Notes
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[1]
Psychologue, psychanalyste, professeur de psychopathologie et psychologie clinique à l’université Lumière Lyon 2.
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[2]
On trouvera de plus longs développements concernant les points ici abordés principalement dans deux ouvrages : Naissance à la vie psychique (Ciccone et Lhopital, 1991, 2001) et La Psychanalyse à l’épreuve du bébé. Fondements de la position clinique (Ciccone, 2011, 2013).
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[3]
C’est ainsi qu’il faut comprendre, par exemple, les effets de contre-transfert tel qu’en parle Paula Heimann dans son article princeps (1949), et qui se définit non pas seulement par ce qui de l’analyste empêche le processus – ce qui faisait dire à Freud et à d’autres (Freud a très peu parlé du contre-transfert) qu’il faut tenir court, maîtriser le contre-transfert (Freud, 1910 ; Binswanger, 1947) –, mais qui se définit aussi par l’ensemble des éléments non psychisés de la situation, non pensables par le patient – ce qui faisait dire à Paula Heimann que le contre-transfert n’est pas un obstacle, mais un outil au service de la compréhension et de l’analyse.
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[4]
Sur la genèse du concept d’enveloppe psychique, voir Houzel D. (1987).
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[5]
De nombreux autres psychanalystes insistent depuis longtemps sur la nécessaire empathie ou montrent dans leurs écrits cliniques leur position empathique. On peut simplement citer à titre d’exemples Winnicott D. W. (1958, 1965, 1971, 1989), Searles H. (1965, 1979), Resnik S. (1973, 1984, 1994, 1999a et 1999b), Anzieu D. (1985), Little M. (1986), Rosenfeld H. (1987), et bien d’autres.
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[6]
Un article de Didier Houzel s’intitulait « Le monde tourbillonnaire de l’autisme » (1985b).
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[7]
Voir la typologie « famille-gang » que décrit Meltzer D. (1976, 1986).
1La notion de contenance est un élément central dans le travail de soin psychique comme dans le travail de parentalité. La prise en compte de cet aspect fondamental de la rencontre clinique comme de la relation au bébé et à l’enfant a conduit à modéliser la notion d’enveloppe psychique, qui a enrichi et complexifié la représentation topologique et dynamique de l’appareil psychique. Les qualités du travail de contenance et de la fonction de l’enveloppe psychique caractérisent ce qu’on peut appeler la parentalité interne.
2Je ferai un rappel historique concernant ces notions, soulignerai la pertinence de ces représentations quant à la rencontre clinique et au développement de la subjectivité, chez tout patient comme chez tout bébé et tout enfant. Je préciserai la façon dont le soin psychique, dans un tel modèle, suppose un partage intersubjectif d’affect et mobilise la parentalité interne.
3Je décrirai les caractéristiques de cette parentalité interne et soulignerai sa dimension soignante, en dégageant ou proposant les notions de bisensualité, bisexualité, biparentalité et bigénérationnalité psychiques [2].
La notion de contenance
4La notion de contenance ou de fonction psychique contenante s’est développée dans les contextes de soin psychique et dans la modélisation des processus de développement psychique.
Le travail de contenance et de transformation dans le soin
5Si la psychanalyse s’est d’abord beaucoup intéressée aux contenus (les fantasmes, les conflits, les objets internes, etc.), elle a progressivement été ammenée à s’intéresser aux contenants. Le travail clinique auprès des enfants, des bébés, tout comme le soin auprès de la psychose, des états limites, a contraint de repenser les modèles du soin psychique psychanalytique, et a soutenu la construction d’un modèle du soin comme travail de contenance et de transformation. On peut en effet, comme le fait Didier Houzel (communication personnelle), décrire l’évolution des modèles du soin psychanalytique en dégageant trois modèles, à la fois d’un point de vue chronologique ou historique, et d’un point de vue actuel, ces trois modèles pouvant opérer solidairement ou simultanément :
- le premier modèle est celui de la décharge. Ce qui soigne, c’est de décharger, par la parole (décharger l’angoisse, la tension, le conflit). La représentation par l’acte de parole a une valeur cathartique. Ce modèle fonctionne toujours (lorsque quelqu’un a un problème, on entend souvent lui dire : « Il faut que tu en parles, ça ira mieux après. ») ;
- le deuxième modèle est celui du dévoilement. Le psychanalyste est l’expert qui va dévoiler le fantasme, le conflit inconscient, ce qui se joue et anime le sujet à son insu. C’est un modèle toujours actuel. Nombre de cures sont menées par des psychanalystes qui traquent le fantasme inconscient pour le dévoiler ;
- le troisième modèle est celui de la contenance. Ce qui soigne n’est pas tant de décharger par la parole, ni de voir les fantasmes dévoilés et rendus conscients, ce qui soigne est l’expérience selon laquelle la vie émotionnelle troublée, perturbée, douloureuse trouve un espace dans lequel elle puisse être reçue et contenue. Ce qui dans l’analyse et chez l’analyste soigne le patient, c’est la capacité de contenir les émotions, les pensées que le moi trop fragile du patient, trop peu assuré dans son sentiment d’existence, ne peut contenir, ne peut tolérer, ne peut penser. L’analyste héberge et pense les expériences et les pensées que le patient ne peut contenir et penser tout seul.
6Cette fonction psychique contenante consiste à contenir et à transformer. La contenance est déjà une transformation, ou a un effet de transformation. Mais certains, comme René Kaës (1976a, 1979), ont préféré distinguer la fonction « contenante » (fonction de réceptacle et de maintien de ce qui est déposé) de la fonction « conteneur » (fonction de transformation). Didier Anzieu, par exemple, a repris cette distinction (1986a, 1990), mais curieusement à un certain moment il inverse les termes, désignant par contenant ce qui revient au conteneur et vice versa (Anzieu et al., 1993 ; Anzieu, 1994).
7Le soin comme travail de contenance et de transformation ne se résume pas à la psychanalyse mais concerne toutes les pratiques de soin, celles des « soignants du quotidien » comme celles des psychistes. Soigner consiste à contenir et transformer ce que dépose le patient, ce qu’il transmet. Contenir, c’est d’abord garder pour soi, garder en soi, accepter d’entendre, de recevoir, ce qui peut se présenter comme inentendable, insupportable. Transformer c’est détoxiquer cette expérience, et c’est d’abord la penser.
8Ces principes du soin psychique caractérisent toute potentialité développementale, et sont les mêmes que ceux qui sont en jeu dans le développement du bébé et tous les mouvements de croissance psychique.
La fonction contenante dans les processus de développement et de croissance psychique
9On doit à Bion d’avoir particulièrement développé, dans la modélisation des processus de croissance psychique, la notion d’« objet contenant », de « fonction contenante de l’objet », notion qui a été reprise par ses successeurs, notamment Esther Bick.
10En 1962 (1962b), Bion a construit le modèle du « contenant-contenu » : l’expérience chaotique et confuse du bébé nécessite la présence d’un contenant qui puisse accueillir et transformer cette expérience, la détoxiquer. Le contenu projeté est appareillé au contenant, à condition que ceux-ci entretiennent une relation que Bion qualifie de « commensale », chacun tirant profit de l’autre pour sa propre croissance. Le « contenant-contenu » ainsi formé est réintrojecté par le bébé et se développe jusqu’à devenir le propre appareil à penser du bébé.
11Cette fonction qu’accomplit l’objet pour le bébé est appelée « fonction alpha », et elle constitue le premier pas dans l’activité de pensée. Le bébé clive et projette une partie de sa personnalité en détresse dans l’objet, celui-ci contient cette expérience émotionnelle, cette partie de la personnalité du bébé expulsée, et dans la « rêverie » – la fonction alpha est tributaire de la « capacité de rêverie » – commence le processus de formation du symbole et de la pensée. L’objet contenant transforme les éléments « bêta », éléments bruts projetés, en éléments « alpha », éléments disponibles pour la pensée.
