Notes
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[1]
Les noms des membres de la famille sont changés.
Introduction
1 Dès le début du xx esiècle, la pensée psychanalytique montra un intérêt croissant pour la recherche ethnologique et anthropologique. Cet intérêt dérivait essentiellement du désir d’explorer les « couches archaïques de l’inconscient », pour l’existence duquel les auteurs cherchaient des preuves dans ce qu’ils appelaient les « cultures primitives » (Freud, 1921 ; Jones, 1924). Au cours des décennies suivantes, à l’époque de la formulation de la théorie de la relation d’objet, l’attention de la recherche psychanalytique se déplaça de l’individu, défini préalablement de façon essentiellement mono-personnelle, à une étude de la réciprocité des relations entre individus. La recherche s’orienta avant tout vers l’observation de la constitution et de la qualité des liens qui se forment entre les individus et entre les objets internes, dans la dialectique continue, à travers les processus de projection et d’introjection, entre les relations interpersonnelles et les relations intrapsychiques.
2 Dans une optique développementale, la pensée psychanalytique reconnut de plus en plus l’importance de la relation dyadique primaire pour le développement psychique de l’enfant dès la naissance. Elle étudia la dynamique de réciprocité entre la mère, avec son histoire internalisée – elle aussi fut un jour le bébé d’une mère – et son bébé. C’est dans cette période historique, à la fin des années 1940, que fut introduite par Esther Bick auprès de la Tavistock Clinic de Londres l’Infant Observation, la méthode d’observation du bébé (Bick, 1964).
3 À l’époque, les aspects culturels de la relation primaire ne furent guère pris en considération, du moment que tant la cure que l’observation étaient pratiquées dans la culture dans laquelle avait vu le jour la théorie psychanalytique. De ce fait, l’impact de facteurs culturels n’eut guère l’occasion d’émerger. Et moins encore eut-on besoin de réfléchir à l’influence de la culture sur le psychanalyste lui-même et sur l’observateur. Kakar, psychanalyste indien, fut l’un des premiers auteurs qui s’interrogea sur le fait qu’au cours de son histoire la psychanalyse s’était occupée de la capacité de l’individu de produire de la culture plutôt que du fait d’en être forgé. Il posa également la question de l’apport qu’auraient pu offrir des auteurs provenant d’autres cultures à une extension de la pensée psychanalytique occidentale. Kakar écrit :
La préoccupation principale de la psychanalyse semble avoir été celle de protéger et de trouver des preuves de la validité de ses concepts-clé plutôt que de se demander s’il était possible que d’autres cultures avec leurs propres visions du monde, leurs structures familiales et leurs relations différentes, auraient pu contribuer à formuler leurs modèles et concepts (Kakar, 1985, p. 441, trad. S.M.).
5 Au cours des années récentes, la psychanalyse a montré un intérêt croissant pour l’influence de facteurs culturels sur la formation du sens d’identité de l’individu. Berenstein et Puget (1997) ont introduit, en parallèle avec les dimensions intrapsychiques et intersubjectives de la subjectivité, le concept de la dimension trans-subjective qui comprend la spécificité culturelle des formes, par lesquelles s’expriment les relations que l’individu entretient avec les autres humains dans un environnement social partagé. Ce n’est pas par hasard que les contributions concernant l’influence de la culture sur le développement psychique de la personnalité proviennent en prévalence de pays multi-ethniques et multi-culturels.
6 Si l’élément trans-subjectif ne peut être négligé dans toute rencontre sociale interculturelle, une approche encore plus attentive aux aspects culturels est indispensable tant dans la perspective de l’observation du bébé que, évidemment, dans toutes les formes de pratique psychothérapeutique (Maiello, 1998 et 1999). Les dynamiques relationnelles et intrapsychiques ont certes un caractère universel, mais les individus des différentes appartenances culturelles « représentent les conflits et symbolisent les sentiments dans leur propre contexte narratif culturel et religieux traditionnel » (Paiva, 2014, p. 16, trad. S.M.).
L’observation transculturelle du bebe dans une famille de migrants en Europe
7 Nous ne pouvons pas nous aventurer dans une observation transculturelle sans une attention particulièrement sensibilisée et informée aux éléments ethno-anthropologiques qui jouent un rôle dans le développement des individus de la culture en question.
