Notes
-
[1]
« Réaliser le potentiel de la mobilité internationale des personnels dans l’Enseignement Supérieur ». Pour de plus amples développements, se reporter à l’adresse suivante : Erasmus + Strategic Partnership Project, https://realise-erasmusplus.fr/content/project-description
-
[2]
En 2016, 60 000 étudiants – dont 9 200 étudiants européens et internationaux – sont répartis entre 44 composantes de formation ; 531 chercheurs internationaux et 860 doctorants internationaux ont été accueillis à l’Université de Lorraine tandis que 14% de thèses ont été soutenues en cotutelle.
-
[3]
Voir sur ce sujet les travaux du groupe de recherche nancéien HISE cités ci-dessus.
-
[4]
La région « Grand Est » est issue du regroupement des trois régions culturelles historiques : l’Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne.
-
[5]
L’UniGR regroupe six universités partenaires (l’Université de la Sarre, l’Université de Trèves, l’Université de Kaiserslautern, l’Université du Luxembourg, l’Université de Liège) et l’Université de Lorraine qui le préside. Elles coopèrent pour créer un espace commun de l’enseignement supérieur et de la recherche transfrontalière notamment en matière de mobilité étudiante et des personnels.
-
[6]
Cf. Entretien accordé par la Vice-présidente en charge de la politique des ressources humaines et de l’amélioration des conditions de travail à l’Université de Lorraine.
-
[7]
Pour de plus amples développements, se reporter à : Erasmus + Strategic Partnership Project REALISE – Realizing the potential of the international mobility of staff in higher education.
-
[8]
Université Paul-Valéry Montpellier 3 (coordinateur), Middlesex University of London, Universiteit Gent, Uniwerzytet Warszawski, Univerza v Ljubljani, Universita degli Studi di Catania, Linköping Universitet, Universidade de Coimbra, Universitat de Barcelona, Humboldt-Universität zu Berlin.
-
[9]
Voir également https://www.staterasmus.fr/
-
[10]
Il s’agit des personnels de bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé.
-
[11]
Cf. la note réalisée par le CIEP, « Étude d’impact de la mobilité européenne des enseignants & des personnels administratifs, Agence 2E2F, Éducation Formation France, juin 2015.
-
[12]
Extrait entretien anonyme.
-
[13]
Vice-président en charge de la stratégie européenne et internationale à l’Université de Lorraine, extrait de l’entretien du 7 février 2019.
-
[14]
Ibid.
-
[15]
Ibid.
-
[16]
Il est également possible de consulter l’entretien accordé par la vice-présidente des Ressources Humaines dans Factuel, lettre d’information de l’Université de Lorraine, https://factuel.univ-lorraine.fr/node/10508 sur la phase d’autoévaluation du label HR Excellence de l’Université de Lorraine.
-
[17]
Extrait de l’entretien du 15 février 2019.
-
[18]
Extrait de l’entretien du 8 février 2019.
Introduction
1Les publications scientifiques sur la mobilité internationale des personnels universitaires en France s’avèrent rares (Agbossou, Carel-Bergeon et Caro, 2007) et n’éclairent que partiellement les conditions locales et singulières des dispositifs mis en œuvre. Or cette question est le lieu d’enjeux sociaux symboliques importants (Cerdin, 2004). Dans un contexte d’internationalisation croissante de l’enseignement supérieur, la mobilité des personnels revêt une haute importance en termes de reconnaissance des compétences acquises au service des établissements. Face aux bureaucraties professionnelles idéal-typiques imaginées par le sociologue allemand Max Weber (Weber, 1965) la réalité du terrain a révélé des configurations académiques plus complexes. Une pluralité de facteurs endogènes et exogènes a mis en concurrence les établissements d’enseignement supérieur, incités à se concentrer sur leurs points forts pour trouver leur spécificité. Prenant appui sur l’exemple de l’Université de Lorraine, cet article analyse tout d’abord ses enjeux européens et internationaux. Il examine ensuite le processus de création d’un Focus Group lorrain chargé d’encourager la mobilité des personnels en lien avec le partenariat stratégique Erasmus + REALISE [1] ; enfin, il présente les travaux du Focus Group et leurs perspectives de déploiement.