12On voit donc comment la fonction contenante est une fonction relative à la pensée, à l’activité de pensée. Ce qui contient, ce qui détoxique l’expérience, c’est le processus de pensée.
13Si le bébé ne rencontre pas un objet capable de réaliser ce travail, il réintrojecte l’expérience d’un objet qui refuse les identifications projectives, autrement dit il réintrojecte sa détresse augmentée des failles de l’objet ou de l’échec de l’objet, il réintrojecte ce que Bion appelle une « terreur sans nom » (1962a).
14Après Bion, il faut citer, toujours dans les années 1960, Esther Bick. Dans le court article qui est maintenant connu et qui s’intitule « L’expérience de la peau dans les relations d’objet précoces » (1968), Esther Bick décrit la fonction psychique de la peau dans le développement du bébé. Elle montre la nécessité de l’expérience d’un objet contenant, auquel le bébé puisse s’identifier afin de se sentir suffisamment contenu dans sa propre peau.
Le besoin d’un objet contenant apparaît, dans l’état infantile non intégré, dit Esther Bick, comme la recherche effrénée d’un objet – une lumière, une voix, une odeur ou un autre objet sensuel – qui peut tenir l’attention, et, de ce fait, être expérimenté, momentanément tout au moins, comme tenant ensemble les parties de la personnalité. L’objet optimal est le mamelon dans la bouche, accompagné du portage, des paroles et de l’odeur familière de la mère.
16Esther Bick montre comment cet objet contenant est éprouvé comme une peau. Elle décrit par ailleurs la façon dont les perturbations de cette fonction « première peau » peuvent conduire au développement d’une formation qu’elle appelle « seconde peau », par laquelle la dépendance envers l’objet est remplacée par une pseudo-indépendance, en particulier en créant un substitut à cette fonction de contenant-peau.
17Les indications d’Esther Bick soulignent la manière dont le nourrissage représente l’expérience prototypique du rassemblement à l’intérieur d’une peau. La jonction entre les différentes modalités sensorielles, entre le portage, l’enveloppement, le bain de paroles et la plénitude interne, donne au bébé un sentiment moïque primaire, pourrait-on dire, un sentiment d’être. Par ailleurs, Esther Bick signale comment, lorsque cette expérience de rassemblement interne fait défaut, le bébé s’accroche à des sensations, à des objets-sensations qui maintiendront provisoirement l’illusion d’un rassemblement. Ainsi, chez un bébé de quelques jours ou de quelques semaines, l’œil qui fixe une lumière, l’oreille qui s’arrête sur un bruit, le corps qui se concentre sur un bercement sont autant de bouches qui s’agrippent à un mamelon. Enfin, Esther Bick décrit les formations seconde-peau, substituts d’un contenant-peau défaillant. La seconde peau peut être de nature musculaire ou motrice, le raidissement du corps tout comme l’agitation permanente protégeant le bébé contre des angoisses agonistiques primitives.
18Par ailleurs, si Esther Bick peut dire que l’objet contenant optimal est le mamelon-dans-la-bouche, dans l’ensemble du contexte du nourrissage, cela suppose de se représenter le contenant non pas comme un récipient, mais comme un « attracteur », ainsi que le décrit Didier Houzel (1985a, 1987, 1994). L’objet contenant attire la vie pulsionnelle et émotionnelle du bébé. Il rassemble ainsi sa sensualité éparse et crée les conditions de maintien d’une « consensualité » comme dit Meltzer (et coll., 1975). Didier Houzel considère la fonction contenante comme « un processus de stabilisation de mouvances pulsionnelles et émotionnelles qui permet la création de formes psychiques douées de stabilité structurelle » (1994, p. 31).
19Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que l’objet contenant est un attracteur des investissements, de l’attention, des éprouvés du bébé et qu’il donne une forme à ces éprouvés. Il n’est pas un récipient dans lequel la psyché de l’enfant expulserait des parties d’elle-même ; il est un objet qui focalise et stabilise les forces psychiques qui l’investissent. Didier Houzel s’inspire de la notion d’attracteur telle que la définit le mathématicien René Thom à propos de sa « théorie des catastrophes » (1972) : l’attracteur est une partie stable d’un système dynamique et qui, de ce fait, draine les forces à l’œuvre, tout comme le lit d’un fleuve est un attracteur pour le système d’écoulement des eaux d’une vallée, ou un aimant est un attracteur pour la limaille de fer qu’il oriente, organise, à laquelle il donne une forme. L’objet contenant stabilise les forces qui agitent le psychisme de l’enfant.
20On reconnaît aussi, dans les propos d’Houzel, les conceptions qu’a pu développer Meltzer au sujet de ce qu’il appelle l’« objet esthétique » et le « conflit esthétique » (Meltzer et Harris Williams, 1988). Meltzer décrit la façon dont le bébé est frappé par l’impact esthétique de l’objet, de ce qu’il appelle « la mère ordinairement belle et dévouée », et la manière dont il est vertigineusement attiré par cet objet esthétique, et par l’intérieur de cet objet, dont il se demande si l’intérieur est aussi beau que la surface – le conflit esthétique, tel que le nomme Meltzer, résultera des différentes déceptions qu’aura à affronter le bébé lorsqu’il découvrira l’intériorité de l’objet. Ce qui amortit cette violente et vertigineuse attraction, c’est la communication. Si l’objet n’amortit pas cette attraction, par la communication et l’attention, le bébé est livré à ce que Houzel appelle des angoisses de précipitation (1988, 1991).
21Ce qui doit être contenu et transformé, on le voit, ce sont les angoisses, plus ou moins archaïques, celles du bébé comme celles de tout un chacun, les angoisses des aspects infantiles et bébés du soi (Ciccone et al., 2012). Ce sont aussi les conflits, les turbulences et, au bout du compte la douleur psychique. C’est toujours un état ou une expérience de douleur psychique qui crée la souffrance et requiert le travail d’un autre, travail contenant et transformateur.
Fonction contenante, identification projective et spatialité du monde interne
22La notion de fonction contenante suppose le processus d’« identification projective », on le voit tout particulièrement à partir des considérations de Bion. À travers ses conceptions de « contenant-contenu », de « fonction alpha », de « rêverie maternelle », Bion propose un modèle d’identification projective normale, non toxique, au service de la communication.
23L’identification projective telle que l’avait décrite Melanie Klein (1946) était un processus hautement pathogène consistant pour le bébé à pénétrer en fantasme le corps maternel pour le détruire, le dépouiller, le dégrader, le vider, etc. Bion (1962b) et Rosenfeld (1970) ont montré l’aspect normal, développemental de ce processus qui consiste à communiquer un état émotionnel, à transmettre et à faire éprouver à l’objet un contenu émotionnel, un état affectif que le sujet n’a pas les moyens de penser [3].
24Après Bion puis Rosenfeld, qui ont souligné l’aspect normal de l’identification projective – identification projective « réaliste », dit Bion –, Meltzer a apporté une autre précision et une autre complexification en décrivant la manière dont l’identification projective concerne non pas seulement l’intérieur des objets externes (qui d’ailleurs n’est jamais l’intérieur d’un objet externe mais toujours la représentation interne de l’intérieur de l’objet externe), mais aussi l’intérieur des objets internes (cf. Meltzer et al., 1980, 1982 ; Meltzer, 1967, 1992). Et Meltzer décrit toute une géographie de l’objet interne – l’objet prototypique étant le corps maternel – que le moi du sujet pénètre pour assouvir différents besoins. Chaque compartiment de l’objet pénétré donne au sujet une caractérologie particulière. Et toutes ces caractérologies ont en commun un aspect faux, pseudo de l’identité du sujet en identification projective. Meltzer réserve les termes d’identification projective au processus au service de la communication, et nomme l’identification projective toxique pour le moi – et pour l’objet – « identification intrusive », l’objet interne pénétré par identification intrusive étant appelé « claustrum ».
25Bref, on voit comment la notion d’objet contenant suppose non seulement une conception d’un processus d’identification projective, mais aussi une conception d’une spatialité du monde psychique.