8 En outre, une variable importante dans toute observation transculturelle est de savoir qui est le migrant, l’observateur ou la famille observée. Il est plus probable qu’un observateur avec une formation occidentale ait l’occasion d’observer un bébé dans une famille de migrants, étant donné que les pays occidentaux sont la destination principale des flux migra- toires. Si une famille provenant d’une autre culture accepte la présence d’un observateur, il est indispensable que celui-ci tienne compte non seulement des modes culturels spéci- fiques selon lesquels la mère entre en relation avec son bébé, mais également de l’effort psycho-physique que représente non seulement l’émigration elle-même, qui comporte la perte du contexte culturel d’appartenance, mais également l’accouchement, moment de profonde fragilité dans la vie de toute femme qui devient mère, et d’autant plus dans un environnement étranger, loin du support socioculturel d’origine.
9 En réfléchissant à l’observation transculturelle dans un pays occidental Ellis décrit les doutes qui avaient surgi au sein d’un groupe de discussion à Londres. Les participants se posèrent la question de la validité scientifique de l’interprétation du matériel d’une observation transculturelle selon les critères interprétatifs développés en occident. L’auteur décrit la prise de conscience croissante des membres du groupe qui discutaient le matériel d’observation du bébé d’une famille migrante africaine. Le séminaire se rendit compte des « complexités et limitations du cadre théorique et idéologique essentiellement blanc et euro-centrique à l’intérieur duquel nous réfléchissions sur ce qui était observé ». Des doutes sérieux surgirent « concernant la validité universelle et déterminante du contexte socioculturel spécifique dans lequel nous avions grandi comme individus et que nous partagions de façon implicite dans les interactions du groupe » (Ellis, 1997, 63-64, trad. S. M.). Reconnaître l’existence de différences significatives entre les cultures a pour corollaire la prise de conscience de la relativité de notre propre vision du monde.
En amont de l’observation d’un bébé en Afrique du Sud
10 À la fin du xx esiècle, il n’y eut guère de recherches sociales transculturelles en Afrique du Sud. L’une des raisons de ce manque peut être due au fait que pendant des siècles et de façon systématique sous le régime de l’apartheid, les différences culturelles étaient synonymes de la suprématie de la race blanche (Maiello, 1997 ; Swartz, 1996 et 1998). Après la fin de l’apartheid, il y eut une tentative de surmonter ce clivage par la négation de toute différence. Dans un premier temps s’installa une vision excessivement universaliste des phénomènes sociaux comme réaction à la politique précédente de ségrégation raciale. Toutefois cette tendance, qui était sans doute le fruit d’un état psychique collectif de honte, de peur et de sens de culpabilité de la partie plus consciente de la communauté blanche par rapport aux crimes commis par leurs gouvernements au cours des années, contribua à rendre la population à tradition occidentale moins sensible à la réalité des différences culturelles profondes entre les groupes ethniques qui se manifestent dès le tout début de la vie dans la relation entre le bébé et sa mère.
11 Ma première expérience personnelle de rencontre avec un bébé en Afrique du Sud représenta littéralement une sorte de baptême et devint un enseignement précieux en vue de l’observation d’un bébé africain à laquelle je m’apprêtais. La petite scène en miniature s’est passée dans un bush camp de la savane sud-africaine, où la population est encore profondément enracinée dans la culture traditionnelle. Ayant passé des séjours précédents dans ce camp, il s’était développé entre les habitants locaux et moi-même une certaine familiarité. Un jour, une jeune mère qui portait son bébé de cinq mois au dos, le détacha et me le mit dans les bras pour me permettre de faire sa connaissance. Je me promenai avec le bébé dans mes bras en lui parlant doucement, en anglais. À un certain point, le bébé commença à faire des mouvements étranges comme s’il voulait s’éloigner de moi. Je pensai alors qu’il ne se sentait pas à l’aise dans mes bras ou que la langue étrangère l’inquiétait. Je cherchai à améliorer la réciprocité de notre contact corporel en changeant nos positions respectives, mais le bébé continua à faire les mêmes mouvements d’éloignement. Ce n’est que lorsque je sentis un liquide bien chaud mouiller ma robe que je compris, en retard, son message non verbal. Le bébé m’avait communiqué qu’il avait besoin de faire pipi, mais je n’avais pas été capable d’interpréter le langage de son corps. J’allais apprendre avec le temps que la communication corporelle a une fonction très articulée dans la culture africaine, alors qu’en occident ce sont avant tout le regard et le langage verbal qui sont investis et encouragés.
