Notes
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[1]
Code de la santé publique, articles L.1110-5 et L.1111-13.
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[2]
Ibidem.
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[3]
Depuis leur traitement par Depuis hypothermie leur traitement neuroprotectrice, par les cas d’asphyxie périnatale, les modérée cas d’asphyxie ou sévère, périnatale, ne font plus l’objet de discussion de soins l’objet palliatifs de en discussion salle de naissance. de soins De même, le cas des nouveauDe nés même, en cours le cas de prise des nouveauen charge en réanimation ne sera pas en abordé réanimation dans cet ne article, sera pas ceux-ci n’étant ni concernés n’étant par une ni quelconque concernés alternative à l’IMG ni sujets à discussion en salle de naissance.
-
[4]
Aspiration, oxygénation, ventilation, intubation, perfusion ou autres soins sont expliqués avec leurs limites.
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[5]
L’administration de Penthotal, de curare, de potassium n’a aucune raison d’être, il ne s’agit pas de traitements améliorant le confort de l’enfant mais qui abrègent sa vie. En les utilisant, l’équipe choisit une toute autre intention, dont la frontière avec l’euthanasie est fantasque ou hypocrite.
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[6]
Les gasps sont des mouvements respiratoires de type agonique, lents, laborieux, bruyants et inefficaces.
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[7]
Memmi D La seconde vie des bébés morts, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, coll. « Cas de figure », Paris, 2011.
1La démarche palliative en salle de naissance est encore mal connue des pédiatres de néonatologie et peu investie par les équipes mobiles de soins palliatifs. Née récemment de la convergence entre le progrès des connaissances médicales et l’évolution législative, elle apparaît dans certaines circonstances comme une alternative à l’interruption médicale de grossesse (IMG). Des parents font ainsi le choix de laisser naître leur enfant, avec la perspective d’un décès rapide avant, pendant ou après la naissance.
2De fait, la situation prénatale est très particulière en raison de l’absence d’existence juridique du fœtus (voir encadré ci-dessous). Les parents vont devoir être accompagnés et guidés dans une réflexion complexe qui prendra en compte le nouveau contexte médical et législatif, et dont les enjeux varieront selon les situations médicales concernées. Or le temps disponible en période prénatale, voire postnatale, est parfois extraordinairement court, réduisant d’autant la possibilité d’anticiper.
Le fœtus, un patient dépourvu d’existence juridique
Nous nous situons à la frontière de deux mondes, celui de la vie in utero et celui de la vie après la naissance. Remarquons qu’en France, l’IMG est autorisée jusqu’à l’instant qui précède la naissance, quel que soit le terme de la grossesse. Par contre, l’euthanasie est interdite à partir du moment où l’enfant naît, et ce pour toute sa vie et quel que soit son état.
L’issue mortelle est bien la même dans les deux cas mais, en l’absence d’existence juridique pour le fœtus, on ne peut parler d’assassinat – comme on le ferait pour l’enfant né. Cette limite, très claire, préserve entre autres la possibilité d’interrompre la grossesse.
Pour certains parents, la poursuite de celle-ci associée à la mise en œuvre de soins palliatifs à la naissance apparaît comme une alternative à l’IMG, que l’on peut qualifier de positive.
3Une fois la décision prise, les parents vont vivre de manières très diverses ce passage de leur enfant de la vie à la mort mais, quel que soit leur cheminement, un accompagnement attentif par les équipes sera à nouveau indispensable. Or la démarche palliative en période néonatale se déroule en salle de naissance, lieu de vie par essence où la mort trouve difficilement sa place.