1. L’Université de Lorraine : mutations et spécificités
2Depuis vingt ans, les établissements d’enseignement supérieur sont incités à relever nombre de défis (Bettahar et Choffel-Mailfert, 2014). Parmi eux figurent l’harmonisation des diplômes entre pays européens dans le cadre du processus de Bologne et de la stratégie de Lisbonne, le pacte pour la recherche, ainsi que la loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (LRU) dont l’ambition, pour les établissements français, est de répondre aux enjeux révélés par le classement de Shanghai (Éloire, 2010 ; Dixon, Hood, 2016). Comme le montrent les sociologues C. Musselin et M. Dif-Pradalier, l’émergence d’un nouvel ordre institutionnel et les évolutions affectant les institutions académiques et scientifiques « sont devenues centrales dans les travaux des auteurs qui se réclament tant du néo-institutionnalisme historique que du néo-institutionnalisme sociologique » (Musselin et Dif-Pradalier, 2014). Quelles que soient les postures théoriques des uns et des autres, il faut y voir le rôle central des acteurs chargés de mettre en œuvre ces réformes.
3Le cas lorrain est à ce titre exemplaire. Sans remonter à la création d’un pôle scientifique nancéien (Grelon, Birck, 2007 ; Rollet, Choffel-Mailfert, 2006) et plus tardivement la fusion des universités de Nancy et Metz (Barrier, 2015), il faut souligner que l’Université de Lorraine s’inscrit dans l’histoire locale et tient compte des particularités héritées du passé (Baron, Barrera et Birck, 2015). La fusion de 2012 et la restructuration qui s’en est suivie offrent un cas singulier d’articulation entre logiques sectorielles et territoriales sans doute unique en France (Barrier, 2015).
4Intégrant un large spectre disciplinaire (sciences exactes et technologiques, médecine et pharmacie, sciences sociales et humaines, sciences de l’ingénieur), « l’université nouvelle » (Roy et Gingras, 2012) concentre des opportunités d’accueil d’étudiants internationaux. Elle occupe au niveau national le podium de la mobilité étudiante Erasmus + sortante, la seconde place de la présence numérique de ses étudiants et de l’attractivité internationale liée à sa politique de recherche [2]. Cultivant également l’enracinement territorial (Grossetti et Losego, 2003), elle entretient de longue date [3] une coopération avec les milieux industriels locaux, les universités du Grand Est [4] et le réseau académique et scientifique transfrontalier UniGR [5]. Ce processus privilégiant à la fois dimensions régionale et internationale appelle l’adoption de réformes tels la stratégie "Human Resources Strategy for Researchers" et le label d’excellence HR.
1.1 Stratégie HR mobilité internationale des personnels
5La stratégie HR donne un cadre aux actions liées à la recherche et intègre la mobilité des personnels comme levier opérationnel transversal. La stratégie « HRS4R » vise l’adoption de bonnes pratiques en termes de recrutement et d’exercice du métier de chercheur. En décembre 2015 l’Université de Lorraine adhère à la charte européenne du chercheur puis obtient en février 2017 le label « HR Excellence in Research ». Elle dispose alors d’un atout significatif pour améliorer sa politique de ressources humaines et renforcer son attractivité dans un contexte globalisé et concurrentiel [6], des circonstances propices à l’émergence d’une stratégie de mobilité internationale des personnels.
1.2. Le Focus Group REALISE lorrain
6Le partenariat stratégique Erasmus + qui a inspiré le Focus Group lorrain a pour objectif de « Réaliser le potentiel de la mobilité internationale des personnels dans l’Enseignement Supérieur » [7]. Consortium de trois ans (2017-2019) coordonné par l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, il réunit dix universités européennes [8]. L’Université de Lorraine y trouve un écho aux réflexions de sa stratégie HR et rejoint le projet au printemps 2018 en tant que partenaire associé. Le Focus Group REALISE lorrain compte des personnels administratifs de la Direction des Relations Internationales et Européennes (DRIE) et des enseignants-chercheurs experts en mobilité internationale. Leur diversité disciplinaire, professionnelle et géographique permet d’assurer une couverture des différents points de vue. Le Focus Group travaille avec des acteurs issus des directions opérationnelles de l’université dont la connaissance technique d’un volet spécifique permet d’avancer dans l’élaboration d’actions concrètes. Grâce aux synthèses de suivi du projet, l’équipe dirigeante est régulièrement associée à ses travaux.
