Notes
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[1]
L’encodage initial des CL peut s’expliquer par une tendance chez les apprenants à faire coincider frontières de mot et coupures syllabiques, puisque les CL sont normalement syllabées avec la voyelle suivante.
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[2]
Ces différences acoustiques ne sont pas toujours perçues correctement. Des séquences comme petit ami et petit tamis sont difficiles à distinguer mais les tests de perception effectués sur de telles paires montrent que les auditeurs ne les identifient pas de façon tout à fait aléatoire (Zwanenburg et al. 1977, Dejean de la Bâtie 1993). De même, Gaskell et al. (2002) montrent que les CL ne posent pas de problème pour la reconnaissance des mots à initiale vocalique, ce qui suggère l’existence d’indices signalant que la consonne n’est pas initiale de mot.
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[3]
Il est plus difficile d’écarter totalement sur des bases phonétiques la possibilité que les CL soient des consonnes finales flottantes, en raison de la grande flexibilité du cadre autosegmental. Mais puisque cette option paraît moins compatible avec le reste des données présentées ici, nous maintiendrons l’épenthèse.
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[4]
Dans un des tests d’El Fenne, les sujets devaient prononcer des pseudo-adjectifs en contexte de liaison après avoir été mis en contact avec leurs formes féminine et masculine non liées. Dans 72 % des cas les locuteurs ont utilisé la CL attendue. Ce pourcentage serait réduit à 67 % avec l’exclusion de l’adjectif gapil-gapille (sur le modèle gentil-gentille), que tous les locuteurs ont prononcé [gapij] en contexte de liaison dans gapil homme. Le statut de ce [j] comme CL est douteux. D’une part, [j] ne sert jamais de CL. D’autre part, les Québécois consultés prononceraient cette séquence [?ap?j?m] avec un [?] relâché (comme dans toute syllabe finale fermée), alors que les [i] devant CL restent toujours tendus, p. ex. petit homme [ptit?m]. Il est possible d’envisager une prononciation avec [i] tendu [?apij?m], possiblement par analogie avec la forme figée gentilhomme, ou avec un [j] qui apparaît comme une glissante de transition, comme dans joli homme [??lij?m].
-
[5]
Deux types de liaison ne dépendent pas d’items lexicaux particuliers mais plutôt de catégories morphologiques : la liaison en [z] marquant le pluriel et les liaisons en [z] et [t] suivant certaines formes verbales devant des mots autres que les enclitiques (ex. ils doivent aller [ildwavtale]). Ces cas de liaison morphologiques méritent un traitement à part.
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[6]
Il est d’ailleurs possible en (2c) de prononcer le [n] après la pause, mais alors la voyelle précédente garde sa nasalité : [?ãneb | nãfã].
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[7]
Pour sot, Morin (1992) montre plutôt que les locuteurs ont tendance à conserver la forme de non liaison [so] dans tous les contextes.
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[8]
Ce principe va dans le sens des propositions de Hayes (2004), selon qui les contraintes de correspondance output-output, qui exigent l’identité des différentes réalisations d’un même morphème, sont placées aussi haut que possible dans la hiérarchie des contraintes.
1La liaison correspond à la prononciation entre deux mots d’une consonne qui n’apparaît dans aucun de ces mots prononcé dans d’autres contextes. Ainsi, la séquence gros arbre est prononcée [grozarbr], avec un [z] de liaison qui n’est présent ni dans le mot gros [gro] ni dans le mot arbre [arbr]. Une des questions que toute analyse de la liaison doit résoudre est celle du statut lexical de ces consonnes de liaison (CL). Appartiennent-elles au mot précédent (mot de gauche, Mot 1, p. ex. gros), au mot suivant (mot de droite, Mot 2, p. ex. arbre) ou à aucun des deux ? La graphie et les analyses traditionnelles nous ont habitués à rattacher les CL au mot précédent. La liaison est d’ailleurs généralement définie comme la prononciation d’une consonne finale devant des mots à initiale vocalique, ce qui évacue d’avance la question du statut lexical des CL. Mais les deux autres options – rattachement au mot de droite et indépendance lexicale – ont aussi été envisagées, du moins pour des sous-groupes de CL.
2Il peut paraître surprenant que des décennies de recherche sur la liaison n’aient pas fourni de réponses plus claires à la question du statut lexical des CL. Le maintien de l’incertitude s’explique en partie par la nature du débat, qui s’est largement concentré sur des arguments formels plutôt qu’empiriques, et par l’éventail plutôt limité des données généralement considérées. Nous nous proposons ici de revoir la question du statut lexical des CL à la lumière de données nouvelles ou négligées. Ces données, qui proviennent notamment de l’acquisition et de la phonétique, convergent vers les résultats suivants : les consonnes traditionnellement considérées comme CL sont généralement épenthétiques, mais elles peuvent aussi dans des cas marginaux appartenir au mot précédent ou au mot suivant. Ces conclusions mettent en lumière le rôle de certaines contraintes sur les représentations lexicales et les dérivations phonologiques dans l’analyse et le développement de la liaison. Elles suggèrent notamment l’absence de segments flottants et la tendance à maintenir des formes lexicales uniques et invariantes au cours de la dérivation.
