Langages 2009/4 n° 176

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Article de revue

Alternances actancielles et la montée du possesseur : une étude de cas en espagnol

Pages 10 à 31

Notes

  • [1]
    Nous devons remercier Igor Mel’?uk d’avoir accepté la lecture d’une partie de ce texte. Nous en profitons aussi pour remercier Xavier Blanco pour l’invitation et pour sa patience. Ce travail est encadré dans le projet de recherche FFI2008-06479-C02-01.
  • [2]
    Nous ne mentionnons ici que les datifs possessifs et les datifs bénéfactifs, mais le problème de datifs « libres » ou « non-lexicaux », c’est-à-dire les datifs non déterminés par la valence du verbe a une abondante littérature associée. Voir, entre autres, Rooryck (1988), Herscherson (1992), Van Belle et Van Langendonck (1996). Pour un état de la question sur le datif possessif en espagnol, galicien et français, voir Silva Domínguez (1996).
  • [3]
    Nous ne voulons pas nous limiter aux datifs possessifs car nous sommes aussi intéressés aux cas où le Possesseur est un dépendant verbal mais il n’est pas exprimé comme un datif. Un autre terme qui pourrait couvrir notre objet d’étude est « constructions à possesseur externe », employé par König et Haspelmath (1998), mais il est formulé en une terminologie liée à la syntaxe de constituants, tandis que notre approche est orientée vers la syntaxe de dépendances.
  • [4]
    Notons que, formellement, les SSém sont des réseaux et non des arbres ; c’est-à-dire qu’elles n’ont pas une tête qui représente le gouverneur de la structure. C’est aussi le cas dans la SSém (8), même si (8) a la forme d’un arbre. C’est une des raisons pour lesquelles il faut indiquer le nœud dominant (= le nœud principal) dans les SSém.
  • [5]
    L’ensemble d’unités lexicales profondes d’une langue L contient les unités lexicales de L avec quelques ajouts et quelques exclusions. Deux types d’unités « artificielles » sont ajoutées : (i) symboles des fonctions lexicales (FLs), qui encodent la dérivation lexico-sémantique et cooccurrence lexicale restreinte (Mel’?uk 1996) ; (ii) lexèmes fictifs, qui encodent des constructions syntaxiques idiosyncratiques de L qui portent le sens de type lexical, comme nous le montrerons plus bas. Cependant, les mots structurels, des pronoms substituts et les valeurs des FLs sont exclus.
  • [6]
    La SSyntP montrée dans (9) et les autres SSyntP montrées dans cet article sont simplifiées : les étiquettes des nœuds d’une SSyntP complète contiennent des traits représentant des significations grammaticales sémantiques, comme le temps verbal ou le nombre du nom.
  • [7]
    Notons que, dans une structure sémantique concrète, le premier ASém est identifié comme ‘1’, le deuxième comme ‘2’, etc. Dès lors, X doit s’interpréter comme ‘1’, Y comme ‘2’, etc.
  • [8]
    Pour raisons d’espace, nous n’incluons pas dans le SR les relations syntaxiques de surface, mais voir Mili?evi? (dans ce volume).
  • [9]
    Dans la bibliographie espagnole, il y a eu beaucoup de débat sur la fonction syntaxique des datifs bénéfactifs. En simplifiant la discussion, certains auteurs sont enclins à distinguer entre deux grands types de C. O. Ind. (Campos 1999, par exemple), tandis que d’autres choisissent de ne pas faire cette distinction. Par exemple, pour Vázquez Rozas (1995), le C. O. Ind sert à conférer un statut central au participant même s’il n’est pas valenciel. Sur le datif en espagnol, voir aussi (Gutiérrez Ordóñez 1999, Delbecque et Lamiroy 1996, Demonte 1994, etc.).
  • [10]
    Nos définitions sont une simplification. En étant rigoureux, on pourrait inclure les participants de la situation ‘coser’ comme le fil, l’aiguille et le tissu comme des ASéms de coser, mais ils ne sont pas pertinents pour notre discussion et ils peuvent confondre le lecteur.
  • [11]
    Un des évaluateurs du présent article a suggéré la solution de traiter la préposition a du datif bénéfactif comme un lexème plein, contrairement à la préposition vide du datif possessif. Ce procédé éviterait l’introduction du lexème fictif. Signalons, toutefois, que ce n’est pas seulement la préposition a qui exprime le sens ‘en bénéfice de’ mais toute la construction syntaxique de surface du datif, qui comprend l’expression du clitique le ‘lui’. Le lexème fictif « PARA » signale qu’il y a une construction au niveau SyntS qui est chargée d’exprimer un sens de type lexical.
  • [12]
    Nous incluons la disjonction entre les deux composantes pour rendre compte du fait qu’on peut dire besar el suelo / el crucifijo ‘embrasser le plancher/ le crucifix’ où il n’y a pas de parties et où ce qu’on embrasse est une surface.
  • [13]
    Évidemment ce comportement est lié au traitement de la possession inaliénable, ce sur quoi on a beaucoup écrit (voir Chappell et McGregor 1996, Wierzbicka 1988, entre autres). Pour le cas de ‘besar’, étant donné que le rapport entre le Possesseur et le Possédé est si étroit, tout ce qui concerne le deuxième concerne aussi le premier, contrairement à ce qui arrive avec le cas de ‘lavar’. Il y a aussi des études qui ont traité ce sujet plus orienté vers la relation partie-tout que Possesseur-Possédé ; c’est le cas de Manoliu-Manea (1996).
  • [14]
    Notre traitement coïncide partiellement avec des auteurs comme Shibatani (1994) qui traite le datif bénéfactif comme « extra-valenciel », mais aussi le datif possessif. Cependant, Delbecque et Lamiroy (1996) considèrent comme actanciel le datif possessif.
  • [15]
    Comme nous l’avons déjà indiqué, le statut d’ASyntP est basé sur des critères sémantiques et syntaxiques. Ainsi, un syntagme comme en la frente est un ASyntP du verbe besar car il fait partie de son sens, comme on le montre dans la définition du verbe dans la section 3.2. Cependant, le locatif en la habitación, qui apparaît dans la Fig. 9 est un circonstant : il ne fait pas partie du sens du verbe discutir.
  • [16]
    Plus précisément, de la même façon que la distribution de Thème/Rhème primaire, la distribution de Thème/Rhème secondaire sert à codifier les différences communicatives exprimées par l’ordre linéaire. Ainsi, (25a) répond à la question « ¿Dónde besó Juan a María ? » ‘Où a Jean embrassé Maria ?’ ; alors que (25b) répond à la question « ¿A quién le besó Juan la frente ? » ‘À qui Juan a embrassé le front ?’.
  • [17]
    Dans la littérature cognitiviste, les auteurs parlent de la « profilisation » du tout, le Possesseur, face à la désindividualisation de la partie, le Possédé. Voir par exemple, Langacker (1995), Heine (1997). Pour l’espagnol, voir Velázquez Castillo (2000), dos Santos Vaamonde (2006). Déjà Dumitrescu (1999) avait proposé traiter le datif possessif en espagnol et en roumain comme un marqueur de topicalité. Manoliu-Manea (1996), qui se concentre sur le roumain, fait appel aussi au trait discursif de « topicalité » et au trait cognitif de « centralité ».
  • [18]
    Voir Mel’cuk (à paraître) où l’on présente les SR du verbe équivalent russe pocelovat’ ‘embrasser’ dont nous nous sommes inspirés.
  • [19]
    Les accolades signifient que l’ASém W peut être exprimé seulement s’il est modifié, car il s’agit d’un actant qui correspond à un participant constant de la situation en considération, voir Mel’?uk (2004a).
  • [20]
    La condition que Y doit être un être animé et vivant exclut la réalisation des phrases comme *Juan besó el ataúd en la tapa, lit. ‘Juan a embrassé le cercueil sur le couvercle’.
  • [21]
    Il faut souligner que pour le cas (24c), l’ASém Y est « Backgrounded » ce qui implique qu’il se réalise au niveau syntaxique comme un dépendant du Possédé.
  • [22]
    Notons que, dans une description strictement formelle, il faudrait ajouter l’information sur l’équivalence des variables X, Y, Z, … avec les ASém 1, 2, 3,…