26Si Meltzer a décrit la « géographie du fantasme », s’il a modélisé l’espace interne avec ses différentes dimensions, s’il a figuré l’espace à l’intérieur des objets internes avec leurs différents compartiments, ces notions ont elles aussi une histoire. Melanie Klein avant lui avait décrit la cosmologie ou la sociologie du monde intérieur ainsi que la géographie du corps maternel (1932, 1950). Bion avait parlé d’espace psychique, d’espace mental, d’espace émotionnel, d’espace de la pensée (1963, 1965, 1970). Money-Kyrle avait envisagé la construction d’un système spatio-temporel interne, résultat de l’intériorisation d’objets externes (1968). Resnik a décrit toute une conception de l’espace mental (un de ses livres s’intitule d’ailleurs Espace mental, 1994). Mais c’est Meltzer qui a le plus mis au travail cette notion et conceptualisé une représentation de la structure de l’espace du monde interne et de la vie psychique dans les différents lieux de cet espace interne.
La métaphore de l’enveloppe psychique
27La conception d’une fonction psychique de contenance et de transformation a participé à la création ou au développement de la métaphore de l’« enveloppe psychique ». On a vu comment Esther Bick introduit la notion de peau psychique. Nous allons envisager celle du Moi-peau tel que Didier Anzieu en a proposé le modèle, un peu plus tard, à partir de 1974.
28Mais la notion d’enveloppe psychique a des prémices dès le début des textes psychanalytiques. Dès 1895, dans l’Esquisse, par exemple, est présente l’idée de limites du moi, d’un dedans et d’un dehors du moi. On se souvient que dans « Le moi et le ça » (1923) Freud parlera du moi comme d’une entité correspondant à la projection d’une surface [4].
29Paul Federn avait étudié les « frontières du moi » et ses variations dans les psychoses, dans les rêves, dans les états d’endormissement et d’éveil (cf. 1952).
30Bion, on l’a vu, a particulièrement développé la notion d’« objet contenant », de « fonction contenante de l’objet », après quoi Esther Bick a proposé celle de « peau psychique ».
31Didier Anzieu, enfin, a modélisé la notion de « Moi-peau » (1974, 1985), et celle-ci sera extrêmement fructueuse et donnera des conceptualisations relatives aux enveloppes psychiques dans l’approche psychanalytique de tout sujet, mais aussi des groupes, des familles, des institutions. Les travaux d’Anzieu inaugureront ou confirmeront une réelle prise en compte de ce que j’appelle la « fonction enveloppe » (Ciccone, 2001), car, en effet, la notion d’enveloppe est une métaphore qui décrit non pas un objet en soi mais une fonction psychique.
32On peut dire que le modèle d’Anzieu contient ou reprend quasi l’ensemble des modèles précédents.
33Anzieu prend le contexte du nourrissage et souligne trois types d’expériences concomitantes que fait le bébé : celle d’un contact différenciateur par le mamelon dans la bouche et l’incorporation, celle d’un centre de gravité par la réplétion, et celle d’importantes stimulations tactiles par le fait d’être tenu, porté, serré contre le corps de la mère, manipulé, etc., le tout dans un bain de paroles et de communications. Ces expériences conduisent le bébé à différencier une surface comportant une face externe et une face interne, distinguant le dehors et le dedans, et un volume dans lequel il se sent baigné. Cette surface, qu’Anzieu nomme « interface », et ce volume donnent à l’enfant la sensation d’un contenant. Ainsi, à l’occasion des expériences de contact de son corps avec le corps de la mère et dans le cadre d’une relation sécurisante d’attachement avec elle, le bébé acquiert la perception de la peau comme surface, ce qui engendre d’une part la notion d’une limite entre l’intérieur et l’extérieur, et d’autre part un sentiment d’intégrité de l’enveloppe corporelle. Ce sentiment d’intégrité donne au moi une enveloppe narcissique et un bien-être de base, d’où l’idée du Moi-peau. Par Moi-peau, Anzieu désigne « une figuration dont le moi de l’enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme moi contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface du corps » (1985, p. 39).
34Anzieu a décrit différentes fonctions du Moi-peau, dont la liste s’est peu à peu modifiée au fur et à mesure de ses travaux : fonction de maintenance du psychisme, fonction de contenance, fonction de pare-excitation ou de constance, fonction d’individuation, fonction d’intersensorialité ou de correspondance des sens, fonction de soutien de l’excitation sexuelle ou de sexualisation, fonction de recharge libidinale ou d’énergisation, fonction d’inscription des traces sensorielles tactiles ou de signifiance. Il a aussi décrit une fonction toxique d’autodestruction de la peau et du moi, qu’il a ensuite retiré de la liste. Il a aussi fait correspondre d’autres fonctions du moi à des fonctions de la peau, il a fait correspondre certaines tendances du moi ou du Moi-peau à des caractéristiques structurales de la peau touchant la complexité de sa constitution, son rapport aux autres organes, etc.
35Si les fonctions du Moi-peau, et de l’enveloppe psychique en général, s’étayent sur les fonctions de la peau, il faut bien souligner que cet étayage concerne une relation métaphorique, et non pas analogique. Il s’agit de la peau au sens d’« être bien dans sa peau », et non pas de la peau de l’anatomiste ou du dermatologue (bien que les mises en correspondance que propose Anzieu semblent parfois un peu trop analogiques).
36Le modèle de l’enveloppe psychique est d’une fécondité certaine. Didier Anzieu n’a cessé de le cultiver et de le rendre fertile, et d’autres l’ont développé avec créativité (Anzieu et al., 1987, 1990, 1993, 1994). Anzieu a poursuivi le travail de repérage des enveloppes psychiques et de leurs altérations, il a toujours précisé davantage ce modèle dans le champ du développement psychique et de la psychopathologie, et a mis en évidence la manière dont toutes les psychopathologies peuvent s’appréhender du point de vue des pathologies de l’enveloppe. Il a fait travailler les notions de Moi-peau et d’enveloppe psychique non seulement dans la clinique, mais aussi dans l’histoire et la préhistoire des concepts psychanalytiques, dans la littérature. Il a établi autour de ces notions des connexions avec les champs de la philosophie, de la psychologie expérimentale, de la biologie, de la physique, des mathématiques, etc.
37Si la conception de la pathologie de l’enveloppe est appliquée par plus d’un à l’approche de la psychopathologie individuelle, elle l’est aussi pour ce qui concerne la compréhension du fonctionnement psychique groupal. Didier Anzieu a ouvert la voie dans son ouvrage sur Le groupe et l’inconscient (1981). Geneviève Haag, par exemple, porte un regard privilégié sur la notion de « peau du groupe » dans les groupes thérapeutiques (Haag, 1998 ; Haag et al., 1989 ; Urwand et Haag, 1993). Les recherches en thérapie familiale psychanalytique, qui utilisent abondamment les conceptions d’Anzieu, accordent aussi une place à la fonction d’enveloppe dans l’appareil psychique familial, même si l’enveloppe est davantage prise en compte dans sa fonction d’individuation et d’échange avec l’extérieur que dans ses fonctions de structuration de l’appareil psychique familial. Anzieu a ouvert encore la voie en proposant une étude des fonctions du Moi-peau dans le couple, comme le groupe et la famille (1986b, 1993). Evelyn Granjon, par exemple, a suggéré de comprendre le généalogique comme fondateur de l’enveloppe psychique familiale (1986, 1987). Didier Houzel aussi a décrit l’enveloppe familiale, ses rapports d’inclusion et de tangentialité avec les enveloppes psychiques individuelles, sa fonction d’organisateur des rapports interindividuels et intergénérationnels, sa fonction contenante liée à l’intégration de la bisexualité psychique pour chacun des objets parentaux (les qualités « maternelles » correspondant à l’intimité, la disponibilité, le pouvoir d’apaisement, et les qualités « paternelles » à la force, la consistance, l’orientabilité) (Houzel et Catoire, 1989 ; Houzel, 1994).