Un nouveau contexte médical et législatif
4Un premier aspect tient à la meilleure prise en compte des connaissances sur le pronostic pour les extrêmes prématurés et les enfants porteurs de malformations. La publication en Angleterre puis en France, en 2001, des premières analyses sur le devenir de prématurissimes réanimés a permis aux équipes d’évaluer plus finement l’espérance de vie sans handicap, en fonction du terme et du poids des nouveau-nés. Des limites dites de « viabilité » ont pu être établies, en deçà desquelles la probabilité d’un décès rapide ou d’une vie de qualité très dégradée augmente fortement. Dans le même temps, dans le domaine des malformations, la performance du diagnostic prénatal s’est nettement accrue avec l’amélioration technique du dosage de marqueurs sériques, la mise à disposition d’études génétiques élargies et l’utilisation d’images échographiques ou par résonance magnétique plus proches de la réalité. Ainsi, le diagnostic prénatal tend à être plus fréquent et plus précis.
5Parallèlement, la loi dite « Leonetti » a introduit la notion d’obstination déraisonnable avec la possibilité de s’abstenir de soins curatifs dans certaines situations [1]. Mais concernant des enfants à naître, c’est la qualité de vie espérée et non l’existence d’une souffrance intolérable en fin de vie qui suscite la discussion d’une abstention : abstention de traitements curatifs en cas d’extrême prématurité ou renoncement à la correction d’une malformation incompatible avec la survie. L’alternative consiste alors à entreprendre une démarche de soins palliatifs dont on sait déjà qu’elle conduira au décès, d’autant que celui-ci peut être accéléré par l’utilisation de traitements visant au maintien du confort du patient [2].
Les soins palliatifs en salle de naissance : une démarche en trois étapes
6Les situations médicales potentiellement concernées par les soins palliatifs en salle de naissance sont donc au nombre de deux [3] : d’une part, une naissance aux limites de la viabilité telles qu’elles sont définies par la majorité des établissements périnataux français – soit un enfant pesant moins de 650 g et/ou une grossesse de moins de 25 semaines d’aménorrhée ; d’autre part, des pathologies d’une particulière gravité diagnostiquées en prénatal, dont l’évolution est habituellement mortelle dans un délai court. Dans ces deux situations, si les parents en avaient fait la demande, une interruption de grossesse aurait été jugée recevable par l’équipe d’un Centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN).
7La mise en place de cette démarche, extrêmement délicate, comporte trois étapes importantes : la consultation de soins palliatifs, le suivi du fœtus et de sa famille en anténatal, la prise en charge de l’enfant à la naissance et après celle-ci.
La consultation de soins palliatifs
8La consultation dite « de soins palliatifs » est au cœur de la démarche palliative. C’est elle qui permet de décider et d’organiser. Elle est toujours très émouvante car elle touche à l’essentiel : la qualité de la vie. Idéalement, les deux parents sont présents mais, dans un quart des cas, le père est absent lors du premier entretien. En effet, la consultation se déroule en deux temps qui sont marqués par deux rencontres distinctes, si la disponibilité des parents – et surtout le terme de la grossesse – le permettent.
9• Le premier temps permet d’élaborer avec les parents le choix – ou le refus – d’une démarche palliative. Il s’agit, pour le médecin, de préciser le diagnostic en s’appuyant sur ce que les parents ont déjà compris à la suite des consultations avec l’obstétricien ou la sage-femme. À partir de ce diagnostic, parfois malheureusement incertain, il faut construire l’évaluation la plus honnête possible du pronostic. Les notions de variabilité, d’incertitude de la science médicale sont souvent au cœur des propos échangés, incitant le médecin à l’humilité.
10À ce stade, il arrive que les parents demandent une IMG car ils considèrent que la malformation du fœtus est tellement sévère que la qualité de vie espérée pour leur bébé est trop mauvaise. D’autres parents ne souhaitent pas cette issue. Il peut s’agir de la conviction morale, religieuse ou culturelle que l’on ne peut attenter à la vie, même celle d’un fœtus, aussi petit ou malade soit-il. Il peut s’agir de laisser les choses se faire naturellement, en considérant que la mort surviendra probablement in utero, à la naissance ou encore dans les heures qui suivront celle-ci. Enfin, plus rarement, certains parents – conscients qu’il est possible que sa vie, sans considération de qualité, dure un certain temps qui pourrait être très long – désirent prendre soin de leur enfant. Dans la pratique, la prise en charge en soins palliatifs d’un fœtus atteint d’une pathologie d’une particulière gravité prend tout son sens comme alternative à une IMG lorsque, sans prise en charge, cette pathologie conduit au décès de l’enfant.