1 – Les options envisagées pour le statut des CL
3La quasi-totalité des études sur la liaison adoptent la position classique du rattachement des CL au mot de gauche. Cette approche s’est manifestée sous plusieurs formes, qui reposent essentiellement sur la troncation, la supplétion ou le concept de segment flottant (cf. Encrevé 1988, chap. 3). Toutes ces analyses ont en commun de considérer que la forme sous-jacente de mauvais dans mauvais auteur [m?v?zotœr] est /m?vez/. Elles se distinguent cependant sur deux points particuliers : la représentation du /z/ final, en comparaison des consonnes fixes comme le /z/ de Blaise, et le statut de la forme de non-liaison, par exemple [m?v?] pour mauvais.
4Selon les analyses basées sur la troncation (p. ex. Schane 1968), les CL comme le /z/ final de mauvais sont prononcées lorsqu’elles ne sont pas effacées par une règle générale de troncation des consonnes finales en contexte de non liaison. Les consonnes fixes ne sont pas sujettes à la chute des consonnes finales soit parce qu’elles sont suivies d’un schwa, soit parce qu’elles constituent des exceptions spécifiées comme telles dans le lexique. Plus récemment, Morin (1992) a proposé d’analyser la CL des adjectifs prénominaux comme un suffixe comparable à une marque casuelle, adoptant une représentation /m?v?+z/. Les analyses supplétives (p. ex. Klausenburger 1984 ; Perlmutter 1998) considèrent que les allomorphes de liaison et de non-liaison correspondent à des représentations lexicales distinctes, par exemple /m?v?z/ et /m?v?/. Tranel (1990) considère également la supplétion pour un sous-ensemble des adjectifs prénominaux, comme bon. Les approches autosegmentales, utilisant les ressources de la phonologie non-linéaire, représentent les CL comme des consonnes flottantes, par rapport au squelette et/ou à la syllabe (p. ex. Encrevé 1988 ; Tranel 1990, 1996 ; Scullen 1993 ; de Jong 1994 ; Davis 2000 ; cf. Tranel 1995). La liaison consiste à ancrer la CL dans la structure prosodique, condition de sa prononciation. Les consonnes laissées flottantes restent muettes, sans qu’il y ait recours à un processus de troncation. Comme dans les analyses basées sur la troncation, les allomorphes de liaison et de non-liaison sont dérivés d’une forme sous-jacente unique. Mentionnons également l’approche de Steriade (1999) qui, travaillant dans un cadre différent, propose que la forme de liaison [m?v?z] est en fait la forme féminine de l’adjectif.
5En réaction aux analyses génératives qui reposent sur la troncation, plusieurs auteurs ont défendu une conception épenthétique des CL, tenues pour lexicalement indépendantes du mot précédent (Klausenburger 1974 ; Tranel 1981 ; Morin & Kaye 1982). Les arguments ont surtout porté sur la nature épenthétique des CL, mais Tranel (1981) fournit des arguments empiriques appuyant spécifiquement leur indépendance lexicale.
6Le rattachement des CL au mot de droite représente certainement l’option la plus marginale. Il a surtout été proposé pour le /z/ de pluriel, souvent interprété comme un préfixe du mot suivant (p. ex. Gougenheim 1938 ; Morin 1981, 1986 ; Morin & Kaye 1982). Morin (1979a, b, 1986) l’applique également aux enclitiques en, y, il(s), elle(s), on, qu’on retrouve dans les constructions impératives (vas-y) et avec inversion du sujet (va-t-elle). Il suggère que le [z] de l’impératif et le [t] de l’inversion sont intégrés à la représentation sous-jacente de ces enclitiques :
/zã, zi, ti(l), t?(l), t/.
8Quelques références suggèrent d’étendre le rattachement au Mot 2 au-delà des cas spécifiques du pluriel et des enclitiques. Morin (2003) et Klausenburger (2001) analysent les CL accompagnant les adjectifs prénominaux comme des préfixes du mot suivant. Dans gros arbre [grozarbr], par exemple, arbre apparaît avec le préfixe [z] dont la présence et la nature sont déterminées par gros. Ternes (1977) conçoit la liaison comme un cas de mutation de la consonne initiale. Les CL sont intégrées au mot suivant ; les mots à initiale vocalique, devant lesquels la liaison s’observe, ont ainsi plusieurs variantes, par exemple [arbr], [tarbr], [narbr], [zarbr]. La variante correcte est sélectionnée par le contexte précédent. Ici la CL n’est pas un préfixe, comme dans Morin (2003), mais fait bien partie du morphème suivant.