1. INTRODUCTION

1 La description de la structure actancielle d’une unité lexicale et, particulièrement, la divergence entre les structures actancielles sémantiques et syntaxiques est un objet d’étude extrêmement populaire et un grand défi pour n’importe quelle théorie linguistique (Levin 1993, Goldberg 1995, Feuillet 1998, Mel’?uk 2004, Levin et Rappaport 2005, van Valin 2005). Nous nous concentrons sur la réalisation syntaxique des possesseurs d’un complément d’objet direct comme dépendants immédiats du verbe, c’est-à-dire ce qu’on connaît habituellement comme « la montée du possesseur », – telle qu’elle apparaît dans des phrases espagnoles avec un datif possessif :

2

(1) Juan le besó la frente a María
litt. ‘Juan lui a embrassé le front à María’.
(2) Juan le lavó las manos al niño
litt. ‘Juan lui a lavé les mains à l’enfant’.

3 Pour certains auteurs, les datifs possessifs posent problème car ils se comportent sous certains aspects comme actants du verbe et, sous certains autres, comme circonstants (ou adjoints). La cause de cette discussion est liée à l’inclusion parmi les datifs possessifs d’une autre construction, celle représentée par le « datif bénéfactif », comme dans la phrase suivante :

4

(3) Juan le cosió la falda a María
litt. ‘Juan lui a cousu la jupe à María’.

5 Ainsi, d’après ce raisonnement, le problème lié au datif possessif est posé dans les termes suivants : « An argument in the clause (the possessor) derives its semantic role from another argument (the possessee), but its syntactic behavior from the predicate. » (Landau 1999 : 2). Alors, pour cet auteur, la question qui se pose est de savoir de quoi le Possesseur est un actant, du verbe ou du Possédé. Dans le premier cas, on a tendance à assigner le rôle Bénéfactif au Possesseur (Kempchinsky 1992), car on ne différencie pas toujours entre les cas (2) et (3)  [2].

6 C’est cette présumée nature double du Possesseur, associé avec le Possédé et avec le verbe, qui fait des constructions à montée du possesseur en général [3], pas seulement des datifs possessifs, un cas défiant toute théorie qui traite la projection des arguments. Dans ce travail, nous nous proposons de distinguer entre les trois cas illustrés par les phrases (1) – (3) car chacune représente un phénomène clairement différent des autres. Seuls les deux premiers font référence au Possesseur, tandis que le troisième réfère à un Bénéficiaire. Mais il y a aussi une différence entre les deux premiers : c’est seulement dans le premier cas que le Possesseur est présent dans le sens du verbe, pas dans le deuxième. Nous avons choisi les verbes LAVAR ‘laver’et BESAR ‘embrasser’comme représentants des deux constructions que nous voulons étudier. C’est donc seulement dans le cas de BESAR que le Possesseur fait partie de sa définition, tandis que dans le cas de LAVAR le Possesseur est un actant de son complément d’objet. Les deux verbes ont aussi la possibilité d’exprimer le Possesseur comme un complément nominal :

7

(4) Juan lavó las manos del niño
litt. ‘Juan a lavé les mains de l’enfant’.
(5) Juan besó la frente de María
litt. ‘Juan a embrassé le front de María’

8 Il y a encore une autre alternance seulement admise par le verbe BESAR :

9

(6) Juan besó a María en la frente
litt. ‘Juan a embrassé María dans le front’.
(7) *Juan lavó el niño en las manos
litt. ‘Juan a lavé l’enfant dans les mains’

10 Ces alternances doivent être étudiées dans plusieurs perspectives différentes mais connectées : 1) dans une perspective sémantique, car il faut établir si les différentes alternances actancielles ont ou pas un même sens propositionnel ; 2) dans une perspective syntaxique, car il faut décrire les différentes réalisations syntaxiques du Possesseur et du Possédé ; 3) dans une perspective communicative ou informationnelle, car il faut décrire l’information communicative qui guide le choix de ces différentes réalisations syntaxiques ; 4) dans une perspective lexicographique, car il faut décrire les différentes réalisations syntaxiques des actants dans l’entrée lexicographique du verbe. Toutes ces perspectives sont fournies par la Théorie Sens-Texte, TST (Mel’?uk 1988, 1997). Ce cadre permet une modélisation adéquate des constructions en cause car, en plus de distinguer clairement les niveaux sémantique, syntaxique profond et syntaxique de surface, il dispose des outils pour encoder : 1) la structure communicative et ainsi pouvoir décrire la correspondance entre une configuration communicative donnée et une configuration syntaxique ; 2) le schéma de régime dans l’article lexicographique qui exprime la correspondance entre les différents types d’actants du verbe.

11 Le but de notre travail est de montrer comment la TST permet de décrire des alternances actancielles en espagnol où il y a un Possesseur et un Possédé, autant dans les niveaux sémantique et syntaxique que dans le dictionnaire. Comme nous essaierons de le prouver, le Possesseur n’a pas de double nature, mais il doit être décrit distinctivement dans le niveau sémantique et dans le niveau syntaxique.

12 Même si notre approche est ici plutôt théorique, notre description a une orientation appliquée vers la génération automatique des textes. Notre ligne d’argumentation est donc toujours orientée vers la synthèse ou la production des textes, qui est aussi caractéristique de notre cadre.

13 Cet article s’organisera de la façon suivante : nous commencerons par présenter les outils de notre cadre théorique qui sont nécessaires pour la description de notre objet d’étude.

14 Ensuite, nous ferons une analyse contrastive entre les datifs possessifs et les datifs bénéfactifs pour montrer qu’ils se comportent différemment aux niveaux sémantique et syntaxique. Dans la section suivante, nous nous concentrerons, en premier lieu, sur la représentation des alternances des verbes BESAR et LAVAR dans le dictionnaire et aux niveaux différents de la TST ; dans un deuxième temps, nous nous occuperons des outils pour choisir entre ces alternances, c’est-à-dire des règles qui projettent des structures sémantiques à des structures syntaxiques en utilisant l’information communicative. Finalement, nous présenterons nos conclusions en soulignant l’importance du rôle de la structure communicative dans les alternances actancielles.

2. LES NOTIONS PERTINENTES DE NOTRE CADRE THÉORIQUE

15 Pour pouvoir modéliser les constructions exemplifiées dans l’Introduction, nous avons besoin d’introduire quelques notions basiques concernant les représentations linguistiques, d’une part, et le dictionnaire, d’autre part. Pour ce qui est des premières, il s’agit de la structure sémantique, de la structure syntaxique profonde et de la structure communicative sémantique, telles qu’elles sont définies dans la Théorie Sens-Texte. En ce qui concerne le dictionnaire, nous devons présenter ici brièvement la notion de schéma de régime (SR). Dans ce qui suit, nous nous limitons au strict minimum pour pouvoir suivre notre exposé. Pour plus de détails, voir, par exemple, (Mel’?uk, 1988, 1997, 2006) et aussi la contribution de Mili?evi? dans ce numéro.

