Couverture de JDSAM_193

Article de revue

L’évolution du champ des compétences : l’exemple de la vaccination

Pages 13 à 16

Notes

  • [1]
    Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, JO du 27 janv. 2016.
  • [2]
    S. BRISSY, « Partie 7 : Professions de santé, chapitre 2 : Les champs d’action des professionnels de santé », in La loi santé, Regards sur la modernisation de notre système de santé, sous la dir. Anne Laude et D. Tabuteau, Presses de l’EHESP, 2016, p. 333.
  • [3]
    Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, JO 26 juill. 2019.
  • [4]
    Ainsi qu’une défiance croissante de la population à l’égard de la vaccination (sur les causes de cette défiance : Voir Rapport du comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination, 30 nov. 2016, p. 11 et s.).
  • [5]
    Loi n° 2017-1836 du 30 déc. 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, JO du 31 déc. 2017.
  • [6]
    Article 59 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, JO du 23 déc. 2018. Nous allons y revenir.
  • [7]
    Mis en place en 2018, ce plan « Priorité Prévention » est un projet interministériel d’envergure pour améliorer la santé de la population. Et il s’inscrit plus largement dans le cadre de la Stratégie nationale de santé. Le 25 mars dernier, le Comité interministériel pour la santé (CIS), présidé par le Premier ministre, a réuni 12 ministres autour des thématiques de la prévention et de la promotion de la santé. Ce rendez-vous a notamment été l’occasion de faire le bilan des mesures engagées dans le plan « Priorité prévention » lancé en mars 2018 et de présenter les nouvelles mesures pour 2019. Parmi ces nouvelles mesures, certaines concernent la vaccination : il s’agit notamment de permettre aux médecins du travail de prescrire des vaccins, il s’agit également du lancement pour la première fois en avril 2019 de la diffusion d’une campagne grand public sur les principaux médias nationaux, […] avec pour objectif de revaloriser et promouvoir la vaccination auprès des Français, inciter les Français à se faire vacciner, à faire vacciner leur entourage et faire connaître le site vaccination-info-service comme source de référence sur la vaccination.
  • [8]
    Voir également dans ce sens la proposition 21 du Livre Blanc de la profession infirmière « Reconnaître la contribution infirmière au système de santé », oct. 2019, qui recommande d’étendre la vaccination par les infirmiers des adultes sans prescription médicale.
  • [9]
    Il convient de noter qu’un amendement a également été déposé en ce sens dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
  • [10]
    Elle rappelle d’ailleurs que depuis son arrivée au gouvernement elle a largement œuvré dans ce sens : le décret sur la pratique avancée a en effet été publié, la généralisation de la vaccination anti-grippale par les pharmaciens a été votée. Elle indique en outre travailler actuellement sur l’évolution du métier d’aide-soignant dans le cadre du projet de loi sur la dépendance.
  • [11]
    Etant précisé que l’on attend une réponse de la HAS pour le second semestre 2019.
  • [12]
    Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, JO du 27 janv. 2016.
  • [13]
    Articles L. 2212-1 et suivants du Code de la santé publique.
  • [14]
    Article L. 4151-1 du Code de la santé publique.
  • [15]
    L’article D. 4151-25 du Code de la santé publique précise, dans son alinéa 2, que « L’entourage comprend les personnes vivant dans le même domicile que l’enfant ou fréquentant régulièrement ce domicile, ou étant chargées de sa garde régulière en ce lieu ». L’alinéa 1er de ce même article dispose par ailleurs que : « La sage-femme peut prescrire et pratiquer les vaccinations de l’entourage, dès la grossesse de la mère et pendant la période de huit semaines qui suit l’accouchement, conformément au calendrier des vaccinations mentionné à l’article L. 3111-1 et dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 4151-2 ».
  • [16]
    Article L. 4151-2 alinéa 2 du Code de la santé publique tel qu’issu de la loi du 26 janvier 2016.
    Il convient de noter que le législateur avait suivi les avis du Haut conseil de la santé publique – dont les compétences ont été transférées à la HAS - du 20 févr. 2014 relatif à la stratégie vaccinale contre la coqueluche chez l’adulte dans le cadre du cocooning et dans le cadre professionnel, et l’avis du 23 oct. 2015 relatif à l’extension des compétences des sages-femmes en matière de vaccination des personnes de l’entourage d’un nouveau-né.
