1986) ont travaillé sur l’intonation, considérant certains phénomènes intonatifs comme des ponctuants. Nous n’avons pas les moyens de produire ce type d’étude et nous nous centrerons sur les transcriptions et leurs réécritures.
  • [14]
    Euh ne figure pas non plus dans des entretiens avec Culioli qui affirment leur proximité du discours oral originel (Grésillon & Lebrave 2012, Culioli & Normand 2005).
  • [15]
    Transcription réalisée a posteriori, pour les besoins de cette étude, et au plus près de l’oral.
  • [16]
    Nous excluons de la présente analyse la conjonction alors que, où alors n’a pas de valeur de ponctuation.
  • [17]
    La possibilité de substituer alors à donc est, après le sens, le critère utilisé par Zenone (1981) pour distinguer les donc indiquant une reprise du fil du discours.
  • [18]
    Le terme, rappelons-le, a été créé par Favriaud (2000) dans sa thèse sur la ponctuation dans la poésie contemporaine et désigne les éléments de ponctuation reposant non sur le « noir » comme les signes classiques (virgule, point, etc.) mais sur le blanc : espacements entre les mots, entre les lignes, entre les paragraphes, alinéas, etc.

1. Introduction [1]

1Comment préserver à l’écrit l’oralité d’un entretien tout en énonçant de manière claire et précise des concepts scientifiques ? Ainsi, pourrait se formuler la double tâche d’un rédacteur chargé de constituer en ouvrage un entretien au long cours. Cette formulation met en tension deux caractéristiques de l’entretien écrit : rendre de manière mimétique certains traits de l’oral, réorganiser pour l’écrit le propos oral tenu. Ces deux pôles de l’écriture de l’oral organisent le propos de cet article qui analyse les événements scripturaux dans la mise à l’écrit d’un entretien avec A. Culioli, dont l’aboutissement se concrétisera par la publication de Variations sur la linguistique (2002) [2].

2À l’époque des entretiens entre F. Fau et A. Culioli, entre 1996 et 2000, la pensée culiolienne n’a pas encore été exposée de manière systématique. Ses publications scientifiques sont disséminées dans des revues diverses, souvent sous une forme peu accessible aux universitaires eux-mêmes [3]. En complément du premier tome de Pour une linguistique de l’énonciation (Culioli 1990) qui paraît alors chez Ophrys, les Variations sur la linguistique veulent offrir un point d’entrée dans une théorie peu accessible. Ni universitaire, ni journaliste, l’interviewer se voit délesté des enjeux de légitimité dans ces deux champs. Personne n’ayant encore interrogé A. Culioli, il est aussi dégagé des comparaisons avec un existant. Enfin, la théorie étant pour le moment peu accessible, il peut se fixer l’objectif modeste et rassurant d’en apporter un premier point d’appui.

3L’ouvrage final se compose de sept chapitres – sept « journées » disent les auteurs – organisés thématiquement et qui se donnent comme suivant le cours d’une énonciation orale, sur le mode d’un entretien ni tout à fait à bâtons rompus, ni trop cérémonieux. Sur ces sept chapitres, six ont été écrits en 1996 ; le dernier, quatre ans après. Il constitue un sous-corpus intéressant, parce qu’écrit a posteriori, donc autonome du point de vue du rapport entre la source – l’entretien oral – et l’écrit final ; c’est également le seul des sept chapitres qu’A. Culioli a revu et corrigé. C’est sur ce chapitre, cette septième journée, que portera notre étude, parcours génétique pour lequel nous disposons du matériau suivant :

4

  • ­ la transcription de l’enregistrement initialement faite par F. Fau, qui est ponctuée comme de l’écrit et ne reflète pas toujours exactement le discours tenu : état de texte T1 ;
  • ­ la première réécriture par F. Fau : état de texte T2 ;
  • ­ la deuxième réécriture, que F. Fau a remise à A. Culioli : état de texte T3 ;
  • ­ la réécriture par A. Culioli : état de texte T4.

5À ces quatre états vient s’ajouter une transcription effectuée pour les besoins de notre recherche actuelle à partir de l’enregistrement oral lui-même, produite selon les conventions du Groupe Aixois de Recherches en Syntaxe (Blanche-Benveniste & Jeanjean 1987), que nous avons nommée T0. Cette version du texte est chronologiquement postérieure aux autres, mais elle devrait être la première du fait de sa proximité verbale avec l’oral initial, d’où le choix de cette numérotation. Il est important de retenir que, lorsqu’il a travaillé sur l’entretien, F. Fau n’avait à sa disposition que sa transcription T1.

6La présente étude porte sur les 10 premières minutes de l’entretien. Après une mise au point sur les spécificités de ce type de corpus et les modalités d’analyse privilégiées, nous étudierons successivement les passages d’un état du texte à l’autre, pour nous centrer ensuite sur un marqueur du passage d’un discours oral à son écriture : les ponctuants discursifs.

2. Représenter à l’écrit un discours oral : positionnements théoriques

2.1. L’écriture de l’oral comme cas spécifique de Représentation d’un Discours Autre

7L’écriture d’un entretien oral est un cas de passage d’un discours oral à sa représentation écrite, le terme de « représentation » renvoyant ici aux travaux de J. Authier-Revuz (1995) sur la Représentation du Discours Autre (RDA). Ces types d’énoncé mettent en relation, de manière explicite, un discours en train de se tenir (D) et un discours représenté (d).

8Au contraire des cas de RDA répertoriés, c’est de manière implicite que l’entretien écrit, fruit de l’écriture d’un échange oral, met en relation un discours D écrit et un discours d qui a été tenu à l’oral dans des temps et lieux éloignés de ceux de l’écriture/lecture du texte. Comme le montrent J. Authier-Revuz et J. Lefebvre (2015), l’entretien mis à l’écrit est un discours direct d’un type spécifique, sans les marques habituelles qui indiqueraient que L représente le discours tenu au préalable par l1 (l’interviewer) et l2 (l’interviewé). Le marquage n’est pas phrastique mais textuel, avec omission du verbe introducteur ; seuls sont indiqués, sur le mode du Discours Direct (DD) classique cette fois, les locuteurs auxquels doivent être attribués les paroles rapportées. Par exemple, cet échange au tout début du chapitre 7 des Variations sur la linguistique (2012) :

9

FF : Pour différentes raisons, notamment le besoin de prendre du recul, nous nous revoyons trois ans après les pages qui précèdent. Que souhaitez-vous ajouter aujourd’hui ?
AC. Deux choses, en schématisant de façon assez grossière.