2.1. Les structures aux différents niveaux de TST

16 Une structure sémantique (SSém) dans un modèle de type Sens-Texte est un réseau dont les nœuds sont étiquetés de sémantèmes et les arcs, de numéros (1, 2, 3,…) qui représentent des relations « prédicat-argument ».

17 Dans (8), nous présentons la SSém pour la phrase Jean discute avec Marie dans la chambre comme un exemple :

18

(8) SSém de la phrase Jean discute avec Marie dans la chambre

figure im1
’lieu’
1 2
’discuter’
1 3 ’chambre’
’Jean’ ’Marie’

19 Le nœud ‘discuter’est le nœud dominant dans le sens où c’est à partir de ce nœud que la structure est traversée pendant son interprétation ou sa projection sur le niveau SSyntP. Les nœuds dominants d’une structure sont soulignés [4].

20 Une structure syntaxique profonde (SSyntP) est un arbre de dépendance avec les nœuds étiquetés d’unités lexicales « profondes »  [5] et les arcs de relations syntaxiques universelles : principalement, les relations actancielles (I, II, III, …), la relation attributive (ATTR) qui couvre les adjoints, et la relation coordinative (COORD) ; la SSyntP qui se dérive de la SSém (8) est donnée dans (9)  [6] :

21

(9) SSyntP de la phrase Jean discute avec Marie dans la chambre

figure im2
DISCUTER
I III
JEAN MARIE
ATTR
DANS
II
CHAMBRE

22 Une structure syntaxique de surface (SSyntS) est un arbre de dépendance avec les nœuds étiquetés de toutes les unités lexicales de la phrase (y compris les mots structuraux) et les arcs étiquetés avec des relations syntaxiques (subjectale, objectale directe, adverbiale, etc.). La SSyntS qui se dérive de la SSyntP (9) est donnée dans (10) :

23

(10) SSyntS de la phrase Jean discute avec Marie dans la chambre

figure im3
DISCUTER
subj Obj.obl
JEAN adv AVEC
DANS MARIE
prépos
CHAMBRE
dét
LE

24 Une structure communicative sémantique (SCommSém) définit la distribution de l’information au moyen des dimensions de Thème/Rhème, Donné/ Nouveau, Focalisé/Neutral, Au premier plan/Au deuxième plan/etc. ; voir surtout (Mel’?uk, 2001). La SCommSém est connue dans d’autres cadres théoriques comme « structure informationnelle » (Daneš 1974 ; Lambrecht 1994 ; Erteschik-Shir 2007). La dimension communicative est essentielle pour notre travail parce que c’est seulement avec la SCommSém correspondante qu’une SSém donnée peut être projetée sur la SSyntP équivalente.

25 Nous pouvons voir dans (11) deux SCommSém différentes pour la SSém (8). La première, où l’on a marqué seulement la distribution basique de Thème (Th) et Rhème (Rh), nous amène à la phrase neutre Jean discute avec Marie dans la chambre ; la deuxième (avec la partie ‘lieu – 2? chambre’focalisée) donne la phrase C’est dans la chambre que Jean discute avec Marie.

26

(11) Deux SCommSém alternatives

figure im4
’lieu’
’lieu’
1 2 1 2 Foc
’discuter’
1 3 ’chambre’ 1 ’dis3cuter’ ’chambre’
Rh Rh
’Jean’ ’Marie’ ’Jean’ ’Marie’
Th Th

27 Chaque zone thématique ou rhématique qui couvre un sous-réseau d’un sémantème prédicatif avec ces arguments contient un nœud dominant.

2.2. Le schéma de régime dans la TST

28 Le schéma de régime (SR) d’une unité lexicale L prédicative est censé décrire : 1) la diathèse de L, c’est-à-dire la correspondance entre les actants sémantiques (ASém) et les actants syntaxiques profonds (ASyntP) ; 2) la co-occurrence de L avec ses ASyntS. On peut présenter cette information sous la forme d’un tableau à m colonnes et n lignes. La manchette du tableau indique la diathèse notée par une variable sémantique X/Y/Z/… , X représentant le premier ASém, Y le deuxième ASém, Z le troisième ASém de L, etc. [7], en correspondance avec un numéro romain I/II/III/… , qui représente l’ASyntP I/II/ III/… . Ainsi, « X ? » indique que l’ASém X correspond à l’ASyntP I et vice-versa, « Y ? II » que l’ASém Y correspond avec l’ASyntP II et vice-versa, etc. Les colonnes réfèrent aux ASém, tandis que les lignes montrent les réalisations possibles de l’ASyntP dont il est question en syntaxe de surface. À titre d’illustration, voir le SR de DISCUTER intransitif, comme dans Jean discute (de/sur la) politique avec Marie dans la chambre :

29

(12) Schéma de régime de DISCUTER :

X ? I Y ? II Z ? III
1. N 1. N 1. avec N
2. sur N
3. de N
figure im5
1) C2.1 et C2.3 : avec certains noms comme politique, l’article n’est pas nécessaire

30 L’ASyntP I s’exprime par un nom qui a le rôle de sujet [8]. L’ASyntP II peut s’exprimer par un nom avec les prépositions de ou sur ou sans préposition et sans article, sous certaines conditions. L’ASyntP III est introduit nécessairement par la préposition avec.

3. ANALYSE CONTRASTIVE DES DATIFS EN QUESTION

31 Les outils de la TST étant présentés, nous pouvons discuter de notre objet d’étude. Nous commençons par examiner de façon contrastive les trois datifs que nous avons mentionnés dans l’introduction et que nous répétons ici.

32

(13) Juan le besó la frente a María,
litt. ‘Juan lui a embrassé le front à María’.
(14) Juan le lavó las manos a María,
litt. ‘Juan lui a lavé les mains à María’.
(15) Juan le cosió la falda a María,
litt. ‘Juan lui a cousu la jupe à María’.

33 Nous appellerons les deux premiers « datif possessif 1 » (DP1) et « datif possessif 2 » (DP2) respectivement ; le dernier sera appelé « datif bénéfactif » (DB).

34 La tentation de traiter le DP1, le DP2 et le DB de la même façon peut s’expliquer par le fait qu’ils sont identiques dans leurs structures de surface. En TST aussi, au niveau SyntS, dans les trois cas, nous sommes face à un complément d’objet indirect (C. O. Ind.) : le sous-arbre a – prép ? María est lié au verbe par la relation de C. O. Ind [9].

35 Cependant, cela ne veut pas dire qu’ils soient pareils dans les autres niveaux. Comme nous le montrerons plus bas, seul le DP1 a une correspondance actancielle au niveau sémantique et au niveau syntaxique profond. Le DP2 a une correspondance actancielle au niveau syntaxique profond, mais pas au niveau sémantique. Le DB est seulement un actant de surface, car il n’a pas de correspondance actancielle dans les autres niveaux.