  • [17]
  • [18]
    L’article 7 sexies A a par la suite été modifié de façon à que l’article L. 4151-2 du Code de la santé publique dans sa rédaction résultant de l’adoption de la loi du 24 juillet 2019, soit étendu au territoire des îles de Wallis et Futuna.
  • [19]
    Rapport du comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination, 30 nov. 2016, p. 19 et s.
  • [20]
    Recommandation vaccinale de la HAS, Extension des compétences des professionnels de santé en matière de vaccination, Vaccination contre la grippe saisonnière, juillet 2018, p. 51.
  • [21]
    Ibid.
  • [22]
    Article 66 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017, JO du 24 déc. 2016.
  • [23]
    Article 59 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, JO du 23 déc. 2018.
    Cet article pérennise, à compter du 1er mars 2019, le dispositif introduit par la LFSS pour 2017, étant précisé qu’il était prévu que les expérimentations prennent fin à la même date.
  • [24]
    Article L. 4161-1 du Code de la santé publique.
  • [25]
    J. PEIGNÉ, « La possibilité pour les pharmaciens de vacciner est actée », Dictionnaire permanent Santé, Bioéthique, Biotechnologie, janv. 2019.
  • [26]
    La campagne d’immunisation contre la grippe a été lancée le 15 octobre dernier.
  • [27]
    La population cible a été précisée par un arrêté du 23 avril 2019 : il s’agit des personnes majeures ciblées par les recommandations vaccinales en vigueur à l’exception des personnes présentant des antécédents de réaction allergique sévère à l’ovalbumine ou à une vaccination antérieure.
  • [28]
  • [29]
    Dossier presse « Ma santé 2022 » : un engagement collectif : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/ma_sante_2022_pages_vdef.pdf
  • [30]
    La HAS, dans sa recommandation vaccinale de juillet 2018, s’est d’ailleurs prononcée en faveur de l’harmonisation des compétences des différents professionnels de santé impliqués dans la vaccination contre la grippe (Recommandation vaccinale de la HAS, Extension des compétences des professionnels de santé en matière de vaccination, Vaccination contre la grippe saisonnière, juill. 2018, p. 59).
  • [31]
    Ni même la loi du 24 juillet 2019 d’ailleurs.
  • [32]
    L’article 71 de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain dispose en effet que :
    « Les médicaments sont soumis à prescription médicale lorsqu’ils :
    —sont susceptibles de présenter un danger, directement ou indirectement, même dans des conditions normales d’emploi, s’ils sont utilisés sans surveillance médicale, ou
    —sont utilisés souvent, et dans une très large mesure, dans des conditions anormales d’emploi et que cela risque de mettre en danger directement ou indirectement la santé, ou
    —contiennent des substances ou des préparations à base de ces substances, dont il est indispensable d’approfondir l’activité et/oules effets indésirables, ou
    —sont, sauf exception, prescrits par un médecin pour être administrés par voie parentérale ».
  • [33]
    Rapport n°524 (2018-2019) de M. Alain MILON, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 22 mai 2019, p. 133 : « Cet amendement part du constat qu’à l’avenir, un certain nombre de vaccins pourraient évoluer du statut de médicaments à prescription médicale facultative à celui de médicaments à prescription médicale obligatoire (PMO), sous l’impulsion de la réglementation européenne1et de l’introduction sur le marché de plus en plus de vaccins en procédure centralisée ».
    Il faut savoir qu’en France l’exigence d’une prescription médicale résulte de l’inscription du médicament, ou des substances le composant, sur la liste 1 ou 2 des substances vénéneuses visée à l’article L. 5123-6 du Code de la santé publique.
  • [34]
    Il convient de préciser que l’article L. 4161-1 du CSP, dans sa version issue de la loi du 24 juillet 2019, est applicable à Wallis-et-Futuna, c’est en effet ce que prévoit l’article 7 sexies B du projet de loi, devenu l’article 32 de la loi du 24 juillet 2019.
  • [35]
    Rapport du comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination, 30 nov. 2016, p. 12.