10Les deux locuteurs nommés, FF (Frédéric Fau) et AC (Antoine Culioli), sont des locuteurs seconds, l1 et l2 ; le locuteur premier, L, n’est pas visible dans l’ouvrage, si ce n’est dans l’introduction. L se charge de restituer un discours tenu oralement, avant et ailleurs, en donnant la parole de manière figurée à deux locuteurs, l1 et l2, dont il rapporte les propos. La représentation du discours de l’entretien ne tient pas à la spécification d’un « qui écrit », non plus qu’à la représentation d’une situation interlocutive passée avec des noms de locuteurs, mais à la nature même de l’écrit qui est de se substituer à un discours tenu au préalable dont il tient lieu, dans un autre cadre qui se trouve lui-même représenté par la mise en espace de l’interlocution. C’est un cas particulier de discours direct, non limité à un énoncé, mais dont la portée est textuelle. Ce DD généralisé de l’entretien écrit représente un dire, de manière fictivement non médiée. Pour autant, la disjonction entre le discours censé avoir être tenu à l’oral (d) et le discours écrit donné à lire (D) est bien réelle, y compris pour le lecteur qui sait, quand il lit, que l’écrit est le reflet de l’oral, mais pas sa stricte reproduction. Le jeu énonciatif va s’exercer dans le passage, représenté, de l’oral à l’écrit, avec dans cet écrit un pacte de lecture reposant sur le fait que c’est bien de l’oral que l’on tente de restituer, et des éléments émergeant de temps en temps pour signifier, en la représentant de manière topique, cette oralité. Cette représentation à l’écrit d’un discours oral se fait sur un mode proche de celui que J. Authier-Revuz (2000) a nommé « allusion » et caractérisé comme une modalisation autonymique non marquée [4] : un discours convoque des éléments d’un autre discours dont l’étrangeté se fait jour dans un jeu d’intériorité/extériorité, ces éléments apparaissant comme incongrus dans le discours D et devant être décodés comme extérieurs, directement importés d’un discours d. On peut considérer l’entretien écrit comme un DD dans lequel apparaissent parfois, sur le mode de l’allusion, des éléments que leur extériorité au discours D (écrit) signale comme importés d’un discours oral (d). Comme l’a magistralement montré R. Mahrer (2014, 2017), la diversité des réalisations de la Modalisation Autonymique d’Emprunt (MAE), y compris la MAE non marquée que constitue l’allusion, permet de décrire ce que D. Maingueneau (2004) nomme le repérage de « codes langagiers ». Le « faire oral » est une représentation conventionnelle du code langagier de l’oral, une des modalités de représentation de l’extériorité d’un discours qui met le lecteur en situation de l’interpréter.

2.2. Transcrire, réécrire, rectifier. Modifications successives par les deux protagonistes de l’entretien

11Le chapitre 7 des Variations sur la linguistique a été relu attentivement par A. Culioli qui en a modifié certains passages. Le linguiste ne disposait pour cela que de l’état du texte remis par F. Fau à l’éditeur, soit un texte réécrit deux fois déjà. Notre analyse s’attachera aux transformations imposées par F. Fau aux propos d’A. Culioli, mais également et de manière spécifique aux modifications effectuées par A. Culioli lui-même, sachant donc qu’il n’a pas accès, au moment où il rectifie [5] le texte à publier, à son discours originel, mais à l’écriture de ce discours par quelqu’un d’autre. C’est donc une double mise à distance que subit le discours oral, d’abord transformé par l’interviewer, puis repris par l’auteur qui tout à la fois en a été le locuteur originel et se retrouve en position de corriger une version écrite de son discours initial.

12Comment l’oral initial se donne-t-il à lire dans le texte publié, et comment décrire sa représentation ? Notre matériau représente de manière conventionnelle la situation interlocutive de l’entretien qui fonctionne, sur le mode du DD, en faisant alterner la mention du locuteur l et son dire représenté. L’analyse génétique donne accès aux différentes étapes de cette représentation, opérées successivement par l’intervieweur F. Fau et l’interviewé A. Culioli. À chaque étape de l’écriture, l’activité de chacun des scripteurs devrait pouvoir se schématiser de la manière suivante :

figure im1

13où le discours à reformuler est, tour à tour, le discours oral, sa transcription, sa première et sa seconde réécritures, et où la reformulation est, tour à tour, la transcription de l’oral initial, les deux réécritures par F. Fau, la réécriture finale par A. Culioli. La reformulation se présente donc comme une activité récursive, où le résultat de la première opération se trouve être le point de départ de la deuxième, et ainsi de suite. Pour autant, l’activité réalisée pour le passage d’une version à l’autre est subsumée par la tâche globale : représenter à l’écrit le discours oral, dont la source est l’oral et l’aboutissement, le texte publié. De fait, à chaque étape de l’écriture, c’est bien du discours oral initial que L donne une représentation, même si l’oral est ici relayé par un écrit intermédiaire.

14Il faut donc complexifier le schéma de la procédure de RDA à l’œuvre dans cette écriture :

15figure im2

16Chaque état intermédiaire du texte reformule la version précédente et dans le même temps représente l’oral originel. Apparaît ici la complexité de la temporalité scripturale, qui voit se superposer différentes strates de l’élaboration du texte, les énonciations successives convoquées à chaque réécriture formant une sorte feuilletage où se mêlent les différents états du texte et les voix qui leur ont donné corps. Comme l’indiquait L. Hay (1985 : 158), « l’écriture ne vient pas se consumer dans l’écrit » et c’est chargé de l’ensemble des modifications et rectifications déjà apportées dans les sessions d’écriture précédentes qu’un état de texte parvient à son lecteur. La spécificité de notre corpus réside dans la double locution (un interviewé qui n’est pas, sauf lors de la dernière étape, scripteur du texte produit) et dans l’émergence orale du discours, qui lui donnent un caractère doublement autre : le texte que forge patiemment F. Fau, c’est la représentation d’un discours autre, parce que (i) tenu dans un canal non écrit et (ii) discours d’un autre. Le texte auquel va aboutir A. Culioli est un autre du texte qui lui a été fourni, qui lui-même était doublement autre du discours originel.