36 Regardons donc le DB, le DP1 et le DP2 à partir de la perspective de la sémantique et la syntaxe profonde.

3.1. Datifs bénéfactifs dans la SSém et dans la SSyntP

37 Entre autres, les verbes de création comme COSER ‘coudre’admettent en espagnol facilement l’expression d’un bénéfactif. Mais il semble évident qu’on n’a pas besoin de la participation du bénéficiaire dans la situation désignée par COSER pour pouvoir dire que ‘coser’a eu lieu. Cela veut dire que le verbe COSER n’inclut pas comme son ASém le bénéficiaire de l’action. D’après nous, le sens ‘coser’est donc un prédicat à deux arguments, avec la définition suivante  [10] :

38

X cose Y : ‘X met ensemble des pièces de tissus au moyen de points réalisés avec un fil passé dans une aiguille de telle sorte que X assemble une pièce de vêtement Y’.

39 Si l’on voulait absolument inclure le bénéficiaire comme un ASém, on pourrait postuler une duplicité de sens pour tous les verbes comme COSER, de telle sorte que tout verbe qui admet un Bénéfactif aura une autre unité lexicale avec ce participant additionnel (en gras dans la définition) :

40

X cose Y a Z : ‘X met ensemble des pièces de tissus au moyen de points réalisés avec un fil passé dans une aiguille de telle sorte que X assemble une pièce de vêtement Y dont Z pourrait bénéficier’.

41 Cette solution ne semble pas très convaincante car elle multiplierait les unités lexicales. De ce fait, on considère dans notre étude que COSER a deux ASém. Comme résultat, la SSém de la phrase (15) peut se représenter de la façon suivante :

42

(16) La SSém de la phrase (15)

figure im6
’en beneficio de’
1 2
’coser’
1 2 ’María’
’Juan’ ’falda’

43 Examinons maintenant le niveau SyntP. Nous ne pouvons pas représenter le Bénéficiaire (María) comme un ASyntP de COSER car il n’est en correspondance avec aucun ASém du sémantème ‘coser’. Le seul choix est de le décrire comme un Circonstanciel profond pour lequel la TST offre deux possibilités de réalisation : (a) au moyen d’une relation spéciale ou (b) au moyen d’un lexème spécial. En ce qui concerne la possibilité (a), il faudrait introduire une nouvelle relation SyntP : BENEF (active). Cela augmenterait le nombre de relations SyntP qui sont censées être universelles et d’un nombre réduit.

44 En ce qui concerne la possibilité (b), il faudrait employer un lexème profond fictif « PARA » ( « pour ») afin de décrire le sens du type lexical ‘au bénéfice de’ qui s’exprime en surface par la construction du datif. Celui-ci incombe aux lexèmes fictifs : rendre compte du sens exprimé moyennant une construction syntaxique qui est plutôt idiosyncratique.

45 Un lexème fictif est un lexème postulé par le chercheur. Il peut être identique à un lexème réel de la langue, mais il est distingué par les guillemets doubles pour montrer dans la SSyntP qu’il est pointé vers une construction SyntS particulière au lieu d’un lexème réel. À présent, Mel’?uk (à paraître) penche pour la description avec le lexème fictif pour le cas des datifs bénéfactifs, parce que cette option permet de garder le nombre réduit de relations SyntP [11].

46 Ainsi, dans la SSyntS nous avons un C. O. Ind. qui correspond non pas à un ASyntP du verbe, mais à un Circonstanciel. La SSyntP de la phrase Juan le cosió una falda a María serait donc :

47

(17) La SSyntP de la phrase (15)

figure im7
COSER
I II
ATTR
JUAN
FALDA
« PARA »
II
MARÍA

3.2. Datifs possessifs 1 dans la SSém et dans la SSyntP

48 La situation sémantique et syntaxique profonde est très différente dans le cas de DP1. Dans les constructions de DP1, le possesseur fait partie du sens du verbe. On le voit clairement dans la définition de notre verbe de référence, BESAR :

49

X besa a Y en Z con W : ‘X touche une partie du corps Z de l’être Y ou la surface de l’entité Y  [12] avec ses lèvres W en les pressant ensemble et en les séparant immédiatement avec une petite expiration, pour montrer de l’affection envers Y’.

50 Selon cette définition, BESAR a quatre ASéms. Le quatrième actant, ‘lèvres’, ne se réalise facilement qu’avec un modifieur : Juan le besa la frente a María con sus labios mojados, litt. ‘Juan lui embrasse le front à María avec ses lèvres mouillées’.

51 Dans les phrases comme (13), Juan le besó la frente a María, on réalise les trois premiers actants de BESAR ; voir la SSém (18a). On peut observer que le possesseur (‘María’) est l’ASém 2 du prédicat verbal ‘besar’et, en même temps, l’ASém1 du possédé (‘frente’), qui est l’ASém 3 du ‘besar’. C’est ce qu’on reconnaît habituellement comme « montée du possesseur » (voir König et Haspelmath 1998).

52

La SSyntP correspondante à la phrase (13) se présente comme suit, arbre (18b).
(18) (a) La SSém de la phrase (13)

figure im8
’besar’
1 2 3
1
’Juan’ ’María’ ’frente’

53

(b) La SSyntP de la phrase (13)

figure im9
BESAR
I III
II
JUAN FRENTE MARÍA

54 Les SSém et SSyntP sont identiques pour GOLPEAR ‘frapper’, MORDER ‘mordre’et d’autres verbes de contact, avec la même distribution des actants dans leurs définitions.

3.3. Datifs possessifs 2 dans la SSém et dans la SSyntP

55 Contrairement au DP1, dans les constructions de DP2 le possesseur ne fait pas partie du sens du verbe. Regardons la définition de LAVAR ‘laver’ :

56

X lava Y = ‘X nettoie Y en le mouillant avec de l’eau ou un autre liquide (habituellement avec savon)’

57 Comme la SSém (19a) de la phrase (14) María le lavó las manos al niño le montre, le Possesseur ne dépend pas sémantiquement du prédicat ‘lavar’, mais du Possédé ‘niño’. Cependant, la SSyntP (19b), comme dans le cas précédent, montre que le Possesseur est un dépendant syntaxique du verbe. Dans ce cas, on parle aussi de « montée du possesseur ».

58 L’ASyntP III est motivé du côté de la syntaxe de surface :

59

(19) (a) La SSém de la phase (14)

figure im10
’lavar’
1 2
’manos’
’María’
1
’niño’

60

(b) La SSyntP de la phrase (14)

figure im11
LAVAR
I III
II
MARÍA MANOS NIÑO

3.4. Récapitulatif du statut actanciel des datifs en question

61 Le seul cas où le datif est un actant verbal de « plein droit » est dans le cas DP1 (BESAR), car ici le Possesseur est un actant dans les trois niveaux. Le sens de BESAR, ainsi que d’autres verbes de contact, permet d’employer métonymiquement le Possesseur (le tout) par le Possédé (la partie). Même si la définition de BESAR spécifie que c’est toucher une partie du corps Z de Y, on peut dire besar a María en laissant non exprimée la partie du corps de María touchée [13].

62 En revanche, pour le cas DP2 (LAVAR), le statut actanciel du Possesseur se dérive, d’un côté, de la sémantique et de l’autre côté, de la syntaxe de surface. Du point de vue de la sémantique, le Possesseur « hérite » du statut d’ASyntP du Possédé avec lequel il a une relation sémantique « partie-tout ».

63 Mais le sens de LAVAR n’inclut pas nécessairement la relation partie-tout et c’est pour cela qu’on ne peut pas employer métonymiquement le Possesseur par le Possédé. Ainsi, lavar las manos del niño n’est pas équivalent à lavar al niño.

64 Notons que dans les SSéms en haut, l’ASém 2 de ‘lavar’est ‘manos’ (le Possédé), tandis que l’ASém de ‘besar’est ‘María’ (le Possesseur). Du point de vue de la syntaxe de surface, il vaut mieux le traiter comme un ASyntP pour garder l’homomorphisme entre la SSyntP et la SSyntS (voir Mel’?uk à paraître).