1La pertinence d’un partage de compétences entre les médecins et d’autres professionnels de santé sur certaines activités ou actes, dans un contexte d’accès encore inégal aux soins, n’est plus à démontrer. La dernière loi santé [1] avait d’ailleurs « autorisé certains professionnels à accomplir des actes dans des champs qui leur étaient jusqu’ici fermés ou dans des conditions plus étendues que celles prévues jusqu’alors » [2], et ce afin de répondre aux objectifs de la politique de santé.

2La loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé du 24 juillet 2019 [3] consacre également des hypothèses de délégation de compétences notamment en matière de vaccination. A l’heure où l’on déplore, en France, une couverture vaccinale insuffisante [4], cette réforme arrive à point nommé !

3Et pourtant, initialement, le projet de loi, tel que présenté le 13 février dernier en Conseil des ministres, ne contenait aucune disposition relative à la délégation de compétences en matière de vaccination. On ne peut pourtant pas dire que la politique vaccinale soit le parent pauvre de l’action menée par la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn. Bien au contraire ! D’aucuns soulignent d’ailleurs son courage politique de s’être attaquée à la question des vaccinations infantiles obligatoires [5]. C’est également à elle que l’on doit la généralisation de l’expérimentation permettant aux pharmaciens de vacciner contre la grippe [6]. Par ailleurs, parce que la vaccination est une des interventions les plus efficaces pour prévenir les maladies infectieuses, l’un des objectifs poursuivi par le Gouvernement, énoncé dans le cadre du plan « Priorité prévention » [7], consiste notamment à « faciliter l’accès à la vaccination » en simplifiant le parcours vaccinal et en multipliant les opportunités vaccinales.

4Malgré ce contexte, le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé ne contenait donc initialement aucune disposition relative à la vaccination. De nombreux amendements ont toutefois été déposés, ce qui a conduit à ce que le sujet soit finalement largement discuté lors des débats parlementaires.

5Dénonçant la complexité du parcours vaccinal, qui constitue un frein à la vaccination, ces amendements proposaient, pour l’essentiel, de simplifier le parcours vaccinal en étendant les compétences des infirmiers [8]. D’autres tendaient à faire des laboratoires de biologie médicale un point d’accès supplémentaire à la vaccination anti-grippale [9]. D’autres encore préconisaient de mettre à disposition des lots de vaccins (notamment anti-grippaux) aux endroits où les personnes se font effectivement vacciner (c’est-à-dire dans les cabinets de ville des médecins généralistes, voire des infirmiers d’État). Ces différents amendements ont toutefois été retirés ou rejetés. Si la ministre de la santé s’est dite convaincue de la nécessité de faire évoluer les pratiques et compétences [10], elle a indiqué avoir d’ores et déjà saisi la Haute Autorité de santé (HAS) afin que soit engagée une réflexion sur l’élargissement des pratiques et compétences vaccinales [11]. Elle a, en outre, rappelé que l’élargissement des capacités vaccinales des infirmiers relève du pouvoir réglementaire. Concernant l’extension des compétences vaccinales aux biologistes médicaux, la ministre a expliqué vouloir attendre les recommandations de la HAS. Quant à la question de la disposition des lots de vaccins, elle a assuré qu’il s’agissait d’une mesure incluse dans le Plan « Priorité prévention » mais que l’opération nécessitera vraisemblablement une expérimentation car elle implique des exigences de traçabilité.

6Deux amendements ont en revanche été adoptés et ont conduit à l’insertion dans le projet de loi de deux articles : les articles 7 sexies A et sexies B. Le premier article propose d’élargir les compétences vaccinales des sages-femmes (I) ; le second renvoie à la possibilité pour les pharmaciens de prescrire certains vaccins (II). Ces deux articles, devenus dans la loi du 24 juillet 2019 les articles 31 et 32 ont été insérés dans le titre II de la loi intitulé « Créer un collectif de soins au service des patients et mieux structurer l’offre de soins dans les territoires ». Ils contribuent ainsi à renforcer le rôle tant des sages-femmes que des pharmaciens dans la politique vaccinale. Cette réforme devrait par conséquent conduire à une amélioration de la couverture vaccinale en France de façon à permettre l’installation d’une immunité de groupe.

