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Article de revue

Les verbes attributifs : inventaire(s) et statut(s)

Pages 79 à 113

Notes

  • [1]
    Cet article a béné?cié des journées d’étude organisées par Danielle Leeman et Paul Sabatier respectivement à Nanterre (décembre 2009) et à Marseille (septembre 2010) dans le cadre de l’opération Fondamental(http://www.lif.univ-mrs.fr/IMG/html/FondamenTAL.html). Nous tenons à remercier ici les collègues présents à ces réunions pour leurs remarques et, plus particulièrement, Danielle Leeman, Catherine Camugli Gallardo et Christiane Marque-Pucheu.
  • [2]
    Il n’empêche que, pour les verbes pronominaux, nous avons recherché toutes les catégories dans le corpus.
  • [3]
    À distinguer de ce que Riegel et al. (2007 : 235) appellent les verbes occasionnellement attributifs ouélargissement attributif.
  • [4]
    Notons que le verbe être occupe aussi une position de choix dans les Locutions en français (Dubois & Dubois-Charlier 2004) en tant que support de locutions ?gées et semi-?gées.
  • [5]
    Du fait que la classe [X1] se fonde surtout sur un critère syntaxique, la dé?nition sémantique (paraphrase) de la classe est plutôt formulée « en extension », c’est-à-dire à partir d’une liste non exhaustive des verbes qui s’y rattachent : avoir, être, faire, devenir, rester, sembler, rendre, aller, pouvoir, devoir, venir de, échouer à, se mettre à, etc.
  • [6]
    ‘9’ renvoie à la sémantique du sujet : animé ou inanimé.
  • [7]
    http://bach.arts.kuleuven.be/dicovalence/manuel_100625.pdf.
  • [8]
    Il importe de noter toutefois que la question comment ne s’applique, précisément, qu’aux attributs « caractérisants » (Il est comment ton père ? Il est très sévère). Dès que l’attribut exprime l’appartenance à une classe ou sert à identi?er le référent du sujet, la question comment ? est exclue : le chat est un mammifère =/ le chat est comment ? ; Monsieur Dupont est le prof de piano de mon fils =/ Monsieur Dupont est comment ?.
  • [9]
    Les auteurs proposent trois catégories (adjectifs, noms, SP), mais les verbes copules listés ne les admettent pas toutes, loin de là (ce type d’information est donc absent).
  • [10]
    Cette interprétation est probablement due au fait que les deux compléments ont souvent (mais pas toujours, cf. note 8) en commun la question comment ?, ce qui signale une certaine parenté sémantique. À noter que la question comment ? s’avère donc de cette manière non caractéristique du constituant qu’elle est censée révéler (Leeman 1985).
  • [11]
    Du point de vue syntaxique, cette liste est fort hétérogène, comme le montrent les exemples. On y trouve un attribut accessoire (se présenter devant tous+comme), un gérondif (accessoire) et des verbes sans complément(s’exposer, se nommer).
  • [12]
    On trouve encore des attributs de l’objet à trois autres endroits du dictionnaire, dont nous faisons ici abstraction.
  • [13]
    Certes, les deux emplois (attribut adjectival vs nominal) présentent des propriétés différentes. L’attribut nominal se laisse notamment cliver (Quand il sera grand, c’est charcutier qu’il veut faire, pas serrurier) et pronominaliser (charcutier : il veut faire ça/c’est ça qu’il veut faire), deux opérations qui semblent exclues pour les attributs adjectivaux (*Depuis qu’il a 60 ans, c’est jeune qu’il veut faire ; *Jeune : il veut faire ça/c’est ça qu’il veut faire) (Leeman c.p.). Notons, cependant, que le blocage de la pronominalisation par ça est lié à l’opposition plus générale entre les attributs nominaux et adjectivaux. La pronominalisation par le (invariable) – qui, elle, se fait indépendamment de l’opposition nominal/adjectival (cf. Lauwers 2009) et qui, de ce fait, caractérise mieux l’attribut (et donc le verbe copule) – rapproche justement les deux emplois de faire (elle s’avère deux fois « douteuse »). Ces constats illustrent le fait que la catégorie des VEA (et des différentes sous-constructions de chacun des VEA) demande une approche graduelle, basée sur des faisceaux de critères qui ne doivent pas nécessairement être tous remplis. Toute approche discrète (comme celle imposée par le format dictionnairique dans le LVF) comporte en soi une certaine dose d’arbitraire, car elle se fonde sur un choix limité de critères, érigés en critères distinctifs. Voir Lauwers (2008), pour les emplois ‘copules’ du verbefaire.
  • [14]
    Inversement, un certain nombre de verbes mentionnés par les Dubois (1997) ne sont pas (encore) considérés comme VEA : se classer, se constituer, s’instituer, se placer, se prendre, se qualifier, se reconnaître. Il s’agit de verbes à structure pronominale mise en rapport avec une structure à AO (cf. 2.2).
  • [15]
    On part de la pratique lexicographique, ce qui n’exclut pas que les auteurs puissent adopter des points de vue théoriques parfois divergents (cf. infra, par ex. Busse 1974).
  • [16]
    Le dictionnaire (www.contragram.ugent.be/cvvd/cvvdcont.htm) est élaboré par une équipe de recherche à Gand ; le projet n’est pas achevé (pour le français, le dictionnaire ne contient que 198 verbes).
  • [17]
    Cette idée est relayée par Riegel et al. (2007 : 237), au moins pour être (et avoir) « de purs opérateurs prédicatifs, donc comme des verbes supports ».
  • [18]
    Laboratoire d’Automatique Documentaire et Linguistique.
  • [19]
    Nous avons inclus FrameNet dans notre analyse car il s’agit d’une ressource lexicale dont les objectifs sont comparables à ceux des autres dictionnaires traités ici. De plus, s’il n’est pas encore appliqué au français, le système l’a déjà été à d’autres langues romanes (l’espagnol, notamment).
  • [20]
    La deuxième sous-classe concerne les verbes olfactifs.
  • [21]
    Voir Lauwers (2009) pour d’autres références.
  • [22]
    Comme le remarque à juste titre Marque-Pucheu (c.p.), toutes les phrases copulatives avec SN ne sont pas classi?catoires. C’est notamment le cas des phrases « évaluatives » du type Jean, c’est un idiot.
  • [23]
    Notons que les V à AO adjectival sont également considérés comme des copules, pourvus d’un argument externe, à savoir le sujet.
  • [24]
    FrameNet considère donc comme prédicats nominaux à la fois les SN attributifs et les « objets incorporés » (comme dans prendre forme), appelés traditionnellement par LADL « prédicats nominaux ».
  • [25]
    C’est aussi le cas de la théorie dite « des classes d’objets » dont G. Gross (1996) est l’initiateur, qui établit un parallélisme entre prédicats verbaux, nominaux : désirer, être désireux de, avoir le désir de (Leeman c.p.).
  • [26]
    « ne sont que des verbalisateurs permettant à des lexèmes non verbaux d’assumer la fonction prédicative » (Busse, 1974 : 258, trad. par François, 2003 : 242).
  • [27]
    « Cette table n’est pas visualisable, prendre contact avec Éric Laporte ».
  • [28]
    http://framenet.icsi.berkeley.edu/index.php?option=com_wrapper&Itemid=126
  • [29]
    Dans le Dicovalence, on trouve quelques incohérences « locales » dans l’application concrète du cadre théorique : passer inaperçu est considéré comme verbe plein, demeurer+SN est considéré comme copule,paraître+Adj est analysé comme auxiliaire (probablement une simple erreur d’analyse, quelques exemples mal choisis).
  • [30]
    Le traitement est alors analogue à celui de Dubois & Dubois-Charlier (1997).
  • [31]
    Ce qui est con?rmé par Mertens (c.p.) pour le Dicovalence. Un remaniement sur ce point est en cours.
  • [32]
    À noter toutefois que la recherche fut limitée aux formes se et s’ du pronom réfléchi.
  • [33]
    Frantext [Ftxt], Bon Usage [BU], Google [Gg], Lexique-grammaire [LexGram], Le Monde [LM].
  • [34]
    Exemple jugé douteux par un de nos informateurs.
  • [35]
    D’après l’emploi adjectival de forfait (pas encore attesté dans le TLFi) : être forfait(e)(s) ; être déclaré forfait(e)(s). On trouve 19 attestations sur le web avec l’accord au féminin.
  • [36]
    Passer s’utilise exceptionnellement comme passer pour (donc avec un autre sens que passer inaperçu ; Grevisse & Goosse, 2008 : 266) : Le marquis était riche et pouvait passer sage (Verlaine) ; et puis, s’il faut un certificat de son curé pour passer digne d’être ministre, je voudrais bien voir le billet de confession de M. Laurier [Gg].
  • [37]
    Fou [inanimé] « À coups trop tirés », comme disait Marcel Duchamp, la planète sexy n’est-elle pas en train de tourner folle ? [Gg] ; [animé] J’aurais pu tourner folle, mais je suis gravement équilibrée [Gg].
  • [38]
    Je suis encore et toujours « célibataire » (c’est marqué comme ça sur ma déclaration d’impôts...). Par contre, je ne suis pas retourné « célibataire », et pas non plus homosexuel. [Gg]
  • [39]
    (femme enceinte) Je veux me plier, me chausser, me regarder mon nombril et retourner femme après avoir été « boite ». [Gg]
  • [40]
    Exemple jugé douteux par un de nos informateurs.
  • [41]
    Passer comme (S) N est jugé très bizarre par un de nos locuteurs natifs, tout comme poser le SN, poser pour A.
  • [42]
    Emploi contesté par certains grammairiens, selon Grevisse & Goosse (2008 : 264). Notre exemple montre que le verbe s’applique aussi à des sujets inanimés, contrairement à ce que pensent Grevisse & Goosse.
  • [43]
    Exemple jugé bizarre par certains de nos locuteurs natifs.
  • [44]
    Idem.
  • [45]
    Ici il faut sans doute distinguer trois sous-groupes (i, ii, iii) dont l’examen nous mènerait trop loin.
  • [46]
    Que les locuteurs hésitent quant à l’accord (et à l’analyse ou à la réanalyse du tour), cela ressort clairement de certaines discussions sur Internet (www.gamerz.be/vie-intimite/t-question-de-grammaire-157355.html).
  • [47]
    Peuvent, car tel exemple peut être considéré encore comme une reformulation, alors que tel autre fait preuve d’une désolidarisation par rapport aux autres constructions du verbe. Figurent dans notre inventaire tous les verbes dont nous avons trouvé au moins un exemple autonomisé.
  • [48]
    Notez que l’attribut heureux est essentiel : vivre (‘être en vie’) =/ vivre heureux (‘avoir une existence heureuse’).
  • [49]
    En l’absence de la construction à attribut du COD (en synchronie), on peut supposer que l’emploi attributif est le résultat d’une intransitivisation suivie d’un processus d’intégration valencielle, à moins que la construction à ACOD – qui aurait donné lieu à l’emploi comme verbe attributif – ait disparu entre-temps.
  • [50]
    Rappelons que, les cas qui se ramènent à une simple reformulation n’ont pas été retenus dans notre inventaire, puisqu’ils peuvent être mis sur le compte de la dynamique interne du tour pronominal, indépendamment de la présence d’un attribut (le rapport entre l’attribut et respectivement le pronom personnel et le pronom réfléchi reste stable).
  • [51]
    On peut dire, avec Tobback (2005), que la construction en comme (et pour) est une construction marquée qui s’observe surtout avec des SN, une catégorie prédicative non prototypique parce que référentielle. Il reste à voir si l’adjonction de comme ne peut pas être considérée comme un mécanisme permettant de greffer une prédication seconde de type nominal sur un V qui, en principe, ne se construit pas avec un attribut essentiel. Tel est le cas, par exemple, du verbe identifier : on l’identifie comme un N (éventuellement avec une nuance de ‘comparaison – manière’). L’insertion de comme est particulièrement fréquente avec les VEA pronominaux, où elle contribue à la réalisation d’une prédication primaire : se révéler ? se révéler comme SN ? se révéler (comme) SN (Tobback & Lauwers à par. & en prép.). En voici un exemple : Il se révèle (à nous) comme un polémiste brillant [LM] ‘se fait connaître en tant que’ vs. Il se révèle (comme) un polémiste brillant ‘il s’avère un X’ (lecture évidentielle). Ensuite, la construction en comme+SN essentiel s’est étendue aux noms et aux adjectifs (Lauwers & Tobback en prép.), ce qui correspond donc à un relâchement des contraintes de sous-catégorisation imposées par la préposition comme. Ces hypothèses relatives au rôle de comme dans la création de VEA devraient être testées sur un ensemble de verbes plus important comme, par exemple,apparaître comme et s’annoncer comme (Tobback à par.).
  • [52]
    Dans ces deux premiers exemples, l’idée de chute est encore bien présente.
  • [53]
    La proposition de Stowell (1991), qui consiste à attribuer à la clausette la catégorie de l’élément prédicatif (SN, SAdj, etc.), pourrait rendre compte de la sélection catégorielle de l’attribut, mais ne résout pas le problème des restrictions sur le sujet, qui, lui, reste inaccessible.
  • [54]
    Notons qu’on aurait aussi avantage à spéci?er leur compatibilité avec les différents types sémantico-pragmatiques de phrases attributives (prédicationnelles, spéci?cationnelles, etc.).

1. INTRODUCTION [1]

1 Dans la plupart des ouvrages de référence (Riegel et al., 2007 : 236-237 ; Wilmet, 2007 : 516-518 ; Grevisse & Goosse, 2008 : 261-265 ; Van Peteghem, 1991 : 174), la description des verbes attributifs ou verbes copules (voir infra pour la terminologie) se termine le plus souvent par une liste de verbes qui ne se veut pas exhaustive (‘etc.’). Les membres généralement retenus sont être, devenir,rester, paraître et sembler (cf. infra). En partant de l’ouvrage des Dubois (1997), que nous confronterons à d’autres inventaires de constructions verbales, nous nous sommes proposé de reconsidérer l’inventaire des verbes copules « pour tenter de voir ce que masque le fameux etc. qui clôt la courte liste des verbes (essentiellement) attributifs » (Leeman, 1996 : 192). Cette recherche, qui partage avec l’entreprise des Dubois le même souci d’exhaustivité et de systématicité empiriques, aboutira à une vue plus nuancée sur la notion de verbe attributif et notamment les contraintes distributionnelles qu’ils imposent. D’un point de vue méthodologique, notre article montrera la voie à suivre dans la confection de listes de verbes essentiellement attributifs et, par extension, d’auxiliaires, dans le cadre d’un dictionnaire de valence.