65 Contrairement au Possesseur, qui est un ASém du Possédé, le Bénéficiaire n’a pas de lien actanciel ni avec le prédicat qui désigne l’action (‘coser’) ni avec aucun de ses ASéms. C’est pour cela que le statut le plus proche des Circonstants est celui de DB (COSER), et par conséquent, il n’est pas représenté au niveau SyntP comme un actant [14].

66 Dans le tableau suivant, nous synthétisons les différents statuts actanciels que montrent les datifs étudiés.

67

(20) Les statuts actanciels de DB, DP1 et DP2

ASém ASyntP ASyntS
Datif Bénéfactif
(COSER)
×
Datif Possessif 1
(BESAR)
× × ×
Datif Possessif 2
(LAVAR)
× ×
figure im12

68 Nous avons montré que les caractéristiques sémantiques et syntaxiques profondes du DB ne permettent pas de le traiter de la même façon que le DP1 et le DP2. Étant donné que le Possesseur est représenté comme ASyntP dans les constructions DP1 et DP2, ce sont ces deux constructions où l’on peut parler, strictement, d’une montée de Possesseur. En conséquence, ce sont seulement celles-ci qui sont pertinentes pour notre étude.

4. MODÉLISATION DE LA MONTÉE DU POSSESSEUR

69 La question qui se pose maintenant est de savoir comment modéliser d’une façon uniforme et plausible le phénomène de montée du possesseur tel qu’il se présente dans les constructions avec LAVAR et BESAR. Dans la terminologie de TST, cela signifie qu’il faut expliciter le lien entre les SSém, SSyntP et SSyntS correspondantes. Ce lien peut s’interpréter comme la projection (par exemple pendant la génération automatique) d’une SSém donnée à une SSyntP correspondante et d’une SSyntP à une SSyntS. Étant donné que le lien entre SSyntP et SSyntS dans le phénomène de la montée de possesseur ne pose pas un défi théorique, nous nous concentrons sur la transition de la SSém à la SSyntP.

70 La TST offre plusieurs instruments adéquats pour traiter les correspondances entre les structures de différents niveaux. L’instrument basique est le schéma de régime (SR) ; comme nous l’avons montré dans la Section 2, un SR établit une correspondance statique entre les structures actancielles d’un lexème. Le SR est complémenté et, parfois, substitué par les règles de transition entre des SSém à des SSyntP. Le SR comme les règles de transition ont absolument besoin de la structure communicative (SCommSém) qui précise la correspondance et dirige la projection, respectivement.

71 Dans la section 4.1, nous montrons comment les différentes SSyntP de nos phrases avec BESAR et LAVAR correspondent à différentes SCommSém. Dans la section 4.2. nous nous concentrons sur le SR, tandis que dans 4.3, nous présentons les règles de transition.

4.1. Alternances actancielles dirigées communicativement

72 Rappelons que les verbes du type BESAR offrent trois alternances actancielles, c’est-à-dire que la SSém donnée en (18a) peut être exprimée par trois phrases, répétées pour la commodité du lecteur :

73

(21) Juan besó a María en la frente,
litt. ‘Juan a embrassé María dans le front’ [15].
(22) Juan le besó la frente a María,
litt. ‘Juan lui a embrassé le front à María’.
(23) Juan besó la frente de María
litt. ‘Juan a embrassé le front de María’.

74 Ces phrases ont les SSyntP présentées dans (24) :

figure im13
(24) (a) BESAR (b) BESAR
III III
I II I II
Juan María FRENTE Juan FRENTE María
(c) BESAR
I II
FRENTE
Juan
I
María

75 Est-ce qu’on peut dire que la SSém (18a) correspond à ces trois SSyntP ? A strictement parler, non : chacune de ces trois SSyntP instancie une distribution particulière de l’information dans (18a), la distribution en tant que telle est encodée par une SCommSém spécifique. Regardons donc les SComSém en combinaison avec la SSém qui correspondent à (24a – c) :

76

(25) (a) SCommSém qui aboutit à (24a)

figure im14
’besar’
Th2
1 2 3
1 Rh2
’Juan’ ’María’ ’frente’
Th1
Rh1

77 Cette structure est une SCommSém basique, avec la réalisation minimale de la dimension communicative du Thème et Rhème. Le Rhème principal (Rh1) a une division de Thème/Rhème secondaire qui reflète la structure thématique entre l’actant 2 et l’actant 2 de ‘besar’ [16].

78

(b) SCommSém qui aboutit à (24b)

figure im15
’besar’
Rh2
1 2 3
Fr 1
Th2
’Juan’ ’María’ ’frente’
Th1
Rh1

79 Dans cette structure, le Possesseur (‘María’) fait partie du Rhème secondaire (notons que, dans la SCommSém précédente, ‘María’fait partie du Thème secondaire). En plus, selon Mel’?uk (2001), le Possesseur est au premier plan ; c’est-à-dire, ‘María’ fait partie de la partie du réseau qui est au premier plan (et donc marqué comme « Foregrounded »)  [17].

80

(c) SCommSém qui aboutit à (24c)

figure im16
’besar’
1 2 3
Bg 1
’Juan’ ’María’ ’frente’
Th
Rh

81 Dans cette structure, le Possesseur ‘María’est « Backgrounded », mis en arrière plan. C’est pour cela qu’il est réalisé au niveau syntaxique comme un dépendant du Possédé.

82 Les verbes de type LAVAR offrent deux alternances actancielles. La SSém donnée en (19a) peut être exprimée par :

83

(26) Juan le lavó las manos al niño,
litt. ‘Juan lui a lavé les mains à l’enfant’.
(27) Juan lavó las manos del niño,
litt. ‘Juan a lavé les mains de l’enfant’.

84 Leur SSyntP sont analogues à (24b) et (24c), respectivement. Nous ne les répétons pas ici. Mais du point de vue du traitement des constructions à montée de possesseur, il est intéressant de regarder la SCommSém qui nous amène à la réalisation de la phrase (26).

figure im17
(28)
’lavar’
1 2
’manos’
’Juan’
Th 1
Rh
Fr
’niño’

85 Nous verrons plus bas comment les règles de transition pour projeter l’ASém ‘niño’ comme un ASyntP III de LAVAR devront avoir accès à la SCommSém (28) car le SR du verbe ne dispose pas du troisième actant.

4.2. Le rôle de SR dans le lien entre SSém et SSyntP

86 Examinons maintenant le rôle de SR pour le lien entre la SSém et la SSyntP dans les constructions à montée du possesseur. Dans le cas de BESAR (et de tous les verbes de ce type) on a deux SR qui se présentent comme suit  [18] :

87

(29) Le premier SR de BESAR : X BESA Y EN Z CON W1

X ? I Y ? II Z ? III {W ? IV} [19]
1. N 1. a N 1. en N 1. con N
obligatoire
figure im18
1) C2.2 + C: impossible[20]
2) C2.1 : Y est un être animé et vivant

88 Ici, l’ASém Y est le Possesseur et Z est le Possédé. Ce SR explicite la correspondance symétrique entre les ASéms et les ASyntPs de BESAR : Y (c’est-à-dire l’ASém 2) correspond à II et Z (l’ASém 3) correspond à III (pour notre étude, la réalisation de ASém W n’a pas d’importance primaire et peut être ignoré). C’est le cas pour la phrase Juan besó a Maria en la frente (dont la SSyntP est (24a)).