12 Le bébé occidental porte des couches. Ce sont elles qui reçoivent et absorbent ses produits d’évacuation et interposent une distance spatiale et temporelle entre le moment de l’expulsion et celui de la réception de ses contenus. Les couches séparent le bébé de sa mère et rendent superflu le langage corporel que ce bébé africain avait appris dès le début de sa vie dans la relation tactile et kinesthésique constante avec le corps de sa mère.
13 Ce petit épisode peut apparaître banal et marginal, mais il contient dans son essence, comme le montrera l’observation du bébé qui suit, toute une série de différences profondes dans la relation mère-bébé entre la culture occidentale et les cultures traditionnelles africaines. Cette menue expérience m’apprit à m’approcher avec une grande prudence interprétative de l’entreprise. Je fus consciente du fait que la triangulation des trois individus principaux impliqués dans toute observation du bébé selon le modèle d’Esther Bick – le nouveau-né, sa mère et l’observateur – était une configuration qui ne correspondait à aucun modèle traditionnel dans une société où l’individu singulier fait part de façon continue et permanente d’un système de contenance groupale. La suspension de jugement, implicite dans toute observation du bébé acquiert une importance encore majeure dans une observation transculturelle, au cours de laquelle nous nous trouvons en face non seulement de la dimension intrapsychique et interpersonnelle de la subjectivité, mais également de sa dimension trans-subjective. À la suspension de tout jugement doit s’ajouter une prudence interprétative encore plus profonde, la disponibilité à une éventuelle adaptation partielle de la théorie du cadre (Houzel, 2002) de l’observation psychanalytique traditionnelle, et enfin une attention encore plus sensible aux perceptions contre-transférentielles de l’observateur lui-même.
14 Une considération ultérieure s’imposa à mon attention et ajouta un élément supplémentaire de complexité à mon projet d’observation Elle concernait la langue qui serait utilisée pour la communication verbale entre moi comme observatrice et la famille du bébé. C’est un aspect souvent négligé dans les relations interculturelles. Si la famille observée est la partie migrante, nous nous attendons à ce que la langue commune soit la langue du pays d’immigration. Dans ma situation, le fait même qu’une des conditions lors de la recherche d’une famille à observer était que la mère ne parle pas seulement la langue locale, le xhosa, mais comprenne et parle un peu d’anglais introduisit dès le début un élément d’asymétrie dans notre relation. La langue de notre communication devait être celle de la culture historiquement dominante, quoique je fusse moi la migrante, et notre communication verbale se serait déroulée dans l’une des deux langues des colonisateurs de son pays. Toute langue contient et transmet l’essence de la culture de laquelle elle est l’expression.
15 Cela signifiait qu’inévitablement dans la rencontre avec cette famille africaine la dimension historique était sous-jacente. Il ne suffisait pas de reconnaître et d’apprécier les différences culturelles en tant que telles. En tant qu’observatrice occidentale je devais tenir compte également de l’inégalité de nos positions historiques respectives. « La tabula rasa n’existe pas » (Moro, 2008). Je fus donc profondément consciente non seulement de la relativité culturelle de mon regard et par conséquent particulièrement attentive à l’impact que la présence inusuelle d’un observateur aurait sur une famille africaine, mais également des éléments linguistiques, politiques et historiques qui formaient l’arrière-plan collectif de mon expérience. « Au-delà de la compétence culturelle concernant le pays d’accueil, ce dont a besoin l’occident avant tout c’est une humilité culturelle » (Tervalon et Murray-Garcìa, 1998).
Observation d’un couple mère/bébé sud-africain
La rencontre
16 La township où eut lieu l’observation était un énorme bidonville avec des huttes en tôle ondulée désespérément pauvres, presque toutes sans eau courante ni électricité. Le Centre d’accueil pour mères et bébés consistait en un container en métal. Nous étions en plein hiver, début juin. Il faisait froid. C’est là que je rencontrai pour la première fois Nosekeni [1] et son bébé âgé de trois jours, presque invisible dans son enveloppe de couvertures. Tout ce que je pouvais voir du nouveau-né était un bonnet de laine rouge qui couvrait sa tête minuscule. La mère avait préféré me rencontrer au Centre, dans un lieu neutre, avant de décider si elle allait permettre à cette inconnue qui venait d’outre-mer, d’entrer dans son foyer pour observer le bébé qu’elle avait mis au monde trois jours auparavant. J’essayai de formuler mon désir et mon intérêt à connaître une famille sud-africaine avec un petit bébé. La mère écouta, et nous causions un peu dans un anglais rudimentaire. Nous avions toutes les deux besoin, bien au-delà des paroles, de « tâter le terrain » l’une de l’autre. Avant de quitter le container, la mère avec son petit paquet dans les bras accepta que je me rende chez elle dès la semaine suivante.