38Cette théorisation de l’enveloppe psychique dans l’« appareil psychique groupal » (selon les termes de René Kaës, 1976b) ou « appareil psychique du regroupement », et dans l’« appareil psychique familial » (comme le dénomme André Ruffiot, 1981), s’est poursuivie par une application de la notion d’enveloppe psychique ou de Moi-peau à l’institution. On peut par exemple consulter deux textes inauguraux de Didier Houzel dans lesquels il applique à l’institution des considérations sur l’enveloppe psychique, et tente de conceptualiser la notion d’« enveloppe institutionnelle » (1992ab).
Construction de l’enveloppe et intériorisation e la fonction contenante
39On peut résumer la façon dont se constitue l’enveloppe psychique ou le contenant en disant que l’enveloppe résulte de l’intériorisation de l’objet contenant ou de la fonction contenante de l’objet. Ce processus suppose différentes conditions.
Les qualités de l’objet contenant
40Les premières concernent les qualités de l’objet contenant et de son activité, de ses attitudes : portage, soutien, holding, présentation des objets (Winnicott, 1951, 1956, 1960, 1962, 1971), confort, pare-excitation, intimité, exclusivité (Meltzer et al., 1982), capacité de rêverie, fonction alpha (Bion, 1962ab). On peut aussi ajouter la sollicitation : l’objet ne doit pas seulement répondre aux besoins du bébé, les transformer, protéger le bébé de la désorganisation, il doit aussi le solliciter, l’attirer vers des niveaux de présence, d’intégration, d’organisation, d’expériences émotionnelles plus élevés (Alvarez, 1992). On peut ajouter aussi la capacité à garantir une rythmicité des expériences : la rythmicité permet l’anticipation et donne une illusion de permanence, de continuité ; la rythmicité participe à constituer le sentiment d’enveloppe en ce qu’elle produit comme illusion de continuité (Ciccone, 2005, 2007).
41Les principales qualités de l’objet, pour assurer la fonction contenante, et qui regroupe toutes celles-ci, sont l’attention et la pensée. Toutes ces qualités reposent sur une attitude attentive de l’objet à l’égard du bébé, de sa vie émotionnelle, et une activité de pensée qui reconnaît, accueille et transforme les éprouvés du bébé.
42La mise en jeu de ces qualités s’opère dans un contexte de partage intersubjectif, de partage d’affect, de partage émotionnel (Ciccone et Ferrant, 2009 ; Ciccone, 2011) – je vais y revenir.
Le processus d’intériorisation
43La deuxième série de conditions à l’intériorisation de la fonction contenante concerne l’intériorisation elle-même. Le processus d’intériorisation a une histoire. On peut dire que sa forme aboutie est l’introjection. Mais l’introjection suppose d’abord un processus possible et suffisant d’identification projective, qui consiste, on l’a vu, à investir et explorer un espace mental, à transmettre et déposer les émotions incontenables, à explorer la vie émotionnelle dans l’espace mental d’un autre.
44Et avant même l’identification projective, le bébé utilise des processus d’identification adhésive, qui consistent à s’agripper à une sensation (Meltzer et coll., 1975 ; Bick, 1986). Et tout comme pour l’identification projective, si l’identification adhésive est un processus pathologique dont on connaît les manifestations dans l’autisme où l’adhésivité anéantit toute perception de l’altérité et toute constitution d’une relation d’objet, l’identification adhésive contient aussi un aspect normal, nécessaire au développement, d’une part en ce qu’elle produit comme points d’agrippement qui, mis progressivement bout à bout, donneront une première sensation de continuité, une première expérience d’être, et d’autre part en ce qu’elle représente comme mesure de survie par laquelle le moi se préserve de l’anéantissement même si sa modalité de présence au monde reste sensorielle ou sensuelle. L’identification projective contient par ailleurs un aspect adhésif donnant au bébé ou au sujet, dans le lien symbiotique, la sensation d’être collé à l’intérieur de l’objet, en fantasme. Cette conjoncture rend possible l’exploration de l’intériorité de l’objet.
45On peut reprendre une métaphore ou un modèle proposé par Geneviève Haag et souligner ainsi la façon dont l’intériorisation de l’enveloppe et le sentiment d’enveloppe se déploient et se construisent à partir de ce que cette dernière décrit comme des « boucles de retour » (1991, 1998), où le bébé plonge dans l’objet, dans une « élation symbiotique », puis se sépare en emportant un peu de substance commune, un peu de l’enveloppe commune qui, dans le lien symbiotique, le relie à l’objet. L’individuation se produit à partir d’une phase de symbiose. Ces boucles de retour construisent une circularité, une peau issue du dédoublement de la peau symbiotique. On peut observer la reprise de ces boucles de retour, un peu plus tard, par exemple dans les conduites d’offrande, courantes chez l’enfant de 18 mois qui vient déposer sur les genoux d’un adulte les objets avec lesquels il joue, le regarde simplement sans que celui-ci n’ait rien à faire, puis les reprend et continue tranquillement son jeu.
46On peut aussi observer la constitution de l’enveloppe – ou plutôt les effets de la constitution d’une enveloppe – à travers la manière dont l’enfant construit ce que Geneviève Haag encore (1998) appelle des « représentations de contenance », qui sont des projections spatiales de la circularité du self. On peut par exemple observer un bébé s’intéresser et explorer longuement les bords, les bordures : le bord d’une table, le contour d’un trou à l’intérieur d’un objet. On peut voir l’enfant investir la circularité : les objets, les formes circulaires, les mouvements circulaires (les roulades, etc.). La constitution aboutie de la circularité permet par exemple à l’enfant de dessiner un cercle fermé (ce qui est très tardif, puisque l’enfant peut rarement réaliser cette figure avant 3 ans). Cette circularité est une projection de la circularité du self, du sentiment de fermeture du self.
Contenance, transformation et partage intersubjectif
47Je disais plus haut que le travail de l’objet consistant à contenir et transformer les éprouvés émotionnels, affectifs, subjectifs du sujet suppose un partage intersubjectif de ces expériences. Cela vaut pour la relation parent-bébé comme pour le lien thérapeutique soignant-patient. Le partage intersubjectif d’expériences, d’affects, d’émotions est au cœur du travail clinique, du soin psychique.
L’intersubjectivité comme lieu d’émergence de la subjectivité et cœur du soin psychique
48L’idée tout d’abord que l’intersubjectivité est le lieu d’émergence de la subjectivité, et le lieu du soin psychique, doit beaucoup au travail auprès des enfants, et plus particulièrement des bébés, ainsi qu’à l’étude du développement du bébé, qui ont influencé cette centration de l’attention sur l’intersubjectivité. L’intersubjectivité est une notion centrale dans nombre de travaux sur le développement psychique dans la petite enfance, et dans des épistémologies différentes – même si la conception de l’intersubjectivité n’est bien sûr pas tout à fait identique d’une épistémologie à l’autre. On peut dire aussi que le modèle intersubjectif du soin psychanalytique doit beaucoup à Bion (puis à ses successeurs et à d’autres encore), qui a été un personnage central quant à l’évolution des modèles du soin psychique. Son modèle de la fonction alpha (1962a et 1962b), élaboré d’abord pour rendre compte des processus de naissance et de développement de la pensée, est un modèle profondément intersubjectif, un modèle du partage d’expériences émotionnelles et affectives.
Examinez la césure, disait Bion, non pas l’analyste et l’analysant, l’inconscient et le conscient, la santé mentale et la folie, mais la césure, le lien, la synapse […].
La relation entre deux personnes est une affaire à double sens, et, pour autant qu’on se soucie d’en rendre compte, le problème n’est pas de discourir sur l’analyste et sur l’analysant, mais de se référer à quelque chose qui se trouve entre ces deux personnes.
51L’attention est toujours portée à ce point de contact, de rencontre, et l’analyse concerne la rencontre elle-même : « Il n’y a pas de sémiologie et de psychanalyse du patient, il y a une sémiologie et une psychanalyse de la rencontre », comme le dit aussi Salomon Resnik (1999a), élève de Bion – un de ses livres s’intitule d’ailleurs Sémiologie de la rencontre (Resnik et al, 1982).