2. Analyse et constat de l’existant
2.1 L’exploitation des données statistiques
7Le Focus Group a recensé les données de la mobilité des personnels disponibles à la DRIE. Leur suivi rigoureux constaté témoigne néanmoins plus du souci constant de s’impliquer globalement dans le programme Erasmus + que d’une prise en compte de la spécificité de la mobilité des personnels. Selon les statistiques nationales Erasmus + (Bégrand, Gonthier, Macaire, 2019) [9], l’Université de Lorraine est relativement bien placée dans le domaine de la mobilité des personnels puisqu’elle figure en dixième place de ce classement (toutes catégories de personnels confondues). Pourtant l’analyse des mobilités démontre une sous-utilisation du dispositif au regard de son potentiel, une stagnation du nombre de mobilités, une faible proportion de nouveaux candidats et l’absence d’étude d’impact. Si la mobilité d’enseignement fonctionne plutôt bien (50 missions par an), la mobilité de formation atteint à peine cinq missions par an.
8L’analyse des données montre aussi l’importance accordée aux missions financées par la ligne « soutien organisationnel » des projets de mobilité individuelle Erasmus +, incluant les visites pour négocier et/ou mettre en œuvre les accords interinstitutionnels Erasmus +. L’un des établissements fondateurs, sous l’impulsion de ses présidents successifs, avait de fait investi la majeure partie de la ligne financière dédiée à ces missions qui représentaient un levier pour la coopération et la mobilité étudiante. Cette singularité se poursuit à l’Université de Lorraine qui a repris l’héritage laissé par les ex-établissements dans ce qu’il avait de plus positif.
2.2 L’exploitation de l’enquête interne
9Le Focus Group a utilisé l’enquête REALISE mise à disposition en tant qu’« intellectual output » du projet. Elle permet notamment d’analyser la sous-utilisation du dispositif de mobilité Erasmus + des personnels. Une version simplifiée en a été lancée auprès des composantes et direction représentées par les membres du Focus Group (soit six composantes et une direction). L’objectif du Focus Group était modeste puisqu’il s’agissait de collecter des données basiques permettant d’étayer ses arguments en faveur de la mobilité internationale des personnels lors de sa première rencontre avec l’équipe de direction.
10Les questionnaires, rendus anonymes pour éviter les processus d’autocensure, ont néanmoins permis d’identifier, parmi les répondants, les enseignants et les personnels BIATSS [10]. L’option d’un retour séparé des différentes catégories de personnels enseignants et BIATSS n’a pas été retenue, mais elle pourrait faire l’objet d’une nouvelle enquête à venir. Quant au format, l’outil Lime Survey a été choisi pour analyser les réponses au moyen de tableaux croisés dynamiques.
11L’enquête a été diffusée par les membres du Focus Group au sein de leur composante de rattachement. La méthodologie de passation privilégiant la proximité a paru en effet propice à encourager les personnels à répondre dans un délai restreint ne permettant pas de relance.
12En raison de l’échéance courte, le taux de répondants est assez faible (9, 48 %), mais significatif pour tirer des conclusions, qui se révèlent similaires à celles du projet REALISE : absence de culture de mobilité, manque d’informations, absence de reconnaissance, freins personnels, freins institutionnels. Si la majorité des répondants estime l’environnement de travail propice aux projets de mobilité, elle est en revanche mitigée quant à la valorisation qui est faite des expériences de mobilité et à la qualité de l’accueil des personnels en mobilité entrante, quand cet accueil existe.
2.3 Les freins à la mobilité internationale des personnels
13À partir de ces analyses, le Focus Group a repéré une série de freins à la mobilité internationale des personnels à l’Université de Lorraine. Ces entraves limitent sévèrement le développement de la mobilité internationale des personnels, en particulier des BIATSS. Dénombrer et évaluer ces obstacles permet de révéler qu’ils sont de deux natures : institutionnelle et personnelle. La plupart d’entre eux pourront être progressivement levés suite aux mesures appliquées par l’institution dans le cadre du projet REALISE.