17 Nosekeni était une jeune femme de l’ethnie Xhosa, qui avait migré, à l’âge de vingt ans, de son lieu rural d’origine lointain de la région du Cap Oriental, dans le bidonville de Khayelitsha dans les plaines aux alentours de Capetown. La jeune femme avait un emploi comme secrétaire dans une institution locale et vivait avec sa tante paternelle Nkedama dans l’une des innombrables huttes en tôle. Elle n’était pas mariée, et le bébé que j’appellerai Bambata était son premier enfant. Le père s’était éloigné lorsqu’elle avait décidé de garder le bébé, mais se rapprocha de nouveau après la naissance du bébé, lorsqu’il sut que c’était un garçon. Nosekeni m’expliqua pendant une observation que la naissance d’un garçon est importante pour la pérennité du clan paternel. La signification littérale du nom que la mère, astucieuse, avait choisi pour le bébé signifiait en langue xhosa « Les Splendides», au pluriel, et représentait un éloge implicite des ancêtres du père. Je ne vis jamais le père pendant les trois mois de l’observation, mais le rencontrai lors de ma visite suivante, lorsque le bébé, âgé de dix mois, avait été installé avec sa mère au foyer du père
18 Bambata avait une semaine lors de ma première visite à domicile. Il était dans les bras de sa mère, enveloppé dans un essuie-mains et une couverture. Quoique la pièce fût bien chauffée, son petit visage était presque caché par le bonnet rouge qu’il allait porter pendant toute la période de l’observation. Il dormait et allait dormir pendant presque toutes les observations qui suivaient. Je ne l’entendis jamais pleurer jusqu’à l’âge de deux mois. Il semblait ne jamais arriver à un point où il se serait aperçu d’un besoin quelconque, car Nosekeni les anticipait et les satisfaisait avant que l’enfant n’eût pu s’en rendre compte et les exprimer. Une atmosphère constante de calme régnait entre la mère et l’enfant.
L’allaitement
19 Bambata fut nourri au sein une ou deux fois pendant chaque observation, et n’arrivait jamais au point de percevoir la faim. Il ne s’éveillait même pas pendant la tétée. Je ne vis jamais la recherche active du sein ni le mouvement centré vers le mamelon de la part du bébé. Les repas ne duraient que quelques minutes, et le bébé dormait avant, pendant et après le repas. Il semblait n’y avoir aucune expérience significative ni de réunion ni de séparation entre la mère et le bébé. La rencontre entre la bouche et le mamelon était silencieuse et non-spectaculaire, et la transition entre la présence et l’absence du sein fluide. J’étais surprise de découvrir que souvent je ne notais pas moi-même le moment ni la façon dont l’allaitement se terminait, si c’était le bébé qui laissait aller le mamelon, ou si c’était la mère qui le retirait.
20 Ce mode d’allaitement continua pendant toute l’observation. Même lorsque le bébé avait grandi et était éveillé pendant des périodes plus longues, il tétait tranquillement avec les yeux fermés. La tétée restait de courte durée, et ni le moment de conjonction ni celui de la séparation du sein ne devint un événement digne d’être retenu. Nosekeni fut surprise par ma question sur le nombre de fois où elle allaitait son bébé. « Toujours », répondit-elle, jour et nuit. Nosekeni et Nkedama furent surprises également lorsque je leur dis que, dans mon pays, les bébés dorment en général dans un berceau séparés de leur mère.
Tactilité et contenance postnatale
21 Bambata était toujours étroitement enveloppé dans des couvertures. Pendant les premières sept semaines, je ne le vis guère bouger. Lorsqu’il avait deux semaines, la mère me le fit prendre dans les bras. Ma perception ne fut pas de porter un petit bébé avec son corps, sa tête, ses bras et ses jambes, mais plutôt un grand œuf, tant il était encore replié dans la position fœtale. Je pensai alors que non seulement la naissance psychique (Mahler, 1975), mais également la perception de la naissance physique, à savoir l’état de séparation corporelle de la mère, pourraient avoir une évolution temporelle différente de celle qui nous est familière. La mère portait toujours le bébé dans ses bras lorsqu’elle se déplaçait. Lorsqu’elle s’asseyait, elle l’appuyait sur son corps. À travers les enveloppes, mère et enfant étaient en contact corporel continu.