I – Extension de la compétence vaccinale des sages-femmes

7Déjà la loi Touraine du 26 janvier 2016 [12] avait élargi le champ de compétence des sages-femmes en les autorisant, notamment, à pratiquer sous certaines conditions des IVG [13], à procéder à l’examen postnatal dans des conditions étendues [14] ainsi qu’à prescrire et pratiquer elles-mêmes, pendant la période postnatale, les vaccinations aux personnes qui vivent régulièrement dans l’entourage de l’enfant [15], et ce afin de protéger ce dernier [16]. Ainsi, en l’état des textes (applicables antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2019), les sages-femmes pouvaient vacciner :

  • toute femme (soit dans le cadre du suivi gynécologique et de contraception, soit une femme ayant un projet de grossesse, soit une femme enceinte, soit une femme venant d’accoucher) [17] ;
  • les nouveau-nés pour certains vaccins ;
  • et l’entourage du nourrisson.

8Dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, un amendement a toutefois été déposé par la députée Bérengère Poletti (de La République En Marche) afin de compléter le dispositif existant. Cet amendement propose d’élargir les compétences vaccinales des sages-femmes. L’article 7 sexies A (qui a été introduit dans le projet de loi après adoption en séance publique à l’Assemblée Nationale de cet amendement) modifie ainsi les termes de l’alinéa 1er de l’article L. 4151-2 du CSP relatif à la compétence vaccinale des sages-femmes, en remplaçant les mots « du nouveau-né » par les mots « de l’enfant ». Autrement dit, dans un souci d’extension de la couverture vaccinale en France, cet article, qui dans la loi du 24 juillet 2019 deviendra l’article 31, vise à autoriser les sages-femmes à prescrire et pratiquer les vaccinations de l’enfant, et non plus seulement celles du nouveau-né. Il convient toutefois de noter qu’il reviendra à la HAS de se prononcer sur les vaccinations susceptibles d’être réalisées par les sages-femmes sur l’enfant et à l’autorité administrative de fixer la liste des vaccins autorisés [18].

9Le projet de loi (et la loi) ne s’est toutefois pas contenté(e) d’étendre les compétences vaccinales des sages-femmes. Il a également renforcé le rôle du pharmacien en matière de vaccination.

II – Autorisation des pharmaciens à prescrire certains vaccins

10Si jusqu’à récemment seuls un médecin, un infirmier ou une sage-femme pouvaient réaliser une vaccination, il est apparu nécessaire de multiplier les « opportunités vaccinales » afin d’assurer une meilleure couverture vaccinale contre la grippe. En effet, multiplier ces opportunités participe d’une simplification du parcours vaccinal. Or une telle simplification a été identifiée, parmi d’autres facteurs, comme un levier de confiance et d’amélioration de la couverture vaccinale [19]. C’est précisément dans ce contexte que les pharmaciens d’officine, acteurs de proximité, se sont vus reconnaître des compétences vaccinales. Cette réforme ne peut être que louée tant les pharmacies d’officine sont « idéalement placées pour offrir une capacité supplémentaire d’offres de vaccination » [20]. En effet, les pharmaciens sont d’accès facile en raison de « [l’] amplitude horaire d’ouverture [des officines], plus large que les horaires de travail conventionnels (soirs et WE), […], l’absence de nécessité de prise de RDV ainsi que [l’] excellent maillage [des pharmacies] sur l’ensemble du territoire, y compris dans des zones rurales ou de déserts médicaux » [21].

11C’est la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 [22] qui a tout d’abord permis la conduite d’expérimentations relatives à la vaccination contre la grippe saisonnière par les pharmaciens d’officine. Cette expérimentation a été, dans un premier temps, mise en place dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle Aquitaine pour la saison 2017-2018 puis elle a été étendue à deux régions supplémentaires (Occitanie et Hauts-de France) pour la saison 2018-2019. Or, ces deux années d’expérimentation ont été particulièrement concluantes dans la mesure où elles ont permis à près d’un million de Français d’être vaccinés contre la grippe saisonnière par leur pharmacien. Cette expérimentation a donc été par la suite généralisée sur tout le territoire français par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 [23], qui prévoit que la vaccination fait désormais partie des missions pouvant être exercées par les pharmaciens d’officine sur l’ensemble du territoire. « Le législateur a ainsi sécurisé l’acte de vaccination officinale en le soustrayant explicitement au champ de l’exercice illégal de la médecine [24] et a inséré un nouvel alinéa sous l’article L. 5125-1-1 A du Code de la santé publique, prévoyant que les pharmaciens peuvent effectuer les vaccinations, dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la santé, après avis de la Haute Autorité de santé » [25].