Figure 1 : Classification des freins à la mobilité et leur impact sur le taux de réalisation de la mobilité Erasmus +
Figure 1 : Classification des freins à la mobilité et leur impact sur le taux de réalisation de la mobilité Erasmus +
2.4 La question de la reconnaissance
14Comment transformer en capital les mobilités des personnels ? « Je laisse ma famille et mon travail pour effectuer une mobilité et qu’est-ce que ça me rapporte en termes de carrière (évolution des missions, avantages financiers, certification, avancement de grade) ? »
15Pour les enseignants et enseignants-chercheurs, la reconnaissance peut devenir le moteur de la dynamique personnelle. Dans le prolongement des travaux initiés par Marcel Mauss sur le don et le contre-don (Mauss, 1950), l’anthropologue Warren O. Hagström suggère que les universitaires tendent à produire des connaissances pour obtenir de la reconnaissance (Hagström, 1975, Verdrager, 2005). Inversement l’institution leur accorde de la reconnaissance pour obtenir de la connaissance. La motivation de l’individu ne serait plus liée à l’avancement désintéressé des connaissances (Merton, 1973). Elle tiendrait plutôt à l’estime qu’il reçoit (même si le but ultime reste celui de l’extension du savoir). Pierre Bourdieu propose quant à lui une grille de lecture tirée du modèle de contrôle social de type capitaliste. Il voit dans la science un espace de compétition pour accumuler du crédit scientifique. L’universitaire échange des connaissances contre du crédit scientifique qu’il peut réinvestir pour produire de nouvelles connaissances et gagner encore plus de crédit (Bourdieu, 1975).
16Pour les personnels BIATSS, qu’un dossier de l’Officiel de la Recherche et du Supérieur n’hésita pas à qualifier en son temps « d’éternels oubliés », la mobilité internationale est valorisante et apporte une ouverture qu’ils n’ont pas toujours dans leurs tâches quotidiennes [11], mais s’engager dans un tel projet peut s’apparenter à un parcours d’obstacles.
17Différentes études ont montré que le spectre des acquis lié à une mobilité internationale est toutefois plus large qu’on l’imagine (Murphy-Lejeune, 2000 ; Cicchelli, 2013 ; Breton, 2016). Au-delà des compétences techniques, les mobilités apportent une meilleure connaissance de soi. Comme le souligne une responsable en ressources humaines, « la reconnaissance de l’autre n’est pas si essentielle, ce qui compte c’est la satisfaction personnelle que peut procurer une mobilité pour être plus performative dans mon travail » [12]. Au cours de sa mobilité, le bénéficiaire baigne dans un contexte culturel et linguistique le confrontant à des manières de penser et d’agir différentes. Cet environnement peut être « anxiogène », car la personne concernée ne retrouve pas ses repères, mais les travaux de chercheurs ont montré qu’elle peut a contrario en tirer des ressources telles que l’ouverture d’esprit qui remet en question le regard sur soi, sur l’altérité, mais aussi sur ses habitus et sa façon de percevoir le monde. Dans une contribution récente H. Breton montre en quoi les « savoirs expérientiels » professionnels ou personnels contribuent à développer des apprentissages transformateurs de manières d’agir du sujet (Breton, 2018). Outre le fait que cette notion contribue au dialogue entre les sciences de l’éducation et la sociologie, elle permet de se dégager de déterminismes holistes en adoptant une posture compréhensive du vécu pris à l’échelle individuelle.
3. Les entretiens qualitatifs semi-directifs
18Le Focus Group lorrain a mené des entretiens qualitatifs semi-directifs (Blanchet, Gotman, 2007 ; Paugam, 2012) avec des acteurs institutionnels et opérationnels de l’Université de Lorraine.
19Le vice-président en charge de la stratégie européenne et internationale, également directeur exécutif de l’I-SITE « Lorraine université d’excellence », souhaite que « l’Université de Lorraine devienne une université accueillante pour un public international composé d’étudiants et de collègues enseignants-chercheurs et administratifs ». Selon lui, il faut « apprendre à européaniser et internationaliser ses procédures internes pour les adapter aux besoins de ces publics spécifiques » ; ce qui suppose « d’intégrer l’idée que l’Europe ce n’est pas l’étranger, cela fait partie de nous… L’Europe, c’est notre maison commune ». Il insiste sur les bénéfices des mobilités : « Découvrir les manières différentes de fonctionner en Europe (finances, modèles économiques). On peut s’approprier tout cela dans toutes les fonctions qu’on occupe à l’Université » [13]. La mobilité est un endroit où l’on s’enrichit personnellement et professionnellement : utile pour soi-même (compétences interculturelles) et utile pour son établissement de rattachement (c’est une période de travail, et non un séjour de vacances) ». Il est convaincu que la mobilité contribue à vaincre les peurs : « Plus on franchit les frontières moins on en a peur » [14]. Cette recommandation est cruciale quand le contexte est pluriculturel et qu’il s’agit de veiller aux règles d’accueil et d’hospitalité. Abordant la question des procédures, il souligne le fait que « découvrir soi-même les difficultés de compréhension des procédures et des documents d’un autre pays permet de mieux se mettre à la place de l’autre ». Il ne s’agit pas seulement de traduire nos documents en langues étrangères, mais d’adopter une certaine pédagogie pour les expliquer aux publics internationaux. Les règles de l’hospitalité exigent aussi un meilleur accueil des collègues internationaux : « Pour les entrants, faire un parcours type pour les accueillir dans chaque direction et chaque composante. Peut-être l’afficher sur notre site, le faire connaître aux partenaires » [15].