22 Pendant les observations, je me demandai s’il y avait une connexion entre le fait que Bambata était nourri « toujours » et ne rencontrait jamais aucun besoin, et la passivité de ses petites mains qui étaient mi-ouvertes et détendues. Il ne les ouvrait jamais complètement, ni ne les fermait en poing, ni ne saisissait quoi que ce soit. C’était comme si elles flottaient encore dans le milieu liquide prénatal. Il ne fit jamais non plus de tentative de repousser la sucette dans sa bouche lorsqu’il l’avait perdue, quoique le dos de ses mains fût en léger contact avec celle-ci. La sucette était un objet sans aucune fonction effective, du moment que la bouche du bébé n’était guère investie d’un besoin de remplissage. L’absence d’une perception d’un vide et d’un manque rendait superflu tout effort de constitution d’un plein.
La dimension vocale
23 Nosekeni ne parlait pas beaucoup avec son bébé, mais, lorsqu’elle cherchait son attention, elle le faisait avec une tonalité vocale modulée et cantilénante. Dans d’autres contextes africains, je fus frappée par le fait que les émotions, si elles sont exprimées et communiquées, le sont plutôt au niveau vocal que verbal, par des exclamations plutôt que par les mots. Le foyer de Bambata était toujours plein de sons et de bruits. Nkedama, la tante, était couturière et travaillait à sa vieille machine à coudre qui produisait un bruit de ferraille, et le vent hivernal qui balayait la plaine secouait le toit de tôle qui couvrait la hutte. Je fus surprise que Bambata ne soit jamais effrayé par ces bruits souvent soudains. La musique africaine émise par la radio créait non seulement un arrière-plan, mais une véritable enveloppe sonore continue. Les voix du chœur s’entrelaçaient, les harmonies évoluaient et se transformaient, contenues par les voix des hommes qui formaient une base forte et constante et des voix de femmes qui maintenaient les notes hautes de la mélodie, constantes elles aussi. L’ensemble de cette abondance vocale était soutenu par le rythme régulier d’un tambour.
24 À partir de deux mois environ, si Bambata, était placé un moment sur le divan et commençait à s’agiter, la mère le reprenait dans ses bras, l’enveloppait plus fermement dans sa couverture et le berçait au son de la musique de la radio. L’un de ses pieds nus reproduisait le rythme de la musique, alors que son corps se balançait légèrement. De temps en temps elle rejoignait de sa voix les mélodies du chœur qui chantait. Bambata, entouré de la chaleur du corps de sa mère, de ses rythmes et de sa voix s’endormait immédiatement.
Le contact visuel
25 Je fus frappée par le fait qu’il n’y avait guère d’interaction visuelle entre Nosekeni et son bébé, ce qui contrastait avec leurs interactions tactiles et kinesthésiques et avec une stimulation sonore continue. Je ne vis jamais dans les yeux de la mère le regard intense et amoureux que nous observons chez les mères occidentales, ni ne vis les yeux de Bambata s’accrocher à ceux de sa mère. La réciprocité visuelle précoce entre la mère et le bébé était absente, quoique le bonheur et l’orgueil de la mère fussent évidents. Ses sentiments semblaient s’exprimer par d’autres moyens.
26 Bambata ne fixait ni sa mère ni d’autres personnes ou objets. Son regard était sans direction précise et avait une qualité liquide et statique. Je me souviens que je commençai à m’inquiéter lorsqu’il approcha des deux mois, et à me demander s’il souffrait d’un trouble de la vision. Vers l’âge de trois mois, ses grands yeux lumineux étaient parfois dirigés dans ma direction, mais, là encore, je n’eus guère l’impression que nous établissions un contact visuel réciproque réel, signe que Bambata me voyait et me regardait. Il ne semblait pas utiliser ses yeux comme le ferait un enfant de notre culture à son âge. Séjournait-il encore émotionnellement dans la continuité prénatale où l’expérience de séparation n’existe pas encore et où il n’y a pas de distances à couvrir ? Pendant que j’observais le bébé, je tendais à lui parler doucement pour établir un peu de contact, ce que je n’aurais pas fait normalement dans une observation en occident. J’avais la sensation spontanée que mon regard, tout en étant bienveillant, devait être en quelque sorte accompagné et « enveloppé » dans ma voix. À ce moment-là, j’étais encore loin de connaître le mal qui, dans les traditions culturelles africaines, ainsi que dans celles de nombreuses autres cultures, peut être transmis par le regard. Je ne savais encore rien de la croyance en la puissance néfaste du mauvais œil. Si j’en avais été consciente, j’aurais entrepris l’observation avec encore davantage d’hésitation et de prudence.