2 Le verbe essentiellement attributif (ou copule) est tout d’abord un verbe qui se construit avec un attribut du sujet essentiel (ou ‘nucléaire’). Comme l’affirme M. Wilmet (2007 : 518) à juste titre, « au lieu que la copule fasse l’attribut, c’est finalement l’attribut qui fera la copule ». Un attribut nucléaire ne peut pas êtreomis, ne peut pas être déplacé ni détaché et s’il peut être supprimé, il s’ensuit généralement une modification du sens du verbe. Le rapport sémantique établi par le verbe entre le sujet et l’attribut est de type syndestique (Damourette & Pichon, 1911-1940), c’est-à-dire que l’attribut attribue une caractéristique à un référent qui de ce fait apparaît comme consubstantielle (Grevisse & Goosse, 2008 : 261). L’accord est également un indice précieux, du moins là où il est attendu, c’est-à-dire avec les attributs adjectivaux et certains attributs nominaux. Enfin, pour élargir l’inventaire des verbes attributifs à l’aide de recherches de corpus nous avons utilisé aussi un critère purement pragmatique : il fallait que le verbe se construise au moins avec un adjectif (attribut) [2].

3 Nous avons préféré ici le terme de verbe (essentiellement[3] ) attributif (Riegel et al., 2007 : 235 ; Grevisse & Goosse, 2008 : 261 ; Leeman 1996) – désormais VEA – à celui de copule (Riegel et al., 2007 : 236 ; Grevisse & Goosse, 2008 : 261) pour la simple raison que le terme de copule semble avoir été réservé surtout au verbe être, ligature sémantiquement vide reliant le sujet et l’attribut (Grevisse & Goosse, 2008 : 261 ; Riegel et al., 2007 : 236). Plus récemment, le terme de semi-copule (Hengeveld 1992 ; Lamiroy & Melis 2005 ; Tobback & Lauwers à par.) a fait son entrée, mais la distinction entre copule et semi-copule est graduelle et devrait être fondée sur un ensemble de critères qui ferait ressortir la structure interne de la classe. Pour l’instant, nous devrons nous limiter à baliser ce champ de recherches, en esquissant les contours maximaux de la classe.

4 Dans un premier temps, nous nous proposons d’expliciter le traitement et le statut des verbes essentiellement attributifs (VEA) dans ce que l’on pourrait appeler le système sémantico-syntaxique des Verbes français (LVF) des Dubois (§2). Cet examen fera ressortir quelques « points de débat » par rapport auxquels tous les inventaires de constructions verbales sont appelés à prendre position (§3). La confrontation des inventaires sera complétée par une vérification sur corpus (Frantext ; Le Monde ; Google), qui aboutira à un inventaire plus complet (§4). Cet inventaire comporte bon nombre de « cas-limites » qui font preuve d’une certaine dynamique, dont les mécanismes sous-jacents seront esquissés dans l’attente d’études plus détaillées (Tobback & Lauwers en prép.) (§5). Ensuite, nous montrerons que les verbes de l’inventaire, y compris être, présentent des contraintes distributionnelles de tout genre (§6), cette étude détaillée confirmant la théorie sous-jacente à LVF selon laquelle les verbes classiquement dits « auxiliaires », « semi-auxiliaires » ou « attributifs » sont des verbes comme les autres, en ce qu’ils sous-catégorisent et sélectionnent. Toutes ces observations empiriques ont des répercussions importantes pour le statut et le traitement des VEA, à la fois sur le plan méthodologique (lexicographique) et théorique, et ouvrent d’intéressantes perspectives de recherche (§7).

2. LE TRAITEMENT DES VERBES À ATTRIBUT ESSENTIEL DANS LES VERBES FRANÇAIS

2.1. L’inventaire des VEA selon les Dubois

5 Ce que l’on appelle les copules ou les verbes essentiellement attributifs sont traités parmi les verbes de la classe [X], la dernière classe générique de l’inventaire, appelée dans l’introduction « auxiliaires » (Dubois & Dubois-Charlier, 1997 : 7) [4]. Chaque classe générique est fondée sur « les types d’opérateurs verbaux dégagés après l’analyse syntaxique et définissant le caractère sémantique de base » (ibid.). En l’occurrence, c’est la présence de l’opérateur ‘aux’ (signifiant ‘auxiliaires et modaux’) parmi les opérateurs – en combinaison avec ‘état’ et ‘attribut’, par exemple – qui constitue le trait commun à toute la classe. Cette caractérisation isole la classe [X] parmi les autres classes, qui, elles, correspondent aussi à une caractérisation sémantique, certes, fondée sur des propriétés morpho-syntaxiques et distributionnelles. La liste des (sous-) classes « sémantico-syntaxiques » de classe [X] n’est pas structurée d’après des principes sémantiques (sujet animé/inanimé ; sens propre/sens figuré), mais en fonction d’une critériologie assez hétérogène, dominée par le « statut grammatical » du verbe [1 : auxiliaires temporels ou aspectuels ; 2 : impersonnels ; 3 : synonymes deêtre+temps, lieu, appelés plus loin ‘exister’ ; 4 : finir et commencer (inchoatifs et résultatifs)]. Les VEA sont donc rattachés à la classe [X1] (auxiliaires, semi-auxiliaires, modaux), qui compte 114 entrées, réparties sur 5 sous-types :

6

  1. « avoir, être, faire », on a bien dormi, la pièce est nettoyée, il plaisante comme il (le) fait toujours ;
  2. « être, devenir, rester, sembler, etc. », le ciel est/reste/devient nuageux, on semble être de marbre ;
  3. « rendre », tu le rends nerveux avec tes questions, la montée abrupte rend la marche difficile ;
  4. « aller, pouvoir, devoir, venir de, etc. » ;
  5. « réussir à, échouer à, commencer à, se mettre à, etc. ».

7 Le terme de copule ou de VEA ne figurant pas dans la liste des sous-types, on peut en déduire que, pour les Dubois, il s’agit d’une sorte de (semi-) auxiliaire [5] – à distinguer des auxiliaires à proprement parler avoir, être, faire –, qui se construit avec un attribut, tout comme rendre (+attribut du COD).

8 Ensuite, le critère de la construction syntaxique (transitive [directe/indirecte] ; intransitive ; pronominale), le troisième niveau de la taxonomie, est également appliqué aux copules, ce qui montre que les auxiliaires sont traités sur le mêmepied que les verbes pleins intransitifs ou pronominaux. Il en découle deux sous-classes de « copules » (reprises toutes deux sous la classe [X12] : les copules intransitives [A96] et pronominales [P9006]).

Tableau 1

intransitifs [A96]

demeurer 03 a aux état+attribut rester tel On d? silencieux. La
voiture d? en l’état.
devenir aux prog attribut progressif On d? sage avec l’âge. Le
ciel d? gris.
être 01 aux état+attribut copule On e? pauvre, stupide, en
retard, absent.
faire 08 aux état+attribut devenir On f? plus tard charcutier,
professeur.
paraître 10 b aux état+attribut avoir
l’apparence de
On p? vingt ans. On p?
très jeune. L’entreprise p?
vieille.
passer 28 aux état+attribut devenir On p? chef de service,
directeur d’une filiale.
- age
passer 33 pour aux état+attribut sembler,
paraître
On p? pour fou. Ce plan
p? pour être intelligent.
redevenir aux+re progrc
+attribut
être de
nouveau
On r? ce qu’on était, un
simple employé. Le temps
r? beau.
rester 15 aux durée+attribut demeurer On r? amoureux, en
fonction. Ceci r? intact,
inexpliqué.
sembler 04 aux état+attribut paraître On s? (être) inquiet, en
colère.
figure im1

intransitifs [A96]


a. Si un verbe a plusieurs constructions syntaxiques, les indices permettent de les distinguer.
b. Curieusement, les copules sembler/paraître ne reçoivent pas le code [L] correspondant à la
préposition auprès de, soit à l’expérienceur.
c. La liste comporte différents types sémantiques, comme le montrent les opérateurs
(état/progr./durée).
Tableau 2

pronominaux [P9006]

avérer 02(s) aux état+attribut se montrer,
manifester
Les espoirs s’a? illusoires. P s’a?
un candidat valable.
manifester 08(s) aux état+attribut apparaître La maladie se m? par une forte
fièvre. -ion
présenter 17(s) aux état+attribut revêtir l’aspect
de
Ce médicament se p? sous la
forme de pilule. -ion
retrouver 12(s) aux état+attribut être finalement
tel
On se r? seul. La voiture se r?
dans le fossé.
trouver 17(s) aux état+attribut être dans tel
état
On se t? (être) disponible, dans
une position délicate.
figure im2

pronominaux [P9006]

9 Enfin, « le factitif ‘faire devenir’ à sujet humain ou non-animé [T9906] » (= type [X13]) connaît aussi une variante pronominale [P9006] : se rendre (on se rend insupportable).

10 Quant aux verbes pronominaux, les deux zéros dans le code indiquent que les positions COD et COI restent vides, ce que l’on pourrait interpréter comme un indice de leur statut essentiellement pronominal (+complément de manière). Le code ‘6’ [6] indique que l’attribut est considéré comme un complément de manière (complément marquant ‘la modalité, notamment la manière’, à côté de ‘mesure’, etc.), complément qui relève de la catégorie des ‘circonstants’ (cf. partie introductive). Il est donc clair que la fonction d’attribut ne fait pas partie de l’outillage de base, c’est-à-dire des critères de classification (= codes), ce qui explique pourquoi l’attribut n’apparaît pas dans la macrostructure de l’inventaire. Ce traitement cache une approche purement sémantique du champ de la caractérisation (adverbiale ou attributive), qui reçoit cependant une assise formelle dans la mesure où les pronominalisations de l’attribut et les circonstants de manière sont identiques (cf. aussi les opérateurs ‘tel’, ‘c.tel’). C’est d’ailleurs pourquoi le Dicovalence (qui s’inspire de l’approche pronominale de Van den Eynde et al.) classe lui aussi certains attributs du sujet parmi les compléments de manière, même si la notion d’attribut, chassée par la porte, est récemment revenue par la fenêtre, grâce à l’introduction de la catégorie (provisoire) des compléments de manière interne(code [Pmi] ; version juin 2010, p. 23 [7]), caractérisés par la série comment, (comme) tel (le)(s), ainsi.

11 La problématique de l’attribut se voit subordonnée à celle de la caractérisation qui comprend aussi les verbes à complément de manière intégré [8] (dans la forme du verbe) : biseauter est « couper en biseau » [manière intégrée], tout comme on peut avoir l’instrumental intégré (faucher) ou le locatif intégré (emprisonner) (Dubois & Dubois-Charlier, 1997 : 6). Les auteurs reconnaissent aussi des « adjectifs ou noms attributs ou factitifs » intégrés : jaunir est « rendre/devenirjaune » ; momifier est « rendre momie » ; se momifier est « devenir momie » (ibid.). Ce traitement sémantique offre bien sûr des avantages : les codes [P*006] (ou [P*0l6]) et [A*6] permettent d’identifier tous les prédicats caractérisants, même si on ne peut pas toujours en dériver la structure syntaxique (du fait que leur approche dans son versant sémantique conduit les auteurs à y inclure aussi des attributs incorporés lexicalement).

12 Le terme d’attribut du sujet n’est cependant pas absent du dictionnaire. Le descriptif de la catégorie des copules [X12] indique que celles-ci se combinent avec des adjectifs, des noms et des SP attributs « issus parfois de complétive infinitive avec être supprimable ». En plus, le concept d’attribut apparaît encore à d’autres endroits, comme nous le verrons infra.

13 En somme, l’attribut (du sujet) est donc une notion qui risque de passer inaperçue dans l’inventaire des Dubois (cf. aussi p. 5 inventaire des fonctions syntaxiques : attribut absent). Il s’agit d’une fonction syntaxique étroitement associée avec la classe des verbes copules (à l’intérieur du champ des compléments de manière), mais qui n’en apparaît pas moins encore sporadiquement ailleurs. Le statut subalterne de l’attribut explique aussi pourquoi il n’apparaît pas dans les passages où il était pourtant attendu (naître musicien, sortir adj de, cf. infra).

14 Il s’ensuit que le concept de VEA est lui aussi mal délimité dans l’ouvrage des Dubois (1997). Tout ce que l’on peut dire c’est qu’un sous-ensemble des verbes à attribut du sujet (nucléaire) peut être appelé copule, c’est-à-dire une sorte desemi-auxiliaire (tout comme rendre+ACOD). On ne sait cependant sur quelle base (syntaxique) ce statut est défini. Dans tous les cas, les sujets sont non restreints (9 = sujet humain ou chose), ce qui donne à penser qu’il s’agit de verbes non sélectifs. Les catégories morphosyntaxiques, par contre, ne sont pas spécifiées [9]. Par ailleurs, certains « attributs » ne concernent guère des attributs au sens formel du terme. Ainsi, parmi les opérateurs ‘aux état+attribut’ on trouve aussise manifester+par une forte fièvre, se présenter+sous la forme de pilule, se retrouver+dans le fossé. Le premier exemple, notamment, se laisse difficilement ramener à la sphère de l’attribut. Même le terme d’attribut semble donc parfois se confondre avec celui de complément de manière (cf. ‘tel’) [10].

2.2. Les autres ‘attributs’

15 En plus du chapitre sur les (semi-) auxiliaires, on relève quelques autres passages (à l’intérieur d’autres classes génériques) où il est explicitement question de l’attribut (du sujet) ou d’autres VEA.

16 Quant au terme d’attribut, on le trouve encore explicitement dans la classe [C] (communication) : ‘sujet humain ou non-animé et attribut ou caractéristique’ [P90l6]. Ex. : Ses espoirs s’avèrent illusoires. Se trouvent traités les verbes se montrer,se présenter comme, se recommander par, se révéler et se signaler par, ainsi que des verbes impliquant toujours un sujet humain [11] comme s’afficher/s’exhiber (dans une tenue), s’exposer, se nommer, se présenter et se trahir (en ne venant pas à cette réunion). L’attribut est également mentionné dans une classe qui ne compte qu’un seul élément : [H1] ‘être dans tel état physique’ avec attribut ou complément de temps [A15]. Ex. : Mon père a vécu centenaire.