11La notion de soins déraisonnables est alors introduite et explicitée [4], ainsi que son adéquation à la situation présente. Il s’agit de mener avec les parents une réflexion progressive et cohérente, dans le respect de l’enfant.
12• Le deuxième temps de la consultation précise ce que sera la prise en charge palliative pour l’enfant attendu, pour sa famille, voire pour sa communauté. Il s’agit d’anticiper au mieux les événements pour tendre le plus possible vers une démarche apaisée. Qui sera présent à la naissance, et par la suite ? Où sera accueilli l’enfant ? Quelle attention lui portera-t-on ? Pratiquera-t-on des gestes de réanimation a minima, ou non ? Qui l’examinera, le portera, évaluera son confort ? Quels traitements recevra-t-il ? Quels rituels religieux ou culturels pourront être réalisés ?
13Prévoir la durée de vie du nouveau-né atteint de malformations est très difficile : la prudence s’impose. S’agissant des extrêmes prématurés, il semble que les nouveau-nés câlinés chaudement décèdent plus rapidement que ceux qui sont simplement observés sur une table de réanimation.
14Les gestes à faire après le décès sont également évoqués. En dehors des gestes proprement médicaux – autopsie éventuelle, prélèvements… –, les parents pourront parler de rites, d’habillage, de photos, d’empreintes à prendre, de traces à conserver…
Le suivi en anténatal
15S’il n’existe pas de recette infaillible, plusieurs principes peuvent être repérés. L’anticipation déjà évoquée est essentielle et doit être transmise par écrit. Elle est particulièrement complexe pour les nouveau-nés atteints de malformation(s), les soins palliatifs étant, dans ces situations, susceptibles de s’étendre dans la durée. Pour les prématurés en limite de viabilité, le déroulement est assez constamment bref ; la préparation des familles s’en trouve, si l’on peut dire, simplifiée. Une fiche d’anticipation des soins palliatifs néonatals, avec la synthèse des consultations anténatales, permet d’assister l’équipe qui, à tout moment, peut être amenée à recevoir la future mère. L’accompagnement doit être collégial et volontaire ; trop lourd à porter par une personne seule, il ne peut être imposé à des professionnels qui, souvent, ont fait le choix de la salle de naissance pour la joie qu’elle transmet…
16La disponibilité est essentielle, elle permettra la patience. Le respect guidera les soignants : respect du patient en premier lieu, puis celui des parents, et enfin celui de l’équipe elle-même. Souvent, un pacte tacite est passé avec le pédiatre à l’issue des réflexions anténatales, l’engageant à être présent lors de la naissance et du décès. Néanmoins, il existe encore, dans les soins palliatifs dispensés aux nouveau-nés en salle de naissance, des tâtonnements et des incertitudes qui font l’objet de débats. Nous y reviendrons.
La prise en charge à la naissance et les problèmes posés
17Lors de la naissance, la situation médicale doit être rapidement validée par le pédiatre. Après examen, celui-ci doit confirmer, lorsque cela est possible, les suspicions émises en prénatal et convier les parents à cette confirmation médicale.