27 Avant d’ajouter quelques réflexions autour des différences culturelles qui sembleraient émerger de l’observation de Bambata en interaction avec sa mère, il est sous-entendu que Nosekeni et Bambata étaient non seulement des représentants de leur tradition culturelle, mais également deux individus avec leur personnalité spécifique. Chaque couple mère-bébé est unique. C’est donc sans aucune intention de généralisation que je formulerai quelques considérations autour des particularités relationnelles que j’ai observées.
Mdlezana
28 Une expression verbale dans la langue xhosa me donna la clé pour une compréhension plus profonde de quelques-unes des questions qui s’étaient posées à moi en observant les modalités d’interaction entre Nosekeni et Bambata, et que je tendais à attribuer à des éléments culturels. C’est la notion de « mdlezana », un terme en langue xhosa qui signifie « la-mère-et-l’enfant dans leur unité et union ».
29 Il n’existe aucun terme correspondant, que je sache, dans les langues occidentales, pour décrire la période postnatale de la dyade mère-enfant. La « femme en couches » et la « période puerpérale » concernent uniquement la mère. Les termes de préoccupation maternelle primaire (Winnicott, 1956) et de constellation maternelle (Stern, 1995) s’approchent de la signification de « mdlezana », mais ils se réfèrent eux aussi à l’état psychique de la mère sans inclure le bébé. La pensée psychanalytique occidentale a dû construire des notions théoriques pour décrire l’état émotionnel qui correspond à la motivation maternelle de s’occuper de son bébé, alors que « mdlezana » est un terme d’usage commun dans la culture xhosa et embrasse la mère et son bébé.
30 La période de mdlezana semble se terminer au plus tôt à l’âge d’un an, lorsque l’enfant se met debout, commence à marcher et est généralement sevré, quoique beaucoup d’enfants soient allaités au sein pendant une période considérablement plus longue. Il n’était pas facile d’obtenir une réponse précise concernant la durée de mdlezana, et j’appris alors que l’idée de recevoir des informations précises en matière de temps et de durées est typiquement occidentale. Un proverbe africain dit : « Les Occidentaux ont des horloges, nous avons le temps. » La notion de mdlezana devait devenir un contenant précieux pour un nombre de questions qui s’étaient posées à moi pendant l’observation de Bambata. Les allaitements fréquents du bébé endormi, ainsi que les couvertures dans lesquelles le bébé était enveloppé semblaient prolonger la condition prénatale de continuité dans la fourniture de chaleur et de nutrition. En observant mes propres sensations contre-transférentielles, je me rendais compte que je tendais à perdre moi-même le sens d’un temps linéaire et structuré, et à partager avec les membres de cette famille africaine un état inconnu de quasi-suspension temporelle.
31 Au niveau tactile et kinesthésique, mdlezana pouvait faire écho à mon expérience de tenir dans mes bras un grand œuf plutôt qu’un petit bébé, dans la mesure où il ne semblait pas encore s’être éclos tout à fait du lieu originaire d’incubation. La présence du corps et de l’attention de la mère était constante, jour et nuit, et la disponibilité continue du sein prévenait toute expérience précoce de discontinuité. Ce qui était apparu à mes yeux occidentaux comme une certaine passivité du bébé pouvait être lié au fait qu’il n’eut aucun besoin de mobiliser ses propres ressources tant qu’il faisait partie du sein psychophysique de la condition maternelle de mdlezana. La continuité tactile n’eut jamais une qualité d’accrochage ou de rigidité. Le contact était constamment varié et animé par les mouvements et les rythmes du corps maternel.
32 Au niveau vocal et auditif des exclamations, des chants et des sons, mdlezana semblait se réaliser à travers l’enveloppement des deux, mère et bébé, dans une consonance rythmique et musicale pacifiante partagée. J’avais noté aussi que lors des observations, ni la mère ni la tante n’avait paru tendue ou pressée. Elles poursuivaient leurs activités dans une atmosphère émotionnelle de calme et de continuité rythmique.