2 – Le statut des CL en acquisition
9L’abondance de la recherche théorique sur la liaison contraste avec la pauvreté des données d’acquisition. Des formes enfantines comme le [n]enfant, avec surapplication apparente de la liaison, sont bien connues. Mais ce n’est que récemment qu’on s’est sérieusement penché sur la nature de ces erreurs et leurs implications pour le statut des CL, tant chez l’enfant que chez l’adulte (Chevrot 2001, Chevrot & Fayol 2000, 2001, Dugua 2002 ; voir aussi Morel 1994, Wauquier-Gravelines 2001). Des données de nature diverse – erreurs de liaison notées au vol, étude systématique de la liaison dans des corpus de parole spontanée d’enfants, données recueillies lors d’expériences spécifiques – montrent les cinq types d’erreurs suivants chez les enfants de 2 à 5 ans :
10Deux faits en particulier soutiennent cette conception des CL chez l’enfant de 2-3 ans. On note premièrement la fréquence de formes comme [nurs] en début d’énoncé. En l’absence de mot précédent, il paraît peu probable que le [n] initial soit lexicalement une consonne finale. Il peut être soit lexicalement indépendant, notamment épenthétique, soit encodé à l’initiale du mot ours. Une expérience menée par Dugua (2001) appuie l’hypothèse de la forme lexicale /nurs/. L’audition préalable d’une forme comme deux ours [døzurs] favorise chez les jeunes enfants la production d’erreurs du type un ours [zurs], avec répétition erronée du [z] de liaison. Mais l’audition de formes comme deux ânes [døzan], qui contiennent également ce [z] de liaison, n’a aucun effet sur la production de [zurs]. Autrement dit, l’enfant doit entendre toute la séquence [zurs], et non seulement le [z] de liaison, pour produire des erreurs en [zurs], ce qui suggère bien l’unité de cette séquence [1].
11Si le rattachement des CL au mot de droite semble bien motivé chez les plus jeunes enfants, les étapes suivantes dans le développement de la liaison sont moins claires. Morel (1994) et Wauquier-Gravelines (2001) tiennent pour acquis que les CL appartiennent au mot de gauche chez l’adulte mais ne précisent pas quand, comment et sur la base de quelles données l’enfant modifie sa grammaire initiale. Chevrot (2001) penche plutôt vers le maintien du rattachement au mot suivant, mais n’exclut pas une réanalyse des CL comme consonnes finales.
12À l’encontre de ces études, l’évolution des erreurs de liaison entre 2 et 5 ans nous semble suggérer que les CL se détachent progressivement du mot suivant pour devenir épenthétiques. Cette proposition est soutenue par deux tendances, observées par Chevrot & Fayol (2000, 2001) et confirmées par Dugua (2002). Premièrement, on note une augmentation progressive de la fréquence d’omission des CL dans des contextes de liaison obligatoire (1c), ainsi qu’une corrélation positive entre le score de liaisons justes et le taux d’omission (plutôt que de substitution) parmi les erreurs. Deuxièmement, les erreurs sur les consonnes initiales stables (1d-e) deviennent plus fréquentes vers 4 ans, les enfants traitant plus souvent ces consonnes comme des CL.
13Une réanalyse des CL comme épenthétiques rend compte de ces deux évolutions. Les CL se détacheraient progressivement du mot de droite et seraient plutôt insérées. L’omission des CL résulterait de la non-application du processus d’épenthèse. Le détachement se renforcerait au fur et à mesure que l’enfant progresse dans la liaison, d’où une probabilité accrue d’omissions. Les erreurs sur les consonnes initiales stables correspondraient à une surapplication du processus de détachement : l’enfant détache les /n, z, t/ initiaux dans les mots qui possèdent une variante à initiale vocalique mais également au début de quelques mots qui ne présentent pas d’alternances (p. ex. zèbre).
14L’étape de l’épenthèse pourrait être motivée par l’économie lexicale. Lorsque l’enfant apprend à utiliser de façon appropriée les variantes à initiale consonantique comme /nurs, zurs, turs/, celles-ci deviennent prévisibles à partir du contexte. Si on considère que le lexique ne retient que l’information non prévisible, les CL se trouvent exclues du lexique et donc insérées par un processus grammatical.