3. L’organisation du discours : temps de l’oral, espace de l’écrit

17Un premier regard, strictement quantitatif, sur la septième journée des Variations sur la linguistique (Culioli 2012) met au jour un processus constant de réduction du discours au gré des réécritures : entre transcription initiale et texte publié, le volume du texte est pratiquement divisé par trois. Dans le détail, on note une diminution de 32 % entre T1 (la transcription initiale) et T2 (la première réécriture), où le texte passe de 7 957 à 5 465 mots ; entre T2 et T3 (deuxième réécriture), on passe de 5 465 à 2 830 mots, soit 51 % de réduction du volume textuel. Finalement, les deux réécritures de F. Fau font diminuer le texte de 65 %. Le nombre de paragraphes diminue, lui, de 56 %, ce qui conduit à des paragraphes globalement plus courts dans T3 que dans T1.

3.1. De T0 à T1 : suppressions/rectifications spontanées

18Entre T0 (transcription, a posteriori et pour les besoin de cette recherche, du matériau verbal de l’entretien enregistré) et T1 (transcription première par F. Fau du même entretien, réalisée pour les besoins de l’élaboration de l’ouvrage), on observe un écart de 34 % du volume de texte, qui s’explique en partie par les éléments suivants :

19

  • ­ ponctuation écrite en T1 vs une ponctuation figurant les pauses en T0, plus coûteuse en nombre de signes ;
  • ­ omission, en T1, de l’ensemble des euh et autres marques d’hésitation présentes en T0.

20On note également, dans le passage de T0 à T1, des raccourcissements presque systématiques de redondances propres à la syntaxe orale :

21figure im3

22Ces exemples présentent des ruptures ou suspensions de la continuité syntaxique régulièrement observées à l’oral (Blanche-Benveniste 1997, Krötsch 2007). Ces irrégularités sont spontanément lissées par le transcripteur en T1 pour les exemples (2-1d) et (2-1g), non sans conséquences, pour (2-1g), sur les référents désignés : la réduction – de un énoncé à un moment donné qui est proféré par autrui à un énoncé – oblitère la dimension fondamentalement énonciative que les précisions sur l’origine de l’acte, moment et personne, mettaient en avant. En (2-1e) et (2-1f), c’est l’intrication syntaxique qui se trouve immédiatement simplifiée et la dimension méta-énonciative et commentative supprimée, avec l’omission de je veux dire en (2-1e) et de ce qui rend le tout assez difficile en (2-1f). Cette atténuation des éléments du modus se trouve renforcée par la triple omission, dans la transcription T1, de la conjonction à valeur méta-énonciative c’est-à-dire[6] (8 occurrences en T0, 5 en T1) ainsi que des modalisateurs (3 modalités épistémiques – 2 peut-être et 1 me semble-t-il – présentes en T0 ne sont pas transcrites en T1).

23(2-1a) et (2-1b) présentent une structure d’apparence tautologique : <GN qui être GNadj>, les deux GN étant identiques ; (2-1c), construit différemment, suit le même schéma de reprise d’un nom. Sémantiquement, cette structure crée un effet de sous-classe : le GN1 est caractérisé non par un adjectif mais par un autre GN, étendu, qui constitue comme un autre référent auquel il serait identifié. Dans les exemples relevant de cette structure, l’existence de GN2 est posée, et le segment signale le rapprochement de GN1 avec GN2 plus qu’il n’attribue une caractéristique à un GN [7]. Du point de vue de la progression du discours, cette structure entre dans la tendance à la subordination de l’oral qui permet de privilégier l’expression par le verbe, au contraire de l’écrit nominalisant (Halliday 1985). On peut également y voir une sorte de relance sans énoncé incident [8], qui aurait pour fonction de placer en position de sujet, en le répétant, un élément qui se trouvait en position de complément [9]. Ce détour de l’oral, qui a certainement une fonction complémentaire d’occupation de l’espace de parole en attendant de trouver quoi dire (la pause avant l’adjectif globalisante en est un indice), paraît manifestement secondaire au moment de la première transcription.

3.2. De T1 à T2 : organisation thématique et articulation des concepts

24Ce début d’entretien est structuré de manières différentes selon la version du texte. Le relevé du nombre de mots (cf. supra) montre une augmentation importante entre T1 et T2. Comme nous l’avons expliqué, il s’agit en fait de segments de l’entretien qui ont été déplacés entre les bornes délimitant notre matériau. Il en résulte une variation assez importante dans la succession des thèmes abordés, que nous allons examiner ici.

25Le tableau (page suivante) présente, en regard l’une de l’autre, les trames du début de l’entretien, versions T1 et T2. Les différentes parties sont rassemblées dans des blocs où apparaissent l’argument principal, puis les arguments secondaires. Les blocs dont le fond est grisé sont ceux dont le volume diffère entre T1 et T2, le bloc au fond grisé présentant davantage d’arguments, les arguments ajoutés ou retirés apparaissant en gras.

26La réécriture de T1 en T2 constitue un ré-étayage des propos d’A. Culioli qui, tenus à bâtons rompus et reprenant à diverses reprises des thèmes récurrents, se trouvent réorganisés pour présenter de manière organisée et complète les arguments développés. Elle obéit à une logique de réorganisation écrite d’énoncés oraux qui repose à la fois sur la décontextualisation du propos et sur sa mise en perspective. Par exemple, la question initialement posée, qui portait sur « ce qui reste à ajouter aux pages précédentes », devient en T2 « Que s’est-il passé depuis 3 ans, dans le champ linguistique ». Cette modification manifeste la réorientation globale du propos : partant d’une question qui inscrivait les propos dans la continuité des chapitres précédents, il s’agit finalement de donner un point de vue sur les avancées de la discipline. De fait, la transcription T1 a un caractère de conversation à bâtons rompus, au cheminement argumentatif sinueux ; T2 va réorganiser l’ensemble en faisant apparaître clairement les différents points qui peuvent être considérés comme les principales innovations dans le champ linguistique, non pas sur les trois ans mais plutôt sur la décennie, voire les deux décennies précédentes. La formulation à l’oral de la pensée culiolienne – même si c’est dans un oral très soutenu et syntaxiquement construit de manière très écrite – obéit à certaines caractéristiques propres à ce canal, qui nous livre une énonciation faite de retours et de reformulations où le même thème est abordé à plusieurs reprises et dans des termes différents. La transcription T1 fait apparaître des reformulations que l’on pourrait dire différées, quelques idées étant développées puis régulièrement reprises, que l’écriture va commencer, en T2, par réunir, pour en réduire l’expression par la suite.