17 Notons que l’attribut peut aussi être un « attribut d’objet » (AO) auprès d’un verbe transitif [T1106] [12] (cataloguer, élire, trouver, etc.), introduit ou non, catégorie à laquelle se rattachent aussi des cas ‘avec pronominal’ ( [T1106] [P1006]) : son père l’a établi comme notaire, on s’établit comme notaire. Ces derniers peuvent, en théorie, fournir de bons candidats au statut de verbe essentiellement attributif, comme nous le verrons (5.3).

Tableau 3

‘avec pronominal’ ( [T1106] [P1006])

classer 09 lc qn c tel cataloguer c tel On c? P comme homme de gauche.
On se c? à droite. -ment
constituer 04 lc qn c tel instituer tel On c? P président du groupe, son
héritier. On se c? son avocat. -ion
donner 11 lc qn c tel présenter comme
tel
On d? P pour intelligent. On se d?
pour spécialiste.
établir 09 lc qn c tel pourvoir de
situation
Son père é? son fils notaire. On s’é?
comme médecin à Paris. -ment
établir 12 lc qn c tel prendre comme On é? P arbitre de la situation. On
s’é? comme juge des autres.
imposer 07 lc qn c tel faire accepter c tel On i? P comme le meilleur. On s’i?
comme spécialiste.
improviser 03 lc qn c tel m ds fonction
impréparé
On i? P président par intérim. On ne
s’i? pas lexicographe.
instituer 02 lc qn c tel désigner comme
tel
On i? P son héritier. On s’i? le
défenseur des faibles.
placer 09 lc qn c tel donner emploi tel On p? P comme secrétaire. On p? les
chômeurs. On se p? comme s. -ment
porter 09 lc qn c tel noter comme tel On p? un élève absent. On p? P
malade. On se p? malade.
prendre 29 lc qn c tel tenir qn pour tel On p? P pour son frère.
qualifier 04 lc qn c tel rendre apte à
continuer
On q? cette équipe pour la finale.
L’équipe se q? , est q? -ion
reconnaître 13 lc qn c tel retrouver, voir On r? un allié dans son fils. On r? P
dans ce héros de roman.
figure im3

‘avec pronominal’ ( [T1106] [P1006])

18 En plus des verbes à construction attributive, une recherche systématique des verbes retenus dans les autres inventaires (cf. infra) a révélé que celui des Dubois (1997) contient çà et là encore des verbes que l’on pourrait qualifier de « verbes attributifs », sans qu’ils soient pour autant reconnus comme tels par les auteurs :

19

  • naître musicien est analysé comme un verbe intransitif psychologique (avec complément de manière) et se trouve donc associé à carburer, fantasmer, etc. ;
  • vivre centenaire est repris parmi les verbes d’état suivis d’un complément de temps ;
  • sortir figure parmi les verbes d’état qui signalent plus particulièrement une sortie de l’état (‘ex D action tel être tel après’). Curieusement, si la glose faitétat de ‘tel’ (donc d’un complément de manière/attribut), on ne retrouve pas ce complément dans le code de l’emploi. Il s’agit sans doute d’un oubli.

20 Ces gloses – et la catégorie sémantique y correspondant – rendent bien le sens de la combinaison ‘V+attribut’, mais ne distinguent pas fondamentalement ces verbes des autres verbes intransitifs à complément de manière.

21 Notons que les verbes virer à/tourner à sont traités comme des verbes de mouvement complétés par un adverbe de manière ou un complément en à[A36], à l’image de varier et consorts (les prix varient du simple au double). Quant àtomber, on trouve plusieurs de ses constructions parmi les verbes de mouvement (cf. entrer dans, donner dans, etc.) :

tomber 24 (qc) ire DS abs basculer dans Cette œuvre t? dans la pornogra
phie. Cet édifice t? en ruine.
retomber 03 f.mvt+re abs DS tomber de nv ds état On r? dans l’anarchie, la misère.
figure im4

22 Dans le même groupe apparaissent également les verbes venir et naître :

venir 05 ire A tel rang arriver On v? en troisième. L’équipe
v? après nous.
naître 04 ex D qn p nom être appelé tel en naissant On est n? Durand.
figure im5

23 Quant à faire, on constate que l’emploi typiquement attributif est mentionné parmi les [H2] ‘avoir tel comportement, telle activité’ et glosé par ‘ag+ql’ (on fait jeune, nouveau riche), alors que l’emploi de type faire charcutier se trouve parmi les verbes copules [13].

2.3. Bilan

24 Même si à première vue la liste des VEA repris dans LVF ne se distingue en rien de ce que l’on trouve ailleurs (cf. 2.1) – alors que la liste de semi-auxiliaires construits avec un infinitif est impressionnante – et que le concept d’attribut du sujet n’est pas une catégorie descriptive majeure dans l’ouvrage des Dubois (1997) qui tend à la subsumer dans la catégorie des compléments de manière,force est de constater que leur inventaire cache une certaine conception de l’objet : le verbe essentiellement attributif est un verbe comme les autres, sous-catégorisant et sélectionnant ses arguments, connaissant des variantes intransitives et pronominales. En outre, on ne peut que souligner que, en plus de la liste de ‘copules’ mentionnée sous (2.1), les auteurs ont eu le mérite d’identifier bon nombre de « nouveaux » VEA pronominaux en les mentionnant explicitement parmi les constructions à attribut (majoritairement) du COD, ce qui revient à reconnaître leur autonomie lexicale (cf. §5) : se révéler, s’afficher, se montrer, se donner, s’imposer, s’improviser, s’établir, se porter, se présenter comme. Ainsi, le nombre de verbes à construction attributive recensés est considérable, même si ceux-ci ne sont pas toujours fédérés autour du concept de VEA (et d’« attribut »). Tel est le cas des verbes s’affirmer, se poser, se proposer, se mettre, s’installer. Enfin, un certain nombre de verbes pronominaux, que nous considérons comme faisant partie des VEA de base, n’ont pas été retenus comme tels par les Dubois [14] : se (re)faire, s’annoncer, se feindre, s’offrir, se dévoiler, se déployer, se vouloir, se devoir, se revendiquer, se confirmer, se recomposer.

3. AUTRES INVENTAIRES

25 Le statut marginal – symbolisé par la lettre X qui vient en tout dernier lieu de la taxonomie – des copules et autres verbes (semi–) auxiliaires, dans un ouvrage tel que celui des Dubois (1997), n’est guère surprenant. Il semble s’agir d’un îlot syntaxique dans un ensemble de classes qui sont définies à partir de critères sémantiques (appuyés par des critères syntaxiques selon le principe de la solidarité syntaxe/sémantique). Mais aurait-il pu en être autrement ? Vu leur transparence – qui plus est, graduelle, au sein de la classe – au niveau de la sous-catégorisation et de la sélection sémantique, les verbes auxiliaires constituent un problème majeur dans tous les inventaires de constructions verbales. Nous illustrerons ces problèmes (3.2) après avoir présenté les grandes options qui ont été prises dans le traitement des VEA (3.1). En outre, le phénomène d’auxiliarité, et mutatis mutandis de copularité, est un phénomène graduel, résultant d’un processus graduel de grammaticalisation, ce qui pose un défi supplémentaire aux travaux d’inventorisation. Enfin, nous verrons (§5) que certains problèmes inhérents à l’attribut, comme la distinction parfois établie avec peine entre essentiel/accessoire et la tendance à l’autonomisation (lexicalisation) des constructions pronominales à élargissement attributif, rendent cet inventaire encore plus instable.

3.1. Types de traitements des VEA

26 À comparer les inventaires existants [15], on s’aperçoit que deux types de traitements majeurs peuvent être distingués. Comme nous venons de le voir, les Dubois traitent les « copules » de manière identique aux verbes (prédicateurs verbaux) « pleins », tout en les marginalisant un peu dans une classe [X]. Ce traitement, qui considère (au moins implicitement) le verbe copule comme un verbe pourvu d’une valence (aussi limitée soit-elle), est également attesté chez W. Busse et J.-P. Dubost (1983) – pratique approuvée par J. François (2003) – et dans le Dutch-French-English Contrastive Verb Valency Dictionary, un dictionnaire valenciel contrastif [16].

27 Le deuxième type de traitement part de l’idée que le verbe copule est un support verbal de la prédication (non verbale). De ce fait, le verbe copule tend à être exclu du dictionnaire de valence ou, du moins, ne reçoit pas le traitement réservé aux V pleins. Ce type de traitement est réalisé dans les tables du Lexique-grammaire (réalisées par le LADL [17][18]) et dans FrameNet (pour l’anglais) [19]. Dans le cadre du Lexique-grammaire, les adjectifs (et les syntagmes prépositionnels) sont considérés comme des prédicats nécessitant un verbe support si on veut les utiliser dans une phrase. Ce faisant, les verbes supports ne figurent plus dans les tables des verbes distributionnels, mais apparaîtront dans les tableaux des prédicats adjectivaux, qui sont actuellement en cours de développement. Par contre, les VEA se combinant avec des attributs nominaux ne passent pas pour des verbes supports et figurent dans le tableau [32NM] qui comporte les constructions du type N0 V N1 avec passif interdit, dont les verbes d’état .On y trouve rester, se révéler, (re)devenir et paraître (30 ans). On peut y ajouterêtre qui figure dans la phrase-exemple illustrant la sous-classe (mais pas dans [20] la table) : Paul (est+devient+reste) un grand poète. Les VEA y côtoient donc des verbes comme comporter, traduire, etc. Le traitement différencié des copules confirme les principes défendus par M. Gross (1981, 1996) [21] et L. Danlos (1980) pour les SP. Le fondateur du LADL va même jusqu’à situer les combinaisons VEA+SN attribut en dehors de la linguistique : les phrases classificatoires, « ne semble [nt] plus appartenir au domaine de la linguistique », puisqu’elles sont déterminées par laconnaissance de l’univers (Gross, 1981 : 49) [22]. On trouve un traitement analogue à celui des tables du LADL dans FrameNet (pour l’anglais). Les verbes supports sont mentionnés dans un sous-champ des entrées adjectivales et nominales. Ce qui importe de noter ici, c’est que si l’on pousse jusqu’au bout la logique du verbe copule support, les verbes supports ne devraient pas recevoir d’entrée spécifique dans les tables des verbes pleins (verbes distributionnels pour LADL), ce qui n’est cependant pas toujours le cas (cf. infra).

28 Enfin, un traitement hybride est attesté dans le Dicovalence. Les auteurs s’inscrivent dans la thèse de la copule comme verbe support, mais n’en prévoient pas moins une entrée verbale pour les copules (Copula). En principe, seuls les attributs adjectivaux donnent lieu à une analyse du verbe comme Copula (encore que certains verbes accompagnés d’un adjectif attribut nucléaire soient considérés comme des V pleins, ex. : sortir, s’avérer, etc.) ; les verbes qui n’acceptent que des attributs nominaux (SN, N0) sont traités comme des V pleins (simple predicators). On y trouve donc un traitement analogue à celui du LADL, à ceci près que les auteurs prévoient encore une entrée pour ces verbes dans leur dictionnaire (entrée certes incomplète, puisque le verbe n’est pas pourvu d’arguments [23], d’après la théorie des verbes supports).

3.2. Observations et réflexions

29 Face à ces travaux titanesques qui forcent le respect, les quelques observations critiques de détail n’ont pour objectif que de tracer les contours de notre réflexion en problématisant l’objet de notre recherche.

30 Premier constat qui s’impose : la longueur et la composition des listes varie (cf. tableaux reproduits sur le site de FondamenTAL). Cela est dû en grande partie à la nature complexe de l’objet à l’étude – ce qui conduit, par exemple, à ignorer tout simplement les verbes pronominaux attributifs ou à les entourer d’un flou artistique (s’agit-il d’un VEA à part entière ou d’une simple reformulation d’un tour transitif ?) –, mais aussi à un déficit de systématicité. Ainsi, sur un plan plus théorique, on note dans plusieurs inventaires (les tables du LADL,Dicovalence) une différence de traitement entre les prédicats adjectivaux (et SP) et les nominaux (N/SN). Ce traitement s’inspire de la thèse de l’adjectif comme prédicateur (élément non référentiel), analogue aux verbes, mais est en porte à faux avec le traitement que l’on trouve le plus couramment, tant dans les grammaires de référence que dans la plupart des modèles théoriques (modèles générativistes, grammaire fonctionnelle de Dik & Hengeveld, etc.), qui considèrent les noms et les adjectifs sur un pied d’égalité, comme des prédicats non verbaux (indépendamment de l’analyse en termes de small clause).Ce traitement différencié (N-Adj) suscite des questions : si on accepte la thèse du prédicat complexe, comme le font les fonctionnalistes, les auteurs de Dicovalenceet les chercheurs du LADL, pourquoi faut-il encore distinguer le traitement des prédicats adjectivaux et nominaux ? En toute logique, il faudrait aussi considérer les prédicats nominaux accompagnant des « copules » comme des prédicats supportés par un verbe support. C’est d’ailleurs l’approche adoptée par FrameNet[24], du moins en théorie [25].

31 Ces deux constats, qui traduisent un certain malaise des auteurs placés devant le problème des VEA, sont confirmés par un certain nombre d’hésitations lors de l’implémentation lexicographique des principes théoriques. On constate, par exemple, que W. Busse et J.-P. Dubost traitent les copules de la même manière que les verbes « absolus » (pleins) pourvus d’une valence, alors que W. Busse (1974) les avait isolées comme une classe de verbes morphématiques[26], à côté desverbes absolus (i.e. verbes pleins) et des verbes adjoints (i.e. les auxiliaires). L’index alphabétique des verbes distributionnels du LADL, de son côté, contient encore certains verbes VEA suivis d’un adjectif (quoique accompagnés d’un astérisque et d’un renvoi explicatif [27]) : demeurer Adj, devenir Adj, paraître Adj, rester Adj,sembler Adj, tomber Adj, se montrer Adj, se présenter comme Adj, se trouver Adj. Ce traitement, ainsi que les commentaires d’É. Laporte (c.p.), donnent à penser que les copules/semi-copules ont d’abord été traitées comme des entrées verbales à part entière et qu’il y a eu une évolution dans la pensée théorique. Cette impression est confirmée par le fait que certaines combinaisons de VEA+Adj sont traitées malgré tout comme des entrées ‘complètes’ dans certaines tables, ce qui pourrait aussi être dû au fait qu’on ne les considère peut-être justement pas comme des copules : sortir, virer, se retrouver, se révéler, se vouloir. Enfin, la table [32NM] n’est pas complète, car les verbes demeurer, sembler, tomber, se montrer, etc. – qui sont mentionnés parmi V+Adj – n’y figurent pas.