89

(30) Le deuxième SR de BESAR : X BESA Z A Y CON W

X ? I Z ? II Y ? III {W ? IV}
1. N 1. N 1. a N 1. con N
obligatoire
figure im19

90 Ce SR explicite la correspondance asymétrique entre les ASéms et les ASyntPs de BESAR : Z (c’est-à-dire l’ASém 3) correspond à l’ASyntP II et Y (l’ASém 2) correspond à l’ASyntP III. C’est le cas dans les phrases Juan le besó la frente a María et Juan besó la frente de María (dont les SSyntP sont (24b) et (24c), respectivement)  [21].

91 Nous pouvons donc avoir accès aux deux SR de BESAR pour récupérer les alternances admissibles des correspondances ASém-ASynP.

92 Mais les SR ne révèlent pas quelle est la différence sémantique entre ces alternances et ne nous donnent pas des critères pour choisir l’une ou l’autre. C’est exactement ici où la SCommSém entre en ligne de compte. En enrichissant les SRs de BESAR avec l’information sur le rôle des ASém dans les dimensions communicatives, on peut établir une relation directe entre les alternances et les SR.

93 Comme illustration, nous montrons ces conditions pour (24b) et (24c) associées avec le deuxième SR de BESAR :

94

(30´) Le deuxième SR de BESAR avec des conditions communicatives [22]

X ? I Z ? II Y ? III {W ? IV}
1. N 1. N
obligatoire
1. a N 1. con N
figure im20
Condition 1 : si Z ?Thème, Y ? Rhème et Y ? « Foregrounded »,
alors Z <==>II, et Y <==> III
Condition 2 : si Z ? Rhème et Y ? « Backgrounded », alors Z <==>
II, et Y <==> ----

95 Or, est-ce qu’on peut aussi utiliser le SR, en l’amplifiant avec des conditions communicatives, pour modéliser le cas de LAVAR ? Rappelons que la différence entre LAVAR et BESAR explicitée plus haut dans la Section 3 est que dans le premier cas le Possesseur ne fait pas partie de la valence sémantique, tandis que, dans le deuxième cas, il en fait partie. Regardons le SR de LAVAR dans (31) :

96

(31) Le SR de LAVAR

X ? I Y ? II
1. N 1. N
obligatoire
figure im21

97 Selon ce SR, l’ASém 1 (dénoté par X) de LAVAR correspond à l’ASyntP I et l’ASém 2 (dénoté par Y) correspond à l’ASyntP II. Ces correspondances nous permettent de projeter le sous-réseau ‘lavar – 1? María’de la structure (19a) à son sous-arbre correspondant LAVAR – I? MARIA et ‘lavar – 2 ? manos’à LAVAR – II ? MANOS. Mais le SR de LAVAR ne nous donne pas des indications sur la projection de ‘manos – 1 ? niño’à LAVAR – III ? NIÑO.

98 Dans ce cas, le SR ne suffit donc pas pour décrire la correspondance entre la SSém et la SSyntP et il faut recourir aux règles de transition présentées dans la prochaine sous-section pour l’obtenir.

4.3. Les règles de transition de la SSém à la SSyntP

99 Le cadre de la TST nous permet aussi une modélisation explicite du passage d’une SSém à sa SSyntP à travers des conditions communicatives dans les règles de transition sans introduire des conditions dans les SRs. Dans ce qui suit, nous allons d’abord présenter les règles équivalentes au SR (30’) enrichi avec des conditions communicatives et, ensuite, la règle nécessaire pour traiter le cas de LAVAR.

100 Toutes les règles sont spécifiées dans le format du générateur MATE (Bohnet et al. 2000 ; Bohnet 2006). Ce format a l’avantage d’être rigoureux et en même temps encore transparent pour le lecteur humain. Comme c’est habituel pour les règles de correspondance de TST, une règle MATE met en correspondance une structure (un seul nœud, un arc avec deux nœuds ou une structure plus complexe) (spécifié comme ‘ls : ’ par ‘left side’) avec sa structure correspondante (spécifié comme ‘rs : ’ par ‘right side’).

101 Les structures contiennent comme étiquettes des nœuds (et parfois aussi des arcs) des variables au lieu de noms concrets (dans le format MATE, toutes les variables commencent avec un ‘ ?’). Dans (32a) en bas, la relation sémantique (RelSém) entre un sémantème ( ? Xsem) et son ASém 2 ( ? Ysem) est donc mise en correspondance avec la relation syntaxique profonde (RelSyntP) entre une unité lexicale ( ? Xds) et son ASyntP II ( ? Yds). Pour expliciter que le nœud ? Xsem correspond au nœud ? Xds et le nœud ? Ysem à ? Yds, nous spécifions dans la partie ‘cr’ (par correspondance) : ‘ ? Xsem ? ? Xds’ et ‘ ? Ysem ? ? Yds’. Des conditions (exprimées dans MATE par ‘cd : ’ ou ‘conditions’) spécifient dans quelles circonstances la correspondance entre les structures du côte gauche (‘ls’) et du côté droit (‘rs’) est valide.

102 La règle (32a) spécifie donc que la RelSém 2 entre les nœuds ? Xsem (‘besar’) et ? Ysem (‘María’) est en correspondance avec la RelSyntP II entre les ? Xds (BESAR) et ? Yds (MARÍA) si ? Ysem fait partie du Thème secondaire (voir la structure (25a) en haut) – tandis que (32b) indique que RelSém 3 entre les nœuds ? Xsem (‘besar’) et ? Zsem (‘frente’) est en correspondance avec RelSyntP III entre les ? Xds (BESAR) et ? Zds (FRENTE) si ? Zsem fait partie du Rhème secondaire – comme on le voit dans la structure (25a).

103 Les deux règles suivantes sont employées pour la projection de (25a) à (24a). Les deux décrivent comment les ASém 2 et 3 – ou plus précisément : les ASém qui sont connectés avec la tête verbale à travers des RelSém 2 et 3 – sont projetés à ses ASyntP utilisant des conditions communicatives.

104

(32) Règles de correspondance entre (25a) et (24a)

(a) (b)
ls : ? Xsem – 2? ? Ysem ls : ? Xsem 3 ? ? Zsem
rs : ? Xds – II? ? Yds rs : ? Xds III ? ? Zds
cr : ? Xsem ? ? Xds cr : ? Xsem ? ? Xds »
? Ysem ? ? Yds ? Zsem ? ? Zds
cd : ? Ysem ? Th2 cd : ? Zsem ? Rh2
figure im22

105 Les deux règles suivantes s’utilisent pour la projection de (25b) à (24b).

106

  1. La règle (33a) met en correspondance la RelSém 2 entre les nœuds ? Xsem (‘besar’) et ? Ysem (‘María’) avec la RelSyntP III entre les ? Xds (BESAR) et ? Zds (MARÍA) si ? Ysem fait partie du Rhème secondaire et il est « Foregrounded ».
  2. La règle (33b) modélise la correspondance entre la RelSém 3 entre ? Xsem (‘besar’) et ? Zsem (‘frente’) avec la RelSyntP II entre ? Xds (BESAR) et ? Yds (FRENTE) à condition que ? Zsem fasse partie du Thème secondaire.