18Le nouveau-né doit être confortable. Dispensé des habituels gestes systématiques, dépourvus de sens en la circonstance (administration de vitamines, aspiration de glaires…), il est installé au chaud, en peau à peau ou dans les bras, plus rarement dans un berceau chauffant. Sa douleur est régulièrement évaluée grâce à des échelles adaptées, permettant s’il y a lieu de poser l’indication d’un traitement antalgique. Les moyens médicamenteux sont rarement nécessaires ; le cas échéant, la voie d’abord est préférentiellement la veine ombilicale, les voies orale, veineuse périphérique ou intrarectale étant plus envahissantes. Le traitement de choix est la morphine. Comme le stipule l’article L.1110-4 du code de santé publique, l’éventualité qu’un traitement administré à but antalgique accélère la survenue de la mort doit être expliquée aux parents, afin de lever toute ambiguïté [5]. La survenue de gasps est probable [6] ; souvent impressionnants, ceux-ci sont mieux tolérés par l’entourage si l’on a pris soin de rappeler que ces mouvements ne sont pas douloureux quand ils se produisent chez un individu dont la conscience est déjà très altérée. La faim ou la soif seront prises en considération si l’enfant vit plusieurs heures. Les équipes de néonatologie ne se résolvent encore qu’exceptionnellement à ne pas nourrir un nouveau-né en soins palliatifs.
Le vécu des parents
19La situation des parents requiert elle aussi une grande attention. Ce nouveau-né est leur enfant. Il faut donc les inviter à le nommer et le leur confier si tel est leur souhait.
Voir leur bébé… ou pas
20« Voir ou ne pas voir le nouveau-né qui meurt » est un choix compliqué. Longtemps, dans un esprit de bienveillance protectrice, les médecins et les sages-femmes ont cru devoir éviter aux parents la vision d’un enfant parfois abîmé ou simplement trop petit. Dans les années 90, au contraire, une nouvelle pratique a consisté à vivement encourager les parents à voir leur enfant, arguant qu’une image réelle, l’amorce d’un lien physique par la vue et le toucher favoriseraient davantage l’élaboration du deuil qu’un fantasme. Le regret de n’avoir pas osé regarder leur enfant ne hanterait plus les parents ; en portant leur bébé, en le touchant, ils pourraient exister en tant que père et mère. Beaucoup de couples ont retiré un bénéfice de cette incitation à voir et à toucher leur petit.
21D’autres, à l’inverse, ont éprouvé une émotion trop forte à la vue de leur enfant et conservent durablement les séquelles d’un stress post-traumatique. Dans son ouvrage « La seconde vie des bébés morts », Dominique Memmi [7], sociologue, rapporte les difficultés qu’engendre un choc de cette nature, et notamment le défaut d’attachement des parents à l’enfant puîné quand la vue de son aîné les a ainsi blessés.
22La décision de voir ou non leur bébé appartient aux parents mais a besoin d’être accompagnée, progressivement, en douceur. Elle est fonction de leur vécu et de leur ressenti. Certains peuvent considérer le décès comme une fausse-couche, d’autres le vivre comme une naissance. L’expérience antérieure d’autres grossesses ou naissances, leurs convictions religieuses, la possibilité de se préparer à la situation influencent le choix que font les parents de porter ou non leur enfant à la naissance. Il arrive fréquemment que les avis divergent au sein du couple ; cela doit bien entendu être respecté. Les parents doivent être entourés, mais la discrétion s’impose. Il faut savoir ne rien dire, se retirer, respecter des situations dont la puissance nous dépasse.
Une naissance éprouvante
23La naissance est éprouvante pour un fœtus – a fortiori s’il est très prématuré, très petit ou malformé. Beaucoup décèdent donc pendant le travail. Et pourtant, certains parents insistent pour donner la vie. Ils désirent tenir leur enfant vivant dans les bras, même s’il est clair dans leur esprit que cette vie sera courte. Ce souhait des parents peut conduire l’équipe obstétricale à décider d’une surveillance conventionnelle du travail afin de le guider, et parfois même à réaliser une césarienne pour que l’enfant naisse vivant.
24Cette attitude peut apparaître comme une incohérence majeure entre les équipes pré et postnatale. En prénatal, on surveille le rythme cardiaque de l’enfant pour éventuellement le sauver en réalisant une césarienne. En postnatal, en démarche palliative, l’enfant n’est pas placé sous moniteur, on ausculte le cœur par intermittence et on ne propose aucune manœuvre s’il ralentit. De plus, la femme qui a subi une césarienne sera plus douloureuse, moins mobile pour accompagner son enfant ; enfin, la césarienne peut compliquer les grossesses suivantes.