27figure im4

3.3. Entre T1 et T3 : figurations de l’échange

28Outre le retravail de la dénomination des concepts dont nous venons d’observer quelques exemples, les écarts entre T1, T2 et T3 mettent en évidence la manière dont l’échange interlocutif est représenté dans ce passage, en particulier à travers un jeu d’ajouts et suppressions de questions qui semble une conséquence directe de la tension entre le second principe de la journaliste – réduire et éviter les redondances – et celui que s’est donné F. Fau – conserver l’oralité de l’entretien. Ces transformations successives constituent également le creuset de ce passage d’une oralité réelle, celle de l’entretien dont le matériau verbal est reproduit en T0, à une oralité représentée, où le scripteur introduit de nouvelles questions pour donner vie au débat dans le but de figurer, plutôt que restituer, l’échange dans sa vivacité. Voici un exemple de cette évolution (les questions sont en gras).

29figure im5

30Le passage de T1 à T2 ressortit à la fois à la réorganisation globale du propos et à la figuration de l’échange. Les éléments ajoutés en T2 (en gras ici) étaient présents dès l’oral, mais ailleurs dans l’entretien ; F. Fau les a déplacés pour les mettre en rapport avec ce début d’échange. Ce déplacement est en même temps une sélection : tout en se pliant au principe de réduction de l’information qui justifie la concaténation de deux extraits de l’entretien, F. Fau maintient des éléments non nécessaires à la progression de l’argumentation et justifiés par la représentation de l’échange, de nature autonyme.

31Pour autant, ce maintien n’est que provisoire, puisque ces questions disparaîtront de la version T3, et avec elles les modalités interrogatives et exclamatives ainsi que les interrogations d’A. Culioli sur son image et son caractère « bâtard » ou « atypique » ; c’est donc un ensemble de marques de la subjectivité qui disparaît en T3, pour laisser place à une modalisation autonymique, « pour en brosser un tableau rapide », qui relève de l’auto-représentation du dire [10] et que F. Fau crée de toutes pièces. Elle est la seule modalisation demeurant dans ce passage, mais c’est une représentation de l’énonciation, et non de la subjectivité qu’elle donne à voir.

3.4. Les rectifications d’A. Culioli

32Recevant pour relecture l’état T3 du texte, A. Culioli va effectuer un grand nombre modifications qui peuvent concerner, c’est le cas le plus fréquent, des détails du texte, mais aussi à deux reprises des segments assez longs. C’est d’abord sur le plan sémantique et référentiel qu’A. Culioli intervient de manière spécifique, cet ajustement visant, par exemple, à nuancer le propos :

33

  • ­ par l’ajout d’adjectifs ou de participes passés, le remplacement de modalisateurs [11] :

34

(2-4a) une évolution qui s’est <amorcée, puis> confirmée.
(2-4b) les distinctions <tranchées> entre le syntaxique, le sémantique,
(2-4c) pourquoi « qu’est-ce que c’est que ça » a <toujours> <très souvent> une valeur, disons, péjorative ?

35

  • ­ par l’ajout d’une incidente entre parenthèses :

36

(2-4d) Mais dans le milieu linguistique <(mis à part Milner, Kristeva et quelques autres)> : rien ! <Du moins à l’époque.>

37

  • ­ par des remplacements :

38

(2-4e) Donc, là, il y a quelque chose qui s’est passé, une espèce de conversion [à une attitude beaucoup plus ouverte] <, d’ouverture dans la théorie des observables> qui s’est [confirmée] <affirmée>.

39On peut lire, dans cette énumération, le souci de l’auteur de modérer son discours en particulier, sans doute, vis-à-vis de ses pairs. L’exemple (2-4d) est emblématique de cette précaution avec, d’une part, l’incidente qui exclut d’un ensemble quelques individus, d’autre part, l’ajout montré (Authier-Revuz & Lala 2002) d’un argument restreignant aussi, dans le temps cette fois, la portée de l’affimation. On repère une tension entre ces rectifications de T4, qui toutes atténuent le propos d’A. Culioli, et la manière insistante avec laquelle, en T0, il se présente comme ayant été à ses débuts un linguiste hors-norme.

40D’autres types de modifications vont, pourrait-on dire, parachever l’écriture, en accentuant certains faits déjà constatés dans le travail de F. Fau, mais aussi parfois en allant dans le sens contraire, pour lisser les marques d’oralité représentée. Ces modifications sont d’ordre syntaxique, mais aussi énonciatif.

41Pour la syntaxe, A. Culioli supprime les dislocations à gauche, dont certaines ont été introduites par F. Fau et qui sont, contrairement aux dislocations à droite (Blasco-Dulbecco 1999), fréquemment observées à l’oral :

42

(2-4f) Cet article, pour en brosser un tableau rapide, [c’]était une critique du structuralisme
(2-4g) [Ca, c’est un] <Voilà le> second point,
(2-4h) [Le premier, c’est que] <Ainsi trop souvent,> l’on utilise, croyant que c’est une métalangue au sens strict du terme, une langue de description qui est en fait du langage ordinaire.

43Les rectifications d’ordre énonciatif concernent l’ancrage temporel du texte. L’aspect verbal est en jeu dans le passage d’un passé composé à un imparfait :

44

(2-4i) un certain nombre de personnes, pour lesquelles j’ai de l’estime, telles que Lacan, Lévi-Strauss, Foucault, Milner, Kristeva, etc., ont compris ce que j’[ai essayé] <essayais> de dire.

45Ce changement de temps fait de l’événement référencé le point de départ d’un procès non borné à droite et permet de situer le procès en arrière-plan d’événements ponctuels qui lui donnent, par contraste, une permanence.

46Du point de vue de l’ancrage énonciatif, deux interventions sur des notes de bas de page [12] contribuent à dégager le texte des coordonnées spatio-temporelles de l’entretien :

47

(2-4j) Que souhaitez vous ajouter aujourd’hui[*], par rapport aux pages précédentes ?
(2-4k) le mouvement amorcé depuis l’article que j’avais écrit sur la formalisation en linguistique, en 1968, acquiert aujourd’hui de plus en plus de force.<*>

48La note supprimée en (2-4j) indiquait le moyen de référencer le déictique aujourd’hui, soit le jour de l’entretien. Sa suppression participe à un déplacement de l’ancrage du texte : aujourd’hui cesse de renvoyer au moment précis de l’énonciation orale réalisée et sera désormais référé à la date de publication du livre, i.e. la représentation de cette énonciation. La note ajoutée en (2-4k) est la référence de l’article « La formalisation en linguistique » (Culioli 1968). Ici, l’ajout permet d’identifier ce dont il s’agit sans référence à l’avant du discours et participe, comme la suppression précédente, à l’autonomie de ce chapitre.