32 Le traitement des copules dans FrameNet est en contradiction avec les préceptes énoncés dans le manuel [28]. Les VEA « supports » manquent en général dans les entrées des prédicats adjectivaux/nominaux et s’ils y apparaissent, leur nombre est très limité : par ex. eager, supports : look, turn ; crucial, supports :become, remain. Notons que be fait défaut. En revanche, des verbes comme become et la famille des verbes évidentiels appear, look, sound, etc. sont encore traités comme s’ils étaient des verbes pleins, pourvus d’un cadre valenciel (frame)[29].

33 Enfin, certains inventaires semblent faire écho à une évolution concernant le traitement des copules, ce qui souligne qu’il s’agit d’une classe qui a donné du fil à retordre. Il a déjà été question du traitement VEA+Adj parmi les verbes distributionnels, pratique dénoncée comme « constestable » par É. Laporte (c.p.). De même, le Dicovalence n’a reconnu que tout récemment une catégorie decompléments de manière « interne » (Pmi) (P. Mertens, c.p.). Il s’agit de constituants attributifs qui, dans un premier temps, n’étaient pas distingués des compléments de manière[30] (qui se pronominalisent de la même manière, en comment, tel, etc.) ; l’étiquette Pmi n’est pas utilisée pour les verbes « copules », car ceux-ci sont toujours considérés comme n’ayant pas d’arguments.

34 En définitive, la comparaison de quelques inventaires a montré que les VEA n’ont pas été une priorité dans leur constitution [31], et que la liste des VEA n’est pas encore stabilisée. En outre, les hésitations que nous avons constatées dans les tables de LADL et pour Dicovalence révèlent une tension sous-jacente entre deux conceptions antagonistes qui entourent la constitution de dictionnaires de constructions :

35

  • une conception syntaxique : inventaire de formes verbales (verbes recteurs) ;
  • une conception sémantique : inventaire de prédicats sémantiques (impliquant aussi des prédicats nominaux et adjectivaux, et donnant lieu à l’exclusion des « verbes supports » – à la fois copules et V supports).

36 Nous avons vu que, dans la pratique lexicographique, les dictionnaires de valence aboutissent à des compromis variés.

4. VERS UN INVENTAIRE PLUS COMPLET

4.1. Méthodologie : sources et procédure de sélection

37 Voici la stratégie globale que nous préconisons : constituer une liste exhaustive (la plus exhaustive possible) des verbes à attribut du sujet nucléaire (§1), en partant d’un inventaire maximal, quitte à introduire, par la suite, des distinctions conceptuelles supplémentaires ou des gradations sur un continuum. Nous avons opéré une distinction formelle entre deux groupes de VEA : les VEA non pronominaux (être, devenir, faire, tomber, passer, etc.) d’une part, et les verbes pronominaux (s’avérer, se révéler, se montrer, etc.) d’autre part.

38 Pour les verbes non pronominaux, la liste est basée sur une recherche de la structure ‘Verbe + (prép.) +Adj’ dans Frantext catégorisé (1980-2000), dans des sources lexicographiques (TLFi ; dictionnaires de valence mentionnés supra), dans les inventaires proposés par D. Leeman (1996), B. Lamiroy et L. Melis (2005), ainsi que dans trois grammaires de référence : Le Bon Usage (Grevisse & Goosse 2008), Grammaire critique du français (Wilmet 2007) et Grammaire méthodique du français (Riegel et al. 2007). Ces données ont été complétées, en outre, par des exemples repérés via Google.

39 Pour les verbes pronominaux, la liste maximale a été constituée directement à partir de Frantext catégorisé (1950-2009, tous textes sauf poésie) et d’un corpus journalistique (Le Monde sur CD-Rom). Dans Frantext, nous avons repéré toutes les formes des verbes pronominaux [32] suivis, à une distance maximale de deux mots, d’un attribut adjectival, nominal ou d’un attribut en comme. Pour les structures en comme, la liste des verbes repérés fut complétée par celle établie par E. Tobback (2005) à partir d’une recherche sur comme dans le corpus journalistique Le Monde sur CD-Rom (+/- 180 entrées verbales). Ce corpus a également permis de glaner çà et là quelques verbes pronominaux accompagnés d’un attribut sans comme. La liste initiale de verbes, ainsi établie, a ensuite été traitée manuellement pour éliminer :

40

  • les exemples comportant des attributs périphériques se greffant sur des verbes pronominaux : p. ex. elle se montre nue devant la fenêtre (‘elle apparaît nue’) ;
  • les exemples qui pouvaient être analysés comme une simple reformulation d’une construction à attribut du COD (essentiel), que ce soit en interprétation réfléchie (ou réciproque) ou passive :

41

[réfléchi] inculpé de trahison pour s’être proclamé président du Nigéria [LM] < on l’a proclamé président du Nigéria.
[passif] la recherche universitaire ne peut se concevoir qu’au service de la qualité des enseignements < la recherche universitaire ne peut être conçue qu’au service [...] ; on ne peut la concevoir que [...].

42 Ces possibilités de reformulation sont indépendantes de la présence d’un attribut et s’inscrivent dans le système de reformulations productives inhérentes au tour pronominal (cf. Melis 1990). Aussi ne sont-elles pas pertinentes pour détecter de nouveaux VEA. De ce fait, seuls les verbes pronominaux attributifs, qui apparaissent comme autonomes par rapport à la construction à attribut du COD et aux autres constructions du verbe, ont été inclus dans notre inventaire. À noter que le concept d’« autonomie » pose un certain nombre de problèmes à l’analyse (cf. §5.3).

43 Enfin, tant pour les verbes pronominaux que pour les verbes non pronominaux, nos listes maximales ont profité des inventaires existants (Dubois, LADL, etc. cf. supra).

4.2. Résultats : un inventaire plus complet que les inventaires existants

44 Notre examen aboutit ainsi à deux inventaires : un inventaire des verbes non pronominaux et un inventaire des verbes pronominaux.

4.2.1. Inventaire des verbes non pronominaux

45 Le premier inventaire est celui des VEA ‘simples’, c’est-à-dire non pronominaux, classés d’après leur sens. Étant donné le statut attributif incertain des SP, nous avons limité l’inventaire des catégories aux adjectifs, noms nus (N?) et SN pleins (définis et indéfinis). D’autres catégories mineures (cf. Lauwers 2009) n’ont pas été examinées. Pour les spécimens moins connus, nous avons fourni un exemple ou des items lexicaux attestés en position d’attribut (Frantext, Google) [33]. Les constructions taxées de régionalisme ou jugées stylistiquement marquées par les locuteurs natifs que nous avons consultés sont précédées d’un ‘?’.

46

a. État
Être [A, N?, SN]
Faire ‘exercer un métier/une fonction (occasionnellement)’ [N? , SNdéf] : Il fait charcutier ; Tu fais le dj ce soir ?
Faire ‘être classé’ [A] : Il a fait troisième dans le Tour de France.[34]
Afficher [A] : Les hôtels affichent complet(s).
Aller ‘être vêtu d’une certaine manière’ [A] : Ma femme va toujours court-vêtue.
Vivre ‘mener un certain type d’existence’ [A, N?] : Elle vit heureuse ; Il a vécu esclave (somnambule, frère, esclave, mari et femme, garçon, vierge, martyre, etc.). [Ftxt]
Naître (être né) ‘être un vrai X, être X pur sang’ [A, N?] : Tu es né maladroit ou tu t’entraînes ? [Gg] ; Il est né musicien.
Répondre [A] : Elle a répondu présent(e), absente.
Déclarer [A] : Elle a dû déclarer forfait(e).[35]
b. (Absence de) changement d’état
(Re) devenir [A, N?, SN]
Rester [A, N?, SN]
Demeurer [A, N?, SN]
Passer [A] [36] ‘rester’ : Le problème est passé inaperçu. Passer [N] ‘devenir’ : Il est passé colonel.
?Tourner (régionalisme ou populaire ; Bon Usage, p. 263) [A, N?] : Partout où je m’amène tout tourne pourri, sol et végétaux et bétail [...] [Ftxt], cf. tourner noir, gaga/fou[37] , pourri, laid (= figé : ‘tourner mal’) ; ça tourne catch/judo sur ce lit mortuaire [Ftxt], cf. tourner masochiste [BU], misère [BU], voyou [Ftxt, Gg], communiste [Gg], canaille [Ftxt] ; Figés : (en) bourrique, vinaigre.
Tourner+SP locatif abstrait (en/à) [N? après en, SN] : tourner à l’aigre, tourner à l’orage[Riegel], à l’anorexie [Dicovalence] ; Ça tourne en migraine, en obsession, en dispute, etc. ?
Retourner ‘en revenir à un stade antérieur’ (régionalisme ou populaire ; Bon Usage, p. 263) [A, N?] : quitter la boulimie pour retourner anorexique [Gg] ; Bien qu’il soit en fait plus vieux que ce qu’on pourrait penser, il est retourné enfant à cause de l’effet de la Malédiction Minus [Gg], cf. retourner bébé [BU, Gg], enfant, célibataire[38] , femme[39], etc.
Virer ‘devenir’ [fr. hexagonal familier ; Bon Usage, p. 263)] [A, N?] : Toutes ses tentatives de fabrication de fromages viraient minables [Ftxt], cf. virer malhonnête [Wilmet], blonde/noir, amère ; Virer communiste, faussaire, assassin, gay [LexGram], etc.
Virer+SP locatif [N? après en, SN] : comment éviter de virer en blonde [Gg] ; [une appendicite qui vire] à la péritonite [Gg] ; virer à l’engueulade [Gg], à un déterminisme psychologique [Ftxt] ; à l’automatisme [Ftxt].
(Re) tomber ‘devenir ; évolution ‘en mal’, qu’on doit subir’ [A, N?] : tomber malade ;tomber veuve[40].
Vivre ‘atteindre un âge (respectable), être X à l’heure de la mort’ [A] : vivre centenaire/vieux.
?
Venir ‘devenir’ (régionalisme de l’Est, en Suisse, dans le Midi et dans les fr. d’Amérique ; s’en venir au Québec ; Bon Usage, p. 263) [A, N?] : C’est en venant vieux que vous êtes venu couillon ou c’est de naissance [BU] ; Tu me ferais venir chèvre [formule fréquente dans le Midi, BU].
?
Arriver ‘devenir’ (régionalisme : Bretagne ; Bon Usage, p. 263) : Toi, tu n’es pas arrivé vieux comme moi [BU].
c. État-phase
Commencer ‘être X dans un premier temps’ [A ?, N?] : Cette montagne, dans le jour, à mon arrivée, commençait verte, devenait grise, finissait blanche [Ftxt] ; Mitterrand a commencé nationaliste pour finir socialiste et Chirac a commencé communiste pour finir gaulliste [Gg], cf. aussi <métiers>.
Finir ‘être finalement X, être X dans son dernier stade’ [A, N?, SN ?] : Finir gros, tranquille, seul, etc. ; vin qui finit Adj, la bourse finit affaibli (sic) ; cf. exemples sous ‘commencer’ supra ; il a fini le joueur qui a tué le plus de soldats dans le speed3 et 4 ! [Gg].Finir en [N? après en] : Tout révolutionnaire finit en oppresseur ou en hérétique [Ftxt].
Arriver ‘être classé X’ [A ?, N?] : Arriver pure au mariage ; arriver (bon) premier/dernier/second, vierge (au mariage) ; Elle arrive meilleur femelle (devant la classe champion) et meilleur de race (sic) [Gg].
Tomber en [N? après en] : en désuétude, en poussière.
Partir ‘être X avant événement’ (visée prospective) : il part battu ; il part gagnant/favori.
(Res) sortir X (de) ‘finir par être à la suite d’une expérience’ [A, N?] : indemne, secoué, renforcé, exsangue, affaibli, victorieux, plus favorisés, intelligent, etc. [LM] ; vainqueur, champion, homme, etc.
d. Modalité : épistémique/évidentiel
Sembler [A, N?, SN]
Paraître [A, N?, SN]
Apparaître [A, N?], apparaître comme [A, N?, SN] : L’homme peut apparaître victime du séducteur [Ftxt].
Faire (évidentiel) [A, N?, SN] : ça fait chic ; avec ses lunettes il fait très prof de fac ; il fait le fou ; il ferait un bon premier ministre [cf. Lauwers 2008].
Avoir l’air [A, de+SN] : il a l’air d’un imbécile.
Passer pour [A, N?, SN],? passer comme [SN, A, N?] : ce qui passait comme impossible à atteindre devient possible [Gg] ; le premier abruti qui passait comme prof [Gg] ; sur passer [A] (cf. supra a.) : un monsieur qui passait comme un petit-fils de Girardon [Gg ; de Goncourt ; Demailly] [41].
Poser à [SNdéf] ‘faire le N’ : poser au malin [BU].
Poser [SNdéf] ‘faire, jouer le N’ : poser l’érudit [BU].
Poser pour [A] : poser pour tolérant [BU].

47 Cette liste pourrait être complétée par la famille constituer (former, représenter, etc.), des verbes qui sont toujours suivis de SN. On en trouve la liste, entre autres, dans D. Leeman (1996) et dans la table [36NM] du Lexique-grammaire. Le complément de ces verbes présente des caractéristiques qui le rapprochent de l’attribut du sujet : une passivation qui n’est pas impossible (Leeman, 1996 : 193 ; Grevisse & Goosse, 2008 : 261-262), mais qui est quand même moins naturelle, le maintien de l’article indéfini sous la négation (au lieu de de) et l’absence de sujets indéfinis spécifiques.