107

(33) Règles de correspondance entre (25b) et (24b)

(a) (b)
ls : ? Xsem – 2? ? Ysem ls : ? Xsem – 3? ? Zsem
rs : ? Xds – III? ? Zds rs : ? Xds – II? ? Yds
cr : ? Xsem ? ? Xds cr : ? Xsem ? ? Xds
? Ysem ? ? Zds ? Zsem ? ? Yds
cd : ? Ysem ? Rh2 cd : ? Zsem ? Th2
? Ysem ? Foregrounded
figure im23

108 De la même manière, les règles de correspondance assurent la relation entre (25c) et (24c).

109 Regardons maintenant le cas de LAVAR où le possesseur ne fait pas partie du sens du verbe. Comme on vient de constater dans la sous-section précédente, le SR n’offre pas d’aide pour la réalisation de la projection de SSém à SSyntP. La projection doit être implémentée par la voie des règles de transition.

110 Le marquage de ‘niño’ comme « foregrounded » dans la SCommSém (28) nous indique donc que, pendant le passage de la SSém à la SSyntP, le Possesseur doit être monté (au lieu d’être réalisé comme un dépendant du lexème signifiant ‘manos’). La règle suivante modélise la montée du possesseur comme on le rencontre pendant la projection de la structure (19a) à la structure (19b). Elle met en correspondance la RelSém 1 entre les nœuds ? Xsem (‘manos’) et ? Ysem (‘niño’) et RelSyntP III entre les ? Zds (LAVAR) et ? Yds (NIÑO) sous les conditions que ? Xsem figure comme ASém 2 du ? Zsem (‘lavar’), que ? Ysem soit dans le Rhème secondaire et ? Ysem soit « Foregrounded ».

111

(34) Règle de correspondance entre (28) et (19b)
ls : ? Xsem –1? ? Ysem
rs : ? Zds –III? ? Yds
cr : ? Xsem ? ? Xds
? Ysem ? ? Yds
? Zsem ? ? Zds
cd : ? Zsem –2? ? Xsem
? Ysem ? Rh2
? Ysem ? Foregrounded

5. CONCLUSIONS

112 Dans cet article, nous avons proposé de considérer séparément les datifs bénéfactifs des datifs possessifs. En analysant les constructions à montée du possesseur, nous avons montré qu’il y a une différence importante entre des constructions dont le Possesseur fait partie du sens du verbe (comme dans le cas de BESAR) et des constructions dont le Possesseur n’entre pas dans la définition lexicographique verbale (comme dans le cas de LAVAR). Cette différence a des conséquences pour la disponibilité de certaines alternances et aussi pour la modélisation de la correspondance entre la structure actancielle sémantique et la structure actancielle syntaxique profonde du verbe en question.

113 Ensuite, on a montré que la TST a tous les outils pour une description appropriée des phénomènes. D’un côté, la TST, qui fait la distinction entre les niveaux sémantique, syntaxique profond et syntaxique de surface, permet la représentation distinctive de chaque type de construction en question et ainsi la division entre datifs bénéfactifs, les constructions à montée du Possesseur de type BESAR et les constructions à montée du Possesseur du type LAVAR. D’un autre côté, l’outil du schéma de régime et les règles de transition permettent une modélisation adéquate de la projection des structures des constructions à montée du Possesseur entre les différents niveaux. Nous devons souligner le rôle particulier que la structure communicative joue dans ces projections.

114 Or, nous sommes conscients que ce que nous venons de présenter est seulement une petite partie des phénomènes liés aux constructions de possesseur. Nous n’avons pas traité les restrictions concernant les verbes qui permettent la montée du possesseur. L’espagnol est assez permissif et accepte des verbes de perception et d’émotion avec le datif, comme dans le miraba/le envidiaba las piernas, ‘je lui regardais/je lui enviais les jambes’, mais pas toujours : un verbe comme odiar ‘haïr’ bloque le datif possessif. König et Haspelmath (1998 : 534) signalent qu’il doit s’agir de situations où le possesseur peut se sentir concerné et ainsi sont possibles des états qui peuvent exprimer des ennuis.

115 Cependant, cela n’explique pas complètement pourquoi le Possesseur des jambes peut se sentir plus concerné en étant envié qu’en étant haï.

116 Un autre sujet que nous n’avons pas abordé est la différence sémantique entre l’expression de la possession avec le déterminant possessif et le datif (lavar sus manos/lavarle las manos). Nous n’avons pas examiné non plus le blocage de l’expression d’un adjectif non restrictif (*lavarle las manos regordetas ‘lui laver les mains rondelettes’).

117 Une autre des études qu’il nous reste à faire est l’analyse contrastive des constructions à montée du Possesseur comme, p. ex. entre l’espagnol le arranqué seis páginas al libro (exemple de Kliffer 1987 : 288), litt. ‘lui arracher six pages au livre’et l’allemand *ich riss dem Buch sechs Seiten heraus. Tandis que l’espagnol est plus permissif avec les Possesseurs inanimés, l’allemand les exclut complètement. Il serait intéressant d’étudier attentivement la hiérarchie des noms qui permettent que le Possesseur soit un dépendant verbal. D’après Seiler (1983), dans cette hiérarchie il y a les paramètres d’animation, d’individualité et d’empathie. Il semblerait qu’en espagnol, l’empathie a plus de poids que l’animation, contrairement à ce qui se passe en allemand. En espagnol, le datif possessif sert à exprimer l’affectation, comme il a été souvent signalé dans la littérature spécialisée. En revanche, dans l’expression locative du Possesseur, l’affectation semble moins présente. Kemmerer (2003) propose pour la construction à montée en anglais (hit John on the arm) le signifié schématique suivant qui pourrait s’appliquer aussi à beaucoup de datifs possessifs espagnols : ‘X acted on person Y, causing Y to feel something, by contacting part Z of Y’s body’. Il serait intéressant d’examiner plus attentivement, avec les outils de la TST, le lien entre la dimension communicative « au premier plan » et le trait « affecté », mais cela devra attendre des travaux postérieurs.

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  • SEILER, HANSJAKOB, 1983. Possession as an operational dimension of language (Language Universals Series 2), Tübingen, Gunter Narr.
  • SILVA DOMÍNGUEZ, CARME, 1996. « A posesión inalienable : artigo, dativo, posesivo », Lorenzo Vázquez, R., Àlvarez Blanco, R. (eds.). Homenaxe á profesora Pilar Vázquez Cuesta, Santiago de Compostela, Universidade de Santiago de Compostela, pp. 241-263.
  • VAN VALIN, ROBERT, 2005. Exploring the syntax-semantics interface. Cambridge, Cambridge University Press
  • VÁZQUEZ ROZAS, VICTORIA, 1995, El complemento indirecto en español, Santiago de Compostela, Universidade de Santiago de Compostela, Colección Laia, Series Maior, 1.
  • VELÁZQUEZ CASTILLO, MAURA, 2000. « Posesión inalienable en español : niveles de tematicidad e individualización », Revista española de lingüística aplicada, 1, pp. 83-110.
  • WIERZBICKA, ANNA, 1988. The semantics of grammar. Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins.