25Inversement, le suivi du travail sans surveillance du rythme cardiaque fœtal est difficile, les sages-femmes n’en ont pas l’habitude. Il faut alors se préparer à accoucher un enfant décédé ou trouver d’autres critères décisionnels que d’éventuelles anomalies du rythme cardiaque.
26Une discussion collégiale s’impose donc, réunissant obstétricien(s) et pédiatre(s), le pré et le postnatal. Elle sera guidée à la fois par le souhait des parents et par la recherche d’une cohérence périnatale, meilleure garantie d’une réflexion de qualité.
Laisser l’enfant partir
27Après la naissance, les éléments de surveillance sont notés comme pour tout type de soin sur une échelle de temps : positionnement du nouveau-né, fréquence cardiaque, coloration, score d’Apgar, mouvements, gasps, score de douleur… La feuille de surveillance permet naturellement de guider les soins mais aussi de restituer un récit fidèle de cette naissance, y compris plusieurs années après, si la demande en est faite. On laissera les parents, nommer, câliner, porter, soulager leur bébé, le nourrir parfois. Il arrive que l’état de la mère l’éloigne un moment de son enfant – lorsqu’une anesthésie générale a été nécessaire, par exemple. Le pédiatre jugera alors de l’opportunité de conduire une courte réanimation d’attente, afin que l’enfant puisse rencontrer sa mère avant de mourir.
28Les parents pourront, ensuite, laisser leur enfant partir. Le décès leur sera confirmé par le médecin qui aura examiné leur bébé et qui leur expliquera le devenir du corps. Ils feront le choix des obsèques.
L’expérience d’un centre périnatal parisien, en quelques chiffres
29Les données recueillies pendant près de deux ans par un centre périnatal parisien de type 3 – où se pratiquaient alors 2500 accouchements par an – permettent une approche « statistique » des différents aspects de la démarche palliative en salle de naissance.
30Sur une période de 22 mois, 20 nouveau-nés ont bénéficié d’une telle prise en charge. Quatorze d’entre eux étaient des enfants aux limites de la viabilité, issus de 11 grossesses ; les 6 autres étaient atteints de malformations. L’âge moyen des mères était de 33,5 ans ; toutes vivaient en couple.
Les situations d’enfants aux limites de la viabilité
31Les naissances très prématurées surviennent à l’issue défavorable d’une menace d’accouchement prématuré. Pour 6 de ces naissances, l’hospitalisation a duré moins de 12 heures ; une femme est restée 10 jours hospitalisée avant d’accoucher.
32La consultation pédiatrique introduisant la notion de démarche palliative a eu lieu de une heure à 8 jours avant l’accouchement. Le père était présent lors de cet entretien 10 fois sur 11.
33Ces enfants sont tous nés et décédés en salle de naissance. Pour 10 d’entre eux, les parents ont pu, selon leur souhait, tenir leur bébé dans leurs bras jusqu’à ce qu’il meurt ; dans les autres cas, les parents ont préféré confier cet accompagnement à l’équipe soignante, pédiatre ou sage-femme. L’évaluation clinique de l’inconfort de l’enfant a conduit 2 fois à la décision d’administrer un traitement antalgique, respectivement à 35 et 50 minutes de vie. Les nouveau-nés ont vécu en moyenne 23 minutes. Parmi les 11 couples concernés, 7 ont demandé une autopsie qui n’a pas révélé de pathologie autre que la prématurité.
34Tous les parents ont été invités par courrier à une consultation pédiatrique postdeuil entre 6 mois et un an après le décès. Deux couples sont venus ; il n’y avait pas pour eux de doute persistant sur les circonstances du décès de leur enfant.
35Un an après l’événement, au moins 3 grossesses étaient en cours et au moins 3 couples désiraient une nouvelle grossesse.