33 Au niveau visuel, je me demandai si l’absence frappante du contact visuel au début de la vie du bébé était liée elle aussi à l’union mdlezana. La perception de la distance est indispensable pour que la vision entre en fonction et ait un sens. Si les conditions de la vie prénatale, pendant laquelle la communication avec l’environnement maternel se réalise à travers le toucher, le mouvement et l’ouïe du fœtus, continuent pendant un certain temps après la naissance, il est naturel que le sens de la vue ait une importance secondaire. En occident, le bébé introjecte précocement, à travers la réciprocité visuelle, l’image de sa mère en tant qu’individu. La fonction maternelle du mirroring décrite par Winnicott (1971) est un instrument puissant pour la rencontre du bébé avec l’image et l’identité unique tant de sa mère que la sienne. Par contre, en retournant à la tradition africaine, l’interaction tactile et kinesthésique rythmique pourrait avoir des caractéristiques plus chorales et collectives. Elle pourrait transmettre au bébé l’expérience d’une présence maternelle liée à sa fonction plutôt qu’à sa personne. Marie-Rose Moro souligne la différence des modes de l’interaction primaire, qui est distale en Occident, avec un accent sur le regard, la parole et la distance corporelle, et qui est proximale en Afrique, avec un accent sur l’interaction tonique et kinesthésique du corps de la mère (ou d’une autre femme qui en assume la fonction) avec celui du bébé (Moro, 2008).
34 Dans la tradition africaine, l’unicité de la mère en tant qu’individu semble jouer un rôle moins exclusif que dans la culture occidentale. Les fonctions de maternage passent plus facilement d’une mère à une autre (Ainsworth, 1967). En général, les individus semblent rester plus profondément enracinés dans la communauté que dans le monde occidental individualiste. Le maternage partagé n’est que l’un des aspects qui différencie la structure familiale africaine traditionnelle de la famille occidentale. Mandela écrit dans son autobiographie :
Dans la culture africaine, les fils et les filles des tantes ou des oncles sont considérés comme des frères et sœurs et non pas des cousins. Nous n’établissons pas les mêmes distinctions que les Blancs à l’intérieur de la famille… La sœur de ma mère est ma mère (1995, p. 14).
36 Le monde interne de Bambata se développait dans le cadre culturel du maternage partagé et de l’appartenance à une communauté. Quoique j’eusse observé quelques brefs moments de désorientation du bébé, âgé de deux mois au moment du retour inattendu au travail à temps partiel de sa mère, et de son remplacement temporaire par Nkedama qui en exerçait les fonctions pendant les heures de son absence, l’ouverture inattendue et précoce de l’union mdlezana avait été absorbée rapidement par Bambata, et ne semblait pas avoir représenté pour lui un changement catastrophique (Bion, 1970). Savait-il à un niveau profondément inconscient que l’union n’était pas perdue et qu’il serait resté contenu dans le cercle élargi d’un maternage partagé ?
37 Il semblait y avoir quelque chose autour des séparations, qui était vécu différemment par rapport à ce que nous observons dans la culture occidentale. Il se peut que notre notion de séparation soit liée à la structure familiale nucléaire qui représente la base du modèle psy- chanalytique occidental. Nos conceptualisations pourraient n’être qu’une des façons possibles pour comprendre ce que j’avais observé. C’était là l’un des insights précieux que j’avais gagné pendant cette brève observation transculturelle d’un bébé. La dialectique entre l’union d’une part et la séparation/différenciation de l’autre, qui représente l’un des axes porteurs non seulement de la psychologie développementale occidentale et du modèle d’observation du bébé introduit par Esther Bick, mais aussi de la psychanalyse en général pourrait devoir être repensée dans un contexte culturel différent.
Les expériences sensorielles précoces et le développement de l’identité
38 La recherche développementale des dernières années en Occident a montré l’existence d’une capacité d’interaction très précoce du bébé avec son entourage, capacité qui semble avoir ses origines dans la préhistoire prénatale, au cours de laquelle les canaux sensoriels de l’enfant se développent. L’enfant prénatal est non seulement réceptif par rapport aux stimulations qui l’atteignent, mais il y répond activement par les moyens dont il dispose : la tactilité, les mouvements, l’écoute. À travers ses sens l’enfant apprend à connaître le monde qui l’entoure. Et le monde qu’il perçoit et auquel il participe est dès le tout début un monde dans lequel les trois dimensions (intrapsychique, interpersonnelle et trans-subjective) forment un tout indivisible. Il n’y a pas de vie en dehors de la culture qui contribue à former la personnalité et le sens d’identité de tout être humain.