4.2.2. Inventaire des verbes pronominaux

48 L’inventaire des VEA pronominaux ne contient que des verbes qui se présentent comme entièrement autonomes par rapport aux autres constructions du verbe de base (que ce soit une construction à attribut de l’objet ou une construction intransitive non attributive du verbe) et qui, de ce fait, méritent incontestablement leur place dans notre inventaire. Ils ont été regroupés d’après leur sens. Pour les spécimens moins connus un exemple attesté a été fourni. Les catégories mentionnées sont celles qui sont attestées dans nos corpus (Frantext/Le Monde) et dans le TLFi.

a. Verbes pronominaux attributifs modaux

a1. Groupe évidentiel (type se révéler) / épistémique (type s’annoncer)

49

S’avérer [A, N?, SN], s’avérer comme [A, N?, SN] (cf. Tobback & Lauwers à par.).
Se révéler [A, N?, SN], se révéler comme [A, N?, SN] (ibid.).
S’affirmer[42] [A, N?, SN], s’affirmer comme [N?, SN] : mon vaccin datant d’au moins huit ans s’affirmait caduc [Ftxt] ; le besoin d’un service de relations publiques [...] s’affirme comme l’une des urgences de notre temps [Ftxt].
Se confirmer [A], se confirmer comme [SN] : le fond de sa nature se confirmait irréductible[Ftxt] ; Je voulais à l’époque en découdre avec les survivances d’un esprit de chapelle archaïque et l’arrivée des antiquaires ? En peu de temps, les uns se sont confirmés comme les derniers tenants poussiéreux d’une activité critique appliquant aveuglément la politique des auteurs.
S’afficher [A, N?], s’afficher comme [SN] : Dans les gazettes, les hommes s’affichent enthousiastes compagnons de route du féminisme [...].
Se trouver [A, N?] : la réglementation se trouve inexistante [Ftxt].
Se faire [A] : [sujet animé ; +volitif : ‘se montrer’] Plus il se ferait humble et plus il serait grand ; [sujet inanimé : ‘apparaît comme, se présente comme’] Le boîtier se fait discret(cf. Lauwers & Duée, sous presse).
Se montrer [A, N?, SN], se montrer comme [SN] : le héros se montre grand dans toutes les circonstances de sa vie [Ftxt].
S’annoncer [A, SN], s’annoncer comme [A, N?, SN] : la nuit s’annonce transparente et douce ; l’acide pyridilacétique [...] s’annonce comme particulièrement intéressant ; [...] un hiver qui s’annonçait un long carême [Ftxt].
Se donner comme/pour ‘vouloir passer pour’ [A, N?, SN] : un homme se présenta chez lui, qui refusa de se nommer, mais qui se donna comme chevalier de Malte [Ftxt].
Se porter [A, N?], se porter comme/pour [N?, SN] ‘Se présenter, se faire connaître en tant que, se déclarer comme’ [TLF] : se porter malade, volontaire, candidat, acquéreur ; se porter comme le défenseur, le représentant de qqn/qqch, se porter comme médiateur, se porter pour arbitre, pour le répondant de qqn [TLF].
Se feindre [A] : elle se feint blessée [Ftxt].

50 Notons que se donner y ajoute une idée de feinte, d’apparences trompeuses.

51 Au modèle s’afficher (comme) se rattachent toute une série de verbes pronominaux qui tous soulignent la certitude avec laquelle l’attribution des propriétés se fait, le plus souvent grâce à une dimension évidentielle directe, l’objet s’offrant au regard de l’expérienceur (Willet 1988) :

52

Se présenter [A], se présenter comme [A, N?, SN] : La papauté se présente immuable depuis dix-sept siècles [Ftxt] ; La construction proposée ne se présente pas comme une panacée[Ftxt].
S’offrir comme (‘se présenter comme’) [N?, SN] : Le duc de Béthune Charost qui s’offrait comme roi [Ftxt] ; Alors, l’universalisme libéral, soutenu par une seule économie dominante : la Grande-Bretagne, s’offrait comme un idéal peu contestable [Ftxt].
Se manifester comme [A, N?, SN] : Le tout se manifeste comme plus grand que la simple somme des éléments dont il est formé [Ftxt].
Se dévoiler comme ‘se révéler’ [N?, SN] : À ce niveau, elle [= la colonisation] se dévoile comme un processus de désintégration et de réintégration de l’espace africain [Gg].
Se déployer comme [SN] : Il y a d’une part que ce livre se déploie comme le point de vue d’un historien qui établit une recension encyclopédique des opinions établies [Gg].
?Se poser comme [N?, SN] : L’interdiction de la circulation automobile qui se pratique déjà dans certaines villes de province se pose alors comme une évidence [LM].

a2. Groupe déontique

53 Le second groupe exprime une propriété qui doit être réalisée :

54

Se vouloir [A, N?, SN] : Il se voulait le vivant exemple [Ftxt].
Se devoir [A] : un ensemble qui se doit harmonieux [Ftxt] [43].
Se revendiquer comme [A, N?, SN] : Le candidat Bayrou, qui se revendique comme « ambitieux et médiatique » [LM].
Se proposer comme [SN] : Elle se propose comme une théorie fondamentale du champ de gravitation [Ftxt].

55

S’imposer comme [A, N?, SN] : La voie du Rhin s’imposait comme la plus économique[Ftxt].

56 Avec se vouloir il s’y greffe en plus l’idée d’une volonté de paraître. Dans le cas de s’imposer comme, il n’y a plus aucun glissement de sens à noter entre s’imposeret s’imposer+attribut :

b. Verbes pronominaux attributifs aspectuels : ‘devenir’ (changement d’état ; emploi résultatif)

57

Se (re)faire (‘ (re)devenir’) [A, N?, SNdéf] : Est-ce le souvenir qui se refait présent ici ?[44] ;il se fait moine ; il se fait la porte-parole des sans abris (cf. Lauwers & Duée).
Se rendre [A, N?] : L’état français se rendait acquéreur, pour la somme de 25 millions, d’Havas-information [Ftxt].
Se (re)mettre [A, N?] : Deux ans plus tard, il se remit flic [Ftxt] ; Qu’il se mette bibliothécaire, comme moi [Ftxt] ; se mettre nu.
Se retrouver [A, N?], se retrouver comme [N?, SN] ‘se trouver dans des dispositions nouvelles, après une expérience, un événement’ [TLFi] : Pilar, un beau jour, se retrouva enceinte [Ftxt] ; Le père se retrouve comme jumeau de son enfant ; Le gros se retrouve comme un con [Ftxt].
S’installer [N?], s’installer comme [N?] : ll s’installa (comme) avocat à Aubusson.
S’improviser [N?] : On s’improvise explorateurs.
S’établir comme [N?, SN] : Jamais l’arbre, dans le monde du songe, ne s’établit comme un être achevé [Ftxt].
Se recomposer [N?] : Elles cessent même un bref instant de s’affairer ou de se diviser et se recomposent femme pour se mesurer à lui [Ftxt].

5. CAS-LIMITES ET DYNAMIQUE DE L’INVENTAIRE

5.1. Les casse-têtes

58 L’inventaire des VEA pose un certain nombre de problèmes. Traditionnellement, les auteurs hésitent à inclure dans l’inventaire des VEA un certain nombre de cas-limites :

59

  • verbes du type constituer, former, etc. +SN (cf. inventaire supra) qui expriment un sens agentif proche de ‘former’, mais qui après désémantisation en viennent à exprimer une relation d’identité analogue à celle marquée par le verbe être. Parallèlement, le complément postverbal s’éloigne du statut de COD et se rapproche d’un attribut.
  • verbes se construisant avec un SP locatif abstrait comportant un SN et une préposition (presque) fixe (tomber à, tomber en) [45] :
    1. Ça tourne à l’anorexie/en migraine ; virer à l’engueulade ; virer (sur/vers) le rouge.
    2. Tomber en morceaux, en poussière, en faillite, etc.
    3. Le bœuf va finir en biocarburant ! Finir en oppresseur. Ils vivent en ermite(s) ;
  • verbes du type se conduire en/comme et se comporter comme dont le complément adverbial de manière essentiel se rapproche parfois d’un attribut du sujet (p. ex. ils se conduisent en tyrans), comme il ressort de l’accord ;
  • certains verbes ou locutions résultant d’un processus de réanalyse : (a) de l’adjectif épithète en adjectif attribut (avoir [l’air (adj)] > locution [avoir l’air] adj) ; (b) afficher complet/répondre présent/absent.

60 Ces deux derniers trouvent leur origine dans un emploi autonymique : Il n’y avait eu qu’elle à pouvoir apprécier difficilement la nouvelle institution : elle s’était postée à l’arrêt de la rue de la Verrerie, mais cinq carrosses étaient passés devant elle en affichant « complet » ! [Ftxt].

61 L’origine autonymique de la locution afficher complet se reflète encore dans les hésitations face à l’accord : l’absence d’accord s’observe encore dans 15 600 exemples (« affichent complet »), contre 38 700 exemples avec accord (« affichent complets »). L’accord au féminin pluriel se présente dans 46 cas. Un procédé analogue semble avoir été à la base de répondre présent[46], et par extension, de répondre absent.

62 Nous avons opté pour une approche maximaliste, aboutissant à un inventaire aussi exhaustif que possible qui pourrait, dans un deuxième temps, être affiné à l’aide de critères supplémentaires, éventuellement dans le cadre d’une approche prototypique. Dans ce qui suit, nous pointerons les mécanismes qui sont à la base de l’extension considérable de l’inventaire auquel notre recherche a abouti :

63

(i) nous avons identifié de nouveaux attributs essentiels, qui se combinent avec des verbes intransitifs (non pronominaux) accompagnés en général d’un attribut du sujet (AS) non essentiel, qui sont à peine désémantisés, mais qui ont un AS essentiel sous certaines conditions : vivre heureux/vieux, finir gros, partir gagnant, etc. ;
(ii) de nouveaux verbes attributifs pronominaux ‘autonomisés’ ont été ajoutés, c’est-à-dire des verbes pronominaux qui peuvent [47] être construits « intrinsèquement » avec des attributs du sujet essentiels (cf. 4.1 pour une définition).

64 Cette double extension de l’inventaire traditionnel ne s’est pas réalisée sans problèmes, tant du côté de (i) et de (ii). Cela n’est guère surprenant, étant donné que l’analyse de l’inventaire révèle une certaine dynamique qui n’est guère compatible avec des jugements tranchés. Quant à (i), il faut noter que bon nombre de verbes intransitifs attirent dans leur valence des attributs non essentiels à travers un certain nombre de mécanismes sémantiques (5.2). Quant à (ii), en plus des mécanismes d’incorporation valencielle, les rapports entre les emplois pronominaux ‘copules’ et les autres emplois du verbe (pronominaux et non pronominaux) tendent à se relâcher, suivant en cela la tendance vers l’autonomisation qui caractérise les tours pronominaux en général et aboutissant à des nuances de sens subtiles, mais plus ou moins généralisables. En clair, l’inventaire aurait pu être plus long encore mais, pour l’instant, il nous est apparu plus opportun de renvoyer à « l’antichambre » un certain nombre de classes de verbes qui présentent des effets de sens analogues, mais qui devraient être examinés dans le cadre d’études plus détaillées (5.3).

5.2. Les verbes attributifs ‘simples’ : mécanismes d’incorporation valencielle

65 Comme tout complément essentiel, l’attribut pose des problèmes de délimitation par rapport aux constituants accessoires (ou périphériques), ce qui complique le travail d’inventorisation. À confronter les constructions attributives avec les autres constructions du verbe, on peut dégager des glissements de sens subtils (affectant le verbe) qui justifient un traitement en termes de verbe+attribut essentiel. Ainsi, vivre dans vivre heureux signifie ‘passer sa vie’ alors que vivresignifie ‘être en vie’ (Leeman, 1996 : 191). De même, naître+Npr signifie ‘avoir pour nom à la naissance’, qui n’a plus grand-chose à voir avec l’acte de naissance :On naît prince des Asturies comme on naît Dupont ou Durand. Donc un prince, c’est quelqu’un comme vous et moi [Gg].

66 Dans d’autres cas, l’attribut n’est pas suppressible, sans que l’on puisse vraiment faire état d’un glissement sémantique. Si on peut encore supprimer l’attribut (périphérique) dans ressortir vivant de sous les décombres, cela n’est plus possible dans ressortie grandie/victorieuse de l’épreuve (Leeman, op. cit. : 191).L’exemple de commencer+Nom nu est encore plus subtil : Il a commencé petit commerçant/communiste (pour finir socialiste).

67 Cette dernière construction se distingue de la construction à attribut périphérique où commencer fonctionne comme un verbe transitif avec un COD ellipsé :J’ai commencé [la muscu] maigre à 55 kg pour 1m76 [Gg].

68 La plupart de ces cas-limites que nous avons inclus dans notre inventaire sont le résultat d’un certain nombre de mécanismes d’incorporation valencielle qui ont abouti à la création de nouveaux VEA. Le premier mécanisme consiste dans la redistribution de la charge prédicative aboutissant à un nouvel équilibre sémantique entre les deux composantes de la prédication complexe : arriver, finir,passer (inaperçu). Ce procédé peut être illustré par les exemples (1a-b-c).

69

(1) (a) L’athlète est arrivé tout souriant. (‘atteindre la ligne d’arrivée [après avoir
parcouru une distance] dans un certain état’)
(b) L’athlète est arrivé troisième. (‘atteindre un certain état en arrivant, après avoir
parcouru une distance constituant une épreuve’)
(c) Ce musicien est arrivé troisième au concours R. Elisabeth. (‘atteindre un certain
état (à la fin d’une épreuve)’ ; cf. mécanisme 2)

70 Dans (1b), l’état résultatif l’emporte déjà sur l’action : ce qui compte, c’est le classement obtenu à la ligne d’arrivée ; l’action même d’arriver est rejetée au second plan. Ce processus de désémantisation affectant le verbe arriver se voit complété par une métaphore dans (1c).