Les situations d’enfants atteints de malformation
36Pendant les 22 mois d’observation, 6 enfants atteints de malformations ont été accompagnés dans une démarche de soins palliatifs. Dans tous ces cas, la suspicion d’une pathologie fœtale au cours du 1er ou du 2e trimestre a conduit à confier le suivi de la grossesse à une maternité de type 3, équipée d’un CPDPN. Après confirmation et précision du diagnostic, celui-ci a été annoncé aux parents par l’obstétricien. Des examens invasifs de confirmation ou d’arguments diagnostiques ou pronostiques supplémentaires ont été proposés.
37Les parents ont rencontré le pédiatre entre 9 et 14 semaines après que le diagnostic ait été posé. La réflexion sur la démarche palliative a duré entre 3 et 6 semaines avant que la naissance survienne. Celle-ci a été déclenchée 4 fois sur 6, afin d’optimiser l’accueil du nouveau-né en s’assurant de la présence du père et de la disponibilité des équipes médicale et paramédicale. Le décès est survenu pour un cas en salle de naissance à 15 minutes de vie, et dans 3 cas en unité de soins intensifs à respectivement 10 heures, 5 jours et 8 jours de vie. Dans 2 cas, la mère n’était plus hospitalisée à la maternité lorsque son enfant est décédé.
38Le suivi psychiatrique ou psychologique, toujours proposé, a été désiré par les parents 4 fois sur 6. La moitié des parents sont revenus en consultation postdeuil à 5, 6 et 14 mois.
39Deux ans après, 2 mères avaient accouché d’enfants bien portants ; une avait fait le choix d’une IMG à 14 semaines d’aménorrhée, après que la même pathologie ait été constatée chez le fœtus lors de la grossesse suivante.
Questions pour les équipes
La salle de naissance, un lieu pour mourir ?
40La démarche palliative concernant un nouveau-né est le plus souvent menée en salle de naissance. Or rien n’y est prévu pour cela. Certes, la présence des parents – en particulier de la mère – est assurée, et la permanence des équipes de sages-femmes ou des équipes paramédicales permet une prise en charge parfois longue. Mais aucun code d’activité ne permet de valoriser ces soins palliatifs : en salle de naissance, les nouveau-nés sont appelés à naître en bonne santé ou à le devenir après une réanimation ! Le pédiatre ne s’y rend normalement que pour un acte ponctuel, pas pour un accompagnement de plusieurs dizaines de minutes et encore moins de plusieurs heures. D’ailleurs, aucun des acteurs de la salle de naissance, lieu de passage par essence, ne dispose en principe d’un temps long à consacrer au nouveau-né.
41Certains suggèrent que les démarches palliatives soient menées dans une unité de néonatologie ou de réanimation, où les soignants sont disponibles et particulièrement formés à la surveillance des nouveau-nés pendant une durée illimitée. Le pédiatre peut y assurer une permanence tout en continuant les autres tâches qui le concernent dans l’unité. Néanmoins, cette solution comporte un inconvénient majeur : la mère n’est pas nécessairement présente, même si elle le souhaite ; elle peut être retenue en salle de naissance par la fatigue ou la douleur causée par une intervention, ou encore par la nécessité d’une surveillance pour elle-même…
42Le plus souvent, c’est la durée de vie de l’enfant qui détermine le lieu de son accompagnement. Au-delà de deux heures de vie, la place et/ou le personnel paramédical manquent en salle de naissance pour prendre en charge un nouveau-né, a fortiori s’il requiert beaucoup d’attention. Le relais doit alors être pris par la néonatologie où l’on tâchera de créer une intimité acceptable.