15Le maintien du rattachement au mot suivant ou la réanalyse des CL comme consonnes finales ne semblent pas rendre compte de l’évolution des erreurs de liaison aussi bien que l’épenthèse. Si on considère que les CL restent encodées à l’initiale du Mot 2, il faut supposer que l’omission des CL correspond à une surutilisation de la variante à initiale vocalique (p. ex. /urs/). On peut se demander pourquoi les enfants surutiliseraient la variante qui est précisément la plus rare dans l’environnement. Dugua (2002) suggère le développement d’un mécanisme d’inhibition des variantes à initiale consonantique, qui aboutit à la production de la variante à initiale vocalique et donc la renforce. Il s’ensuit une augmentation des erreurs par omission. Deux ours serait ainsi prononcé [døurs] plutôt que [dønurs], [døzurs] ou [døturs]. Il n’est cependant pas clair de savoir pourquoi seules les variantes à initiale consonantique seraient inhibées. Cela suggérerait une certaine forme d’indépendance de la consonne initiale par rapport au reste de la représentation, conclusion que la solution épenthétique établit directement. Quant aux erreurs sur les consonnes initiales stables, elles résulteraient de la création de nouvelles formes (p. ex. /?br/ et /n?br/ pour zèbre) par analogie avec des mots comme ours. Mais pourquoi l’analogie n’opérerait-elle que vers l’âge de 4 ans ?
La réanalyse des CL comme consonnes finales est peut-être plus compatible avec les deux évolutions observées (les omissions plus fréquentes pourraient par exemple correspondre à un stade transitoire où les CL ne sont vraiment rattachées ni au Mot 2 ni au Mot 1). Cependant, on devrait s’attendre à ce que le rattachement au Mot 1 donne lieu à de nouveaux types d’erreurs : CL finales prononcées dans des contextes non appropriés (p. ex. deux prononcé [døz] en contexte de non-liaison) ou confusion entre CL et consonnes finales fixes (p. ex. mauvais prononcé [m?vez] ou honnête prononcé [?n?]). De telles erreurs ne semblent pas être observées. Dans plus de 7 800 séquences Mot 1-Mot 2, prononcées par 389 enfants âgés de 2 à 6 ans, dans lesquelles le Mot 1 est un déclencheur potentiel de liaison et le Mot 2 débute par une consonne (p. ex. deux chats), pas une seule des erreurs attendues n’a pu être observée (Dugua 2002, Nardy 2003). Sachant qu’elles surgissent avec les CL encodées à l’initiale (c’est-à-dire prononciation des CL dans des contextes de non-liaison et confusion entre CL et consonnes initiales stables), il serait surprenant que l’enfant n’en produise pas avec les CL analysées comme consonnes finales, malgré l’ambiguïté entre consonnes latentes et fixes.
Si l’étape de l’épenthèse se confirme, il y a toute raison de croire qu’il s’agit du stade final qui se maintient jusqu’à l’âge adulte. Les erreurs sur les CL et les consonnes initiales stables disparaissent rapidement et font place vers 5 ans à une maîtrise pratiquement parfaite de la liaison obligatoire. Aucune donnée ne suggère une restructuration ultérieure du système de la liaison, et en particulier une réanalyse des CL comme consonnes finales.
3 – Arguments additionnels en faveur de l’épenthèse
16L’approche épenthétique est appuyée par des analyses acoustiques des CL, ainsi que par certaines erreurs de liaison et la productivité limitée de la liaison chez l’adulte. Elle reçoit également l’appui de l’étude de Kilani-Schoch (1983) sur des sujets aphasiques.
17Les descriptions du français affirment souvent l’identité entre CL, consonnes initiales de mot et consonnes finales resyllabées. Les séquences petit ami (avec [t] de liaison), petite amie (avec [t] final) et petit tamis (avec [t] initial), prononcées [pœ.ti.ta.mi], sont supposées homophones. Des études acoustiques plus fines montrent que la réalité est plus complexe. Déjà en 1940, Delattre affirmait que les CL étaient similaires aux consonnes initiales, mais pouvaient être plus faibles. Les consonnes finales, même resyllabées, conservent des propriétés de consonnes en coda et se distinguent assez nettement des CL. Dejean de la Bâtie (1993) confirme la distinction entre CL et consonnes initiales par des analyses plus sophistiquées de 24 paires de pseudo-mots (ou de quelques mots rares) comme petit abard / petit tabard. Elle montre plus spécifiquement que les [t] de liaison ont une durée d’occlusion et un VOT plus courts que les [t] initiaux. La durée moindre des CL par rapport aux consonnes initiales ressort également des expériences menées par Spinelli et al. (2003). La différence entre CL et consonnes initiales est particulièrement frappante dans certaines variétés de français parlées en Ontario (Canada), dans lesquelles les occlusives sourdes sont aspirées à l’initiale du mot. Les CL, par contre, ne sont pas aspirées, de sorte que la distinction entre petit ami [pœ.ti.ta.mi] et petit tamis [pœ.ti.tha.mi] est tout à fait nette. La durée réduite et l’absence d’aspiration vont dans le sens d’une plus grande faiblesse des CL, comme l’affirmait Delattre [2].
