Notes
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[1]
nda. – Nous avions rédigé un compte-rendu du livre lors de sa parution en anglais (voir Mokaddem, 2014).
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[2]
ndlr. – Voir 2017. Miscellanées : Itinéraire d’un « grand chef » kanak indépendantiste. À propos de Nidoïsh Naisseline. De cœur à cœur. Entretiens, Journal de la Société des Océanistes 144-145, http://journals.openedition.org/jso/7855 ; DOI : 10.4000/jso.7855.
Le réveil kanak et la montée en puissance du nationalisme
1Le titre du livre Le Réveil kanak [1] renvoie à deux événements : 1. La création à Nouméa en 1969 d’un bulletin intitulé Le Réveil canaque par les Foulards rouges et l’ujc (Union des Jeunesses calédoniennes) et 2. Les actions menées pour l’indépendance par ce groupe d’étudiants kanak et calédoniens lors de leurs vacances actives en Nouvelle-Calédonie (p. 23, p. 107). Jean-Pierre Devillers, Jean-Paul Caillard, Max Chivot et Nidoïsh Naisseline ramènent dans leurs valises les idées révolutionnaires de Mai 68. Scandalisés par les iniquités des réalités coloniales des régimes politiques post-Seconde Guerre mondiale (gaullisme, pompidolisme et giscardisme), les jeunes militants décident de manifester contre les intérêts capitalistes cautionnés par la puissance administrante, la France. Leurs actions subversives secouent et réveillent la « Belle endormie », surnom donné à la lointaine colonie française du Pacifique. En 1965, ces jeunes étudiants produisaient leurs critiques dans Trait d’Union, bulletin de l’aech (Association des Étudiants de la Nouvelle-Calédonie et des Nouvelles-Hébrides). Ces articles anticipaient les contestations en Nouvelle-Calédonie et contribuèrent à amorcer le « mouvement nationaliste calédonien » (p. 82). L’investigation historique de David Chappell analyse le mouvement nationaliste en le resituant à partir de l’arrière-fond historico-culturel.
2La revendication d’indépendance des soixante-huitards kanak et calédoniens déclencha le processus nationaliste. Les secousses du microcosme social des années 1960-70 précédèrent celles plus virulentes de la décennie des années 1980. David Chappell estime que la séquence d’événements des années 1960-70 constitue le moment critique du nationalisme calédonien. Pourtant, l’auteur constate que toutes les études se sont portées sur la période conflictuelle des années 1980, les « Événements », ou bien ont axé leurs recherches sur la figure emblématique du leader nationaliste kanak Jean-Marie Tjibaou. Par conséquent, il lui a semblé nécessaire de revenir à ce moment et démontrer comment le mouvement des Foulards rouges initia les revendications d’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Nous devons de nouveau insister pour dire que le Réveil kanak désigne le mouvement nationaliste calédonien. Les étudiants réactivèrent les modalités d’actions de Mai 68 en Nouvelle-Calédonie. On oublie que ce mouvement révolutionnaire était planétaire. Les formes de subversion visaient à sortir la Nouvelle-Calédonie de l’inertie coloniale : créations de bulletins et journaux, diffusions de tracts critiques, dont le plus connu est celui écrit en langue drehu (langue originaire de l’île de Lifou) par Fote Trolue et traduit en nengone (langue originaire de l’île de Maré) par Richard Kaloi et Yeiwene Yeiwene ; graffitis et tags sur les murs silencieux de Nouméa « la blanche » ; peinture en rouge de la statue du gouverneur Orly, située au centre-ville, administrateur de la répression disproportionnée de l’insurrection kanak de 1878 ; harangues des officiels à l’occasion des commémorations du 24 septembre 1853 et du défilé du 14 juillet (p. 23); sit-in et occupations pacifistes des lieux publics ; encerclement du commissariat de police où Nidoïsh Naisseline fut arrêté et mis en garde à vue ; manifestations au centre-ville ; etc. Toute une série d’actions qui scandaient le quotidien et scandalisaient les bonnes mœurs civiles nouméennes. Elles coûtèrent à certains des peines d’emprisonnement.