Les soins palliatifs ou le temps suspendu
43Cette question de la durée de l’accompagnement prend en salle de naissance une acuité particulière. Accepter de laisser le temps s’écouler à son rythme y est très difficile. Nous l’avons dit, la salle de naissance n’est pas un lieu où l’on meurt. Un malaise s’installe : pourquoi ne pas abréger cette vie qui s’accompagne de la souffrance des parents, de l’équipe ? Ne vaudrait-il pas mieux consacrer son temps aux vivants ? Si l’enfant souffrait, prolonger sa vie deviendrait un prolongement de souffrance…
44Pourtant, c’est bien cette nouvelle conception du temps et de la vie que les soins palliatifs introduisent. Accepter de laisser à la vie le temps de faire exister ce nouveau-né, distinct du fœtus ; le temps de confirmer le diagnostic, le cas échéant, de permettre une rencontre, de fabriquer des souvenirs. Il s’agit ici de considérer avant tout la vie qui est, plutôt que la mort qui sera.
45Le psychologue n’est pas loin ; il a successivement pu rencontrer la famille lors du diagnostic prénatal, lors de la décision de ne pas recourir à une IMG, lors de la discussion autour de la démarche palliative. Le lendemain ou le surlendemain de la naissance, son aide est encore précieuse. Elle se poursuit parfois longtemps après.
46À moyen terme, une consultation est nécessaire ; elle évalue l’importance du stress post-traumatique et permet la critique de l’accompagnement. Il est indispensable que les parents puissent un jour ou l’autre revenir sur ce qui les a émus, troublés, choqués peut-être. Grâce à ces retours d’expériences, nous améliorerons les soins futurs. Lors de ces consultations, l’occasion est souvent trouvée de donner le carnet de santé de l’enfant décédé, les empreintes et les photos qui ont été réalisées par l’équipe. S’agissant d’enfants atteints de malformations, et si les parents le souhaitent, on pourra rediscuter du diagnostic, aborder la question du risque de récurrence, orienter le couple vers des spécialistes qui l’aideront à construire, peut-être, un nouveau projet de parentalité.
Conclusion
47Pour pouvoir donner du sens à l’accompagnement d’un nouveau-né et de ses proches dans une démarche palliative, il est nécessaire que médecins et soignants se préparent et se forment. Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide aux équipes qui ont davantage d’expérience palliative auprès des nouveau-nés, à celles qui animent depuis longtemps des unités de soins palliatifs dans des services d’enfants ou d’adultes.
48Il faut aussi savoir renoncer et passer la main, le cas échéant, pour ne pas risquer de se laisser envahir et devenir fragile. Prendre soin de l’enfant est et doit rester la seule priorité.
Mots-clés éditeurs : soins palliatifs, néonatalogie
Date de mise en ligne : 06/07/2015
https://doi.org/10.3917/lae.153.0029Notes
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Code de la santé publique, articles L.1110-5 et L.1111-13.
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[2]
Ibidem.
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Depuis leur traitement par Depuis hypothermie leur traitement neuroprotectrice, par les cas d’asphyxie périnatale, les modérée cas d’asphyxie ou sévère, périnatale, ne font plus l’objet de discussion de soins l’objet palliatifs de en discussion salle de naissance. de soins De même, le cas des nouveauDe nés même, en cours le cas de prise des nouveauen charge en réanimation ne sera pas en abordé réanimation dans cet ne article, sera pas ceux-ci n’étant ni concernés n’étant par une ni quelconque concernés alternative à l’IMG ni sujets à discussion en salle de naissance.
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Aspiration, oxygénation, ventilation, intubation, perfusion ou autres soins sont expliqués avec leurs limites.
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L’administration de Penthotal, de curare, de potassium n’a aucune raison d’être, il ne s’agit pas de traitements améliorant le confort de l’enfant mais qui abrègent sa vie. En les utilisant, l’équipe choisit une toute autre intention, dont la frontière avec l’euthanasie est fantasque ou hypocrite.
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[6]
Les gasps sont des mouvements respiratoires de type agonique, lents, laborieux, bruyants et inefficaces.
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[7]
Memmi D La seconde vie des bébés morts, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, coll. « Cas de figure », Paris, 2011.