49Dans ces interventions portant sur l’état du texte remis à l’éditeur par F. Fau, dues à A. Culioli et, pour les notes, à M. Viel, le travail conjoint sur la syntaxe et les marques énonciatives dégage un peu plus cet entretien de son origine orale ; c’est bien à une représentation de l’oral, bien éloignée de sa transcription, que nous avons affaire. En témoigne encore cet ajout d’A. Culioli :

50

(2-4l) les problèmes liés à la représentation se sont posés, outre le problème de la construction des valeurs référentielles. Tout le problème, en fin de compte, des attitudes que nous avons lors d’un échange verbal.
<Bref, représentation, référenciation, régulation.>

51L’énoncé ajouté, véritable formule de clôture qui consiste en la reformulation résomptive d’un ensemble important du discours, est un élément verbal prototypique de l’écrit qui reprend plusieurs paragraphes sous la forme de noms juxtaposés où le déterminant zéro apporte une valeur générique sans couper la relation de référence avec les éléments du discours préalable. Au contraire de l’oral, où dominent les structures verbales, cet énoncé sans verbe, où la prédication est implicite, est un des moyens d’organiser le discours à l’écrit. Parmi les nombreux indices de cette organisation, nous avons choisi, pour terminer cette investigation, de nous intéresser aux éléments de ponctuation du discours, dont la plupart sont propres à un des canaux oral et écrit et qui demandent donc à être modifiés lors du passage de l’un à l’autre.

4. La ponctuation discursive : oral vs écrit

52Nous nous attacherons ici à l’étude des éléments verbaux que F. Gadet et F. Mazière (1986) décrivent dans leur usage oral comme « des éléments à la fonction vague, que l’on peut appeler ponctuants par référence à une ponctuation impossible » et dont elles constatent qu’ils s’établissent en « une classe hétérogène », dans laquelle elles signalent mais, bon ben, moi je pense ainsi que « certains effets intonatifs » (ibid. : 38). O. Ducrot (1980b) avait rangé ces éléments parmi les « mots du discours », D. Schiffrin (1987) parle de « discourse markers », appellation reprise par G. Dostie et C. D. Pusch (2007) qui proposent « marqueurs discursifs », catégorie dont ils signalent la difficulté à la circonscrire et qu’ils définissent comme « des mots particulièrement usités dans la langue orale, qui n’entrent pas normalement dans les classes grammaticales traditionnelles » (ibid. : 8). G. Dostie et C. D. Pusch réfutent, pour les désigner, le terme de « ponctuant », traditionnellement associé à l’idée d’une dé-sémantisation des éléments lexicaux. C’est pourtant ce terme que nous reprendrons, sans pour autant les considérer comme totalement dé-sémantisés, mais en les prenant avant tout comme des éléments qui matérialisent, à l’oral, une suspension dans la profération du discours. Nous observerons, d’une part, leur place dans le discours oral, d’autre part, leur devenir dans l’écrit, en nous demandant également si certains ponctuants, non présents à l’oral, apparaissent dans des phases de réécriture, ce qui permettrait de les considérer comme des outils de représentation de l’oral par contraste avec la stricte reproduction, changement de canal mis à part, de la chaîne orale en une chaîne écrite [13].

4.1. Euh, hein, bon : la transposition impossible

53Employés à plusieurs reprises, voire très fréquemment, par A. Culioli à l’oral, les interjections euh et hein ainsi que bon en emploi interjectif sont systématiquement éliminées dès la transcription T1. Euh est à la fois extrêmement fréquent, et visiblement senti comme ne devant pas figurer dans l’écrit (sur les 39 euh transcrits dans T0 et correspondant aux 10 premières minutes d’entretien, aucun ne figure en T1) [14]. L’utilisation du ponctuant bon est plus complexe. Il est utilisé à quatre reprises par A. Culioli à l’oral (T0) [15] :

54

(3-1a) c’est-à-dire que notre conception des observables], de ce point vue-là+ a changé ++ me semble-t-il bon
(3-1b) euh est-ce qu’on dit un envers ou un avers euh+ bon+ euh+ on changera hein ? j’crois qu’c’est envers non ? FF : c’est un avers non ? [chevauchement bon on mettra le // AC bon bon très bien]

55L’incidence métadiscursive de bon, réservée par A. Winther (1985) aux cas où bon commente, ou simplement ponctue, « tout fait envisagé par le locuteur lors de l’élaboration même de son discours, ainsi que les choix de stratégie discursive » (ibid. : 84), est avérée dans les deux énoncés, où bon est associé à des segments clairement métadiscursifs et méta-énonciatifs (me semble-t-il / on changera). Cette incidence s’appuie sur la valeur fondamentale de marqueur de structuration de la conversation de cet adjectif (Auchlin 1981) : dans les occurrences relevées, bon articule deux énoncés, servant à la fois de clôture d’une argumentation et de relance pour la suite. La fonction est la même pour le bon introductif, premier mot de F. Fau se disposant à poser sa première question, qui vient clore des propos hors micro et permet de relancer la conversation :

56

FF : Bon/ alors+ euh / donc on est le 30 octobre + 2001 + Antoine Culioli donc euh rebonjour

57Comme ceux d’A. Culioli, le bon initial de F. Fau est éliminé dès T1. Nous verrons, dans les lignes qui suivent, qu’après avoir omis tous les bon dans sa transcription T1, F. Fau va en introduire un, en T2, à la place d’un alors lui aussi ponctuant discursif.

4.2. Donc et alors : des ponctuants à valeur de reprise

58La conjonction donc et l’adverbe alors[16] se retrouvent, dans cet entretien, en position initiale dans la phrase, comme ponctuants de discours. Parmi ces occurrences, deux sont supprimées par A. Culioli :

59

(3-2a) [Donc,] pour dire les choses plus simplement,
(3-2b) un problème qui m’a préoccupé en français : « qu’est-ce que c’est que ça ». [Alors,] d’où viennent-ils tous ces « que », », et pourquoi « qu’est-ce que c’est que ça » a toujours une valeur, disons, péjorative ?