3En 1969-1970, les revendications d’une nation « calédonienne » étaient « multiculturelles ». Il s’est vite avéré que le nationalisme (du peuple) kanak allait prendre le dessus surtout pendant la séquence d’événements des années 1980. Avant le festival culturel mélanésien Melanesia 2000 organisé par Philippe Missotte et Jean-Marie Tjibaou en 1975, avant l’idée d’indépendance kanak proclamée par le ccik (Comité de coordination des indépendantistes kanak) la même année, avant le 24 septembre 1984 et la constitution du flnks (Front de libération nationale kanak et socialiste) avec l’iks (Indépendance kanak socialiste), les Foulards rouges et les groupuscules d’étudiants calédoniens militaient dès 1969 pour l’idée d’une nation calédonienne dissociée de la souveraineté nationale française. Dans cette perspective, le travail de David Chappell nous convie à réévaluer le legs et l’héritage des actions des étudiants révolutionnaires, à mieux comprendre la complexité de notre présent, et à resituer avec pertinence le nationalisme contemporain dans les nouveaux contextes de mondialisation.
Une érudition minutieuse et précise
4Le livre est une somme d’érudition qui nous oblige à mieux considérer les moments constitutifs du nationalisme en Nouvelle-Calédonie. La dimension chronologique et la masse des matériaux confèrent à ce travail une envergure qui dépasse l’objet du livre. Le récit micro-historique est articulé avec la structure narrative macro-historique. L’enquête conjugue entretiens (avec les actrices et acteurs de cette histoire), consultations des archives privées et publiques (celles de Jean-Paul Caillard et d’Ismet Kurtovitch, alors directeur du Service des archives de la Nouvelle-Calédonie), synthétise les littératures scientifiques de langue française et anglaise, sans oublier les recherches calédoniennes (p. 40), ni non plus la propre implication de l’auteur, qui depuis vingt-cinq ans, suit de près l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Chapitre après chapitre, David Chappell décrit de manière méticuleuse, détaillée et précise la trajectoire de la Nouvelle-Calédonie. De la longue durée jusqu’à l’extrême contemporain, il met à jour les bifurcations et retrace avec art et méthode la transformation du nationalisme calédonien en nationalisme kanak. Pour ce faire, l’historien remonte jusqu’aux racines historiques des premiers peuplements austronésiens suivis des transportations des populations d’Europe, d’Asie, d’Afrique du xixe siècle. L’enjeu est d’évaluer les constructions de l’identité nationale malmenée par les contextes mondialisés. Quelles sont les conditions de possibilité d’une nation en cours dans un « carrefour transnational » (p. 30) ? Le fil conducteur des analyses avancées poursuit l’ordre diachronique et explore préhistoire et histoire. L’objectif est de comprendre les complexités des interdépendances nationales/transnationales contextualisées dans les configurations géopolitiques internes et externes. David Chappell examine les superpositions des jeux d’échelle (micro et macro).
5Le souci de l’historien est d’accompagner les acteurs de l’histoire dans le devenir de la Nouvelle-Calédonie. D’où le désir de concilier l’érudition, pour être au plus proche du vrai, avec une écriture dénuée de technicité et argutie académique, pour être accessible au public visé. Ainsi, ce travail dense et intense se lit comme un roman. Péripéties, relances, dénouements et suspens s’apparentent aux techniques romanesques. Le regard décentré du citoyen américain, extérieur aux conflits locaux, recentre l’histoire mondialisée des nationalismes vers la singularité du nationalisme de la Nouvelle-Calédonie. L’écrivain fait passer l’Histoire par le chas de la brève histoire des années 1960-70. Au bout du compte, se trouvent clarifiées certaines obscurités du présent.