Notes

  • [1]
    Nous devons remercier Igor Mel’?uk d’avoir accepté la lecture d’une partie de ce texte. Nous en profitons aussi pour remercier Xavier Blanco pour l’invitation et pour sa patience. Ce travail est encadré dans le projet de recherche FFI2008-06479-C02-01.
  • [2]
    Nous ne mentionnons ici que les datifs possessifs et les datifs bénéfactifs, mais le problème de datifs « libres » ou « non-lexicaux », c’est-à-dire les datifs non déterminés par la valence du verbe a une abondante littérature associée. Voir, entre autres, Rooryck (1988), Herscherson (1992), Van Belle et Van Langendonck (1996). Pour un état de la question sur le datif possessif en espagnol, galicien et français, voir Silva Domínguez (1996).
  • [3]
    Nous ne voulons pas nous limiter aux datifs possessifs car nous sommes aussi intéressés aux cas où le Possesseur est un dépendant verbal mais il n’est pas exprimé comme un datif. Un autre terme qui pourrait couvrir notre objet d’étude est « constructions à possesseur externe », employé par König et Haspelmath (1998), mais il est formulé en une terminologie liée à la syntaxe de constituants, tandis que notre approche est orientée vers la syntaxe de dépendances.
  • [4]
    Notons que, formellement, les SSém sont des réseaux et non des arbres ; c’est-à-dire qu’elles n’ont pas une tête qui représente le gouverneur de la structure. C’est aussi le cas dans la SSém (8), même si (8) a la forme d’un arbre. C’est une des raisons pour lesquelles il faut indiquer le nœud dominant (= le nœud principal) dans les SSém.
  • [5]
    L’ensemble d’unités lexicales profondes d’une langue L contient les unités lexicales de L avec quelques ajouts et quelques exclusions. Deux types d’unités « artificielles » sont ajoutées : (i) symboles des fonctions lexicales (FLs), qui encodent la dérivation lexico-sémantique et cooccurrence lexicale restreinte (Mel’?uk 1996) ; (ii) lexèmes fictifs, qui encodent des constructions syntaxiques idiosyncratiques de L qui portent le sens de type lexical, comme nous le montrerons plus bas. Cependant, les mots structurels, des pronoms substituts et les valeurs des FLs sont exclus.
  • [6]
    La SSyntP montrée dans (9) et les autres SSyntP montrées dans cet article sont simplifiées : les étiquettes des nœuds d’une SSyntP complète contiennent des traits représentant des significations grammaticales sémantiques, comme le temps verbal ou le nombre du nom.
  • [7]
    Notons que, dans une structure sémantique concrète, le premier ASém est identifié comme ‘1’, le deuxième comme ‘2’, etc. Dès lors, X doit s’interpréter comme ‘1’, Y comme ‘2’, etc.
  • [8]
    Pour raisons d’espace, nous n’incluons pas dans le SR les relations syntaxiques de surface, mais voir Mili?evi? (dans ce volume).
  • [9]
    Dans la bibliographie espagnole, il y a eu beaucoup de débat sur la fonction syntaxique des datifs bénéfactifs. En simplifiant la discussion, certains auteurs sont enclins à distinguer entre deux grands types de C. O. Ind. (Campos 1999, par exemple), tandis que d’autres choisissent de ne pas faire cette distinction. Par exemple, pour Vázquez Rozas (1995), le C. O. Ind sert à conférer un statut central au participant même s’il n’est pas valenciel. Sur le datif en espagnol, voir aussi (Gutiérrez Ordóñez 1999, Delbecque et Lamiroy 1996, Demonte 1994, etc.).
  • [10]
    Nos définitions sont une simplification. En étant rigoureux, on pourrait inclure les participants de la situation ‘coser’ comme le fil, l’aiguille et le tissu comme des ASéms de coser, mais ils ne sont pas pertinents pour notre discussion et ils peuvent confondre le lecteur.
  • [11]
    Un des évaluateurs du présent article a suggéré la solution de traiter la préposition a du datif bénéfactif comme un lexème plein, contrairement à la préposition vide du datif possessif. Ce procédé éviterait l’introduction du lexème fictif. Signalons, toutefois, que ce n’est pas seulement la préposition a qui exprime le sens ‘en bénéfice de’ mais toute la construction syntaxique de surface du datif, qui comprend l’expression du clitique le ‘lui’. Le lexème fictif « PARA » signale qu’il y a une construction au niveau SyntS qui est chargée d’exprimer un sens de type lexical.
  • [12]
    Nous incluons la disjonction entre les deux composantes pour rendre compte du fait qu’on peut dire besar el suelo / el crucifijo ‘embrasser le plancher/ le crucifix’ où il n’y a pas de parties et où ce qu’on embrasse est une surface.
  • [13]
    Évidemment ce comportement est lié au traitement de la possession inaliénable, ce sur quoi on a beaucoup écrit (voir Chappell et McGregor 1996, Wierzbicka 1988, entre autres). Pour le cas de ‘besar’, étant donné que le rapport entre le Possesseur et le Possédé est si étroit, tout ce qui concerne le deuxième concerne aussi le premier, contrairement à ce qui arrive avec le cas de ‘lavar’. Il y a aussi des études qui ont traité ce sujet plus orienté vers la relation partie-tout que Possesseur-Possédé ; c’est le cas de Manoliu-Manea (1996).
  • [14]
    Notre traitement coïncide partiellement avec des auteurs comme Shibatani (1994) qui traite le datif bénéfactif comme « extra-valenciel », mais aussi le datif possessif. Cependant, Delbecque et Lamiroy (1996) considèrent comme actanciel le datif possessif.
  • [15]
    Comme nous l’avons déjà indiqué, le statut d’ASyntP est basé sur des critères sémantiques et syntaxiques. Ainsi, un syntagme comme en la frente est un ASyntP du verbe besar car il fait partie de son sens, comme on le montre dans la définition du verbe dans la section 3.2. Cependant, le locatif en la habitación, qui apparaît dans la Fig. 9 est un circonstant : il ne fait pas partie du sens du verbe discutir.
  • [16]
    Plus précisément, de la même façon que la distribution de Thème/Rhème primaire, la distribution de Thème/Rhème secondaire sert à codifier les différences communicatives exprimées par l’ordre linéaire. Ainsi, (25a) répond à la question « ¿Dónde besó Juan a María ? » ‘Où a Jean embrassé Maria ?’ ; alors que (25b) répond à la question « ¿A quién le besó Juan la frente ? » ‘À qui Juan a embrassé le front ?’.
  • [17]
    Dans la littérature cognitiviste, les auteurs parlent de la « profilisation » du tout, le Possesseur, face à la désindividualisation de la partie, le Possédé. Voir par exemple, Langacker (1995), Heine (1997). Pour l’espagnol, voir Velázquez Castillo (2000), dos Santos Vaamonde (2006). Déjà Dumitrescu (1999) avait proposé traiter le datif possessif en espagnol et en roumain comme un marqueur de topicalité. Manoliu-Manea (1996), qui se concentre sur le roumain, fait appel aussi au trait discursif de « topicalité » et au trait cognitif de « centralité ».
  • [18]
    Voir Mel’cuk (à paraître) où l’on présente les SR du verbe équivalent russe pocelovat’ ‘embrasser’ dont nous nous sommes inspirés.
  • [19]
    Les accolades signifient que l’ASém W peut être exprimé seulement s’il est modifié, car il s’agit d’un actant qui correspond à un participant constant de la situation en considération, voir Mel’?uk (2004a).
  • [20]
    La condition que Y doit être un être animé et vivant exclut la réalisation des phrases comme *Juan besó el ataúd en la tapa, lit. ‘Juan a embrassé le cercueil sur le couvercle’.
  • [21]
    Il faut souligner que pour le cas (24c), l’ASém Y est « Backgrounded » ce qui implique qu’il se réalise au niveau syntaxique comme un dépendant du Possédé.
  • [22]
    Notons que, dans une description strictement formelle, il faudrait ajouter l’information sur l’équivalence des variables X, Y, Z, … avec les ASém 1, 2, 3,…
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