60R. Bouchard (2002 : 70) parle de « sémantisation très ouverte de ces mots, qui ne constituent pas des instructions d’inférence mais de purs régulateurs de l’action à l’oral ». En l’occurrence, ils relèvent de la catégorie, identifiée par A. Zenone (1981), d’éléments indiquant la « reprise d’un thème préalablement abordé au cours de la conversation et puis abandonné ou interrompu par une digression » (ibid. : 116). A. Culioli lui-même a travaillé sur des emplois proches de donc, qu’il classe parmi les marqueurs de procédure, i.e. signalant une opération de mise en relation entre des termes métalinguistiques, et plus précisément un « marqueur de relation réflexive en boucle à valeur d’identification stricte ou partielle » (1990) qui peut concerner la récapitulation, éventuellement conclusive. Dans nos exemples, donc et alors font le lien entre un discours tenu précédemment : soit dans le fil du discours présent (3-2a), soit dans un contexte antérieur (3-2b) ; leur valeur de reprise se double d’une connotation métadiscursive marquée par la modalisation autonymique « pour dire les choses plus simplement » qui succède à donc, ainsi que par l’entourage de alors : « un problème qui m’a préoccupé » et le déterminant ces (« ces que ») qui anaphorise des éléments d’un discours tenu antérieurement, ainsi que l’adverbe toujours qui y réfère.

61Cet emploi de donc et alors comme marqueurs de reprise a été repéré de manière privilégiée à l’oral (Gülich 1970, Auchlin 1981, Zenone 1981, Morel & Danon-Boileau 1998, Bouchard 2002). G. Dostie a également fait apparaître un donc qui, à l’issue d’un processus de pragmaticalisation, s’observe dans des emplois où il joue un rôle sur le plan « conversationnel » (2004 : 27). Dans la transcription T0 de l’entretien, on repère 4 donc, dont 3 sont inclus dans la première question de F. Fau et supprimés en T1 ou T2 (ils n’arrivent donc jamais sous les yeux d’A. Culioli). Ils ont la même valeur de reprise à connotation métadiscursive que ceux des exemples (3-2a) et (3-2b). Le quatrième donc présent en T0, et jusqu’à T3, est celui de (3-2a), supprimé en T4. Quant au donc de (3-2b), c’est F. Fau qui l’ajoute en T3, et A. Culioli le maintient.

62On repère également trois alors, dont deux inclus dans des énoncés de F. Fau – toujours dans sa première question – et supprimés dès T1, le troisième devenant bon en T1, puis bien en T3 :

63

(3-2c) T0 = alors il y a + un envers de la médaille
T1 = Bon, il y a un envers de la médaille
T2 = Bon maintenant, par rapport à toutes ces avancées, il y a un envers de la médaille
T3 = Bien. Maintenant, par rapport à ces avancées, il y a un revers de la médaille.
T4 = Bien. Maintenant, par rapport à ces avancées, considérons le revers de la médaille.

64Ces substitutions spontanées suffisent à démontrer la valeur ponctuationnelle et de reprise de alors, qui pourrait également, ici, faire place à un donc[17]. Le passage de bon à bien peut s’interpréter comme une trace d’un changement de registre – bien est un allomorphe ponctuationnel de bon, plus soutenu – qui s’accompagne, en T3, d’une normalisation de l’expression revers de la médaille et, en T4, d’une substitution de considérons à il y a.

65De la même manière que pour donc, un des alors, celui de l’exemple 3, est introduit par F. Fau en T3 ; il sera supprimé par A. Culioli. F. Fau va également introduire, en T3, deux et à valeur ponctuationnelle, l’un en tête de syntagme détaché, l’autre en tête de phrase :

66

(3-2d) Oui : c’est une critique du structuralisme, <et> pour des raisons très précises, concernant à la fois les phénomènes observés, l’échelle à laquelle on les observait et en même temps des problèmes théoriques portant sur les objectifs et la métalangue. <Et> tout ça s’est confirmé.

67Ailleurs dans l’entretien, on observe un jeu de suppression (en T2) d’un segment de phrase introduit par et après virgule, et l’ajout (en T3, non modifié en T4) de « et que » qui va réunir deux phrases initialement disjointes :

68

(3-2e) T2 Moi, je ne suis pas respectable ! parce que je fouille tout, [et il y a eu de très belles études sur les déchets, les poubelles etc.,] Pour moi il n’y a pas de poubelles du langage.
T3 et T4 Mais moi, je ne suis pas respectable, parce que je fouille tout, <et que> pour moi, il n’y a pas de poubelles du langage.

69Ces deux conjonctions assument, à des échelles différentes, le rôle de « scansion du discours » observé par M.-A. Morel et L. Danon-Boileau (1998) qui rangent et parmi les ligateurs discursifs. Apparaît également en T3 un mais dont la valeur de scansion n’oblitère pas la valeur argumentative (Ducrot 1980a). Notre analyse, parce qu’elle ne porte pas sur de l’oral mais sur sa réécriture, demeure en décalage, du point de vue de l’outillage, avec celle de M.-A. Morel et L. Danon-Boileau (loc. cit.) qui s’appuient sur l’intonation, et il est difficile de réinvestir complètement ici les catégories qu’ils en ont tirées. Pour autant, les donc, alors, mais, et recensés ici ressortissent bien, lorsqu’ils se trouvent en tête de groupe détaché ou de phrase, à ces « petits mots qui balisent l’oral » (ibid. : 94).

70Un des intérêts du recensement de ses éléments et de l’étude de leurs modalités d’apparition est de les faire apparaître, quand ils sont introduits par une des réécritures, comme des marqueurs spontanés de l’oralité. On observe au gré des réécritures un double mouvement :

71

  • ­ de T0 à T1, suppression massive des donc et alors contenus dans la question 1 de F. Fau ;
  • ­ en T2 et en T3, introduction par F. Fau, dans les énoncés attribués à A. Culioli, de un donc, un alors, un mais, quatre et à valeur ponctuationnelle, ainsi qu’un tenez à valeur phatique, en début de proposition et précédant une virgule ;
  • ­ de T3 à T4, suppression par A. Culioli de un donc, un alors, deux et de ponctuation.