52Le travail de soin est ainsi un co-travail, une co-construction. Le patient est un collaborateur, c’est même le seul vrai collaborateur, disait Bion (1980, 1983), car lui seul sait ce que cela signifie d’être lui-même, comment on se sent quand on a des idées comme les siennes. C’est donc le seul vrai allié, le seul collaborateur. Bien sûr, c’est par définition un collaborateur bien peu fiable. Plus il est empêtré dans la psychose et moins il pourra aider son analyste. Mais un patient plus limite, plus névrotique, pourra aider le thérapeute, corriger une interprétation approximative, lui permettre d’être « à côté de la plaque », il va même « lui remettre les plaques là où il faut », disait Bion (1978, p. 65).
Le partage d’affect comme paradigme du soin psychique
53À partir de ces considérations sur l’intersubjectivité, on peut faire du partage intersubjectif, et en particulier du partage d’affect, un paradigme du soin psychique – et par conséquent du travail de contenance et de transformation. C’est l’idée qu’Alain Ferrant et moi-même avons soutenue (2009). Le terme « affect » est ici générique et désigne tout ce qui « affecte » le moi : sensations, émotions, sentiments…
54On peut dire que le lieu du soin psychique, le lieu de l’exploration et de l’analyse est l’expérience affective ou émotionnelle actuelle, au moment présent, du couple analytique au travail. Le soin psychique repose sur la recherche de contact avec la vie affective, et les effets de soin résultent de la transformation et de la représentation de la vie affective, émotionnelle. Le partage d’affect est ainsi un paradigme du soin psychique et de ce qui soigne dans le soin.
55Il est évident qu’une rencontre humaine en général et thérapeutique en particulier ne peut avoir lieu sans l’expérience d’un partage affectif, émotionnel, empathique. Catherine Parat (1995), par exemple, a bien souligné l’importance de l’« affect partagé » (selon le titre de son ouvrage) dans la cure, et la manière dont les affects du patient et de l’analyste doivent entrer en résonance dans une communication préverbale, antéverbale. Serge Lebovici (1994, 1998, 2002), autre exemple, insistait sur l’empathie – dans le travail de consultation thérapeutique parents-bébé, mais ses propos peuvent évidemment s’appliquer au travail de tout psychanalyste – et a dégagé sa fonction métaphorisante, interprétante (à partir des conceptions de Emde, 1990) [5]. Daniel Widlöcher (1996), autre exemple encore, parle de « co-pensée » pour décrire la construction commune de sens, par le patient et le psychanalyste, à partir d’une expérience psychique partagée. Alain Ferrant et moi-même avons cependant fait du partage d’affect non seulement une condition au travail psychanalytique, mais un véritable modèle paradigmatique du soin psychique, qui rassemble, traverse ou transcende les modèles précédemment évoqués.
56Si tout matériel parle toujours en partie du patient et est toujours adressé au soignant, on peut préciser que le matériel parle toujours, entre autres, de la rencontre entre celui qui énonce et celui qui écoute – et c’est cet aspect du matériel qui fait l’objet de l’écoute ou de l’observation cliniques. En outre, une interprétation pertinente, utile, juste, est toujours co-construite. Elle est le fruit de la collaboration entre patient et soignant et ne connaît pas son auteur.
57Une telle expérience de partage intersubjectif dans la rencontre clinique est par ailleurs mutative pour les deux protagonistes, patient et thérapeute. Le patient apprend et s’informe sur le thérapeute et son fonctionnement psychique, en même temps que le thérapeute développe une connaissance du patient. De plus, dans toute rencontre clinique le thérapeute apprend toujours un certain nombre de choses sur lui-même. Il arrive en effet parfois que le patient élabore, transforme des expériences que l’analyste lui-même n’a pas pu transformer ou n’a pas encore transformées pour lui-même. On n’a jamais fini d’apprendre en tant qu’analyste, que psychothérapeute, que soignant. On apprend toujours beaucoup de ses patients. On peut parfois s’étonner de la manière dont un patient se débrouille avec une histoire ou un événement proche de ce qu’on vit soi-même et on apprend en observant la manière dont il se débrouille. Notons qu’une telle situation peut aussi générer des mouvements d’envie chez le soignant. Si ceux-ci ne sont pas repérés, ses interventions ou ses interprétations risquent alors d’être essentiellement rétorsives et faire violence au patient.
58L’un des enjeux du partage d’affect est l’exploration des affects dans l’espace mental d’un autre. Le partage s’accompagne de l’observation par le patient de la manière dont le soignant, l’analyste, se débat avec les éprouvés projetés en lui. Le patient pourra ainsi explorer ces éprouvés, les représenter, les comprendre, s’en saisir pour lui-même. On saisit là encore le travail des processus d’identification projective en jeu dans la rencontre clinique.
La parentalité interne
59Les notions de contenance, de transformation, de peau ou enveloppe psychique sont des métaphores qui tentent de rendre compte des conditions à partir desquels un sujet peut se sentir exister dans sa peau, dans son corps, dans son individualité, et peut développer un sentiment de sécurité interne. Ces différentes métaphores, avec les qualités qu’elles essaient de décrire, conduisent à et sont contenues dans la représentation de ce qu’on peut appeler une « parentalité interne ». Chacune à leur manière, ces métaphores décrivent ou illustrent le travail de la parentalité interne. Dire la nécessité d’intérioriser un objet contenant transformateur, une fonction contenante, une fonction enveloppe, une peau psychique, revient à dire la nécessité de construire une parentalité interne protectrice, structurante, pour qu’émerge et se déploie la subjectivité. Le sentiment d’existence et la sécurité identitaire supposent l’intériorisation d’une parentalité interne qui prend soin des différents aspects du soi.
60La parentalité interne a la forme d’une « biparentalité » qui articule des aspects maternels et des aspects paternels. Cette biparentalité psychique s’étaye sur la bisexualité psychique et, dans sa forme primaire, sur ce que je nomme la « bisensualité psychique ». Elle s’articule par ailleurs à ce que j’appelle la « bigénérationnalité psychique » (Ciccone, 2011).
La bisexualité et la bisensualité psychiques
61La bisexualité psychique est liée essentiellement aux identifications secondaires, masculines et féminines. Mais la bisexualité peut s’envisager également dans une forme archaïque, et on peut parler de « bisexualité psychique primaire ».
62La bisexualité psychique primaire est une notion qui essaie de rendre compte de deux types d’expériences que le bébé est amené à tenter de lier, d’articuler, et qui sont des expériences liées à la sensorialité, à l’émotionnalité. La bisexualité primaire renvoie à la forme, à la consistance de ces expériences. Ces deux types d’expériences concernent d’une part des expériences qu’on peut qualifier de « molles », et d’autre part des expériences qu’on peut qualifier de « dures ». Il s’agit là d’une « sexualité » dans sa version sensorielle, sensuelle, émotionnelle. Je propose dans cette conjoncture de parler de « bisensualité psychique ».
63Frances Tustin (1981) avait évoqué ainsi la bisexualité dans ses formes archaïques, lors de ses études des processus autistiques. Didier Houzel a poursuivi cette idée et décrit la bisexualité dans ses formes archaïques en faisant correspondre les processus bisexuels primitifs à la constitution de l’enveloppe psychique (1987, 1994, 2002, 2003). La bisexualité s’intègre d’abord, pour Houzel, au niveau de l’enveloppe, articulant solidité et contenance, résistance et réceptivité, étanchéité et perméabilité, consistance et élasticité. Dans un deuxième niveau, la bisexualité s’intègre dans les relations d’objet partiel : les relations proximales, de type « lien-mamelon », s’articulant aux relations distales, de type « lien-pénis ». La bisexualité s’intégrera ensuite au niveau des relations d’objet total, dans les contextes œdipiens mobilisant les différentes identifications. Ces articulations et intégrations de la bisexualité sont essentielles à la stabilité du monde interne.