20L’entretien avec la vice-présidente chargée des ressources humaines a porté sur la stratégie HR et son articulation avec la mobilité internationale des personnels [16]. Cette dernière figure en bonne place dans ce projet dont elle constitue l’un des six axes préconisés. La vice-présidente souligne qu’au-delà des chercheurs la mobilité doit concerner tous les personnels, car elle contribue à l’ouverture d’esprit et au changement des mentalités « à petits pas ». C’est un processus long, car il faut miser sur la circulation informelle de l’information et « prendre en compte l’inquiétude du voyage » des personnels qui n’ont jamais effectué de mobilité [17].
21Interrogée à son tour, la directrice des Relations internationales et européennes livre ses préoccupations de terrain en matière de mobilité des personnels. Selon elle, toute mobilité implique des droits et des devoirs. Le devoir des managers est d’accompagner et rassurer les personnels candidats à une mobilité. Mais « pour la personne formée, la mobilité à l’étranger comporte aussi un devoir, celui du retour sur investissement pour l’université qui l’a formée. [….] En adoptant une démarche de mobilité, les personnels concernés peuvent se mettre à la place des étudiants et des personnels internationaux mais aussi des personnels de l’université qui partent en mission à l’étranger ; ils peuvent ainsi comprendre les difficultés administratives et interculturelles rencontrées ». Elle affirme que la mobilité doit « faire partie du plan de carrière de chaque agent » [18].
4. Les résultats des travaux du Focus Group lorrain
22La mise en œuvre d’actions de promotion est programmée sous forme d’un rétro planning courant entre mars 2019 et juillet 2020. Elles s’articulent autour d’une stratégie de sensibilisation de l’ensemble des acteurs en interne et concernent aussi bien les managers que les agents susceptibles de devenir candidats à une mobilité Erasmus +. Elle inclut également in fine un volet « internationalisation at home » notamment destiné aux personnels qui ne seront pas en mesure, pour diverses raisons, de participer à une mobilité Erasmus +.
Figure 2 : Les étapes de promotion des actions du projet REALISE
Figure 2 : Les étapes de promotion des actions du projet REALISE
23Parallèlement à ce processus de sensibilisation, la valorisation des missions réalisées ou en cours se poursuit, de manière à construire une identité forte autour du dispositif de mobilité internationale.
Figure 3 : La valorisation des mobilités réalisées
Figure 3 : La valorisation des mobilités réalisées
24S’agissant des enseignants, la question de la reconnaissance nécessite encore des ajustements pour identifier les possibilités offertes par la réglementation en vigueur en tenant compte du statut (enseignant ou enseignant-chercheur).
Conclusion
25Cette étude a montré les obstacles entravant la mobilité internationale des personnels et les pistes d’amélioration envisagées grâce à la médiation d’un Focus Group interne soutenu par l’équipe dirigeante de l’université. En intégrant certains outils du partenariat stratégique REALISE, le Focus Group lorrain s’est saisi de la question en lien avec la stratégie HSR4R.
26Nous avons souligné comment, après avoir été pensée comme un levier de la mobilité étudiante et de la coopération internationale, la mobilité internationale des personnels s’est fait une place à part entière ayant ses propres impacts sur les bénéficiaires et les institutions. Outil de l’« internationalisation at home », elle vient apporter un lien entre l’activité internationale des établissements et leur ancrage territorial.
27Il existe a priori un socle de valeurs partagées par l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur européens. Cette culture commune permet d’affirmer que l’expérience du Focus Group lorrain, nonobstant les spécificités lorraines, peut être dupliquée sous la forme d’un modèle transférable, dès lors qu’on prend en compte les variables locales pour adapter le projet.