72A. Culioli ne mobilise qu’assez peu, à l’oral, ce type de morphème, tandis que F. Fau, dans sa première question, en fait un usage très important ; il les supprime spontanément dans sa transcription première, puis les introduit, ailleurs, dans la phase d’écriture où il travaille, comme nous l’avons vu supra, la représentation de l’oralité. En reprenant le texte, A. Culioli en supprimera la moitié et la ponctuation du discours sera constituée, de manière dominante, de la ponctuation blanche [18] que constituent les changements de paragraphes et sauts de ligne : déjà présents – inscrits de manière spontanée par le transcripteur – dès T1, ils demeurent parfois, en T3, les seules marques de ponctuation textuelle. Le travail sur les ponctuants de discours reflète donc le cheminement global de l’écriture tel que nous l’avons étudié supra. Leur valeur de marquage de l’oralité doit être corrélée à leur valeur méta-énonciative, qui rejoint la valeur métadiscursive de bon interjectif examinée précédemment. Ils se différencient, par leur traitement au cours de l’écriture, d’énoncés méta-énonciatifs d’auto-représentation du dire qui sont le plus souvent supprimés (le taux de suppression entre T0 et T4 est de 80 % ; v. Doquet 2015), mais (i) subsistent en général en T1 et (ii) ne subissent pas l’augmentation en T2 observée pour les ponctuants. C’est donc, sans doute, davantage à la valeur ponctuante – et conjointement, de représentation de l’oral – qu’à la valeur méta-énonciative qu’il faut imputer la spécificité de leur traitement.

5. Conclusion

73L’alternative posée en introduction de notre réflexion, la mise à l’écrit comme (i) rendu mimétique de certains traits de l’oral vs (ii) réorganisation pour l’écrit du propos oral tenu, ne reçoit pas, à l’issue de cette étude certes partielle, de réponse bien tranchée. Tout au plus pouvons-nous, après avoir examiné l’ensemble des états intermédiaires du début du texte du « septième jour » des Variations sur la linguistique (Culioli 2002), faire état de modifications à différents niveaux langagiers, qui permettent de tracer des préoccupations dominantes du re-scripteur aux différentes étapes de l’écriture. Ainsi, nous avons constaté entre la transcription au plus près de l’oral, T0, réalisée a posteriori et pour les besoins de notre travail, et la transcription spontanée qui a suivi l’entretien oral, un écart de 30 % du volume textuel, due en partie aux modalités de ponctuation, mais surtout à l’élision de l’ensemble des interjections et à la réduction presque systématique de redondances propres à la syntaxe orale. Dès la première notation, le discours est donc largement amputé de marques qui paraissent sans doute au transcripteur de faible importance. La deuxième étape de l’écriture, i.e. la première réécriture proprement dite aboutissant à l’état de texte T2, repose sur un double mouvement de réduction du phrasé, d’élimination des redondances et d’importation de segments textuels originellement situés bien après dans l’entretien et qui se trouvent mis en correspondance avec des éléments déjà présents dans T1. F. Fau opère dans cette phase de l’écriture des regroupements thématiques qui feront, dans la phase suivante, apparaître des redondances qu’il réduira, avec pour conséquence une forte diminution du volume de texte. Simultanément, il gère la représentation de l’interlocution, en figurant par un jeu de questions/réponses complètement réorganisé l’échange entre interviewer et interviewé ; cette alternance de tours de paroles sera également réduite dans l’état de texte T3. Cela nous conduit à décrire l’écriture de cet entretien, en tension entre le rendu matériel de l’oral et la réorganisation pour l’écrit des propos tenus, de la manière suivante :

74

  • ­ Lors du premier travail de transcription, la notation privilégie nettement les contenus, et le discours n’est rendu de manière mimétique que lorsque les énoncés sont porteurs de contenus jugés importants.
  • ­ Plutôt que de s’opposer, les deux termes de l’alternative sont gérés par F. Fau en simultané : augmenter le volume et mettre en lien des segments de texte de manière thématique se fait dans le même temps que représenter l’échange ; pour autant, il s’agit moins de mimétisme – qui reposerait sur la stabilité des segments d’un état à l’autre du texte – que de la reconstruction d’une oralité qui a perdu beaucoup de ses caractéristiques originelles et qui se trouve reconfigurée.
  • ­ En troisième phase de travail, on observe une réduction générale, à la fois des redondances sémantiques et des prises de parole, ce qui conduit à un entretien très « écrit », au sens où les caractéristiques de l’oral – usage important de ponctuants de discours, tautologies, redondances, reprises – se raréfient au profit de structures propres à l’écrit.

75Au contraire, le travail de rectification d’A. Culioli traite de manière très différente les deux termes de l’alternative : il va, en effet, éliminer encore des marques que l’on pourrait considérer comme propres à l’oral représenté – dislocations à gauche, ponctuants discursifs –, mais ajouter ou modifier des éléments ayant trait au contenu, en particulier concernant sa propre position, celle de ses collègues linguistes et la terminologie qu’il choisit de privilégier. Voici un exemple topique de ces deux manières de procéder, où F. Fau commence par réduire l’énoncé (réduction considérable entre T0 et T1, notamment l’énoncé conatif je pense que vous serez d’accord, et dans une moindre mesure entre T1 et T2), puis ajoute le ponctuant alors (en T3), supprimé en T4 par A. Culioli qui, pour sa part, ajoute le groupe adverbial d’atténuation très souvent :

76

T0 : D’où est-ce qu’ils viennent tous ces que +++ et + d’un autre côté + pourquoi euh ++ qu’est-ce que c’est que ça a + presque toujours ++ je pense que vous serez d’accord + une valeur + un petit peu ++ péjorative
T1 : D’où viennent-ils tous ces « que », <d’une part, et d’autre part,> pourquoi « qu’est-ce que c’est que ça » a toujours une valeur disons péjorative ? »
T2 : D’où viennent-ils tous ces « que », et pourquoi « qu’est-ce que c’est que ça » a toujours une valeur, disons, péjorative ?
T3 : <Alors,> d’où viennent-ils tous ces « que », et pourquoi « qu’est-ce que c’est que ça » a toujours une valeur, disons, péjorative ?
T4 : D’où viennent-ils tous ces « que », et pourquoi « qu’est-ce que c’est que ça » a <très souvent> une valeur, disons, péjorative ?