64Dans les contextes d’échec de l’intégration de la bisensualité ou bisexualité primaire, le sujet s’accroche à du dur pour protéger les aspects vulnérables : le dur dans le corps, dans les perceptions proprioceptives, interoceptives, kinesthésiques, ou dans le corps de l’autre (Tustin évoque par exemple l’illusion que le « dos dur » protège le « devant mou », ou que le « morceau dur » de l’objet fournit une carapace au sujet). Mais on peut dire aussi que dans ces contextes, le moi sensible, vulnérable, vivant, est perdu. Le sujet s’accroche à du dur pour se protéger de la vulnérabilité, faire un sort à la souffrance due à l’état de vulnérabilité en développant une fausse identité « dure » et en se débarrassant des aspects sensibles.
65D’une manière générale, on peut dire que lorsque le bébé est dans une situation d’insécurité, il va rechercher du dur, fabriquer du dur pour sentir, éprouver une limite contenante, ferme. C’est le dur de la contraction musculaire, du raidissement, le dur du mur ou des barreaux du lit contre lequel il va cogner la tête, le dur du boudin fécal qu’il va garder dans le rectum, de la langue qu’il va mordre, etc. Et en se fabriquant du dur, des expériences dures, il préserve et enveloppe les expériences molles, sensibles, ou bien il éloigne ces expériences molles qui sont menaçantes, insécurisantes, font vivre un sentiment de fragilité, de vulnérabilité. Outre des expériences dures, le bébé peut aussi rechercher et s’agripper à des expériences rythmiques bidimensionnelles (comme dans les mouvements de balancer, les rythmies d’endormissement, les stéréotypies), ou bien des expériences confusionnelles, tourbillonnaires [6]. Peu à peu, grâce à l’attention, la compréhension et l’aide des objets de son environnement, le bébé reconnaît ses éprouvés puis sentiments contraires, peut les tolérer et les articuler dans son monde intérieur. Tout cela échappe à la conscience et s’opère dans l’intimité des relations intersubjectives.
66L’intégration de la bisensualité psychique se réalise par et dans le tonus corporel, témoin de la manière dont sont intériorisés et articulés, combinés les éprouvés bisensuels complémentaires ou antagonistes.
67Une manœuvre autoérotique de certains bébés peut illustrer cette articulation par et dans le tonus des pôles de la bisensualité psychique.
68Certains enfants sucent leur pouce de cette manière particulière qui consiste à appuyer fortement le pouce contre le palais et l’arrière de l’arcade dentaire, à appuyer l’index contre l’arête du nez, et à caresser la lèvre supérieure avec le majeur. Ils forment ainsi une pince sur l’arcade dentaire et l’arête du nez.
69Dans ce mode de suçotement, on peut considérer l’arcade dentaire et l’arête du nez comme des projections intracorporelles du dos et de la colonne vertébrale ferme. La pince formée par le pouce et l’index représente ainsi un aspect tonique de la bisensualité, aspect que l’on peut rapporter à la « fonction psychique paternelle ». Et la lèvre caressée représente, quant à elle, le mou et le sensible de la communication, du lien, que l’on peut considérer comme l’autre pôle de la bisensualité, et que l’on peut rapporter à un aspect de la « fonction maternelle ». Le lien, le contact maternel sensible et communicant doit être encadré par du ferme, articulé à du paternel pour que l’expérience soit coordonnée, sécurisante, identifiable et assimilable par le moi.
70Voici un autre exemple concernant le prélangage et le « tonus de la prosodie », pourrait-on dire :
71Il s’agit d’un bébé de 7 mois. Il est dans son transat et échange avec sa mère qui lui fait des grimaces sur un mode ludique. Le bébé est concentré, il observe attentivement la bouche de sa mère, ses mouvements. Puis il émet des sons : « Oh, oh, euh !… » La mère s’approche du bébé et lui dit : « Je vais te mettre par terre, tu pourras jouer ! » Le bébé sourit, jubile, tend les bras en direction de sa mère, pousse sur ses jambes. Mais la mère s’éloigne pour aller chercher un tapis. Le mouvement du bébé en direction de la mère s’interrompt alors, comme suspendu, ses bras tombent, sa bouche reste silencieuse et grande ouverte, ses yeux tout ronds regardent l’observatrice présente, comme s’il cherchait à transmettre ou à partager sa surprise, son incompréhension.
72Plus loin dans la séquence, le bébé est assis sur le tapis, son père est accroupi près de lui, et les deux ont une « conversation ». Le bébé vocalise des « oh heu ha… ». Il essaie ensuite de se mettre debout, en poussant sur ses bras, avec un air très sérieux. Le père commente ses efforts, le bébé le regarde et répond par ces mêmes vocalises. À un moment le père interrompt brusquement la conversation et le bébé se met à geindre. Puis il tombe, et pleure. La mère qui n’était pas loin s’approche de lui, lui parle, lui dit que ce n’est pas grave, qu’il arrivera bien à se mettre debout tout seul… Elle le prend délicatement dans les bras, l’installe sur ses genoux, face à elle. Le bébé attrape alors un doigt de la mère et le tient fermement avec ses deux mains. Il regarde intensément la mère et vocalise cette fois des « ta ta ta !… ».
73On voit comment la communication, le mouvement vers l’objet, l’adresse à l’autre s’accompagnent de vocalises composées essentiellement de voyelles, « molles », sensibles (« ho, ha, heu… »). Lorsque l’objet se retire, le bébé fait l’expérience d’une chute – le mouvement vers l’autre est suspendu, les bras tombent, la bouche est ouverte, les yeux ronds, lui-même tombe alors qu’il tente de se lever – et éprouve de l’incompréhension ou de la détresse. Il cherche alors un appui sur l’objet : l’observatrice qui est là, la mère qui console. Il cherche en particulier du « dur », du « ferme » – le doigt fermement tenu, le regard intense – et il articule ce « dur » dans le prélangage, utilisant cette fois des consonnes « dures » – « Ta, ta, ta ! » – qui symbolisent cet appui, qui intériorisent cet appui.
74Ce bébé est en lien avec ses objets, eux-mêmes suffisamment attentifs et contenants, malgré les expériences de discontinuité « ordinaires » auxquelles ils peuvent le soumettre. Le clivage des opposés sensuels est réduit, la communication « sensible » est maintenue, encadrée par l’appui « ferme », grâce au travail des objets et au travail psychique du bébé lui-même. La bisensualité s’intègre et s’articule.
75L’intégration de la bisensualité ou bisexualité psychique primaire est donc l’effet de l’articulation des opposés sensuels, sensoriels, émotionnels, articulation qui donne et garantit un sentiment d’être, un noyau d’identité, une présence au monde, en même temps qu’elle en témoigne.
La biparentalité psychique
76Cette articulation au-dedans suppose que le bébé l’ait préalablement rencontrée suffisamment au-dehors. L’articulation interne de la bisexualité psychique suppose une articulation au-dehors des fonctions parentales, maternelles et paternelles, entre les parents et à l’intérieur de chacun d’eux. Les fonctions paternelles et maternelles sont des fonctions psychiques portées par et opérant en tout un chacun.
77La bisexualité psychique est donc corrélée à la « biparentalité psychique ». Elle organise, étaye la biparentalité psychique et est elle-même organisée par elle. Les qualités de la bisexualité comme de la bisensualité psychiques se distribuent au niveau de pôles « maternels » et « paternels ». La bisexualité primaire concerne, dans l’expérience subjective du sujet, le soutien des aspects maternels par des appuis paternels.