71 Ce mécanisme est souvent complété par un second mécanisme qui repose sur une métaphore qui transpose l’idée d’un mouvement dans l’espace (aboutissant à un état résultant) à un mouvement dans l’espace temporel (l’extension temporelle) lié à un événement : passer/partir/tomber/sortir. Ainsi, dans (1c), le référent sujet atteint un certain état au bout d’une épreuve (un concours artistique), c’est-à-dire d’un événement qui s’étend dans le temps. Il n’est plus question d’un déplacement dans l’espace (l’arrivée de qqn à un endroit donné). Enfin, un certain nombre d’autres glissements de sens peuvent être mis sur le compte de la métonymie. Quand on compare, par exemple, vivre heureux[48] avec vivre vieux/âgé/cinquantenaire, on relève un passage d’un état concomitant à un état résultant :

figure im6

72 Les emplois attributifs de partir (gagnant/battu) et de naître (être né) (musicien/malin) subissent un mécanisme métonymique comparable mais, dans ce cas,l’état résultant a une orientation prospective. On opposera ainsi partir content(attribut non essentiel) à partir gagnant :

figure im7

73 On notera que le verbe partir se charge d’une nuance épistémique (‘X sera sans aucun doute Y’), voire « subjective ». En effet, dans partir gagnant (ex. le cheval part gagnant), l’expérienceur ou le conceptualisateur (Langacker 1990) – qui coïncide avec le sujet parlant+tous les spectateurs – détient un rôle dans la présentation de l’état de chose : on peut dire, en effet, que le conceptualisateur imagine l’état résultant (le cheval gagnera) dès la phase initiale de la course (ou même avant ?) : le conceptualiseur le voit gagnant... Dans le cas de naître, ou plus précisément de la construction figée être né, il s’y greffe une implicature : si on attribue à quelqu’un dès sa naissance une propriété X, que, en toute logique, il ne peut pas encore avoir à ce moment-là, c’est qu’il est/sera X à un haut degré.

74 Il va sans dire que ces mécanismes ont un intérêt diachronique et théorique évident dans la mesure où, sur la base de données purement synchroniques, ils jettent de la lumière sur les processus de copularisation, qui peuvent être comparés à l’aune des parcours d’auxiliarisation reconnus dans la littérature (Hengeveld 1992 ; Stassen 1997). Ces processus sont souvent mal documentés, car ils remontent le plus souvent à des époques anciennes. La plupart de ces procédés impliquent une réanalyse de la suite V+attribut (périphérique). Rappelons que la réanalyse semble également avoir joué un rôle de premier plan dans la création des locutions avoir l’air ADJ et afficher complet, répondre présent. Dans d’autres cas, ce sont surtout les changements sémantiques ayant affecté le sens du verbe qui semblent avoir joué un rôle, comme dans le groupe constituer et les VEA nés d’un verbe de mouvement suivi d’un SP locatif. Enfin, dans d’autres cas encore, l’insertion de comme semble avoir favorisé l’attraction d’attributs périphériques (cf. 6.1).

5.3. Les verbes attributifs pronominaux

75 En plus des problèmes liés à la distinction essentiel/accessoire, les VEA pronominaux posent une série de problèmes supplémentaires liés à la dynamique qui caractérise les procédés à la base de leur formation.

76 Quant à l’opposition essentiel/accessoire, en (2) on peut encore omettre l’attribut (Des exploitants qui se choisissent), mais le sens du verbe/de la construction change quelque peu : il s’y ajoute une intentionnalité (‘ils se veulent complémentaires’) ou une orientation téléologique (le choix est orienté par un désir de complémentarité) :

77

(2) Il aurait, au contraire, fallu des exploitants qui se choisissent complémentaires tant
au point de vue des compétences que des caractères.

78 De manière globale, les verbes attributifs pronominaux semblent être le résultat de deux procédés de formation, qui ont parfois pu s’enchevêtrer et qui seront présentés respectivement en (5.3.1) et (5.3.2) : (i) à partir d’un verbe pronominal intransitif, suivi du mécanisme d’incorporation valencielle d’attributs périphériques ; (ii) à partir de la construction à attribut du COD.

79 Si, pour bon nombre des verbes repris dans notre inventaire, cette double origine n’est plus visible en synchronie, il n’en est pas de même pour certains, qui restent plus proches de leur emploi non pronominal de base. C’est surtout à partir de ces verbes (qui n’ont pas encore été retenus dans notre inventaire) que nous allons illustrer les mécanismes à l’œuvre. Enfin, nous allons tirer quelques conclusions provisoires sur la création de verbes pronominaux attributifs (5.3.3).

5.3.1. Incorporation valencielle d’attributs périphériques

80 Au fond, le mécanisme est identique à celui décrit en (5.2) à ceci près que la construction pronominale a d’abord dû s’intransitiver en emploi neutre (c’est-à-dire ni actif, ni passif) avant de se combiner avec un attribut. On aurait donc le parcours suivant :

81

(i) verbe transitif en emploi pronominal (reformulation d’un tour transitif) : p. ex.Les secrets ne se révèlent qu’en toute confiance ? ne peuvent être révélés qu’en toute confiance ;
> (ii) emploi pronominal à interprétation ‘neutre’ (fusion des actants ; intransitivisation, car on note un glissement de sens par rapport à la construction transitive, ce qui rompt les rapports de reformulation) : p. ex. La vierge s’est révélée ; L’espoir du cyclisme belge s’est révélé dans l’ascension du Tourmalet ;
> (iii) verbe intransitif (pronominal) +attribut périphérique : p. ex. La vierge s’est révélée voilée ‘apparaître voilée’ ;
> (iv) verbe intransitif (pronominal) +attribut essentiel : p. ex. Elle s’est révélée capable d’un tel exploit.

82 On peut supposer que cet éventail d’emplois reflète l’évolution du verbe, qui va de (i) à (iv), mais cela reste à vérifier dans des corpus diachroniques [49]. Ces emplois peuvent coexister en synchronie mais non nécessairement, comme le montre le cas de s’avérer (Tobback & Lauwers à par.).

83 Le passage de l’étape (iii) à (iv) peut être illustré à l’aide de données synchroniques, notamment par des VEA qui pour l’instant sont encore « en ballotage » et dont l’étude détaillée est en cours (Tobback & Lauwers en prép.). Pour les intégrer définitivement à la liste des VEA ‘de base’, il faut voir si l’on peut mettre au jour des glissements de sens (idiosyncrasiques) plus importants, indices d’une autonomie lexicale plus grande.

84 Parmi les verbes pronominaux intransitivés, plusieurs sous-ensembles plus ou moins homogènes peuvent être distingués. Tout d’abord, les verbes exprimant un état basé sur une conceptualisation impliquant un « mouvement virtuel ou fictif » (fictive/virtual motion ; voir Talmy 1996 ; Brandt 2009) : se dresser, s’élever,s’aligner, se détacher (comme), se découper, s’étendre, s’ouvrir et se dessiner comme. Un nombre important de ces verbes se construisent avec un attribut périphérique qui tend à devenir essentiel. Prenons un exemple : la maison du parti nazi, qui se dresse colossale sur la place des musées. Il n’y a aucun mouvement réel à détecter dans le verbe se dresser ; ce qui compte c’est la description d’un état (‘elle est colossale’), qui se fait cependant par le biais d’un changement de position selon le procédé appelé fictive/virtual motion.

85 Ensuite, plusieurs verbes pronominaux intransitivés se caractérisent par la présence d’une composante aspectuelle. Ainsi, certains verbes comme se constituer (comme), s’instituer (comme), se fixer comme et se développer comme expriment un état résultant d’un processus de formation, qui est passé au second plan : La paléographie grecque s’est constituée comme science en occident ; se constituer partie civile.

86 Ce processus de changement est encore plus explicite dans se métamorphoser, se transformer en, se changer en et se muer en. Les rapports parfois très complexes avec les autres constructions de chacun de ces verbes mériteraient étude. D’autres, enfin, comme se tenir, se garder et se maintenir expriment la permanence dans un état (‘rester’) : La masse moléculaire se maintient constante pendant un certain temps [Ftxt].

5.3.2. Autonomisation par rapport à une construction à attribut du COD

87 Une deuxième source de renouvellement de l’inventaire des VEA ne concerne que les verbes pronominaux dans la mesure où le procédé repose sur l’existence d’une construction à attribut de l’objet. On constate, en effet, que bon nombre de verbes pronominaux attributifs autorisent aussi une construction [50] à attribut du COD, dont ils se démarquent plus ou moins. Ici réside le principal problème de toute tentative d’inventorisation : jusqu’à quel point les V pronominaux+attribut constituent-ils des verbes à attribut du sujet (= copules), et donc, méritent-ils de recevoir une entrée (ou sous-entrée) spécifique dans le dictionnaire de valence ? Rappelons que, dans notre tableau, nous n’avons retenu que les cas « clairs », c’est-à-dire les verbes attributifs de type pronominal qui se sont émancipés de la construction à attribut du COD (se faire, se vouloir, etc.). Mais, en plus de ces verbes incontestablement attributifs, on en recense d’autres pour qui le lien avec la construction à attribut du COD (que ce soit en interprétation réfléchie oupassive) est encore assez net, même si des glissements de sens, plus ou moins généralisables, se sont produits.

a. Verbes de nomination (type : s’appeler)

88 Ce groupe de verbes autorise encore une construction à attribut de l’objet (on l’appelle Urbain ; il est appelé Urbain ; ‘nommer’), mais la construction pronominale présente un glissement de sens assez subtil dû à un processus d’autonomisation qui aboutit à l’acception ‘avoir pour nom/statut’ : se nommer, se dénommer, se prénommer, s’intituler, se désigner comme, se définir comme, se déterminer comme. Certains de ces verbes sont proches sémantiquement des verbes du type ‘se présenter ’, à ceci près qu’ils renvoient en plus à un acte de nomination/désignation.

b. Verbes de communication atténués (type : se déclarer)

89 Dans le même sens, la construction pronominale attributive provoque une atténuation de la valeur performative liée à l’acte de la parole engageant un locuteur et un interlocuteur. Parallèlement, le verbe s’ouvre à l’attribution de propriétés qui ne sont accessibles que par voie d’introspection et qui ne peuvent pas être « dites » d’autrui en utilisant le même verbe : elle se déclara amoureuse de lui ; le mystique s’avoue incapable de décrire ce qu’il a ressenti. On ne peut pas déclarer qqn amoureux ni avouer qqn incapable de décrire ce qu’il a ressenti (cf. également se dire,s’étiqueter, se prétendre, se proclamer, se réputer, se confesser comme, se reconnaître). Ce dernier, utilisé en combinaison avec un adjectif comme coupable (il se reconnaît coupable, Melis, 1990 : 64-65), en vient à signifier ‘s’avouer’. Il exprime donc un aveu intériorisé, là où dans une structure à AO, le verbe a un sens plutôt performatif (à travers un acte de parole officiel) : on l’a reconnu coupable.

c. Verbes de perception intériorisée (> verbes d’opinion/de cognition) (type : se voir)

90 La construction pronominale modifie souvent le sens des verbes de perception au point qu’ils deviennent presque des verbes de cognition. Ainsi, dans Il se voyait étranger à lui-même, se voir ne suppose plus la perception visuelle, mais plutôt un acte de perception intériorisée, un sentiment (sentir) ou une opinion.

91 Dans le même sens, les verbes se découvrir (enceinte, par exemple) et s’imaginern’ont plus rien à voir avec respectivement un constat visuel et une représentation visuelle. Se sentir (et se vivre), quant à lui, subit lui aussi un changement de sens et se rapproche parfois d’un verbe d’opinion (il croit qu’il est grand, à tort) : Il se sent grand.

92 De même, et sans être à l’origine des verbes de perception, se connaître et se savoir en construction attributive deviennent presque des verbes de sentiment :[...] il l’avait saisie. Ce n’était que par le bras, mais ce fut assez pour qu’elle se connût prisonnière ; Il se savait incapable de quitter Angiolina.

d. Verbes d’opinion sans contrôle intersubjectif (> subjectifs, crédibilité moindre) (type : se croire)

93 Enfin, les verbes d’opinion (considérer, croire, estimer, juger, penser, etc.) voient leur valeur de vérité modifiée. En effet, en limitant le domaine de validité d’une affirmation au seul sujet coréférentiel (qui se prononce donc sur lui-même), cette affirmation se voit affaiblie pour ce qui est de sa véridicité. On constate, très souvent, un glissement vers le domaine contrefactuel (il se considère comme intelligent, mais il est bête comme ses pieds).

e. Verbes pronominaux à interprétation passive

94 Ces verbes impliquent un engagement du sujet en vue d’un statut (s’engager comme, se placer comme, s’embaucher comme).

5.3.3. Les verbes attributifs pronominaux : bilan

95 Après ce premier tour de la question, les problèmes auxquels se heurte toute tentative d’inventaire sont apparus au grand jour. Tout d’abord, le nombre de verbes repris dans l’inventaire dépend de la granularité adoptée dans la détection d’effets sémantiques. En l’absence d’études plus détaillées, nous nous sommes limités à un traitement assez grossier dans lequel seuls les verbes attributifs présentant un glissement de sens assez net ont été retenus. Or, il est clair que des effets de sens plus subtils peuvent être dégagés, qui, en plus, se laissent généraliser au sein d’un certain nombre de classes de verbes, qui constituent en quelque sorte un inventaire plus périphérique par rapport à l’inventaire de base. Ces observations devraient être systématisées et appuyées par des indices distributionnels plus fins, tels que l’apparition de certaines classes d’adjectifs. De cette façon, il sera possible de distinguer pour un même verbe pronominal plusieurs interprétations et analyses, qui compliquent encore l’établissement d’un inventaire. Prenons le cas de se sentir. Comparez :

96

(3) (a) se sentir petit (‘humble’) vs. *on le sent petit (‘humble’)
(b) se sentir capable vs. on le sent capable

97 Selon le type d’adjectif, on a affaire à un emploi comme verbe attributif sui generisou à une reformulation réfléchie d’une CAO à attribut essentiel. L’hypothèse qui en découle c’est que la construction pronominale accepte l’expression de propriétés intérieures alors que la construction à attribut de l’objet n’admet que des propriétés extériorisables.

98 Ce qui apparaît d’ores et déjà en filigrane, c’est l’idée que la clôture actancielle caractérisant les tours pronominaux (cf. Melis 1990) sert de tremplin à la constitution de nouveaux verbes attributifs. En effet, la non-analyse va de pair avec l’emploi d’une classe particulière d’adjectifs, extension rendue possible par la clôture actancielle provoquée par le pronom réflexif : on s’observe soi-même, de l’intérieur. Ce phénomène de clôture actancielle se manifeste dans les deux « voies » que nous avons distinguées. Dans les deux cas, il y a donc une clôture actancielle aboutissant à un processus d’intransitivisation par rapport àd’autres constructions mais, dans un cas, l’intransitivisation se fait en dehors de la construction attributive (c’est un a priori), dans l’autre c’est l’ensemble de la construction attributive (à ACOD) qui s’intransitivise. On a donc :

99

[(Se+Verbe) Intr] + Attribut vs [Se+ (verbe + attribut)] Intr

100 L’opération d’intransitivisation, qui suppose une clôture actancielle (la perte d’un actant), apparaît donc à deux endroits différents.