77Aux marges de la problématique centrale de ce numéro (les notes d’auditeurs de cours de linguistique), le corpus que nous venons d’examiner livre des éléments d’information sur différents degrés de la transformation subie par un discours entre sa profération orale et sa publication. Notre matériau diffère des « notes d’auditeurs », puisque le discours du Maître est enregistré pour être retranscrit, et non pris en notes à la volée. Pour autant, l’écart entre T0 et T1 révèle une régularité dans les omissions, en particulier pour tout ce qui concerne les éléments prototypiques de l’oral, dont les mots du discours font partie, et qui sont très fréquemment omis dans la transcription première ; l’exemple que nous venons de donner supra est également révélateur de la manière dont le transcripteur s’abstient de noter des segments parfois assez longs et dont la disparition est quasi définitive puisque, sauf exception, la suite du travail se fera à partir de T1, et non en réécoutant l’enregistrement. De fait, la fidélité à la parole magistrale, que semble favoriser le dispositif d’enregistrement intégral en vue de la publication, est toute relative, et le livre d’entretiens qui se donne comme le reflet de cette parole n’en est souvent, à l’instar des notes de cours, que le témoin. Le fait que l’auteur du cours lui-même intervienne en dernier ressort contribue parfois, c’est le cas supra avec l’ajout d’une formule d’atténuation, qui était déjà présente dans l’oral, mais que la transcription T1 n’avait pas retenue, à rapprocher le texte final de l’énoncé originel, mais ce constat ponctuel n’est en aucun cas une règle. Le texte final est un mixte de cet oral, prononcé six mois auparavant et qui était déjà destiné à la publication, de l’ensemble des modifications, reformulations, condensations et ajouts effectués par l’auditeur, et des rectifications que va opérer un professeur qui n’est déjà plus celui qui parla, mais dont les savoirs, depuis longtemps stabilisés, sont les mêmes qu’il y a six mois. Dans cette intrication de moments et de paliers énonciatifs se joue le devenir d’un ouvrage qui, à sa sortie, a constitué une contribution importante à la mise à disposition pour le plus grand nombre – avec les écarts à l’origine et parfois les distorsions que créent les reformulations multiples – d’une théorie fondamentale pour les sciences du langage.

Bibliographie

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Notes

  • [1]
    Frédéric Fau a participé à l’élaboration de cet article.
  • [2]
    Une édition critique de l’intégralité des entretiens fait l’objet de la thèse de doctorat de Louise Sarica à l’université de la Sorbonne, sous la direction de Michel Viel (v. Sarica 2010).
  • [3]
    Par exemple, le célèbre cours de DEA ronéotypé : Notes du séminaire de DEA. 1983-1984 (Culioli 1985).
  • [4]
    Nonobstant le traitement qu’en propose Tuomarla (1999), le DD ne constitue en aucun cas une modalisation autonymique : il est toujours autonyme. Ce que l’on observe ici est une recherche d’effet d’oral qui, à l’intérieur du DD en mention, donne un effet d’oral qui fonctionne sur le mode de la modalisation autonymique.
  • [5]
    Nous utilisons le terme de « rectification » plutôt que celui de « correction », parce que « correction » renvoie à la mise en conformité à une norme, tandis que la « rectification » concerne toute opération de modification en vue de réajuster – terme culiolien s’il en est – localement des segments de texte. Nous suivons Candea & Mir-Samii (2010 : 5) pour considérer la rectification comme manifestant le fait que « celui qui parle pense qu’il existe sur ce qu’il vient de dire, ou sur ce que l’autre vient de dire, une formulation ou un contenu de pensée plus adéquat ».
  • [6]
    Pour une étude de c’est-à-dire sur ce corpus, v. Doquet (2015). Sur la valeur méta-énonciative de c’est-à-dire, v. Authier-Revuz (1987).
  • [7]
    Ce type de structure attributive fait en général intervenir deux GN différents (p. ex. : le chien qui est un animal très intelligent) où le GN2 caractérise le GN1 avec une relation inclusive : parmi les animaux très intelligents, on trouve le chien. La spécificité des exemples (2-1a) à (2-1c) réside bien entendu dans le fait que les GN1 et GN2 ont le même noyau nominal, ce qui introduit l’idée d’une conception qui appartient à l’ensemble des conceptions globalisantes (et pas seulement, comme le propose la version T1 – une conception plus globalisante –, à une conception qui a pour caractéristique d’être globalisante), interprétation rendue à la fois par la répétition du nom et par la prédication.
  • [8]
    Ce type d’énoncé n’entre pas dans la définition de la relance telle que la donnent Richard & Noailly (2012 : 136) : « il y a relance quand un segment d’énoncé, syntaxiquement incomplet, est interrompu par une insertion parenthétique, et se voit répété et complété à la fin de cette intervention. Le rôle de la relance est de <rattraper> le fil du discours interrompu ».
  • [9]
    Le même genre de procédé a été observé par Bilger & Cappeau (2004) dans le genre de discours oral « explication technique » (Blanche-Benveniste 1994), où « une séquence, introduite sous forme de complément dans un premier énoncé, est <reprise> dans l’énoncé suivant en position sujet » (Bilger & Cappeau, 2004 : 16).
  • [10]
    Pour une analyse des marques de l’auto-représentation du dire dans cet entretien, v. Doquet (2015).
  • [11]
    Les segments ajoutés sont présentés entre chevrons ; les segments supprimés, entre crochets. La succession d’un segment entre crochets (= supprimé) et d’un segment entre chevrons (= ajouté) peut constituer un remplacement. Sur ces questions de remplacement vs suppression + ajout, v. Doquet & Leblay (2014).
  • [12]
    La paternité de la suppression et de l’ajout des notes est un peu incertaine : elle peut être attribuée à Culioli, mais aussi à Viel, éditeur scientifique de l’ouvrage, qui est donné en couverture comme l’auteur des notes.
  • [13]
    Comme la plupart des linguistes de l’oral que nous citons infra, Gadet & Mazière (1986) ont travaillé sur l’intonation, considérant certains phénomènes intonatifs comme des ponctuants. Nous n’avons pas les moyens de produire ce type d’étude et nous nous centrerons sur les transcriptions et leurs réécritures.
  • [14]
    Euh ne figure pas non plus dans des entretiens avec Culioli qui affirment leur proximité du discours oral originel (Grésillon & Lebrave 2012, Culioli & Normand 2005).
  • [15]
    Transcription réalisée a posteriori, pour les besoins de cette étude, et au plus près de l’oral.
  • [16]
    Nous excluons de la présente analyse la conjonction alors que, où alors n’a pas de valeur de ponctuation.
  • [17]
    La possibilité de substituer alors à donc est, après le sens, le critère utilisé par Zenone (1981) pour distinguer les donc indiquant une reprise du fil du discours.
  • [18]
    Le terme, rappelons-le, a été créé par Favriaud (2000) dans sa thèse sur la ponctuation dans la poésie contemporaine et désigne les éléments de ponctuation reposant non sur le « noir » comme les signes classiques (virgule, point, etc.) mais sur le blanc : espacements entre les mots, entre les lignes, entre les paragraphes, alinéas, etc.
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