78Quelques notions rendent compte de cet aspect à la fois archaïque et toujours présent des fonctions parentales. Donald Meltzer (1976), par exemple, parle d’« objet interne combiné » correspondant aux bons parents qui travaillent ensemble pour prendre soin des enfants et les protéger. Salomon Resnik (1986, 1994, 1999a) décrit plus précisément les « parents combinés bons », objet interne qui articule les fonctions maternelles, figurées par l’horizontalité, la réceptivité, la contenance, et les fonctions paternelles, figurées par la verticalité, la fermeté. Si la notion de parents combinés désignait chez Melanie Klein (1932, 1950, 1952, 1957, 1961) une figure persécutrice représentant les parents unis dans une relation sexuelle confusionnante et dévastatrice, la notion de parents combinés bons rend compte de l’alliance harmonieuse des fonctions maternelles, qui contiennent l’expérience, et des fonctions paternelles, qui la structurent, la coordonnent, l’organisent. Didier Houzel, on l’a vu plus haut, décrit aussi un tel modèle, lorsqu’il envisage la nature des relations primaires d’objet partiel, qui doivent articuler un aspect « mamelon proximal » et un aspect « pénis distal » pour stabiliser le monde interne, ou encore lorsqu’il envisage la nature de l’enveloppe psychique, qui doit allier des aspects maternels et paternels pour contenir, délimiter et différencier le monde interne. Tout se passe comme si les qualités de solidité et de résistance de l’enveloppe se situaient au pôle paternel, et les aspects de réceptivité et de contenance au pôle maternel.
79D’autres métaphores encore rendent compte de cette articulation biparentale primaire interne. Il en est ainsi, par exemple, de l’objet support que décrit James Grotstein (1981) et qu’il nomme « objet ou présence d’arrière-plan d’identification primaire ». Joseph Sandler (1960) avait avant lui parlé d’« arrière-plan de sécurité ». Un tel objet interne support correspond à l’intériorisation du holding maternel : l’intériorisation des bras qui soutiennent le dos du bébé, qui lui donnent un appui ferme et qui permettent au regard, au visage, au-devant du corps de communiquer, d’être en contact avec l’objet. La fermeté des bras porteurs représenterait ainsi un aspect paternel.
80On peut dire ainsi que le tonus, comme je l’évoquais, articule des qualités de fermeté, paternelles, et des qualités de malléabilité, maternelles. Se tenir, se mettre debout pour avancer dans le monde, suppose pour le bébé d’intérioriser une colonne vertébrale, paternelle, qui donne un appui et une sécurité à l’expérience d’avancer dans le monde, et une enveloppe, maternelle, malléable, pour s’adapter, s’ajuster, amortir la rencontre avec le monde. L’enveloppe corporelle maternelle, qui tient, et la colonne vertébrale paternelle, qui porte, doivent être articulées, coordonnées, combinées.
81L’articulation du « ferme » et de l’« enveloppant », du paternel et du maternel, joue donc dans l’image du corps elle-même, participe à fabriquer l’image du corps dans laquelle le « ferme du dos » protège le « sensible du devant ». Dans l’exemple plus haut du suçotement de certains bébés, la pince réalisée avec le pouce et l’index représente un aspect « paternel », qui encadre la caresse de la lèvre représentant le lien sensible « maternel ». De même, dans l’autre exemple du bébé qui vocalise, le doigt tenu, le regard intense et les consonnes dans le prélangage représentent un aspect « paternel » ferme, alors que le « mouvement vers », le « communicant », les voyelles du prélangage représentent un aspect « maternel » sensible, qui cherche du « consistant » auquel s’articuler pour maintenir le lien et poursuivre la « conversation ».
82Cette articulation intériorisée, en particulier dans le tonus du corps, donne un appui secure au sentiment d’identité, soutient et amortit la rencontre avec le monde. Elle est constitutive d’une biparentalité interne harmonieusement combinée, essentielle à la croissance, à la stabilité et à la créativité psychiques.
83La biparentalité prendra ensuite des formes complexifiées, lorsqu’elle s’intégrera dans le cadre des identifications secondaires, œdipiennes, constituant entre autres diverses figures surmoïques et idéales internes.
84Outre le surmoi et l’idéal, on peut observer différentes figures et différentes scènes rendant compte de la manière dont les objets parentaux sont liés dans le monde interne :
85Une patiente, par exemple, parle fréquemment du rapport entre la psychologie et la biologie, elle insiste sur la nécessité d’articuler ces sciences, ces points de vue, ces théories.
86Une autre patiente, d’origine espagnole, souligne souvent avec insistance les liens entre la langue espagnole et la langue française.
87Derrière l’aspect manifeste et rationnel de ces énoncés, on peut retrouver une préoccupation pour articuler la biparentalité psychique. Psychologie et biologie, français et espagnol, tel et tel pays, etc., sont pour ces patientes et pour d’autres des éléments figurant les objets ou les fonctions psychiques paternels et maternels, et rendant compte de la nature plus ou moins harmonieuse de leur articulation :
88Une autre patiente apporte un rêve ou deux médecins se disputent intellectuellement le diagnostic à propos d’une enfant malade.
89Une autre encore rêve qu’elle passe un examen : elle a besoin du stylo de son père pour se rendre à cet examen, le lui demande mais celui-ci refuse de lui donner son stylo et ne lui donne que le crayon à papier de sa mère. Au moment de passer l’épreuve, la patiente s’aperçoit qu’elle a tout oublié ce qu’elle avait appris et révisé.
90Outre les questions adressées dans le transfert et concernant la manière dont ces patientes se sentent investies, ces rêves témoignent chez elles d’un manque d’articulation harmonieuse des parents internes. L’enfant du premier rêve, c’est la patiente elle-même qui est confrontée à une parentalité interne intellectuelle et conflictuelle. Le second rêve renvoie au phallus et à l’identification œdipienne paternelle, mais raconte aussi comment l’absence du stylo paternel interne fait tout oublier. Ce qui fait tout oublier, c’est aussi la relation méprisante entre le stylo paternel supérieur et le crayon maternel inférieur. Cette relation est intériorisée par la patiente, qui dira d’ailleurs : « Il faut plusieurs années d’analyse pour faire l’expérience que les hommes ne sont pas supérieurs. »
91Ces figurations utilisant différentes métaphores rendent compte de la difficulté pour ces sujets d’articuler leur biparentalité psychique, d’être pour eux-mêmes un couple parental structurant.
La bigénérationnalité psychique
92La sécurité interne découle non seulement d’une articulation des aspects maternels et paternels liés à la bisexualité psychique, mais d’une heureuse combinaison entre les aspects parentaux et les aspects infantiles à l’intérieur de tout un chacun, constituant ce qu’on peut appeler une « bigénérationnalité psychique ».
93Cette bigénérationnalité interne se construit aussi à partir de la confrontation avec une parentalité externe cohérente, protectrice, consolatrice, soucieuse des besoins du bébé. C’est la distinction entre les aspects maternels et paternels, mais surtout entre les aspects adultes et les aspects infantiles, entre les prérogatives adultes, parentales, et les prérogatives infantiles, à l’extérieur, puis à l’intérieur, dans le monde interne, qui garantit une organisation « familiale » interne et externe au service de la croissance, comme le démontre bien Meltzer (1992), par exemple.
94Lorsque cette organisation familiale n’est pas constituée, c’est la hiérarchie qui tient lieu d’organisation, de différenciation, avec toutes les logiques tyranniques qu’elle va promouvoir, et qui sont anti-développementales (Ciccone et al., 2003). Chaque fois que la hiérarchie prend la place d’une organisation familiale basée sur la distinction entre prérogatives parentales et prérogatives infantiles on est dans une logique de tyrannie-et-soumission, qui est anti-développementale, qui s’oppose à la croissance mentale. Et on peut dire qu’une telle conjoncture se retrouve communément dans un certain nombre de familles et dans beaucoup d’institutions. Les familles organisées sur un mode tyrannique ressemblent davantage à un groupe ou à une bande d’adolescents qu’à une famille [7]. Le parent est un chef puissant (et impuissant en même temps) et non un adulte en contact avec la réalité. C’est un enfant qui fait l’adulte. Et il en est de même dans le monde interne du tyran lui-même.
95Une organisation familiale intégrée et une bigénérationnalité psychique interne harmonieusement combinée produisent un agencement de la groupalité externe (familiale ou institutionnelle) qui n’a pas besoin de recourir à la hiérarchie. L’organisation hiérarchique externe signe toujours une faillite de l’organisation groupale interne, et en particulier de la bigénérationnalité psychique de chacun des protagonistes.