6Dès le départ, l’auteur indique que ses recherches partent de ce point aveugle, l’« imaginaire réel » de la Nouvelle-Calédonie (pp. 39-40). Il reprend ces deux mots à l’essai de Jacques Le Goff, La mémoire et l’histoire (1988), lequel évoque les raisons du succès de l’histoire auprès du grand public. Les peuples se ressourcent à un « imaginaire réel » qui leur sert à répondre à une quête d’« identité nationale ». Les explications des paradoxes de l’imaginaire réel permettent de comprendre les enchevêtrements du passé avec le présent. Notamment, l’usage de l’imaginaire réel explique comment « une nation est inscrite dans la lutte » et comment « son contenu » et « son futur statut politique sont toujours en cours d’élaboration ». Pour l’auteur, ce processus en cours est inéluctable et irréversible car « les aiguilles de l’horloge ne feront pas marche arrière » (p. 41).
« On ne sait pas ce que le passé nous réserve » (Bob Dylan, cité p. 15)
7Pour comprendre la montée en puissance du nationalisme, le livre poursuit un programme agencé en un plan structuré en huit chapitres d’une trentaine de pages chacun. « Le réveil kanak », titre du livre, est également celui du chapitre 3 – chapitre précédé de deux autres qui contextualisent ce réveil kanak. Les contextualisations indispensables éclairent la « guerre civile » des années 1980 et son dénouement avec les accords de Matignon-Oudinot-Nouméa ; les négociations politiques pivotent autour des questions de souveraineté/indépendance et font l’objet des deux derniers chapitres. La mise en perspective du nationalisme calédonien à l’échelle mondiale permet de le réévaluer à l’aune des guerres des peuples contre les impérialismes des années 1960-70 (Vietnam et Algérie, pp. 83-96). L’excellente traduction française ne doit pas faire oublier au lecteur français les connotations pragmatiques des mots de « focus », « background », « contextualize ». La démarche cible les racines historiques du nationalisme. David Chappell situe son travail dans le sillage de deux maîtres de l’histoire du Pacifique. D’une part, son directeur de thèse, l’historien indo-fidjien Brij V. Lal, dont les investigations furent en grande partie mobilisées pour comprendre les raisons et fondements historico-culturels des coups d’État, dont le premier date de 1987, des Fidjiens mélanésiens contre les Indo-Fidjiens ; et, d’autre part, l’historien néo-zélandais James Wightman Davidson, fondateur de l’histoire des îles du Pacifique à l’anu (Australian National University) de Canberra, conseiller dans le cadre des décolonisations des Samoa occidentales (1962) et Nauru (1968) (pp. 16-17).
8Explorer le « background » et « se plonger » (p. 40) dans la période des années 1960-70 engagent l’historien à comprendre les continuités du nationalisme.