12La généralisation de cette expérimentation au territoire national va ainsi permettre aux pharmaciens d’officine de vacciner contre la grippe saisonnière dès le mois d’octobre 2019 [26]. Au préalable, ils auront toutefois dû, d’une part, valider une formation théorique et pratique à la vaccination, d’autre part, adapter leur espace professionnel à cette nouvelle activité. L’objectif de cette mesure est ainsi d’inciter, notamment les personnes les plus vulnérables au virus, à se faire vacciner, notamment dans les territoires où il est difficile d’obtenir un rendez-vous chez un médecin. Pour le moment, toutefois, les pharmaciens ne peuvent vacciner que contre la grippe saisonnière et qu’une population cible [27]. Cette mesure poursuit ainsi l’objectif de simplification du parcours vaccinal et répond à la volonté de « rapprocher les citoyens de la vaccination » [28]. Elle devrait également dégager du temps médical de façon à permettre aux médecins de « se recentrer sur les tâches nécessitant une expertise médicale et les prises en charge les plus complexes » [29].

13La question se pose aujourd’hui de savoir s’il ne conviendrait pas d’élargir les compétences vaccinales des pharmaciens d’officine dans le cadre de la vaccination contre la grippe saisonnière [30] (voire plus largement encore). Ne faudrait-il pas en effet simplifier encore plus le parcours vaccinal notamment « de ceux qui ne vont pas dans les cabinets médicaux car ils ne sont pas malades ? » s’interroge Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Le projet de loi ne se prononce toutefois pas sur le sujet [31].

14Un amendement concernant la compétence vaccinale des pharmaciens déposé par la députée Agnès Firmin Le Bodo (UDI, Agir et Indépendants) a néanmoins été adopté en séance publique à l’Assemblée nationale. Cet amendement, qui a conduit à l’introduction dans le projet de loi d’un article 7 sexies B, propose en effet de permettre aux pharmaciens de prescrire certains vaccins soumis à prescription médicale obligatoire (PMO). C’est en réalité pour prendre en compte le fait que les vaccins issus des biotechnologies, qui doivent faire l’objet d’une procédure centralisée et qui bénéficient donc d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) accordée par la Commission européenne, sont soumis à prescription médicale obligatoire [32] que cet article a été inséré dans le projet de loi [33].

15Cet article, devenu l’article 32 dans la loi du 24 juillet 2019, prévoit ainsi de modifier l’article L. 5125-1-1 A du Code de la santé publique relatif aux compétences des pharmaciens d’officine, en prévoyant expressément la possibilité pour ces derniers de prescrire certains vaccins soumis à PMO, dans des conditions fixées par arrêté après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Il prévoit également de modifier la disposition relative à l’exercice illégal de la médecine (article L. 4161-1 du CSP) de façon à ce que les pharmaciens qui prescriraient des vaccins, conformément à ce que prévoira l’arrêté à venir, échappent à la sanction pénale d’exercice illégal de la médecine [34].

16Cet article ne propose donc en aucun cas de « déclasser » les vaccins mais exclusivement d’autoriser les pharmaciens d’officine à prescrire certains vaccins alors même que ces derniers seraient soumis à PMO. L’insertion de cet article ne peut être que saluée. Car si l’on autorise le pharmacien à vacciner contre la grippe saisonnière mais que ce vaccin est un médicament à PMO, le parcours vaccinal ne sera en réalité que marginalement simplifié. En effet, la personne devra préalablement se rendre chez son médecin pour se faire prescrire ledit vaccin avant de pouvoir se faire vacciner par son pharmacien. Aussi est-ce afin de permettre aux pharmaciens d’officine de participer réellement à la politique de renforcement de la couverture vaccinale que cet article a été introduit.