96La relation parentale comme la relation soignante exigent une distinction des logiques adultes et infantiles, et supposent que le parent comme le soignant s’appuient sur des objets parentaux internes fiables, protecteurs, tout en gardant le contact avec leurs propres expériences infantiles. C’est ce qui leur permet de s’identifier à l’enfant, au patient et à ses aspects infantiles, bébés, et de comprendre les douleurs et souffrances anciennes mais toujours actuelles, ou déterminant les éprouvés actuels. Si le parent comme le soignant disposent d’une « famille interne » harmonieuse, ils pourront mobiliser différentes identifications, parentales et infantiles, pour assurer leur travail de soin, d’aide, d’accompagnement des processus de croissance chez les enfants et les patients dont ils ont la responsabilité. Dans le cas contraire, c’est une « organisation hiérarchique » qui dictera les conditions et les termes des praxis. Le parent « fera le père ou la mère », le soignant « fera le psychologue, le psychanalyste », déployant et s’agrippant à une fausse identité de surface, obéissant éventuellement à un expert-chef interne qui dicte une loi non intégrée et énonce des concepts fétichisés. Une telle partie pseudo-parentale masque en général mal son imposture, et une telle hiérarchie interne est toujours redoutable et anti-développementale. Il y a une différence entre « faire le soignant » et « être soignant ». Être soignant est bien autre chose et relève d’une logique tout autre que cette logique de tyrannie-et-soumission et de mimétisme.
97Le soin psychique suppose pour le soignant d’avoir gardé le contact avec ses aspects adultes et infantiles. Les expériences infantiles concernent autant les éprouvés de douleur, de détresse, d’impuissance, que les mouvements narcissiques omnipotents. Ce contact avec ces différents aspects de son monde interne et de sa « famille interne » est indispensable au psychanalyste, au soignant, pour comprendre la souffrance des parties infantiles voire bébés des patients, comme pour repérer les mouvements narcissiques dans lesquels des aspects infantiles omnipotents se présentent comme frauduleusement adultes et pseudo-matures ; ce contact avec sa famille interne lui permet de prendre appui sur les capacités consolatrices de ses objets internes, et sur leurs capacités à discerner et atténuer les mouvements d’envie générateurs d’un faux développement, pour aider l’autre à constituer, nourrir et faire se développer des objets internes fiables et secourables.
98La composition et le fonctionnement harmonieux de la bigénérationnalité psychique, tout comme de la bisexualité et de la biparentalité psychiques, sont des conditions fondamentales à la constitution d’une « parentalité », chez tout parent comme chez tout soignant, qui soit pertinente, stable, sécurisante, créatrice. Une telle parentalité qui coordonne harmonieusement – et qui est issue d’une telle coordination – les pôles de la bisexualité, de la biparentalité et de la bigénérationnalité psychiques est essentielle et féconde pour le développement psychique.
La parentalité soignante
99On peut ainsi définir ou représenter une « parentalité soignante », qui exerce les fonctions contenantes et transformatrices.
100Cette parentalité psychique interne donne un appui à la position clinique interne, au cadre interne de toute pratique. Elle caractérise la position soignante de tout soignant, mais aussi de tout parent. Elle concerne par ailleurs la fonction soignante d’un thérapeute comme d’un parent, mais aussi celle d’un couple (parental ou thérapeutique), et encore celle d’un groupe, d’une équipe, d’une institution. On peut parler de position parentale soignante (ou non, si celle-ci est défaillante), de parentalité d’une équipe, d’un groupe, d’une institution (comme le fait Dominique Thouret, par exemple – 2004).
101La position soignante suppose d’abord et s’appuie sur ce qu’on pourrait appeler une « préoccupation soignante primaire », sur le modèle de la préoccupation maternelle primaire dont parle Winnicott (1956). Il faudrait d’ailleurs modifier ce terme, et le remplacer par « préoccupation parentale primaire ». En effet, la préoccupation primaire pour un bébé n’est pas plus maternelle que paternelle. D’une part elle peut concerner autant le père que la mère, et d’autre part elle fait appel à l’intérieur de chacun à une parentalité qui combine des aspects maternels et paternels qui constituent ce que j’appelle la biparentalité psychique.
102Une telle préoccupation soignante primaire repose sur et soutient une sensibilité à l’autre, à sa vie émotionnelle, à ses souffrances infantiles, bébés, archaïques. Elle se cultive, se nourrit, se développe.
103La position soignante « parentale » s’étaye donc sur une préoccupation parentale primaire. Elle suppose une articulation harmonieuse des aspects maternels et des aspects paternels internes, elle suppose des parents internes harmonieusement combinés, formant une biparentalité psychique structurante, protectrice, sécurisante. Cette biparentalité dérive de ou s’appuie sur la bisexualité psychique interne et ses formes primaires, constituant la bisensualité psychique. Les aspects « maternels » de la biparentalité concernent l’accueil, la réceptivité, la contenance, la malléabilité, et les aspects « paternels » la fermeté, la rigueur, la consistance.
104La position soignante suppose aussi une combinaison harmonieuse entre les aspects parentaux et les aspects infantiles à l’intérieur du soi, constituant la bigénérationnalité psychique. La mobilisation des aspects infantiles du soi permet au soignant comme au parent de s’identifier à l’enfant ou aux aspects infantiles souffrants du sujet, d’être sensible à la détresse, à la vulnérabilité, à la vie émotionnelle. La mobilisation des aspects parentaux internes répondra aux besoins infantiles et à la souffrance psychique.
105Les caractéristiques de la parentalité soignante concernent autant le travail de soin et d’accompagnement du développement de la subjectivité que réalise tout parent, que celui qui incombe à tout soignant, toute équipe, toute institution de soin. Les qualités soignantes de leur parentalité conditionnent leur travail de contenance et de transformation, autrement dit leur travail de soin.
Bibliographie
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : contenance, enveloppe psychique, intersubjectivité, identification projective, partage d’affect, bisexualité, bisensualité
Mise en ligne 14/10/2013
https://doi.org/10.3917/jpe.004.0397Notes
-
[1]
Psychologue, psychanalyste, professeur de psychopathologie et psychologie clinique à l’université Lumière Lyon 2.
-
[2]
On trouvera de plus longs développements concernant les points ici abordés principalement dans deux ouvrages : Naissance à la vie psychique (Ciccone et Lhopital, 1991, 2001) et La Psychanalyse à l’épreuve du bébé. Fondements de la position clinique (Ciccone, 2011, 2013).
-
[3]
C’est ainsi qu’il faut comprendre, par exemple, les effets de contre-transfert tel qu’en parle Paula Heimann dans son article princeps (1949), et qui se définit non pas seulement par ce qui de l’analyste empêche le processus – ce qui faisait dire à Freud et à d’autres (Freud a très peu parlé du contre-transfert) qu’il faut tenir court, maîtriser le contre-transfert (Freud, 1910 ; Binswanger, 1947) –, mais qui se définit aussi par l’ensemble des éléments non psychisés de la situation, non pensables par le patient – ce qui faisait dire à Paula Heimann que le contre-transfert n’est pas un obstacle, mais un outil au service de la compréhension et de l’analyse.
-
[4]
Sur la genèse du concept d’enveloppe psychique, voir Houzel D. (1987).
-
[5]
De nombreux autres psychanalystes insistent depuis longtemps sur la nécessaire empathie ou montrent dans leurs écrits cliniques leur position empathique. On peut simplement citer à titre d’exemples Winnicott D. W. (1958, 1965, 1971, 1989), Searles H. (1965, 1979), Resnik S. (1973, 1984, 1994, 1999a et 1999b), Anzieu D. (1985), Little M. (1986), Rosenfeld H. (1987), et bien d’autres.
-
[6]
Un article de Didier Houzel s’intitulait « Le monde tourbillonnaire de l’autisme » (1985b).
-
[7]
Voir la typologie « famille-gang » que décrit Meltzer D. (1976, 1986).