9Le chapitre 1 (p. 44-75), « l’autodétermination interrompue », constitue le sous-bassement qui contextualise la naissance du nationalisme ; l’autonomie à la française d’après-guerre dépassait les conservatismes à l’anglo-américaine. Le contenu du chapitre démontre comment le régime gaulliste supprima l’autonomie pour avoir la mainmise de la collectivité d’outre-mer. La France estimait que le nickel était une économie géostratégique à ne pas perdre. L’administration organisa les immigrations massives pour minorer le peuple kanak, mesures allant à l’encontre du droit international pour empêcher la Nouvelle-Calédonie d’accéder à la souveraineté et à l’indépendance. Les chapitres 2 à 5, objet central du livre, explorent les trajectoires des actrices et acteurs des étudiants, depuis la France jusqu’à leur retour au pays natal ; l’auteur réussit à faire revivre les débats d’idées et les conflits internes au sujet des chemins à prendre pour « atteindre la souveraineté » (p. 41) ; une étrange phrase qui résonne avec la question posée aux populations intéressées par le référendum du 4 novembre 2018 ; les descriptions des personnes, des groupes, des associations, des syndicats, des partis, resituent au niveau « micro » les péripéties et tourmentes du nationalisme. Pour les retracer, l’enquête colle aux archives et aux transcriptions des entretiens menés depuis une vingtaine d’années. Le chapitre 6, « la révolte kanak » (pp. 198-231), décrit la guerre civile des années 1980 resituée dans la genèse des décennies précédentes. David Chappell aurait pu terminer son livre avec les accords de Matignon-Oudinot (1988-1998). L’historien, happé par l’Histoire, poursuit jusqu’aux bordures du présent ; au chapitre 7 (pp. 234-260), « la Kanaky Nouvelle-Calédonie ? » examine avec distance critique les nouvelles donnes du nationalisme dans une mondialisation croissante. Le chapitre 8 (pp. 262-279) conclut sur une « mise en perspective de la construction de la nation » et décrit les jeux des scissions, compositions, recompositions, tractations et alliances entre partis politiques kanak indépendantistes et partis politiques calédoniens anti-indépendantistes. L’historien, à la différence du journaliste, réévalue les accords, notamment celui de Nouméa, pour répondre à une question cruciale, quel espoir peut-on former pour l’avenir ? L’auteur pourrait être tenté de s’indigner sur les « clientélismes » et « corruptions » d’anciens révolutionnaires devenus politiciens douteux. Il fait mieux et désire comprendre comment les actrices et acteurs d’hier recherchent leur identité nationale malmenée.
10Un tel travail mérite lectures et relectures. Nous finirons sur une idée centrale concernant la pertinence du réveil kanak aujourd’hui.
Un contexte de critique et de contestation
11Le détour historico-anthropologique de l’introduction resitue les divergences imaginaires au fondement des mythologies nationales. L’identité française nomme, à partir de la mythologie grecque, « Paris », la future capitale de France. Tein Kanaké, figure du récit historico-mythique en langue paicî, est repris par Jean-Marie Tjibaou pour Melanesia 2000 qui typifie l’identité kanak. Les structures imaginées des nationalismes clivent l’histoire de la Nouvelle-Calédonie en deux visions de souveraineté. Le 24 septembre 1853, la France s’approprie l’archipel et le transforme en propriété nationale. La puissance impériale s’appuie sur les théories de Grotius, juriste hollandais du xvie siècle, et de la fiction de Terra nullius, « Terre qui n’appartient à personne ». L’expropriation assujettit ceux que l’administration va dénommer « indigènes » et transforme les colons libres ou pénaux en propriétaires. La masse migratoire transportée par les exportations du capitalisme, décrites par Marx en 1867 au livre 1 du Capital, « La théorie moderne de la colonisation », constitue une composante de l’actuelle complexité démographique. Ces biopolitiques minorent le peuple premier et produisent une situation ethnico-historique, situation complexe à partir de laquelle va se construire le nationalisme.
12Le récit en profondeur va se focaliser sur les moments révolutionnaires des années 1960-70. Ce recentrement de l’histoire est le « turning point » avec lequel nous finirons de manière abrupte ce compte-rendu.
13Les étudiants, dans la France de Mai 68, lisent Memmi, Fanon, Césaire. Leurs lectures leur font prendre conscience des conditions historiques de colonisés indigènes kanak ou de descendants de déportés/transportés devenus colons « caldoches ».
14À lire ces pages, on se croirait dans l’atmosphère de La Chinoise de Jean-Luc Godard ou dans un documentaire moins connu de Georges Ravat sur le gkf (Groupe des Kanak en France). En effet, David Chappell nous fait vivre les contestations des soixante-huitards et leurs imaginaires de jeunes révolutionnaires pétris par les lectures critiques. Certes, il n’est pas question du Petit livre rouge de Mao. Les étudiants kanak et calédoniens découvrent les théories de la négritude et les remises en question des racismes culturels coloniaux. Peaux noirs et masques blancs est le livre de chevet de Nidoïsh Naisseline. Un autre militant, à l’histoire et au parcours différent, Yeiwene Yeiwene, lisait lui aussi de près Fanon (Kotra, 2016 : 54-55 ; Mokaddem, 2018 : 22-23).