18La conclusion qu’on peut tirer ici est que les CL sont représentées différemment des consonnes fixes, initiales ou finales. Les CL ne seraient donc pas encodées au début du mot suivant, ce qui appuie la proposition d’une restructuration du système de la liaison après le stade du rattachement initial. Les CL ne correspondraient pas non plus à des consonnes finales fixes, ce qui contredit les analyses supplétives ou basées sur la troncation. La solution la plus plausible est qu’elles sont épenthétiques, ce qui rejoint les résultats d’acquisition. La durée réduite des CL découle naturellement de cette conclusion puisqu’il s’agit là d’une caractéristique générale des segments épenthétiques [3].
19Le processus d’épenthèse explique aussi sans doute mieux certaines « erreurs » fréquemment commises par les locuteurs adultes. L’étude du corpus d’erreurs recueillies par Desrochers (1994) révèle de fréquentes « erreurs à distance », comme dans bien mieux isolé que nous avons récemment entendu prononcé [bjmjøniz?le], avec un [n] de liaison qui semble motivé par la présence de bien mais qui en est séparé par le mot mieux. Ces erreurs à distance, en fait, frappent par leur naturel, du moins pour tous les locuteurs canadiens consultés, ce qui suggère qu’elles peuvent être générées par le système grammatical de ces locuteurs et ne sauraient correspondre à de simples erreurs de « performance » (comme le suppose Armstrong 2001). Ces erreurs à distance sont tout à fait mystérieuses si on considère les CL comme des consonnes finales (fixes ou flottantes) puisqu’il est difficile d’imaginer qu’une consonne soit ainsi séparée du mot auquel elle appartient. Les consonnes épenthétiques, n’étant pas soumises à de telles contraintes d’adjacence lexicale, expliquent plus aisément ces erreurs à distance.
Finalement, l’épenthèse rend compte de la productivité limitée de la liaison dans des contextes lexicaux nouveaux. Les tests de production effectués par Morin (1992), El Fenne (1994) et Sampson (2001) montrent que la tendance des locuteurs à étendre la liaison à des items lexicaux avec lesquels la liaison n’est pas déjà établie est très variable, même dans des contextes où la liaison est obligatoire avec d’autres mots tout à fait comparables. Le problème se pose essentiellement pour les adjectifs prénominaux, la seule classe de mots qui puisse déclencher la liaison et qui ne soit pas fermée. Les résultats d’El Fenne suggèrent une plus grande productivité que ceux de Morin et Sampson, mais on reste loin d’un usage systématique de la liaison [4]. Ces résultats sont prévisibles si l’épenthèse est déterminée lexicalement : les mots nouveaux ne sont pas intégrés dans le contexte d’application et ne pourront déclencher la liaison que par analogie avec les mots existants. Par contre, si on considère que la liaison correspond à la prononciation de consonnes finales présentes dans les représentations lexicales, on voit mal pourquoi toute consonne finale ne serait pas spontanément prononcée dans les contextes appropriés. En outre, si les CL dérivent du même segment sous-jacent que les consonnes utilisées dans la dérivation morphologique (p. ex. le [t] de liaison de petit et celui de petite ou petitesse), on prédit une correspondance absolue entre ces deux types de consonnes. Pourtant, cette correspondance n’est pas nécessaire ; pour certains locuteurs et certaines communautés (en tout cas au Canada), l’emploi d’un [t] de liaison avec gros, par exemple, est normal et productif, alors que les dérivés comme grosse et grosseur prennent invariablement [s]. Il ne s’agit pas d’erreurs passagères, comme on le suppose généralement.
4 – CL encodées à l’initiale du mot suivant
20Les liaisons interviennent généralement entre un nombre limité de Mots 1 et une grande variété de Mots 2. Par exemple, dans le domaine nominal, un [t] de liaison apparaît entre un petit groupe d’adjectifs {petit, grand, maudit…} et n’importe quel nom à initiale vocalique. C’est cette asymétrie qui conduit vraisemblablement l’apprenant à établir un lien de dépendance entre les CL et l’identité du Mot 1, et à restructurer son lexique en détachant les CL de l’initiale du Mot 2. Il existe pourtant certains cas particuliers de liaisons où l’asymétrie est inversée : les CL sont prononcées entre une grande variété de Mots 1 et un petit nombre de Mots 2. Le cas le plus clair est celui des enclitiques. Dans les constructions impératives ou avec inversion du clitique sujet, un [z] ou un [t] apparaissent entre n’importe quel verbe et les enclitiques y, en pour les impératifs (vas-y [vazi]) et il(s), elle(s), on pour les inversions (va-t-il [vatil]). On voit plus difficilement dans cette situation sur quelle base le jeune enfant serait amené à procéder à l’étape du détachement. La CL dépend beaucoup plus directement du mot de droite que de celui de gauche et il est tout à fait plausible de supposer que ces consonnes restent analysées comme consonnes initiales du Mot 2 (et ne sont donc pas, à proprement parler, des CL) [5].