39 En Occident, les sens privilégiés dans la communication entre la mère et le jeune enfant sont la vision et le langage verbal, ce dernier bien sûr véhiculé par une vocalité plus modulée au début de la vie du bébé (le motherese). Toutefois, la voix cède rapidement sa qualité enveloppante et musicale pour devenir le support du langage verbal. L’image et la parole sont les instruments de la modalité distale de communiquer. La séparation corporelle entre la mère et le bébé est relativement précoce. Dans l’ensemble, la discontinuité et la distance s’imposent dès le début de la vie de l’enfant occidental. Wright écrit à propos de l’interaction des regards entre la mère et le bébé, dans une perspective implicitement occidentale :
L’exploration des transactions à travers un espace séparateur entre la mère et le bébé a porté à une considération sur l’expérience de la séparation et de son rôle pour le développement psychologique. Cette expérience de séparation entre le soi et l’Autre introduit un clivage, une fissure dans le soi qui non seulement nous sépare pour toujours de notre intégrité et union primordiale, mais crée les conditions pour que nos attributs spécifiquement humains de conscience, conscience-de-soi, et l’usage des symboles puissent voir le jour (Wright, 1991, p. 537, trad. S.M.).
41 Dans une culture traditionnelle africaine par contre, nous observons une prépondérance des communications proximales, à savoir tactiles, kinesthésiques et rythmiques. Le corps de la mère et ses mouvements représentent le principal canal de communication primaire pendant au moins la première année de vie du bébé. La tradition du portage au dos permet à l’enfant de rester en contact prolongé non seulement avec le corps maternel en tant que tel, mais en même temps avec le rythme de sa respiration, le battement de son cœur et sa vocalité entendue aussi à travers la caisse de résonance de son corps. L’échange de regards par contre est exclu. Le portage au dos qui est partie intégrante de la vie du bébé africain crée les conditions pour une expérience caractérisée par la continuité et la proximité.
42 Ces différences culturelles ont inévitablement des conséquences pour le développement du sens d’identité de l’enfant. Alors qu’en Occident l’accent est placé sur la valeur de l’individu, de son émancipation et de l’initiative individuelle, dans les cultures africaines traditionnelles la valeur prédominante est celle de l’appartenance à un groupe, et cela bien au-delà de la famille ou du clan. Le sens d’identité est étroitement lié à la communauté. Le terme d’ubuntu résume cet ensemble de valeurs. Ubuntu est ainsi défini par le South African Concise Oxford Dictionary : « Esprit de solidarité, humanité et compassion, associé en particulier avec la société africaine. » Le sens d’identité communautaire l’emporte sur le sens d’identité individuelle.
43 En conclusion, il est évident que l’observation d’un seul bébé africain et de sa mère, qui ne sont pas seulement des représentants de leur culture, mais aussi des personnes avec leur histoire individuelle unique, ne permet aucunement de tirer des conclusions culturelles généralisées. Et ce n’est pas là l’objectif de ce travail. La motivation de l’observation d’un bébé en Afrique du Sud était due à mon intérêt personnel de faire une expérience directe d’une relation mère-bébé dans cet environnement dont je ne connaissais pas les spécificités culturelles. L’observation du bébé est bien plus qu’un simple enregistrement de séquences comportementales. Elle ne sera jamais un instrument de recherche « objectif ». Toute observation touche aux cordes émotionnelles les plus précoces et profondes de l’observateur-même. Mon observation transculturelle en Afrique du Sud fut une expérience humaine précieuse et m’a permis tant de toucher de près les éléments émotionnels communs à toute maternité que, surtout, et c’était là mon but, d’apprécier quelques différences culturelles à travers leurs formes d’expression spécifiques et de partager avec les lecteurs quelques réflexions sur les liens possibles entre les modalités de maternage et le développement du sens d’identité.
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Mots-clés éditeurs : culture et sens d’identité, observation psychanalytique du bébé, observation transculturelle, relations proximales/distales
Date de mise en ligne : 27/10/2016
https://doi.org/10.3917/jpe.012.0131Notes
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[1]
Les noms des membres de la famille sont changés.