La bioéthique est une discipline émergente et pragmatique au sens de Dewey. Elle souffre de ne pas avoir de méthodologie normative propre. Elle est, dès lors, à cheval entre plusieurs méthodes argumentatives. L’objet de son discours exige une approche empirique combinée à une connaissance déontologique et à une réflexion critique. Bien que le discours bioéthique se fonde, ou tente de se fonder, sur des méthodes argumentatives ayant toujours une dimension de rationalité pratique, il est perpétuellement confronté à la nécessité de prendre des décisions et d’objectiver ou d’argumenter ses choix, à partir d’une intentionnalité première, ou d’une normativité construite socialement. Dans des situations d’incertitudes liées aux conflits de représentations, il est nécessaire de procéder à des choix et rationalisations de choix face à des acteurs en conflits de convictions. L’incertitude peut être relative à l’acclimatation sociale d’une biotechnologie, ou au refus de modifier une loi, par volonté de maintien du statu quo, par crainte que l’exception à la règle ne puisse faire jurisprudence par exemple. La méthodologie oscille selon les contextes culturels entre le principisme, la casuistique, et l’éthique de la discussion d’Habermas, voire un savant mélange de ces modèles.
Le discours bioéthique a pour visée de dépasser, par une rhétorique de l’intersubjectivité, la tension entre rhétorique subjective et objective de la justification morale. Nous verrons qu’Habermas a lui-même tenté de dépasser cette tension en donnant une place centrale à l’accord intersubjectif dans la délibération rationnelle et négociée…