21C’est en effet l’analyse que propose Morin (1979a, b, 1986), pour qui ces enclitiques sont lexicalisés avec la consonne dont ils sont précédés, donnant lieu aux représentations lexicales /zã/, /zi/, /ti(l)/, /t?(l)/ et /t/. Or deux phénomènes caractéristiques du français canadien semblent appuyer cette conclusion. D’une part, dans les dialectes franco-ontariens qui aspirent les occlusives sourdes à l’initiale du mot, il s’avère que le [t] de l’inversion dans se dit-elle est aspiré, tout comme le [t] initial de petit thème mais contrairement au [t] de liaison de petit elfe. D’autre part l’assibilation de /t, d/ en [ts, dz] devant /i, y, j, ?/ en français canadien est obligatoire à l’intérieur des mots (p. ex. tu [tsy] mais variable aux frontières de mots (p. ex. lutte inouïe [lytinui / lytsinui]). Or elle paraît obligatoire dans se dit-il mais pas dans petit if, ce qui témoigne du statut initial du [t] de l’inversion. La lexicalisation de ce [t] est par ailleurs évidente dans la particule interrogative ti (tu en français canadien, p. ex. on y va-tu ?), qui provient historiquement de la séquence t-il.
22Un cas plus intéressant et inattendu de lexicalisation d’une supposée CL à l’initiale du Mot 2 nous est fourni par la séquence [t]+être en français canadien. L’infinitif être apparaît régulièrement précédé de [t], notamment après diverses formes des semi-auxiliaires pouvoir, devoir, falloir, vouloir et aller. La liaison est variable entre un semi-auxiliaire et un infinitif mais, selon les données de Ågren (1973), elle est beaucoup plus fréquente avec être (84 %) qu’avec les autres verbes (46 %). La fréquence de la combinaison [t]+être semble avoir abouti, en français canadien, à la lexicalisation de la forme /t?:tr/, utilisée en alternance avec /?:tr/ dans de nombreux contextes où un [t] de liaison n’est nullement motivé. On entend donc fréquemment : j’ai failli [t]être, j’voudrais pas [t]être, tu peux ben [t]être, etc. Ce [t] ne peut apparaître avec aucun autre infinitif dans ces contextes, d’où l’impossibilité de formes comme * j’ai failli [t]arriver, qui montrent bien que le [t] dans j’ai failli [t]être est relié spécifiquement à être et non au mot précédent. La lexicalisation de la forme /t?:tr/ reçoit ici encore l’appui de la phonétique : le [t] de failli [t]être est perçu par les locuteurs comme semblable au [t] initial de joli tête, et plus « fort » que le [t] de liaison de petit être. (Ces impressions doivent cependant être confirmées par des études acoustiques.)
Ces exemples suggèrent que le détachement des CL de l’initiale du mot de droite peut ne pas se produire dans des combinaisons CL+Mot 2 particulières. On pourrait même penser qu’en situation de sous-apprentissage ce blocage soit généralisé et que les apprenants conservent les variantes lexicales à initiale consonantique. Une telle situation semble être observée en michif, langue mixte des prairies nord-américaines née du contact d’Indiennes cree et de trappeurs et coureurs des bois canadiens français. Le système nominal est français, le système verbal cree. Selon Bakker (1997), un mot comme ours a trois variantes en michif [nu :r, zu :r, lu :r] qui peuvent être en variation libre. Ce système ressemble fort à celui d’enfants francophones de 2-3 ans, avant l’étape du détachement des consonnes initiales. On peut spéculer que les enfants métis nés de couples cree-français qui sont à l’origine du michif n’ont pas été suffisamment en contact avec le français pour établir les associations entre les consonnes initiales et le mot précédent qui mènent à leur détachement.
5 – CL encodées à la fin du mot précédent
23Plusieurs arguments remettent en question la conception des CL comme consonnes finales. Il apparaît pourtant qu’un petit nombre de CL doivent être analysées ainsi. Ce résultat est motivé par la prononciation des CL en position post-pausale, notamment dans des constructions avec extraposition comme en (2a) (Tranel 1990).
- j’en ai un, enfant [?ãne | nãfã]
- j’en ai une, histoire [?ãneyn | istwar] * [?ãney | nistwar]
- j’en ai un bon, enfant [?ãneb?n | ãfã] *[?ãneb? | nãf?]
24Comme Tranel (voir aussi Morin 1986), nous supposons que ces adjectifs présentent deux formes supplétives : une forme de non-liaison à finale vocalique et une forme de liaison à finale consonantique. Bon aurait donc les deux formes lexicales /b, b?n/, tout comme le petit groupe d’adjectifs traditionnellement analysés avec la supplétion : beau/bel, nouveau/nouvel, vieux/vieil, ce/cet, fou/fol, mou/mol. Nous reviendrons dans la prochaine section sur les raisons pour lesquelles les alternances [b~b?n] sont traitées de façon supplétive.
