En ces temps de repli apeuré sur un Etat-nation souverain solitaire, rêvé comme un refuge contre les menaces, réelles ou supposées, venues d’ailleurs (crises financières, terrorisme global, migrations, etc.), l’immense intérêt des questions climatiques est de réveiller non seulement les forces créatrices de droit, au sens social et moral où Ripert entendait ce terme, mais aussi les forces imaginantes du droit, celles qui transforment nos représentations du monde. Le réveil pourrait être brutal si l’on attend que le rêve ait tourné au cauchemar d’un affrontement direct des Etats et des humains contraints à vivre ensemble, de plus en plus nombreux, sur une planète de moins en moins habitable.
Nous hasarderons l’hypothèse que, dans un monde d’interdépendances croissantes, le changement climatique fait comprendre qu’une Terre « habitable » n’est pas un bien ordinaire. C’est la condition première qui commande l’existence même de l’humanité et de l’ensemble du monde vivant. C’est pourquoi les dommages climatiques doivent être considérés dans leur globalité et dans leur complexité. Au lieu des « risques » climatiques, le philosophe Dominique Bourg propose de parler de « dommages « transcendantaux » qui affectent la globalité de la planète et que l’on pourrait décrire comme l’universalisation partielle du dommage. Partielle car il y a en fait une scission entre la gravité objective du dommage qui est évaluée au niveau mondial et la gravité subjective, tolérance ou acceptabilité, qui s’apprécie différemment au niveau local (infranational ou national)…