« Le propre de ce qui est éblouissant, c’est d’empêcher d’y voir » a dit un jour un journaliste, écrivain, critique littéraire à ses heures, à propos d’un confrère. Cela me semble toujours vrai.
On peut se demander si le sentiment de toute-puissance que procure le niveau technologique des armées modernes n’éblouit pas certains dirigeants politiques au point de les empêcher de réfléchir aux conséquences possibles de leurs décisions. Mais ce n’est pas notre propos. Je voudrais en revanche vous soumettre la question générale suivante : le fait d’avoir les moyens de faire quelque chose autorise-t-il à faire cette chose ? En d’autres termes, les moyens justifient-ils la fin ? (variante : « la raison du plus fort est-elle toujours la meilleure ? ».) J’ai particulièrement en vue les moyens scientifiques, la raison scientifique. La question est posée à propos du clonage thérapeutique. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Le domaine des nanotechnologies nous promet les mêmes interrogations.
Ne faut-il pas au contraire s’en tenir au vieil adage, très immoral, politiquement très incorrect, « la fin justifie les moyens ? »
Ce dilemme – je vous demande d’accepter pour un temps son manichéisme réducteur – n’a de sens que si l’on fait l’hypothèse de conditions initiales démocratiques. Il suppose en effet l’existence de structures et de pratiques rendant possible la détermination du choix après un débat « citoyen ». Il implique l’hypothèse d’un minimum de culture du débat démocratique…