17On peut ainsi espérer que cette simplification du circuit vaccinal permettra de mieux lutter contre une certaine « inertie à l’égard de la vaccination » [35]. Quant à l’élargissement des compétences vaccinales des sages-femmes l’avenir nous dira s’il a eu un réel effet sur la couverture vaccinale…

Notes

  • [1]
    Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, JO du 27 janv. 2016.
  • [2]
    S. BRISSY, « Partie 7 : Professions de santé, chapitre 2 : Les champs d’action des professionnels de santé », in La loi santé, Regards sur la modernisation de notre système de santé, sous la dir. Anne Laude et D. Tabuteau, Presses de l’EHESP, 2016, p. 333.
  • [3]
    Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, JO 26 juill. 2019.
  • [4]
    Ainsi qu’une défiance croissante de la population à l’égard de la vaccination (sur les causes de cette défiance : Voir Rapport du comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination, 30 nov. 2016, p. 11 et s.).
  • [5]
    Loi n° 2017-1836 du 30 déc. 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, JO du 31 déc. 2017.
  • [6]
    Article 59 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, JO du 23 déc. 2018. Nous allons y revenir.
  • [7]
    Mis en place en 2018, ce plan « Priorité Prévention » est un projet interministériel d’envergure pour améliorer la santé de la population. Et il s’inscrit plus largement dans le cadre de la Stratégie nationale de santé. Le 25 mars dernier, le Comité interministériel pour la santé (CIS), présidé par le Premier ministre, a réuni 12 ministres autour des thématiques de la prévention et de la promotion de la santé. Ce rendez-vous a notamment été l’occasion de faire le bilan des mesures engagées dans le plan « Priorité prévention » lancé en mars 2018 et de présenter les nouvelles mesures pour 2019. Parmi ces nouvelles mesures, certaines concernent la vaccination : il s’agit notamment de permettre aux médecins du travail de prescrire des vaccins, il s’agit également du lancement pour la première fois en avril 2019 de la diffusion d’une campagne grand public sur les principaux médias nationaux, […] avec pour objectif de revaloriser et promouvoir la vaccination auprès des Français, inciter les Français à se faire vacciner, à faire vacciner leur entourage et faire connaître le site vaccination-info-service comme source de référence sur la vaccination.
  • [8]
    Voir également dans ce sens la proposition 21 du Livre Blanc de la profession infirmière « Reconnaître la contribution infirmière au système de santé », oct. 2019, qui recommande d’étendre la vaccination par les infirmiers des adultes sans prescription médicale.
  • [9]
    Il convient de noter qu’un amendement a également été déposé en ce sens dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
  • [10]
    Elle rappelle d’ailleurs que depuis son arrivée au gouvernement elle a largement œuvré dans ce sens : le décret sur la pratique avancée a en effet été publié, la généralisation de la vaccination anti-grippale par les pharmaciens a été votée. Elle indique en outre travailler actuellement sur l’évolution du métier d’aide-soignant dans le cadre du projet de loi sur la dépendance.
  • [11]
    Etant précisé que l’on attend une réponse de la HAS pour le second semestre 2019.
  • [12]
    Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, JO du 27 janv. 2016.
  • [13]
    Articles L. 2212-1 et suivants du Code de la santé publique.
  • [14]
    Article L. 4151-1 du Code de la santé publique.
  • [15]
    L’article D. 4151-25 du Code de la santé publique précise, dans son alinéa 2, que « L’entourage comprend les personnes vivant dans le même domicile que l’enfant ou fréquentant régulièrement ce domicile, ou étant chargées de sa garde régulière en ce lieu ». L’alinéa 1er de ce même article dispose par ailleurs que : « La sage-femme peut prescrire et pratiquer les vaccinations de l’entourage, dès la grossesse de la mère et pendant la période de huit semaines qui suit l’accouchement, conformément au calendrier des vaccinations mentionné à l’article L. 3111-1 et dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 4151-2 ».
  • [16]
    Article L. 4151-2 alinéa 2 du Code de la santé publique tel qu’issu de la loi du 26 janvier 2016.