6. LES VEA, DES VERBES SÉLECTIFS ?

101 Après avoir évoqué le problème des limites de notre inventaire, nous nous proposons d’examiner les verbes retenus à la lumière de la problématique de la sous-catégorisation et de la sélection sémantique (et lexicale). Nous rejoignons donc l’approche préconisée dans LVF. En effet, à une époque (les années 80) où les travaux sur les verbes supports (light/lite verbs) se développaient, J. Dubois et F. Dubois-Charlier font le choix de considérer les verbes (semi–) auxiliaires et les copules comme des verbes « distributionnels ». Or, le premier enseignement à tirer de notre travail d’inventaire, c’est le fait que les VEA, y compris le verbe être, imposent des restrictions de toute sorte, à la fois au sujet et à l’attribut, qui ont des répercussions théoriques et méthodologiques importantes pour la catégorie ‘copule’ et son traitement dans les inventaires de constructions verbales.

102 Quant aux contraintes portant sur le sujet, nous nous limiterons ici à signaler quelques exemples : s’annoncer (sujet inanimé), passer (+métier), vivre, naître (sujet animé) : La campagne électorale s’annonce rude vs. *Le videur s’annonce rude.

103 Le verbe se faire (‘devenir’), de son côté, n’accepte pas les sujets propositionnels (infinitifs/complétives) contrairement à devenir, entre autres (Lauwers & Duée sous presse). Le plus souvent, il ne s’agit que de préférences (Lamiroy & Melis 2005) plutôt que de restrictions absolues.

104 En ce qui concerne les contraintes portant sur l’attribut, on distingue des contraintes catégorielles (morphosyntaxiques) (6.1), lexicales (6.2) et sémantiques (6.3).

6.1. Contraintes catégorielles sur l’attribut

105 On notera que les VEA non pronominaux présentent deux types de profils : un profil plutôt adjectival ou un profil plutôt nominal. Au profil adjectival [A, (N), *SN] correspondent les verbes :

106

(i) [A/N] : tourner/virer, tomber, sortir, partir, finir, vivre
I
(ii) [A/*N]? : aller (nu), vivreII (vieux/centenaire) ; passer inaperçu
(iii) [N?/? Adj] : naître ( ?adj) [statut], p. ex. : il est né musicien/escroc ; arriver
( ?adj) : bon premier, champion, meilleur chien de race, vierge au mariage ; com
mencer ( ?adj) [statut : métier, etc.], p. ex. : Mitterrand a commencé nationaliste
pour finir socialiste ; passer+N [statut : après obstacle], p. ex. : passer colonel ;
retourner+N [statut lié à un stade de la vie], p. ex. : retourner enfant/célibataire ; faire+N [métier, sans doute né d’une contamination entre deux constructions : être+N? et Que fais-tu dans la vie ? – Moi, je fais cuistot.]

107 Le groupe (iii) présente un effet ‘nucléaire’ plus net avec des N qu’avec des Adj – les N dénotant un statut (officiel) semblent favoriser l’attraction de l’attribut accessoire dans la sphère valencielle du V –, ce qui contredit l’échelle d’implication classique : SN si N si Adj, qui correspond aussi à l’ordre diachronique A > N > SN (Hengeveld 1992). Rappelons que, les VEA à dominante adjectivale (ou non nominale) résultent en général de l’incorporation valencielle d’un attribut périphérique (de type ‘dépictif’) selon les mécanismes décrits sous (5.2) ou, exceptionnellement, d’un processus de réanalyse (avoir l’air).

108 Le deuxième ensemble de verbes a un profil plutôt nominal [SN, */ (A), */ (N)] : les SN sont toujours possibles alors que les attributs adjectivaux et/ou nominaux nus sont soit agrammaticaux, soit très marginaux. Un premier sous-groupe de verbes est celui des VEA se construisant avec un SP locatif abstrait comportant un SN (cf. 5.1) : Ça tourne à l’anorexie ; Ils vivent en ermite(s). Un deuxième sous-ensemble se construit avec comme ou pour. Si la construction accepte surtout des SN pleins, des extensions vers N et Adj sont attestées. La distribution assez irrégulière des catégories après comme pourrait s’expliquer par la fonction de base de comme dans le domaine de la prédication non verbale, qui se voit quelque peu perturbée par l’interaction qui s’installe entre les verbes et le constituant en comme au fil de l’histoire [51]. Enfin, le troisième type de verbes ayant un attribut au profil nominal dérive d’un emploi transitif direct. C’est le groupe constituer, former+SN (entre autres) où la présence d’un SN s’explique pour ainsi dire par son statut d’« ex-COD » (cf. 5.1).

109 Quant aux VEA pronominaux, ceux-ci affichent des restrictions analogues. Dans l’attente d’études lexicales plus détaillées, qui ne manqueront pas de compléter l’énumération supra, il faudra nous limiter à quelques exemples. D’une part, on trouve des verbes quasi non sélectifs, tels que s’avérer et se révéler(cf. Tobback & Lauwers à par.). D’autre part, des verbes comme se faire (*se faireun N ; Lauwers & Duée sous presse), s’établir comme (*s’établir comme Adj) et se rendre (*se rendre un N) présentent des contraintes catégorielles évidentes.

6.2. Contraintes lexicales sur l’attribut

110 Certains VEA vont encore plus loin dans les contraintes distributionnelles qu’ils imposent, au point que l’on peut faire état de restrictions quasi lexicales, ce qui témoigne d’une tendance au figement. D’une part, on relève des locutions verbales (passer inaperçu, afficher complet) pour lesquelles aucune variation n’est possible. D’autre part, il existe aussi des collocations ou des micro-constructions impliquant une liste fermée d’items lexicaux : arriver ( [bon] +numéral ordinal ; vierge), aller nu/bras dessus dessous et partir (battu/gagnant/favori).

111 On peut y rattacher aussi les VEA résultant de la réanalyse d’un adjectif en emploi autonymique (cf. 5.1), mais dont l’application reste pour l’instant limitée à quelques items lexicaux (répondre présent/absent).

6.3. Contraintes sémantiques (‘persistance lexicale’)

112 Enfin, dans certains cas, le verbe exerce encore des restrictions de sélection (sémantiques) assez fortes sur son attribut. Ainsi, tomber, par son sémantisme de base qui suppose une perte de contrôle non souhaitée que l’on doit subir, se combine le plus souvent avec un attribut (que ce soit un adjectif ou un nom nu) qui désigne un état que l’on considère comme étant inférieur ou négatif pour être compatible avec le sens du VEA qui désigne un devenir, une évolution ‘en mal’, que l’on doit subir : tomber mort, évanoui[52], malade, fou, gâteux, boiteux, amoureux,enceinte [...]/ prisonnière, veuve, professeur, soldat, chômeur, célibataire, paralytique,victime. C. Guimier (1993) résume très bien l’image véhiculée par le verbe : « la maladie, la mort, la folie... sont vues en quelque sorte comme s’abattant sur le sujet ». En revanche, le verbe passer, suivi d’un nom nu, demande un nom qui renvoie à un statut que l’on juge positif pour être compatible avec le sens du verbe qui implique le franchissement d’un obstacle, correspondant à une épreuve : ‘devenir N, après avoir vaincu un obstacle ; mouvement ascendant’. C’est pourquoi, on peut passer colonel, président, acteur (rusé comme un figurant qui veut passer acteur [Ftxt]), reine, mais pas *chômeur. Enfin, comme P. Lauwers (2008) l’a montré, l’emploi évidentiel de faire repose sur l’identification d’une caractéristique qui présente une dimension perceptible servant d’« indice » (angl.evidence) au processus inférentiel du locuteur. C’est pourquoi, on a du mal à combiner ce verbe avec des états d’âme ou des traits de caractère :

113

(4) ?? Jean/ce geste fait (indulgent/heureux/content/fier/apprécié/fatigant).

114 à moins que ceux-ci soient associés à un indice perceptible (le fait d’entendre dire « pitié ») :

115

(5) « Pitié » (je sais ça fait désespéré). [Gg]

116 On comprend, dès lors, que dans les contextes qui n’imposent pas un tel calcul évidentiel, faire n’est guère possible, la caractérisation du référent sujet étant trop évidente (cf. aussi sembler, apud Tasmowski 1989) : *Elle faisait ( ?maquillée/rouge/présente/?furieuse).

117 Le verbe se révéler, de son côté, se combine avec des noms nus à condition que ceux-ci véhiculent un élément caractérisant, que ce soit sous la forme d’un modificateur (adjectival) ou sous la forme d’un N intrinsèquement évaluatif (Tobback & Lauwers à par.).

7. ENSEIGNEMENTS MÉTHODOLOGIQUES ET THÉORIQUES À TIRER DU TRAVAIL D’INVENTAIRE

118 Quels sont les enseignements que l’on peut tirer du travail d’inventaire, résultat de la description exhaustive des constructions verbales ? Tout d’abord, sur le plan méthodologique (lexicographique), il est clair que le dictionnaire de valence se doit de répertorier tous les verbes essentiellement attributifs, car ils sont dotés d’un schéma de sous-catégorisation et imposent des restrictions sémantiques, voire lexicales. De ce point de vue, toutes les copules (ou verbes à attribut du sujet essentiel) sont égales devant la loi, y compris être. En effet, être connaît plusieurs constructions (Goes 1997) correspondant à plusieurs paradigmes de proportionnalité. Certaines catégories grammaticales sont exclues ou fortement contraintes, telles que les adverbes en -ment, les adjectifs relationnels et les adjectifs qui ont un emploi spécifique en antéposition (cf. Lamiroy & Melis, 2005 : 163 ; Goes, 1997 : 58). La mise en contraste du verbe être avec d’autres VEA jette d’ailleurs une lumière toute nouvelle sur être. Ainsi, on relève des contraintes sur la sémantique du nom nu (§5) : seuls, les noms référant à un statut objectif ou objectivé socio-culturellement (Lauwers 2007) peuvent se construire sans article ; curieusement, cette restriction est moins forte avec devenir : Le carrosse devient citrouille vs. Le carrosse est citrouille.

119 À noter aussi que le VEA pronominal se vouloir accepte plus facilement des SP caractérisants (désignant un sous-type du référent sujet), notamment dans des relatives : L’art qui se veut et se croit d’observation [Ftxt] vs. *L’art qui est d’observation.

120 Un deuxième constat, assez évident, c’est que le nombre de verbes attributifs est plus grand si l’on examine la question dans des corpus et que l’inventaire s’avère dynamique. Sur ce point, il faut dire que le LVF des Dubois ratisse déjà large, même si les auteurs ne classent pas tous les verbes entrant en ligne de compte parmi les ‘copules’ (cf. supra, bilan 2.3).

121 Troisièmement, sur le plan théorique, l’existence de restrictions de toutes sortes fournit un argument qui met à mal la théorie des ‘clausettes’ (small clauses,SC), comme l’ont déjà relevé B. Lamiroy et L. Melis (2005 : 161). S’il était vrai que les VEA sous-catégorisaient une ‘clausette’, c’est-à-dire un complément de nature phrastique [COP SC [SN+X]], comment pourrait-on rendre compte des contraintes exercées par le VEA si les éléments qui les subissent ne lui sont pas accessibles ? La conclusion qui s’impose, c’est que le VEA sélectionne/sous-catégorise encore son prédicat et son attribut [53], et cela confirme le bien-fondé des choix présidant à la classification opérée dans LVF, qui reposent eux-mêmes sur l’observation et le test d’un vaste domaine empirique.

122 Autre conséquence théorique, les contraintes/restrictions imposées par les verbes attributifs posent un défi à la théorie de la copule comme verbe support ou verbalisateur « pur et simple » d’un prédicat nominal. Comment, en effet, concilier ces contraintes avec l’idée soutenue par la théorie du verbe support selon laquelle le prédicat sémantique (réalisé comme attribut ici) détermine la catégorie et la sémantique des arguments ? Notamment, le problème des rapports de sélection entre V support (copule) et prédicat (nominal/adjectival) pose problème. Ainsi, selon les tenants du Lexique-Grammaire, c’est le prédicat qui sélectionne le verbe support (mutatis mutandis, la copule) :

123

les expressions prédicatives qui « régissent la présence des Vsup » (Gross 1981) ;
le nom prédicatif sélectionne le verbe support (Danlos, 1992 : 8-9 ; G. Gross, 1996 : 56 & 1998 : 226-227) et qui en détermine l’interprétation (Danlos, 1992 : 9).

124 Les verbes essentiellement attributifs – et spécialement ceux qui sont dotés d’un sémantisme plus riche (et qui sont donc plus contraints) – devraient-ils, sans doute, nous inviter à reconsidérer le problème des restrictions sémantiques émanant des verbes supports, tant dans le domaine attributif que non attributif. On peut, en effet, supposer avec D. Gaatone (2004 : 243) que les verbes supports – et notamment les « variantes » sémantiquement plus riches – demandent une certaine compatibilité sémantique entre verbe support et élément prédicatif : faire une erreur/une analyse vs. commettre une erreur/*une analyse (‘acte répréhensible’).

125 Qui plus est, au-delà du problème des restrictions imposées par le VEA, il convient, de manière plus générale, de se demander si le fait de devoir prévoir, pour chaque prédicat adjectival (et nominal !), la liste des verbes admis ne constitue pas une opération qui va à l’encontre du principe d’économie préconisé dans la description linguistique. Pour les adjectifs et les noms, la démarche inverse est beaucoup plus économe : la liste des VEA étant restreinte et les idiosyncrasies somme toute limitées, il est beaucoup plus élégant de dresser la liste des VEA et d’en préciser les contraintes combinatoires. En définitive, les adjectifs et les noms (N et SN) ne devraient-ils pas être soustraits au traitement lexicographique en termes de V support+prédicat, quitte à réserver ce type de traitement aux SP de type en colère, à l’abri de, etc. qui se combinent, en effet, avecun nombre limité de verbes supports et dont la combinatoire est imprévisible ? La question mérite d’être posée.