28À l’heure où nous terminons cet article, le partenariat stratégique REALISE est presque à son terme, mais l’Université de Lorraine, au-delà de la fin du projet matriciel, investit l’avenir de nouvelles actions en faveur de la mobilité internationale des personnels. Les efforts engagés devront se poursuivre à moyen et long termes pour que celle-ci, encore plus qu’aujourd’hui, devienne une évidence pour tous. L’évaluation régulière des résultats devra aussi être au cœur des préoccupations de l’établissement pour mesurer l’impact des actions mises en œuvre.
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- Université de Lorraine (2016). La stratégie RH pour la recherche à l’université de Lorraine , 10/11/2016. http://www.univ-lorraine.fr/sites/www.univ-lor raine.fr/files/site_ul_synthes_hrs4r_site_version_0_fr_0.pdf.
- Verdrager, P. (2005). La sociologie de la reconnaissance scientifique : généalogie et perspectives. Revue d’Histoire des sciences humaines, vol. 2, no 13, p. 51-68.
- Weber, M. (1921, 1971). Essais sur la théorie de la science (1904-1917), traduits de l’allemand et introduits par Julien Freund. Paris : Librairie Plon, 1965, coll. Recherches en sciences humaines, no 19. Économie et Société, t.1 : Les catégories de la sociologie, 1921, Publication originale, posthume, Paris : Plon, 1971.
Mots-clés éditeurs : personnels enseignants et non-enseignants, Internationalisation, REALISE, reconnaissance, mobilité internationale, Erasmus +, stratégie internationale
Date de mise en ligne : 06/07/2020
https://doi.org/10.3917/jim.007.0069Notes
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[1]
« Réaliser le potentiel de la mobilité internationale des personnels dans l’Enseignement Supérieur ». Pour de plus amples développements, se reporter à l’adresse suivante : Erasmus + Strategic Partnership Project, https://realise-erasmusplus.fr/content/project-description
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[2]
En 2016, 60 000 étudiants – dont 9 200 étudiants européens et internationaux – sont répartis entre 44 composantes de formation ; 531 chercheurs internationaux et 860 doctorants internationaux ont été accueillis à l’Université de Lorraine tandis que 14% de thèses ont été soutenues en cotutelle.
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[3]
Voir sur ce sujet les travaux du groupe de recherche nancéien HISE cités ci-dessus.
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[4]
La région « Grand Est » est issue du regroupement des trois régions culturelles historiques : l’Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne.
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[5]
L’UniGR regroupe six universités partenaires (l’Université de la Sarre, l’Université de Trèves, l’Université de Kaiserslautern, l’Université du Luxembourg, l’Université de Liège) et l’Université de Lorraine qui le préside. Elles coopèrent pour créer un espace commun de l’enseignement supérieur et de la recherche transfrontalière notamment en matière de mobilité étudiante et des personnels.
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[6]
Cf. Entretien accordé par la Vice-présidente en charge de la politique des ressources humaines et de l’amélioration des conditions de travail à l’Université de Lorraine.
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[7]
Pour de plus amples développements, se reporter à : Erasmus + Strategic Partnership Project REALISE – Realizing the potential of the international mobility of staff in higher education.
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[8]
Université Paul-Valéry Montpellier 3 (coordinateur), Middlesex University of London, Universiteit Gent, Uniwerzytet Warszawski, Univerza v Ljubljani, Universita degli Studi di Catania, Linköping Universitet, Universidade de Coimbra, Universitat de Barcelona, Humboldt-Universität zu Berlin.
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[9]
Voir également https://www.staterasmus.fr/
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[10]
Il s’agit des personnels de bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé.
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[11]
Cf. la note réalisée par le CIEP, « Étude d’impact de la mobilité européenne des enseignants & des personnels administratifs, Agence 2E2F, Éducation Formation France, juin 2015.
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[12]
Extrait entretien anonyme.
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[13]
Vice-président en charge de la stratégie européenne et internationale à l’Université de Lorraine, extrait de l’entretien du 7 février 2019.
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[14]
Ibid.
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[15]
Ibid.
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[16]
Il est également possible de consulter l’entretien accordé par la vice-présidente des Ressources Humaines dans Factuel, lettre d’information de l’Université de Lorraine, https://factuel.univ-lorraine.fr/node/10508 sur la phase d’autoévaluation du label HR Excellence de l’Université de Lorraine.
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[17]
Extrait de l’entretien du 15 février 2019.
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[18]
Extrait de l’entretien du 8 février 2019.