15Les groupuscules révolutionnaires ne sont pas encore institués en partis politiques. Ils critiquent les partis électoralistes et le festival culturel Melanesia 2000 considéré comme une prostitution de la culture kanak ; ils dénoncent les calculs électoralistes qui détournent le peuple colonisé des revendications du foncier et d’indépendance. Avec le recul critique sur l’histoire et sur leur parcours, ils auront des positions plus nuancées et modérées.
16En conclusion, David Chappell estime que leurs contributions ont beaucoup apporté à l’histoire de la Nouvelle-Calédonie :
« Les Foulards rouges, le Groupe 1878 et l’ujc ont soulevé de nombreuses questions qui sont toujours d’actualité : la reconnaissance culturelle mutuelle, la restitution des terres kanak, une meilleure éducation pour gérer ses propres affaires, l’équilibre des droits autochtones et le besoin de restructuration socio-économique qui bénéficierait à tous les Calédoniens résidents de longue durée, le traitement de l’indépendance kanak comme un concept national et non pas seulement ethnique, le rassemblement d’un soutien international en faveur de l’autodétermination locale et l’opposition à une domination extérieure sous toutes ses formes dans la recherche de la justice. » (p. 272)
18Nul doute que l’immense contribution de ce travail scientifique va nous permettre de réévaluer l’histoire du présent par un réexamen des manifestations d’apparence « juvéniles » et « futiles ». David Chappell scrute les soubassements et racines historiques et ce détour par l’histoire permet de mieux évaluer ce réveil kanak et de comprendre qu’il constitue un moment incontournable à la base d’une forme de souveraineté et de nationalisme originales dont la Nouvelle-Calédonie contemporaine est tributaire. L’œuvre de David Chappell nous oblige à exercer une compréhension plus fine de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie qui permet à celles et ceux qui y vivent de mieux se connaître à travers leur quête d’une identité nationale. Il s’agit d’un livre d’histoire du présent que toute bibliothèque digne de ce nom devrait avoir sur ses étagères. Ce livre analyse avec intelligence le mouvement nationaliste et propose une lecture rigoureuse qui contredit les discours réactionnaires et les caricatures de l’historiographie conservatrice.
Bibliographie
- Kotra Walles, 2016. Entretiens. Nidoïsh Naisseline. De cœur à cœur, Tahiti, Au Vent des Îles [2].
- Le Goff Jacques, 1988. Histoire et mémoire, Paris, Gallimard.
- Mokaddem Hamid, 2014. Book Reviews de David Chappell, 2013. The Kanak Awakening: the rise of nationalism in New Caledonia (Honolulu, University of Hawai’i Press, Pacific Islands Monograph Series 27, xx + 289 p., maps, illus., table, bibliog., index), Journal of Pacific History 49 (4), pp. 512-513.
- Mokaddem Hamid, 2018. Yeiwene Yeiwene. Construction et Révolution de Kanaky (Nouvelle-Calédonie), Nouméa/Marseille, Expressions, la Courte échelle/éditions transit.
Notes
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[1]
nda. – Nous avions rédigé un compte-rendu du livre lors de sa parution en anglais (voir Mokaddem, 2014).
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[2]
ndlr. – Voir 2017. Miscellanées : Itinéraire d’un « grand chef » kanak indépendantiste. À propos de Nidoïsh Naisseline. De cœur à cœur. Entretiens, Journal de la Société des Océanistes 144-145, http://journals.openedition.org/jso/7855 ; DOI : 10.4000/jso.7855.