6 – Conséquences
25Les données présentées jusqu’ici suggèrent que les consonnes traditionnellement classées comme CL se regroupent en trois catégories : les consonnes épenthétiques (le cas général), les consonnes initiales de mot (dans le cas de combinaisons particulièrement fréquentes CL+Mot 2) et les consonnes finales fixes (dans les adjectifs présentant une alternance vocalique entre les formes de liaison et de non-liaison). Cette vision nouvelle des CL soulève des points importants sur d’autres aspects de la phonologie du français et plus généralement sur la nature du lexique, de la grammaire et de leur rôle respectif dans l’analyse des alternances. Ces questions ne seront que brièvement évoquées ici.
26Voyelles nasales. Les alternances du type [b~b?n] sont traitées par la supplétion et n’impliquent aucun processus de (dé)nasalisation vocalique. Si cette conclusion s’applique également à l’alternance entre le masculin [b] et le féminin [b?n], comme le suggère Morin (1983), on conclut que les voyelles nasales en français sont toutes sous-jacentes et non dérivées de voyelles orales (cf. Tranel 1990).
27Segments flottants. Le modèle esquissé ici évacue totalement la notion de consonne flottante dans la liaison. Dans la mesure où la liaison a joué un rôle crucial dans l’utilisation des éléments flottants dans le domaine segmental, on peut se demander si cette conclusion n’aboutira pas à une remise en question plus sérieuse des principes autosegmentaux. L’absence de consonnes flottantes simplifie les représentations lexicales, ce qui va dans le sens de la tendance déjà bien en vue dans la théorie de l’optimalité, qui accorde une place réduite aux représentations.
28Invariance lexicale. Une des conséquences les plus remarquables de l’analyse esquissée ici est que la liaison ne s’accompagne d’aucune modification des formes lexicales. On observe soit l’épenthèse entre deux formes invariantes, soit la supplétion, qui est utilisée précisément dans les quelques cas où l’épenthèse ne permettrait pas de maintenir intactes les formes lexicales. Si le [n] de bon ami [b?nami] était épenthétique, il faudrait avoir recours à un processus de nasalisation ou de dénasalisation pour rendre compte de l’alternance entre [b?] et [b]. La supplétion /b, b?n/ et la lexicalisation du [n] évitent l’utilisation d’un tel processus et servent à assurer la stabilité des formes lexicales. La forme [b?nami] peut être comparée à mon ami [mnami], dans laquelle nous supposons un [n] épenthétique qui n’a aucun effet sur les représentations puisque la voyelle de mon n’est jamais dénasalisée. Il en résulte une approche nouvelle du contraste entre des mots du type bon et ceux du type mon (voir Tranel 1990 et Sampson 2001 pour des discussions récentes). L’analyse de la liaison semble donc obéir à un principe d’invariance lexicale, qui n’a pas été considéré dans la comparaison entre les différentes approches [8].
29Unicité lexicale. Le développement de la liaison, chez l’enfant et dans l’histoire, montre également une tendance à l’économie lexicale et à l’unicité des représentations. L’encodage des CL au mot suivant observé au stade initial de l’acquisition résulte en un lexique complexe reposant sur une supplétion généralisée. Ce système est ensuite simplifié par le détachement des CL, la disparition des variantes à initiale consonantique et le développement de représentations lexicales uniques (p. ex. /urs/ plutôt que /nurs, zurs, turs, urs/ pour ours). De même, on peut observer une tendance pour des adjectifs du type bon à se « régulariser » et à conserver la voyelle de non-liaison dans tous les contextes (Tranel 1981, 1990 ; Encrevé 1988 ; Sampson 2001). Ceci permet le recours à l’épenthèse plutôt qu’à la supplétion, l’élimination des allomorphes spécifiques de liaison et l’établissement de représentations lexicales uniques. Bon lui-même, l’archétype des adjectifs avec oralisation de la voyelle en contexte de liaison, n’échappe pas à cette tendance : nous avons pu observer chez de jeunes locuteurs du Canada le maintien en liaison de la voyelle nasale de bon (p. ex. bon ami [bnami]), ce qui représente un pas de plus vers l’élimination de la supplétion.