126 Quoi qu’il en soit, les VEA, en tant que recteurs syntaxiques (portant en plus les marques TAM, y compris celles du type énonciatif), imposant, qui plus est, des restrictions de toute sorte, méritent leur place dans un dictionnaire de valence. Au fond, leur traitement [54] devrait être analogue à celui que l’on réserve aux verbes pleins, tout comme celui des verbes semi-auxiliaires. C’est d’ailleurs ce que font la plupart des inventaires des constructions verbales, même si c’est parfois à « l’insu de leur plein gré », comme nous l’avons vu. Face à l’hétérogénéité constatée (notamment au niveau des catégories attributives, auxquelles il faut encore ajouter les SP locatifs et autres), la question se pose de la structure interne de la catégorie VEA ou ‘copule’. Plus que jamais, une analyse inspirée de la théorie du prototype s’impose (basée sur un ensemble de traits qui ne doivent pas être réalisés tous en même temps), à l’instar d’autres catégories ou constructions grammaticales, telles que l’adjectif (Goes 1999) et les constructions pronominales (Melis 1990). Cette analyse devra être complétée par une analyse diachronique qui replacera les nouveaux VEA dans le cadre de la problématique de la grammaticalisation et de la subjectification, deux problématiques qui se trouvent au cœur des débats en ce moment et auxquelles notre travail d’inventaire a préparé le terrain.

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Mots-clés éditeurs : grammaticalisation, dictionnaire de valence, contraintes distributionnelles, attribut, copule, verbe pronominal

Date de mise en ligne : 28/02/2011.

https://doi.org/10.3917/lang.179.0079

Notes

  • [1]
    Cet article a béné?cié des journées d’étude organisées par Danielle Leeman et Paul Sabatier respectivement à Nanterre (décembre 2009) et à Marseille (septembre 2010) dans le cadre de l’opération Fondamental(http://www.lif.univ-mrs.fr/IMG/html/FondamenTAL.html). Nous tenons à remercier ici les collègues présents à ces réunions pour leurs remarques et, plus particulièrement, Danielle Leeman, Catherine Camugli Gallardo et Christiane Marque-Pucheu.
  • [2]
    Il n’empêche que, pour les verbes pronominaux, nous avons recherché toutes les catégories dans le corpus.
  • [3]
    À distinguer de ce que Riegel et al. (2007 : 235) appellent les verbes occasionnellement attributifs ouélargissement attributif.
  • [4]
    Notons que le verbe être occupe aussi une position de choix dans les Locutions en français (Dubois & Dubois-Charlier 2004) en tant que support de locutions ?gées et semi-?gées.
  • [5]
    Du fait que la classe [X1] se fonde surtout sur un critère syntaxique, la dé?nition sémantique (paraphrase) de la classe est plutôt formulée « en extension », c’est-à-dire à partir d’une liste non exhaustive des verbes qui s’y rattachent : avoir, être, faire, devenir, rester, sembler, rendre, aller, pouvoir, devoir, venir de, échouer à, se mettre à, etc.
  • [6]
    ‘9’ renvoie à la sémantique du sujet : animé ou inanimé.
  • [7]
    http://bach.arts.kuleuven.be/dicovalence/manuel_100625.pdf.
  • [8]
    Il importe de noter toutefois que la question comment ne s’applique, précisément, qu’aux attributs « caractérisants » (Il est comment ton père ? Il est très sévère). Dès que l’attribut exprime l’appartenance à une classe ou sert à identi?er le référent du sujet, la question comment ? est exclue : le chat est un mammifère =/ le chat est comment ? ; Monsieur Dupont est le prof de piano de mon fils =/ Monsieur Dupont est comment ?.
  • [9]
    Les auteurs proposent trois catégories (adjectifs, noms, SP), mais les verbes copules listés ne les admettent pas toutes, loin de là (ce type d’information est donc absent).
  • [10]
    Cette interprétation est probablement due au fait que les deux compléments ont souvent (mais pas toujours, cf. note 8) en commun la question comment ?, ce qui signale une certaine parenté sémantique. À noter que la question comment ? s’avère donc de cette manière non caractéristique du constituant qu’elle est censée révéler (Leeman 1985).
  • [11]
    Du point de vue syntaxique, cette liste est fort hétérogène, comme le montrent les exemples. On y trouve un attribut accessoire (se présenter devant tous+comme), un gérondif (accessoire) et des verbes sans complément(s’exposer, se nommer).
  • [12]
    On trouve encore des attributs de l’objet à trois autres endroits du dictionnaire, dont nous faisons ici abstraction.
  • [13]
    Certes, les deux emplois (attribut adjectival vs nominal) présentent des propriétés différentes. L’attribut nominal se laisse notamment cliver (Quand il sera grand, c’est charcutier qu’il veut faire, pas serrurier) et pronominaliser (charcutier : il veut faire ça/c’est ça qu’il veut faire), deux opérations qui semblent exclues pour les attributs adjectivaux (*Depuis qu’il a 60 ans, c’est jeune qu’il veut faire ; *Jeune : il veut faire ça/c’est ça qu’il veut faire) (Leeman c.p.). Notons, cependant, que le blocage de la pronominalisation par ça est lié à l’opposition plus générale entre les attributs nominaux et adjectivaux. La pronominalisation par le (invariable) – qui, elle, se fait indépendamment de l’opposition nominal/adjectival (cf. Lauwers 2009) et qui, de ce fait, caractérise mieux l’attribut (et donc le verbe copule) – rapproche justement les deux emplois de faire (elle s’avère deux fois « douteuse »). Ces constats illustrent le fait que la catégorie des VEA (et des différentes sous-constructions de chacun des VEA) demande une approche graduelle, basée sur des faisceaux de critères qui ne doivent pas nécessairement être tous remplis. Toute approche discrète (comme celle imposée par le format dictionnairique dans le LVF) comporte en soi une certaine dose d’arbitraire, car elle se fonde sur un choix limité de critères, érigés en critères distinctifs. Voir Lauwers (2008), pour les emplois ‘copules’ du verbefaire.
  • [14]
    Inversement, un certain nombre de verbes mentionnés par les Dubois (1997) ne sont pas (encore) considérés comme VEA : se classer, se constituer, s’instituer, se placer, se prendre, se qualifier, se reconnaître. Il s’agit de verbes à structure pronominale mise en rapport avec une structure à AO (cf. 2.2).
  • [15]
    On part de la pratique lexicographique, ce qui n’exclut pas que les auteurs puissent adopter des points de vue théoriques parfois divergents (cf. infra, par ex. Busse 1974).
  • [16]
    Le dictionnaire (www.contragram.ugent.be/cvvd/cvvdcont.htm) est élaboré par une équipe de recherche à Gand ; le projet n’est pas achevé (pour le français, le dictionnaire ne contient que 198 verbes).
  • [17]
    Cette idée est relayée par Riegel et al. (2007 : 237), au moins pour être (et avoir) « de purs opérateurs prédicatifs, donc comme des verbes supports ».
  • [18]
    Laboratoire d’Automatique Documentaire et Linguistique.
  • [19]
    Nous avons inclus FrameNet dans notre analyse car il s’agit d’une ressource lexicale dont les objectifs sont comparables à ceux des autres dictionnaires traités ici. De plus, s’il n’est pas encore appliqué au français, le système l’a déjà été à d’autres langues romanes (l’espagnol, notamment).
  • [20]
    La deuxième sous-classe concerne les verbes olfactifs.
  • [21]
    Voir Lauwers (2009) pour d’autres références.
  • [22]
    Comme le remarque à juste titre Marque-Pucheu (c.p.), toutes les phrases copulatives avec SN ne sont pas classi?catoires. C’est notamment le cas des phrases « évaluatives » du type Jean, c’est un idiot.
  • [23]
    Notons que les V à AO adjectival sont également considérés comme des copules, pourvus d’un argument externe, à savoir le sujet.
  • [24]
    FrameNet considère donc comme prédicats nominaux à la fois les SN attributifs et les « objets incorporés » (comme dans prendre forme), appelés traditionnellement par LADL « prédicats nominaux ».
  • [25]
    C’est aussi le cas de la théorie dite « des classes d’objets » dont G. Gross (1996) est l’initiateur, qui établit un parallélisme entre prédicats verbaux, nominaux : désirer, être désireux de, avoir le désir de (Leeman c.p.).
  • [26]
    « ne sont que des verbalisateurs permettant à des lexèmes non verbaux d’assumer la fonction prédicative » (Busse, 1974 : 258, trad. par François, 2003 : 242).
  • [27]
    « Cette table n’est pas visualisable, prendre contact avec Éric Laporte ».
  • [28]
    http://framenet.icsi.berkeley.edu/index.php?option=com_wrapper&Itemid=126
  • [29]
    Dans le Dicovalence, on trouve quelques incohérences « locales » dans l’application concrète du cadre théorique : passer inaperçu est considéré comme verbe plein, demeurer+SN est considéré comme copule,paraître+Adj est analysé comme auxiliaire (probablement une simple erreur d’analyse, quelques exemples mal choisis).
  • [30]
    Le traitement est alors analogue à celui de Dubois & Dubois-Charlier (1997).
  • [31]
    Ce qui est con?rmé par Mertens (c.p.) pour le Dicovalence. Un remaniement sur ce point est en cours.
  • [32]
    À noter toutefois que la recherche fut limitée aux formes se et s’ du pronom réfléchi.
  • [33]
    Frantext [Ftxt], Bon Usage [BU], Google [Gg], Lexique-grammaire [LexGram], Le Monde [LM].
  • [34]
    Exemple jugé douteux par un de nos informateurs.
  • [35]
    D’après l’emploi adjectival de forfait (pas encore attesté dans le TLFi) : être forfait(e)(s) ; être déclaré forfait(e)(s). On trouve 19 attestations sur le web avec l’accord au féminin.
  • [36]
    Passer s’utilise exceptionnellement comme passer pour (donc avec un autre sens que passer inaperçu ; Grevisse & Goosse, 2008 : 266) : Le marquis était riche et pouvait passer sage (Verlaine) ; et puis, s’il faut un certificat de son curé pour passer digne d’être ministre, je voudrais bien voir le billet de confession de M. Laurier [Gg].
  • [37]
    Fou [inanimé] « À coups trop tirés », comme disait Marcel Duchamp, la planète sexy n’est-elle pas en train de tourner folle ? [Gg] ; [animé] J’aurais pu tourner folle, mais je suis gravement équilibrée [Gg].
  • [38]
    Je suis encore et toujours « célibataire » (c’est marqué comme ça sur ma déclaration d’impôts...). Par contre, je ne suis pas retourné « célibataire », et pas non plus homosexuel. [Gg]
  • [39]
    (femme enceinte) Je veux me plier, me chausser, me regarder mon nombril et retourner femme après avoir été « boite ». [Gg]
  • [40]
    Exemple jugé douteux par un de nos informateurs.
  • [41]
    Passer comme (S) N est jugé très bizarre par un de nos locuteurs natifs, tout comme poser le SN, poser pour A.
  • [42]
    Emploi contesté par certains grammairiens, selon Grevisse & Goosse (2008 : 264). Notre exemple montre que le verbe s’applique aussi à des sujets inanimés, contrairement à ce que pensent Grevisse & Goosse.
  • [43]
    Exemple jugé bizarre par certains de nos locuteurs natifs.
  • [44]
    Idem.
  • [45]
    Ici il faut sans doute distinguer trois sous-groupes (i, ii, iii) dont l’examen nous mènerait trop loin.
  • [46]
    Que les locuteurs hésitent quant à l’accord (et à l’analyse ou à la réanalyse du tour), cela ressort clairement de certaines discussions sur Internet (www.gamerz.be/vie-intimite/t-question-de-grammaire-157355.html).
  • [47]
    Peuvent, car tel exemple peut être considéré encore comme une reformulation, alors que tel autre fait preuve d’une désolidarisation par rapport aux autres constructions du verbe. Figurent dans notre inventaire tous les verbes dont nous avons trouvé au moins un exemple autonomisé.
  • [48]
    Notez que l’attribut heureux est essentiel : vivre (‘être en vie’) =/ vivre heureux (‘avoir une existence heureuse’).
  • [49]
    En l’absence de la construction à attribut du COD (en synchronie), on peut supposer que l’emploi attributif est le résultat d’une intransitivisation suivie d’un processus d’intégration valencielle, à moins que la construction à ACOD – qui aurait donné lieu à l’emploi comme verbe attributif – ait disparu entre-temps.
  • [50]
    Rappelons que, les cas qui se ramènent à une simple reformulation n’ont pas été retenus dans notre inventaire, puisqu’ils peuvent être mis sur le compte de la dynamique interne du tour pronominal, indépendamment de la présence d’un attribut (le rapport entre l’attribut et respectivement le pronom personnel et le pronom réfléchi reste stable).
  • [51]
    On peut dire, avec Tobback (2005), que la construction en comme (et pour) est une construction marquée qui s’observe surtout avec des SN, une catégorie prédicative non prototypique parce que référentielle. Il reste à voir si l’adjonction de comme ne peut pas être considérée comme un mécanisme permettant de greffer une prédication seconde de type nominal sur un V qui, en principe, ne se construit pas avec un attribut essentiel. Tel est le cas, par exemple, du verbe identifier : on l’identifie comme un N (éventuellement avec une nuance de ‘comparaison – manière’). L’insertion de comme est particulièrement fréquente avec les VEA pronominaux, où elle contribue à la réalisation d’une prédication primaire : se révéler ? se révéler comme SN ? se révéler (comme) SN (Tobback & Lauwers à par. & en prép.). En voici un exemple : Il se révèle (à nous) comme un polémiste brillant [LM] ‘se fait connaître en tant que’ vs. Il se révèle (comme) un polémiste brillant ‘il s’avère un X’ (lecture évidentielle). Ensuite, la construction en comme+SN essentiel s’est étendue aux noms et aux adjectifs (Lauwers & Tobback en prép.), ce qui correspond donc à un relâchement des contraintes de sous-catégorisation imposées par la préposition comme. Ces hypothèses relatives au rôle de comme dans la création de VEA devraient être testées sur un ensemble de verbes plus important comme, par exemple,apparaître comme et s’annoncer comme (Tobback à par.).
  • [52]
    Dans ces deux premiers exemples, l’idée de chute est encore bien présente.
  • [53]
    La proposition de Stowell (1991), qui consiste à attribuer à la clausette la catégorie de l’élément prédicatif (SN, SAdj, etc.), pourrait rendre compte de la sélection catégorielle de l’attribut, mais ne résout pas le problème des restrictions sur le sujet, qui, lui, reste inaccessible.
  • [54]
    Notons qu’on aurait aussi avantage à spéci?er leur compatibilité avec les différents types sémantico-pragmatiques de phrases attributives (prédicationnelles, spéci?cationnelles, etc.).
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