    Il convient de noter que le législateur avait suivi les avis du Haut conseil de la santé publique – dont les compétences ont été transférées à la HAS - du 20 févr. 2014 relatif à la stratégie vaccinale contre la coqueluche chez l’adulte dans le cadre du cocooning et dans le cadre professionnel, et l’avis du 23 oct. 2015 relatif à l’extension des compétences des sages-femmes en matière de vaccination des personnes de l’entourage d’un nouveau-né.
  • [17]
  • [18]
    L’article 7 sexies A a par la suite été modifié de façon à que l’article L. 4151-2 du Code de la santé publique dans sa rédaction résultant de l’adoption de la loi du 24 juillet 2019, soit étendu au territoire des îles de Wallis et Futuna.
  • [19]
    Rapport du comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination, 30 nov. 2016, p. 19 et s.
  • [20]
    Recommandation vaccinale de la HAS, Extension des compétences des professionnels de santé en matière de vaccination, Vaccination contre la grippe saisonnière, juillet 2018, p. 51.
  • [21]
    Ibid.
  • [22]
    Article 66 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017, JO du 24 déc. 2016.
  • [23]
    Article 59 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, JO du 23 déc. 2018.
    Cet article pérennise, à compter du 1er mars 2019, le dispositif introduit par la LFSS pour 2017, étant précisé qu’il était prévu que les expérimentations prennent fin à la même date.
  • [24]
    Article L. 4161-1 du Code de la santé publique.
  • [25]
    J. PEIGNÉ, « La possibilité pour les pharmaciens de vacciner est actée », Dictionnaire permanent Santé, Bioéthique, Biotechnologie, janv. 2019.
  • [26]
    La campagne d’immunisation contre la grippe a été lancée le 15 octobre dernier.
  • [27]
    La population cible a été précisée par un arrêté du 23 avril 2019 : il s’agit des personnes majeures ciblées par les recommandations vaccinales en vigueur à l’exception des personnes présentant des antécédents de réaction allergique sévère à l’ovalbumine ou à une vaccination antérieure.
  • [28]
  • [29]
    Dossier presse « Ma santé 2022 » : un engagement collectif : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/ma_sante_2022_pages_vdef.pdf
  • [30]
    La HAS, dans sa recommandation vaccinale de juillet 2018, s’est d’ailleurs prononcée en faveur de l’harmonisation des compétences des différents professionnels de santé impliqués dans la vaccination contre la grippe (Recommandation vaccinale de la HAS, Extension des compétences des professionnels de santé en matière de vaccination, Vaccination contre la grippe saisonnière, juill. 2018, p. 59).
  • [31]
    Ni même la loi du 24 juillet 2019 d’ailleurs.
  • [32]
    L’article 71 de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain dispose en effet que :
    « Les médicaments sont soumis à prescription médicale lorsqu’ils :
    —sont susceptibles de présenter un danger, directement ou indirectement, même dans des conditions normales d’emploi, s’ils sont utilisés sans surveillance médicale, ou
    —sont utilisés souvent, et dans une très large mesure, dans des conditions anormales d’emploi et que cela risque de mettre en danger directement ou indirectement la santé, ou
    —contiennent des substances ou des préparations à base de ces substances, dont il est indispensable d’approfondir l’activité et/oules effets indésirables, ou
    —sont, sauf exception, prescrits par un médecin pour être administrés par voie parentérale ».
  • [33]
    Rapport n°524 (2018-2019) de M. Alain MILON, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 22 mai 2019, p. 133 : « Cet amendement part du constat qu’à l’avenir, un certain nombre de vaccins pourraient évoluer du statut de médicaments à prescription médicale facultative à celui de médicaments à prescription médicale obligatoire (PMO), sous l’impulsion de la réglementation européenne1et de l’introduction sur le marché de plus en plus de vaccins en procédure centralisée ».
    Il faut savoir qu’en France l’exigence d’une prescription médicale résulte de l’inscription du médicament, ou des substances le composant, sur la liste 1 ou 2 des substances vénéneuses visée à l’article L. 5123-6 du Code de la santé publique.
  • [34]
    Il convient de préciser que l’article L. 4161-1 du CSP, dans sa version issue de la loi du 24 juillet 2019, est applicable à Wallis-et-Futuna, c’est en effet ce que prévoit l’article 7 sexies B du projet de loi, devenu l’article 32 de la loi du 24 juillet 2019.
  • [35]
    Rapport du comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination, 30 nov. 2016, p. 12.
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