Complexité. De façon plus générale, notre approche de la liaison questionne la notion de complexité dans l’analyse phonologique. Les grandes approches de la liaison sont chacune associées à un lieu de complexité distinct. La solution générative classique repose sur des règles de troncation simples mais exige un système complexe d’exceptions à ces règles pour rendre compte des consonnes finales stables. Les solutions autosegmentales évitent le piège des exceptions mais doivent faire appel à des représentations phonologiques plus complexes. Les solutions supplétives impliquent un alourdissement du lexique, alors que les représentations et le processus de liaison restent simples. Finalement, le modèle esquissé ici évite à la fois les représentations complexes, le problème des exceptions et la prolifération allomorphique. Il se caractérise par une stabilité absolue des représentations lexicales. Sa complexité repose plutôt dans le processus d’épenthèse lui-même, qui doit spécifier la CL à insérer en fonction du mot précédent (p. ex. insérer [t] dans le contexte de petit) et le contexte grammatical (phonologique et syntaxique) dans lequel cette insertion se fait. L’approche épenthétique a généralement été critiquée pour le côté arbitraire et fragmenté du processus d’insertion (p. ex. Booij 1983-84). Si elle s’impose, elle montre pourtant que les contraintes d’invariance et d’unicité des formes lexicales dominent la recherche de la simplicité du processus en jeu dans la construction grammaticale. La lourdeur du processus d’épenthèse ne doit cependant pas être exagérée puisque le nombre de mots et de contextes qui déclenchent l’épenthèse est réduit (du moins pour les liaisons non marquées stylistiquement).
7 – Conclusion
30Les données de diverses sources présentées et interprétées ici remettent en question deux faits bien établis dans l’analyse phonologique de la liaison : la conception des CL comme consonnes finales latentes et l’homogénéité du phénomène. Ce qu’on appelle liaison fait intervenir un ensemble de consonnes distinctes, essentiellement des segments épenthétiques mais également des consonnes initiales de mot et des consonnes finales fixes dans des formes de liaison supplétives. Ces dernières sont limitées à un nombre restreint, et probablement en régression, d’adjectifs prénominaux. À ces catégories pourraient encore s’ajouter des CL préfixales, comme le [z] marquant le pluriel. Il importe maintenant d’explorer plus à fond les effets empiriques et la signification théorique de cet éclatement du processus de liaison.
Bibliographie
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Notes
-
[1]
L’encodage initial des CL peut s’expliquer par une tendance chez les apprenants à faire coincider frontières de mot et coupures syllabiques, puisque les CL sont normalement syllabées avec la voyelle suivante.
-
[2]
Ces différences acoustiques ne sont pas toujours perçues correctement. Des séquences comme petit ami et petit tamis sont difficiles à distinguer mais les tests de perception effectués sur de telles paires montrent que les auditeurs ne les identifient pas de façon tout à fait aléatoire (Zwanenburg et al. 1977, Dejean de la Bâtie 1993). De même, Gaskell et al. (2002) montrent que les CL ne posent pas de problème pour la reconnaissance des mots à initiale vocalique, ce qui suggère l’existence d’indices signalant que la consonne n’est pas initiale de mot.
-
[3]
Il est plus difficile d’écarter totalement sur des bases phonétiques la possibilité que les CL soient des consonnes finales flottantes, en raison de la grande flexibilité du cadre autosegmental. Mais puisque cette option paraît moins compatible avec le reste des données présentées ici, nous maintiendrons l’épenthèse.
-
[4]
Dans un des tests d’El Fenne, les sujets devaient prononcer des pseudo-adjectifs en contexte de liaison après avoir été mis en contact avec leurs formes féminine et masculine non liées. Dans 72 % des cas les locuteurs ont utilisé la CL attendue. Ce pourcentage serait réduit à 67 % avec l’exclusion de l’adjectif gapil-gapille (sur le modèle gentil-gentille), que tous les locuteurs ont prononcé [gapij] en contexte de liaison dans gapil homme. Le statut de ce [j] comme CL est douteux. D’une part, [j] ne sert jamais de CL. D’autre part, les Québécois consultés prononceraient cette séquence [?ap?j?m] avec un [?] relâché (comme dans toute syllabe finale fermée), alors que les [i] devant CL restent toujours tendus, p. ex. petit homme [ptit?m]. Il est possible d’envisager une prononciation avec [i] tendu [?apij?m], possiblement par analogie avec la forme figée gentilhomme, ou avec un [j] qui apparaît comme une glissante de transition, comme dans joli homme [??lij?m].
-
[5]
Deux types de liaison ne dépendent pas d’items lexicaux particuliers mais plutôt de catégories morphologiques : la liaison en [z] marquant le pluriel et les liaisons en [z] et [t] suivant certaines formes verbales devant des mots autres que les enclitiques (ex. ils doivent aller [ildwavtale]). Ces cas de liaison morphologiques méritent un traitement à part.
-
[6]
Il est d’ailleurs possible en (2c) de prononcer le [n] après la pause, mais alors la voyelle précédente garde sa nasalité : [?ãneb | nãfã].
-
[7]
Pour sot, Morin (1992) montre plutôt que les locuteurs ont tendance à conserver la forme de non liaison [so] dans tous les contextes.
-
[8]
Ce principe va dans le sens des propositions de Hayes (2004), selon qui les contraintes de correspondance output-output, qui exigent l’identité des différentes réalisations d’un même morphème, sont placées aussi haut que possible dans la hiérarchie des contraintes.